Mai 1797   


Présurné de Milan, 14 mai 1797

Aux gardes nationales de la République Cisalpine

C'est à vous, braves camarades, qu'il appartient de consolider la liberté de votre pays.

C'est le soldat qui fonde les républiques, c'est le soldat qui les maintient. Sans armée, sans force, sans discipline, il n'est ni indépendance politique, ni liberté civile.

Quand un peuple entier est armé et veut défendre sa liberté, il est invincible.

Mon premier soin a été de faire rédiger une organisation des gardes nationales qui doit être dans le plus bref délai mise à exécution. Désormais la souveraineté sera exercée par les mandataires du peuple, c'est donc au peuple entier à la défendre. Désormais le peuple des campagnes contribuera, comme celui des villes, au gouvernement et à l'administration. Il n'est plus de privilège dans l'état, parce que la loi a pour but le bonheur de tous. Tous les citoyens doivent donc être animés d'un même désir et s'exercer également au maniement des armes pour pouvoir défendre et soutenir cette liberté, objet des solicitudes et de l'envie de tous les peuples de la terre.


Mombello, 27 mai 1797, 1 heure et demie du matin

Au Directoire Exécutif

Citoyens Directeurs, vous trouverez ci-joint la ratification de l'Empereur du traité préliminaire. Le plénipotentiaire de l'Empereur aurait désiré, à ce qu'il m'a paru, que cela eût été transcrit sur du parchemin, et que les sceaux eussent été un peu plus volumineux. Je crois qu'effectivement la première observation est juste, et peut-être jugerez-vous désormais devoir employer le parchemin à des transactions dont le souvenir doit se conserver longtemps.

Vous trouverez ci-joint l'espèce de protestation qu'il a faite; je l'ai reçue purement et simplement, sans même lui en accuser la réception. Il parait qu'en traitant avec le roi de France, l'Empereur ne donnait point l'alternative. Cela est pour eux d'une importance singulière; ils allèguent que le roi de Prusse agirait comme agira la France, et que l'Empereur serait vraiment dégradé de son rang et que ce serait un déshonneur pour cette puissance.

Comme l'Empereur mettra à cela autant d'importance qu'aux limites du Rhin, je vous prie de me marquer l'importance que vous y mettez vous-mêmes.

Peut-être serait-ce une sottise de leur part à mettre une pure formalité, qui nous maintiendrait en Europe au rang où nous étions, contre des avantages réels. J'aimerais beaucoup mieux que l'on continuât à agir dans toutes les transactions comme a agi le roi de France, et ensuite, d'ici à deux ou trois ans, lorsque la circonstance se présentera de passer une transaction nécessaire à l'Empereur, un décret du Corps législatif déclarerait que les peuples indépendants sont égaux en droits; que la France se reconnaît l'égale de tous les souverains qu'elle a vaincus et n'en reconnaît point de supérieurs. Cette manière de faire tomber cette étiquette, qui s'écroule d'elle-même par sa vétusté, me parait plus digne de nous et surtout plus conforme à nos intérêts dans le moment actuel; car, s'il est prouvé que l'Empereur veut persister dans cette étiquette plutôt que nous empêcher d'avoir deux ou trois villages, ce serait un mauvais calcul.