Juillet 1797   


Milan, 26 juillet 1797

Aux inspecteurs du Conservatoire de Musique

J'ai reçu, Citoyens, votre lettre du 16 messidor, avec le mémoire qui y était joint. On s'occupe, dans ce moment-ci, dans les différentes villes d'Italie, à faire copier et mettre en état toute la musique que vous demandez.

Croyez, je vous prie, que je mettrai le plus grand soin à ce que vos intentions soient remplies et à enrichir le Conservatoire de ce qui pourrait lui manquer.

De tous les beaux arts, la musique est celui qui a le plus d'influence sur les passions, celui que le législateur doit le plus encourager. Un morceau de musique morale et fait de main de maître touche immanquablement le sentiment et a beaucoup plus d'influence qu'un bon ouvrage de morale, qui convainc la raison sans influer sur nos habitudes.


Milan, 30 juillet 1797

Au chef des Maniotes

Le consul de la République française à Trieste m'a instruit de l'attention qu'avait eue Votre Seigneurie de m'envoyer une députation pour me faire connaître le désir qu'elle avait de voir dans son port des bâtiments français de l'armée d'Italie.

Les Français estiment le petit, mais brave peuple maniote, qui, seul de l'ancienne Grèce, a su conserver sa liberté. Dans toutes les circonstances qui pourront se présenter, ils lui donneront toujours des marques de leur protection et prendront un soin particulier de favoriser ses bâtiments et tous ses citoyens.

Je prie Votre Seigneurie d'accueillir agréablement les porteurs de la présente, qui ont le plus grand désir de voir de plus près les dignes descendants de Sparte, auxquels il n'a manqué, pour être aussi renommés que leurs ancêtres, que de se trouver sur un plus vaste théâtre.

La première fois que quelques-uns des parents de Votre Seigneurie auront occasion de venir en Italie, je la prie de vouloir bien me les adresser; j'aurai un vrai plaisir à leur donner des marques de l'estime que j'ai pour votre personne et vos compatriotes.

Maniates, " ancien peuple des Spartiates habitant la péninsule du cap Maléas...petit mais brave peuple de Mani qui est le seul de toute la Grèce antique à avoir gardé sa liberté....les Maniates sont les dignes descendants de Sparte, ceux qui ont toutes les qualités pour égaler leurs ancêtres..." (Renseignement fourni par Claude-Bernard Walemme)

Les Magnotes sont les habitants du Magne, région du Sud Péloponese. En 1675, 730 magnotes vinrent avec permission des Génois se réfugier en Corse pour fuir les persécutions turques. Ils s'établirent assez paisiblement mais lors de la grande révolte de 1729 des Corses contre les Génois, considérés comme des "collaborateurs", ils furent attaqués par les insulaires, et durent se réfugier à Ajaccio. Après cette date, ils devinrent effectivement supplétifs des Génois puis des Français auxquels ils fournirent des compagnies franches lors de leurs occupations successives et lors de la prise de possession définitive de l`île de 1768-1769. Le comte de Marboeuf, gouverneur de l`île, les établit alors à Cargèse, où leurs descendants sont encore. En 1797, Bonaparte songe à une expédition dans les Balkans, d`autant que les Français occupent maintenant les îles ioniennes, confisquées à Venise. Le Bey du Magne envoie son fils, porteur de lettres lui demandant son aide pour chasser les Turcs. Bonaparte envoie sur place deux Magnotes de Corse, Dimo et Nicolo Stephanopoli pour examiner la situation. Mais bientôt l`expédition d`Egypte aura la priorité, mettant la libération des Balkans à plus tard.  (Précision fournies par Didier Davin).