Mai 1800


Paris, ler mai 1800

Au général Bernadotte, commandant en chef l'armée de l'Ouest

La première chose que vous avez à faire, Citoyen Général, est de faire partir l'expédition de Saint-Domingue et de faire fournir tout ce qui serait nécessaire.

Georges paraît être mal intentionné. L'on m'assure même qu'à l'heure qu'il est il a passé en Angleterre; si vous pouvez sûrement le saisir, arrêtez-le.

Les prêtres paraissent se bien comporter; il faut les contenter le plus possible. Liberté entière du culte. L'abbé Bernier est un homme fort adroit, qui a beaucoup aidé à la pacification : montrez-lui de la confiance.

Châtillon n'est pas dangereux non plus; je le crois décidé à vivre tranquille.

Les partis sont, dans ce pays-là, poussés à l'extrême plus que dans aucune autre partie de la France; restez le plus possible au milieu.

Les patriotes qui ont été vexés par les chouans, dans les endroit où ceux-ci ont été les plus forts, ont besoin de savoir que, loin de les approuver, le Gouvernement a, au contraire, l'intention de les contenir, lorsqu'ils voudraient se livrer à leurs ressentiments particuliers.

Tous les généraux qui sont dans l'armée de l'Ouest ont besoin d'être amenés à cette unité qui est le principe d'une armée. Contenez ceux qui voudraient n'agir que d'après leur tête.

Il faut le plus possible maintenir la paix, surtout pendant la campagne, où vous sentez qu'il est possible que des événements oblige à diminuer votre armée, mais presque aucun à l'augmenter.

Vous ferez bien de beaucoup courir, mais je crois que votre quartier général doit être à Rennes; vous y serez à portée de vous porter avec plus de rapidité sur les points qui seraient le plus menacés. Je ne doute pas que, dans quelques mois, la République n'ait à se louer des services que vous lui aurez rendus dans ce poste comme dans tous ceux que vous avez occupés. Au reste, la confiance du Gouvernement en vous est entière.


 Paris, 1er mai 1800

Au général Berthier, commandant en chef l'armée de réserve, à Dijon

Vous trouverez ci-joint copie de la lettre que je reçois à l'instant de Suchet; vous y verrez, Citoyen Général, notre véritable situation en Italie.

Donnez l'ordre à la division Loison de se diriger par le plus court chemin sur Lausanne ou Genève.

La division Watrin  doit être, à l'heure qu'il est, arrivée à Genève; faites la filer de suite sur Villeneuve et Saint-Maurice.

La division Boudet doit être arrivée à Genève et Nyon; faite-la également filer sur Villeneuve.

Faites partir de Bourg un détachement de 1,500 Italiens, et, en général, de tout ce qui est armé et dans le cas de se battre. Dirigez-les en toute diligence sur Genève. Le reste attendra, pour se mettre en marche, l'arrivée des armes.

Le général Chabran doit, si j'ai bonne mémoire, être à Genève avec 1,500 hommes de sa division. Dirigez-le sur le petit Saint- Bernard. Avec ce corps de troupe et les 5 on 600 hommes qu'il y trouvera, il attirera de ce côté-là l'attention de l'ennemi.

Faites partir de Cbâlon et de Mâcon les bataillons de l'armée d'Orient qui sont armés et que vous comptez employer. Qu'ils se rendent à marches forcées sur le petit Saint-Bernard, où ils trouveront le général Cbabran.

Je ne sais pas s'il y a des pièces de canon sur le petit Saint-Bernard . Écrivez au général Boyer, qui est à Chambéry, pour qu'il vous envoie sur-le-champ deux pièces sur le petit Saint-Bernard, qui seront aux ordres du général Cbabran.

Mon calcul serait que, le 17 ou le 18, le général Cbabran pourrait être au petit Saint-Bernard avec une division de 5, 000 hommes; elle se réunirait à Aoste avec le corps du général Victor, qui peut également se trouver ce jour sur le grand Saint-Bernard.

Je crois que la 28e de ligne est destinée par le général Moreau à défendre le grand Saint-Bernard. Vous pouvez la prendre pour faire l'avant-garde du général Watrin, puisqu'elle connaît mieux les chemins et est plus reposée.

J'imagine que toute votre armée a fait un mouvement sur Genève. Envoyez, je vous prie, un courrier au général qui commande à
Briançon, afin qu'il réexpédie un aide de camp à Genève, où je serai le 15. Vous le préviendrez qu'il se tienne prêt à marcher, avec toute l'artillerie et les munitions qu'il pourra atteler, et tous les hommes qu'il aura de disponibles.

J'arriverai sans faute à Genève le 16; j'aurai alors des nouvelles du général Moreau, et nous prendrons des mesures pour la diversion qu'il est indispensable de faire par le Simplon.

Mettez vous en correspondance avec le général qui commande dans la Suisse pour connaître l'état de ses forces.

J'estime votre présence très-nécessaire à Genève, spécialement pour la formation des magasins de Villeneuve, où il faut que les troupes puigsent prendre pour six jours de biscuit. Mettez en marche pour Villeneuve le plus de bœufs que vous pourrez.

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Faites partir toute la garde des Consuls pour Genève. Laissez cependant 25 hommes de cavalerie à Dijon, pour mon logement.


 Paris, 1er mai 1800

Au citoyen Carnot, ministre de la guerre

Je vous prie, Citoyen Ministre, d'expédier un officier d'état-major ou du génie très-intelligent; il aura ordre d'aller joindre le général Suchet, et de là le général Masséna.

Il fera connaître à ces deux généraux que l'armée de réserve est en pleine marche pour déboucher sur les Alpes, et que le 21 floréal elle sera en Piémont.

Vous ne lui remettrez aucune lettre, afin qu'en allant rejoindre le général Masséna, l'ennemi, s'il le prenait, ne trouvât aucune dépêche. Vous ferez connaître à cet officier à peu près la marche que doit tenir l'armée de réserve, afin qu'il en fasse part aux généraux Masséna et Suchet, qu'ils agissent selon les circonstances, et que, lorsque l'ennemi en sera affaibli devant eux pour se porter sur l'armée de réserve, ils tâchent de regagner le terrain perdu.

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Écrivez au général Saint-Hilaire qu'il mette en mouvement, par Antibes et Nice, les différents régiments de cavalerie qui sont sur le Rhône.

Il faudrait que cet officier fût porteur d'une centaine de mille francs, pour les hôpitaux de Nice.

 


Paris, 2 mai 1800

Au général Berthier, commandant en chef l'armée de réserve, à Dijon

Le quartier général du général Moreau, Citoyen Général, était le 12, à Saint-Blaise. Il avait pris deux pièces de canon et fait 300 prisonniers. Le général Vigovich, contre qui nous avons affaire en Italie, est chargé, avec un corps de 9,000 homme, 3,000 seulement de bonnes troupes, de la garde du Simplon, de Bellinzona et du Saint-Gothard. Son quartier général est à Arona.  J'imagine que vous établirez deux ateliers de réparation d'armes, un à Genève et un Auxonne. Faites remettre en activité celui de Chambéry, s'il existe toujours, et, faites-en passer les  débris à Genève.

Vous avez sept escadrons de cavalerie de l'armée d'Orient; sont-ils dans le cas de faire la campagne?

Je reçois une lettre de Murat d'après laquelle il paraît que le 7e de chasseurs est en bien mauvais état. S'il y a un escadron de 120 hommes en état de faire la campagne, attachez-le à une division, et, si vous jugez le reste hors d'état, dirigez-le sur la Hollande. Il sera remplacé par le10e de dragons, qui est en Hollande.

Je fais donner l'ordre, par un courrier extraordinaire, au général Augereau, de diriger ce régiment sur Genève. Il arrivera à temps pour remplacer vos pertes.

Il est parti aujourd'hui pour Dijon:

2 escadrons du 5e de dragons . . . . . . . .  260 hommes;
2 escadrons du 9e de dragons . . . . . . . . .300
1 escadron du ler de cavalerie . . . . . . . . 120
1compagnie du 3e de cavalerie . . . . . . . . 60
1 escadron du 5' de cavalerie . . . . . . . . . 120
1 escadron du 1er de hussards . . . . . . . .120
1 escadron du 15e de chasseurs . . . . .  . 120
Mes guides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
300 grenadiers de la garde;
60 canonniers à cheval de la garde;
6 pièces de canon avec double approvisionnement;
100 chevaux haut-le-pied;
Le dépôt de la 30e, fort de 500 hommes, est parti il y a plusieurs jours.
Le 18, partent 500 hommes du 1le de hussards.
Le 21 partent 400 hommes du 15e de chasseurs.
Tout ce qui part et partira de Paris est parfaitement harnaché et armé.

Le général Gardanne commandera la 6e division de votre armée; Il vient de se mettre en marche pour cet effet.

Indépendamment de ce que je vous ai annoncé ci-dessus, 230 chevaux sont partis aujourd'hui haut-le-pied; 600 chevaux des attelages de l'armée de l'Ouest ont ordre aussi de partir.

Je prends des mesures pour vous faire fournir 300 chevaux par Laumont, indépendamment des 800 que vous fournira le dépôt de Versailles pendant le courant du mois.

Dans la position où se trouve l'armée autrichienne d'Italie, affaiblie considérablement par la lutte qu'elle soutient dans la Rivière de Gênes,  30,000 hommes et trente pièces de canon vous rendent momentanément maître de l'Italie; mais je sens la nécessité de diriger une grande quantité de chevaux sur Auxonne, afin de pouvoir faire filer les munitions d'infanterie, les pièces de 12 dont vous avez besoin, sinon pour le premier, du moins  pour les deuxième et troisième actes de la campagne.

Mon aide de camp m'annonce qu'il vous a envoyé 3,000 fusils de Chalon; 4,000 sont partis il y a deux jours de Paris. Ceux de Saint-Étienne, Charleville, Liège, doivent enfin arrivés.

Je serai le 16 ou le 17 (6 ou 7 mai) à Genève.

J'imagine que vous avez sur le lac autant de barques que vous voulez pour transporter vos vivres à Villeneuve, où il faut que vous établissiez tout de suite un commandant -militaire et organisiez un dépôt.

D'après tout ce que je vois des manœuvres du général Melas suis intimement persuadé que sur toute la ligne de la Rivière de Gênes, compris le Levant, il n'avait pas plus de 40,000 hommes. A l'heure qu'il est, il en a perdu 15 000, prisonniers, tués ou malades. Ainsi il ne lui en reste pas 25,000. Je n'y comprends pas les 6,000 hommes de la cavalerie qu'il peut avoir dans les plaines d'Italie, ni le corps de 8,000 hommes qu'a le général dont je vous ai parlé plus haut.

Il faudrait tâcher d'avoir à Aoste vos quatre premières divisions le 22 (12 mai), ainsi que la division du général Cbabran.

D'après tous les renseignements qu'on m'a donnés, j'imagine que de Villeneuve à Aoste il n'y a que cinq jours. Il faudra au moins deux jours pour que ces cinq divisions puissent défiler par le Saint-Bernard.

L'ennemi ne s'attend pas du tout à l'opération que vous faites Il suppose bien qu'il est possible qu'une division de 10 à 12,000 hommes se présente pour dégager l'armée d'Italie, et dans ce cas-là ne la craint pas. J'ai des renseignements très-sûrs que l'on se moque à Vienne et en Italie de l'armée de réserve; on ne croit pas qu'elle soit prête avant le mois d'août, et on la regarde comme un rassemblement de conscrits pour compléter l'armée du Rhin.

Il faudrait, le 16, avoir à Villeneuve 4 à 5,000 rations, et le 20, le double de biscuit et 150 mulets au moins de réquisition ou autrement qui porteraient 30,000 rations au village de Saint-Pierre. Vous pouvez prendre des chars à bancs du pays. Ils y seraient arrivés le 19, et seraient de retour à Villeneuve le 21,  pour prendre une pareille charge qui arriverait à Saint-Pierre le 24. Si vous aviez deux transports de cette nature, vos approvisionnements seraient parfaitement assurés; il faut que vous envoyiez sur-le-champ un agent des transports, un commissaire des guerres et quelques brigades de vos mulets, si vous en avez, et de l'argent pour ce transport essentiel.  Il est nécessaire d'établir de suite un magasin à un village entre Saint-Pierre et le pied du Saint-Bernard, où vous ferez bien également de mettre un commandant et d'établir un hôpital, qui évacuera sur l'hôpital qui sera à Villeneuve et sur celui qui sera à Saint- Maurice.

Ainsi les troupes pourraient   prendre à Villeneuve pour quatre jours de biscuit; elles prendraient à Saint-Pierre pour trois jours, où le soldat seul prendrait. La cavalerie, les charretiers, 1'état-major, tout ce qui est à cheval, pourraient être tenus de prendre pour huit jours, ce qui les conduirait à Aoste; et pendant ce temps-là on continuerait d'approvisionner pour pourvoir au passage et à la retraite, si on y était forcé.

La saison, heureusement, rend la nourriture des chevaux plus facile; il faudrait cependant avoir un peu d'avoine au pied du Saint-Bernard et au couvent. Les moines doivent, à ce qu'on m'assure, avoir de l'orge et de l'avoine, qu'avec un peu, d'argent ils déterreraient.

Vous voyez que je m'occupe beaucoup de vos détails; mais c'est que c'est dans votre opération qu'est véritablement le succès de la campagne, et que je ne doute nullement que vous n'ayez la gloire de reconquérir ce beau théâtre de la valeur française.

Quant à l'armée du Rhin,  il est bien clair qu'au 20 il y aura quelque chose de décidé; et dès lors, elle pourra, dans le temps où vous arriverez à Aoste, préparer une forte diversion par le Saint-Gothard et le Simplon, de manière à déboucher au moment où vous auriez concentré sur vous toutes les forces de l'ennemi. J'estime qu'à la rigueur une simple division de 6,000 hommes d'infanterie et de 1,000 hommes de cavalerie qui viendraient par le Saint-Gothard, et 4,000 par le Simplon, vous seraient d'un secours puissant et rendraient infaillible votre opération.

Si Masséna ne se fait pas trop écraser, et s'il a le bon esprit ou de forcer  la ligne et prendre une position quelconque dans la Rivière de Gênes, ou de se laisser enfermer dans Gênes, l'attaque sur Gênes nous vaudra de grands avantages. Car vous n#auriez pas pu faire la même diversion sans une coopération immense de l'armée du Rhin,  si l'armée autrichienne eût eu le bon esprit de rester cantonnée sur le Pô


Paris, 2 mai 1800

PROCLAMATION

Habitants de Saint-Domingue, quelle que soit votre couleur, vous êtes égaux et également chers au Gouvernement. Un des premiers regards des Consuls s'est tourné vers vous; ils ont pris des mesures pour mettre fin à la guerre civile et pour vous rendre la paix, sans laquelle la liberté, l'égalité ne seraient pour vous que de vains noms. Il envoient au milieu de vous des hommes chargés de rappeler les sentiments qu'inspire la nature, et les devoirs que vous commandent les communs intérêts de la patrie.

Ils ne déploieront d'autorité que celle que la raison avoue; ils ne vous parleront que ce langage fraternel qui calme les coeurs aigris et console l'infortune. Après de longues erreurs et de grandes calamités, vous reconnaîtrez que les haines et les divisions n'enfantent que la ruine de tous les partis, qu'il n'est de prospérité, de bonheur, que dans l'union et dans l'obéissance aux lois.
Secondez les vues et les efforts du Gouvernement, et bientôt Saint-Domingue, cultivé par des mains libres, ne présentera plus qu'un peuple de frères, et redeviendra un objet d'orgueil pour la France et de jalousie pour le reste de l'univers.


Paris, 3 mai 1800

ARRÊTÉ.

Les Consuls de la République, sur le rapport du ministre de l'intérieur, arrêtent:

La maison de Pologne, sise rue Saint-Louis au Marais, est mise  provisoirement à la disposition du ministre de l'intérieur, pour y loger gratuitement les artistes les plus distingués dans les arts mécaniques.


Paris, 3 mai 1800 (13 floréal an VIII).

RÉPONSE  AUX PRÉSIDENTS DES TRIBUNAUX DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE
                                 

Lorsque des factions divisaient la France, la justice était mal administrée - cela devait être. Il y a dix ans que cet état dure, vous le ferez cesser. Vous n'examinerez jamais de quel parti était l'homme qui vous demandera justice; mais les droits de chacun seront pesés avec la plus sévère impartialité. C'est aux armes à assurer la paix avec les puissances étrangères, la justice est le moyen d'assurer la paix entre les citoyens.

Vous êtes nommés à vie, personne n'a le droit de vous destituer; vous n'êtes responsables de vos jugements qu'à vos consciences; vous serez impassibles comme la loi.

Le choix des magistrats qui composent les tribunaux du département de la Seine a été généralement applaudi; j'espère qu'en répondant à la confiance publique vous mettrez le Gouvernement dans le cas de se féliciter de plus en plus de vous avoir confié l'administration de la justice.


Paris, 4 mai 1800

Au général Berthier, commandant en chef l'armée de réserve, à Châlon.

Je reçois à l'instant votre courrier du 12 floréal. Voici les dernières nouvelles d'Italie.

Masséna était le 3 (23 avril) au pont de Cornigliano; ainsi il paraissait décidément bloqué dans Gênes.

Il avait fait l'échange des prisonniers avec le général Melas; mais il se trouvait en avoir 6,000 de plus que l'ennemi.

Il pourrait être arrivé :

1° Que Masséna capitulât et évacuât Gênes, s'entend sans être prisonnier, et vînt rejoindre son armée et prendre la ligne de Borghetto ou toute autre;
2° Que Masséna fût forcé dans Gênes.

Dans l'un et l'autre cas, vous sentez que, du 5 au 20, voilè quinze jours de différence, et que le général Melas n'a besoin que de huit jours  pour se porter de Gênes à Aoste et s'il parvenait là avant que vous eussiez débouché seulement avec 20,000 hommes , cela lui donnerait des avantages immenses pour vous disputer l'entrée en Italie.

Ainsi tâchez que le 20 (10 mai) le général Chabran, vos six premières demi-brigades, leur train d'artillerie, la demi-brigade de l'armée du Rhin qui garde le Saint-Bernard et le Valais, un millier d'hommes de cavalerie, soient à Aoste, et que le reste y arrive le 21 et 1e 23.

Je mets en marche encore quelques escadrons de cavalerie, entre autres le 7' de dragons, qui a été échangé, et je pars demain dans la nuit;  je serai le 18 à Genève.

Faîtes connaître, par un courrier, au général Moreau où est l'armée d'Italie; faites-1ui sentir que quelques demi-brigades de plus ne font rien pour lui, mais que quelques demi-brigades de moins compromettraient non-seulement l'armée de réserve, mais encore le comté de Nice.

Écrivez au général Moncey pour qu'il fasse filer sur le Simplon le plus de forces qu'il pourra, afin que vous ayez là 5 ou 6,000 hommes qui seraient à portée de vous rejoindre et de vous faire une puissante diversion.

Au reste, je vous expédierai ce soir un courrier par lequel je ferai connaître toutes les dispositions que je vais prendre pour que l'armée du Rhin vous seconde autant que possible.

Je ne sais pas si vous avez donné l'ordre à mes bagages de partir pour Genève; je donne cet ordre par ce courrier, pour qu'ils soient le 18 à Genève, où je me trouverai aussi.

Un million part demain pour Genève.


Paris, 4 mai 1800

Au citoyen Talleyrand, ministre des Relations extérieures

Vous trouverez ci-joint, Citoyen Ministre, copie d'une lettre que j'écris au général Augereau. Je vous prie d'écrire dans le même sens au citoyen Semonville et de lui dire qu'il fasse connaître au gouvernement batave combien je suis mécontent du peu d'empressement qu'il met à monter la cavalerie et équiper les troupes francaises qui sont à son service.

Lettres à Talleyrand


Paris, 4 mai 1800

ARRÊTÉ.

Les consuls de la République arrêtent ce qui suit:

ARTICLE 1er. - Tous l es italiens réfugiés en France par suite de l'invasion de l'Italie par les armées impériales se rendront à Bourg, département de l'Ain.
ART. 2. - Sont exceptés de cette disposition les femmes et les enfants et les hommes âgés de plus de soixante ans.
ART. 3. - Le ministre de la guerre donnera des ordres pour tous les corps, dépôts et détachements de troupes italiennes se rendent à Bourg.
ART. 4. - Les secours accordés aux réfugiés italiens ne seront payés  qu'à Bourg.
ART. 5. - Les ministres de la guerre, de la police et des relations extérieures sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté.


Paris, 5 mai 1800

Au citoyen Gaudin, ministre des Finances

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire partir les 500,000 francs avec un payeur de confiance et intelligent, en poste pour Genève, où il est indispensable qu'il soit arrivé le 10 au soir.

Ce caissier gardera ces fonds, et il ne les emploiera que d'après mes ordres.

Je désire que vous m'envoyiez un payeur intelligent, afin que je puisse, selon les circonstances, m'en servir comme d'une espèce de caisse centrale, et qu'il soit dans le cas de rendre au directeur du Trésor public compte de toutes les mesures que je pourrais prendre pour avoir de l'argent.

J'ai chargé le conseiller d'État Petiet, qui me suit, de vous voir pour différents autres objets.


Paris, 5 mai 1800

ARRÊTÉ

Les Consuls de la République, vu la situation critique où se trouve l'armée d'Italie, la nécessité de ne pas laisser entamer le territoire français et de sauver les départements du Midi menacés par terre et par mer, arrêtent:

ARTICLE 1er. - Le détachement que l'armée du Rhin devait faire, en conséquence de l'article 2 de l'arrêté du 26 germinal, en Italie, lorsqu'elle aurait poussé l'ennemi à dix journées, aura lieu sur-le-champ.
A cet effet, une colonne de 25, 000 hommes, infanterie, cavalerie, artillerie comprises, pénétrera par le Saint-Gothard et le Simplon, pour agir sous les ordres du général en chef de l'armée de réserve, et conformément aux instructions particulières que donnera le ministre de la guerre.
ART. 2. - Le ministre de la guerre partira dans la journée pour se rendre au quartier général de l'armée du Rhin, se concerter pour ce mouvement avec le général en chef, donner toutes les instructions nécessaires et prendre tous les renseignements sur la situation des armées.
ART. 3. - Aussitôt les ordres donnés, le ministre de la guerre se rendra à Genève, près le Premier Consul.
ART. 4. - La présent arrêté ne sera pas imprimé.


Paris, 5 mai 1800

Au général Berthier, commandant en chef l'armée de réserve, à Genève

Je pars, Citoyen Général, demain matin; j'arriverai le 17 à Dijon, et le 18 au soir à Genève.

J'espère ne m'arrêter qu'un jour à Genève et me rendre ensuite à Villeneuve.

Le ministre de la guerre par aujourd'hui pour se rendre à l'armée du Rhin avec le projet d'arrêté et les instructions que vous trouverez ci-joints. Il sera de retour, le 22 ou le 23, à Lausanne ou à Villeneuve.

Le million que je vous ai annoncé par mon dernier courrier n'est parti que ce matin par la messagerie; il arrivera à Genève le 25. Il faudra avoir des moyens de transport tout prêts pour lui faire suivre l'armée. Faites aligner un peu la solde de ces malheureux bataillons de l'armée d'Orient.

Vous trouverez ci-joint un arrêté pour le Valais. Envoyez promptement un général de division, si vous en avez sous la main, pour commander au Simplon, prendre connaissance du local et des troupes qui s'y trouvent, Celles qui se trouvent au Simplon et au Saint-Bernard sont très-utiles, parce qu'elles connaissent parfaitement le local; elles pourront guider les colonnes.

Tout à vous.


Paris, 5 mai 1800

INSTRUCTIONS POUR LE CITOYEN PETIET
Conseiller d'État
(Claude Petiet, 1749-1806. Il gouvernera la Lombardie jusqu'en 1802)

Le citoyen Petiet, conseiller d'État, se concertera avec le ministre de la guerre, et s'assurera que 30,000 paires de souliers aient été envoyées à l'armée de réserve, et qu'elles y soient arrivées le 25 ou le 30 (15 ou 30 mai), ainsi que tous les effets d'habillement qu'on pourrait faire partir de Paris;

Que les chevaux d'artillerie qui se trouvent à Versailles ou dans les autres dépôts soient partis pour Genève avec leur harnachement.

Il prendra des renseignements au bureau de la guerre, qui lui fera connaître les mesures précises et tous les envois faits en habits, giberne,   chapeaux et effets d'habillement de toute espèce pour l'armée de réserve.

Il fera enlever tout ce qui sera disponible.

Enfin qu'il s'assure, à son passage à Dijon , de ce qui est arrivé, de ce qui y est attendu, et quels sont les moyens à prendre pour accélérer l'envoi des effets qui ne sont pas encore parvenus.

Il emmènera avec lui quelques commissaires des guerres intelligents. Il pourra en faire partir un avec le convoi qui partira de Paris.

Il se fera remettre, par le ministre des finances, l'état des vérificateurs employés dans la République, et spécialement à l'armée de réserve.

Il écrira une lettre aux préfets des départements compris dans l'arrondissement de cette armée, pour leur faire sentir combien il est important qu'ils fassent verser les fonds destinés à l'armée de réserve et qu'ils les fassent partir pour Dijon.

Il trouvera ci-joints les noms des départements qui ont été frappés d'une assignation.

Il écrira donc de ma part aux préfets de ces départements, pour qu'ils fassent verser tout l'argent provenant des congés, le plus rapidement possible, dans la caisse du payeur de l'armée de Dijon.

Il est nécessaire, pour ces différentes circonstances, qu'il se concerte avec le ministre des finances.

Le ministre des finances a l'ordre de faire partir 500,000 francs en or, avec un caissier de la trésorerie, pour être rendus en poste à Genève le 20.

Le citoyen Petiet aura soin, avant son départ, de s'assurer que ces fonds sont partis pour Dijon.


 Paris, 5 mai 1800

ARRÊTÉ

Les Consuls de la République arrêtent:

ARTICLE ler - Le Valais fera partie de l'armée de réserve.
ART. 2. - Les officiers généraux, les employés, l'artillerie, et les, troupes qui s'y trouvent, feront également partie de l'armée de réserve. 
ART. 3. - Le ministre de la guerre donnera directement les ordres, par un courrier extraordinaire, au général commandant en Helvétie, de compléter sur-le-champ jusqu'à 3,500 hommes les troupes destinées à garder le Simplon.


Paris, 5 mai 1800

Au général Berthier, commandant en chef l'armée de réserve, à Genève

J'apprends à l'instant par le télégraphe, Citoyen Général,  que Moreau a eu à Stockach (le 3 mai, victoire contre les troupes du général Kray) une affaire avec l'ennemi; qu'il a fait 7,000 prisonniers, pris neuf pièces de canon et des magasins considérables.

Le ministre de la guerre part dans une demi-heure ; je pars à minuit; vous pouvez calculer quand je serai à Genève ; je ne m'arrêterai que quelques heures à Dijon.

Tout va ici au parfait.

L'aide de camp de Masséna arrive; il m'assure qu'il a des vivres pour vingt-cinq jours, à calculer depuis le 5 du mois de floréal (25 avril); ainsi vous voyez qu'il faut qu'il soit dégagé dans la dernière décade du mois. Faites marcher à force.


Paris, 5 mai 1800

Au général Moreau, commandant en chef l'armée du Rhin

Je partais pour Genève lorsque le télégraphe m'a instruit de la victoire que vous avez remportée sur l'armée autrichienne: gloire et trois fois gloire !

Le ministre de la guerre arrivera quelques heures après ce courrier à votre quartier général, et de là viendra me joindre à Genève.

La position de l'armée d'Italie et du Midi est assez critique: Masséna, renfermé dans Gênes, a des vivres jusqu'au 5 ou 6 prairial; l'armée de Melas paraît assez considérable, quoique fortement affaiblie.

Je vous salue affectueusement.

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Donnez-moi de vos nouvelles à Genève. Leclerc se porte-t-il bien ? Mille choses à Dessolle.


Paris, 5 mai 1800

Au général Masséna, commandant en chef l'armée d'Italie.

Votre aide de camp arrive, citoyen Général, et je reçois votre lettre.

Je reçois par le courrier, la nouvelle que l'armée du Rhin a remporté une victoire sur l'ennemi, s'est emparée de toutes les positions de Stockach, et lui a fait 7,000 prisonniers et pris neuf pièces de canon; elle s'est emparée de tous ses magasins.

L'armée de réserve est en grande marche. Je pars cette nuit. Je compte que vous tiendrez le plus possible, mais au moins jusqu'au 10 prairial. (30 mai)


Paris, 5 mai 1800

Au général Suchet, Lieutenant du général en chef de l'armée d'Italie

J'ai reçu, Citoyen Général, vos différentes lettres. L'officier que vous m'avez expédié est arrivé. Je pars cette nuit pour me porter à
Genève.

Le 24 du mois je serai moi-même dans les plaines du Piémont avec l'armée de réserve, forte de 40,000 hommes. Tenez ceci secret. Envoyez un officier intelligent le dire au général Masséna, mais sans le lui écrire, de peur qu'il ne soit pris en route.

Faites venir de Nice et de la 8e division 5 ou 600 chevaux, que vous pourrez nourrir dans la plaine d'Albenga et d'Oneille, afin qu'ils puissent vous servir pour vous réunir au général Masséna, suivre l'ennemi et faciliter notre réunion.

Faites aussi connaître au général Masséna que je compte que, dans tout événement, il ménagera ses vivres de manière à en avoir jusq'au 15 prairial.

Faites toujours passer à Gênes et à Savone le plus de vivres que vous pourrez.

Le citoyen Vallongue, officier du génie, doit être arrivé à votre quartier général. Il doit se rendre à Gênes et a emporté 100, 000 francs or pour les hôpitaux de Nice.


Paris, 6 mai 1800

Au général Lacuée, ministre de la guerre par intérim

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire distribuer jusqu'à concurrence d'une somme de 15,000 francs aux aveugles et estropiés revenus d'Egypte et qui sont à la maison nationale des Invalides.


 Auxonne, 8 mai 1800

Au chef de brigade Lemarois, aide de camp du Premier Consul

Vous voudrez bien, Citoyen, vous rendre à chaque poste depuis Dole à Genève. Vous y donnerez l'ordre aux maîtres de poste de se procurer 32 chevaux, qui devront rester à la poste pendant six jours. Ils seront occupés à transporter six convois, chacun de huit voitures d'artillerie; ils devront être faits à six heures de distance l'un de l'autre, sans égard à la nuit.

Chaque convoi d'artillerie sera accompagné d'un officier du train d'artillerie, qui payera les chevaux suivant l'ordonnance.

Le directeur du parc d'artillerie de l'armée, le citoyen Gassendi donnera les ordres pour ces convois. Si les maîtres de poste font quelques difficultés, le citoyen Lemarois s'adressera aux maires des communes et aux sous-préfets, afin qu'ils tiennent la main à l'exécution du présent ordre, qui intéresse essentiellement le service.


Genève, 9 mai 1800

Aux Consuls de la République

Je vous ai expédié, Citoyens Consuls, un courrier de Dijon. J'ai passé à Dijon la revue des conscrits et d'une demi-brigade qui  se forme.

Je suis arrivé hier à minuit à Genève. Toute l'armée est en mouvement et dans le meilleur ordre possible.

Je recois à l'instant votre courrier du 16. Je vois avec plaisir que  Paris est tranquille. Au reste, je vous le recommande encore, frappez vigoureusement le premier, quel qu'il soit, qui s'écarterait de la ligne.   C'est la volonté de la nation entière.

Je ne vous peindrai pas ce que j'ai éprouvé en traversant la France. Si je n'avais sovent changé de route, je ne serais pas arrivé de huit jours.

Je vous expédierai tous les jours un courrier. Envoyez-moi le million  que vous annonce.

Tout va parfaitement bien.


Genève, 9 mai 1800

Au citoyen Maret, secrétaire d'État

Je vous remercie, Citoyen, du bulletin que vous m'avez envoyé. J'ai été fort content de la ville Dijon. Il me paraît qu'on y a aussi été fort content de l'armée de réserve.

Les demi-brigades qui étaient sorties de Paris avaient commis quelques excès et élevé quelques nuages. Je désire que vous fassiez connaître la bonne conduite qu'elles ont tenue. Partout j'ai eu à me louer des troupes


Genève, 9 mai 1800

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. Chaque maître de poste de 1a direction de Genève est tenu de se  procurer 45 chevaux pour le service extraordinaire de l'armée de réserve.
ART. 2. - Dix convois, chacun composé de neuf à dix voitures, se succéderont immédiatement, à la distance de six heures l'un de l'autre
ART. 3. - Chaque convoi aura un officier d'artillerie du train, qui payera les frais de poste conformément à l'ordonnance.
ART. 4. - Les préfets des départements de l'Isère et du Mont-Blanc, le général d'artillerie de l'armée de réserve et le citoyen Pflieger, inspecteur des postes, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté.


 Genève, 10 mai 1800

Aux consuls de la République.

D'après les informations que j'ai prises à Genève, Citoyens Consuls, il me paraît que la nomination des juges a été faite un peu trop dans un seul parti. Le citoyen Carelli, président du dernier tribunal criminel du Léman, passe pour un homme de beaucoup d'esprit et probe; il n'a pas été compris. Je désirerais qu'on le place dans le tribunal d'appel de Lyon, en remplacement du citoyen Gavard, démissionnaire. On propose pour remplacer les citoyens Buttini, Vegobre et Rendu, suppléants démissionnaires du tribunal civil de Genève, les citoyens Raimond, Martin Théophile, juges du dernier tribunal, et Lemaire Faccio, assesseur du juge de paix.


Genève, 10 mai 1800

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures.

J'ai lu avec attention, Citoyen Ministre, votre rapport sur l'établissement des préfectures dans les quatre départements du Rhin.

Je vous prie de me faire un rapport sur cette question: ne conviendrait-il pas d'établir des préfectures et sous-préfectures dans les pays cédés à la République par le chef de l'Empire dans le traité de Campo-Formio, et de gouverner, comme vous le proposez, par des commissaires et sous-commissaires, le reste de la rive gauche?


Genève, 10 mai 1800

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je vous fais passer, Citoyen Ministre, plusieurs lettres que vous m'avez communiquées. Vous aurez probablement fait connaître à Beurnonville ce qu'il devait répondre pour la ville de Huissen.  Je suis assuré que la Prusse n'a pas été mécontente du peu que nous avons fait pour les provinces transrhénanes.

Je suis arrivé. hier, à Genève; demain je passerai la revue l'armée, qui est déjà quelques marches en avant.

Je désire fort d'apprendre que vous êtes parfaitement rétabli et que vous êtes débarrassé de vos vilains médecins.


Genève, 10 mai 1800

Au citoyen Talleyrand

Dans les arrangements faits, Citoyen Ministre, entre le grand vizir et le général Kleber, nous devons, je crois, nommer trois commissaires à Constantinople. Voyez, je vous prie, à vous entendre avec citoyen Descorches pour cette nomination.

Je désirerais que vous prissiez des mesures pour faire les premières démarches qui nous rapprocheraient de la Porte.

M. Bouligny, ambassadeur d'Espagne à Constantinople, s'est parfaitement comporté. Je désirerais lui donner une marque de considération toute particulière. Voyez quelle espèce de présent vous pourriez lui faire de ma part et qui lui serait agréable. Faites en sorte de savoir quel est le but de son ambition, afin de l'appuyer vivement auprès du roi d'Espagne.

J'ai lu le rapport que vous m'avez remis sur les moyens de négocier la paix avec les régences barbaresques. Il me paraît extrêmement important de rétablir cette paix. Je vous renvoie votre rapport; j'en approuve les dispositions, qui sont fort bonnes; mettez-les à exécution.


Genève, 10 mai 1809

Au citoyen Lacuée, ministre de la guerre par intérim

Vous trouverez ci-joint, Citoyen Ministre, un arrêté que j'ai pris pour la prompte organisation de l'artillerie de siége de l'armée de
réserve. Le général Lacombe Saint-Michel va vous adresser différentes demandes relatives au personnel et au matériel pour quelques objets d'armement. Vous sentez combien il est nécessaire de vous assurer que les mesures qui sont prises dans vos bureaux seront promptement exécutées.

Toutes les mesures prises dans les bureaux d'artillerie pour former l'équipage de campagne de réserve ont été mal conçues; il y avait à Grenoble seul de quoi former trois équipages de campagne comme celui dont nous avions besoin. Ainsi envoyez-nous tous les chevaux que vous pourrez vous procurer à Paris, harnachés et haut-le-pied, en les dirigeant sur Genève par le plus court chemin.


Quartier général, Genève, 10 mai 1800

Au général Lannes

Conformément aux ordres du général en chef, Citoyen Général,  vous vous rendrez le 23 à Saint-Maurice avec l'avant-garde que vous commandez, et vous ferez prendre à Villeneuve du biscuit à la troupe pour les 23, 24, 25 et 26. Dans la journée du 24, vous serez rendu à six lieues au delà de Saint-Maurice et le 25,  vous vous trouverez an pied du Grand Saint-Bernard. En passant à Saint-Pierre, vous prendrez du biscuit pour trois jours, 27, 28 et 29 inclus.

Le général Mainoni devra réunir les trois bataillons de la 28e, le bataillon helvétique et le bataillon italique à l'hospice da Saint-Bernard, le 24, et leur fera délivrer du biscuit pour quatre jours. Donnez-lui des ordres en conséquence.

Vous prendrez toutes les précautions nécessaires pour accélérer le transport de votre artillerie au Saint-Bernard, et vous ferez filer avec la plus grande rapidité les affûts-traineaux qui vous sont destinés, de manière qu'ils soient arrivés de la montagne avant la tête de la colonne.

Vous calculerez votre marche avec assez de précision pour que le 26, une heure avant le jour, vous ayez passé le Saint-Bernard, et que vous vous trouviez sur les postes avancés de l'ennemi que  vous culbuterez.

Vous donnerez l'ordre au 12e régiment de hussards et au 21e régiment de chasseurs d'être rendus le 23 à Vevay.

Le mouvement de l'armée suivra celui de l'avant-garde, et vous recevrez des instructions ultérieures.

Le général Marmont a ordre d'expédier un officier qui sera chargé de faire monter sur le Saint-Bernard une pièce de 8, un obusier et les pièces de 4 de la division Watrin. Vous donnerez à ce convoi l'escorte que vous jugerez nécessaire, et vous déterminerez le point où ces pièces devront s'arrêter pour attendre la colonne d'attaque.

La division Chabran passera le petit Saint-Bernard le 26, culbutera l'ennemi qui pourrait occuper ce passage, et fera sa jonction avec vous le plus tôt possible.

Instruisez, je vous prie, fréquemment le général en chef de votre  position.

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Les troupes à cheval devront prendre de l'avoine pour quatre jours.


Genève, 10 mai 1800

Au citoyen Forfait, ministre de la marine et des colonies

J'ai lu, Citoyen Ministre, avec la plus grande attention les différents rapports que vous m'avez remis la veille de mon départ.

J'ai trouvé vos observations parfaitement justes sur le mémoire que je vous ai remis, sur Saint-Domingue, surtout en ce qui a rapport à la liberté que l'on voudrait donner aux noirs. Retranchez tout cela dans la copie que vous ferez faire.

Vous trouverez ci-joint le rapport sur l'expédition de Cayenne et de la Guadeloupe, approuvé. J'écris au citoyen Lebrun pour lui recommander  de faire de nouveaux efforts pour vous procurer les crédits sur Lima ou Rio de la Plata; et, dans le cas où il y aurait impossibilité de se procurer le crédit, l'on pourrait destiner la division du général Boudet à cette expédition importante. Faites préparer à Rochefort et à Brest quelques goélettes, pour, quinze jours après, faire partir tous les employés que nous voulons envoyer dans ces îles.

J'approuve les deux lettres que vous voulez écrire à Rigaud et Toussaint.


Genève, 1l mai 1800

Aux Consuls de la République

J'ai reçu ce matin, Citoyens Consuls, votre courrier du 17 floréal. Je vois, au n° 4 des notes que vous m'avez envoyées, que l'on réclame toujours pour le citoyen Maris, condamné à mort pour la reddition de Ceva. Je ne sais pas où en est cette affaire; mais je sais que Ceva a été lâchement livrée à des paysans, et qu'épargner le coupable dans cette circonstance n'est point humanité; c'est causer l a mort d'un grand nombre de braves.

Les 100,000 francs qui ont été mis à la disposition du citoyen Boinod, et les 900,000 francs à celle de- l'ordonnateur Lambert, à Lyon, ne pourront pas être soldés, l'argent des conscrits ayant été employé à d'autres objets.

On continue toujours à me rendre compte qu'une grande quantité d'argent se trouve en stagnation chez les receveurs; on dit, entre autres, qu'il y a 300,000 francs chez celui de Grenoble.


Genève, 1l mai 1800, 9 heures du soir

Aux Consuls de la République

Je reçois à l'instant, Citoyens Consuls, votre courrier du 18.  Je vous en ai expédié un il y a six heures.

Il y a un mois que le citoyen Saliceti m'a écrit de Corse qu'il ferait partir pour Malte un grand nombre de petits bâtiments chargés spécialement d'huile et de viande salée. Le ministre de la marine été autorisé à faire expédier successivement jusqu'à vingt bâtiments de Toulon et de Marseille.

Le ministre des relations extérieures a chargé le citoyen (Charles Jean Marie Alquier, 1752-1826, ambassadeur de la République auprès du roi d'Espagne) Alquier à Madrid, de faire partir un grand nombre de bâtiments neutres pour Malte.

J'expédie, avant de me coucher, un courrier en Corse pour accélérer le départ des bâtiments chargés d'huile, de vin et de toute espèce de munitions.

Recommandez aux ministres d'accélérer l'exécution des mesures dont je vous ai parlé ci-dessus.

Vous devez peu compter sur Tunis.

Au reste, je vous avoue que les nouvelles que nous avons reçus me rassurent un peu sur le sort de cette place, puisque je vois qu'elle pourra tenir pendant l'an VIII. Nous serions bien malheureux si, pendant ce temps, nous ne pouvions pas y faire passer des vivres pour attendre l'hiver.

Les conseillers d'État Petiet et Dejean viennent d'arriver.

Je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous fassiez ce que vous croirez juste sur les rapports de la commission des émigrés.

J'ai trouvé quelque chose à faire encore ici pour l'entière organisation de l'armée. Mais tous les chemins de Grenoble, Lyon, Dijon  aboutissant à Genève sont chargés de convois. L'armée est en grande marche.

Faites publier cette lettre, si vous le jugez utile, pour rassurer le public sur Malte.


Genève, 1l mai 1800 

Au citoyen Bertin, ordonnateur de la marine, à Toulon

Je vous prie, Citoyen Ordonnateur, de faire partir sur-le-champ le courrier que j'expédie en Corse.

Le ministre de la guerre vous aura sans doute écrit pour que vous activiez autant que possible l'envoi de dix bâtiments isolés à Malte.

Ecrivet par chaque bâtiment au général Vaubois (Claude Henri Belgrand, comte de Vaubois, 1748-1839. Gouverneur de l'île, il sera contraint à la capitulation le 4 septembre 1800, après 27 mois de siège) . Faîtes-lui connaître que la France, l'Europe entière attend que Malte tiendra jusqu'à la dernière once de pain. Envoyez-lui une collection de journaux; mandez-lui les victoires brillantes des armées de la République, qui sont maîtresse de la Souabe.


Genève, 11 mai 1800

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

J'ai reçu, Citoyen Ministre, l'état du département des relations extérieures, du 14 au 17 floréal.

Je ne pense pas qu'il soit convenant   de faire des ouvertures au général Dumouriez; ce n'est qu'un misérable intrigant.


Genève, 11 mai 1800

Au citoyen Reinhard, ministre de la République en Helvétie

J'ai reçu, Citoyen Ministre, votre lettre du 15 floréal. La marche des affaires à Berne me paraît bonne. Il est hors de doute qu'au milieu d'une campagne extrêmement active le Corps législatif voulût se donner un peu de repos. Cependant cela ne doit être l'effet que de sa propre volonté.

Je serai le 23 et le 24 à Lausanne. Je crois qu'il est de convenance que vous fassiez connaître à la commission helvétique que les circonstances de la guerre et le désir de protéger le territoire helvétique m'ont décidé à m'approcher du théâtre de la guerre et habiter, pendant quelques jours, différentes villes de la République helvétique.


Genève, 11 mai 1800

Au citoyen Petiet

Vous viendrez, Citoyen, me rejooindre dans cinq ou six jours avec le détachement de la garde qui doit passer ici. D'ici ce temps-là, vous organiserez vos équipages de guerre.

Vous m'instruirez tous les jours de tout ce qui passerait par Genève d'objets relatifs à l'approvisionnement de l'armée, et vous activerez leur acheminement de tous vos moyens.

Vous mènerez avec vous le payeur qui m'est spécialement attaché avec les 500,000 francs en or, qu'il placera sur des mulets.

Il doit arriver plusieurs millions de Paris, dont ce payeur fera recette et qu'il mènera avec lui, hormis ce qui pourra être jugé nécessaire sur les derrières de l'armée. Vous ferez verser tout l'argent provenant des 20e et 18e divisions, à Dijon, pour la solde des corps qui se trouvent encore sur la Saône, faisant partie de l'armée de réserve, ainsi que ses dépôts.


Genève, 1l mai 1800

Au général Augereau, commandant en chef l'armée française en Batavie

Vous avez reçu rordre, il y a un mois, Citoyen Général, de choisir un camp entre Maestricht et Breda. Je désirerais aujourd'i que vous pussiez porter ce camp jusqu'à 8 ou 9,000 Francais et 4 ou 5,000 Bataves, avec un train d'artillerie de campagne proportionné; que vous fussiez en état, au premier ordre, de vous mettre en marche pour Mayence. Vous tireriez facilement des 24e, 25e et 26e divisions, et spécialement de la garnison de Mayene 5 ou 6,000 hommes. Nous nous trouverions donc, par ce moyen improviser un corps d'armée de 18 à 20,000 hommes, qui pourrait se porter dans le coeur de l'Allemagne, donner de vives inquiétudes à l'ennemi et favoriser les grandes opérations militaires.

Vous sentez combien un projet de cette nature doit être secret. Affectez, au contraire, de vouloir vous porter à l'embouchure de l'Escaut et sur les côtes. Arrangez-vous de manière que, vingt-quatre heures après l'ordre que vous en recevriez, vous puissiez vous mettre en marche et suivre votre destination. Dans quinze jours, il est possible que l'armée de réserve soit au coenr de l'Italie et lie l'armée du Rhin à celle d'Italie; c'est alors'que votre rôle commencerait.

Vous sentez que tout ceci est fondé sur ce que nous aurons alors la croyance que, pour un mois ou six semaines, l'Angleterre ne veut pas attaquer la Hollande, et c'est spécialement par cette considération que le secret et la célérité sont indispensables.

Prenez toutes les mesures pour faire monter le 16e de dragons.


Genève, 11 mai 1800

Au citoyen Saliceti, ou, en son absence, au général commandant la 23e division militaire

Je vous expédie, Citoyen Commissaire, un courrier extraordinaire pour activer les convos que vous m'avez promis de faire passer à Malte. Je viens de recevoir des nouvelles du général Vaubois; il aura spécialement besoin de 600 mesures d'huile, de 300 quintaux de riz, de 600 quitaux de fèves, de 300 quintaux de haricots, de 50,000 pintes de vin, de 10,000 pintes d'eau-de-vie.

Si, indépendamment de ces objets, vous parvenez à y envoyer 600 quintaux de blé, farine, ou biscuit, un peu de lard ou de viande salée, vous aurez rendu au commerce de la france le plus grand service qu'on puisse lui rendre dans la circonstance actuelle.

Envoyez successivement, un à un, quinze ou vingt bâtiments. N'épargnez pas l'argent; engagez votre crédit personnel: je ferai tout solder.

Ecrivez à Malte par tous les bâtiments, et faîtes-leur conmnaître les nouvelles d'Europe, en leur faisant sentir que la France, l'Europe entière attendent que, tant qu'ils auront une bouchée de pain, ils resteront fermes à leur poste.

Je suis parti de Paris le 16 et suis à Genéve depuis trois jours. L'armée de réserve passe les grandes Alpes.

L'armée du Rhin a passé le fleuve, a battu l'ennemi sur les hauteurs de Stockach le 13, où elle lui a fait 7,000 prisonniers et pris neuf pièces de canon.

Le 15, elle l'a battu de nouveau à Moesskirh, et lui a fait 1,800 prisonniers. Elle est maintenant à la hauteur d'Ulm. L'ennemi est en pleine retraite.

Quand vous lirez ceci, il est possible que l'Italie soit au pouvoir de la République.

Vous participerez à la gloire de la campagne, si vous contribuez à approvisionner Malte. Il est encore temps, car cette place a encore des vivres pour plusieurs mos.


Genève, 1l mai 1800

Au général Brune, à Dijon

L'armée de réserve, Citoyen Général, est en marche pour entrer en Italie. Dès l'instant qu'elle y aura pris position, elle se trouvera faire partie de l'armée d'ltalie, et alors je prendrai un arrêté quii vous nommera commandant de l'armée de réserve. En attendant, vous allez prendre le commandement de la 18e division, de tous les dépôts de l'armée de réserve, et vous occuper avec la plus grande activité de l'armement, équipement et organisation des conscrits qui arrivent à Dijon.

Laissez filer sur Genève la 72e et tous les régiments de cavalerie qui ont été mis en marche de Paris.

Mettez tous les conscrits qui vous arrivent dans la 17e légère, et dans les deux demi-brigades de l'armée d'Orient. Avant que ayez porté ces corps chacun à 3,000 hommes, je renverrai de l'armée d'Italie huit à dix corps qui ne sont qu'à 4 ou 500 homme que vous reformerez.

Le 10e de dragons a reçu ordre de partir de la Batavie pour se rendre à Dijon, ainsi que les 1le et 18e de cavalerie. Ces régiments ne seront guère arrivés que vers la fin de prairial. La 14e de ligne a reçu le même ordre.

Je vais me rendre de ma personne en Italie. Les événements  vont se succéder avec une grande rapidité. Notre supériorité au Rhin est très-constatée: de longtemps l'ennemi ne peut plus prendre, de ce côté-là, l'offensive. D'ici à quinze ou vingt jours, tout cela va produire des résultats qui me mettront à même de vous assigner un rôle conforme au rang que vous tenez dans la République, en même temps qu'ils placeront la République au rang de gloire et de considération qu'elle n'eût jamais dû perdre.

Votre commandement, quoique réduit à peu de troupes, ne laisse pas que d'être intéressant dans ce moment-ci, ne serait-ce que sous le rapport de l'intérieur.

La moitié des contributions provenant des départements de la 18e et de la 20e division, ainsi que l'argent provenant des coonscrits est destinée à subvenir aux dépenses de votre armée; activz-en la rentrée afin de pouvoir payer la solde des troupes qui sont s,ous vos ordres.

Je me suis aperçu, en passant la revue des différents corps, qu'il  y avait des conscrits absolument hors d'état de faire la guerre ; il y en a même d'estropiés. Il est bien nécessaire que vous passiez vous même la revue des conscrits, et que vous renvoyiez chez eux ceux qui seront hors d'état de faire la guerre, avant qu'on leur ait délivré les armes et les habits.

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J'ai achevé cette lettre à Lausanne, d'où je vous expédie votre courrier


Quartier général, Lausanne, 12 mai 1800

Au général Dupont, chef d'état-major de l'armée de réserve

Donnez l'ordre à l'artillerie des trois divisions Boudet, Loison et Chambarlhac, de partir demain 23 pour se rendre à Villeneuve, où elle parquera et se complétera en approvisionnements, cartouches, etc., et où elle passera la revue du général Marmont.

Ordre à la division Boudet de se rendre le 24 à Bex, près Saint-Maurice.

Ordre à la division Loison de se rendre à Aigle, bourg à deux lieues en avant de Villeneuve, le 24.

Ordre à la division Chambarlhac de se rendre à Villeneuve le 24. Vous donnerez l'ordre à chacune de ces divisions de prendre, en
pssant à Villeneuve, du biscuit pour les 25 , 26, 27, 28 et 29 inclus.

Donnez des ordres pour que toutes les troupes à cheval, à l'exception des 12e de hussards et 2le de chasseurs, du 15' de chasseurs et des deux escadrons du 11e de hussards, qui ont des ordres pour rejoindre les divisions auxquelles ils sont attachés, soient réunies le 25 à Lausanne, pour y passer la revue du Premier Consul.

Le général d'Harville se rendra en conséquence à Lausanne, et vous préviendrez de ces dispositions le général Murat, afin qu'il prenne les ordres du général en chef pour cette revue.

Ayez soin de prévenir l'ordonnateur en chef de ces mouvemnts, ainsi que les lieutenants généraux, en ce qui les concerne.

Donnez des ordres pour que tous les petits dépôts des corps soient centralisés à Genève, où tous les conscrits arrivés isolérnent ou en petits détachements se rendront avant de rejoindre leurs demi-brigades, et où ils seront armés, etc.

Les grands dépôts resteront toujours dans les lieux qui auront été désignés dans la 18e division, conformément aux dispositions mises à l'ordre du jour.

 Ordonnez que, dans toutes les demi-brigades, on,fasse tirer, dèsdemain, quelques coups de fusil à tous les conscrits;   qu'on leur fasse connai^tre de quel oeil on mire pour ajuster, et enfin de quelle manière on charge son fusil.

Chargez un officier d'état-major de se rendre à Villeneuve, où il veillera à ce que tous les corps, en passant, aient 50 coups par homme et deux pierres à feu.

Prescrivez à l'ordonnateur en chef qu'il ait à ordonner au payeur de remettre des fonds aux payeurs des divisions pour acquitter solde, ainsi qu'il est prescrit dans l'ordre du jour.

l'armée, avant de passer à Villeneuve, doit être payée de tout qui lui est dû de la solde de l'an VIll jusqu'au ler prairial. Le payeur restera responsable de l'exécution de cet ordre.

Ordonnez de ma part, que le payeur fasse remettre ce soir à l'aide-de-camp Duroc, qui part pour se rendre à l'avant-garde 50,000 pour la solde. Cette somme sera versée dans les mains du payeur de la division Watrin, qui acquittera également ce qui peut-être dû à la 28e. Les italiens doivent être payés aussi ecactement que l'armée.

Donnez l'ordre à tous les équipages de l'armée et au quartier général d'être rendus le 24 à Villeneuve.

Les officiers d'état-major se rendront demain à Vevay.

Je partirai demain matin, avec le Premier Consul, pour me rendre à Vevay, y passer la revue à midi; de là j'irai à Villeneuve voir la situation des choses, et je reviendrai le soir coucher à Lausaun.

Vous êtes le maître de venir avec moi, ou de rester si vous jugez avoir à travailler à Lausanne dans la journée de demain. Dans tous les cas, faîtes toujours partir vos chevaux pour Villeneuve, et une partie des bureaux de l'état-major.

Le 24, je repartirai en poste pour rejoindre mes chevauix à Villeneuve, et de là à l'avant-garde.

Mettez à rordre du jour qu'il sera retenu 30 sous à chaque homme qui aura perdu une baïonnette.

Ordonnez au général Lechi de marcher à grandes journées pour rejoindre l'avant-garde.

(Par ordre du Premier Consul - vraisemblablement signé par Berthier)


Lausanne, 13 mai 1800

Aux Consuls de la République

J'ai recu votre courrier du 19. Il faudrait être bien circonspect sur ces affaires de délégations. I1 est constant que toutes les caisses
de départements sont pleines. Il serait donc essentiel de s'occuper sans relâche d'empêcher cet argent de séjourner, et de l'utiliser pour le service public.

J'ai passé hier la revue de l'armée. Toute cette partie de la Suisse est absolument française; le soldat est accueilli dans les différentes maisons comme il 1e serait dans la sienne.

La légion italique  va défiler tout entière en Italie, où le général en chef l'organisera comme il l'entendra.

Je ne sais pas ce que vous aurez fait pour la revue du quintidi; mais, si mon absence se prolongeait, elle pourrait donner lieu à de grands inconvénients

J'ai des nouvelles de Masséna du du 10 floréal. Il était absoluement cerné dans Gênes, se battant tous les jours et ayant constamment de petits avantages. J'espère que dans la première décade de prairial il sera dégagé.


Lausanne, 13 mai 1800

A Joséphine

Je suis depuis hier à Lausanne. Je pars demain. Ma santé est assez bonne. Ce pays-ci est très beau. Je ne vois pas d'inconvénient, d'ici dix à douze jours, à ce que tu viennes à ma rencontre; mais il faudra marcher incognito, et ne pas dire où tu vas, parce que je ne veux pas que l'on sache ce que je dois faire. Tu peux dire que tu vas à Plombières.

Je t'enverrai Moustache qui vient d'arriver.

Milles choses tendres à Hortense. Eugène n'arrivera que d'ici à huit jours: il est en route.


Vevay, 13 mai 1800

Au général Lannes

Le général en chef a reçu, Citoyen Général, la lettre dans laquelle vous lui annoncez que l'avant garde sera réunie, le 22 au soir, à Martigny. Il me charge de vous recommander la précaution qu'exige la nature du terrain que vous allez traverser; les gens
du pays et le commissaire ordonnateur Dalbon, qui l'a habité 1ongtemps,  vous donneront des renseignements utile, et on ne peut trop en recueillir, d'après les difficultés que présente le passage du Saint-Bernard.

Le général Berthier espère que vous aurez franchi le passage de la montagne du 25 au 26, ainsi qu'il a été convenu. Arrivé à Aoste, vous réunirez toute votre avant-garde pour vous porter sur le château de Bard. Ne vous présentez devant cette forteresse qu'avec toutes vos forces. Lorsque vous vous serez emparé des hauteurs qui la do-minent, défendez le feu de la mousqueterie, qui ne ferait que consommer inutilement des cartouches; occupez-vous de suite à placer vos bouches à feu sur un mamelon d'où fl'on peut canonner avec avantage; placez deux obusiers sur le chemin, et, lorsque ces deux batteries seront prêtes, faites-le canonner avec vivace. Au moment où elles auront produit leur effet sur la couverture que les ennemis ont faite sur leurs batteries et qu'il y aura prise ppour la mousqueterie, vous permettrez la fusillade, qui pourra alors être très-utile et accélérer la reddition du fort.

Le général Marescot a l'ordre de se rendre à l'avant-garde pour s'occuper de tout ce qui est relatif à l'attaque du fort de Bard. Je vous préviens en outre que le général en chef se trouvera à Aoste en même temps que l'avant-garde.


Lausanne, 14 mai 1800

Au général Desaix

Je recois à l'instant, mon cher Desaix, votre lettre du l5 floréal.  Votre première lettre m'avait instruit que vous deviez partir peu de jours après l'aviso qui a conduit l'aide de camp du général Kléber. J'étais donc vivement inquiet de voir un mois s'écouler sans de vos nouvelles; je craignais tout de la foi punique. Mais enfin vous voilà arrivé; une bonne nouvelle pour toute la République, mais plus spécialement pour moi, qui vous ai voué toute l'estime due aux hommes de votre talent, avec une amitié que mon coeur, aujourd'hui bien vieux et connaissant trop profondément les hommes, n'a pour personne.

J'ai recu, il y a deux mois, la capitulation; je n'y ai fait aucune observation, puisque vous l'avez signée; mais comment 16 ou 18,000 Français peuvent-ils redouter 30,000 Turs ? Il ne vous fallait pas 6,000 hommes pour les battre, leur enlever leurs canons,  leurs chameaux, et les mettre pour un an hors d'état de rien faire.

A mon arrivée en France, j'ai trouvé la République perdue, la Vendée aux portes de Paris; l'escadre, au lien d'être à Toulon était à Brest, et déjà désarmée; Brest même menacé par les Anglais. Il a fallu détruire la Vendée, trouver de l'argent, réarmer l'escadre. Elle partait forte de trente-six vaisseaux avec des munitions de toute espèce et 6,000 hommes de débarquement, lorsque les nouvelles de Constantinople nous ont appris la capitulation.

Mais, enfin, n'en parlons plus; venez, le plus vite que vous pourrez, me rejoindre où je serai.

Je vais descendre en Italie avec 30,000 hommes pour dégager Masséna, chasser Melas; après quoi, je retournerai à Paris. L'avant-garde traverse à r l'heure même le mont Saint-Bernard. Quand vous lirez cette lettre, je serai, j'espère, à Ivrée.

Moreau est à Biberach; il a mis trois fois Kray en déroute.


 l.ausanne, 14 mai 1800

Au général de brigade davout

J'apprends avec plaisir, Citoyen, que vous êtes arrivé à Toulon. La campagne ne fait que commencer; les hommes de votre mérite nous sont fort nécessaires. Croyez que je n'ai pas oublié les services que vous nous avez rendus à Aboukir et dans la haute Égypte. Quand votre quarantaine sera finie, rendez-vous à Paris.


Lausanne, 14 mai 1800

Au chef d'escadron Colbert

J'ai reçu, Citoyen, votre lettre du 15. Je vois avec plaisir votre arrivée. Je n'oUblierai jamais la bravoure que vous avez montrée en Syrie. Soyez le bienvenu.


  Lausanne, 14 mai 1800

Aux Consuls de la République      

J'ai reçu, Citoyens Consuls, votre lettre du 20 floréal. J'ai reçu, par le même courrier une lettre du général Menou, de Rosette, et plusieurs lettres des généraux Desaix et Davout, qui sont arrivés à Toulon. J'écris aux généraux Desaix et Davout, qui sont deux excéllents généraux, de se rendre, par le plus court chemin, auprès de moi, lorsque leur quarantaine sera finie.

Je désire que vous fassiez mettre dans le journal officiel que les généraux Desaix et Davout sont arrivés à Toulon, avec quelques phrases qui fassent sentir que ces deux généraux ont soutenu, même après mon départ, la réputation qu'ils s'étaient acquise dans les campagnes de Hollande et du Rhin.


Lausanne, 14 mai 1800

Au général Mortier, commandant la 17e division militaire, à Paris

J'ai reçu, Citoyen Général, votre lettre du 19 floréal. La plupart des conscrits fournis à la 30e demi-brigades ont déserté avec armes et bagages avant d'arriver à Dijon. Je crains qui'il n'en arrive autant à la 14e. Faites des perquisitions pour connaître ce que sont devenus ces conscrits.

Maintenez Paris tranquille. Cela m'engagera à rester quelques jours de plus absent, ce qui, j'espère, ne sera pas indifférent à M. de Melas.

Je vous salue affectueusement.


 Lausanne, 14 mai 1800

Au citoyen Fouché, ministre de la police générale.

J'ai reçu, Citoyen Ministre, les différents rapports que vous m'avez envoyés. Je vois avec plaisir les mesures que vous prenez pour maintenir la tranquillité dans la grande ville.

Ma reconnaissance pour tous les services que vous avez rendu à la République a été encore augmentée par la découverte que vous avez faite du comité anglais.

Le commandant de Dijon vous aura envoyé des lettres à l'adresse du citoyen Normand; ces lettres étaient écrites avec de l'encre sympathique.

Hier, à Lausanne et dans le camp, on a répandu quantité de libelles contre le Gouvernement et spécialement contre moi. Cela me fait pitié.

Les habitants de ce pays se conduisent parfaitement.


Quartier général, Lausanne, 14 mai 1800

Au général Duppont, chef d'état-major de l'armée de réserve.

Donnez des ordres pour que le général de division Monnier commande la réserve, composée des 19e demi-brigade légère, 44e de bataille, 70e idem.

La 70e partira de Lausanne le 26, pour rejoindre l'armée.

La 19e légère, qui arrive à Nyon le 27, rejoindra le plus vite possible la 70e. Ordonnez qu'à son arrivée à Gex il s'y trouve un officier de l'état-major de la place de Genève, qui s'assure des fusils dont elle a besoin, ainsi que des cartouches, à raison de cinquante coups par homme. On les leur enverra à leur passage à Nyon.

Quant à la 44e, vous verrez par les dispositions ci-après que le général Monnier en trouvera deux bataillons à Martigny, et successivement le troisième. Le général de brigade Saint-Cyr, le général Schitl, et l'adjudant général qui y est avec la 70e, seront sous ses ordres.

Dites à l'ordonnateur en chef qu'il ait à organiser sur-le-champ tous les services administatifs, ambulances, etc., pour cette division de réserve. Le Premier Consul donnera des ordres pour l'artillerie qu'elle doit avoir.

Donnez des ordres au général Moncey pour lui annoncer qu'il fait partie de l'armée que je commande.

Ordonnez-lui de faire partir le plus promptement possible les deux bataillons de la 44e demi-brigade, mon intention étant que cette demi-brigade entière rejoigne l'armée au Saint-Bernard. En conséquence, le bataillon que le général Moncey devait envoyer au Simplon sera dirigé le plus promptement possible sur Martigny, où il serait nécessaire qu'il arrivât le 30 au plus tard, pour se réunir à la colonne du général Monnier; l'autre bataillon suivra le plus près possible le même mouvement. Donnez l'ordre positif au général Moncey de rassembler environ 1,000 hommes des parties de l'Helvétie le plus à portée du Simplon pour les y envoyer en toute diligence, et qu'ils se réunissent aux 400 hommes du bataillon helvétique, qui est déjà sous les ordres du général Béthencourt; et relevez le bataillon de la 44e, qui, dans ce moment, est au Simplon, de manière que les trois bataillons de la 44e se trouvent le plus promptement possible réunis à Martigny, où ils arriveront successivement rejoindre le général Monnier. Les 1,400 hommes environ qui se trouveront au Simplon suffiront pour le moment, et le général Moncey n'en fera pas passer davantage.

Vous ordonnerez au général Béthencourt de faire passer à Martigny le bataillon de la 44e, qui est au Simplon, du momeent où il aura reçu 600 hommes des 1,000 que le général Moncey a ordre de faire passer à la place de la 44e.

Vous donnerez en instruction à l'officier général commandant le Simplon que l'armée étant à Ivrée marchera vraisemblablement par sa gauche sur le Tessin; qu'il doit chercher à faire croire à l'ennemi qu'il a de grandes forces, et à l'inquiéter en attaquant ses postes, mnais sans imprudence. Vous le préviendrez que le général Moncey a ordre de porter successivement de grandes forces par le Saint-Gothard; qu'ainsi il n'a rien à craindre.

Prévenez le général Moncey que, d'après l'arrêté des Consuls de la République, le général Moreau détache de son armée les troupes ci-après, qui seront aux ordres du général Moncey, savoir:

Un bataillon de la 102e demi-brigade
Un bataillon de la le légère ;
Deux bataillons de la 101e demi-brigade;

Ces quatre bataillons, déjà aux ordres du général Moncey un corps de plus de 3,000 hommes ;

Deux bataillons de la 102e venant de la division Vandamme;
La 91e demi-brigade de ligne, venant de la division Laval,  côté de Mayence ;
La 12e demi-brigade légère, venant de la réserve du centre de  l'armée du Rhin ;
La 29e de ligne, venant du corps de Sainte-Suzanne;

Enfin deux demi-brigades qui ne sont pas désignées, tirées des corps des généraux Saint-Cyr et Lecourbe.

Toutes ces troupes formeront une force d'environ 15,000 hommes d'infanterie, qui arriveront successivement et très-promptement, à    l'exception de la 19e demi-brigade et des deux bataillons qui y viennent du côté de Mayence.

Il lui vient également en troupes à cheval : le ler dragons, le 6e, le 14e de cavalerie, le 15e, le 21e, le 12e de chasseurs formant environ 2,400 chevaux.

Le général Moncey a déjà à ses ordres plusieurs bataillons des troupes désignées ci-dessus.

Donnez-lui l'ordre de réunir ces troupes au Saint-Gothard, et successivement toutes celles qui arriveront, excepté celles envoyées au Simplon.

Prévenez-le que, le 29 ou le 30, je serai à Ivrée avec l'armée; qu'arrivé là, je me porterai droit sur Milan en suivant le plus court chemin. Il est à supposer que l'ennemi présentera de grands obstacles au Tessin, pendant le temps que je forcerai cette ligne; que, lorsque je pourrai établir ma communication avec l'Helvétie et avec lui par le Simplon, je me ferai joindre par le petit corps qu'il a ordre d'envoyer au Simplon et qui sera aux ordres du général Béthencourt.  Vous le préviendrez que cet officier commande à ce point.

Prévenez encore le général Nloncey qu'il est vraisemblable que, le 9 ou le 3 prairial, je serai à Romagnano et à Arona. Faites-lui sentir combien le corps de troupes qui va se trouver sous ses ordres inquiétera puissamment l'ennemi.

Pendant le cours de mes mouvements, il faut qu'il montre le plus de forces possible et qu'il fasse croire à l'ennemi qu'il en a beaucoup plus qu'il n'en aura réellement, et qu'à chaque instant il le menace de se porter sur Milan.

Il serait possible qu'arrivé à Ivrée, les nouvelles que j'aurais du général Masséna m'obligeassent à me porter droit sur Gênes ; dans ce cas, il est également nécessaire que le général Moncey attire 1'attention de l'ennemi en le menaçant, afin qu'il tienne dans le Milanais le plus de forces possible. Prévenez-le que, dans le cas où je ferais ce mouvement, il ne retarderait mon arrivée sur le Tessin que de cinq à six jours, et qu'alors, au lieu des premiers jours de la décade de prairial, je ne serais sur le Tessin que vers la fin de cette décade.

Il est essentiel qu'il manoeuvre de manière à établir nos communications par Bellinzona et Locarno, afin de pouvoir agir de concert pour nos différentes attaques.

Prévenez le général Moncey qu'il y a à Zurich et à Lucerne du biscuit, de l'avoine et de l'eau-de-vie qui le mettront à même de nourrir ses troupes ; il y a à Lucerne 1,500,000 cartouches qu'îl doit faire approcher le plus près possible, afin de nous en faire fournir du Saint-Gothard sur le Tessin, si l'ennemi me retenait longtemps sur cette position.

Les traîneaux et les pièces nécessaires au général Moncey sont à Lucerne. Prévenez-le que je lui envoie 50,000 francs par le citoyen Tsssin, aide de camp du général Montchoisy, tant pour les transports que pour les services urgents du moment et pour lever toutes les difficultés qu'il pourrait rencontrer, etc.

Il faut que le général Moncey tâche de nous faire filer, par Berne et par Fribourg, 500,000 cartouches au pied du Saint-Bernard ; s'il peut également nous envoyer 1,500 coups de canon de 8, de 4 et d'obusiers, il nous rendra un grand service.

Cet objet est essentiel, et si la prompte exécution tient à l'argent, que cela ne le retienne pas, nous lui en donnerons.

Dites-lui que je pense que toutes ses troupes ne seront pas arrivées avant le 2 prairial, mais qu'il doit toujours commencer à faire filer au Saint-Gothard celles à ses ordres, et à mesure que les autres arriveront.

Ordonnez-lui d'envoyer des officiers au-devant des colonnes popur faire hâter leur marche sans séjour. Que, sans  la situation où se trouve Gênes, ce qui presse infiniment nos mouvements; j'aurais attendu huit jours, ce qui n'est pas possible.

Ordonnez au général Moncey de correspondre fréquemment avec moi par des courriers et par le Saint-Bernard, jusqu à ce que `je sois assez avancé pour communiquer avec le Simplon.

Le Premier Consul, qui est au milieu de l'armée, compte sur le zèle et les talents du général Moncey, tant par les difficultés que présente la promptitude du mouvement que par son importance.

Vous enverrez cet ordre par l'aide de camp du général Moncey et un double par un courrier.


Quartier général, Lausanne, 14 mai 1800

Au général Dupont, chef d'état-major de l'armée de réserve

Prévenez le général Turrreau que je compte être arrivé le 28 avec l'armée à Ivrée, en passant par le grand Saint-Bernard;

Que l'ennemi, nécessairement s'affaiblira devant lui pour réunir ses forces; qu'en conséquence il est nécessaire qu'il se porte avec toutes les forces possibles sur Suse; qu'il laisse de simples dépôts dans les places fortes, qui, d'ailleurs doivent avoir des gardes nationales pour fournir des secours pour le service ; qu'il ait avec lui le 4e et le 9e régiment de chasseurs et le 21e  de cavalerie, et le plus d'artillerie et de cartouches possible.

Arrivé à Suse, il se mettra en communication avecl'armée par Lanzo et Ponte ; de mon côté, j'enverrai des reconnaissances dans ces deux villes pour avoir de ses nouvelles.

Prévenez le général Turreau que mon intention est de le réunir à l'armée, à Ivrée, marchant par sa gauche, et passant le plus loin possible de Turin, et cependant par un chemin où il puisse traîner son artillerie.

Prévenez-le encore que j'espère que notre jonction sera faite vers le 1er ou 2 prairial, et qu'alors, cette division réunie à mon armée, je manoeuvrerai suivant les circonstances.

Dites-lui que le Premier Consul, qui est au milieu de l'armée, et moi, comptons sur son zèle et son talent pour l'exécution de ce mouvement important.

Recommandez-lui de me donner des nouvelles à Aoste par le petit Saint-Bernard, où je compte être le 26.

Le général Turreau laissera le commandement de la partie qui formait l'aile gauche de l'armée d'Italie à l'officier général qu'il jugera le plus capable.

Le général Turreau réglera les dépôts qu'il doit laisser dans les places et les postes qu'il jugera le plus nécessaire de faire garder pendant son mouvement.

Envoyez ces ordres par le courrier Belin, et par duplicata par un officier d'état-major, qui viendra me rejoindre à Aoste par le petit Saint-Bernard, au moment où le général Turreau se sera rendu maître de Suse.

Vous sentez qu'il n'y a pas un instant à perdre pour faire parvenir ces ordres.

Le général Turreau m'enverra un état exact des troupes qu'il aura avec lui, ainsi que de son artillerie, et un autre de ce qu'il aura laissé dans les places et dans les postes qu'il aura jugé indispensable de garnir.


Lausanne, 14 mai 1800

Au citoyen Petiet, conseiller d'état

Je me suis rendu, Citoyen, hier à Villeneuve. Vous verrez qu'il était arrivé quatre bateaux portant en tout 430,000 rations de biscuits, 3 à 400,000 rations d'eau-de-vie et fort peu d'avoine.

Je vous prie:

I° De vous faire remettre l'état des bateaux qui seraient partis de Genève pour Villeneuve indépendamment des quatre ci-dessus, et de la quantité de rations qu'ils portent;
2° De vérifier ce qui reste en magasin à Genève, afin de pouvoir, par la réunion de ces trois pièces, connaître la totalité du biscuit sur lequel nous pouvons compter. Il me semble qu'il est difficile que cela arrive aux 1,500,000 que l'on m'a dit être confectionnées et pour lesquelles on a fait les fonds.

Il n'y avait pas encore de souliers arrivés à Villeneuve; c'est article dont vous connaissez l'importance.

Le plus tôt que vous me rejoindrez sera le mieux.

Cette armée-ci a bien besoin d'un administrateur.


Lausannne, 14 mai 1800

Au général Masséna, commandant en chef l'armée d'Italie

Je suis à Lausanne depuis deux jours, Citoyen Général . L'armée est en grand mouvement. L'aide de camp que vous m'avez envoyé vous fera connaître verbalement la situation des choses ici.

Vous êtes dans une position difficile; mais ce qui me rassure, c'est que vous êtes dans Gênes : c'est dans des cas comme ceux où vous vous trouvez qu'un homme en vaut vingt mille.

Je vous embrasse.


Lausanne, 14 mai 1800

Au général Saint-Hilaire, commandant la 8e division militaire, à Marseille

L'armée de réserve, Citoyen Général, entre dans le Piémont.  Lorsque vous lirez cette lettre, je serai avec 30,000 braves dans le cœur de l'Italie.

Poussez toute la cavalerie du côté de Nice, afin que, du moment que Masséna sera débloqué, il puisse se mettre à la poursuite de l'ennemi.

Un grand nombre d'officiers et soldats blessés sont arrivés d'Egypte au lazaret. Faites-leur donner tous les secours qui seront en votre  pouvoir. Envoyez-moi l'état de ce qui leur serait dû. Je donne ordre au ministre des finances de faire verser 50,000 francs à cet effet à  Toulon.


 Lausanne, 14 mai 1800

Au général Moreau, commandant en chef l'armée du Rhin

Le ministre de la guerre m'a remis, Citoyen Général, votre lettre de Biberach, du 20 floréal.

Vous venez d'illustrer les armes françaises par trois belles victoire. Cela abattra un peu 1'orgueil autrichien.

J'ai reçu de Gênes des nouvelles du 13; Masséna se défend toujours avec beaucoup d'opiniâtreté, mais il est cerné par des forces considérables.  Les Génois se comportent avec un dévouement sans exemple pour notre cause.

L'armée de réserve commence à passer le Saint-Bernard. Elle est faible; il y aura des obstacles à vaincre, ce qui me décide à passer moi-même en Italie pour une quinzaine de jours.

Il est indispensable que vous formiez un bon corps de troupes au général Moncey. Celui que vous lui destinez est bien faible : d'ailleurs il ne pourrait jamais être réuni à temps . Par exemple, la 29e a deux bataillons à Mayence; la 91e est aussi du côté de Mayence : ces deux corps arriveront très-certainement trop tard. Il est indispensable que vous les remplaciez et que vous manœuvriez de manière à réunir 18 à 20,000 hommes présents sous les armes, sous les ordres du général Moncey, afin qu'il puisse déboucher par le Saint-Gothard dans la première décade de prairial. On ne doit rien épargner pour sauver la ville de Gênes et le quartier général d'une de nos armées, qui se trouve bloqué dans cette place.

Les Anglais font tous les jours quelques petits débarquements sur les côtes de Provence, et il est hors de doute qu'un débarquement assez considérable est en pleine mer.

Le général Ferino, avec un petit corps de troupes, est à la poursuite d'un noyau de Vendée qui se forme dans l'Ardèche et Vaucluse.

Si la diversion que le Gouvernement a ordonnée par le Saint-Gothard ne se fait pas avec toute la diligence et le zèle qu'exigent les circonstances, il pourra arriver que 12 à 14, 000 hommes que nous avons dans Gênes soient faits prisonniers, avec le quartier général, et que l'armée de réserve soit battue. Il faudra bien alors que vous fassiez un détachement de 20,000 hommes pour soutenir le Midi. Vous aurez à lutter contre l'armée d'Italie autrichienne, et même il faudrait tirer de votre armée des secours pour l'intérieur, parce que des succès pareils à ceux-là donneraient une secousse générale aux Vendéens.

Vous voyez les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons.

Le succès de la campagne peut dépendre de la promptitude avec laquelle vous opérerez la diversion demandée. Si elle s'exécute d'un mouvement prompt, décidé, et que vous l'ayez à cœur, l'Italie et la paix sont à nous.

Je vous en dis déjà peut-être trop. Votre zèle pour la prospérité de la République et votre amitié pour moi vous en disent assez.


 Lausanne, 15 mai 1800

Aux Consuls de la République

J'ai reçu votre lettre du 21 floréal. Les besoins du moment ne pas assez pressants pour faire des opérations ruineuses. Je désirerais donc bien que l'on n'en fît plus sur les délégations; nous en avons assez retiré pour les opérations précédentes.

L'avant-garde passe dans ce moment-ci le Saint-Bernard; elle est commandée par le général Lannes.

J'ai passé aujourd'hui la revue de la cavalerie.

Restez quelques jours sans donner des nouvelles de l'armée réserve; dites seulement qu'elle est en pleine marche.

Il sera peut-être bon de faire mettre dans quelques journaux autres que le journal officiel, que j'ai traversé la Suisse et que j'ai passé par Bâle, afin de dérouter ceux qui voudraient répandre de mauvaises nouvelles et alarmer les bons citoyens.

Nous aurons quelques obstacles à vaincre; le transport de 1'artillerie par les Alpes ne sera pas un des moindres; mais enfin toute espèce de moyens seront employés.

Je vous salue affectueusement.


Lausanne, 15 mai 1800

Aux Consuls de la République

Je reçois à l'instant, Citoyens Consuls, votre lettre du 22. Le ministre de la guerre m'envoie l'extrait ci-joint. Je désire que vous le fassiez imprimer tout entier dans le journal officiel; car il est bon que le public connaisse la situation de cette armée (Il s'agit de l'armée d'Egypte) lorsque je l'ai quittée, et combien les rapports faits par les agents de l'Angleterre sont exagérés. Vous pouvez ajouter qu'il résulte de là que, pendant deux ans des campagnes d'Égypte et de Syrie , et malgré les grands combats qui ont été livrés, l'armée n'est pas diminuée d'un cinquième.

La peste n'a pas été en Égypte cette année; ainsi je regarde comme infâme qu'on l'ait abandonnée. Dans mon opinion, la seule chose qui pouvait la faire évacuer eût été qu'une peste très-forte eût, pendant tout l'hiver, affaibli l'armée. Par les lettres qui me reviennent, il paraît que Desaix, Menou, Davout et plusieurs généraux de cœur n'étaient pas d'avis d'évacuer l'Égypte. Vous sentez que tout ce que je vous dis là n'est que pour vous. Je crois aussi qu'il est nécessaire que vous disiez que l'escadre de Brest allait partir, ayant à bord des munitions de toute espèce et 6,000 hommes, lorsqu'on a eu, par Constantinople, la première nouvelle de la capitulation . Il est bon aussi de faire observer que, lors du 18 brumaire, la guerre de l'Ouest avait tellement intercepté nos communications avec l'escadre de Brest, que l'amiral Bruix a été plus d'un mois à se rendre de Paris dans ce port. Je désire que le citoyen Lebrun rédige lui-même cet article, qui ne doit pas dire plus que je ne dis ci-dessus, simplement pour faire sentir à l'Europe que, si je fusse resté en Égypte, ce pays restait à la France.


Lausanne, 15 mai 1800

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

J'ai reçu de Toulon, Citoyen Ministre, beaucoup de lettres de généraux, et, entre autres, du général Menou.  Il paraît que la capitulation est désapprouvée par tous les gens éclairés et plusieurs hommes de cœur de l'armée. L'ordonnateur en chef de cette armée ayant envoyé l'état exact des troupes qui la composent, je le renvoie aux Consuls pour qu'ils le fassent mettre dans le Moniteur. Lorsque cet article paraîtra, je désire que vous en fassiez faire plusieurs, dont le but serait de faire sentir que, si je fusse resté en Égypte, cette superbe colonie serait encore à nous; comme, si je fusse resté en France, nous n'aurions pas perdu l'Italie.

Il est bon, à cette occasion, de rappeler qu'à Aboukir 4,000 Français battirent 20,000 Turcs et prirent le pacha ; qu'à Damiette le général Verdier, avec 800 hommes, battit 4,000 janissaires; et que le grand vizir n'avait pas certainement au delà de 30,000 hommes, ramassis de tous les pays, que 8,000 Français auraient mis en déroute; qu'il est d'autant plus malheureux que l'on évacue l'Egypte, que, par les précautions prises, la peste n'avait fait cette année aucun ravage, et que, depuis la fin de la guerre de la Vendée, l'escadre de Brest, qui portait 6,000 hommes et beaucoup de munitions, serait parvenue à jeter, un mois plus tôt ou plus tard, du secours en Égypte; que la cour de Londres n'a donné l'ordre de laisser passer l'armée que sur les observations de M. Smith, qui a prouvé la faiblesse de l'armée du grand vizir et la force de l'armée française; elle est telle, que le grand vizir, avec son camp à Belbeys, n'ose pas s'avancer au Caire, et a poussé la condescendance jusqu'à payer trois millions pour satisfaire l'armée française ; et si l'armée d'Égypte a  connu que l'Angleterre s'oppose à son retour en France, il n'est aucun doute qu'elle n'ait battu le grand vizir forcé à repasser le désert, et reconquis l'Égypte.

Vous sentez que tout cela est nécessaire à dire, spécialement pour ôter jusqu'à l'ombre du soupçon, dont les ennemis du Gouvernement  paraissent vouloir se targuer.


 Lausanne, 15 mai 1800

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

J'ai reçu, Citoyen Ministre, votre lettre du 21.  Recommandez au citoyen Beurnonville d'être très-circonspect. Sur tous les objets pour  lesquels il n'a pas d'instructions, il doit toujours répondre: Je communiquerai à mon Gouvernement.

Quant à Malte, nous avons aujourd'hui de très-fortes espérances de la conserver. Cependant, nous pouvons nous servir de la réhabilitation de l'ordre comme d'un objet sur lequel l'Angleterre et la Russie ne seront jamais d'accord. Pourtant il ne faudrait pas trop se compromettre.


Lausanne, 15 mai 1800

Au général Berthier, commandant en chef l'armée d'Italie

Six cent hommes de la 60e, Citoyen Général, viennent d'arriver.

La moitié de leurs armes est en mauvais état; j'estime qu'i1 leur en manque trois cents. Je désirerais que vous me fissiez connaître s'il n'y en a pas à Villeneuve; dans ce cas, il faudra leur accorder demain séjour à Villeneuve, pour avoir le temps d'en faire venir, de Genève, où je vais écrire pour qu'on en envoie de suite.

Il faut que vous donniez l'ordre au général Sauret d'établir son quartier général à Villeneuve ou à Saint-Maurice. Donnez-lui le commandement du Léman, de tous les bords du lac et de tout le Valais. Attachez-lui un commissaire des guerres on un commissaire ordonnateur. Fixez vos routes depuis Genève jusqu'à Saint-Pierre.

Ordonnez au général Sauret de tenir la main à ce qu'il soit passé à Genève et à Villeneuve des revues de tous les conscrits et troupes qui y passent, afin que l'on complète l'armement, les souliers et les quarante cartouches par homme ;

Que tout corps ou détachement qui partira de Genève prendra du pain pour quatre jours, et, en partant de Villeneuve, du biscuit pour cinq jours. Alors il vous suffit d'avoir une seule manutention à Genève et deux fours à Nyon, afin de pouvoir fournir le pain aux troupes qui n'iraient pas à Genève.

Il restera à prendre des mesures pour la cavalerie. Il va en passer beaucoup, et si elle n'est pas mieux nourrie qu'elle ne l'a été jusqu'à cette heure, les chevaux arriveront morts en Italie. Plusieurs corps n'ont point laissé leurs dépôts à Dijon ni dans la 18e division ; il est nécessaire alors qu'ils les établissent à Genève.

Ordonnez également que les petits dépôts de cavalerie soient établis à Villeneuve. Il y aura possibilité de faire fournir de l'avoine par le lac, et voilà la saison où l'on ne manque pas de fourrages.

Je vous recommande de prendre des mesures pour la cavalerie. Il va arriver une grande quantité de chevaux d'artillerie. Tous mourront en montant la montagne, s'ils sont huit jours sans être nourris.

Je viens de faire partir de Lausanne cinq chariots à munitions, chargés de dix traîneaux faits à Auxonne, pour le transport des caissons et des pièces de 8. Faites-les atteler par d'autres chevaux qui se trouveront à Villeneuve, et envoyez-les en toute diligence au Saint-Bernard. Les chevaux qui sont attelés à ces cinq voitures pourront servir à atteler l'artillerie de la division du général Monnier.

J'ai fait donner, à Lausanne, une pièce de 4 à la légion cisalpine. Faites-lui en donner une autre à Villeneuve.

Le général Murat n'organise pas sa cavalerie; il n'y a ni commissaire des guerres , ni chefs d'administration, de sorte qu'on ne sait comment vivre.

L'organisation qui paraît la meilleure serait de la diviser en quatre brigades

1° Le 11e de hussards, le 21e de chasseurs;
2° Le ler de hussards, les 2e et 15e de chasseurs
3° Les 5e, 7e, 8e, 9e de dragons;
4° Les 1er, 2e, 3e, 5e, 20e de cavalerie.

Il faut que chaque brigade, ait un agent des fourrages, un commissaire des guerres, une escouade d'artillerie légère avec deux pièces de canon. En attendant que l'artillerie légère de l'armée soit arrivée, on pourra se servir de celle de la garde des Consuls.

Il est nécessaire que l'ordonnateur prenne des mesures pour avoir à Lausanne deux on trois mille paires de souliers par décade pendant trois décades, pour les détachements et corps qui passent.


Lausanne, 15 mai 1800

Au général Berthier, commandant en chef l'armée de réserve, à Villeneuve

Lauriston, Citoyen Général,  vient d'arriver; il m'apprend que toute l'artillerie de la division du général Lannes a passé. Faites de suite passer tout le corps du général Duhesme, et portez-vous le plus rapidement possible au fort de Bard. Si le général Chabran a pu amener les pièces de 12, faites-les-y conduire. Vous sentez que l'on ne saurait trop tôt enlever le château de Bard.

J'imagine que Lannes a occupé aujourd'hui Aoste. J'espère qu'au plus tard dans la journée du 2l vous serez maître de Bard.

La cavalerie couchera demain à Villeneuve. Monnier, avec division, couchera demain à Vevay. Les Italiens doivent vous avoir joint.

Demain au soir je serai probablement à Saint-Maurice ; ma garde et les équipages partent demain matin pour s'y rendre.

Je viens de recevoir des nouvelles de Paris, où tout va parfaitement bien.

Les 1,000 hommes de cavalerie qui sont partis de Paris quelques jours avant moi seront le 30 à Lausanne.


Lausanne, 15 mai 1800

Au citoyen Petiet, conseiller d'État

Ordonnez que l'on expédie toujours, Citoyen, le biscuit qui serait confectionné. Je désire que l'on complète les 1,500,000 rations, et qu'elles soient à Villeneuve le 8 prairial au plus tard.

J'attendais un million, aujourd'hui 25, à Genève. S'il y est rendu, faites-le filer sur Lausanne et adressez-le au citoyen Dubard, qui vous y attendra. S'il n'est pas arrivé à Genève, envoyez un de vos jeunes gens à sa rencontre, afin de lever tous les obstacles qui se rencontreraient. Remettez 3,000 francs à ce jeune homme, et qu'il aille au delà des Rousses, jusqu'à Champagnole, où l'on m'instruit que plusieurs convois d'artillerie sont encombrés, parce que les conducteurs n'ont point d'argent. Avec cet argent, il lèvera ces obstacles et fera filer tous ces convois.

Je ne sais pas les mesures que le commissaire ordonnateur Dubreton aura prises pour organiser à Genève un petit dépôt d'habillement; informez-vous-en auprès du commissaire des guerres, et, si ces mesures ne sont pas suffisantes, prenez-en de manière à faire face à une consommation de 10,000 souliers par décade, dont moitié pour être envoyés à Villeneuve, et moitié pour les troupes qui passent à Genève, et cela pendant trois décades. Faites réunir un millier d'habits, deux milliers de culottes, 2,000 gibernes et 4, 000 chemises pendant trois décades. Genève doit offrir des ressources promptes en matériaux pour confectionner ce qu'on demande.

Faites-vous rendre compte des mesures que l'on a prises pour établir un hôpital à Genève. Il est possible qu'il y ait bientôt un millier de blessés.

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Je vous prie d'envoyer un fourrier à Valence, en le faisant passer par Chambéry, pour activer le départ des pontonniers, qui sont d'une nécessité indispensable à l'armée


Torre di Gorofolo, 15 mai 1800

A Joséphine

Je pars dans l'instant pour aller coucher à Saint-Maurice. Je n'ai point reçu de lettres de toi; cela n'est pas bien; je t'ai écrit tous les courriers.

Eugène doit arriver après-demain. Je suis un peu enrhumé; mais cela ne sera rien.

Milles choses tendres á toi, ma bonne petite Joséphine, et à tout ce qui t'appartient.

(in: Lettres de Napoléon à Joséphine - Garnier - Paris - 1906)


16-30 mai 1800