16 - 31 Août 1803


Paris, 16 août 1803

Au citoyen Talleyrand

M. d'Azara, Citoyen Ministre, m'a remis une note, qu'il a faite parce qu'il désespérait de me parler. Je lui ai dit de vous adresser une note en conséquence des ordres de sa cour. Envoyer sur-le-champ un courrier au général Beurnonville, pour lui faire connaître que le bruit court que l'on veut envoyer ici le ministre que le prince de la Paix entretient à Rome ; que je ne veux point ici de ministre intrigant qui se mêle des affaires intérieures du pays ; que je vois d'ailleurs avec peine qu'on donne des désagréments à M.. d'Azara, parce qu'on sait que je l'estime ; que la proposition que l'Espagne fera la guerre à l'Angleterre est acceptée ; que si l'on demande le jour auquel la rupture doit se faire : au 15 fructidor ( 2 septembre), le renvoi du ministre anglais et la mise de l'embargo sur tous tes bâtiments anglais qui se trouvent dans les ports de l'Espagne doivent avoir lieu ; qu'immédiatement l'Espagne mettra sur pied deux armées, l'une destinée à attaquer Gibraltar, l'autre le Portugal ; que j'aurai deux corps d'armée, de 16,000 hommes chacun, qui agiront de concert avec les forces espagnoles ; que le nombre de troupes qui se mettent en marche pour Bayonne devient considérable, et que, quoiqu'on dise qu'elles sont dirigées contre le Portugal, on ne tardera pas à s'apercevoir qu'il y a trop de forces pour le Portugal ; que si donc on doit arriver à un arrangement, et que l'Espagne veuille conserver la neutralité en payant un subside, elle doit accorder ce que nous avons demandé, sans attendre l'arrivée d'une aussi grande quantité de troupes, dont la première moitié (25,000 hommes) sera arrivée au ler fructidor (19 août); comme il y a effectivement une aussi grande quantité de troupes, je serai intéressé à les arrêter dans leur marche, à moins qu'on ne veuille entrer en compensation et qu'il s'agira de vouloir culbuter ce gouvernement ;

Que, quant au subside à payer, c'est toujours la même chose ; je n'entends point relâcher de six millions par mois et de vingt-quatre millions pour ce qui est échu si la somme qu'on proposerait était inférieure à cela, je préfère le parti de la guerre déclarée à l'Angleterre, parce que l'attaque de Gibraltar, que je veux faire, inquiétera beaucoup l'Angleterre et l'obligera à mettre une forte garnison dans cette place.

L'Angleterre a licencié les régiments suisses Dillon et Watteville, et l'Espagne a consenti à donner passage à ces régiments pour venir en France. De quel droit l'Espagne donne-t-elle passage pour la France à des régiments qui étaient licenciés par les Anglais ? Cela a été contre l'usage de tous les temps.

Les gazettes anglaises parlent d'une expédition contre la Corogne, pour y forcer les vaisseaux français. Faites sentir à ces gens-là que cette escadre ne prendra pas la mer qu'elle ne soit ravitaillée et doublée en cuivre ; sans cela elle restera perpétuellement dans leur port, parce que je ne veux point l'exposer à être prise par les Anglais; qu'ils doivent activer les fournitures de tout ce qui lui est nécessaire, d'autant plus que j'ai envoyé 500,000 francs pour tout payer. Faites en sorte qu'elle puisse partir dans deux mois ; elle peut être prête dans un.

Il sera aussi nécessaire, dans le cas où les choses s'arrangeraient, que l'Espagne donne passage à un bataillon français pour renforcer la garnison des vaisseaux; qu'on le fera passer par 30 et 40 hommes et à des distances éloignées.

La même chose pour l'Aigle, qui est à Cadix. Dès l'instant qu'il sera réparé, il a ordre de partir. Si l'Espagne continue à contrarier l'équipement et l'armement de nos vaisseaux, ils y resteront continuellement, ce qui sera un objet perpétuel de jalousie et de division qu'elle aura avec nous.

Enfin recommandez bien au général Beurnonville que, dans le courant de fructidor, il faut que j'arrive à l'une de ces trois choses :  1° que l'Espagne déclare la guerre à l'Angleterre ; 2° ou qu'elle paye le subside spécifié dans les lettres. précédentes ; 3° ou la guerre déclarée par la France à l'Espagne; car cela ne peut plus durer.

Je vous envoie quatre lettres relatives à la Russie et aux préparatif que l'on fait en Danemark et en Portugal.


Paris, 16 août 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Faites mettre sur le chantier de Paris seize caïques en construction, et quatre sur le chantier de Compiègne. Donnez ordre à Toulon qu'on en fasse construire vingt dans les petits ports voisins, et qu'on en expédie quatre pour la défense des côtes de l'île de Corse, et deux pour la défense des côtes de l'île d'Elbe. Les quatorze autres recevront une destination lorsqu'ils seront faits.

Il serait convenable que ces bâtiments fussent arrivés à leur destination avant brumaire.

Donnez ordre au préfet maritime à Rochefort de faire lancer le Lyon au 1er vendémiaire pour la fête de la République, et le Magnanime avant le 10 fructidor.

Donnez ordre au préfet maritime de Lorient de faire lancer le Suffren dans le courant de la première quinzaine de fructidor, et le . . . . . .. (en blanc sur la minute) au ler vendémiaire, jour de la fête de la République.

Faites connaître au préfet maritime de Brest qu'il fasse lancer le Vengeur au ler vendémiaire; qu'il faut qu'il s'arrange de manière à avoir prêts, pour l'escadre, trois vaisseaux à trois ponts, y comprisle Vengeur, et, au lieu de seize vaisseaux portés dans l'état, vingt vaisseaux prêts à mettre à la voile au 1er frimaire. Ces vaisseaux porteront 12,000 hommes pour l'expédition d'Irlande. Faites-moi connaître le nombre de frégates et de gros transports nécessaires pour porter jusqu'à concurrence de 20,000 hommes.

Il faudra voir les moyens qu'on pourrait avoir à Rochefort pour embarquer 10,000 hommes. Il y aura six vaisseaux de guerre qui pourront porter 4,000 hommes. Il y aura sept ou huit frégates qui pourront en porter 2,000 ; ce qui ferait 6,000 hommes. Il faudrait donc en chercher pour 4,000 hommes. ,

Il faudra s'assurer si les vaisseaux de Brest, et surtout de Toulon, sont armés de caronades, et si ces derniers seront prêts à partir dans le courant de brumaire. Il faudrait également connaître si, indépendamment des vingt vaisseaux qui doivent être prêts à Brest pour le 1er frimaire, propres à toute expédition, on ne pourrait pas en avoir quatre ou cinq armés de toutes leurs batteries et propres seulement à l'expédition d'Irlande.


Saint-Cloud, 17 août 1803

DÉCISION

Proposition d'accorder une indemnité de 200 francs au citoyen Marie, préposé des douanes, blessé dans une action avec les Anglais.

Accordé. Faire vérifier par les commandants militaires des lieux que cette blessure a eu lieu dans un combat contre les Anglais, et étrangère aux affaires de contre-bande, afin qu'on puisse lui donner un fusil d'honneur.


Saint-Cloud, 17 août 1803

Au général Dejean, ministre directeur de la guerre

Faites connaître, Citoyen Ministre, au commissaire ordonnateur Michaux que mon intention est que l'ordre de la comptabilité soit rigoureusement maintenu, et que l'indépendance des receveurs et payeurs soit respectée. L'argent ne doit être reçu et donné que par eux, et l'ordonnateur n'a le droit d'avoir aucune caisse particulière.

Je désire que vous fassiez donner des bonnets de grenadiers aux grenadiers de la 111e demi-brigade.


Saint-Cloud, 17 août 1803

OBSERVATIONS SUR UN TRAITÉ FAIT AVEC LES RECEVEURS GÉNÉRAUX POUR LE SERVICE DU TRÉSOR PUBLIC PENDANT L'AN XII

ART. 7. - Dans le cas où l'agence, pour faciliter ses opérations, aurait besoin d'obligations d'une échéance plus rapprochée que celles indiquées dans l'article 5, elle pourra demander au trésor public jusqu'à concurrence de la moitié des échéances desdites obligations, pour chacune des échéances de l'an XII qu'elle indiquera, à la charge de verser, à titre de dépôt, une somme d'autres obligations équivalentes, et son engagement d'en réaliser le montant à Paris, le jour de l'échéance. Si la moitié de quelque échéance ne s'élevait pas à la somme de 8 millions, la différence pour compléter cette somme pourra être réclamée par l'agence, à la charge que ce complément lui sera précompté dans les mois suivants.

Article 7. - On voudrait, au lieu de à charge d'en réaliser le montant à Paris au jour de son échéance, " à charge de réaliser dans le point de la République  indiqué par le ministre du trésor public, au jour de l'échéance;" ou bien "à charge d'en réaliser le montant, soit à Paris, soit dans le lieu où était payable l'obligation qu'ils ont reçue."

ART. 9. - Si le Gouvernement jugeait convenable, dans le cours de l'an XII, d'assigner au service des mois qui pourront l'exiger une plus forte somme que celle déterminée par l'article 4, et qu'il voulût faire une négociation extraordinaire des obligations foncières, personnelles et mobilières, les versements de l'agence seront faits dans les proportions qui lui seront indiquées, et les obligations qui lui seront remises pour la couvrir de cet excédant seront négociées au taux et d'après les conditions réglées par l'article 6 du présent traité.

Si néanmoins l'agence ne pouvait, à ces termes, se charger d'une opération extraordinaire, et sur son refus, le ministre du trésor public pourra faire faire ladite négociation par qui il avisera, aux conditions qu'il trouvera les plus avantageuses, à la charge que lesdites obligations négociées ne pourront être mises en circulation avant le mois de leur échéance. Il est convenu aussi que l'article 7 continuera à recevoir sa pleine et entière exécution. Dans tous les cas, la préférence sera donnée à l'agence, pour lesdites négociations, lorsque les conditions de l'offre qu'elle aura faite ne seront pas couvertes par une offre plus avantageuse faite par tous autres particuliers ou associations.

Article 9. - Cet article contient une condition trop onéreuse au Gouvernement, celle de ne pouvoir s'aider d'aucune de ses ressources et d'être soumis, pour cet objet, à l'arbitraire de l'agence. On pourrait faire plusieurs propositions pour y remédier :

La première, que l'agence serait obligée d'escompter aux mêmes conditions, une somme d'obligations échéantes dans le trimestre, sans que cela puisse monter à plus de 20 ou 30 millions dans l'année;

La seconde, qu'indépendamment des 87 millions que l'agence escompte, elle serait tenue, si le trésor public le demandait, à escompter, aux mêmes conditions, jusqu'à une concurrence proportionnelle des bons à vue qu'il recevrait. Ainsi, si on leur laisse les bons à vue provenant décimes pour franc des coupes de bois, des bons à vue de la vente des domaines nationaux, des bons à vue provenant de la taxe d'entretien des routes, des bons à vue des rachats de rente, toutes ces natures de bons à vue, que l'on évalue à 40 ou 50 millions, offrent un avantage, même en partant de l'esprit de l'article 9 du traité, qui fait paraître juste de demander que l'agence s'engage à négocier jusqu'à la concurrence de 25 ou 30 millions. On pourrait, par exemple, déterminer un million ou 1,500,000 fr. par chaque million de bons à vue rentrant à la caisse pour ces objets.

ART. 10. Les obligations et traites sur les portes et fenêtres et sur les patentes, et les obligations affectées sur le recouvrement des sommes imposées pour les frais de l'armement contre l'Angleterre, dont le Gouvernement autoriserait la négociation pendant le cours de l'an XII, seront escomptées par l'agence aux conditions et de la manière prévue par l'article précédent, en ce qui regarde l'escompte et la préférence à l'agence, sauf la clause y énoncée.

Article 10. - Cet article n'est pas clair. Il y a un sens qui paraît tout à fait inadmissible, c'est celui en l'article 9, que les traites pour patentes et les obligations affectées sur le recouvrement des sommes imposées pour les frais de l'armement de guerre contre l'Angleterre ne peuvent être négociées que moyennant dépôt. En effet, si tel avait été le sens de l'article 10, on n'aurait pas fait un article séparé, puisque, par ce sens donné à l'article, il se trouve subir la même condition que les obligations, et l'on ne verrait pas pourquoi on n'y aurait pas compris les coupes de bois et les autres effets, montant à 100 millions, dont la mauvaise gestion et la mise sur la place influeraient. D'ailleurs, les articles 9 et 10 vont en ce sens, donnent à l'agence une tutelle inconvenante et inutile. Le Gouvernement a essentiellement intérêt à soutenir le crédit et des conditions de défense de négocier avec d'autres que l'agence sont bonnes si, comme il a été pratiqué avec les banquiers, l'agence s'engageait à négocier tous les effets : elle mériterait la préférence; autrement, c'est une clause contraire au bien du service de l'an XII; car l'agence, sûre qu'on ne peut s'adresser qu'à elle, est maîtresse de faire les conditions.

ART. 11. L'agence continuera à fournir au trésor public, pendant l'an XII, des rescriptions payables sur tous les points de la République, suivant le mode et conformément aux conditions stipulées par les articles 14 du traité du 30 thermidor an X et 6 du traité du 23 frimaire an XI. Ces rescriptions seront versées au trésor public dans les cinq jours qui suivront celui où la demande en aura été faite à l'agence.

Article 11. - Il faudra s'occuper, en l'an XII, d'un système plus naturel; mais on peut, sans nuire à la lettre et à l'esprit de l'article 12, aider efficacement le service en prenant la détermination suivante :

On ferait deux tableaux des départements : le premier contenant tous ceux qui, dans l'an XI, ont absorbé plus de fonds que n'en produisent les bons à vue et les obligations du mois; le second, les départements qui, dans l'an XI, ont produit plus de bons à vue qu'ils n'ont fait de dépense, sans compter les obligations qui, étant disponibles au trésor public, peuvent être négociées comme on l'entendrait.

Alors on aurait soin de ne jamais donner aux receveurs qui, en exécution de l'article 3, demandent des obligations pour le service des mois, des obligations du premier tableau , mais seulement du second; et, dès le moment que les bons à vue des départements du premier tableau arriveraient, on les présenterait de suite à l'agence, en lui demandant, non un mandat sur la banque à vingt jours, mais une rescription sur le payeur dont le département fait partie, et les bons à vue provenant des départements du deuxième tableau, ce qui ne doit pas être très-considérable. On aurait soin de demander, à mesure que les bons à vue arriveraient, tout de suite une rescription pour ce qui doit se consommer dans le département, et le surplus en mandats à vingt jours sur la banque, et le service se trouverait d'autant mieux fait que moins de bons à vue auraient été convertis en mandats sur la banque.

Le trésor public pourrait faire ce tableau sur l'an X. Il verra successivement les augmentations ou diminutions qui viendraient à résulter des encaissements qui peuvent avoir lieu dans le cours de l'an XII.

ART. 12. - Les articles 10, 11, 12 et 13 du traité du 30 thermidor an X et 7 du traité du 23 frimaire suivant, relatifs au recouvrement des bons à vue, continueront d'avoir leur exécution pendant l'an XII, sauf la clause ci-après : le trésor public, afin de favoriser les opérations des négociants dans plusieurs places de commerce, se réserve la faculté de prescrire à l'agence de faire arriver à l'agence, à Paris, les fonds des bons à vue en billets et lettres de change desdits négociants et des commerçants, jusqu'à concurrence, de 4 millions par mois.

Article 12. - Cet article ne parait pas assez clairement rédigé. S'il n'y est pas dit que l'agence et les receveurs seront obligés, jusqu'à la concurrence de 10 millions, de remettre des sommes au commerce dans les départements au pair et sans aucun escompte sous le prétexte du cours de Paris, on n'aurait rien fait. Les receveurs ont l'habitude de recevoir un demi et au moins un quart pour l'argent qu'ils donnent pour le papier sur Paris, qui est payé à vue.


Saint-Cloud, 18 août 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

J'ai reçu votre lettre, Citoyen Ministre. Votre observation sur le bataillon suisse qui doit faire partie de la garde m'a paru assez juste; en contracter l'obligation, surtout, a quelque chose d'étrange. Écrivez au général Ney qu'on peut envoyer ce bataillon, mais qu'on n'a jamais entendu en faire un article de la capitulation, ce qui serait inconvenant, mais que cela sera exécuté.

Je vous envoie des lettres de Lisbonne.

J'ai dicté hier à Durand quelques notes sur les affaires d'Espagne. Il me tarde bien que ces affaires soient finies, soit pour avoir de l'argent, soit pour asseoir définitivement tous mes plans.

Le parlement britannique s'est ajourné au 6 octobre.

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La note sur l'Espagne m'a paru bien. Je l'ai fait remettre.


Saint-Cloud, 18 août 1803

AU LANDAMMAN ET AUX MEMBRES DE LA DIÈTE GÉNÉRALE DE LA SUISSE. 

Citoyens Landamman et Membres de la diète générale de la Suisse, vous me rappelez l'un des plus heureux moments de ma vie, lorsque ,vous m'écrivez que l'acte de médiation vous a épargné la guerre civile.

C'est dans cette vue que j'avais déféré au vœu de la Suisse entière et que j'étais intervenu dans ses dissensions.

L'expérience a servi de guide pour la base de vos institutions actuelles : elle peut en servir pour la continuation des rapports qui subsistèrent constamment entre la France et votre pays. Ces rapports sont fondés sur des sentiments d'affection et d'estime dont j'aimerai toujours à donner des témoignages à votre nation.


Saint-Cloud, 18 août 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je vous renvoie, Citoyen Ministre, les lettres du général Rusca. Recommandez à ce général de porter une attention particulière aux fortifications de la petite île de Palmajola, et d'y envoyer le général Campredon pour s'assurer s'il y a un gril à boulets rouges et le nombre de mortiers et de canons nécessaire; deux bons mortiers à grande portée y seraient fort utiles. Il est extrêmement important de ne point laisser occuper cette île par l'ennemi. Il faut en renforcer la garnison; le nombre d'hommes qu'on y tient n'est certainement pas suffisant.

Je ne conçois pas comment on déserte de l'île d'Elbe. Je ne conçois pas non plus comment il n'est pas arrivé plus de monde du continent; il en est parti davantage du dépôt de Marseille.

Écrivez au général Rusca pour savoir si l'on a pris des mesures pour exercer une portion de l'infanterie aux manœuvres du canon.

Donnez ordre que la pièce de 36 en fer qui est à la Fère soit envoyée au Havre; les deux qui sont à Lille et les sept qui sont à Metz, à Boulogne.

Je désire connaître quel est le nombre de pièces de 36 qui seraient disponibles à Cherbourg, où il y en a cent vingt-deux de portées dans vos états. Ces états portent vingt-sept pièces de fer de 36 à Saint-Omer, soixante et douze à Lille, trois à Metz; si ces pièces sont autres que celles formant les batteries qui sont sur les côtes, donnez ordre qu'on les dirige sur Boulogne. Il y en a deux désignées comme existant à Bruxelles : faites-les diriger sur Ostende; vingt-neuf à Bruges : si elles sont autres que celles des batteries qui sont sur les côtes, faites-les diriger sur Ostende. La même chose pour les pièces de fer de 18. Faites diriger sur le Havre celle qui est à la Fève; toutes celles de Saint-Omer, Lille, Metz, sur Boulogne; et celles de Bruxelles, de Bruges, sur Ostende.

Nous avons à Namur une mine de plomb qui appartient à la République. Je désire que vous vous concertiez à cette occasion avec le ministre de l'intérieur, mon intention étant de la faire exploiter par les officiers d'artillerie et d'en faire verser le produit dans nos arsenaux pour nos approvisionnements en plomb.


Saint-Cloud, 18 août 1803

Au général Berthier

Je vous prie, Citoyen Ministre, de prendre les mesures convenables pour qu'il soit établi, avant le 15 fructidor, deux batteries au Havre, deux à Ostende et deux à Boulogne. Ces batteries seront composées, la première de trois pièces de 36, la seconde de trois pièces de 24. Les trois pièces de 36 seront approvisionnées à200 boulets creux par pièce, celles de 24, à 200 boulets.

Ces batteries seront placées sur des affûts marins qui permettent de tirer sur l'angle de 45 degrés; ce qui les mettra à même de lancer leurs mobiles à plus de 2,000 toises. Elles ne seront point placé dans le point le plus important, parce que, leur tir étant très-incertain, il faut garder les batteries ordinaires pour les meilleures positions. Ainsi, à Boulogne, elles seront placées sur les points les plus importants après la tête du musoir.

A Ostende, elles seront placées dans les petites places d'armes derrière la digue.

Ces batteries seront exercées souvent; et vous recommanderez lorsqu'il se présentera des bâtiments ennemis, de les laisser approcher à la distance ordinaire, et, lorsque le feu sera engagé à 12 ou 1300 toises, de faire tirer ces batteries, qui auront l'avantage d'incommoder de leur feu les bâtiments ennemis tout le temps que mettront à parcourir l'espace de 800 toises. L'importance de ces batteries, pour empêcher le bombardement, est telle, qu'il n'y a pas un moment à perdre pour les établir.


Saint-Cloud, 18 août 1803

Au général Berthier

J'apprends, Citoyen Ministre, que plusieurs conscrits de la réserve qui avaient été appelés pour le recrutement de l'artillerie, n'ayant pas la taille requise, ont été renvoyés chez eux, ce qui me paraît contraire à tout ordre. Donnez ordre aux différents régiments d'artillerie de vous envoyer l'état des hommes qui seraient renvoyés comme n'ayant pas la taille requise, et indiquez les corps où ces conscrits seront incorporés.

Des régiments de dragons ont reçu des hommes de deux pouces, qu'ils ne trouvent pas assez grands. Comme ces régiments ont été beaucoup augmentés, il serait très-difficile de les compléter avec des hommes de quatre pouces.

Donnez-leur l'ordre de les recevoir à deux pouces, et de vous envoyer l'état des hommes au-dessous de cette taille, pour que vous les destiniez pour l'infanterie.


Saint-Cloud, 19 août 1803

Au citoyen Chaptal, ministre de l'intérieur

Vous êtes invité, Citoyen Ministre, à ordonner que l'on s'occupe sans délai du projet de communication à établir entre la ville de Reims et la rivière de l'Aisne. Le Premier Consul croit qu'il convient de charger de la rédaction des projets un ingénieur plus capable que ne paraît l'être celui du département. 

Il y a à examiner si on pourra rendre la Vesle navigable, ou s'il faudra lui donner une nouvelle direction.

L'intention du Premier Consul est que le projet qui sera jugé praticable lui soit présenté au commencement du mois de brumaire prochain.


Saint-Cloud, 19 août 1803

Au citoyen Chaptal

Le Premier Consul a été frappé, Citoyen Ministre, de la situation fâcheuse de la commune de Villers-Cotterets. Il désirerait qu'il fût possible de former quelque établissement qui rendît quelque existence à cette petite ville; il vous prie en conséquence de prendre des informations sur l'état de l'ancien château, et sur le parti que l'on pourrait en tirer.


Saint-Cloud, 19 août 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Le Premier Consul désire, Citoyen Ministre, que vous recommandiez au commissaire de la marine à Calais la stricte exécution de l'arrêté du ler messidor dernier, qui défend l'admission dans les ports de France de tout bâtiment venant d'Angleterre ou y ayant touché. Autant il importe d'user de rigueur envers eux, autant il convient d'accueillir avec toutes sortes d'égards les navires venant du Nord, et notamment ceux qui seraient chargés de planches, mâts, goudrons et de tous autres objets nécessaires à notre marine.


Saint-Cloud, 21 août 1803

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Je désirerais, Citoyen Ministre, que vous fissiez faire un bulletin des personnes que voit le général Hittorf, du logement qu'il occupe, de la dépense qu'il fait, des lieux qu'il fréquente. Cela doit être fait avec la plus grande circonspection, parce que c'est un homme très-bienveillant pour la France, et que cette surveillance n'est point du tout commandée par la méfiance, mais par d'autres considérations.


Saint-Cloud, 21 août 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Donnez les ordres, Citoyen Ministre, au général commandant la 16e division militaire de réunir toute la 10e demi-brigade légère au Havre; ordonnez au chef de brigade de ce corps de compléter de suite ses deux premiers bataillons chacun à 750 hommes.

Le premier bataillon fournira une garnison, composée d'un officier et 25 hommes, à chacune des six chaloupes canonnières qui se trouvent dans le port, portant les numéros 5, 6, 7, 8, 9 et 10.

Chaque compagnie fournira une garnison à trois bâtiments.

Le second bataillon fournira une garnison aux sept bateaux canonniers numéros 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, chaque compagnie fournissant également à trois bateaux.

Les soldats s'exerceront à nager en se familiarisant avec l'usage des avirons. Les garnisons suivront la marche des bâtiments; elles devront servir le canon, et enfin rendre tous les services nécessaires pour la manœuvre du bateau. Ces dernières dispositions sont générales à tous les corps qui fourniront des garnisons sur la flottille.

Ordre au général commandant la 12e division de réunir à Nantes tous les détachements de la 24e d'infanterie légère.

Ordre au chef de brigade de former ses deux premiers bataillons chacun à 750 hommes. Aussitôt que le premier bataillon sera formé, il partira pour Granville, où il mettra garnison sur vingt-deux bateaux canonniers, depuis le numéro 105 jusques et compris le numéro 126, à raison de 25 hommes et un officier par bateau, chaque compagnie fournissant à trois bateaux, ce qui emploiera sept compagnies et une partie de la 8e. L'autre partie de cette compagnie et la 9e compagnie attendront à Granville, pour fournir les garnisons et partir avec les premiers bateaux ou chaloupes canonnières qui seront lancés à l'eau, à raison d'un officier et 25 hommes par bateau. Il sera donné de nouveaux ordres pour désigner le numéro des chaloupes où les détachements fourniront garnison.

Le second bataillon enverra cinq compagnies à Saint-Malo, lesquelles fourniront un officier et 25 hommes de garnison sur les treize bateaux canonniers qui se trouvent dans cette place. Ces treize bateaux ne sont pas encore prêts, et ils ne sont pas portés sur l'état du Ministre de la marine. Il sera donné des ordres pour désigner les numéros des bateaux sur lesquels ce second bataillon fournira les garnisons; ce qui emploiera quatre compagnies et 25 hommes de la 5e. Le restant de cette compagnie attendra pour mettre garnison d'un officier et 25 hommes sur les premiers bateaux ou chaloupes canonnières qui seront lancés à Saint-Malo; les numéros des bateaux seront désignés.

Les quatre autres compagnies partiront le 20 fructidor avec le chef de brigade, la musique, l'adjudant-major, le quartier-maître, le chirurgien et tous les hommes qui tiennent à l'état-major et qui sont nécessaires pour entrer en campagne, et enfin avec les capotes qui doivent avoir été confectionnées pour se rendre à Saint-Omer.

Le 3e bataillon restera à Nantes.

Ordre à la 46e demi-brigade, qui est à Dunkerque, de compléter ses deux premiers bataillons chacun à 750 hommes.

Le ler bataillon mettra garnison d'un officier et 25 hommes sur chacun des bateaux canonniers composant la le division de la flottille, au nombre de 27, numérotés depuis le numéro 1 jusques et compris le numéro 27.

Chaque compagnie mettant garnison sur trois bateaux emploiera le bataillon entier.

Le 2e bataillon mettra garnison de même sur la 2e division, depuis le numéro 28 jusques et compris le numéro 54.

Le 3e bataillon avec le dépôt se rendra à Lille pour y tenir garnison.

Le chef dg brigade et l'état-major se rendront à Boulogne; ils partiront de Dunkerque jours après les bateaux, et après qu'ils se seront assurés que les bateaux ne seront plus dans une position à pouvoir rentrer.

Si les bateaux étaient obligés de relâcher à Gravelins,à Calais, le chef de brigade s'y rendra.

Ordre aux deux bataillons de la 36e demi-brigade de ligne, qui est à Mons, de se compléter chaque bataillon à 750 hommes, officiers compris, et de se rendre à Dunkerque.

Le 1e bataillon fournira la garnison sur la 3e division de bateaux canonniers, depuis le numéro 55 jusques et compris le numéro 81; un officier et 25 hommes par bateau ou chaloupe.

Le 2e bataillon fournira les garnisons du même nombre d'hommes sur les quinze bateaux restants, depuis le numéro 82 jusques et compris le numéro 97, ce qui emploiera cinq compagnies.

Les quatre compagnies restant du 2e bataillon mettront un officier et 25 hommes de garnison sur les chaloupes canonnières qui se construisent à Dunkerque. Les chaloupes canonnières à Dunkerque ne sont pas achevées; les numéros des batteries seront provisoires. Envoyez-moi l'ordre d'embarquement des garnisons. Le restant des hommes avec l'état-major, sa musique, resteront à Dunkerque, où ils attendront des ordres.

Le 3e bataillon et le dépôt resteront à Mons.

Ordre à la 75e demi-brigade de ligne de se rendre à Valenciennes: elle partira le 12 fructidor.

Ordre à la 26e demi-brigade d'infanterie légère de former ses deux premiers bataillons chacun à 750 hommes et de se rendre à Saint-Omer; elle partira le 15 fructidor; le 3e bataillon restera à Sedan.

Ordre à la 28e demi-brigade de ligne et à la 57e, qui sont à Boulogne, de former chacune leurs deux premiers bataillons à 750 hommes par bataillon, et d'envoyer leur 3e bataillon et leur dépôt à Lille.

Ordre à la 25e demi-brigade de ligne de compléter ses deux premiers bataillons chacun à 750 hommes et de se rendre à Dunkerque où elle tiendra garnison; le 3e bataillon et le dépôt resteront à Maubeuge.

Ordre à la 55e demi-brigade de compléter ses deux premiers bataillons à 900 hommes et de se rendre à Boulogne, en partant vingt-quatre heures après la réception de l'ordre; et de faire partir le 3e bataillon et le dépôt pour Lille.

Ordre à la 2e demi-brigade d'infanterie légère, qui est à Mâcon, de se rendre à Rouen, où elle attendra de nouveaux ordres.

Ordre à la 28e demi-brigade de ligne de fournir un officier et 25 hommes pour tenir garnison sur chacune des quatre chaloupes canonnières qui sont à Boulogne, numéros 1, 2, 3 et 4.

Ordonner à la 57e demi-brigade de ligne de fournir un sous-officier et 25 hommes de garnison pour chacune des caïques qui sont à Boulogne.

Ordre à la 14e demi-brigade de ligne de former ses deux premiers bataillons, chaque bataillon à 750 hommes, et de se rendre à Boulogne; le 3e bataillon et le dépôt resteront à Maëstricht.

Ordre à la 5le demi-brigade, qui est à Ostende, de compléter ses deux premiers bataillons chacun à 750 hommes; envoyer le 3e bataillon et son dépôt à Courtray.

Ordre aux deux premiers bataillons de la 108e, qui sont à Anvers, de se compléter chacun à 750 hommes et de se rendre à Ostende; le 3e bataillon et le dépôt resteront dans la citadelle d'Anvers.

Ordre à la 111e de compléter ses deux premiers bataillons, chaque bataillon à 750 hommes, et de se rendre à Bruges; le 3e bataillon restera à Verdun.

Ordre à la 61e demi-brigade de former ses deux premiers bataillons, chaque bataillon à 750 hommes, et de se rendre à Bruges; le 3e bataillon et le dépôt resteront à Bruxelles.

Donnez l'ordre à la 33e demi-brigade de ligne de former chacun de ses deux premiers bataillons à 750 hommes et de se rendre à Dunkerque; le dépôt et le 3e bataillon resteront à Tournay.

Les ordres doivent être expédiés sur-le-champ pour les corps auxquels on a désigné des chaloupes pour en fournir les garnisons.

Les autres corps pour lesquels je n'ai pas désigné l'époque du départ se mettront en mouvement vers le ler fructidor.

Vous recommanderez aux chefs de brigade d'entremêler les conscrits avec les anciens soldats, pourvu qu'ils soient habillés et à l'école de peloton.

Donnez l'ordre au général Victor de faire fournir par sa garnison de Flessingue un officier et 25 hommes pour chacun des trois bateaux canonniers qui sont à Flessingue, nommés le Breskens, le Terneuse et le Durler.


Saint-Cloud, 21 août 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Je vous renvoie, Citoyen Ministre, la lettre de l'amiral Bruix. Je lui écris directement par un courrier. Cette affaire me paraît extrêmement honteuse. Il n'y a pas d'énergie ni de service fait. Il est aussi malheureux qu'il n'y ait à Boulogne aucune augmentation de forces, depuis trois mois, pas une péniche, pas une caïque, pas un bateau canonnier. Donnez donc l'ordre à tout ce que vous avez sur les côtes de s'y rendre. Les nuits commencent à devenir longues.


Saint-Cloud, 21 août 1803

A l'amiral Bruix, commandant la flottille de Boulogne

La différence remarquée dans la journée du ......... (15 août 1803) à l'avantage de l'ennemi, dans la portée des boulets, ne vient pas des qualités différentes de la poudre.

Nos affûts de côtes ne peuvent tirer le boulet que sous l'angle de 10 degrés, et nos affûts de place sous celui de 13 degrés. Les affûts marins tirent sous l'angle de 25 degrés. Les vaisseaux tirent sous l'angle de 25 degrés, leur canon étant monté sur l'affût marin, mais le roulis ajoute encore à l'avantage de leur tir.

Nos boulets, sur affûts de côtes, n'iront jamais au delà de 1,300 toises; sur affûts de siège, au delà de 1,400, et sur affûts marins, au delà de 1,600; tandis qu'une pièce, sur affût au plus grand angle possible, c'est-à-dire à 43 degrés, portera le mobile à 2,500 toises.

Ces observations ont déjà été données par le ministre de la guerre aux officiers d'artillerie chargés d'établir à Boulogne, à Dunkerque et au Havre, deux batteries de pièces de canon, l'une de trois pièces de 36, l'autre de trois pièces de 24.

Elles sont placées sur des affûts construits de manière à pouvoir tirer sous l'angle de 43 degrés. Les pièces de 36 lanceront des obus de 6 pouces, et celles de 24 des boulets à une distance aussi considérable que peuvent le faire des vaisseaux.

Cette façon de tirer avait été interdite, parce que, si l'on montait un grand nombre de pièces de la sorte, ce serait souvent de la poudre jetée en l'air; car il y a une grande différence entre tirer sur un vaisseau, qui est un point unique, et tirer sur une plage ou sur une ville. De plus, les canonniers ne manqueraient jamais de tirer sous angle de 43 degrés; la batterie se trouverait hors de service au cinquième on sixième coup, c'est-à-dire dans le moment que le vaisseau s'approcherait et où le tir serait véritablement dangereux.

Si l'artillerie de terre tardait à faire construire ces affûts, l'amiral donnerait ordre d'en construire deux; ils suffiraient pour éloigner les vaisseaux ennemis, qui verraient bientôt qu'ils s'exposent à recevoir plus de mal qu'ils n'en peuvent faire.

On a commandé à la fonderie de Douai douze mortiers dont la chambre pourra contenir 25 livres de poudre, et qui tireront à 2,000 toises. L'amiral Bruix peut écrire à Douai et en demander deux qui doivent lui être envoyés sur-le-champ.

S'il n'y a pas à Boulogne des boulets creux pour des pièces de 36, l'amiral doit sans délai en demander au directeur du parc de Saint-Omer, qui doit en avoir beaucoup. Il convient d'observer que les deux nouvelles batteries ne doivent pas être établies sur le musoir de Boulogne, ce point étant trop important, et 20 ou 30 toises n'étant presque rien pour ce genre de batterie.

On peut, indépendamment des gargousses de 12 livres pour les pièces de 36, et de 8 livres pour les pièces de 24 faire faire de petites gargousses de 1 ou 2 livres, qui pourront servir à augmenter la charge des pièces dans les circonstances extraordinaires. Une augmentation de 2 livres de poudre fait gagner aux boulets une centaine de toises, mais elle fatigue et échauffe la pièce, de telle manière qu'il convient d'user sobrement de cette ressource.

Telle est, Citoyen Amiral, la réponse que le Premier Consul m'a ordonné de faire à l'un des ordres du jour de la flottille, que je lui communiqué et dans lequel vous attribuiez à la moindre qualité de vos poudres la différence de la portée des boulets des batteries avec celles des bâtiments ennemis.


Saint-Cloud, 22 août 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Donnez l'ordre, Citoyen Ministre, que, parmi les bateaux canonniers qui doivent partir de Saint-Malo, Cherbourg et Granville, pour se rendre à Boulogne, on en équipe et arme deux comme pour l'expédition, conformément au tableau ci-joint.

Comme il ne se trouvera pas de chevaux là sous la main, vous donnerez ordre aux agents de la marine d'en acheter sept ou huit; et, arrivés à Boulogne, ces chevaux seront remis à l'artillerie. Donnez les mêmes ordres à Dunkerque pour plusieurs bateaux canonniers. Ensuite dressez procès-verbal du tout et de ce que l'on observera dans la traversée.

TABLEAU ANNEXÉ A LA PIÈCE PRÉCÉDENTE

Un bateau canonnier est armé d'une pièce de 24, approvisionnée à 200 coups, et a un équipage.
Il porte quinze jours de vivres et dix jours d'eau, les fusils, pistolets, sabres et grappins d'abordage, lances nécessaires à l'équipage pour la défense du bâtiment;
Une pièce de canon de campagne sur son affût, avec un armement de 200 coups à tirer, contenu dans des caisses;
Deux caisses contenant ensemble 27 fusils;
Une caisse contenant 30 baïonnettes;
Des caisses contenant 27 outils de pionniers, emmanchés;
Des caisses contenant 12,000 cartouches et 1,500 pierres à feu; 
Des caisses contenant 1,200 rations de biscuit;
Des barriques contenant 1,100 rations d'eau-de-vie;
Huit marmites et huit bidons;

25 soldats de garnison,
50 de passage,
3 officiers de régiment,
1officier d'état-major,
1domestique,
--------------
80 hommes.

Chaque soldat aura son sac, sa giberne, son bidon contenant une pinte de vin, 4 livres de pain accrochées à son sac, 30 cartouches, et 3 pierres à feu dans sa giberne.
Chaque officier a un portemanteau du volume et du poids de quatre sacs de soldats au plus;
Deux chevaux d'artillerie avec leurs harnais;
Cinq jours d'avoine et cinq jours de son;
Cinq jours d'eau pour les chevaux;
Cinq jours d'eau pour tous les hommes de passage.

CHALOUPE CANONNIÈRE

Une chaloupe canonnière porte trois ou quatre pièces de 24;
Deux ou trois caronades ou petites pièces; 
Quinze jours de vivres et dix jours d'eau pour l'équipage;
Des caisses contenant 12,000 cartouches;
Des caisses contenant 1,200 pierres à feu
Des caisses contenant 27 fusils;
30 baïonnettes;
27 outils de pionniers, emmanchés;
12,000 rations de biscuit;
2,400 rations d'eau-de-vie;
25 hommes de garnison,
25 hommes de passage,
3 officiers de régiment,
2 d'état-major,
1 domestique,
----
56 hommes;


Un cheval d'état-major avec sa selle;
Une caisse contenant cinq sabres de cavalerie.
Les hommes auront leur sac, pain, giberne, bidon, cartouches, comme dans le bateau canonnier.
Les officiers auront un portemanteau, comme dans le bateau canonnier.


Saint-Cloud, 22 août 1803

DÉCISION

Le ministre de la marine rend compte  que la fabrication des obusiers s'élève déjà à cent cinquante, et demande s'il ne conviendrait pas d'arrêter cette fabrication, dans le cas où le Premier Consul serait dans l'intention d'armer les péniches de canons. 

Le nombre de petits bâtiments est si considérable, que, quelque système qu'on adopte, on trouvera  toujours les moyens d'employer quatre ou cinq cents obusiers. Il n'y a donc pas d'inconvénient à faire continuer la fabrication des trois cents ordonnés.


Saint-Cloud, 22 août 1803

A l'amiral Bruix

Citoyen Amiral Bruix, j'ai reçu votre dernière lettre. Le ministre de la marine vous aura fait connaître le parti à prendre pour le musoir.

On me remet dans le moment votre lettre du ler fructidor. Je n'ai vu qu'avec peine, et je n'ai point du tout trouvée justifiée par le défaut d'artillerie ou de moyens maritimes, l'entreprise que vous avez laissé faire aux Anglais contre notre fort. Après la première tentative faite par l'ennemi, et l'intérêt qu'il doit prendre à empêcher la construction de ce fort, il était facile de penser qu'il enverrait quelque péniches pour le désarmer et détruire les sonnettes, dès l'instant qu'elles ne seraient pas gardées, et ce n'était point les garder que d'y mettre une seule péniche en forme de corps de garde. Que font donc les sept caïques, et quel inconvénient peut-il y avoir à les tenir toujours dehors ? Dans la haute mer, elles peuvent s'approcher autant qu'elles veulent des forts. Dans la basse mer, elles n'ont rien à craindre de se tenir à la laisse, et, en y joignant quelques canots, ce fort aurait été défendu. Quant à l'organisation de la place, vous
avez tous les pouvoirs. Il y a à Boulogne trois bataillons de la 28e et trois de la 57e, et il n'y a pas encore eu une attaque assez importante pour que ces troupes ne soient pas suffisantes. Je vous recommande d'établir votre tente sur la tour d'Ordre, car il n'y aura rien à faire à Boulogne tant que vous resterez en ville. Dans des affaires de cette nature, il n'est pas extraordinaire que le chef soit obligé de tout faire. Du reste, le ministre de la guerre vous envoie de nouvelles troupes et des canonniers.

 Profitez de la première circonstance pour faire venir les cent bateaux qui sont à Dunkerque.

Le jour, l'ennemi n'osera jamais attaquer les sonnettes; pour la nuit, le moyen de l'empêcher d'approcher est de faire sortir, tous les soirs, les forces que vous avez. Il vous est même facile de tendre un piège l'ennemi, en ne lui laissant voir, le jour, que quelques caïques, et, du moment que la nuit sera arrivée, faisant sortir tout ce que vous avez, de manière que l'ennemi pourrait faire des dispositions pour attaquer les péniches ou bateaux qu'il aurait vus le jour, et ne s'attendrait pas à trouver des forces considérables qui pourraient lui faire beaucoup de mal. Si vous avez un capitaine ou un lieutenant de vaisseau intelligent, il peut se faire beaucoup d'honneur dans cette espèce de petite guerre. Mon intention est de faire travailler au port; à quelque prix que ce soit, il doit être fait. Qu'on laisse au musoir et aux autres batteries la mèche allumée toutes les nuits, et que nos forces maritimes passent toutes les nuits dehors.

Faites-moi connaître si toutes les batteries mobiles sont organisées, et si elles pourraient protéger les forces que nous avons à Dunkerque et qui doivent se rendre à Boulogne.

Faites-vous rendre compte de l'état de nos constructions de Dunkerque, Saint-Omer, Lille, etc., et faites activer celle des péniches, dont un certain nombre me paraît vous être fort nécessaire.

NOTE ANNEXÉE À LA PIÈCE PRÉCÉDENTE

On doit, dès ce moment, penser à employer tous les moyens pour soutenir l'avant-garde de notre flottille, lorsqu'elle sera embossée en rade, et pour soutenir notre fort Rouge.

1° Nous avons des pièces de canon de 24 qui, étant légères, seront facilement transportées jusqu'à la laisse de basse mer par six chevaux. Quelques pièces ainsi éparpillées ne laisseraient pas que d'être d'un grand effet. On pourra se servir de forges portatives pour tirer à boulets rouges.

2° Il faudra se servir d'une douzaine de mortiers, que l'on placerait sur la laisse de basse mer, soit en y laissant constamment le crapaud, soit en y laissant annexés et le crapaud et le mortier, soit, si l'expérience prouve que tous ces moyens sont impossibles, en plaçant des mortiers sur des roulettes pour les transporter, et les retirant à chaque marée.

Or le fort Rouge ne peut être avantageusement attaqué qu'à basse mer, puisqu'alors il se découvre. On pourrait donc avoir trente à quarante pièces ainsi disséminées pour le défendre.

Une division de la flottille, qui serait sortie et ne pourrait rentrer qu'avec la marée, ne pourrait pas être attaquée à la marée haute, parce qu'elle aurait la faculté de se serrer contre les forts; elle ne peut donc être attaquée avec succès qu'à basse mer, soit par une flottille plus considérable, soit même par des frégates. La laisse de basse mer, ainsi garnie de pièces, se trouverait sérieusement protégée. L'amiral Bruix pourrait se concerter avec le citoyen Sganzin, pour savoir s'il ne serait pas possible d'établir dans les différents points et à la hauteur de la laisse de basse mer une espèce d'épaulement de cinq pieds de haut fait en bois, et qui mettrait les hommes à l'abri de la mitraille. Cela consisterait tout simplement en une rangée de fiches qui auraient six pouces d'épaisseur.


Saint-Cloud, 22 août 1803

A l'amiral Bruix

Citoyen Amiral Bruix, je vous envoie la composition de la flottille, telle qu'elle me paraît devoir être définitivement arrêtée :

Douze divisions de chaloupes canonnières.

Chaque division composée de trois sections ou bataillons, chaque bataillon de trois escouades ou neuf chaloupes ou compagnies.

Ce qui ferait . . . . . . . . . . . 324 chaloupes canonnières. 

Chaque chaloupe canonnière aurait une grande et une petite péniche.

Ce qui ferait . . . . . . . . . . . 324 grandes péniches.
et . . . . . . . . . . . . . . . . . 324 petites péniches.

Seize divisions de bateaux canonniers.

Chaque division sera composée de la même manière que celles des chaloupes canonnières.

Ce qui ferait. 432 bateaux canonniers.

Chaque bateau canonnier aurait une péniche.

Ce qui ferait . . . . . . . . . . . 432 péniches.

Quatre divisions de bateaux de pêche, armés en guerre chacun d'une pièce de 24.

Ce qui ferait....................... 112 bateaux de pêche.

60 bateaux de grand échantillon.

Total général de la flottille de guerre : 2,008 bâtiments.

Il y aurait 5 ou 600 bateaux de pêche pour porter les non-combattants, les bagages et approvisionnements extraordinaires.

Tout nous porte à penser que ces bâtiments seront disponibles avant frimaire, car il y en a un plus grand nombre en construction, et toutes ces constructions sont à près de moitié.

La première question qui se présente est celle-ci : où placera-t-on tous ces bateaux ?

Ostende aurait deux divisions de chaloupes canonnières , quatre divisions de bateaux de pêche armés de pièces de 24 et six divisions de bateaux canonniers; le tout, avec leurs péniches.

Bâtiments de la flottille de guerre.

Ce qui ferait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 

722

Ambleteuse aurait une division de chaloupes canonnières, une division de bateaux canonniers; le tout avec
leurs péniches. Ce qui ferait . . . . . . . . . . . . 

135

Étaples aurait deux divisions de bateaux canonniers
avec leurs péniches. Ce qui ferait. . . . . . . . . 

270

Total.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 

127

Il n'en resterait donc plus que 8 à 900 à placer à Boulogne.

Faites-moi connaître ce qu'il vous semble de cette distribution, qui n'est qu'un projet, et si Boulogne, Ostende, Ambleteuse et Étaples pourront facilement contenir ce nombre de bâtiments, en y ajoutant quelques parties des 5 à 600 bateaux de la flottille de transport.

Donnez ordre que, parmi les bâtiments canonniers qui doivent se rendre de Dunkerque à Boulogne, il y en ait deux ou trois parfaitement équipés, comme ils doivent l'être pour l'expédition , conformément à l'état ci-joint.

Je désire que vous étudiiez les vents et que vous établissiez la ligne que nous devons prendre devant Boulogne. Comme on ne parviendrait jamais à sortir dans une marée un aussi grand nombre de bâtiments, il faudra donc, comme l'a fait le général Latouche, les tenir en rade.

Faites tracer sur un plan l'espace que doivent occuper les chaloupes canonnières, les bateaux canonniers, péniches et convois. Nos bâtiments de grand échantillon seraient très-propres à fortifier cette ligne, ainsi que quelques bombardes. Cette ligne de défense serait parfaite si nous pouvions avoir le fort pour la construction duquel le citoyen Forfait presse. Il pense que les travaux du port seront terminés au 15 vendémiaire (8 octobre 1803), et qu'on pourrait alors mettre une nouvelle activité au fort, qui peut être fini pour le mois de frimaire (décembre), et qui, une fois placé, n'aura rien à craindre des orages. Avant d'établir une chose qui paraît si extraordinaire, je désire que vous voyiez sur les lieux , avec le citoyen Sganzin (Joseph-Mathieu Sganzin, 1750-1837. Inspecteur des Ponts et Chaussées, responsable de l'ensemble des travaux portuaires nécessités par la construction de la flottille de débarquement), où l'on pourrait le placer, si vous croyez à la probabilité de ce projet.

Il est possible que les Anglais viennent attaquer notre flottille une fois en rade, et, s'ils sont battus, comme il y a deux ans, je ne doute pas que leur frayeur ne redouble et ne produise un grand effet dans le pays. Enfin je désire que vous me fassiez connaître l'époque où le port sera fini , ainsi que le fort Rouge, que les Anglais, j'espère, ne nous empêcheront pas de continuer à construire. Dès que le moment sera fixé pour placer la charpente, il faut que le citoyen Sganzin prenne des mesures telles que le canon soit immédiatement placé.

Enfin il me reste à connaître ce que l'on fera au port après que les travaux arrêtés seront achevés, et si l'on pourra sur-le-champ travailler aux barrages et aux écluses de chasse.

Faites-moi connaître si les bois pour la construction du fort Rouge ont été martelés, et s'ils se coupent; et, s'ils ne le sont pas, ce qui s'y oppose. Pourrait-on encore trouver dans les bois, aux environs de Boulogne, de quoi construire le fort du citoyen Forfait ?


Saint-Cloud, 23 août 1803

Au citoyen Barbé-Marbois, ministre du trésor public

On négocie à la Bourse, Citoyen Ministre des ordonnances de la trésorerie à deux pour cent de perte. Je vous prie de me faire un rapport sur cet objet.


Saint-Cloud, 23 août 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je pense qu'il est utile, Citoyen Ministre, que vous envoyiez à Laforest la dernière note de la Russie. Il peut la communiquer à M. de Haugwitz dans tous ses détails, et lui en faire sentir toute l'absurdité; lui déclarer que l'Angleterre n'obtiendra jamais de moi d'autre traité que celui d'Amiens; que je suis résolu à tout, mais que jamais je ne souffrirai qu'elle ait rien dans la Méditerranée; que je ne veux point traiter avec elle du continent; que je suis décidé à évacuer la Hollande et la Suisse; mais que je ne stipulerai jamais cette clause dans un article; la seule chose que je consentirai qui y paraisse, comme conforme au traité d'Amiens, sera l'évacuation d'Otrante, de Tarente et du Hanovre, mais en même temps que l'Angleterre évacuera Malte et la Méditerranée; que j'attribue à une extrême malhabileté de M. de Woronzof, ou à une grande folie de sa part, de proposer, avant que la médiation soit acceptée par l'Angleterre, les conditions de ladite médiation, c'est-à-dire le traité; que c'est un coup monté entre Markof et Woronzof pour mettre de la froideur entre les deux États; mais qu'après tout je n'y sais que faire; que j'ai toujours compté sur l'Empereur, mais non sur le cabinet; que j'ai demandé le rappel de M. de Markof; que je n'ai donné aucune suite aux propositions, mais que j'ai fait écrire à l'ambassadeur de la République que cette marche me paraît tellement folle que je n'y comprends rien. Il répétera les lieux communs de notre cause, que Lampedouse est la même chose que Malte pour nous, etc. Il ajoutera que la Russie parle beaucoup de l'intégrité de l'empire ottoman, tandis qu'elle la viole de tous côtés (du côté de la Perse, elle s'est emparée des villes vassales de la Turquie; elle garde les Sept-Îles; la Valachie est presque sous sa domination); que j'ai été seulement fâché pour l'Empereur que, dans les affaires de cette nature, il accordât tant de confiance à un cabinet dont il doit personnellement être si peu sûr.

Laforest pourra donner une copie des propositions de la Russie. Vous retrancherez seulement le dernier paragraphe du rescrit relatif M. de Markof.


Saint-Cloud, 23 août 1803

Au citoyen Talleyrand

Je vous renvoie les pièces, Citoyen Ministre, avec des observations et des notes sur lesquelles devrait être appuyée une note en réponse au cabinet russe. Vous devez affecter d'accueillir fort bien l'officier russe et de renvoyer à M. de Markof, si cela dépend de vous, avec deux simples mots évidemment froids, pour lui faire connaître que vous avez reçu ses deux notes et que vous les avez mises sous les yeux du Premier Consul. Là finira le rôle de M. de Markof; car il est ridicule que ce polisson, qui est aux eaux de Barréges, devienne le centre de toutes nos affaires.

Expédiez un courrier au général Hédouville, pour lui faire connaître combien cette note a paru extravagante; qu'avec les sujets de mécontentement qu'a le Premier Consul contre M. de Markof, qui sont connus de tous les Russes et que lui-même ne peut ignorer, il n'a pas cru devoir répondre sur des choses qui, toutes de confiance, se pervertissent en passant par les mains d'un ministre aussi malveillant; qu'en parlant à M. de Woronzof, il lui fera connaître qu'il n'y a aucune différence pour nous entre Lampedouse et Malte ; que, si les Anglais doivent avoir Larnpedouse, autant vaut-il leur laisser Malte; que l'arbitrage était simple, puisqu'il n'exigeait aucun préliminaire, et qu'après avoir écouté les deux parties l'Empereur aurait prononcé, dans sa conscience et dans sa justice; qu'une fois l'arbitrage manqué , la médiation proposée ne peut conduire à rien ; qu'on s'invectiverait pendant deux ans sans être d'accord sur les principes sur lesquels on doit traiter.

Quels doivent être les principes de la médiation ? Les points contenus dans l'ultimatum de lord Withworth. Depuis longtemps on les discute, et les Anglais paraissent ne pas vouloir de cette base, cependant elle a été établie par eux. Si l'on adopte cette base, il ne faut pas proposer des choses qui ne sont pas dans cet ultimatum. Si l'on n'adopte point l'ultimatum de lord Withworth, il faut prendre les traités de Lunéville et d'Amiens pour base, et il ne faut point ajouter d'autres articles à ce traité. Les Anglais n'en veulent point encore.

On a proposé de négocier sur cette base, que l'une et l'autre nation émettrait ses plaintes et ses griefs, et qu'on tâcherait de les arranger. L'Angleterre s'y est refusée, et effectivement cela n'avance point la question et n'aboutit à rien. Nos différends avec l'Angleterre ne se bornent point à l'Europe. L'équilibre des villes de la Méditerranée, des mers, sont autant d'objets importants qu'il faudrait décider pour arriver avec honneur à un congrès et à un résultat stable.

L'Angleterre a fait sonner bien haut les plaintes qu'elle a à faire contre la France, qui n'a fait que répondre et n'a pas exposé ses griefs, parce que ses griefs , moins graves que ceux des Anglais, ne l'ont point portée à la guerre, et qu'elle y a été poussée par l'Angleterre. Un préliminaire de traité, pour être sensé, doit contenir les plaintes de part et d'autre, et le projet remis par les Anglais ne contient que les leurs. Enfin l'arbitrage pouvait conduire à la paix, puisqu'on s'en rapportait à un homme juste, à la décision duquel il n'y avait pas de déshonneur de déférer. Une négociation dans les circonstances actuelles ne conduit à rien , et, quand l'Angleterre voudra la paix et la croira utile à ses desseins, elle n'est pas délicate sur les moyens; elle la fera.

Le général Hédouville peut dire hardiment que, si le Premier Consul était assez lâche pour faire une paix ainsi plâtrée avec l'Angleterre, il serait désavoué par la nation; et si , après des insultes de toute espèce, au lieu de faire une paix loyale, il faisait un traité moins avantageux que celui d'Amiens, la France perdrait toute sa considération; qu'enfin le Premier Consul se prêtera à tout ce qui est grand, pourvu qu'il ne s'agisse point de le déshonorer et de peser sur la France, en accordant tout et en souscrivant à toutes les injustices de l'Angleterre; mais qu'il voit bien que la guerre était dans l'ordre du destin, et qu'il ne ploiera point la tête devant une nation orgueilleuse, en possession depuis vingt années de la faire ployer à toutes les autres puissances.

Si l'on ne comprenait point ce langage à Saint-Pétersbourg , il insistera pour établir comme première base la liberté des mers, question qui nous intéresse, non pour les puissances neutres, mais pour nous, puisqu'à la première guerre avec l'Angleterre, cela constitue toutes nos manufactures en guerre avec toute l'Europe.

Le général Hédouville peut très-bien, dans la conversation, laisser apercevoir à M. de Woronzof que nous avons parfaitement senti qu'il avait fort bien ménagé les affaires de l'Angleterre, et que les préliminaires qu'il propose sont plus avantageux pour elle que son ultimatum; mais qu'il faudrait que nous eussions de terribles revers pour adhérer à notre déshonneur. Du reste, il doit laisser tomber net la question de la médiation.

Comme il serait très-malhonnête de ne pas répondre, je ferai une lettre à l'Empereur, qui vaudra mieux que toutes les notes. A tout événement, envoyez au général Hédouville les observations et la note, non pour répondre, mais pour en faire l'analyse dans ses conversations.

OBSERVATIONS

PREMIÈRE ANNEXE 

Article II. Pourquoi donner l'île de Lampedouse à l'Angleterre ? Dans l'ordre ordinaire des nations,, elle n'y a aucun droit, aucun titre, aucun prétexte. Est-ce par la crainte de Malte ? Par l'article précédent, elle est entre les mains de la Russie; mais donner Lampedouse à l'Angleterre, c'est lui donner Malte. En y dépensant 30 ou 40 millions en trois ou quatre ans, c'est la même chose que Malte. Maîtres d'un point central comme Lampedouse ou Malte, les Anglais en chasseront nos commerçants en leur faisant faire des avanies par les pachas. Maîtres de Lampedouse, une escadre anglaise y sera perpétuellement en station; dès lors, plus d'indépendance pour la Sicile, l'Italie, l'État de Naples. Et pourquoi cette puissance, maîtresse du commerce de l'Inde, de l'Amérique, voudrait-elle encore outrager une grande puissance à ses portes ? Elle l'outrage par la possession injuste de Gibraltar. Le monde est grand; l'Angleterre a assez d'avantages de commerce; c'est d'une ambition démesurée de convoiter ce qui n'est pas dans sa géographie et dans sa nature. Les Anglais occupant Lampedouse, c'est un point de déshonneur pour la France, comme l'occupation de Gibraltar en est un pour l'Espagne; jamais la France n'y consentira.

Pourquoi la France céderait-elle des indemnités au roi de Sardaigne à la considération de l'Angleterre ? Que l'Angleterre rende l'île de Ceylan à la Hollande, ou l'île de la Trinité à l'Espagne, et la France consentira à stipuler une indemnité au roi de Sardaigne, sur la demande de l'Angleterre.

 Article IV. Cet article contient la définition de la neutralité et de l'indépendance des nations; on l'adopte; c'est celle de la France; mais a-t-on le pouvoir d'être neutre avec une puissance qui ne reconnaît aucun droit des gens, qui a pu s'asseoir à côté d'Alger et de Tunis, qui bloque des côtes entières (Nelson, de Malte, tient toute l'Italie bloquée), qui ose, ce qui a été jusqu'aujourd'hui sans exemple, bloquer des rivières ? Il faut assurer la neutralité des petits, mais il faut pourvoir à la dignité, à la gloire et à la sûreté des grands. La mer forme les trois quarts du globe.

Article VIII.  "La France s'engage à ne plus faire entrer, à l'avenir, ses troupes dans ces pays". Mais si la France a fait entrer ses troupes dans ces pays, elle l'a fait parce que l'Angleterre a gardé Malte et a vicié l'indépendance germanique. Elle occupe la Hollande, parce que les Anglais n'ont pas évacué le Cap; et, d'ailleurs, ses troupes y sont entrées par le résultat de la guerre, et non depuis la paix. L'Angleterre propose d'évacuer le Hanovre : il ne sera évacué que lorsque l'Angleterre évacuera Malte et la Méditerranée.

DEUXIÈME ANNEXE

Le Premier Consul, pour éviter les maux de la guerre, avait consenti à s'en rapporter à l'arbitrage de Sa Majesté Impériale sur toutes les causes qui divisaient les deux nations. C'était une suite de la confiance extraordinaire que lui inspirent les idées libérales de ce prince. Ce n'était pas la Russie, c'était Alexandre à qui il voulait déférer. L'Angleterre a décliné cet arbitrage, et S. M. l'Empereur lui-même a cru ne pas pouvoir s'en charger.

Elle propose, en place, d'être médiateur pour couverture d'une négociation entre les deux puissances. Le Premier Consul aurait exécuté le résultat de l'arbitrage, quel qu'il eût été, parce que l'Empereur ne l'eût prononcé qu'après avoir ouï les deux parties, et qu'il est persuadé que la situation extraordinaire de deux grandes nations, présentée sous le véritable point de vue, aurait, dans un cœur aussi droit et aussi impartial, porté l'Empereur à une décision équitable et juste, puisée dans les traités et dans l'intérêt de toute l'Europe.

Les prétentions nouvelles qui se présentent aujourd'hui d'entamer une nouvelle négociation avec l'Angleterre sont bien autrement compliquées. Comment, en effet, s'entendre sur les bases de cette négociation au moment où l'on vient de rompre ? L'arbitrage éloignait toutes ces difficultés. C'étaient deux grands peuples qui, ne voulant point s'en rapporter à la fortune, qui est si souvent capricieuse, remettaient le jugement de leurs querelles à un homme juste qui était plus à même d'en connaître. Comment, en effet, entamer aujourd'hui une négociation avec l'Angleterre ? Celle-ci ne veut reconnaître ni ce qui est établi par le traité de Lunéville, ni ce qu'elle a signé au traité d'Amiens, puisqu'elle fait la guerre pour s'affranchir de celui-ci.

Le Premier Consul se trouvant en paix, quelques sujets de mécontentement que lui eût donnés l'Angleterre, il préférait souffrir et replâtrer la paix que de se remettre en guerre; mais aujourd'hui que la guerre est faite, il préfère la continuation de la guerre à une paix plâtrée, incertaine, qui pourrait être désavouée aussitôt que signée. Mais, enfin, s'il était vrai que, pour le bien permanent de l'Europe, on dût innover quelque chose aux traités, il faudrait, pour le bien permanent de l'Europe, que l'Angleterre voulût aussi permettre que l'on assît sur leurs véritables bases les principes de la neutralité des mers, dont la violation est pour l'Europe, et surtout pour la France, la plus grande de toutes les calamités.

Quelques restrictions dans la situation des affaires de l'Europe ne peuvent point terminer les différends de la France avec l'Angleterre. Leurs intérêts s'étendent aux Indes et en Amérique; il faudrait donc que l'Angleterre voulût restreindre sa puissance et rétablir l'équilibre dans les deux mondes.

Si, outre la possession importante de Gibraltar, l'Angleterre voulait en conserver une quelconque dans la Méditerranée, ce serait afficher évidemment le dessein d'unir au commerce presque exclusif des Indes, de l'Amérique, de la Baltique, celui de la Méditerranée; et, de toutes les calamités qui peuvent survenir au peuple français, il n'en est point de comparable à celle-là.

De toutes les transactions honteuses que la force des événements peut obliger un peuple à signer; il n'en est aucune semblable à la honte de promettre son influence pour dépouiller un petit prince d'une position importante pour la donner à son ennemi, sans que celui-ci ait le moindre droit ni le moindre prétexte légitime pour obtenir cette conquête, et le Premier Consul aime tout autant voir les Anglais à Malte qu'à Lampedouse. En effet, il n'y a aucune différence sous le point de vue politique et commercial.

Le Premier Consul a déclaré à toute l'Europe que les positions de Tarente et de la presqu'île d'Otrante, qu'il avait occupées, n'étaient qu'un équivalent à la possession de Malte et des autres positions que l'Angleterre peut occuper dans la Méditerranée, hormis Gibraltar.

Les prétentions de l'Angleterre, jointes au rescrit de Sa Majesté, font voir que les circonstances de conciliation ne sont pas encore arrivées, puisqu'elles sont plus exigeantes que l'Angleterre ne l'a été dans son ultimatum, élevant de nouvelles prétentions et n'offrant aucune garantie propre à rassurer l'Europe contre l'ambition de l'Angleterre et les principes exclusifs qu'a l'Angleterre sur les deux mondes et la législation des mers.

Aidé du bon droit et de Dieu, la guerre, quelque malheureuse qu'elle puisse être, ne réduira jamais le peuple français à fléchir devant ce peuple orgueilleux, qui se fait un jeu de tout ce qui est sacré sur la terre, et qui, surtout depuis vingt ans, a pris en Europe un ascendant et une audace qui menacent l'existence de toutes les nations dans leur industrie et leur commerce, sources de la vie des États.


Saint-Cloud, 23 août 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je vous envoie, Citoyen Ministre, les numéros des bâtiments. Renvoyez-les-moi dès que vous en aurez pris connaissance. Je n'y vois aucun changement, si ce n'est de ne pas envoyer le détachement de la 10e à Cherbourg, puisque le ministre veut garder les deux canonnières pour la défense de cette rade; de n'en fournir d'abord que quatre au lien de six, et de ne pas envoyer de garnison au bateau qui est à Gravelines.

Les villes d'Ostende et de Boulogne vont être le centre d'une réunion d'un grand nombre d'hommes. Il est convenable de faire éclairer les rues comme elles sont à Paris, à moins quelles ne le soient déjà. Le génie petit être chargé de cette dépense extraordinaire. Il faudra aussi éclairer deux ou trois débouchés qui conduisent du port au camp car ce sera souvent de nuit qu'on sera obligé de s'embarquer. Il faudrait aussi que le génie s'entendît avec la marine pour éclairer le port, de manière à faciliter les mouvements pendant la nuit.


Saint-Cloud, 23 août 1803

Au général Berthier

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire faire une analyse de toutes les incursions que les Anglais ont faites sur nos côtes depuis 1700, y mentionnant le but qu'ils se proposaient par ces expéditions, et le résultat qu'elles ont eu.


Saint-Cloud, 23 août 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

J'adopte, Citoyen NMinistre, les numéros donnés aux différents bâtiments. Il est indispensable d'en dresser procès-verbal, pour constater l'année où il a été fait, la pièce qu'il porte, le nom qu'il avait avant, son tirant d'eau, la longueur de sa quille, etc. Cette opération faite, je prendrai un arrêté, afin qu'il n'y puisse être fait aucun changement.
Il faudrait aussi établir un signe pour reconnaître les divisions, soit en peignant de la même couleur tous les bâtiments de la même division, soit en les distinguant par une flamme particulière. Il y a douze divisions de chaloupes canonnières et seize de bateaux canonniers. Ce nombre n'est pas assez considérable pour ne pas être facilement distingué.

Je vous prie de me communiquer les lettres que vous recevrez de l'amiral Bruix. Je remarque dans sa correspondance qu'il fait de grandes dissertations sur le centre, la droite, la gauche des divisions; cela n'aboutit à rien. Toute ligne a un centre, une droite et une gauche.

La flottille de guerre se divise en flottilles de chaloupes canonnières, composée de douze divisions de vingt-sept chaloupes chacune. Chaque bâtiment doit porter le numéro de sa division et un numéro général, et, pour ne pas confondre ces numéros, peut-être préférera- t-on établir une flamme qui, même au milieu de la plus grande confusion, puisse faire reconnaître de quelle division est un bâtiment.

La flottille de bateaux canonniers est composée de seize divisions de vingt-sept chacune. Ceux-ci ont aussi besoin d'un signe qui fasse reconnaître à quelle division ils appartiennent, outre le numéro général. Je ne vois pas ce qu'a à faire à ceci la droite, le centre et la gauche des divisions, qui, dans l'état d'armement, se trouvent à Dunkerque, Boulogne, Ostende, et qui, dans l'état de mouvement, se trouveront dans une autre direction. Il faut bien s'entendre là-dessus, et écrire directement à l'amiral Bruix. Quant aux ordres donnés à la flottille, ou qui y ont rapport, il doit être mis au fait pour l'ordre.

Annoncez-lui que j'ai donné l'ordre de former deux camps sur la droite et la gauche du port, qui contiendront chacun cinq demi-brigades; que le général Soult commandera en chef le camp de Saint-Omer et établira son quartier général à Boulogne; que les chefs d'état- major et les généraux d'artillerie s'y rendent, et que tout va prendre une nouvelle activité et un aspect menaçant.


Saint-Cloud, 24 août 1803

DÉCISION

Le ministre du trésor public rend compte de la situation de la Banque et de la Caisse d'escompte. Il propose d'étendre à toutes les caisses publiques de Paris, et même à celles de l'octroi et du mont-de-piété, la faculté de recevoir des billets de la Caisse d'escompte. Il expose que, malgré les inconvénients de cette mesure et les suites qu'elle peut avoir, il est nécessaire de l'adopter, en l'accompagnant de toutes les précautions qui pourront en rendre l'exécution moins difficile.

Une conférence sera tenue en présence du consul Lebrun. Les  citoyens Perregaux, Lecoulteux et Thibon, régents, y seront appelés.  Le ministre ordonnera à tous les comptables qui versent au trésor public de ne recevoir à l'avenir aucun billet de la Caisse d'escompte.

DÉCISION

Le ministre de la guerre soumet plusieurs questions relatives au marché à passer pour la fourniture des viandes. A quelle compagnie le Gouvernement donnera-t-il la préférence ? Le prix de la ration sera-t-il fixé à vingt-deux centimes et demi, vingt-trois centimes trois quarts, etc.?

Il paraît que la compagnie Olry est celle qui a le plus de réputation.

Je ne voudrais pas passer vingt-deux centimes.

Il faudrait ajouter au marché que l'entrepreneur serait obligé de fournir 5,000 moutons, qui seraient toujours prêts pour l'embarquement.


Saint-Cloud, 25 août 1803

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Il paraît, Citoyen Ministre, qu'il y a aux environs de Boulogne des hommes qui correspondent avec l'ennemi. On a vu des signaux partis de terre auxquels il a été répondu de la mer. J'ai chargé le général Moncey de renforcer ce point par de la gendarmerie. Envoyez un agent secret et intelligent qui puisse parvenir à découvrir ces espions. La sévère punition qu'on infligera à l'un d'eux dégoûtera les autres de cet infâme métier.


Saint-Cloud, 25 août 1803

Au général Moncey, Premier inspecteur général de la gendarmerie

Citoyen Général Moncey, il est convenable, dans les circonstances actuelles, de garnir la côte, de Flessingue au Havre, de renforts de gendarmerie. Il est nécessaire d'en avoir surtout qui puissent exercer une grande surveillance entre Étaples et Boulogne, et Boulogne et Calais. Il faut au moins, pour cela, trois brigades établies dans les petits villages de la côte, d'Étaples à Boulogne, et en proportion sur l'étendue du reste de la côte. Faites des dispositions en conséquence.


Saint-Cloud, 25 août 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Il est temps, Citoyen Ministre, de fixer une attention sérieuse sur l'armement de la flottille. Les bases de ladite flottille une fois arrêtées, conformément à l'état que vous m'avez remis, il reste à savoir le nombre de pièces à mettre sur chaque chaloupe et bateau canonnier et sur chaque péniche. Il faut que les canons ne retardent pas le départ de la flottille et soient rendus au Havre, Saint-Malo, la Rochelle, Bayonne, etc., avant la fin de vendémiaire. Je désire connaître ce que vous avez de canons disponibles pour la flottille dans chacun des ports de l'océan. Je prévois que vous n'en aurez pas assez. J'ai fait faire un dépouillement des secours que la terre pourrait vous offrir, conformément à l'état suivant :

1° Quatre cent cinquante obusiers de 8 pouces; ces obusiers pèsent 1,120 et lancent, à la distance de 1,200 toises, sous l'angle de 45 degrés, un obus pesant 40 livres et une mitraille de 60;
2° Trois cents obusiers de 6 pouces, pesant 650, et lançant, à une distance de 1,100 toises, un obus de 22 livres;
3° Cent pièces de 24 légères, pesant 2,500 livres chaque, et pareilles à celles qui se trouvent aux Invalides;
4° Cent pièces de 24, ordinaires, en bronze;
5° Cinq cents pièces de 24, en fer et deux cents de 18, ordinaires.

Mais, pour avoir ces sept cents pièces, il faut désarmer nos batteries de côtes, et les remplacer par des pièces en bronze, travail qui ne laisse pas d'être considérable et qui exige au moins quarante ou cinquante jours. Il n'y a donc pas un moment à perdre pour arrêter le parti définitif à prendre et donner les ordres en conséquence.


Saint-Cloud, 25 août 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

On m'écrit de Boulogne, Citoyen Ministre, qu'au lieu de cent bateaux canonniers qui devaient être à Dunkerque, il n'y en a que dix-neuf, une chaloupe canonnière armée de seize caronades, et un bâtiment armé de dix canons de petite espèce, prêts à partir;

Qu'il n'y a aucun établissement de fait, ni même commencé; qu'il n'y a pas de gargousses en parchemin, même pour les sept caïques; qu'il n'y a point de parc d'établi, point de magasin d'artillerie ou d'autres objets d'armement.

On se plaint de n'avoir pas même un havre pour la retraite des caïques; qu'elles n'ont point d'armes blanches, ni sabres d'abordage, ni pistolets; qu'elles n'ont point de filets d'abordage pour s'en garantir la nuit.

Portez-moi demain, au travail, des renseignements sur l'état du port de Boulogne, et sur tout ce que j'y trouverai au 1er, vendémiaire, où j'y vais.


 Saint-Cloud, 26 août 1803

A l'amiral Bruix, commandant la flottille de Boulogne

Citoyen Amiral Bruix, je reçois vos lettres des 6 et 7 fructidor. J'ai vu avec peine que vous n'aviez à Boulogne rien de ce qui constitue un parc et un commencement d'arsenal.

Je vous prie de m'adresser un procès-verbal des maisons choisies pour les manutentions de la marine, et qui me fasse connaître s'il y a des fours, s'il y a des approvisionnements, et quels approvisionnements s'y trouvent dans ce moment;

S'il y a un établissement d'artillerie de marine; quels magasins on a choisis, quels sont les ouvriers qui y travaillent, les maîtres canonniers et les officiers d'artillerie; combien de mitraille, gargousses et autres objets d'armement et d'approvisionnement y sont arrivés.

Vous me dites qu'il n'y a à Dunkerque que dix-neuf bateaux canonniers prêts à partir; cependant on m'en a annoncé cent. Ordonnez au préfet maritime de voir l'état, par numéro, de ceux qui sont prêts, et de ce qui manque aux autres.

Donnez ces ordres par un courrier extraordinaire, et exigez que ce procès-verbal soit fait dans six heures, afin que je sache sans délai à quoi m'en tenir.

Enfin, si , par le procès-verbal que vous ferez dresser, il résulte qu'on n'ait pas fait à Boulogne les dispositions convenables, faites-les sur-le-champ. Il doit y avoir un commissaire de marine pour la comptabilité, et votre qualité d'amiral met toute l'administration de la préfecture à votre disposition.

J'ai vu avec quelque peine qu'il fallait quinze jours pour remonter le fort lorsque tous les pieux seront battus. Quand la charpente sera mise, s'il n'y a pas de canons, l'ennemi pourra l'insulter avec plus de succès.

D'après le travail définitivement arrêté, les chaloupes canonnières ne porteront point de chevaux; mais les bateaux canonniers auront des pièces de campagne, vu qu'il n'y a pas besoin d'affûts avec des pièces de siège.

L'augmentation du bassin aurait sans doute beaucoup d'avantages, mais je crains qu'il ne faille défaire une portion de ce qu'on aura fait, et qu'on n'ait pas fini au ler brumaire. D'ailleurs, tout considéré, il deviendra peut-être prouvé que nos demi-péniches sont inutiles, puisqu'on assure que les péniches, dans un moment de nécessité et de naufrage, pourraient prendre les hommes de la chaloupe canonnière, c'est-à-dire 111 hommes, indépendamment de leur équipage et de celui de la canonnière, ce qui ferait 180 hommes. Dans ce cas, les demi-péniches seraient inutiles.

Indépendamment de cela, il est évident que les bâtiments ne pourront sortir dans une seule marée; il faudra donc tenir une avant-garde et l'embosser de la manière la plus avantageuse. Alors, l'espace entre l'avant-garde et le port permettra de se servir des deux marées de la journée pour sortir, et, dans ce cas, je pense qu'on pourra placer une grande quantité de bateaux de pêche et de péniches dans le fond du port.

Faites-moi connaître combien de péniches, de chaloupes et de bateaux canonniers on pourrait placer au delà du fort, jusqu'au lieu où la marée monte assez haut pour les déséchouer; car il m'a paru que ce qui embarrassait était la nécessité de tenir les bâtiments près de l'embouchure du port, pour pouvoir les faire sortir dans une marée; enfin, ne sera-t-on pas toujours à temps, le bassin achevé, de l'agrandir ou d'en faire un second ? Avant de prononcer sur cette augmentation, envoyez-m'en l'état et un rapport du citoyen Sganzin qui me fasse connaître le temps précis où il aurait achevé la partie qu'il faudrait défaire. J'imagine qu'il y aurait une grande quantité de terre à rapporter plus loin.

Faites-moi connaître à combien de toises la mer remonte dans la petite rivière de Boulogne. Remonte-t-elle jusqu'à 1,500 toises des jetées, et un canot qui tire 18 pouces d'eau peut-il remonter jusqu'à ces 1,500 toises ?

Y a-t-il là des granges, des habitations quelconques qu'on pût destiner, moyennant une palissade qu'on ferait autour, à faire un parc ou un lieu de réunion pour nos poulies, cordages, boulets, etc.? Cet éloignement les mettrait à l'abri du feu de l'ennemi, et le service serait facile, puisqu'on pourrait le faire avec des canots sur le lieu.

Portez-vous bien et comptez sur mon estime.

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Faites mettre à la laisse de basse mer un crapaud de fonte de mortier à la Gomer de 12 pouces. Faites placer, douze pieds en arrière, deux gros piquets, auxquels on amarrera ledit crapaud par les boulons, et voyez l'effet que fera la mer en montant et en s'en allant. Si cela réussit et que le crapaud reste, le jour d'après vous y ferez placer le mortier, pour voir encore quel effet cela produira, en ayant soin que les sous-bandes qui soutiennent les tourillons soient bonnes, et que les chaînettes soient bien placées. On renverserait le mortier du côté opposé à la lumière, et si vous pouviez placer ainsi quelques mortiers sans que la mer les dérangeât, vous sentez l'immense avantage que vous en retireriez pour la flottille.


Saint-Cloud, 26 août 18o3

DÉCISION

Rapport sur un annuaire publié par ordre du préfet d'Indre-et-Loire, et qui contenait un calendrier composé de noms empruntés à l'histoire et rangés dans un ordre systématique.

On ne peut donner au baptême  que les noms portés dans le calendrier. L'annuaire du préfet n'est  qu'une chose ridicule.

DÉCISION

Des religieux, Français d'origine, sortant des couvents détruits de l'Allemagne, demandent à être employés l'enseignement

.Prendre sur chacun les renseignements  nécessaires; s'ils sont favorables, les employer après un temps d'épreuve

DÉCISION

Le préfet du Lot demande, 1° s'il peut faire arrêter les prêtres qui exercent sans pouvoirs leur ministère; 2° si l'on ne doit pas renvoyer au lieu de leur naissance les ecclésiastiques non employés dans le lieu où ils résident; 3° ce que l'on doit faire des prêtres qui refusent d'être employés.

Prendre à leur égard les mesures que les lois et les règlements de l'empire autorisent.


Saint-Cloud, 27 août 1803

Au consul Cambacérès

Quelques parties du ministère de la marine, Citoyen Consul, sont évidemment négligées, et je commence à soupçonner que le général Decrès n'a pas l'esprit d'ordre et de suite, première qualité d'un administrateur. Cependant il a aussi d'autres qualités, et, quelque lieu que j'aie dans ce moment de me plaindre de son imprévoyance sur les objets les plus importants, j'étais décidé à attendre encore trois mois pour fixer mes idées, car enfin on gagne peu de chose à changer. Mais je reçois la lettre ci-jointe du général Decrès; elle me paraît d'autant plus inconvenante, qu'elle paraît écrite avec la méditation convenable. Il se plaint de la lettre de l'amiral Bruix, qui, comme vous le verrez, lui donne des conseils, puisqu'il les lui demande. Il se plaint du citoyen Forfait; il est certes difficile de voir un homme plus accoutumé à la déférence et au respect dus aux ministres. Ses plaintes du général Rochambeau sont ridicules; s'il n'est pas destitué, c'est qu'il ne l'a pas proposé; et d'ailleurs, l'éloignement de Saint-Domingue doit seul expliquer et déterminer le parti qu'on prendrait.

Faites sentir cela au citoyen Decrès; s'il vous redemande sa lettre, je ferai comme si je ne l'eusse pas reçue. Si sa lettre veut positivement dire que les travaux du ministère sont au-dessus de ses facultés, deux années d'expérience doivent lui avoir appris à quoi s'en tenir; et dès lors vous devez lui dire qu'il donne simplement sa démission, et que je l'accepterai ; mais que cette démarche, comme toutes les démarches importantes, demande qu'il y pense de sang- froid, et à mon sens, elle ne peut entre justifiée que par la conscience bien réelle qu'il n'est point propre à ses fonctions.


Saint-Cloud, 27 août 1803

Au citoyen Melzi, vice-Président de la République

Je reçois votre lettre du 20 août. Le général Pino pense que la légion italienne ne tardera pas à déserter si elle vient en France. Je  ne vois qu'un moyen, c'est de l'envoyer à l'île d'Elbe. Mais il ne faut pas envoyer rien que des officiers Faites organiser un bataillon de cette légion, forte de 80 hommes, et faites-le diriger sur Piombino, où je donne ordre qu'on les embarque pour renforcer la garnison de l'île d'Elbe. Faites verser un mois de solde dans la caisse du payeur.

La 1e,légère, la 11e de ligne, un régiment de hussards et une compagnie d'artillerie formeront un corps que commandera le général Pino, pour arriver à Paris dans les premiers jours de brumaire. J'ai pris un arrêté pour ordonner la construction de dix caïques à Ferrare et dans les différents ports de la Romagne. Elles seront montées par des matelots et serviront à mettre les côtes à l'abri des péniches anglaises. Marescalchi vous en enverra le modèle. Elles ne coûtent que 15 à 1600 francs et portent une pièce de 24. Nous nous en servons avec une grande utilité sur nos côtes.


Saint-Cloud, 27 août 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Il y a à Toulon, Citoyen Ministre, une grande quantité de fontes de rebut, qui seraient nécessaires pour activer les travaux du Creusot. J'ai lieu d'être surpris qu'on n'y fasse qu'une pièce de 24 par jour. L'organisation de cet établissement, dans des cas comme ceux-ci, doit lui permettre d'en faire jusqu'à dix de 24 par jour; mais il n'a été pris aucune mesure proportionnée à l'urgence des circonstances. Il est dû aux entrepreneurs, sur l'an X et sur l'an XI, 300, 000 francs, qui gênent l'établissement déjà mal aisé.

Je désire que vous fassiez venir demain matin les entrepreneurs, et que vous leur fassiez passer un marché pour fournir deux cent cinquante pièces de 24 en vendémiaire, et autant en brumaire, avec un nombre de canons de 18 et de caronades proportionné. En con-séquence, donnez des ordres pour leur faire céder toutes les fontes existantes à Toulon et dont ils auraient besoin, pour leur faire payer les sommes reconnues leur être dues sur les années IX, X et XI, et même leur donner les avances dont ils auraient absolument besoin pour faire leurs approvisionnements dans les fourneaux voisins.


Saint-Cloud, 27 août 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

La légion italienne, Citoyen Ministre, composée de 800 hommes, doit se rendre à Piombino et de là être embarquée pour faire partie de la garnison de l'île d'Elbe. Donnez des ordres en conséquence.

Recommandez au général Rusca de ne pas écraser de service les troupes; qu'il les fasse souvent exercer, afin de les tenir dans un bon esprit militaire.


Saint-Cloud, 28 août 1803

ARRÊTÉ

ARTICLE ler. - Il sera construit à Boulogne un fort flottant sur les plans présentés par le conseiller d'État Forfait. Il sera terminé au 15 brumaire (7 novembre) et pourra être placé à cette époque.
ART. 2. - Le ministre de la marine et des colonies est chargé de l'exécution du présent arrêté.


Saint-Cloud, 29 août 1803

DÉCISION

On demande la liberté du citoyen Landsheer, prêtre du diocèse de Malines, détenu par ordre du grand juge.

Accordé, avec ordre de le conduire jusqu'aux frontières de la République italienne, où le Pape sera invité à le faire prendre, pour le tenir à Rome dans un séminaire, où il s'instruira des devoirs d'un véritable prêtre.


Saint-Cloud, 29 août 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Je viens de parcourir avec attention, Citoyen Ministre, l'état de situation de la flottille, tel que me l'a remis le citoyen Forfait, au 10 fructidor. Je vois qu'elle n'est encore qu'à deux cent cinquante chaloupes canonnières, y compris les constructions de Bayonne et les bâtiments en rade à Brest, à Boulogne et au Havre. Je pense donc qu'il serait utile d'accepter l'offre des Hollandais et de passer un marché pour trente chaloupes canonnières toutes gréées, à remettre à Flessingue du 15 au 20 brumaire.

Il y a plus de cinq cents bateaux canonniers; c'est tout ce qu'il faut. Il nous manque deux ou trois cents péniches; mais, outre que les bateaux de Saint-Malo peuvent nous suppléer, à mesure que les chantiers seront vacants, on pourra les remplacer par des péniches.

La République italienne a offert douze chaloupes canonnières, portant chacune le nom d'un de ses douze départements. Je crois que les endroits les plus favorables pour les mettre en construction seraient Paris et Compiègne. A cet effet, faites organiser le chantier de la Rapée à l'instar des autres, et mettez-le sous la même direction. On pourrait facilement y mettre huit chaloupes en construction; on mettrait les quatre autres à Compiègne, ce qui, avec les trente qui seraient construites en Hollande, ferait quarante-deux.

Les constructions faites sur le Rhin ne sont pas comprises; car je pense qu'il y en aura davantage en construction dans le 5e arrondissement.

Je vous prie de me faire connaître si le port de Dunkerque marche mieux qu'il ne marchait; il me parait que cela ne va point. Quarante-quatre bateaux canonniers sont portés comme n'étant pas encore carénés, et il n'y en a que vingt en état de partir, depuis six mois; il est difficile de voir un port plus mal organisé.

Sur l'état que vous m'avez remis des officiers commandant ces vaisseaux, je ne vois pas les noms des commandants du Bucentaure, de l'lndomptable, de l'Hortense; je vous prie de me les faire passer. Je n'ai point non plus ceux des officiers commandant le Diomède, le Jean-Bart et le Vétéran.

Faites-moi, connaître si le citoyen Violette, commandant le Majestueux, est dans le cas de commander un vaisseau aussi important. La frégate la Gloire n'a pas encore de commandant désigné.

Le Magiianime est lancé. Faites-moi connaître l'officier auquel vous destinez ce commandement.

Sur l'état de la flottille qui m'est remis, je vois qu'il y avait, au 10 fructidor, 1,300 bâtiments d'arrêtés et capables de porter 78, 000 hommes. Faites faire un état de ces bâtiments, en les divisant en trois classes :

1e classe, ceux qui portent plus de 30 hommes;

2e classe, ceux qui en portent plus de 60;

3e classe, ceux qui en portent plus de 100.

Je vous prie de me faire connaître si ces 1,300 bâtiments forment seulement le tiers ou la totalité de ce qu'a trouvé la commission, et quelle est la somme à laquelle seront évalués ces 1,300 bâtiments, ainsi que la partie qui a déjà été payée.


Saint-Cloud, 30 août 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

J'approuve, Citoyen Ministre, les idées contenues dans le mémoire du premier inspecteur général du génie sur la suppression de plusieurs places de la Belgique, telles que Mons, Tournay, Courtray, Menin, Furnes, Bruges, Yzendicke, Philippine, Axel, Hulst, Terneuse, Ath, Gand, Termonde, Oudenarde, Bruxelles, Liége;  je pense qu'il faudrait y joindre Malines. Ce serait une place à reconstruire et, dans ce cas, il vaudrait mieux faire ces dépenses sur la Meuse à moins que ce ne fût contre la frontière hollandaise, et alors se porter plus haut. Je pense également qu'il faudrait y a jouter Louvain

J'approuve beaucoup l'idée de vendre les débris de ces fortifications, et d'en faire une caisse particulière qui servirait à la construction des nouvelles places.

J'approuve également l'idée de fixer les garnisons dans la 24e division militaire, de manière qu'on conserve quelques casernes dans le grandes villes pour des circonstances imprévues, mais qu'on supprime cette immense quantité de casernes qui ruinent le trésor public.

Présentez-moi un projet d'arrêté sur ce dernier objet, et demandez au génie un rapport sur la note ci-jointe.

Ne pourrait-on point démolir les fortifications de Sedan ? Luxembourg le couvre. Mézières et Montmédy, avec quelques réparations, sont suffisants pour arrêter une avant-garde qui voudrait, par la droite ou la gauche, passer la Meuse et entrer en Champagne. D'ailleurs, on ne peut se dissimuler qu'il faudrait des millions pour réparer Sedan, que le système en est extrêmement vicieux,, et que, si l'ennemi était en mesure d'y arriver, il s'en emparerait facilement. Nous perdrions une garnison, une artillerie nombreuse, et cette prise ferait un très-mauvais effet moral, par l'opinion d'avoir perdu une place depuis longtemps connues. Ajoutez à ces considérations que ses fabriques sont importantes.

Il me paraîtrait nécessaire de faire d'Ostende une bonne place; c'est le seul port de la Belgique. Le superbe canal de Bruges, qui conduit à Bruxelles, est une des clefs de ce beau pays. Trois à quatre millions dépensés là seraient très-bien employés.

Le point de la Belgique où l'on doit tenir le plus de troupes est Anvers, parce que de là on est à portée de prévenir les invasions de la Hollande : Maestricht pour la 25e division militaire.

Il faudrait aussi adopter le principe de donner aux villes les casernes qui sont situées dans les villes qui ne sont point places de guerre, et exiger que ces villes soient chargées de les réparer; c'est le seul moyen de porter un peu d'économie dans ces parties coûteuses de l'administration.

ANNEXE

Le mémoire du premier inspecteur général du génie ne me paraît pas répondre tout à fait à ce qu'on désirerait. On ne préjuge rien à la frontière batave; mais il faut supposer qu'en cas de guerre elle est toujours à nous. Dans cet état notre ligne s'appuie à Grave et de là arrive à Venloo. Si l'on demande à mettre Anvers en état de défense, c'est :

1° A cause de l'arsenal de la marine, qu'on veut y établir;
2° Comme point central où l'on pourra tenir de l'artillerie pour fortifier et ravitailler promptement les places hollandaises.

Ce qui intéresse donc dans ce moment, c'est la frontière du Rhin depuis Grave jusqu'à la Moselle.

De Grave à Venloo il n'y a point de places. Il reste à savoir si l'on préférera Gueldre, qu'on a proposée, et qui effectivement pourrait remplir ce but.

Ruremonde pourrait être fortifiée si la position s'y prête. On pense que, si la position était trop ingrate, il vaudrait mieux se mettre quelques lieues à côté, ou en avant.

Maëstricht et Juliers sont faits. Une place sur la Moselle peut être utile. On voudrait, de cette place sur la Moselle à Juliers, trois places situées dans la position la plus favorable sur le contre-fort qui sépare les eaux du Rhin de la Meuse, ce qui ferait six nouvelles places à établir sur cette frontière. Si elles peuvent être placées de manière qu'on ne puisse absolument se porter sur la Meuse et ne la passer qu'après avoir pris une ou deux de ces places, tant que les autres resteraient, elles peuvent offrir des avantages de toute espèce pour la reprise de l'offensive.

Quant à l'ordre de construction, il faudrait au plus en construire deux à la fois, et les pousser de manière à dépenser deux millions par an, et tout entiers dans les fortifications proprement dites, sans mettre un sou aux bâtiments militaires.

Quelque importante que soit Gueldre, elle ne nous est utile que contre la Prusse. Les deux places les plus importantes paraîtraient celles qui intercepteraient la chaussée de Liège à Coblentz; c'est par là que sont toujours venus les Autrichiens; c'est là où il paraîtrait essentiel de travailler le plus tôt possible.

Ainsi, en l'an XII, on réparerait Anvers; on continuerait les travaux de Juliers, et on dépenserait deux millions à la nouvelle place.

Par-dessus tout, on ne peut trop recommandé de déterminer le local pour la convenance des fortifications, car alors elles coûtent très-peu et les forfications sont bonnes.


Saint-Cloud, 30 août 1803

A l'amiral Bruix, commandant la flottille de Boulogne

Citoyen Amiral Bruix, le citoyen Forfait vous expédie les instructions, les plans et tout ce qui est nécessaire pour la construction de son fort. J'ai pris hier un arrêté pour la coupe de 4,000 pieds d'arbres dans les forêts de Boulogne, à ce destinés. Vous êtes autorisé à passer les marchés et à faire tout ce qui vous paraîtra convenable pour la construction de ce fort. Apprenez-moi, avant le 20 fructidor, que la construction en est commencée. Je compte, du 11, au 15 brumaire, assister à son installation. On a pris des mesures pour faire sur-le-champ transporter les ancres. Si vous avez besoin de voitures, écrivez aux préfets du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme de vous fournir cinquante voitures chaque, qui seront bien payées, pour aider au transport des bois, en leur faisant connaître les conditions que l'entrepreneur leur fera.

J'ai vu avec peine que le port de Dunkerque ne marche pas; faites-m'en connaître les raisons. Vous avez aujourd'hui la haute main; tout est à votre disposition. Vous pouvez y envoyer, appeler qui vous voudrez à Boulogne, vous faire rendre compte de tout, vous faire représenter les états; mais que cela aille. Quoi qu'il arrive, il faut que tout soit prêt, pour que les bateaux profitent du premier moment favorable pour faire leur entrée à Boulogne; nous sommes à l'équinoxe.

Le général Marmont me rend compte qu'il arrive aujourd'hui à Boulogne deux mortiers de nouveau modèle, qui portent les bombes à 1,800 toises; que deux autres vont suivre, et que quatre sont en marche de Strasbourg pour Ostende; qu'il a fait passer un châssis à Boulogne, avec des instructions par lesquelles il devient possible de tirer des pièces de 36 avec des affûts de côte, sur l'angle de 45 degrés. Faites-moi connaître si l'artillerie a monté ainsi quelques batteries; les boulets arriveront, sur cet angle, à 2,200 toises.

Nous avons à Paris 1,600 ouvriers qui travaillent avec la plus grande activité; également à Compiègne; les marins en sont fort contents; ils n'ont cependant qu'un ou au plus deux mois d'exercice. Ceci nous prouve que les ouvriers de l'intérieur peuvent nous être d'un grand secours. Vous êtes autorisé à requérir de chacun des trois préfets du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme, 100 charpentiers de maisons pour la construction de votre fort. Vous aurez soin de leur faire payer leur route et de les bien traiter.


Saint-Cloud, 31 août 1803

ARRÊTÉ

ARTICLE 1. - Les canonniers sédentaires de la ville de Lille, institués depuis le 2 mars 1483, seront de nouveau organisés.
ART. 2. - Ils porteront un uniforme de canonniers et s'exerceront aux manœuvres. A cet effet, il leur sera donné une maison nationale, pour leur tenir lieu de celle qui a été vendue.
ART. 3. - Il leur sera fait présent de deux pièces de 4, sur lesquelles seront gravés ces mots, Le Premier Consul aux canonniers de Lille, avec la date du 29 septembre 1792, afin de conserver la mémoire du siége de Lille.
ART. 4. - Les ministres de la guerre et des finances sont chargés de l'exécution du présent arrêté.


Saint-Cloud, 31 août 1803

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'ADMINISTRATION DE LA GUERRE

Le commissaire général ne peut être un intermédiaire entre le ministre et les ordonnateurs en chef des camps que pour les détails d'exécution; mais il ne peut être chargé des ordonnances ni des liquidations. Comment à Boulogne pourra-t-il suivre les détails administratifs de Bayonne ? Le directeur de l'administration, étant au centre, doit toujours tout diriger, de la même manière qu'il dirige l'administration de l'armée en Italie. Il est essentiel, pour cela, qu'il conserve la correspondance directe avec chaque ordonnateur, les répartitions de fonds et les liquidations; autrement il dirigerait à l'aveugle. Chaque camp doit avoir ses fonds séparés, mais sous la surveillance du commissaire général, auquel le ministre donnerait avis des crédits ouverts pour chaque service, mais en adressant directement les crédits aux ordonnateurs et à la trésorerie nationale; c'est le seul moyen d'éviter les retards pour l'envoi des fonds et d'en surveiller l'emploi.

D'ailleurs, le service des camps va être confondu avec celui des divisions; si le ministre ne conservait pas sur l'un et sur l'autre la même surveillance, tout rentrerait bientôt dans la confusion.

L'armée sortie du territoire de la République, ce sera différent; il faut bien alors que le commissaire général soit revêtu de tous les pouvoirs administratifs; mais il est impossible de les diviser dans l'intérieur, et qu'une partie des divisions corresponde avec le ministre et l'autre avec le commissaire général.


Saint-Cloud, 31 août 1803

A l'amiral Bruix, commandant la flottille de Boulogne

Citoyen Amiral Bruix, je reçois votre lettre du 12 fructidor (30 août). J'y vois que le chef de l'administration a pris une maison destinée pour cayenne, capable de contenir 300 marins, mais vous ne me dites pas si cette maison est située sur le port ou sur la Liane; que l'admistration a loué une maison particulière destinée à servir de magasin général, mais vous ne me dites pas si elle est située sur le port ou sur la Liane; que le directeur d'artillerie a choisi une maison particulière pour le service de la marine, et vous ajoutez que cette maison est insuffisante, mais vous ne me dites pas si elle est sur le port ou sur la Liane.

Je n'ai rien à dire sur la maison que vous avez choisie pour l'hôpital.

Le rapport du citoyen Sganzin , no 2, fait mention d'un emplacement propre à un parc d'artillerie; la marine, à Boulogne, passe avant tout : si l'emplacement choisi pour l'artillerie de la marine n'est pas suffisant, pourquoi ne pas choisir celui-là ?

Dans le même rapport, vous parlez d'établir une boulangerie pour la marine; ne perdez pas une heure pour faire servir à cet usage la maison que vous y destinez.

Dans le cas où vous choisiriez la maison dite de Capécure, dont il est question no 2, faites choisir une autre maison pour le parc d'artillerie de l'armée de terre, plus loin, mais sur la Liane. Il est nécessaire que le parc d'artillerie de la marine soit plus près du port que le parc d'artillerie de terre.

Il faut avant tout que le citoyen Sganzin nous remette, au 15 vendémiaire, comme il l'a promis, le port et le bassin achevés. Nous verrons alors s'il est besoin de l'agrandir. Je suis effrayé de ce qu'il demande encore trois mois.

Du procès-verbal fait à Dunkerque, il résulte qu'il y a douze bateaux canonniers qui n'ont point de pièces de campagne; ils peuvent s'en passer pour venir à Boulogne, et on peut, à Dunkerque, mettre en place une petite pièce de marine.

Faites faire l'état de toutes les fermes et maisons de campagne sur la Liane, jusqu'où elle est navigable, et même à droite et à gauche jusqu'à l'espace de 100 toises.

J'ai vu avec grand plaisir qu'enfin on continue les travaux du fort Rouge.

Il me semble que, dans ma dernière lettre, je vous avais dit qu'après avoir mis un crapaud au bord de la mer, il fallait mettre dessus un mortier; les circonstances des affouillements ne sont rien, vu qu'à toutes les marées on le changerait de place; mais le projet que vous avez de faire des plates-formes est bien meilleur encore. Les batteries me paraissent trop nombreuses de trois pièces; il faut qu'elles  ne soient que de deux. Mon intention n'est point de retirer les pièces tous les jours, mais de laisser sur ces batteries les pièces de canon pendant toutes les hautes mers. Je ne pense pas non plus qu'il faille s'éloigner de 50 toises, c'est toujours une distance de perdue. Il faudrait donc, à mon sens, faire établir le tiers de vos plates-formes tout à fait sur la laisse de basse mer, le tiers à 50 toises et le dernier tiers à 80 toises. Mon projet n'est pas non plus de se servir de pièces légères pour cet usage; car, quoi qu'on puisse dire, de grosses pièces vont plus loin. Alors mon intention est d'avoir quelques pièces de 24 légères, attelées, avec plusieurs divisions d'obusiers de 8 pouces, portant une bombe de 43 livres à 1,300 toises, également attelés; et, au moment où les Anglais approcheraient, tout cela s'avancerait sur la laisse de basse mer et renforcerait les batteries permanentes.

Je vous prie de faire exécuter les dispositions suivantes et de m'en envoyer le résultat : faire prendre une pièce de 36 ou de 33, la faire mettre sur un affût marin , et la laisser sur la laisse de basse mer à toutes les marées; on dressera procès-verbal de ce qui se sera passé, et de la situation dans laquelle elle se trouvera. On tirera deux coups de canon de cette pièce ainsi placée sur le sable, à toute volée et à toutes charges. On tiendra note de ce qui arrivera. On mettra le mortier sur ce crapaud et on le laissera ainsi plusieurs marées; on tirera deux bombes, chambre pleine, et on tiendra note de ce qui sera arrivé.

Artillerie à pied, artillerie à cheval, matériel, tout va se diriger sur Boulogne.

Je vous ai expédié hier un courrier, avec l'ordre et des instructions pour la mise en construction du fort du citoyen Forfait.

Je vous envoie une note.

Le gouverneur du palais doit avoir envoyé des officiers du palais pour préparer mon logement. Je vous prie de me dire quels locaux on pourrait choisir; je ne veux point être en ville. J'ai remarqué deux maisons de campagne près la tour des signaux , à ce que je crois, sur le chemin de Calais. Ces deux maisons paraîtraient me convenir; si elles ne me convenaient pas, alors j'aimerais à être sur la Liane, au delà du pont, dans une maison de campagne.


1er - 15 août 1803