Janvier 1801


Paris, 1er janvier 1801

Au citoyen Abrial, ministre de la justice

Le Premier Consul me charge, Citoyen Ministre, de vous écrire que son intention est que, par une circulaire aux tribunaux, vous fassiez connaître aux juges et commissaires qui les composent qu'ils ne peuvent quitter leurs arrondissements respectifs qu'après avoir obtenu votre agrément. Si vous croyez que cette défense doive être l'objet d'un règlement, le Premier Consul désire que vous lui en présentiez incessamment le projet.


Paris, 1er janvier 1801

QUESTIONS

 

Le ministre de la Police fait un rapport à la suite duquel il présente un
projet d'arrêté pour mettre en surveillance, hors du territoire européen de la République, un certain nombre d'individus
Le Premier Consul soumet  la délibération du Conseil d'état  les deux questions suivantes : 
PREMIÈRE QUESTION. La mesure  proposée par l'arrêté présenté par le ministre est-elle nécessaire à la conservation de la Constitution et de la liberté publique?
DEUXIÈME QUESTION. Cette mesure doit-elle être un acte de haute police du Gouvernement, ou être convertie en projet de loi?

 Paris, 1er janvier 1801

MESSAGE AU CORPS LÉGISLATIF

Législateurs la République  triomphe, et ses ennemis implorent encore sa modération.

La victoire de Hohenlinden a retenti dans toute l'Europe; elle sera comptée par l'histoire an nombre des plus belles journées qui aient illustré la valeur française; mais à peine avait-elle été comptée par nos défenseurs , qui ne croient avoir vaincu que quand la patrie n'a plus d'ennemis.

L'armée du Rhin a passé l'Inn; chaque jour a été un combat, et chaque combat un triomphe.

L'armée gallo-batave a vaincu à Bamberg; l'armée des Grisons à travers les neiges et les g1aces, a franchi le Splugen pour tourner les redoutables lignes du Mincio et de l'Adige. L'armée d'Italie a emporté, de vive force le passage du Mincio et bloque Mantoue. Enfin, Moreau n'est plus qu'à cinq journées de Vienne, maître d'un pays immense et de tous les magasins des ennemis.

C'est là qu'a été demandé par le prince Charles, et accordé par le général en chef de l'armée du Rhin, l'armistice dont les conditions vont être mises sous vos yeux.

M. de Cobenzl, plénipotentiaire de l'Empereur à Lunéville, a déclaré, par une note en date du 31 décembre, qu'il était près d'ouvrir les négociations pour une paix séparée . Ainsi l'Autriche est affranchie de l'influence du Gouvernement anglais.

Le Gouvernement, fidèle à ses principes et au vœu de l'humanité, dépose dans votre sein et proclame à la France et à l'Europe entière les intentions qui l'animent.

La rive gauche du Rhin sera la limite de la République française, elle ne prétend rien sur la rive droite. L'intérêt de l'Europe ne veut pas que l'Empereur passe l'Adige. L'indépendance des républiques helvétique et batave sera assurée et reconnue. Nos victoires n'ajoutent rien aux prétentions du peuple français. L'Autriche ne doit pas attendre de ses défaites ce qu'elle n'aurait pas obtenu par des victoires.

Telles sont les intentions invariables du Gouvernement: le bonheur de la France sera de rendre le calme à l'Allemagne et à l'Italie, sa gloire, d'affranchir le continent du génie avide et malfaisant de l'Angleterre.

Si la bonne foi est encore trompée, nous sommes à Prague, à Vienne et à Venise.

Tant de dévouement et tant de succès appellent sur nos armées toute la reconnaissance de la nation.

Le Gouvernement voudrait trouver de nouvelles expressions pour consacrer leurs exploits; mais il en est une qui, par sa simplicité, sera toujours digne des sentiments et du courage du soldat français.

Le Gouvernement vous propose les quatre projets de loi ci-joints. (Ces quatre projets de loi portent que les armées du Rhin gallo-batave, d'Italie et des Grisons, ont bien mérité de la patrie.)


Paris, 3 janvier 1801

Au citoyen Fouché, ministre de la police générale

Il y a à Paris, Citoyen Ministre, trois classes d'individus qui méritent une surveillance particulière :

1° Les Italiens réfugiés,
2° Les colons,
3° Les amnistiés de l'Ouest.

Je vous prie de me faire connaître combien d'individus de ces trois classes se trouvent à Paris, et de me proposer des mesures ayant pour but de les éloigner de la capitale, en me faisant connaître moyens qu'aura la police pour que ces mesures soient exécutées.


Paris, 4 janvier 1801

ARRÊTÉ

ARTICLE  1er. - Le ministre de l'intérieur prendra des mesures pour que tout ce qui pourrait être dû aux employés de la préfecture de police pour l'an IX soit payé dans le courant du mois de nivôse.
ART. 2. - Le ministre de l'intérieur prendra également des mesure pour que toutes les dépenses relatives à la police de Paris soient toujours tenues au courant, de préférence à toute autre dépense.
ART. 3. - Le ministre de l'intérieur est chargé de l'exécution présent arrêté.


Paris, 4 janvier 1801

ARRÊTÉ

ARTICLE ler. - Le ministre de la marine et des colonies fera mettre en arrestation le citoyen Tallien, prévenu d'avoir quitté l'Égypte sans passe-port, après y avoir fomenté des troubles.
ART. 2. - Le citoyen Gilot, pharmacien, sera embarqué sur le premier aviso et renvoyé en Égypte pour y être transféré au conseil de guerre de l'armée d'Orient, comme ayant quitté l'armée sans mission.


Paris, 5 janvier 1800

Au citoyen Benezech, conseiller d'État

Le Premier Consul désire, Citoyen , que vous vous occupiez d'un projet de loi qui autoriserait :

1° .- A abattre les maisons nationales dégradées par la machine infernale de manière que la rue de Chartres débouche sur le Carrousel;
2°. - A abattre l'hôtel de Coigny et les bâtiments qui y sont adossés;
3°. - A abattre les différentes habitations qui se trouvent aux environs des Tuileries, et qui, sans exiger des sacrifices considérables, rendront la circulation à plusieurs rues obstruées.


Paris, 6 janvier 1801

Au citoyen Chaptal, ministre de l'intérieur par intérim

Je vous prie, Citoyen Ministre, d'écrire aux citoyens Conté, Champy, Fourier, membres de la commission des arts en Égypte, une lettre de satisfaction, de la part du Gouvernement, sur les services qu'ils rendent en Égypte, et de faire donner à leurs femmes 3,000 francs en forme de gratification.


Paris, 6 janvier 1801

Au citoyen Gaudin, ministre des finances

Je désirerais, Citoyen Ministre, que les places de l'administration forestière fussent données à des citoyens qui ont fait plusieurs campagnes de la guerre de la liberté. Je vous prie de me présenter un projet d'arrêté sur cette proposition.


Paris, 6 janvier 1801

Au citoyen Lacuée, conseiller d'État

Vous trouverez ci-joint, Citoyen, un projet sur la gendarmerie.  Je vous prie de réunir à la section de la guerre le premier inspecteur et le général Wirion, et de me présenter un projet d'organisation définitive. Je l'ai parcouru très-rapidement; voici les observations principales que j'ai à y faire:

1°. Il ne faudrait pas de réserve par compagnie, mais bien par division, et tout au plus par escadron.
2° Je crois qu'il est nécessaire quelle soit composée du quart, ou au moins du cinquième de toute la gendarmerie à pied et à cheval de la division.
3° Toute la gendarmerie doit être organisée par brigades, de sorte que l'on fasse changer les brigades, mais jamais un homme isolé.
4° La réserve pour la garde de Paris, Lyon, Marseille et Bordeaux, sera composée de brigades, c'est-à-dire que chaque division fournira tant de brigades, et en ne chargera jamais un homme isolé, mais toujours par brigades.
5° Le nom de brigade désignant aujourd'hui les grands corps d'infanterie, il faudrait, je crois, y substituer le mot d'escouade, et aux divisions le mot de régiment.
6° Pour la gendarmerie à pied, il me paraîtrait essentiel d'en avoir une escouade de 12 hommes dans chaque chef-lieu de département, spécialement attachée aux prisons et aux tribunaux, et deux escouades dans les lieux où sont les tribunaux d'appel.
7° Il me paraîtrait utile que, dans tous les départements où il y aurait quatre brigades de gendarmerie à pied, il y eût un lieutenant de gendarmerie à pied, lequel serait toujours sous les ordres du capitaine, serait à cheval comme les autres officiers de gendarmerie, mais serait spécialement chargé de marcher avec une ou deux brigades de gendarmerie à pied, toutes les fois que cela serait nécessaire. Il serait pris parmi les maréchaux des logis de la gendarmerie à pied.
8° Lorsque, dans un département, il y aurait six brigades de gendarmerie à pied, il y aurait un capitaine en second de gendarmerie à pied, qui serait pris parmi les maréchaux des logis et lieutenants sortant de la gendarmerie à pied.
9° Si l'on admet des sous-lieutenants, il faut spécifier quel nombre sera pris dans la gendarmerie à pied.
10° Les capitaines, lieutenants et sous-lieutenants de la gendarmerie à pied concourront également pour les places de capitaines, chefs d'escadron, etc., de la gendarmerie.
 11° On a supposé ici que l'on adoptait l'escouade de 12 hommes comme le présente le projet, quoique cela me paraisse avoir beaucoup d'inconvénients. Il y aura un grand nombre de circonstances où l'on ne fera marcher que 6 hommes; je crois donc qu'il ne faut composer les brigades de gendarmerie à pied que de 5 et 1 brigadier ou maréchal des logis.
12° Dans la distribution, il faudra avoir soin de destiner les brigades de gendarmerie à pied pour les maisons de réclusion, et en mettre un assez grand nombre pour être certain que les détenus ne s'évadent plus.
13° Je désire aussi que la section s'entende avec celle de la marine pour voir s'il ne conviendrait pas d'attacher des brigades de cette gendarmerie aux ports de Brest, Lorient, Rochefort et Toulon. Par ce moyen, on supprimerait la gendarmerie de la marine; et cela aurait l'avantage que, si l'on avait à se plaindre de la gendarmerie de ces ports, on la changerait sans inconvénient.
14° Il restera ensuite à voir s'il ne conviendrait pas de faire des dispositions pour établir autour des ports de galères un renfort de Gendarmerie à pied et à cheval, pour rendre plus difficile l'évasion des galériens.


Paris, 6 janvier 1801

Le Ministre des Relations extérieures fera connaître à M. de Semonville que je n'approuve pas les démarches qu'il a faites dans cette circonstance. Le Gouvernement francais n'est pas à 100,000 francs près et je suis très mécontent qu'on l'ait mis en jeu pour si peu de choses. Il fallait demander ouvertement une chose juste. Puisque cette demie-brigade avait perdu ses effets, il était d'autant plus raisonnable que le Gouvernement Batave vint à son secours qu'il est bien loin d'avoir de payer ce qu'il doit. Ces petites intrigues ne sont pas dignes du Gouvernement.

Lettres à Talleyrand


Paris, 7 janvier 180

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je vous prie, Citoyen Ministre, de remettre à M. de Muzquiz une lettre dans laquelle vous vous plaindrez de ce que les changements connus dans les préparatifs contre le Portugal ont mis les Anglais à même de retirer leurs troupes de ce pays et de les diriger contre l'Égypte; que cette conduite n'est conforme ni aux vrais intérêts de l'Espagne, ni aux sentiments qu'avait montrés jusqu'ici le ministère espagnol; que, le succès des armées sur le continent rendant disponibles les troupes qui étaient dirigées sur Lyon et sur Dijon, le Gouvernement vient de donner des ordres pour les faire approcher des frontières d'Espagne : car, enfin, puisque les Anglais paraissent vouloir attaquer l'Égypte, il faut bien que la République lui ôte le seul allié qui lui reste sur le continent de l'Europe.


Paris, 7 janvier 1801

ARRÊTÉ


                                                     
ARTICLE ler. - Aucune diligence partant à jour et heure fixes, à dater, pour Paris, du 20 nivôse, et, pour tous les départements , du ler pluviôse, ne pourra voyager qu'elle n'ait quatre soldats commandés par un caporal on sergent sur l'impériale, armés de leurs fusils et munis de vingt cartouches, et qu'elle ne soit accompagnée, la nuit, de deux gendarmes au moins, armés de fusils et à cheval.
ART. 2. - Lorsqu'il y aura dans la diligence plus de 50, 000 francs appartenant soit à la République, soit à des particuliers, la diligence ne pourra faire route si, indépendamment des cinq hommes d'infanterie, elle est accompagnée au-moins de quatre gendarmes ou autres hommes à cheval.
ART. 3. - Ces cinq hommes d'infanterie seront fournis par les officiers commandant dans les lieux d'où part la diligence. La même escorte servira pendant tout le voyage, pour ratier et le retour.
ART. 4. - Les soldats qui seront sur les impériales recevront 1 franc par jour de gratification, qui sera payé tous les soirs par le conducteur de la diligence.
ART. 5. - Tous cochers et postillons conduisant les diligences seront tenus d'être munis d'un couteau de chasse et dune paire de pistolets.
ART. 6. - Les préfets, sous-préfets, maires, gendarmes, seront tenus empêcher une diligence de continuer sa route, si elle n'est accompagnée conformément aux dispositions du présent arrêté. Il sera fait une vérification particulière aux barrières de Paris et des grandes villes.
ART. 7. - Tout conducteur qui transgresserait les articles ci-dessus sera arrêté.
ART. 8. - L'escorte de toute diligence qui serait forcée sera arrêtée et traduite devant une commission militaire, qui jugera si elle a fait son devoir. Quel que soit le nombre des brigands, elle ne devra se rendre qu'après avoir tiré ses vingt cartouches et déployé le courage ordinaire aux soldats français.
ART. 9. - Les ministres de la guerre, des finances, et de la police générale, sont chargés de l'exécution du présent arrêté.


Paris, 7 janvier 1801

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je désire, Citoyen Ministre, que vous écriviez par toutes les occasions au général Menou, pour lui faire connaître qu'un débarquement en Égypte ne peut avoir sérieusement lien qu'à Aboukir;

Qu'un débarquement à Aboukir ne peut avoir lien que dans le cas où l'on s'emparerait de suite des puits: l'eau est toujours ce qui manque aux vaisseaux; que, pour la défense de ces puits il paraît nécessaire de faire bâtir un fort sur le monticule qui les commande. La pierre et le bois se trouvant sur les lieux, et la hauteur étant très-favorable, la bâtisse de ce fort doit être facile.

Ne remettez ces lettres qu'à des officiers, et recommandez-leur de ne pas les laisser prendre et de les jeter à la mer eu cas de prise du bâtiment.


Paris, 8 janvier 1801

MESSAGE AU SÉNAT CONSERVATEUR


                                    
Sénateurs, le Premier Consul, conformément à l'article 16 de la Constitution, vous présente comme candidats aux quatre places vacantes au Sénat conservateur ::

Pour la première place, le citoyen Collot, général de division à l'armée du Rhin.

Ce soldat a rendu des services essentiels dans toutes les campagnes de la guerre. C'est d'ailleurs l'occasion de donner un témoignage de considération à cette invincible armée du Rhin qui, des champs de Hohenlinden, est arrivée jusqu'aux portes de Vienne, dans le mois le plus rigoureux de l'année, en vainquant tous les obstacles.

Pour la seconde place, le citoyen Tronchet, le premier jurisconsulte de France, président du tribunal de cassation.

Le Gouvernement désire que le premier corps judiciaire voie dans la présentation de son président un témoignage de satisfaction pour la conduite patriotique qu'il a constamment tenue.

Pour la troisième place, le citoyen Crassous, qui a réuni les suffrages du Tribunat et du Corps législatif.

Et pour la quatrième, le citoyen Harville, général de division.

Ce soldat a rendu des services importants dans toutes les campagnes, depuis la bataille de Jemmapes jusqu'à celle de Marengo.


Paris, 8 janvier 1801

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je vois par les lettres d'aujourd'hui, Citoyen Ministre, que le citoyen Dejean s'occupe avec activité à expédier les trois bâtiments qui ont été demandés pour l'Égypte.

Faites-lui connaître qu'il peut y faire mettre, pour compléter le chargement, 30 ou 4,0,000 boulets de tous les calibres, depuis 2 1/2 jusqu'à 36, vu qu'il y a en Égypte des pièces de tous ces calibres; ceci est indépendamment de boulets de 8 et de 4 demandés par les instructions précédentes.

Le général Dejean aura soin de vous envoyer le nom des bâtiments, l'époque de leur départ et la nature de leur chargement.

Il serait également d'un grand secours pour la colonie de lui envoyer des fers, des outils de pionniers et autres, des bigornes de la plus grande dimension.

Envoyez au citoyen Belleville les mêmes instructions, et faites-lui connaître que des fusils de calibre autrichien pourraient être également utiles.

Recommandez aux citoyens Belleville et Dejean de stimuler les négociants de Livourne et de Gênes à expédier pour l'Égypte des bâtiments chargés d'eau-de-vie et de vin. Ils peuvent les assurer que leurs bâtiments seront libres d'effectuer leur retour quand il leur plaira, et qu'ils pourront charger en Égypte des marchandises de ce pays pour l'Europe. Les citoyens Belleville et Dejean auront sain d'écrire au général Menou, en profitant du départ de ces bâtiments, pour l'informer de la situation de l'Europe.


Paris, 9 janvier 1801

MESSAGE AU CORPS LÉGISLATIF

Législateurs , le Gouvernement vous propose le projet de loi suivant:

" L'armée d'Orient, les administrateurs , les savants et les artistes qui travaillent à organiser, à éclairer, à faire connaître l'Égypte, ont bien mérité de la patrie. "

Ce projet de loi est l'expression d'un vœu émis par le Tribunat et répété par le peuple français.

Quelle armée, en effet, quels citoyens ont mieux mérité de recevoir ce témoignage de la reconnaissance nationale!

A travers combien de périls et de travaux l'Égypte a été conquise! Par combien de prodiges de courage et de patience elle a été conservée à la République!

L'Égypte était soumise; l'élite des janissaires de la Turquie européenne avait péri au combat d'Aboukir. Le grand vizir et ses milices tumultuaires n'étaient pas encore dans la Syrie. Nos revers en Italie et en Allemagne retentissent dans l'Orient; on y apprend que la coalition menace les frontières de la France et que la discorde s'apprête à lui en livrer les débris.

Au bruit des malheurs de sa patrie, le sentiment, le devoir rappellent en Europe celui qui avait dirigé l'expédition d'Égypte.

L'Anglais saisit cette circonstance et sème des rumeurs sinistres:  "que l'armée d'Orient est abandonnée par son général; qu'oubliée de la France, elle est condamnée à périr, loin de sa patrie, par les maladies ou par le fer des ennemis; que la France elle-même a perdu sa gloire, ses conquêtes, et perdra bientôt son existence avec sa liberté".

A Paris, de vains orateurs accusaient l'expédition d'Égypte et déploraient nos guerriers sacrifiés à un système désastreux et à une basse jalousie.

Ces bruits, ces discours, recueillis et propagés par les émissaires de l'Angleterre, portent dans l'armée les soupçons, les inquiétudes et la terreur.

El-A'rych est attaqué; El-A'rych tombe au pouvoir du grand vizir, par les intrigues des Anglais et par le découragement de nos soldats.

Mais, pour arriver en Égypte, il reste un immense désert à traverser. Point de puits dans ce désert qu'au point de Qatyeh, et là une forteresse et de l'artillerie. Au delà du désert, le fort de Sâlheyeh, une armée pleine de vigueur et de santé, nouvellement habillée, d'abondantes munitions, des vivres de toute espèce; plus de forces enfin qu'il n'en faut pour résister à trois armées telles que celle du grand vizir.

Mais nos guerriers n'avaient plus qu'un désir, qu'une espérance, celle de revoir et de sauver leur patrie. Kleber cède à leur impatience. L'Anglais trompe, menace, caresse et arrache enfin par ses artifices la capitulation d'El-A'rych. Les généraux les plus courageux et les plus habiles sont au désespoir. Le vertueux Desaix signe en gémissant un traité qu'il réprouve.

Cependant la bonne foi exécute la convention que l'intrigue a surprise. Les forts de Suez, Qatyeh, Sâlheyeh, Belbeys, la haute Égypte, sont évacués. Déjà Damiette est au pouvoir des Turcs, et les Mameluks sont au Caire.

Quatre-vingts vaisseaux turcs attendent notre armée au port d'Alexandrie pour la recevoir. La forteresse du Caire, Gyzeh, tous les forts vont être abandonnés dans deux jours, et l'armée n'aura plus d'asile que ces vaisseaux, qui sont destinés à devenir sa prison!

Ainsi l'a voulu la perfidie.

Le Gouvernement britannique refuse de reconnaître un traité qu'a entamé, qu'a conduit son ministre plénipotentiaire à la Porte, le commandant de ses forces navales destinées à agir contre l'expédition d'Égypte ' (Référence est faite ici à Sidney Smith, qui signait ainsi), et que ce plénipotentiaire, ce commandant, a signé conjointement avec le grand vizir.

La France doit à cette conduite la plus belle de ses possessions, et l'armée que l'Anglais a le plus outragée lui doit une nouvelle gloire. Des bricks expédiés de France ont annoncé la journée du 18 brumaire, et que déjà la face de la République est changée.

Au refus prononcé par les Anglais de reconnaître le traité d'El-A'rych, Kleber s'indigne, et son indignation passe dans toute l'armée. Pressée entre la mauvaise foi des Anglais et l'obstination du grand vizir, qui exige l'accomplissement d'un traité que lui-même ne peut plus exécuter, elle court au combat et à la vengeance. Le grand vizir et son armée sont dispersés aux champs d'Héliopolis.

Ce qui reste de Français dans la forteresse du Caire brave toutes les forces des Mameluks et toutes les fureurs d'un peuple exalté par le fanatisme.

Bientôt la terreur et l'indulgence ont reconquis toutes les places et tous les cœurs. Mourad-Bey, qui avait été le plus redoutable de nos ennemis, a été désarmé par la loyauté française, et, soumis à la République, il s'honore d'être son tributaire et l'instrument de sa puissance.

Cette puissance s'affermit par la sagesse; l'administration prend une marche régulière et assurée; l'ordre ranime toutes les parties du service; les savants poursuivent leurs travaux, et l'Égypte a désormais l'aspect d'une colonie française.

La mort du brave Kleber, si affreuse, si imprévue, ne trouble point le cours de nos succès.

Sous Menou et par son impulsion, se développent de nouveaux moyens de défense et de prospérité. De nouvelles fortifications s'élèvent sur tous les points que l'ennemi pourrait menacer. Les revenus publiques s'accroissent. Estève dirige avec intelligence et fidélité une administration des finances que l'Europe ne désavouerait pas. Le trésor public se remplit, et le peuple est soulagé. Conté propage les arts utiles. Champy fabrique la poudre et le salpêtre. Le Père retrouve le système des canaux qui fécondaient l'Égypte, et ce canal de Suez qui unira le commerce de l'Europe au commerce de l'Asie.

D'autres cherchent et découvrent des mines jusqu'au sein des déserts; d'autres s'enfoncent dans l'intérieur de l'Afrique pour en connaître la situation et les productions, pour étudier les peuples qui l'habitent, leurs usages et leurs mœurs, pour en rapporter dans leur patrie des lumières qui éclairent les sciences, et des moyens de perfectionner nos arts  ou d'étendre les spéculations de nos négociants.

Enfin le commerce appelle les vaisseaux de l'Europe au port d'Alexandrie, et déjà le mouvement qu'il imprime réveille l'industrie dans nos départements méridionaux.

Tels sont, Citoyens Législateurs, les droits qu'ont à la reconnaissance de la nation l'armée d'Égypte et les Français qui se sont dévoués au succès de cet établissement. En prononçant qu'ils ont bien mérité de la patrie, vous récompenserez leurs premiers efforts, et vous donnerez une nouvelle énergie à leurs talents et à leur courage.


Paris, 9 janvier 1801

Au citoyen Chaptal, ministre de l'intérieur par intérim


Je désirerais, Citoyen Ministre, que vous me fissiez un rapport sur les médailles qui avaient été demandées pour perpétuer le souvenir des principaux événements militaires de la guerre, ainsi que sur plusieurs tableaux pour le même objet que j'avais demandés.


Paris, 9 janvier 1801

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je désirerais, Citoyen Ministre, faire passer trente ou quarante capitaines on lieutenants en Égypte, et les embarquer sur des bâtiments qui seraient expédiés des ports d'Espagne. Faites-moi connaître si le Gouvernement espagnol trouverait de l'inconvénient au passage de ces officiers. Écrivez à cet effet à notre ambassadeur à Madrid.


Paris, 9 janvier 1801

ARRÊTÉ


ARTICLE ler. - Il sera envoyé en Égypte vingt capitaines et cent lieutenants ou sous-lieutenants, pris parmi les officiers à la suite actuellement à Paris ou à Lyon.
ART. 2. - Ces officiels devront avoir au moins deux années de service dans leur grade. Ils seront  choisis parmi ceux d'une constitution forte et d'une bravoure distinguée.
ART. 3. - Trente de ces officiers seront dirigés sur Nice, où ils s'embarqueront sur les avisos qui doivent partir de ce port. Vingt se rendront à Marseille, où ils s'embarqueront sur les bâtiments que le commerce fait armer. Soixante seront envoyés à Toulon, où ils s'embarqueront sur les douze avisos qui doivent partir de ce port.
ART. 4. - Ils seront armés, avant leur départ, d'un fusil, d'une paire de pistolets et d'un sabre. Ils recevront une ceinture pouvant contenir vingt cartouches.
ART. 5. - Le général Menou attachera ces officiers aux différentes demi-brigades de l'armée d'Orient.
ART. 6. - Les ministres de la guerre et de la marine sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécutions du présent arrêté, qui ne sera pas imprimé.


Paris, 9 janvier 1801

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire connaître au général Brune:

Que le citoyen Menars, ordonnateur de la marine, se rend à Milan, d'où il se rendra à Chioggia, Bouches du Pô et Ancône, pour faire partir une douzaine d'avisos pour l'Égypte; chaque aviso sera chargé de fusils, boulets, fers, aciers, outils; les fusils de calibre autrichien peuvent servir;

Que je compte particulièrement sur les secours et l'aide qu'il lui donnera pour un objet aussi important; 

Qu'il est essentiel que, ne fût-ce que pour cette considération, il tâche de s'établir à Chioggia.

Faites-lui connaître la nouvelle gloire qu'acquerra l'armée d'Italie, si, par Gènes, Livourne, Chioggia et Ancône, elle peut faire parvenir à l'armée d'Orient les fusils, boulets et médicaments dont elle a besoin.


Paris, 9 janvier 1801

Au général Berthier

Je vous prie, Citoyen Ministre, de me faire connaître par un rapport la situation actuelle de nos principales manufactures d'armes de la République :

1° Combien pouvaient-elles fabriquer d'armes par mois en 1788? Combien en ont-elles fabriqué dans les mois de vendémiaire, brumaire et frimaire de l'an IX? Quels sont les officiers d'artillerie employés auprès de chacune de ces manufactures?
2° Combien y a-t-il d'ateliers de réparation de fusils? Combien ont-ils réparé de fusils dans les trois mois de l'an IX? Combien en reste-t-il à réparer?
3° Combien avons-nous aujourd'hui de fusils en état, en magasin? Où sont-ils?
4° S'est-on procuré, dans le courant de l'an IX, des fusils autrement que par les manufactures? Combien s'en est-on procuré de cette manière?


Paris, 9 janvier 1801

Au général Berthier

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire connaître au général Brune qu'il ne doit point conclure d'armistice, à moins qu'il ne lui soit accordé Mantoue, Peschiera, Ferrare, Ancône, et au moins la partie de Legnago qui se trouve sur la rive droite de l'Adige; dans le cas où l'ennemi ne voudrait pas accéder à ces conditions, qu'il doit se porter sur la Piave.

Vous ferez connaître au général Macdonald qu'il doit se porter à Trente et seconder, par des mouvements dans les gorges de Bassano, le passage de la Brenta.

Il paraît bien nécessaire que le général Marmont prenne les mesures pour assiéger Peschiera et Porto-Legnago.

Recommandez surtout au général Brune de réunir ses troupes. S'il le juge à propos, il peut charger le général Murat de faire investir la citadelle de Ferrare par une de ses brigades.

Faites sentir au général Brune combien, dans le cas où les hostilités doivent recommencer, il est essentiel on qu'il soit maître de toutes ces places, ou qu'il se trouve sur les débouchés des Alpes Juliennes et Noriques.

Envoyez, par un courrier extraordinaire, au général Moreau et au général Augereau les nouvelles d'Italie, et faites connaître au général Augereau que je désire qu'il ne quitte pas son armée avant la fin des affaires d'Italie, et au général Moreau qu'il veille strictement à ce que l'ennemi ne fasse passer aucun renfort de son armée d'Allemagne celle d'Italie.

Vous lui ferez connaître que le général Brune ne doit point conclure d'armistice, à moins qu'on ne le mette en possession des places fortes.


Paris, 9 janvier 1801

Au général Brune, commandant en chef l'armée d'Italie

Je reçois, Citoyen Général, votre lettre de Vérone, en date du 13 (3 janvier).  Faites, je vous prie, connaître à l'armée combien cette nouvelle (Passage de l'Adige et entrée dans Vérone) m'a fait de plaisir. Vous avez rendu leur ancienne gloire à nos champs de l'Adige.

Occupez Vicence, Padoue, et ne concluez l'armistice que lorsqu'on vous rendra Mantoue, Ferrare, Peschiera et Ancône; sans quoi, allez de l'avant.

Réunissez toutes vos forces. Laissez le Tyrol occupé par l'armé des Grisons.

Vous savez l'importance que j'attache à Ancône.

On m'assure que l'on a fait des choses horribles en Toscane. Faite des exemples sévères, et tirez parti de Padoue, de Vérone et de Vicence pour les finances de votre armée. Vous devez y trouver de quoi achever d'aligner la solde de votre armée et pouvoir vous passer en pluviôse, des secours que vous fournit le trésor public.



 Paris, 9 janvier 1801

Au général Moreau, commandant en chef l'armée du Rhin

J'ai reçu, Citoyen Général, votre lettre du 12 nivôse. Je vous remercie de ce que vous me dites sur l'événement extraordinaire du 3 nivôse (Attentat de la rue Saint-Nicaise).

Je ne vous dis pas tout l'intérêt que j'ai pris à vos belles et savantes manœuvres; vous vous êtes encore surpassé cette campagne. Ces malheureux Autrichiens sont bien obstinés: ils comptaient sur les glaces et les neiges; ils ne vous connaissent pas encore assez.

Je vous salue affectueusement.


Paris, 9 janvier 1801

Au citoyen Forfait, ministre de la marine et des colonies

Quarante individus (Il s'agit de ceux qui sont déportés, après l'attentat du 24 décembre 1800) , Citoyen Ministre, partent demain de Bicêtre pour Orléans, et, de là, se rendront à Nantes, où ils seront embarqués sur une goélette, un brick ou tout autre bâtiment. Donnez ordre, par un courrier extraordinaire, pour que ce bâtiment soit prêt à leur arrivée, de manière qu'ils ne restent pas plus de vingt-quatre heures à Nantes.

Nommez l'officier qui doit commander ce bâtiment, et donnez-lui les instructions cachetées, à ouvrir en mer, sur le lieu où il doit se rendre.

Le second convoi partira le 21 de Bicêtre. Il se rendra également Nantes, où vous ferez préparer un bâtiment, qui partira cinq ou six jours après le premier.

Le troisième convoi partira le 24. Ils seront également embarqués sur une goélette, qui partira cinq ou six jours après le second bâtiment.

Par ce moyen, on n'aura pas besoin de compromettre une frégate. Prenez, je vous prie, toutes les mesures pour que ces trois bâtiments partent de suite et soient munis de tout ce qui leur est nécessaire pour la traversée et conduire sûrement ces individus à leur destination.


Paris, 10 janvier 1801

Au général Berthier, ministre de la guerre
                                                    
 La correspondance que vous me remettez tous les dix jours, Citoyen Ministre, ne me parait pas suffisante pour me mettre à même de connaître la situation du militaire et de l'administration dans la République.

Il faudrait que vous ordonnassiez à tous les généraux commandant les divisions militaires et aux commissaires ordonnateurs de vous adresser, tous les 9 de chaque décade, un état qui contiendrait:

1° Le mouvement des troupes dans la division;
2° Le passage de celles qui la traverseraient;
3° Les mouvements survenus dans les prisonniers de guerre et dans les hôpitaux;
4° Les convois d'artillerie, chevaux de remonte, qui auraient traversé la division;
5° Des observations sur la manière dont se fait le service de vivres, bois et lumière, casernes et solde;
6° Les principaux événements qui se seraient passés dans la division.

Vous me remettrez une copie de tous ces rapports.

En faisant imprimer des états pour ces rapports, vous pourrez laisser une colonne pour mettre les noms des généraux et officier commandant dans la division et des corps qui s'y trouvent.


Paris, 10 janvier 1801

Au citoyen Forfait, ministre de la marine et des colonies

Je vous prie, Citoyen Ministre, de me faire connaître ce qu'est devenu le bâtiment qui se démontait et qui avait été destiné pour I'Égypte. (Il s'agit de la corvette  La Ligurienne, capturée par les anglais au large de Marseille)


Paris, 10,janvier 1801

Au citoyen Forfait

On m'assure que plusieurs bâtiments sont partis de Marseille pour l'É,gypte, et que d'autres sont en armement. Ne serait-il pas utile que vous fissiez circuler dans les ports une instruction sur les objets dont ils doivent lester leurs bâtiments? En effet, s'ils lestaient leurs bâtiments de boulets de n'importe de quel calibre (il y a en Égypte des pièces de tous, les calibres), le général Menou les leur achèterait en Égypte.

Ils pourraient aussi lester avec des saumons de plomb, avec du fer, de l'acier.

Vous pourriez ordonner que la Badine fût lestée avec des boulets de tous les calibres et des saumons de plomb.

 Donnez le même ordre pour tous les bricks et autres bâtiments que l'on armerait en Italie ou dans les ports de la Méditerranée.


Paris, 10 janvier 1800

Il faudrait s'occuper, Citoyen Ministre, de quelle manière on pourra, cet été, communiquer avec l'Égypte; nous pourrons risquer des frégates, des bricks, des avisos, et, quoique dans les mois de juin, juillet et août, le vent, une fois qu'on est arrivé à la hauteur de Cagliari, soit constamment en poupe, la longueur des jours favorisera beaucoup les croisières ennemies.

Je vous prie de me faire présenter un plan d'une espèce de chasse-marée qui eût de la marche et qui pût, dès l'instant qu'on apercevrait un bâtiment ennemi, ployer les voiles pour passer à une lieue d'une frégate sans être aperçu. Dans ce cas, il faudrait s'en procurer un grand nombre, afin de pouvoir en faire partir deux par décade, pendant les six derniers mois de l'an IX.

Faites-moi connaître:

l° Ce que coûteraient 36 chasse-marée ainsi organisés;
2° Combien de boulets et de fusils chacun pourrait porter.

Le principal but de l'expédition de ces chasse-marée serait de porter des paquets en Egypte, et au moins 3 ou 4,000 boulets en lest.


Paris, 10 janvier 1801

Au citoyen Talleyrand, Ministre des relations extérieures

Je vous renvoie, Citoyen Ministre, la lettre que vous m'avez fait passer; j'y joins celle que j'ai reçue par le même courrier. Je vous prie de me faire un rapport sur l'une et l'autre.

Lettres à Talleyrand


Paris, 11 janvier 1801

NOTE AU MINISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES

Le Parlement impérial se réunit le 22 janvier, il faudrait que ceci parut dans 4 ou 5 jours afin que cela put arriver à Londres pour l'ouverture du Parlement.

Lettres à Talleyrand


Paris, 11 janvier 1801

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je vous envoie, Citoyen Ministre, les pièces que j'ai extraites de la correspondance de Kléber. Je vous prie de me faire connaître s'il serait utile, pour l'Europe et surtout pour le parlement d'Angleterre, de les faire imprimer dans le Moniteur.

Faites un mémoire qui prouve :

1° Que, quand le grand vizir seul eût conclu le traité d'El-A'rych, les Anglais auraient dû laisser le passage libre; prouvez jusqu'à l'évidence que cela dérive de la nature de toute coalition ;

2° Qu'ils y étaient bien plus obligés encore lorsque C'est Smith qui est le principal auteur du traité, et qu'il délivre des passeports pour la France; que, quand même le grand vizir n'aurait pas signé ce capitulation, et que Smith l'aurait, comme commandant les forces anglaises, signée seul, le cabinet de Londres n'avait pas le droit de s'y opposer; cela dérive de la nature de tous les engagements militaires. Effectivement, comment croire, sans bouleverser toutes idées du droit des gens, que des individus embarqués sur 30 ou 40 bâtiments de transport auraient pu être arrêtés au milieu des mers par de nouveaux ordres de la cour de Londres? Il faudrait donc que les garnisons des îles renonçassent à toute capitulation.  Il serait donc vrai de dire que la garnison de Malte eût pu être prise par les croisières de l'amiral Keith. Alors, en supposant même qu' elle voulût suivre aucun des principes professés de tout temps, le simple bon sens veut au moins que l'on rétablisse les choses comme elles étaient avant que l'on fût abusé; ainsi, dans le cas ci-dessus on aurait dû remettre à la garnison de Malte les forts, etc.

Le cas est absolument le même pour l'Égypte : car Kléber, sur la foi du traité, avait laissé passer le désert à l'armée du grand vizir, lui avait livré ses positions, ses places, Qatyeh, Belbeys, Damiette, la haute Égypte, de manière que, victime de sa bonne foi, il a fallu racheter par des prodiges de valeur et de bonne conduite militaire ce que lui avaient enlevé la perfidie et la ruse : car il est évident qu si la bataille livrée sous les murs du Caire, et qui n'a pas paru un instant douteuse, eût été livrée à Qatyeh, pas un homme de l'armée ottomane ne se fût échappé, et les Français n'auraient pas eu l'inquiétude de voir une partie de l'armée ennemie entrer au Caire.

3° Mais Smith était non-seulement commandant des escadres anglaises dans les mers du Levant, mais encore plénipotentiaire de Sa Majesté Britannique, comme le prouvent ses lettres; et, s'il est vrai qu'il a allié aux moyens que la politique peut avouer ceux mêmes d'une basse intrigue qu'un militaire qui se respecte ne se permet pas tels, par exemple, que sa lettre au général Dugua, lorsqu'il commandait en Égypte, dans laquelle il lui proposait noblement de passer en France avec toutes ses troupes, pendant que le général en chef  était en Syrie, on voit combien est illégale et immorale la conduite du Gouvernement anglais.

4° Si l'on considère actuellement que l'armée opposée aux Français n'était pas une armée anglaise, mais un rassemblement de barbares sans foi, sans honneur et sans humanité, comme l'avoue Smith lui-même; que c'est en présence de ces barbares que l'Angleterre a la mauvaise foi de violer la capitulation , lorsque, sur la foi  de cette capitulation , l'armée française a perdu ses places fortes , de manière qu'un évènement militaire malheureux eût fait périr une portion essentielle d'une nation européenne, il est vrai, mais enfin d'une nation européenne, on ne conçoit plus que tant de mauvaise foi, tant d'impudence et de férocité puisse diriger le cabinet d'une nation si éclairée et si digne, à tant de titres, d'être citée pour exemple.


Paris, 12 janvier 1801

Au citoyen Forfait, ministre de la marine et des colonies

Les états de situation de la marine que j'ai, Citoyen Ministre, sont du 15 brumaire. Je vous prie de m'envoyer les derniers états.

Je vous prie de me faire connaître s'il serait possible, en activant par toutes les mesures possibles les travaux, de disposer du Foudroyant, du Duguay-Trouin et de l'Aigle à la fin du mois prochain.

Faites-moi, je vous prie, un rapport sur les frégates la Vertu, la Cybèle, la Volontaire et la Thétis; pourquoi sont-elles désarmées, et quel parti pourrait-on en tirer?

Je vous prie de me faire connaître également si l'on pourrait disposer de l'Union dans le courant du mois prochain, et à quelle époque le Scipion et le Brutus seront lancés.

Les frégates la Clorinde et l'Uranie, qui sont à Nantes, sont portées comme en armement; pourront-elles être disponibles à la fin du mois prochain?
                                                     
Je désire que, dans les états de situation que vous me remettrez, il y ait une feuille pour chaque bâtiment, même pour ceux qui sont désarmés.


Paris, 13 janvier 1801

Au général Jourdan. ministre plénipotentiaire de la République à Turin

J'ai reçu, Citoyen Général, votre lettre du 13 nivôse, relative à l'événement extraordinaire du 3 (Toujours l'attentat de la rue Saint-Nicaise).

Après de grandes révolutions, l'on doit s'attendre, avant que têtes se calment, à toute espèce d'événements. L'Angleterre paraît être pour beaucoup dans tout ceci. Je vous remercie de ce que vous me dites; ne doutez pas du prix que j'attache à votre estime et votre amitié.

Je vous salue affectueusement. 


Paris, 13 janvier 1801

Au citoyen Joseph Bonaparte, ministre plénipotentiaire à Lunéville

Je vous envoie, Citoyen Ministre, la copie d'une lettre du général Brune, qui sera demain dans le Moniteur.

Il est probable que si Mantoue n'est pas remise à l'armée française, le général Brune sera sous peu de jours à Venise, les Autrichiens derrière le Tagliamento.

Faites sentir à M. de Cobenzl qu'alors comme alors; tous les jours changent sa position :c'est une manière de négocier pitoyable. Par la ligne de l'Adige, la moitié de Vérone, sera à la Cisalpine, et l'autre moitié à eux. Idem pour Porto-Legnago. Insérez au protocole que, si nous entrons dans Venise, vous n'aurez désormais à accorder à l'Empereur que la Brenta. 


Paris, 13 janvier 1801

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire connaître au général Brune que je pense qu'il serait utile de réunir tout le 19e de dragons sous les ordres du général Murat. Le général Brune jugera peut-être à propos d'augmenter sa cavalerie d'un régiment de chasseurs. 

Et s'il arrivait qu'une division anglaise renforçât les Napolitains, le général Brune renforcerait le général Murat selon les circonstances.

Dites au général Brune que, selon les circonstances, il donnera au corps d'observation les ordres qui lui paraîtront nécessaires.

Recommandez-lui de réunir toutes les troupes de son armée, en laissant occuper le Tyrol par l'armée des Grisons, et le moins de monde possible devant les places de Peschiera, Mantoue et Porto-Legnago et de se dépêcher à prendre Peschiera et Porto-Legnago.

Il est juste que les généraux de division du corps d'observation soient traités comme ceux de l'armée d'Italie.

Faites passer les 700, 000 francs destinés à l'armée des Grisons au citoyen Dubard, trésorier à Milan, pour solder avec cette somme ce qui est dû au corps d'observation, afin de mettre sa solde au courant. Écrivez dans ce sens au directeur du trésor public.

Écrivez au général Macdonald que le Gouvernement compte que les ressources qu'il pourra trouver à Trente et à Bassano rendront moins nécessaires les secours qu'on lui envoyait;

Que, lorsque l'armée d'Italie aura passé la Brenta, il faut qu'il fasse des dispositions pour se porter sur Brixen et les débouchés de Villach; ce serait là sa ligne si les hostilités recommençaient. Il faut donc qu'il emploie tout le temps qui lui reste de l'armistice pour y réunir toute son armée et son artillerie.


Paris, 13 janvier 1801

Au général brune, commandant en chef l'armée d'Italie

Je reçois votre lettre du 16 (6 janvier), Citoyen Général. J'imagine que vous aurez reçu, le 17 au plus tard, la lettre du ministre de la guerre. Votre réponse à M. de Bellegarde est parfaite.

Je ne puis rien vous dire sur Venise; cet objet a été prévu depuis longtemps, et j'attends sous huit ou dix jours une réponse de Russie, qui nous servira de règle.

En attendant, nous verrons comment les affaires se décideront de votre côté, et si l'ennemi préfère vous rendre Mantoue ou vous laisser entrer dans Venise.

Dans tous les cas, vous devez laisser entrevoir qu'il ne serait pas possible, si la guerre continue, que Venise renaquit de ses cendres, mais qu'alors ce serait d'accord avec l'empereur de Russie; que, dans ce cas, on lui donnerait une forme de gouvernement analogue à l'ancienne, mais qui serait égale pour toutes les parties du territoire, et recevrait une modification raisonnable. Au reste, tous ces discours ne sont bons à tenir que lorsque vous seriez dans Venise.

Je pense que M. de Bellegarde sentira que, dans la position actuelle, il est plus raisonnable de vous céder les places que vous demandez.

J'imagine que vous commencez les approches de Peschiera.

Miollis(Sextus Alexandre comte de Miollis, 1759-1828.) serait bien propre au blocus de Mantoue, auquel il faut principalement employer les Polonais et les Italiens.

Renvoyez-moi, je vous prie, Lemarois, avec les premières nouvelles que vous aurez à me donner.


Paris, 13 janvier 1801

Au général Murat, lieutenant du général en chef de l'armée d'Italie

Vous devez avoir reçu, Citoyen Général, des ordres pour vous porter à Ancône. Avant que vous soyez arrivé dans cette place, vous aurez des instructions positives sur la conduite que vous devez tenir envers les cours de Naples et de Rome.

Veillez surtout à ce que les peuples du duché d'Urbin et de la Marche d'Ancône ne soient pas foulés par les vexations des subordonnés.

Le corps d'observation fait partie de l'armée d'Italie. Vous devez donc correspondre avec le général en chef et lui rendre compte de toutes vos opérations.


Paris, 13 janvier 1801

Au citoyen Forfait, ministre de la marine et des colonies

Je vous prie, Citoyen Ministre, de me faire un rapport sur Madagascar. Il comprendra:

1° le plan et l'historique de tous les établissements qui ont été faits dans cette île par les Français et les autres nations de l'Europe;
2° L'utilité dont nous serait un établissement dans cette île;
3° Ce que l'on pourrait faire, dans les circonstances actuelles, pour préparer cet établissement.


 Paris, 13 janvier 1801

Au citoyen Forfait

Vous voudrez bien, Citoyen Ministre, donner l'ordre au vice-amiral Bruix de se rendre à la Haye.

Il sera spécialement chargé de se concerter avec le ministre de la marine et le Directoire exécutif  batave pour l'expédition du Cap. Il fera connaître que le Gouvernement l'a chargé de commander cette expédition;

Qu'une escadre française, avec 3 ou 4,000 hommes, partira dans le courant de ventôse;

Qu'il est nécessaire que cinq ou six vaisseaux bataves, avec 2 on 3,000 hommes, et les agents que le Directoire destinera à commander au Cap, partent vers la fin de pluviôse; le rendez-vous sera aux Canaries.

Le vice-amiral Bruix signera avec le ministre de la marine batave un plan de campagne dont il pourra laisser une copie à la Haye.

Le vice-amiral Bruix se rendra aussitôt à Paris.


Paris, 13 janvier 1801

Au citoyen Talleyrand, Ministre des Relations extérieures

Le vice-amiral Bruix se rend, Citoyen Ministre, à La Haye pour s'entendre avec le Directoire Exécutif batave sur un plan de campagne maritime. Je vous prie de lui remettre une lettre pour le citoyen Semonville afin qu'il soit appuyé dans toutes les circonstances où il aurait besoin.

Lettres à Talleyrand


Paris, 14 janvier 1801

Au citoyen Miot, conseiller d'État, administrateur général des départements du Golo et du Liamone

Une loi va autoriser la commune d'Ajaccio à vendre une partie de ses biens pour se procurer de l'eau. Le ministre de la guerre est chargé de donner les ordres pour la démolition de quelques vieilles fortifications, que les habitants demandent depuis longtemps.

Le ministre de la marine met des fonds à la disposition de l'ingénieur de la marine pour des travaux dans le port.

Prenez des renseignements auprès de ces ministres, parce qu'il est bon que toutes ces nouvelles soient connues avant votre arrivée.

Voyez le ministre de l'intérieur pour connaître les mesures qu'il a prises pour l'établissement de 3 ou 400 Maltais en Corse.


Paris, 14 janvier 1801

Au citoyen Miot

Vous trouverez ci-joint différents renseignements qui m'ont été donnés sur les départements du Go et du Liamone. Je crois que le ministre des finances a déjà pris des mesures pour l'enregistrement.

Les douanes mériteront que vous vous en occupiez.

Demandez au ministre de la police tout le travail relatif aux émigrés; on m'assure qu'il y en a plus de 1,500 d'inscrits sur la liste; je crois qu'il n'y en a véritablement pas 30 qui le méritent.


Paris, 14 janvier 1801

Au citoyen Gaudin, ministre des finances

Le citoyen Miot, Citoyen Ministre, va se rendre dans la 23e division militaire; comme il part de Toulon une frégate, il faudrait qu'il fût porteur de tout ce qui est dû, tant pour la solde que pour les administrations, pour les deux premiers trimestres de l'an IX, et de tout ce qui reste dû dans ces départements sur l'an VIll et qui, ayant été accordé par des décisions précédentes, n'aurait pas été envoyé par la Trésorerie.


Paris, 14 janvier 1801

Au citoyen Gaudin

Je crois, Citoyen Ministre, qu'il serait nécessaire d'établir une direction des contributions directes en Corse. Il faut que le directeur soit un homme qui connaisse le pays, la langue, etc. Je désire que vous nommiez pour remplir cette place le citoyen Ramolino. Un seul directeur suffira pour les deux départements. Choisissez deux
bons employés pour les envoyer en Corse comme adjoints. 


Paris, 14 janvier 1801

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je vous prie, Citoyen Ministre, de me faire un rapport particulier sur chaque manufacture d'armes et sur les moyens qui ont été pris, ou que l'on pourrait prendre pour les rétablir.

Vous me présenterez un projet d'arrêté remplissant le but:

1° Qu'à dater du 11 germinal, les manufactures nationales fabriqueront 4,000 fusils par mois, du modèle de 1777;
2° Que tous ces fusils seront mis en réserve dans un nombre de grandes salles d'armes nommées.

Faites-moi un rapport sur le nombre des salles d'armes qui existaient jadis, et sur les mesures que l'on prenait pour veiller à la conservation des armes.

Il me paraîtrait convenable de choisir six salles d'armes capables de contenir chacune 50,000 fusils, tous nouveaux fusils du modèle de 1777.

Ces salles d'armes seraient appelées de réserve; il n'y entrerait que des fusils neufs, qui n'en pourraient sortir que par un arrêté du Gouvernement.

C'est pour arriver à cette réserve que je désire que les manufactures nationales fabriquent, à compter du 1er germinal, 4, 000 fusils par mois.

Indépendamment de cela, chaque établissement d'artillerie aurait sa salle d'armes pour le service journalier.

Il faudrait que les six grandes salles d'armes de réserve fussent situées dans des forteresses et sur de grandes rivières.


Paris, 14 janvier 1801

Au citoyen Forfait, ministre de la marine et des colonies

Je désire, Citoyen Ministre, que, sur les fonds affectés, cette année, à la réparation des ports, vous destiniez 15,000 francs pour celui d'Ajaccio, savoir, pour la réparation de son môle et pour commencer la construction d'un quai nécessaire à la sûreté du port.


Paris, 14 janvier 1801

INSTRUCTIONS PATENTES POUR LE GÉNÉRAL COMBIS.


Le général Combis est chargé spécialement. par le Gouvernement français, de l'exécution de l'arrêté du ............. qui ajourne à la paix continentale la prise de possession de la partie espagnole de Saint-Domingue.

Le général Combis fera tout ce qui dépendra de lui pour entretenir la bonne intelligence avec les autorités espagnoles qu'il trouvera établies dans cette colonie. Il ne s'immiscera en aucune manière dans leurs opérations, ainsi que dans l'administration des finances, de la justice, de la police.

Il entretiendra une correspondance suivie avec les autorités républicaines qui régissent la partie française, et fera parvenir au Gouvernement toutes les dépêches que ces autorités lui adresseront. Il rendra compte également des progrès que ces autorités auront faits dans le rétablissement du bon ordre, de la culture, de la paix intérieure.

Dans le cas où quelque partie de l'île serait menacée d'une invasion étrangère, il requerra nos alliés de se réunir aux républicains pour repousser les ennemis communs. Il est autorisé, pour cet effet, à demander de l'assistance dans toutes les colonies françaises et espagnoles des Antilles, et à combiner les plans de la défense commune avec le capitaine général de la partie française.

Dans le cas où il s'élèverait quelques troubles dans la partie français,e, le général Combis ne pourra refuser de marcher avec tous les moyens qui pourrait avoir à sa disposition , aussitôt qu'il en sera requis par le capitaine général et par le préfet colonial.

Le général Combis ne perdra point de vue qu'il n'a d'autre mission que celle de concourir à la défense de l'île et au rétablissement de la paix intérieure; que tout ce qu'il aura fait sans sortir de ces limites aura l'approbation du Gouvernement, et qu'au contraire il contreviendrait formellement à ses ordres et encourrait l'improbation la plus méritée, s'il allait au delà de ce qui lui est prescrit par les présentes instructions.


Paris, 14 janvier 1801

INSTRUCTIONS SECRÈTES POUR LE GÉNÉRAL COMBIS

Le principal but de la mission du citoyen Combis Saint-Domingue est:

1° De faire souvenir, par sa présence, aux habitants de la partie espagnole, ainsi qu'aux administrateurs actuels, que ce pays est désormais français;
De rassurer tous les propriétaires blancs sur les vues du Gouvernement français, qui, instruit par les malheurs de la partie française, ne donnera pas une liberté illimitée à des hommes encore peu susceptibles d'en faire un bon usage.
3° Il doit continuer à maintenir, même augmenter, par tous les moyens possibles, le sentiment de localité et même de répugnance qu'auraient les habitants de la partie espagnole de se réunir à la partie française, l'intention du Gouvernement étant de ne jamais réunir les deux parties sous un même et seul gouvernement.
4° Il doit, faire connaître aux principaux du pays que le principe du Gouvernement français est de gouverner les peuples par leurs habitudes et leurs usages. Ainsi, comme il gouvernera la partie française avec et par les nègres, il gouvernera la partie espagnole avec les habitudes du pays.
5° Il est entièrement indépendant de Toussaint Louverture et de toute l'administration de la partie française; il doit s'opposer, par tous les moyens, à ce qu'une armée de nègres empiète sur les limites de la partie espagnole.
6° S'il se trouvait obligé d'écrire, sur les objets de cette nature, à Toussaint, au préfet colonial, il prendrait toujours pour prétexte les conventions existantes avec l'Espagne, qui obligent le Gouvernement à se conduire de cette manière.
7° Il doit témoigner beaucoup d'estime pour Toussaint Louverture. 
8° Il fera passer souvent en France des nouvelles non-seulement de la partie espagnole, mais encore de la partie française, toutes les fois qu'il s'en sera procuré.
9° Il ira à la messe et occupera, dans toutes les grandes fonctions ecclésiastiques, la place destinée au gouverneur espagnol, en suivant l'usage établi.
10° Il évitera d'avoir aucune espèce de liaison avec les agents, surtout nouvellement arrivés d'Europe, qui seraient dans la partie française de Saint-Domingue.


Paris, 14 janvier 1801

INSTRUCTIONS POUR LE CITOYEN LEQUOY-MONGIRAUD

Le général Toussaint Louverture, an milieu des orages et des ravages de la révolution, est parvenu,  par sa prudence et son courage, à sauver à la France une grande et importante colonie. Ses vertus lui ont mérité la confiance de tous les partis; ses succès, l'admiration de l'Europe.

Le Gouvernement français fait donc un acte de justice et donne un témoignage éclatant de sa satisfaction au général Toussaint Louverture en le constituant capitaine général de la partie française de Saint-Domingue, avec des pouvoirs spécifiés dans un arrêté pour la colonie de la Guadeloupe, dont le citoyen Lequoy-Mongiraud lui donnera communication.

Le citoyen Lequoy-Mongiraud se rendra dans la partie française de Saint-Domingue, où il prendra le titre de préfet colonial chargé de pouvoirs spéciaux du Premier Consul. Il remettra au citoyen général Toussaint Louverture le titre qui le constitue, les lettres dont il est porteur, ainsi que les présents pour les différents chefs.

La paix du continent, assurée aujourd'hui par les victoires les plus éclatantes des armées de la République, la paix maritime, peut-être très-rapprochée, imposent au Gouvernement l'obligation et lui laissent la possibilité de s'occuper d'avance du bonheur et de la prospérité de ses colonies.

Le citoyen Lequoy-Mongiraud trouvera dans la sagesse, la prévoyance et surtout le patriotisme du capitaine général Toussaint Louverture, les dispositions convenables à l'établissement d'un gouvernement régulier. Il en concertera les bases avec lui, et reviendra en France prendre les ordres du Gouvernement, où il concourra à l'établissement de ce gouvernement dans la partie française de Saint-Domingue, si les circonstances le permettent.

Le citoyen Lequoy-Mongiraud sait que la métropole ne peut rien vouloir de ce qui blesserait la liberté acquise, mais seulement en régulariser la jouissance, pour la rendre à la fois durable et utile aux colons et à la mère patrie.

Le citoyen Lequoy-Mongiraud, dans la sagesse et les lumières duquel le Gouvernement repose toute sa confiance, ne doit pas craindre d'être démenti dans tout ce qu'il fera de concert avec le gouverneur capitaine général Toussaint Louverture, encore moins lorsqu'il assurera ce chef de l'estime et de la confiance sans bornes du Premier Consul et du gouvernement de la République.


Paris, 15 janvier 1801

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. - Le ministre de l'intérieur fera faire les travaux nécessaires, afin de pouvoir, dans le courant de germinal, présenter un rapport comparatif sur la manière d'ouvrir une communication par eau entre la Belgique et Paris.
ART. 2. - Il fera spécialement comparer les trois canaux précédemment proposés, savoir: celui entre la Somme et l'Escaut, dit de Saint-Quentin, celui de l'Oise à la Sambre, et celui de la Sambre à l'Escaut.


Paris, 15 janvier 1801

Au citoyen Miot, administrateur général des départements du Golo et du Liamone

Le ministre de l'intérieur, Citoyen, doit dépenser, pendant le reste de l'an IX, une somme de 200,000 francs pour travailler à achever la route des départements du Liamone et du Golo, depuis Ajaccio jusqu'à Bastia.

Il sera nécessaire que vous veilliez à ce que le directeur des ponts et chaussées ne fasse pas de travaux chimériques, mais à ce que l'on fasse une bonne route, de manière que les voitures et l'artillerie puissent traverser l'île.

On emploiera, en l'au X, les 500,00,0 francs que l'on estime encore nécessaires pour achever entièrement cette communication.

Le ministre de la guerre fera passer à Bastia et à Ajaccio 1,000 prisonniers autrichiens, qui pourront travailler à cette route, indépendamment des hommes du pays que l'on pourra se procurer.


Paris, 15 janvier 1801

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner l'ordre :

1° Au général Leclerc, de compléter à 700 hommes, compris les officiers, les premiers bataillons des 1le, 24e et 105e de ligne; il recevra incessamment l'ordre de les réunir à Lyon avec le train d'artillerie qui a été destiné pour sa division;
2° Aux escadrons du 18e' de cavalerie qui sont en Suisse, de se rendre à Lyon;
3°, A l'escadron du 3e de dragons qui est à Dijon , de se rendre à Avignon ;
4° A l'escadron du 11e de cavalerie qui est en Suisse, de se rendre à Lyon;
5° De compléter à 700 hommes, compris les officiers, le premier bataillon de la 16e légère, qui est Toulouse, et de le tenir prêt à entrer en campagne.

Même ordre pour le premier bataillon de la 47é, qui est à Montpellier.

Même ordre pour le premier bataillon de la 74e, qui est dans la 8e division militaire.

6° De tenir prêts à entrer en campagne deux escadrons du 25,e chasseurs, qui sont à Toulouse.

Vous ferez passer la revue, dans la décade, du, dépôt du 18e de cavalerie, et vous me ferez connaître combien d'hommes ce régiment a de disponibles.

Je vous prie de me faire connaître quel service fait à Moulins l'escadron du 20e de dragons, s'il y est utile, et s'il est dans le cas  d'entrer en campagne.

Ordonnez également que l'on complète à 800 hommes le premier bataillon de la 63e demi-brigade, qui est à Caen, et qu'on le tienne prêt à entrer en campagne.


Paris, 15 janvier 1801

Au général Berthier

Donnez l'ordre, Citoyen Ministre, au général Brune, de faire passer dans la 23e division militaire, par Gênes et Livourne, 1,000 prisonniers autrichiens. Ils seront organisés en compagnies de 100 hommes, commandées par un officier de la division ayant son traitement de réforme; ce traitement serait doublé à ces officiers en forme de gratification.

Ces prisonniers seront spécialement employés à ouvrir la grande communication des départements du Golo et du Liamone; et ceux d'entre eux qui seraient bien constitués et de bonne volonté seront notés pour être envoyés en Égypte.

Le ministre de l'intérieur prélève 200,000 francs sur les fonds destinés aux routes pour commencer ce travail.


Paris, 15 janvier 1801

Au citoyen Talleyrand, Ministre des relations extérieures

Je vous envoie, Citoyen Ministre, un traite que je reçois de Madrid. Je vous prie de me faire un rapport demain. Vous avez sans doute reçu des dépêches de l'Angleterre.

Lettres à Talleyrand


Paris, 15 janvier 1801

Au général Menou, commandant en chef  l'armée d'Orient

Le citoyen Clément, ancien aide de camp du général Desaix, se rend auprès de vous. Il vous fera connaître, Citoyen Général, le vif intérêt que prend la République, que prend l'Europe entière à la brave armée d'Orient.

Il vous dira que les armées de la République sous les murs de Prague, de Vienne et de Venise, ne prouvent à l'Europe que ce quelles lui ont déjà prouvé, et que l'armée d'Orient, assise sur la mer Rouge, la Syrie et l'Afrique, excite toutes les espérances, toutes les curiosités, toutes les sollicitudes.  L'Anglais tremble et frémit. Abandonné de toute l'Europe, en guerre ouverte avec la Russie, qui est aujourd'hui un de nos meilleurs amis, il se trouve environné de craintes. 

D'Ancône, de tous les ports de la Méditerranée, de ceux d'Espagne, on vous expédie des avisos et des munitions.

Les escadres de Brest et de Rochefort commencent à se trouver dans une position respectable.

Que l'armée d'Orient reste digne d'elle; qu'elle ne s'effraye pas de fantômes, et elle aura rendu à la République le plus grand des services, comme elle aura, dans l'histoire moderne, la plus grande portion de gloire et de considération.


16 janvier - 31 janvier