Le Congrès de Vienne
"Pour que cela aille bien, il faut que chacun parte mécontent et ait dû faire des sacrifices. C'est de ces sacrifices partiels que doit naître l'accord de tous, le bien général." (Talleyrand)
Les enjeux du Congrès.
La tâche primordiale dévolue au Congrès consiste à redistribuer les conquêtes de la France révolutionnaire et impériale, et elles sont nombreuses: Espagne, Portugal, Belgique, Hollande, Hambourg, Dantzig, rive gauche du Rhin, royaume de Westphalie, Suisse, Piémont-Savoie, Italie (dans sa presque totalité), Istrie, Dalmatie, Slovénie. Et il faut absolument restaurer une communauté d'intérêt germanique, François I ayant renoncé, en 1806, à la couronne du Saint-Empire.
Les divers appétits se font jour:
La Russie: elle entend bien reconstituer sous son autorité la Pologne toute entière: gardant la partie gagnée sur la Prusse et obtenant l'ancienne partie autrichienne, quitte à ce que ces deux puissances trouvent des compensations ailleurs (la Prusse en Allemagne, l'Autriche en Italie).
La Prusse: tout en gardant sa partie de Pologne, elle aimerait bien de s'arrondir de toute la Saxe. Si elle doit perdre des morceaux de Pologne, elle compte sur la Russie pour obtenir de conséquents dédommagements.
L'Autriche: son but est de remettre la main sur l'Italie, sans pour autant perdre une seule parcelle de Pologne (elle craint une Russie trop forte, aux desseins évidents sur les Balkans).
L'Angleterre: son but est de brider la France, par exemple par la création d'un royaume des Pays-Bas, agrandi de la réunion de la Belgique à la Hollande, et l'établissement, sur le Rhin, d'une puissance allemande forte. Comme Constantinople occupe les pensées du cabinet britannique, elle n'est pas décidée à céder la Pologne à Moscou.
Les Quatres se réunissent à Londres, en juin 1814. Mais ils ne parviennent pas à régler leurs différents et le traité de Londres (29 juin) se borne à préciser que le Congrès ne sera ouvert que lorsque les Quatre Puissances se seront entendues. Dans la coulisse, les jeux semblent déjà faits: Prusse et Russie se sont mis d'accord: la première cède sa Pologne à la seconde, étant entendu qu'elle lui fera donner toute la Saxe (sans préjudice d'autres acquisitions). De leur coté, l'Autriche et l'Angleterre sont en principe d'accord pour refuser la Pologne à la Russie, mais sont loin de s'entendre sur la Saxe.
On le voit, les jeux sont loin d'être faits !
Et la France ?
Louis XVIII n'a, c'est clair, rien à revendiquer pour la France. Après tout, le traité de Paris lui a rendu la France à peu près dans l'état où il l'avait quittée en 1791. Il donne à Talleyrand, son représentant, la tâche de tenter de regrouper, autour de lui, les États "secondaires", d'agir en représentant du principe de "légitimité" suivant lequel "la souveraineté ne pouvait être acquise par le simple fait de la conquête, ni passer au conquérant si le souverain ne la cède". (Qu'on ait donné à la France la Savoie va à l'encontre, selon lui, de ce principe de "légitimité", puisqu'elle appartient "légitimement" à son beau-frère de Sardaigne).