Août 1803


Liège, 2 août 1803

Au consul Cambacérès

Je reçois, Citoyen Consul, vos lettres des 10 et 11 thermidor. Les chaleurs ne sont pas moins fortes ici qu'à Paris. Je suis extrêmement content de l'esprit des habitants de Liège.

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Les chaleurs sont tellement fortes qu'il serait possible que, de Sedan, je me dirigeasse droit sur Paris.


Liège, 2 août 1803

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Vous avez bien fait, Citoyen Ministre, de faire arrêter M. Christin; c'est un misérable couvert d'un grand nombre de crimes. Vous devez trouver dans ses papiers le fil de beaucoup d'intrigues. Qu'il soit ou non attaché à la légation russe, cela ne doit vous importer en rien; vous ne devez l'en tenir que plus sévèrement. Nous ne sommes point à Rome ; il n'y a pas ici d'immunités, et la légation russe ne se compose que de l'ambassadeur et de son secrétaire de légation.

Un nommé Pierre Gosselin, de la commune de Pirou, département de la Manche, est prévenu d'avoir des correspondances fréquentes avec les îles de Jersey. Donnez ordre de surveiller cet individu et de le faire saisir avec ses papiers.


Liège, 2 août 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

L'affût de côte, Citoyen Ministre, ne permet de tirer des pièces que sur l'angle 10 degrés, et une pièce de 24, sur
10 degrés, ne porte le boulet qu'à 13 on 1400 toises, tandis que, sur l'angle de 45 degrés, elle porte le boulet à 2,100 et 2,200 toises, ce qui fait une différence de portée de 800 toises; c'est la raison véritable qui fait que nos batteries de côte n'atteignent point les vaisseaux de l'ennemi, tandis que les boulets de ceux-ci dépassent nos batteries de 300 toises, parce que les pièces des vaisseaux, montées sur des affûts marins, permettent de tirer à 25 degrés et portent le boulet à,1,800 toises, l'inclinaison du vaisseau ajoutant aussi souvent quelques degrés. Il est donc indispensable de faire faire des affûts pour tirer avec quelques pièces de canon sur l'angle de 45 degrés. Je ne pense pas qu'il soit possible de se servir à toutes les batteries de ces affûts, vu qu'ils ne peuvent résister longtemps, mais on pourrait en avoir aux batteries principales ; au Havre, par exemple, six pièces de 24 placées sur des affûts permettant de tirer à 45 degrés, pourraient être placées dans la position la plus près du mouillage; on pourrait en avoir à Boulogne, à la tête du musoir, à Ostende également.

J'ai déjà fait écrire au citoyen Faultrier, à Douai, d'essayer ces affûts; mais c'est un objet si important, qu'il doit être le sujet de la méditation du comité d'artillerie.

Je désirerais aussi qu'on fît des recherches pour connaître quelle était la forme des mortiers de galiotes qui portaient les bombes à 2,300 toises et recevaient trente livres de poudre dans leur chambre. Quelques mortiers de cette espèce peuvent être aussi d'une très-grande utilité.

Il est constant que les Anglais se servent, pour le bombardement des places maritimes, de bombes qui vont très-loin.

Les batteries des côtes dont on se plaint le plus fréquemment sont celles des Côtes-du-Nord.


Liége, 2 août 1803

Au général Berthier

Les craintes que témoigne le général Murat, Citoyen Ministre, d'une insurrection en Romagne, dans la position actuelle, me paraissent ridicules. D'ailleurs, écrivez au général Murat qu'il connaît trop ce pays-là; que c'est faire plaisir à nos ennemis et donner lieu véritablement à du trouble que de paraître craindre une pareille insurrection, et de l'avoir communiquée aux autorités de la République italienne ; qu'il ne tienne point de détachements, mais qu'il réunisse ses troupes par bataillons; qu'il organise en Romagne quatre colonnes mobiles, depuis Rimini jusqu'à l'embouchure du Pô; chaque colonne, composée de 100 hommes de cavalerie française, de 50 hommes de cavalerie italienne, et de trois pièces d'artillerie servies par une demi- compagnie d'artillerie légère. Chaque détachement d'artillerie sera composé d'une pièce de 4, d'une de 12 et d'un obusier. Recommandez-lui de faire placer l'un de ces corps à Rimini, l'autre à Casatico, et les autres à égales distances sur la côte, de Rimini à l'embouchure du Pô ; qu'il ait un corps des demi-brigades, soit françaises, soit italiennes, à Rimini, et surtout qu'il ne se laisse point aller à un misérable espionnage; n'y aurait-il point de troupes françaises, il n'y aurait rien à craindre de la République italienne avec un seul régiment de cavalerie ; que mon intention est de mettre peu de troupes en Romagne; qu'elles doivent rentrer à Brescia et du côté de l'Adige.


Liège, 2 août 1803

Au général Murat, commandant en chef les troupes françaises en Italie

Citoyen Général Murat, j'ai reçu vos lettres. J'ai peine à concevoir que vous craigniez sérieusement une insurrection dans les Légations. Je vois que vous ajoutez trop de foi aux rapports qui vous sont faits. Faites simplement des dispositions pour mettre ces côtes à l'abri des insultes des frégates anglaises, et, pour cela, quelques corps mobiles légers sont suffisants.

Vous me paraissez craindre que les Anglais veuillent s'emparer d'Ancône. Il est possible que quelques chaloupes s'y présentent. Si cela avait des abus, on pourrait changer quelque chose aux dispositions. On peut attendre, au reste.

Vous m'avez envoyé sur le Tyrol un rapport faux; faites-le vérifier, et vous vous en convaincrez. Ce pays doit être tranquille. Je désire que vous gardiez pour vous ces rapports, et ne m'envoyiez que ce que vous pouvez garantir, car je n'ai pas le temps de lire tout les rêveries de quelques agents subalternes; je ne lis pas seulement ceux de Paris.


Liège, 2 août 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Je suis très-surpris, Citoyen Ministre, que le général Bruix ait pris sur lui de donner l'ordre au contre-amiral Magon de partir, et encore plus que celui-ci l'ait exécuté. On ne doit point souffrir de tels abus. Témoignez-en notre mécontentement à l'amiral Bruix et au préfet maritime. Sans ordre, il n'y a point d'État.

Donnez ordre au contre-amiral Villeneuve de se rendre à Rochefort, d'arborer son pavillon sur le Majestueux, et de prendre le commandement de l'escadre qui se réunit dans ce port.

Le général Missiessy doit se rendre à son poste, puisque l'arrêté est signé. Il sera toujours temps, lorsqu'il le faudra, de l'envoyer en mer. Faites-le donc partir sans délai.

Il est bon de recueillir avec soin toutes les plaintes qui reviennent sur l'Espagne, et d'en tenir des procès-verbaux en règle car, si les choses continuent à mal aller là, il pourrait y avoir un coup de foudre, et il sera bon d'avoir toutes ces pièces.

Pressez l'amiral Bruix de se rendre à Boulogne. Je vous renvoie les lettres des généraux Rochambeau et Latouche.

Je ne vois pas d'inconvénient à adopter l'état A, s'il est convenable, au conseil d'administration du 15 thermidor; mais je n'y vois rien porté pour le rachat des bâtiments que nous mettons en réquisition. Il me semble qu'on devrait mettre au moins 500,000 francs pour cet objet.

On a acheté un bâtiment à Bordeaux qui, d'après le rapport de l'ingénieur, est pourri et hors de service. C'est le commissaire de la marine qui en a fait l'acquisition, pour le compte de la République, pour 40 à 50,000 écus. Lorsque ce marché passera à votre approbation, refusez-le.


Namur, 3 août 1803

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Donnez ordre, Citoyen Ministre, de faire arrêter l'adjudant commandant Mentor, noir, qui se trouve à Saint-Valéry-en-Caux, de faire saisir ses papiers et les hommes qui sont avec lui, et de le tenir sous bonne et sûre garde.

M. Latour-du-Pin a été à Lisbonne; on sait qu'il a des intelligences avec Coigny. Donnez des ordres pour qu'il soit arrêté à la frontière et ses papiers saisis.


Namur, 3 août 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Soixante-huit Français, Citoyen Ministre, arrivés dans le port de Belem, ont été arrêtés par ordre du Gouvernement portugais, qui ne les a relâchés que plusieurs jours après (Il s'agit de corsaires français, libérés par le commandant du navire anglais qui les avaient fait prisonniers). Faites passer une note à M. de Souza, pour vous plaindre de cette violation. Indépendamment de cela, un corsaire anglais s'est ravitaillé dans le Tage et y est resté huit jours.

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Je vais de Namur à Givet, Mézières, Sedan, Laon, Paris


Namur, 3 août 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Les rapports que je reçois, Citoyen Ministre, et tout ce que me dit sur les côtes, me convainquent de la nécessité de prendre une mesure pour les garde-côtes. Présentez-moi donc un arrêté par lequel les communes qui fourniraient des garde-côtes seraient exempte de la conscription, et pour que tous les conscrits de ces communes soient tenus de faire le service des côtes jusqu'à la concurrence nécessaire; autorisez aussi tous les conscrits des années VIII et antérieures, qui ne feraient partie d'aucun corps et qui appartiendraient à ces communes, à entrer dans les garde-côtes.

Je désirerais connaître le nombre de conscrits de l'an VIII et années antérieures que chaque département doit encore fournir, afin d'en finir pour cette conscription. Plusieurs départements disent que cette nécessité de faire rejoindre ces conscrits rend errants beaucoup de citoyens, et rend impopulaire et difficile la conscription présente, à laquelle les citoyens s'accoutumeraient volontiers sans cet arriéré. Il me paraît donc nécessaire de finir la conscription des années VIII et antérieures; et, pour se mettre d'accord avec ce principe, il paraîtrait qu'il suffirait d'ordonner que les conscrits des années et antérieures, que les départements auraient encore à fournir , se présenteraient chez le maire de leur commune, qui formerait l'état des conscrits conforme à celui donné par les départements, et sur lequel il serait fourni seulement le dixième des conscrits de l'an VII et des années antérieures que les départements auraient à fournir. Par ce moyen, on aurait encore 5 à 6,000 hommes, et on ferait tout ce qui peut rendre populaire la conscription. Ces deux choses doivent être faites avant d'appeler la nouvelle conscription de l'an XII et XIII.

Je n'ai pas assez présente la législation de la conscription pouvoir prendre cet arrêté. Faites-moi rédiger un projet sur ces bases.

Vous trouverez ci-joint une lettre du préfet maritime de Brest. Je crois que les troupes de la 13e division militaire sont mal distribuées. Donnez ordre que toute la 24e demi-brigade de ligne se rende à Brest pour en renforcer la garnison et celle des environs. Il y aura alors dans le département du Finistère les 40e, 15e, 24e, 37e et 107e ligne ; dans aucun temps il n'y en a eu autant.

Donnez ordre que le 7e régiment de chasseurs se rende également à Brest. Il sera partagé sur les côtes du Finistère par compagnies et par escouades; chaque escouade commandée par un officier. On peut faire aussi du régiment une vingtaine de détachements qui peuvent être distribués sur les points les plus importants de la côte de ce
département, et se trouver partout où il sera nécessaire pour protéger les convois contre les péniches ennemies, veiller sur la correspondance de l'intérieur avec l'extérieur, et, en cas d'événements, renforcer les batteries et donner tout le secours possible à la côte. Il faut simplement avoir soin que les chevaux soient bien nourris, et que chaque homme ait une bonne carabine et des cartouches.

Le ler régiment de hussards sera destiné au même usage : deux escadrons pour le Morbihan et deux pour les Côtes-du-Nord. Le général de la division désignera les points les plus importants des côtes de chacun de ces départements. L'état-major du 7e régiment de chasseurs restera à Brest, et celui du ler de hussards à Pontivy. Ayez soin de faire rédiger une instruction pour que les chefs d'escouade rendent compte au capitaine de tout ce qu'ils auront aperçu sur la côte et de tout ce qui peut intéresser le Gouvernement; le capitaine en rendra compte au chef d'escadron; celui-ci, au général commandant le département ; le général commandant le département, au général de la division, qui fera passer tous les jours ce rapport au ministre de la guerre. Les chefs d'escadron auront soin, dans leur tournée aux différents postes, de visiter les batteries des côtes, et de se mettre au fait de tout ce qui peut intéresser le Gouvernement.

Dans le rapport sur les cuirassiers que vous m'avez envoyé, vous dites que les 7e et 8e régiments de cuirassiers manquent seuls de cuirasses ; ayant passé en revue le 6e régiment, je l'ai trouvé sans cuirasses et sans casques.

Le général Saint-Cyr, au fond de la Calabre, n'aura aucun moyen pour habiller ses conscrits, si le général Dejean ne fait acheter dans le royaume de Naples tout ce qui est nécessaire pour leur fournir au moins des culottes et des vestes; ce pays étant chaud, des vestes suffiront. Il n'y a pas d'inconvénient à ne les habiller qu'à leur arrivée aux corps.

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Les conscrits pourraient partir de Breda par détachements de 500 hommes, et toujours conduits par un officier et un détachement de 15 hommes à cheval et de 25 hommes à pied des troupes qui sont à Deventer, qui les conduiraient ainsi jusqu'à la première ville de Hanovre. Chaque corps qui est à Hanovre pourrait envoyer quelques officiers et sous-officiers pour marcher chacun avec leur détachement.


Namur, 3 août 1803

DÉCISION

Le ministre directeur de l'administration de la guerre propose, vu l'insuffisance de la fabrication française, de faire acheter du drap pour la troupe dans les manufactures d'Allemagne,

Le Premier Consul ne peut adopter cette proposition. Les fabriques des départements de Belgique et du Rhin ont augmenté considérablement les moyen la République en ce genre. Cette circonstance devait être pris considération dans le rapprochement que l'on a fait de l'état ancien à l'état actuel. Il en est de même d'une autre observation faite par le Premier Consul et relative à l'accroissement progressif de la prospérité de notre ancienne fabrique de draps.

Il faudrait donc, pour que le raisonnement fût concluant et qu'une détermination pût être prise, en connaissance de cause, que la direction de l'habillement présentât un état complet des fabriques existantes dans toutes les parties de notre territoire, et de l'extension qu'elles peuvent donner à leur fabrication pour le service des armées. On jugerait, sur cet état, s'il est vrai que la quantité de produit est insuffisante.

Mais, dans ce cas, la direction devrait proposer les moyens propres à élever leur fabrication jusqu'à nos besoins; car, sous quelque prétexte que ce soit, le Gouvernement ne peut se décider à demander à l'étranger ce qu'il doit obtenir de l'industrie nationale excitée et bien dirigée.


Namur, 3 août 1803

DÉCISION

Le ministre de la marine demande au Premier Consul ses ordres pour transférer la famille de Toussaint Louverture du port de Bayonne dans un lieu moins voisin de la frontière et de la mer

Sera transférée et mise en surveillance á Agen


Namur, 4 août 1803

Au consul Cambacérès

Je reçois, Citoyen Consul, votre lettre du 14. Le ministre du trésor public n'est pas encore arrivé.

J'arriverai à Saint-Cloud au moment où l'on m'attendra le moins, peut-être de nuit. Je recevrai le lendemain les autorités.

Je n'en suis pas moins sensible à l'empressement du Tribunat.

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Mortier m'envoie à l'instant même un manuscrit en latin de Leibniz, adressé à Louis XIV, pour lui proposer la conquête de l'Égypte. Cet ouvrage est très-curieux.


Namur, 4 août 1803

Au citoyen Riouffe, président du Tribunat (Honoré-Jean Riouffe, 1764-1813)

J'arriverai probablement de nuit à Saint-Cloud. Je n'en apprécie pas moins la démarche du Tribunat. J'aurais regardé comme extrêmement agréable pour moi d'entrer à Paris au milieu des grandes autorités. Je vous prie de recevoir particulièrement mes remerciements pour les sentiments contenus dans votre lettre.


Namur, 4 août 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je reçois votre courrier, Citoyen Ministre; je vous renvoie toutes vos dépêches.

Je désire que vous remettiez une note forte à M. de Souza, pour vous plaindre du commandant portugais qui a retenu les soixante Français plusieurs jours sans leur donner de vivres, et a ajouté à leur malheur celui de les mettre en prison, et pour lui faire connaître qu'en écrivant aux ministres de la République il prenne un style plus conforme à la décence ; que l'on arme en Portugal ; qu'il y a de l'impudence à dire que le général Lannes n'a pas été attaqué; que je ne puis voir, dans toutes les menées et dans les mauvais traitements faits aux agents de la République, que la haine de M. d'Almeida et autres ministres ; que je suis instruit que le Portugal a donné 200,000 francs à des chouans et autres rebelles ; que j'attends une prompte satisfaction pour ce brigandage ; que j'approuve la conduite du ministre de France dans cette circonstance ; que, si le Portugal ne fait pas une sévère punition du commandant qui a osé retenir soixante-huit Français en captivité, je serai obligé de considérer le ministère portugais comme gouverné, non par le prince, mais par l'influence anglaise ; que je demande l'arrestation de Coigny et de tous les hommes qui fomentent le brigandage en France. 


Namur, 4 août 1803

Au Prince Régent de Portugal

Je n'ai cessé de faire connaître à Votre Altesse Royale l'intention où je suis de vivre en bonne intelligence avec elle.

Cependant, tant que M. Malmeida, tout dévoué à l'Angleterre, sera en place, dans la position actuelle où l'Angleterre fait une guerre injuste à la la France, je ne puis m'empêcher de faire sentir à Votre Altesse Royal qu'il m'est impossible de considérer le Portugal comme puissance neutre ou amie, s'il n'est gouverné par Votre Altesse Royale et non par des
ministres tout à fait anglais, qui ne cessent de se porter aux plus grands abus contre le commerce français, et qui même aujourd'hui recommencent de nouveau et avec effronterie à se comporter de manière à attirer sur l'État de Votre Altesse Royale les plus grands des malheurs.

Le ministre de la République (Il s'agit bien sûr de Lannes, alors ambassadeur à Lisbonne) a été insulté deux fois de suite à Lisbonne, et sa sûreté y est journellement compromise, ce qu'on cache à Votre Altesse Royale et dont je suis obligé de me ressentir.

Soixante-huit Français débarqués en Portugal, au lieu d'être accueillis comme devraient l'être des Français, ont été jetés en prison et traités avec la plus grande barbarie.

Votre Altesse Royale ne pense pas que je puisse rester spectateur indifférent de tant d'insultes réitérées. Si elle veut que je regarde le Portugal comme ami, elle chassera de son cabinet tous ces hommes dominés par l'influence anglaise et s'entourera de véritables Portugais, animés de l'esprit de neutralité ; elle fera un exemple sévère du commandant portugais qui a osé attenter à l'amitié qui unit les deux nations. Certes, le peuple français n'a jamais souffert d'insultes.

J'attendrai la réponse de Votre Altesse Royale ; j'espère qu'elle me convaincra que j'ai affaire au Gouvernement portugais, et non à des ministres dominés et asservis par le Gouvernement anglais.


Namur, 4 août 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

La 75e demi-brigade, Citoyen Ministre, ne doit pas être détachée. Elle ne peut pas surtout envoyer des hommes à la Fère, puisqu'elle se recrute dans le département de l'Oise, ce qui mettrait les conscrits beaucoup trop près de chez eux.

Un grand nombre d'anciens militaires se sont présentés pour rentrer dans leurs corps ; mais une lettre du ministre de la guerre s'oppose à leur bonne volonté. Il serait bien essentiel de revoir cette décision et d'écrire une circulaire par laquelle tous les anciens militaires ayant leur congé en règle, qui veulent rentrer dans leurs corps, fassent leur déclaration à leur municipalité, et qu'il leur soit sur-le-champ donné une feuille de route pour rejoindre les corps qu'ils ont désignés, sans s'informer si le corps est complet ou non.

Tous nos corps sont faibles ; il leur manque à tous au moins 2 à 300 hommes pour être à 2,000 hommes.

Vous ne m'avez pas encore fait connaître le résultat des demandes que vous avez faites aux préfets pour le complément de la garde.

Sur l'état de situation de l'armée de Hanovre, je vois qu'il n'y a que les 1e et 20e compagnies du 8e régiment d'artillerie, tandis que je trouve sur l'état de situation de l'artillerie les 1e, 2e, 5e, 6e, 18e et 20e compagnies. Si ces six compagnies sont en Hanovre, c'est assez ; mais, s'il n'y en avait que deux, ce ne serait pas suffisant. Je trouve également, sur l'état de situation de l'armée de Hanovre, une seule compagnie du 3e régiment d'artillerie à cheval, tandis que, sur l'état de situation de l'artillerie , je trouve les 1e, 2e , 3e et 4e compagnies à cheval. S'il y a quatre compagnies à cheval, elles suffisent ; mais, s'il n'y en a qu'une, ce n'est pas assez.

Sur le même état de situation, il est dit qu'il n'y a en Hanovre que 500 chevaux d'artillerie, ce qui ferait 400 de trait. Il est évident que ce nombre est insuffisant ; l'armée de Hanovre doit avoir au moins 2,000 chevaux d'artillerie. Comme je n'ai point la situation de l'artillerie de l'armée de Hanovre, je ne puis voir s'il y a assez de pièces d'artillerie attelées. Ce corps d'armée devrait être au moins de 60 à 80 pièces de campagne, avec double approvisionnement.

J'imagine que vous avez ordonné qu'il n'y ait dans cette armée qu'un seul bataillon de train, et que ses compagnies fussent dédoublées, afin de fournir le nombre d'hommes nécessaire.

L'état de situation de l'artillerie et du génie que j'ai est du 15 messidor ; je désire en avoir un autre du 15 thermidor.

Donnez des ordres pour la réunion des différents détachements des bataillons du train.

Par le plan que vous m'avez envoyé du Havre, il résulte que l'ennemi n'était qu'à 1,200 toises de la place. Comment est-il possible qu'à cette distance nos canons et nos bombes ne l'incommodassent pas, nos bombes et nos mortiers à la Gomer portant très-certainement à 13 et 1400 toises ? Je suis donc fondé à croire qu'il n'y avait que des mortiers à petite portée, qui ne vont qu'à 800 toises. Les batteries de côte, sur l'angle de 10 degrés, doivent tirer à l2 et 1300 toises ; et, si le directeur d'artillerie avait été un peu intelligent, il aurait placé quelques pièces sur affûts marins, lesquels, permettant de tirer sur l'angle de 25 degrés, auraient porté les mobiles à 1,800 toises. Voilà les détails qui devraient regarder le premier inspecteur, car il est affreux de penser que les Anglais peuvent bombarder une ville comme le Havre à 1,200 toises. Je vous ai écrit pour faire faire des affûts pour tirer sur l'angle de 45 degrés.

Faites-moi connaître les mesures que compte prendre le général Mortier pour faire passer en France les 40,000 fusils qu'il a, toute l'artillerie de bronze qui lui est inutile, et les autres munitions d'artillerie. Les cartouches de 22 de calibre, n'étant pas bonnes pour nos fusils, il faut les faire refondre.

Je n'approuve pas l'ordonnance que j'apprends que vous avez faite pour changer les uniformes. Je ne conçois pas que vous ayez ôté le panache et le baudrier aux généraux de brigade, ce dont ils ont le plus besoin ; que vous ayez donné un uniforme particulier au lieutenant général, qui n'est pas un grade ; que vous ayez changé les couleurs des aides de camp. A quoi aboutit de changer tous les uniformes, si ce n'est à gêner des hommes qui avaient leur uniforme tout fait ? Vous me disiez que c'était la réunion de tout ce qui existait; il me paraît, par ce que je vois, que vous avez tout changé.

Vous ne m'avez pas envoyé la lettre du général Saint-Cyr. Recommandez-lui de reprendre toutes les fortifications qu'occupait le général Soult, et de vous envoyer l'état de l'artillerie qu'il a trouvée à Tarente et dans les différents postes. Il doit armer l'île et les côtes de manière qu'une escadre française de dix vaisseaux de guerre puisse être protégée contre une escadre supérieure. Envoyez-moi l'état de situation de son corps, pour voir s'il a besoin de canons. Dans tous les cas, il doit exercer un bataillon de ligne à faire le service de canonniers.

Donnez ordre à trois escadrons du 10e de hussards, complétés sur le pied de paix, de se rendre à Bayonne, ainsi qu'à trois escadrons du 25e de chasseurs.

Donnez ordre au général qui doit commander l'artillerie de ce camp, et au général de cavalerie, de s'y rendre dans le plus court délai. Assurez-vous que toutes les mesures ont été prises pour que le nombre de canons demandés pour le camp de Bayonne soient attelés et prêts à partir au premier moment.

Donnez ordre au bataillon expéditionnaire piémontais, qui est à Montpellier, de se mettre en marche pour le camp de Bayonne. Je suppose qu'il est en état.

Pressez le plus possible la formation de la légion piémontaise, dont je n'entends plus parler. Vous savez que le bataillon qui est à Montpellier n'en fait pas partie; c'est un bataillon séparé.

Donnez ordre au 18e régiment de cavalerie de se rendre au camp de Bayonne ; 

A deux bataillons de la 105e demi-brigade, complétés sur le pied de paix, de se rendre au camp de Bayonne ;

A la 3e légère, qui est à Béziers, de se rendre à Perpignan, d'où le général commandant la division la mettra en garnison dans les places frontières de l'Espagne, telles que Bellegarde, etc.

Recommandez à ce général de placer ces troupes sans affectation, et de se faire rendre compte de l'état des frontières d'Espagne, de l'état de leurs munitions de guerre et de bouche, et des ressources qu'on pourrait trouver pour y former rapidement une division d'artillerie.

Écrivez au général Mortier que les compagnies d'élite de cavalerie ne doivent jamais quitter le régiment, et qu'elles doivent marche leur tour avec leur régiment.


Namur, 4 août 1803

Au général Mortier

Citoyen Lieutenant Général Mortier, commandant l'armée française en Hanovre, votre aide de camp m'a remis, avec votre lettre, le manuscrit de Leibniz', que je reçois avec un grand intérêt et que je ferai traduire.

J'approuve la dépense de 1,700,000 francs que vous avez fait en gratifications extraordinaires au moment de votre entrée Hanovre ; mais je vous recommande de porter la plus grande économie dans votre armée, qui, devant être composée de 30 à 35,000 hommes, doit être nourrie pendant longtemps par le pays.

Faites faire un inventaire des bois et domaines du roi d'Angleterre sur lesquels, avec votre approbation, la régence peut faire emprunter ailleurs. Le roi d'Angleterre a tous les moyens de les dégrever, par ce moyen, votre armée serait abondamment pourvue.

Les conscrits de la réserve des années IX et X marchent à force pour renforcer vos corps. Il en part près de 400 pour chacune vos demi-brigades, ce qui vous fera près de 6,000 hommes ; armez-les et habillez-les.

Organisez votre artillerie et ayez 80 pièces de campagne attelées, car on ne sait jamais ce qui peut arriver. Tous ces résultats ne peuvent s'obtenir qu'avec économie.

Si vous étiez mécontent de quelques généraux, faites-le connaître : on les ôterait.

Quoique j'aie tout lieu de penser que votre armée ne se battra point sur le continent pendant cette guerre, et qu'une partie alors sera appelée pour la descente, il n'en est pas moins vrai qu'il faut se tenir prêt à tout. Je vous recommande surtout les 80 pièces d'artillerie attelées, car vous savez qu'un renfort d'hommes s'envoie plus vite qu'un train d'artillerie.


Calais, 6 août 1804

L'Empereur me charge, Monsieur, de vous faire connaître qu'il désire que vous envoyez des instructions à Francfort pour que M. Czartakoff, agent de Hanovre, soit charge de cette résidence.

Lettres à Talleyrand


Sedan, 8 août 1803

DÉCISION

Rapport du ministre de la guerre sur de faux certificats de réforme délivrés à prix d'argent et sur les mesures à prendre pour prévenir ce délit.

Renvoyé au grand juge, pour faire demander au général Dejean des renseignements sur un objet aussi important, et prendre des mesures pour réprimer un crime dont le but est la désorganisation de l'armée.


Sedan, 8 août 1803

Au consul Cambacérès

Je suis resté un jour à Mézières, Citoyen Consul. Je suis arrivé ce matin à six heures à Sedan, et, sur les instances très-réitérées de la ville de Reims, je me décide à y passer. Les chaleurs sont toujours assez fortes. Je pense être à Saint-Cloud le 24 on le 25. Je vous écrirai, au reste, plus positivement de Reims. 


Sedan, 8 août 1803

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Je vois, Citoyen Ministre, dans le rapport de police du 18, que les nommés Lachaise et Babin, officiers chouans, se font remarquer par leurs propos contre le Gouvernement. Faites vérifier ce fait. Mettez à leur suite deux officiers de police, de manière que, lorsque publiquement ils témoigneront des regrets, ou parleraient du comte de Lille, on les arrête comme gagés par les Anglais.


Sedan, 8 août 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

J'ai reçu, Citoyen Ministre, vos lettres des 15 et 16 thermidor. J'ai lu avec intérêt les nouveaux détails sur l'insurrection d'Irlande.

Je ne crois point du tout au Portugal. Toutes les lettres que je reçois par tous les moyens m'instruisent de menées, de provocations, d'armements. Il est possible que les hommes sensés soient affligés de qui se passe; mais le prince régent s'attirera de grands malheurs parce qu'il est dominé par des ministres soutenus par la faction et l'esprit anglais.

Prévenez le général Brune (Alors ambassadeur à Brune) que les Anglais font débarquer des armes sur différents points de la Morée par des bâtiments portant pavillon français et commandés par des capitaines parlant français ; que c'est une ruse pour indisposer la Porte contre nous. Je ne crois pas qu'il faille répondre à la lettre de M. de Markof sur l'État libre et indépendant de la République des Sept-Îles, où le gouverneur Moncenigo fait et défait des constitutions et gouverne seul; cette conduite de la part du ministre russe est trop bête et trop impertinente.

Écrivez au ministre de la République à Rome qu'il est nécessaire que le Pape fasse armer ses forteresses de Cività-Vecchia et d'Ancône pour que ses ports soient protégés contre les pirateries des Anglais.

Écrivez au général Ney que la diète ne doit pas passer le temps prescrit par l'acte de médiation. 

La réclamation de M. de Lucchesini, relative aux quatre bâtiments prussiens, ne demande point de réponse; il est trop ridicule que, dans les ports de France, le Gouvernement ne puisse se conduire comme il l'entend.


Sedan, 8 août 1803

Au citoyen Melzi

Cijoyen Melzi, Vice-Président de la République italienne, j'ai votre lettre. Dès le moment que la légion italienne sera en état de marcher, je la ferai passer en France dans une petite garnison. Il est nécessaire qu'il ait dans cette légion aucun déserteur autrichien, mais qu'elle soit toute composée d'italiens de tous les points de l'Italie.

Faites-moi connaître l'état des officiers qui la commandent, de l'habillement, de l'armement et du nombre d'hommes de cette légion.

L'état de situation de cette légion que m'envoie le ministre de la guerre, en date du . . . juillet 1803, n'est que de 224 hommes. Il faudrait la faire compléter sur le pied de guerre, et alors l'envoyer en France; car, s'il n'y a que des officiers, que voulez-vous que j'en fasse ?

Je désire que vous formiez le plus tôt possible la garde du président. Il y aura tout cet hiver des camps de manœuvre, et je désire beaucoup qu'elle s'y trouve. Il faudrait peut-être faire quelques corps pareils à ceux que j'avais formés avant Campo-Formio, afin que cette jeunesse prenne là l'orgueil et le goût militaires.

Je ne pense pas qu'il soit convenable que vous ayez des aides de camp ; cela vous met trop sur une ligne militaire; et, comme les généraux de la République, et, à plus forte raison, les généraux français, ont la confiance qu'ils sont meilleurs que vous pour ce métier, cela est contraire à la dignité du Gouvernement. Cependant il vous faut des colonels et des officiers mais, au lieu de les appeler aides de camp, ce qui suppose un service personnel sur le champ de bataille, appelez-les adjudants du palais.

Je ne vois pas d'inconvénient à ce que les Suédois s'en aillent. Il n'y a rien à craindre du roi de Suède, qui, pour avoir fait quelques algarades, parce qu'il est jeune et d'âge et de caractère, voulait au contraire me venir trouver à Mayence, si j'y eusse été.

Je n'aime pas que vous disiez que les troupes françaises sont insuffisantes en Italie, dans le même temps que vous dites n'avoir rien à craindre des Autrichiens : les troupes que vous avez et la gendarmerie suffiraient pour maintenir l'ordre, si quelque révolte se manifestait; il n'y a rien à craindre; en s'alarmant à tort, on fait bien du mal à la chose. Il y a, en Italie, dix fois plus de monde qu'il n'en faut pour la police du pays.


Sedan, 8 août 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je ne conçois pas, Citoyen Ministre, pourquoi vous avez donné une autorisation au nègre Mentor de parcourir les côtes de Normandie.

Je vous ai fait plusieurs fois demander les raisons qui avaient empêché le général Campredon d'arriver à sa destination.

J'avais oublié de vous parler des invalides de Louvain. J'ai été très-mécontent de leur habillement; ils sont couverts de lambeaux. Un grand nombre d'individus ayant un bras et une jambe de moins attendent, depuis plus d'un an, le grade de lieutenant auquel ils ont droit; le ministère de la guerre n'a pas répondu. Veuillez vous faire rendre compte de ces affaires et les expédier de suite. Du reste, la nourriture m'a paru assez bonne et le local bien distribué par le génie. Je joins la note qui m'a été remise par le général commandant pour s'excuser de ce que les invalides avaient de si mauvais habits.

Ne serait-il point convenable d'envoyer à Alexandrie un soi directeur d'artillerie ?

J'ai vu en grand détail les manufactures d'armes de Liège et Charleville. Celle de Charleville fournirait, cette année, 50,000 armes si elle avait des canons; elle a assez de platines et de montures. Celle de Liège, qui ne fournit, cette armée, que 14,000 armes, aurait fourni davantage, si elle avait eu assez de platines et de montures. Le directeur de la manufacture de Charleville a demandé qu'on lui vendît sept à huit cents arpents de bois nationaux, qui mettraient à même d'établir de nouvelles usines. Écrivez au ministre des finances pour que ces bois lui soient vendus sur-le-champ. Faites connaître à ce directeur qu'il s'est engagé à fournir 50,000 fusils cette année, et que j'entends qu'il les fournisse, et que, comme la sécheresse et les grandes chaleurs ont empêché de fournir les canons nécessaires, il achète 10,000 canons à Liége, afin qu'il puisse remplir son engagement. Quant à la manufacture de Liège, j'ai longtemps discuté les différents intérêts; cette manufacture, qui ne fournit que 12 à 14,000 armes, devrait en fournir 40,000.

La 12e demi-brigade de ligne a reçu un bataillon de la 11e ligne; cette demi-brigade a eu ses papiers pris à Liège, de manière que l'ancienneté de service des hommes ne peut être constatée. Il faudrait une ordonnance ministérielle sur les matricules des hommes incorporés. J'ai vu un grand nombre de vieux et bons soldats qui étaient singulièrement peinés de ce que, par un défaut de formes, tant d'années et de blessures ne leur étaient pas comptées. Cette demi-brigade a reçu dernièrement un bataillon de la 80e. Ce bataillon est arriéré de plusieurs mois de solde. Comme le reste se trouve en ce moment payé de son arriéré, activez le plus qu'il vous sera possible le complément de ce bataillon de la 86e, afin qu'il soit payé. Cette demi-brigade doit faire partie du camp de Saint-Omer. Vous sentez combien il est nécessaire que je ne sois pas rebattu, toutes les fois que je la verrai, de ses justes réclamations.

J'ai lu votre rapport du 6 thermidor. Mon intention n'est pas de rien ôter à la 17e de ligne; ce serait appauvrir cette demi-brigade sans ajouter à la 109e. Il sera nécessaire de ne rien donner à cette demi-brigade sur les conscriptions des années XI et XII; et certainement, dans l'espace de deux ans, l'excédent qu'elle a sera fondu, soit par quelques désertions, soit par mort; et, pour être en règle, il n'y a qu'à porter cette demi-brigade au nombre de celles dont le complet doit être de 200 hommes par bataillon, au lieu de 100.

Le ministre du trésor public me fait connaître que vous serez en mesure pour fructidor, parce qu'une partie du matériel sera imputée sur la solde. Préparez-moi un rapport sur cet objet. Tous les préparatifs extraordinaires que vous commencez à solder pour les camps de l'Océan peuvent être soldés pour l'an XII, puisque ce n'est qu'à dater du 1er vendémiaire de cette année qu'ils doivent servir. Ceci n'est qu'une idée pour vous ménager des fonds sans déranger votre budget, si vous en avez besoin.


Sedan, 8 août 1803

DÉCISION

Proposition d'accorder une gratification au capitaine Dandalle, de la 7e demi-brigade, pour sa conduite exemplaire et les soins qu'il donne à l'école d'écriture.

Il ne paraît pas convenable de donner une gratification à un capitaine pour des motifs de cette nature.

DÉCISION

Le ministre de la guerre propose d'ordonner la levée du séquestre apposé sur des munitions de la guerre et des
pièces d'artillerie qui se trouvent dans le pays de Vaud.

Mon intention est que les scellés ne soient levés sur les armes que lorsque la diète aura fini ses séances et que le reste des Français aura évacué le pays.

DÉCISION

Le général Murat transmet une lettre du général Olivier, qui rend compte de l'arrestation, à Lucques, d'un officier
autrichien soupçonné d'embauchage.

Si cet individu est soupçonné d'avoir des intelligences avec les ennemis de l'État, il faut le faire juger selon la rigueur des lois; s'il n'est soupçonné d'avoir des correspondances qu'avec les Autrichiens, il faut le renvoyer sans faire de bruit.


Sedan, 8 août 1803

Au citoyen Portalis, conseiller d'État, chargé de toutes les affaires concernant les cultes

Citoyen Portalis, le cardinal de Franckenberg peut très-bien aller à Rome. Le Pape peut lui réitérer l'invitation de partir. Il peut partir par l'Allemagne, où il ne verra point de troupes.

L'évêque de Namur est très mauvais, il n'a pas l'esprit de son état ; il vit avec des filles, etc. Il faudrait lui insinuer de donner sa démission. C'est le seul moyen de rétablir la paix dans son diocèse. On lui conservera son traitement.


Sedan, 8 août 1803

Au général Murat

Citoyen Général Murat, la Toscane n'est pas chargée en proportion de la guerre que nous soutenons. C'est une charge  pour la France dont il est juste que la Toscane paye une partie.

Le général Campredon ne s'est rendu à l'île d'Elbe que deux mois après en avoir reçu l'ordre. Ce n'est pas ainsi que l'on sert. Il a besoin de réparer cette extrême négligence.


Sedan, 8 août 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

J'ai lu avec un grand intérêt, Citoyen Ministre, les détails relatifs aux constructions de Gênes. Passez sur-le-champ un marché pour mettre en construction deux vaisseaux de 74, deux bonnes frégates de 18, quatre bricks et quatre grosses flûtes. Nous y aurons l'avantage d'occuper les ouvriers de la Rivière de Gênes, qui doivent avoir grand besoin , et d'avoir des constructions qui nous seront d'une grande utilité.


Sedan, 8 août 1803

Au contre-amiral Decrès

Les affaires d'Irlande, Citoyen Ministre, font sentir l'importance d'avoir des conférences particulières avec les chefs des Irlandais- Unis, qui sont à Paris. Vous pouvez leur dire qu'on leur offrira 25,000 hommes, 40,000 fusils et toute l'artillerie et les munitions nécessaires; que le Gouvernement s'engage à ne pas faire la paix avec l'Angleterre que l'indépendance de l'Irlande ne soit constatée ; pourvu, toutefois, que 20,000 Irlandais-Unis, au moins, se joignent à l'armée française dans les premiers jours de son débarquement en Irlande.

Dépêchez-vous de me donner des nouvelles du Duquesne, du Duquay-Trouin, de la Créole, de la Guerrière, et de la Poursuivante. Nous allons recevoir là un bon renfort. 


Sedan, 9 août 1803

Au consul Cambacérès

Je pars, dans une heure pour Reims, Citoyen Consul. Je suis très-content des manufactures de cette ville; je le suis beaucoup de son esprit.

Toutes les nouvelles que je reçois de tous cotés, m'apprennent que nos bâtiments rentrent à force dans les ports d'Espagne, et même du Nord.

La chaleur est toujours ici très-forte.


Sedan, 9 août 1803

ARRÊTÉ

Le Gouvernement de la République, sur le rapport du Ministre de l'intérieur, 

Considérant que la famille Des Rousseau a contribué à établir et perfectionner la fabrique de Sedan ; que le nom de cette famille est encore en grand crédit dans le commerce; que le chef de cette maison, maire de la ville, a péri dans la révolution ; que sa fortune a été ruinée par suite des mêmes événements ; qu'il n'y a plus que deux métiers des quatre-vingts à cent dont se composait la fabrique de cette maison,

Arrête :

ARTICLE 1er. - Il sera donné, sur le fonds des encouragement des manufactures, une somme de 60,000 francs à la veuve Des Rousseau pour être employée à rétablir sa fabrique.
ART. 2. - Les ministres de l'intérieur et des finances sont chargés de l'exécution du présent arrêté.


Sedan, 9 août 1803

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. - Il sera construit un pont en pierre sur la Meuse, à Givet, au point qui sera déterminé par les ingénieurs du génie militaire et des ponts et chaussées, de manière que la navigation soit pas gênée.
ART. 2. - Ce pont sera terminé en quatre ans, à compter de l'an XI; et, à cet effet, il sera fourni, sur les fonds extraordinaires de l'an XI, une somme de 40,000 francs pour les travaux de la première année.
ART. 3. - La porte de la ville de Charleville, dite de France sera démolie aux frais de la commune. Les matériaux lui en sont concédés, et le conseil municipal avisera aux moyens d'assurer la clôture de la ville par une grille.
ART. 4. - Les fronts de la citadelle de Mézières, du côté de la ville, seront démolis.
Il sera ouvert un canal de communication et de navigation entre la haute et la basse Meuse, à Mézières. A cet effet, il sera soumis au Gouvernement trois projets d'exécution :
   Le premier, suivant lequel la communication aurait lieu par les fossés extérieurs de la citadelle ;
   Le second, sur l'emplacement des fronts de la citadelle démolis ;
   Le troisième, par les fossés du front Saint-Julien.
Les ingénieurs militaires se concerteront avec ceux des ponts chaussées pour arrêter et présenter ces projets et devis.
ART. 5. - Il sera fait un devis estimant des frais de la démolition des fronts intérieurs de la citadelle, ainsi que de la valeur des matériaux et de celle du terrain qui pourra être concédé pour bâtir.
ART. 6. - Le bastion n° 7, la courtine et la porte situés dans l'intérieur de la ville de Sedan, seront démolis aux frais et à la diligence de la commune. La vente des matériaux et celle du sol serviront à payer les frais de démolition. Le surplus sera employé à acheter des rentes sur l'État, au profit des hospices de la ville.
ART. 7. - Les moulins situés dans l'intérieur de la ville de Sedan, et appartenant à la nation, seront vendus suivant les formes voulues par les lois.
Le canal de Torcy, communiquant à la haute et à la basse Meuse, sera achevé dans le courant de l'an XII. Il sera assigné 40,000 francs sur les fonds de l'an XI pour cet objet, et pour les travaux à faire dans le mois de fructidor prochain.
ART. 8. - Les ministres de l'intérieur, des finances et de la guerre sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du pré- sent arrêté.


Sedan, 9 août 1803

Au citoyen Lacuée, président de la section de la guerre au Conseil d'État

Citoyen Lacuée, votre projet de répartition de la conscription est sujet à beaucoup d'observations. Aujourd'hui que les revues sont faites, il faudrait établir chaque corps au pied de paix. Tous ceux que j'ai vus ont besoin de 3 à 400 hommes. J'ai trouvé dans la nomenclature beaucoup de fautes. Vous portez, par exemple, la 23e de
ligne à trois bataillons, tandis qu'elle n'en a que deux. Depuis un mois que je fais, presque tous les matins, le métier d'inspecteur, il me paraît impossible d'avoir plus longtemps des demi-brigades à deux bataillons, et, pour ne point rompre de demi-brigades, je préfère en réunir deux en une. Par ce moyen, il n'y aura dans les masses ni dans l'administration aucun embarras. Chaque demi-brigade aura un colonel en second et un major. Changez le nom de demi-brigade en régiment. Établissez un major, et ôtez le nom de chef de brigade pour mettre celui de colonel. Nous aurons, par ce moyen, seize demi-brigades de ligne à quatre bataillons, et trois demi-brigades légères. Nous en aurons, indépendamment, une de ligne et une légère à quatre bataillons, mais dont l'un sera aux Indes. Ce changement ne comporte point de délai et doit être fait pour l'an XII.

Chaque demi-brigade a 40 à 50 hommes ouvriers, autant de musique, toujours autant aux bagages, ce qui finit par réduire un régiment de deux bataillons à rien. Ils n'offrent d'ailleurs aucun jeu pour se compléter, et je répugne beaucoup à prendre un bataillon dans une demi-brigade et un dans une autre. D'ailleurs, j'estime, plus utile d'avoir des demi-brigades de quatre bataillons ; on maintient la régularité en n'en envoyant que trois à la guerre, et en mettant l'autre dans les places les plus importantes. Je vous envoie une note dictée de mémoire, qui peut être fautive. J'ai cherché à réunir les demi-brigades qui sont dans la même division, afin que l'arrêté se trouve exécuté sans délai.

Le tableau de la conscription doit se ressentir de ce changement ; le travail en deviendra, je crois, plus facile. Les 2le, 56e et 77e sont ordinairement portées à trois bataillons ; mais elles ont des détachements si forts aux colonies, qu'elles peuvent être considérées comme ne formant que deux bataillons.

J'estime, avant tout, qu'il faut avoir le tableau des revues ; le ministre doit avoir toutes celles de la dernière inspection. Il faut opérer en conséquence de la revue des corps et de ce que vous leur avez donné pour la réserve, pour arriver à leur complet.

Vous avez donné, pour le Hanovre, à peu près 500 hommes de la réserve par demi-brigade, c'est suffisant. D'abord, il faut les habiller ; ensuite, 2,000 hommes des dépôts coloniaux ont augmenté l'effectif des corps ; enfin , je n'ai point, pour cette année, de raison d'être alarmé, et je ne veux point alarmer l'Allemagne.

Ainsi, sans rapporter la mesure qui doit compléter ces bataillons à 900 hommes, il faut se compléter d'hommes donnés par la réserve. Nous verrons dans trois mois ce qu'il y aura à faire. La même chose pour Naples. Moyennant cela, vous devez ne pas leur donner 100 hommes de plus par bataillon. Si vous n'en avez pas assez, laissez plutôt en arrière les demi-brigades à quatre bataillons.

L'essentiel est d'être au complet de paix ; tous les corps que j'ai vus en sont très-loin. Il faut aussi compléter toute la cavalerie au pied de paix. Il faudra prendre en considération un arrêté que j'ai pris pour porter trois bataillons d'artillerie sur le pied de guerre.

Quoique je compte être sous peu de jours à Paris, j'ai voulu vous envoyer ces notes qui me sont venues à l'idée, afin qu'à Paris je vous trouve tout préparé pour mettre en vigueur la conscription.

L'arrêté que vous prendrez pour les vingt demi-brigades sera le même que celui qui établira l'état de l'armée pour l'an XII, et qui doit servir à la formation du budget.


Reims, 10 août 1803

Au consul Cambacérès

Je suis arrivé à Reims, Citoyen Consul, à quatre heures du matin. Je pense y passer la journée. Je suis satisfait de l'esprit que j'ai trouvé par toute la Champagne.

Je vous prie de faire demander à tous les ministres l'état des ordonnances de floréal, prairial et messidor, au compte de leurs ministères, qui n'auraient pas encore été payées, soit à Paris, soit dans les départements, et cela dans le plus grand détail, afin qu'au premier travail qui aura lieu après mon arrivée on puisse évaluer de combien la trésorerie se trouve en retard.


Reims, 10 août 1803

Au citoyen Barbé-Marbois, ministre du trésor public

Citoyen Ministre, le trésor public commence à mal marcher. Je reçois des plaintes que les ordonnances ne sont pas payées; et certainement, si une ordonnance n'est payée que quatre-vingts jours après qu'elle a été délivrée, il n'y a plus de finances ni de services dans l'État. Cela a lieu depuis plusieurs mois par le système qui a été pris par les receveurs généraux. Quand on renvoyait les bons à vue, on était payé sur-le-champ. S'il y a des complaisances pour les receveurs à la trésorerie, et si les ordonnances ne sont pas payées, nous retombons dans le plus affreux chaos, et toutes nos opérations manqueront.

Je vous envoie un rapport du génie de Boulogne ; je ne puis que vous en témoigner mon mécontentement.  Prenez des mesures pour que ces abus disparaissent promptement. Il a été convenu de tout temps que l'ordonnance a dû être payée dans les vingt jours qu'elle a été délivrée à Paris. Ce doit être la faute ou de la trésorerie ou du payeur de la division. On a été obligé de ralentir les travaux, de renvoyer les voitures ; cela rendra le prix des travaux dix fois plus cher. Préparez-moi un rapport détaillé à mon arrivée à Paris, pour que je sache à quoi m'en tenir sur la manière dont se fait le service et sur les mesures à prendre pour le réorganiser, car il a fléchi depuis plusieurs mois.


Reims, 10 août 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Plusieurs corps, Citoyen Ministre, que j'ai vus sur mon passage, se sont plaints d'une circulaire qui portait que, plusieurs corps étant complets, les soldats qui s'offraient pour servir devaient se présenter devant leurs municipalités et attendre la destination que leur donnerait le ministre; ce qui dégoûtait ceux qui voulaient avoir la certitude de rentrer dans tel on tel corps.

Je crois qu'il faut envoyer à Hanovre des détachements de tout les corps de cavalerie de la République. Vous pouvez en excepter seulement ceux qui sont en Italie et au camp de Bayonne, comme se trouvant trop éloignés.

J'ai accordé aux troupes de la 16e division militaire quinze jours de gratification ; à celles que j'ai vues dans la 24e division militaire un mois de gratification; et aux 12e, 14e et 111e de ligne, aux 6e, 25e et 26e légères, aux 4e, 6e, 7e de cavalerie, au 2le de dragons et au 27e de chasseurs, quinze jours de gratification.

Donnez, je vous prie, les ordres pour que le général commandant la 1e division militaire n'envoie aucun détachement pour mon escorte ; cela écrase la cavalerie sans aucun résultat.


 Saint-Cloud, 11 août 1803 

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

1°. Je désire que vous fassiez faire, avec le moins de frais possible, le compte des dogres, heus, spricks, bélandres de la Belgique, que mon intention est de réunir sur l'Escaut.

On pourrait prendre des renseignements sur le nombre que la Batavie pourrait en procurer.

2° Il faudrait s'assurer quel est le nombre de corvettes de pêche de Dunkerque et autres bateaux du même genre qu'on pourrait réunir dans ce port.
3° Quel est le nombre de chaloupes canonnières, de bateaux canonniers, de petits bateaux de pêche et de cutters, qu'ou pourrait se procurer pour réunir à Boulogne ?
4° Quel est le nombre de bateaux destinés à la pêche de Granville, Saint-Malo et autres ports de la Manche, qu'on pourrait réunir à Cherbourg ?
5° Quel est le nombre de bâtiments qu'on pourrait se procurer à Brest, capables de naviguer avec nos vaisseaux ?
6° Quel est le nombre de bâtiments qu'on pourrait se procurer à Bordeaux pour Rochefort, et capables de naviguer avec nos vaisseaux ?


Saint-Cloud, 13 août 1803

Au citoyen Chaptal, ministre de l'intérieur

Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner ordre que les bâtiments suivants, la Marguerite-Christine, 1'Amphion, chargés en fers, planches et goudron, qui sont sans le séquestre, dans le port du Havre, ainsi que la Fortuna, chargée de fil de laiton et de planches, qui est à Rouen, soient libres et puissent vendre leurs marchandises, l'arrêté
du ler messidor ne pouvant avoir lieu pour des marchandises du Nord dont nos ports ont besoin, et d'ailleurs évidemment suédoises; n'entendant déroger, pour ces bâtiments, qu'à l'arrêté du ler messidor et non à aucune autre loi.

Faites connaître au ministre de Suède l'ordre que vous donnez.


Saint-Cloud, 13 août 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je vous envoie, Citoyen Ministre, des décisions sur la capitulation suisse; expédiez-les par un courrier au général Ney, car je désire que cela soit terminé promptement. Ces trois demi-brigades sont incomplètes, coûtent beaucoup d'argent, et ne nous servent à rien ; il faut donc en finir. Écrivez au général Ney qu'il est autorisé à conclure et signer.

Toutes les nouvelles que je reçois d'Espagne me confirment la levée de milices et d'armées de terre. Je suis étonné que le général Beurnonville n'en dise rien. Comme il est convenable, pour un objet aussi important, de ne pas s'en rapporter à un seul homme, qui peut se tromper et qui, en méprisant les Espagnols, peut n'ajouter que très-peu d'importance à des choses auxquelles j'en attache beaucoup, écrivez aux citoyens Belleville, Le Roy(commisssaires généraux des relations commerciales à Madrid et Cadix), aux commissaires des relations extérieures à Santander, à la Corogne, etc., de vous faire connaître les mesures prises pour la levée des troupes espagnoles depuis six mois.

Écrivez également au général Beurnonville pour lui faire connaître ce que j'apprends ici, et que je désire être éclairci sur cet objet ; dites-lui de vous envoyer l'état de situation de l'armée espagnole.



Saint-Cloud, 13 août 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Les troupes de Hanovre, Citoyen Ministre, celles qui sont dans le royaume de Naples, celles qui sont en Hollande, n'auront point congés de semestre.

Les troupes qui sont en Bretagne, celles qui sont dans les différentes îles, celles qui composent le camp de Bayonne, celles sont à la disposition de la marine à Toulon, celles qui sont dans la 23e division militaire et celles désignées pour faire partie des camps, n'auront point de congés de semestre.

Je désire que vous me remettiez, au prochain travail, l'état des demi-brigades qui ne sont point comprises dans cette mesure, afin d'autoriser les semestres par demi-brigades, vu que quelques demi brigades doivent encore faire partie de ces différentes expéditions.

Écrivez au général Rusca que le général Campredon est à l'île d'Elbe ; que c'est lui qui a ordonné l'ouvrage dont il est question ; que Porto-Ferrajo ne peut se défendre s'il se renferme dans ses murs ; qu'il faut des ouvrages avancés ; qu'il tienne un conseil guerre composé, du général Campredon et des officiers du genie pour déterminer les ouvrages à faire hors de la place.

Par la lettre du citoyen Panetier, l'amiral Bruix paraît croire que c'est quatorze adjoints que vous devez lui fournir ; je ne sais si c'est une erreur de l'arrêté ou de votre lettre ; ce n'est point quatorze, mais quatre que porte l'arrêté.

Le général Marmont, commandant l'artillerie de l'armée, doit vous faire connaître les mesures qu'il a prises, soit pour les batteries volantes, soit pour les officiers d'artillerie commandant à Ostende et à Boulogne.

Donnez ordre au 6e régiment d'artillerie d'envoyer 30 hommes à Hanovre pour y recevoir 70 chevaux, afin de se compléter.


Saint-Cloud, 13 août 1803

DÉCISION

Le ministre directeur de la guerre demande l'autorisation de faire payer une somme de 18,938 francs à différents corps stationnés dans la République italienne, pour indemnités de vivres pendant l'an X.

Ceci demande un grand examen : car enfin les fonds de la
République italienne ont tout payé pour l'an X; comment arrive-t-il que ces hommes viennent réclamer ?


Saint-Cloud, 14 août 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Ce qu'il y a de plus important dans notre position actuelle avec l'Espagne n'est point l'affaire des subsides ; ce n'est point l'exécution du traité qui nous lie, mais c'est, 1° l'étrange conduite d'avoir laissé enlever deux bâtiments ancrés à Algésiras, et de ne pas même offrir d'en payer l'équivalent; 2° c'est de voir quatre vaisseaux de guerre français arriver à la Corogne et de les laisser exposer aux attaques de l'ennemi, en les traitant avec tous les mauvais procédés qu'on peut avoir pour des Barbaresques ; 3° c'est l'impertinence avec laquelle on ose dire qu'on arme 100,000 hommes de milices, qui évidemment ne sont point pour faire la guerre aux flottes anglaises. Je désire que vous remettiez à M. d'Azara une note ainsi conçue :

"Le Premier Consul m'ordonné de faire connaître à Votre Excellence que la mesure des outrages qu'on se permet en Espagne contre la France depuis quatre mois est près d'arriver à son comble. Ce n'est pas ce que le Premier Consul avait le droit d'attendre de Sa Majesté Catholique. Il se plaît encore à croire qu'elle est étrangère à ces menées et à tous les outrages qu'on n'épargne pas au pavillon français. Mais cela tient sans doute aux calculs perfides d'hommes qui, insatiables d'or, ont vendu les intérêts de leur prince et de leur pays à l'Angleterre, où ils espèrent trouver un refuge contre l'abîme où ils veulent évidemment entraîner l'Espagne.

Deux bâtiments de Marseille, richement chargés, venant de la Martinique, sont arrivés à portée de pistolet du fort d'Algésiras. Le gouverneur, qui avait été averti, a fait tirer un coup de canon à poudre et a laissé amariner les bâtiments français. Le Premier Consul demande que la valeur de ces bâtiments, estimés à trois millions, soit versée à Marseille pour indemniser les propriétaires ; que l'officier qui commandait les batteries soit jugé par un conseil militaire comme ayant laissé violer le territoire espagnol ; que le gouvernement de Cadix, qui s'est permis d'arrêter des Français et de vouloir les forcer à entrer dans une levée de milices évidemment dirigées contre leur patrie, et que les hommes ennemis de leur roi et de leur pays qui entendent armer contre la France, soient sur-le-champ destitués; que les Français qui ont débarqué à Malaga par le mauvais temps et par les événements de la guerre soient traités, non comme s'ils étaient des Turcs, mais comme des soldats d'une nation amie de l'Espagne, et surtout d'une nation voisine qui a assez de force pour venger les outrages faits à ses drapeaux et à son sang ; que l'officier qui, à Algésiras, s'est conduit avec autant d'inhumanité que d'outrage envers les bâtiments français, soit destitué ; que l'escadre de quatre vaisseaux français qui a relâché à la Corogne depuis un mois, et, ce qui est sans exemple, à l'équipage de laquelle on n'a pas permis de descendre à terre pour faire la quarantaine et qu'on a contraint à rester encombré sur les vaisseaux, après les fatigues d'une traversée de soixante jours, sans lui permettre d'entrer dans le port et les bassins, mouillée au delà des jetées et exposée aux insultes des Anglais, puisse débarquer à terre et être mise en réparation ; car si elle était insultée sous le feu de la Corogne, comme c'est peut-être le projet de quelques hommes voués à l'Angleterre, ce nouvel outrage qu'essuierait la France dans les ports espagnols serait vengé par la chute de la monarchie espagnole ; que les 100,000 hommes de milices qui ont été levés soient sur-le-champ contremandés ; que toutes les troupes qui ont été envoyées en Catalogne, dans la Navarre, dans la Biscaye, dans les Asturies, à Valladolid, à Burgos, depuis le 1er vendémiaire an XI, en soient sur-le-champ retirées et dirigées du côté de Gibraltar et de la Corogne ; enfin que l'armée espagnole ne soit pas remise sur le pied de guerre ; ce qui ne peut être évidemment que dans des intentions hostiles contre la France ; que la marine espagnole soit réorganisée, au lieu de souffrir que des hommes ennemis de l'Espagne, ignorant que sa puissance est fondée sur ses immenses colonies, détruisent sa marine et osent menacer  et comprimer par ses armées de terre la nation française.

Après que le Premier Consul aura satisfaction sur ces questions, il restera à voir à Sa Majesté :

Si elle veut ou non soutenir le traité d'Amiens, qu'elle a signé et que l'Angleterre a violé ;

Si elle veut faire la guerre à l'Angleterre, ou, dans le cas de neutralité, accorder à la France le subside demandé, et qui peut seul compenser le tort que fera à la France la neutralité de l'Espagne;

Ou si Sa Majesté, aveuglée par l'esprit de vertige qui s'est emparé de ses ministres, veut faire la guerre.

Au reste, le Premier Consul me charge de vous faire connaître que la plus grande responsabilité qui ait pesé sur aucun ministre pèse sur vous par cette déclaration que je suis chargé de vous transmettre. Il est impossible que le roi ne s'aperçoive point qu'il est trahi, ou il a pris véritablement la résolution de se coaliser avec l'Angleterre contre la France. Dans l'un ou l'autre cas, l'intention ferme du Premier Consul est qu'avant le 20 fructidor cette question soit décidée, et qu'il sache à quoi s'en tenir. Il a laissé passer du temps, parce qu'il a vu les vaisseaux espagnols rentrer dans leurs ports ; cette complaisance a été prise pour de la faiblesse de la part des hommes qui dirigent le cabinet de Madrid ; mais le Premier Consul est décidé enfin à faire connaître que Dieu lui a remis l'autorité nécessaire pour faire respecter les traités, et qu'une nation voisine doit avoir pour le sang et le pavillon français les mêmes égards que la France a pour le sang et le pavillon espagnols."

Je dirai ici dans deux jours un mot à M. d'Azara, pour accréditer cette note. Envoyez-la au général Beurnonville, pour qu'il la garde secrètement, et pour que, deux jours après que M. d'Azara l'aura envoyée à Madrid , il en remette une dans les mêmes termes. Déclarez-lui que je mets sous sa responsabilité personnelle s'il y a en Catalogne, dans la Biscaye, à Burgos et à Valladolid aucunes troupes, si toutes les levées ne sont pas congédiées, si l'on fait quelques approvisionnements dans les forteresses de Pampelune et de Fontarabie. Sous quelque prétexte que ce soit, mon intention est qu'il n'entre dans aucun pourparler qu'au préalable, 1° les vaisseaux français qui sont à la Corogne puissent débarquer à terre leur équipage et être mis en réparation ; 2° que toutes les troupes soient sur le même pied qu'elles étaient au 1er vendémiaire an X ; que toutes les levées de troupes soient contremandées ; enfin que Sa Majesté s'explique net que dans aucun cas elle ne fera la guerre à la France; que le gouverneur de Cadix soit destitué, et l'officier d'artillerie d'Algésiras puni ; que je ne puis dissimuler que je fais marcher des troupes, et que 80,000 hommes entreront en Espagne avant 15 vendémiaire. Il doit dire enfin positivement que l'Espagne ne doit pas tenir sur pied d'armée de terre autre que celle quelle avait il y a deux ans ; que je suis profondément outragé des 100,000 hommes dont il me menace et qui singent parfaitement avec la levée en masse des Anglais ; qu'il est évident qu'une armée de terre espagnole n'a d'autre but que de se coaliser contre la France ; que, du reste, j'entends qu'avant le 20 fructidor on ait remis dans mes mains les obligations des soixante et douze millions pour l'an XII, payables mois en mois, et les vingt-quatre millions, échus depuis prairial qui doivent être réalisés en argent avant le 20 fructidor; je ne recevrai pas en lettres de change, mais en piastres rendues à Bayonne ou bien que l'ambassadeur anglais soit chassé, l'embargo mis sur tous les bâtiments anglais ; les quinze ou vingt vaisseaux que 1'Epagne peut fournir, armés ; le Portugal et Gibraltar attaqués de concert avec l'armée française ; qu'entre cette double alternative et faire la guerre à la France je n'en connais pas une quatrième; que si l'on continue à rassembler des recrues, à refuser des semestres et à mettre enfin l'armée en état d'agir, le général Beurnonville doit demander une entrevue au roi, lui donner cinq jours pour se décider et se retirer à la campagne. Au bout de ce terme il préviendrait autant que possible nos commissaires des relations commerciales et ferait prendre la mer à nos vaisseaux. Dans ce cas, dans la dernière décade de fructidor, 90,000 hommes entreront dans Navarre, et 15,000 dans la Catalogne, qui seront soutenus par un nombre pareil.


 16 - 31 août 1803