La bataille de la Piave


Les 6 et 7 mai 1809, l'Armée d'Italie se positionne le long de la Piave et se prépare à la bataille contre l'armée de l'archiduc Jean, qui fait tête sur l'autre rive. Le prince Eugène pense que la brigade légère qu'il vient de former aura un rôle important à jouer dans la bataille qui s'annonce, et il l'augmente jusqu'à la taille d'une division, remplaçant le colonel Renaud par l'énergique général Dessaix, un des brigadiers de Broussier. Cette division légère comprend maintenant six bataillons de voltigeurs, le 9e chasseurs à cheval et quatre pièces d'artillerie.

La rivière qui sépare les Français des Autrichiens, est large de plusieurs centaines de mètres, et coule du nord-ouest au sud-est (elle se jette dans le golfe de Venise). 

Ayant tiré les leçons de Sacile, et sans doute mieux conseillé, Eugène a cette fois-ci concentré, avant de se lancer dans la bataille, six divisions d'infanterie, trois de cavalerie, la division légère de Dessaix, la Garde royale italienne et l'artillerie de réserve du général Sorbier. Il dispose donc d'environ 50.000 hommes, alors que l'archiduc Jean n'en a pas plus de 30.000. Ceux-ci sont concentrés entre la Piave et Conegliano, environ 15 kilomètres à l'est.

Après une reconnaissance approfondie de la rive gauche de la rivière, le 7 mai, par le 8e chasseurs et les dragons de Pully, le prince Eugène se décide pour un audacieux plan d'attaque, qui doit commencer le lendemain matin, concentrée sur les gués de la Piave. Durant la nuit, profitant de l'obscurité, l'armée d'Italie prend position. Le premier gué, situé sur la gauche des Français, à Nervesa, est assigné à la division Serras, qui devra effectuer ici une fausse tentative et attirer à lui le gros de l'armée de l'archiduc, pendant que le corps d'armée de Grenier et les trois divisions de cavalerie (Sahuc, Grouchy, Pully) passeront, sans être vus, la rivière à San Nichiol, à l'extrême droite et l'attaquera par le sud.  Le point critique est le centre, à Priua, où l'arrière garde de Frimont a brûlé le pont.

Le généralBaaguey d'HilliersLe plan prévoit que la division légère de Dessaix passera la Piave au lever du jour, et y maintiendra une tête de pont, pendant que le génie construira rapidement un pont de pontons, pour permettre à Macdonald et Baraguey d'Hilliers de passer, et de tomber sur les autrichiens, que l'archiduc a déployé pour couvrir ses mouvements sur ses deux ailes, à Nervesa et San Nichiol. Sur la rive gauche, au centre, Sorbier devra masser une batterie d'artillerie pour couvrir la position  de Dessaix sur la rivière, jusqu'à ce que le pont soit achevé.

La veille de la bataille, l'archiduc Jean est à Suisignano, et son VIIIe corps est étendu depuis ce village jusqu'au hameau de San Lucia. Le IXe corps de Giulay se trouve entre San Lucia et Bocca di Strada, près de Nervesa. Trois bataillons et des piquets de cavalerie gardent la rive droite e la rivière, de Nervesa à Priula. Les rapports envoyés à Eugène indiquent que les Autrichiens continuent leur retraite et n'envisagent pas une bataille.

Quand le jour se lève, le 8 mai, les batteries d'artillerie ouvrent le feu tout le long de la rivière, de Nervesa à Ponte di Piave. Les pièces de Seras et de Grenier font un tir de barrage sur les ailes, tandis que les pièces de 12 de la réserve de Sorbier, arrose la plaine, de l'autre coté de la rivière, près de Priula, repoussant un bataillon autrichien, surpris dans sa tâche d'observer les pont abandonnés par Frimont. Sous cette excellente couverture de Sorbier, Dessaix, ses voltigeurs et la cavalerie légère se jettent dans la Piave et commencent leur traversée (avec de l'eau jusqu'aux aisselles pour les fantassins,car la rivière a brusquement grossie) vers la rive droite.

Le bruit de la canonnade a alerté l'archiduc Jean, qui prend à cet instant son petit-déjeuner ! Il ne souhaite pas un affrontement important, mais s'il ne réussi pas à repousser l'attaque française, les divisions du prince Eugène auront passé la rivière avant midi, et ils s'empareront certainement de ses bagages et de ses trains.

La contre attaque de l'archiduc Jean est mal coordonnée et confuse. Une division de cavalerie (FML Christian Wolfskehl von Reichenberg) accompagne 24 pièces d'artillerie (GM Anton von Reisner) pour s'opposer au passage au centre, à Priula. Une autre division d'infanterie - six bataillon - et les hussards Archiduc Joseph, se rendent au trot vers San Nichiol pour accueillir Grenier et la cavalerie française. Quatre bataillons de grenadiers et deux bataillons de Grenzer Croates forment la réserve, à Campana, à un kilomètre à l'est de Priula, derrière une ligne de marais qui courent le long de la rivière.

A 8 heures du matin, les hommes de Dessaix ont passé la rivière et les ponts de pontons sont presque achevés. A peu près au même moment, les batteries de Reisner commence leur feu sur la division Dessaix, habilement formée en carré, pour résister au premier assaut de la cavalerie autrichienne, lancée par la division Wolfskehl.  Le feu autrichien est terriblement efficace, ouvrant des trous béants dans les lignes françaises. Tout autour du carré, les morts s'amoncèlent, les blessés trouvant refuge au centre du carré. Un habile feu de contre-batterie de la réserve de Sorbier sauve Dessaix.

Je m'empresse, monsieur le général duc de Raguse, de vous prévenir que l'armée a effectué hier de vive force le passage de la Piave, où elle était arrivée le 6 au soir. Cette opération, exécutée sous le feu de l'ennemi qu'il a fallu combattre depuis le point du jour jusqu'à la nuit, a mis son armée dans le plus grand désordre, et je le fais poursuivre avec la plus grande vigueur. Deux généraux prisonniers, trois tués, seize pièces d'artillerie, des pontons, beaucoup de prisonniers, sont les fruits de cette journée. (Eugène à Marmont, Conegliano, 9 mai 1809)

Dans le milieu de la matinée, la cavalerie française a passé la rivière à San Nichiol, et rejoint la division Dessaix. Le prince Eugène envoie alors Sahuc et Pully envelopper la position autrichienne, au centre, ce qu'ils réussissent, attaquant la cavalerie et l'artillerie autrichienne par les flancs. La division Wolskehl est mise en déroute et les batteries taillées en pièce par la cavalerie française. Wolfskehl et Reisner sont tués dans ces combats. Après avoir regroupés leurs régiments, Sahuc et Pully se mettent à la poursuite de la cavalerie autrichienne, qui s'enfuit vers Campana. Ils n s'arrêtent que lorsqu'ils se trouvent face à l'infanterie autrichienne, placée en réserve.

La défense de l'archiduc Jean à Priula est brisée, et il peut juste prier qu'il puisse contenir les français sur la rive droite, jusqu'à l'arrivée de la nuit, qui permettra à ses troupes de disparaître derrière Conegliano. D'un autre coté, les Français, pour l'instant, ne peuvent revendiquer une victoire. La nature et le temps jouent contre eux. Les eaux de la Piave continuent de monter, et prennent de la vitesse vers midi. Le pont de pontons est submergé par les eaux, ne laissant apparaître que deux cordages permettant de diriger les fantassins qui traversent.

Macdonald, qui attend sur la rive gauche avec ses deux divisions, fait son possible pour arrêter les soldats de Dessaix, qui ont fuit et cherché refuge de ce coté de la rivière. Il se jette à l'eau, l'épée à la main, invectivant les fugitifs. Puis, ses divisions (Broussier et Lamarque) commencent à traverser la rivière, qui ressemble maintenant à un torrent. Ce passage est terminé avant une heure de l'après-midi. Plusieurs hommes ont été emportés par les eaux. Après s'être reformé sur la rive droite, Macdonald rejoint les divisions de cavalerie, l'artillerie de Sorbier, qui est passée sur le pont de pontons un eu plus tôt, et une partie de la division Durutte, venant du gué de San Nichiol.

A trois heures, la presque totalité de l'armée française se trouve sur la rive gauche de la Piave, où Eugène dispose maintenant de 30.000hommes, n'ayant devant lui qu'une ligne ténue d'autrichiens. Il décide donc de continuer son attaque jusqu'à la nuit [1]. A 4 heures, l'artillerie française bombarde la ligne autrichienne, en préparation de l'attaque, tandis que la division légère et la cavalerie de Sahuc contiennent le VIIIe cors autrichien, sur la gauche du prince Eugène. Grenier attaque sur la droite, pour tenter de tourner la gauche affaiblie de l'archiduc Jean. Deux divisions de dragons appuient les fantassins de Grenier. L'assaut principal sur le centre est conduit par  Macdonald.

J'ai reçu ta lettre, mon Cher Eugène; j'y ai vu avec plaisir que tu as repris courage; j'ai appris par une dépêche télégraphique le succès que tu as obtenu le 8 de ce mois. Il parait, d'après la lettre de la princesse Auguste à la reine de Hollande, que tu as été content de ce que l'Empereur t'a écrit. Je sais combien tu as le désir de lui plaire et je t'engage à lui écrire souvent et à entrer dans les plus petits détails sur toutes les opérations de l'armée d'Italie. (Joséphine à Eugène, Strasbourg, 14 mai 1809)

Alors que l'aile gauche de l'archiduc Jean plie sous le poids des attaques de Grenier, Macdonald attaque avec force au centre de la ligne autrichienne. Le IXe  se désagrège devant les soldats de Macdonald. L'archiduc envoie sa dernière réserve de grenadiers, mais ils sont submergés par le nombre et laissent rapidement passer Macdonald. Broussier et Lamarque entrent dans Campana, avant que Macdonald les poussent sur Bocca di Strada où il font leur jonction avec les dragons de Grouchy et de Pully. Les autrichiens sont en déroute à la tombée d jour, vers 7 heures du soir.

Les troupes de l'archiduc s'enfuient par Cornegliano et Sacile. Le 11 mai, elles repassent le Tagliamento.

Les pertes des Autrichiens sont de 5.000 tués et blessés et 2.000 prisonniers. Celles des Français s'élèvent à environ 2.000. Ils se sont emparés de 14 canons, de 30 caissons et de nombreux bagages. 


NOTES

(1) Si l'on en croit Macdonald dans ses Mémoires, c'est lui-même qui aurait forcé Eugène dans cette décision, le vice-roi étant pour sa part très réservé sur la une continuation de la bataille.