Mars 1803


Paris, 1er mars 1803

Au citoyen Talleyrand

Je désirerais que vous vissiez Monsieur de Gallo, et que vous lui demandassiez d'une manière indifférente des renseignements sur M. le Ciriello et sa femme qui sont à Londres, en vous informant s'ils sont capables de tramer un complot contre le Premier Consul.

Lettres à Talleyrand


Paris, 2 mars 1803

DÉCISION

Le ministre du trésor public présente des informations sur six arrêtés relatifs à des pensions nouvelles, et demande une décision du Gouvernement.

Désormais les pensions seront proposées par les ministres, pour toutes les pensions nouvelles, et seront payées par le trésor public, même en ce qui concerne les secours annuels accordés sur le crédit du ministre de l'intérieur. Le ministre du trésor public fera un rapport.


Paris, 3 mars 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je désire, Citoyen Ministre, que vous fassiez recueillir toutes les pièces qui existent dans votre département sur les négociations relatives à l'expulsion des Stuarts réfugiés dans le royaume de France.


Paris, 4 mars 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

J'apprends, Citoyen Ministre, que le général Solignac a été, masqué en Savoyard, à un bal, et s'y est attiré de mauvaises affaires. Un général ne doit point se masquer dans un endroit où ses troupes sont réunies. Je vous prie de donner l'ordre au général Murat de lui ordonner les arrêts pendant quinze jours.


 Paris, 4 mars 1803

Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures

Je désirerais que vous vissiez M. de Gallo, et que vous lui demandassiez, d'une manière indifférente, des renseignements sur M. Circello et sa femme, qui sont à Londres, en vous informant s'ils sont capables de tramer un complot contre le Premier Consul.


Paris, 16 vent6se an Xi ( 7 mars 1803)

Au général Andréossy, ambassadeur en Angleterre

Je vous envoie une lettre originale de votre médecin, avec le rapport qui le concerne. Il paraît plus convenable de ne faire aucun esclandre, mais d'envoyer cet escroc à Paris, où il sera pris des mesures pour l'empêcher de retourner en Angleterre et de vous donner de l'inquiétude.

Vous ne sauriez nous écrire trop souvent du pays où vous êtes. Je désirerais avoir le plus de détails possible sur la situation des finances.


Paris, 8 mars 1803

Au citoyen Gaudin, ministre des finances

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire remettre au prince de Conti une somme de 100,000 francs, par la même voie et de la même manière que pareille somme a été donnée à madame d'Orléans.


Paris, 10 mars 1803

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. - La cour dite du Cheval-Blanc, et les bâtiments qui l'entourent, au château de Fontainebleau, marqués D, E, Q, R, S, conformément au plan annexé à la minute du présent arrêté, à l'exception de la chapelle et de la partie de la galerie de François 1er, donnant sur ladite cour, la portion du parc comprise entre la chaussée et l'aile neuve des bâtiments ci-dessus, et le bâtiment dit du Carrousel, sont affectés à l'établissement de l'École militaire spéciale.
ART. 2. - A dater de ce jour, les susdits bâtiments et terrains sont mis à la disposition du ministre de la guerre.
ART. 3. - On fera fermer sur-le-champ toutes les communications desdits bâtiments avec les autres parties du château.
ART. 4. - Le ministre de la guerre, le ministre des finances et le ministre de l'intérieur sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté.


Paris, 10 mars 1803

Au général Dejean, ministre directeur de l'administration de la guerre

Je désire, Citoyen Ministre, que vous vous rendiez demain aux Invalides, aux heures des distributions et que vous vous fassiez rendre compte de la qualité du pain et du vin, que l'on m'assure être très-mauvaise. Il est convenable que vous provoquiez les plainte qu'on aurait à porter contre les fournisseurs de cette maison. Depuis longtemps les invalides se plaignent de ne point avoir d'accès auprès de leurs commandants. Je désire que vous ne vous en rapportiez sur tout qu'à vous-même.


Paris, 10 mars 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Je suis instruit, Citoyen Ministre, que les Anglais font des démarches pour couper dans l'État romain 100,000 pieds cubes de bois de chêne, pour l'approvisionnement de leur marine. Écrivez au citoyen Cacault de faire faire la recherche de ces bois, et de passer des marchés pour les chantiers de Toulon, puisqu'il est prouvé qu la France ne fournit pas en ce moment les bois dont nous avons besoin. Il est nécessaire de charger le citoyen Redon de voir dans la République italienne, à Rome et en Étrurie, tous les bois et chanvres qu'on peut se procurer.


Paris, 11 mars 1803

Au citoyen Barbé-Marbois, ministre du trésor public

Nous arrivons au service d'été, et je vois avec peine que le service public est dépourvu. Je viens d'augmenter le service de germinal de 4 millions. Je désire que, dans la matinée de demain, vous négociez les 30 millions que vous vous étiez réservés pour vendémiaire , savoir 14 millions en coupes de bois et 16 millions en obligations. Je désirerais que ces 30 millions rentrassent au trésor public, par 5 millions, dans les mois de germinal, floréal, prairial, messidor, thermidor et fructidor.

Si l'agence veut prendre des obligations, il n'y a pas d'inconvénient; si elle n'est pas dans le cas de prendre les obligations de bois, je désire que vous les négociiez à la Banque, et, si les banquiers ne veulent pas, à une compagnie quelconque. Je tiens à ce que demain ces objets soient négociés et le marché fini. Je ne veux pas donner pour les coupes de bois plus d'un demi pour cent. Je vous laisse le maître de régler la commission. J'ai d'assez fortes raisons de désirer de voir, dans la journée de demain, le service assuré.


Paris, 11 mars 1803

Au citoyen Melzi, vice-président de la république italienne

Je n'ai pu voir qu'avec une vive douleur les principaux fonctionnaires de la République exalter les têtes et provoquer toutes les passions contre la France. Tous les efforts que j'ai faits pour rendre l'Italie à l'indépendance seraient-ils infructueux ? Et serait-il irrévocablement dans le sort de ce pays de ne jamais rien être ? Quel est le plus grand crime que puisse commettre aujourd'hui un citoyen contre le bonheur et la tranquillité publique ? N'est-ce pas d'inviter ses compatriotes à payer les Français de la plus noire ingratitude, et montrer à ceux-ci le compte qu'ils doivent faire sur les sentiments des citoyens de la République italienne ? Ce sont des conseillers d'État, des généraux italiens qui parlent de Zama et de Scipion ! Mais ces parallèles, qu'on a peine à saisir, se traduisent ici par l'image des Vêpres siciliennes, qui sont plus modernes. La faiblesse du gouvernement, à Milan, passe tout ce qu'il est possible de concevoir.

Si les ministres de l'intérieur et de la police eussent fait leur devoir, les auteurs de pareils pamphlets eussent été sévèrement punis, et l'on n'aurait pas eu le scandale de voir le général français faire arrêter un citoyen de la République.

Je ne puis pas, également, être indifférent à la direction q'on donne à l'esprit public dans les différents théâtres. On ne lui présente que des conjurations qui se dénouent toujours par des assassinats.

On pervertit également l'opinion en criant sans cesse contre les frais d'entretien des troupes françaises; mais, pour être juste, on devrait calculer ce qu'a coûté et ce que coûte la République italienne au peuple français.

La République est sans armée, et, à cet égard, elle n'a fait depuis un an aucune espèce de progrès. S'en tiendrait-on à évaluer simplement le prix de la réunion du Novarais ? Seul, indépendamment de toute autre considération, il compenserait tout ce que la République italienne a pu fournir.

Je suis moins satisfait encore du penchant constant qu'on a à contrarier les prêtres. Mon intention bien formelle est que les séminaires soient exempts de la conscription militaire, et que le culte et les prêtres soient constamment protégés. Ce principe est, surtout sous point de vue de l'Italie, l'esprit de ma marche.

J'ai chargé Marescalchi de vous écrire plus longuement sur tous ces objets, et sur la peine que j'en éprouvais. Je pense que vous devez soumettre à la Consulte une mesure contre Cicognara et Theulié et contre ceux qui dirigent avec tant de perfidie l'opinion contre France.

Le ministre de l'intérieur n'a pas non plus de moyens pour donner à l'opinion une direction stable, et le pays est agité par toute sorte de faux bruits. Il n'en faut chercher d'autre cause que dans l'extrême faiblesse du gouvernement. Déjà il y a eu à Bologne des rixes et les troupes françaises et italiennes. Mon intention est que vous vous concertiez avec le général en chef, pour tenir toujours, à Bologne au moins 2,000 hommes.Je fais connaître aussi au général Murai qu'au moindre mouvement des factieux mon intention est que l'honneur des armes soit soutenu comme il a été acquis. Cette manière d'agir n'est pas particulière à la République italienne : à Caen, à Grenoble, à Cette, j'ai fait juger extraordinairement et condamner à mort plusieurs citoyens pour rixe contre les troupes, ayant vérifié que tout le tort était aux habitants.

La confiance que j'ai dans vous, dans les ministres, dans la Consulte d'Italie, a été assez marquée dans toutes les circonstances. Je suis constamment occupé de tout ce qui peut donner de la consistance et procurer le bonheur aux peuples; mais j'ai lieu de commencer à craindre que tous mes efforts ne soient vains, et qu'il n'y ait bien des obstacles à surmonter pour organiser une nation où je vois si peu de véritable caractère et tant d'idées folles et insensées.

Il ne doit y avoir à Milan aucun casino privilégié; sous aucun prétexte, ni général, ni chef de corps de la République italienne ne peut se masquer, et il ne doit être besoin d'aucune autorisation pour recevoir et donner à danser chez soi. A mon sens, on n'avait pas le droit d'empêcher madame Fossati d'avoir chez elle qui elle voulais, si elle y mettait de l'affectation, je vous autorise à la renvoyer dans ses terres, elle et les autres individus qui tiendraient la même conduite, et à les tenir pendant trois on quatre mois éloignés à plus de dix lieues de la capitale.

Je vois, dans plusieurs de vos lettres, que vous vous plaignez de tracasseries qu'on vous fait éprouver; il est impossible qu'avec la confiance que je vous accorde vous en éprouviez aucune. Pour cet effet, il faut écrire et parler clair à tout le monde, et tenir les rênes un peu plus fermes. Il est impossible aussi que la capitale d'un grand État soit sans représentation. Vous devez aller habiter le palais et y représenter la République avec la grandeur et la dignité convenables.

Le général Murat ne s'éloignera jamais de vos désirs, lorsque vous les lui exprimerez clairement.


Paris, 11 mars 1803

Au général Murat, commandant en chef les troupes françaises en Italie

J'ai reçu, Citoyen Général, vos différentes lettres. Je désire que, quelque chose qui arrive, vous restiez uni avec le gouvernement et ne prêtiez point l'oreille aux insinuations des ennemis de la France, qui excitent, par toute espèce de moyens, les esprits contre l'administration.

Je n'approuve pas que vous vous teniez ainsi éloigné de tous les hommes les plus ennemis de l'ancienne domination, et qui ont, dès l'origine, marché dans le sens de l'armée française. Dans le pays où tous êtes, vous devez spécialement vous étudier à réunir tous les patriotes. En les voyant davantage, vous les empêcheriez de s'égarer. Il faut éviter de contrarier d'aucune manière l'administration; les casinos sont des institutions qui blessent beaucoup de personnes, et qui ne sont pas d'ailleurs dans l'usage français. Il n'est pas convenable, non plus, que les loges que vous avez aux spectacles portent aucune décoration extérieure. Le caractère dominant des Italiens est l'intrigue et la fausseté; vous ne vous tenez pas assez en garde contre lui. Je ne puis approuver que vous ayez promis d'aller à un bal où les membres du gouvernement et le parti français n'étaient pas admis. J'ai d'ailleurs été péniblement affecté de vous voir jouer un rôle dans ces tracasseries de petite ville, qui sont au-dessous de votre position et de vous. Vous ne devez aller dîner ni danser nulle part, excepté chez le vice-président et chez ceux de la République qui ont une maison.

A Bologne, vous avez envoyé un seul bataillon; c'est une mesure imprudente. Il fallait envoyer 2,000 hommes, ou n'en point envoyer car mon intention est que, dans aucune occasion, les troupes françaises ne se laissent manquer, et qu'elles sortent triomphantes de toutes les querelles. Elles doivent avoir des cartouches et des balles pour soutenir ce qu'elles sont et l'honneur du drapeau.

J'ai lu avec attention les papiers que vous m'avez envoyés. Vous avez fort bien fait de faire arrêter l'officier auteur d'un pamphlet aussi infâme. Remettez-le entre les mains du vice-président, et tenez moi au courant de ce qu'il aura fait.

Le général Solignac s'est fort mal comporté. Un général ne doit point se masquer, et il n'a pas le droit de se plaindre de ce qui lui est arrivé sous un masque. Vous devez le punir et contenir tout le monde dans le devoir. Mon intention est que vous remployiez Romagne, à moins que vous ne préfériez lui donner l'ordre, de rendre à Paris.

Faites également connaître au général Chabot qu'un général ne se masque pas comme un sous-lieutenant. Prenez des mesures pour qu'aucun officier général ni supérieur ne se masque, et que chacun soutienne la dignité de sa place.

Vous devez recevoir chez vous, avec des égards tout particulier, les membres de la Consulte, les ministres et les principaux fonctionnaires publics. Toutes les distinctions doivent être pour eux. Les titres de noblesse ne sont rien.

Je reçois du reste avec intérêt tous les rapports que vous m'envoyez. Quant à Vincent, je le connais mieux que vous : c'est un homme de peu de valeur, qui s'est fort mal comporté aux colonies ; qu'il ne s'en mêle plus et s'occupe de la besogne dont vous l'avez chargé.


Paris, 11 mars 1803

Au chef de brigade Colbert

Vous vous rendrez en Russie. Vous remettrez la lettre ci-joint l'empereur. Vous l'entretiendrez de la considération qu'on a à Paris pour les Russes; qu'ils y sont vus d'une manière avantageuse. Vous vous entretiendrez plutôt d'idées libérales et philosophiques, en causant avec l'empereur, que d'autres sujets. Comme vous n'êtes chargé d'aucune affaire, vous devez vous en rapporter et vous vous en rapporterez toujours au général Hédouville.

Si vous voyez le grand-duc Constantin, vous lui direz que j'ai du regret qu'il ne soit pas venu à Paris.

Vous parlerez à l'impératrice du plaisir que l'on a eu de voir son oncle à Paris, de l'amusement qu'il y a trouvé, et de la probabilité que, si je vais à Strasbourg, je verrai sa famille;

Au vieux vice-chancelier, qui est ami de M. de Markof, que M. de Markof paraît avoir bien pris.

En cas que l'on parle de guerre avec l'Angleterre, vous direz que la nation française ne demande pas mieux que de se mesurer avec elle, vu l'antipathie qui existe.

Vous ferez honnêteté au corps diplomatique, au ministre d'Angleterre comme aux autres. Vous direz du bien de celui qui est à Paris, qui est très-connu.

Vous représenterez le Premier Consul comme très-occupé à tracer des canaux, à établir des manufactures, et s'occupant d'objets d'instruction publique.

Vous reviendrez le plus tôt possible; cependant vous attendrez que l'empereur ait fait sa réponse. Si elle tarde, vous irez à Cronstadt.

Vous descendrez chez le général Hédouville.


 Paris, 11 mars 1803

A l'empereur de Russie

Le générai-major d'Hittorff, qui m'a apporté la lettre de Votre Majesté, a reçu toutes les facilités qu'il pouvait désirer pour remplir le but de son voyage.

Les affaires de Suisse, auxquelles Votre Majesté s'intéresse, paraissent heureusement terminées. J'ai fait tout ce qu'il a été possible pour calmer les passions et concilier les intérêts. C'est à l'expérience à démontrer si les mesures prises sont bonnes.

Les affaires d'Allemagne paraissent enfin heureusement terminées, grâce aux soins que Votre Majesté a bien voulu se donner.

J'avais écrit, dans le temps, à Votre Majesté pour lui proposer de me concerter avec elle pour empêcher les Barbaresques de faire la course contre les puissances chrétiennes, en les obligeant à cultiver leurs terres. Votre Majesté avait paru sourire à ce projet, tout à fait digne d'elle. Je crois qu'il pourrait être exécuté, puisque c'est l'intérêt de tout le monde et surtout des pavillons civilisés. Si Votre Majesté veut donner suite à ces premières ouvertures, je la prie d'envoyer des instructions et des pouvoirs à son ministre. On verrait à concilier ce que l'on doit à la paix des mers et à l'intérêt de la Porte Ottomane. Une discussion plus importante s'élève en ce moment avec l'Angleterre : aux termes du traité d'Amiens, elle devait évacuer Malte dans trois mois, comme la France devait évacuer le port de Tarente pour la même époque. J'ai scrupuleusement évacué le port et la rade de Tarente. Ayant demandé pourquoi on n'évacuait pas Malte, on m'a répondu que le grand maître n'était pas nommé : c'était déjà ajouter une clause au traité. Le grand maître a été nommé : on a objecté qu'on attendait l'accession de Votre Majesté, qui est arrivée et à laquelle je mesuis empressé de souscrire; je l'ai fait signifier au cabinet britannique. Alors l'Angleterre a levé le masque et a fait connaître qu'elle désirait garder Malte pendant sept ans. J'avouerai à Votre Majesté qu'un manquement de foi si extraordinaire, m'a fort étonné, et je crois qu'il est sans exemple dans l'histoire. Comment pourra-t-on donc traiter désormais, si l'on peut violer ainsi l'esprit et la lettre des traités ? Je suis bien loin, pour mon compte de jamais consentir à un tel déshonneur, et je suis résolu à tout pour l'empêcher. Mais il me semble que l'intérêt que Votre Majesté a pris à l'ordre de Malte, l'invitation qu'elle a reçue de garantir l'indépendance de cette île, et les articles qu'elle a proposés, veulent qu'elle prenne quelque intérêt à cette affaire.

Depuis six mois les 2,000 hommes de troupes napolitains sont à Malte; les Anglais n'en ont fait aucun compte, et ne les ont pas admis dans les forts. Je réclame l'intervention de Votre Majesté; elle me paraît nécessaire pour la continuation de la paix maritime à laquelle elle a paru toujours s'intéresser.

Je prie Votre Majesté de croire au désir que j'ai de lui être agréable.


 Paris, 11 mars 1803

Au roi de Prusse

N'ayant pas, en ce moment, d'ambassadeur auprès de Votre Majesté, j'envoie auprès d'elle, pour une mission momentanée, le général Duroc. Je le charge de lui faire connaître les événement survenus avec l'Angleterre relativement à l'Italie.

La France devait évacuer les États de Naples, et spécialement le port de Tarente, trois mois après la signature du traité d'Amiens. J'ai ponctuellement rempli les conditions du traité. L'Angleterre devait, dans le même temps, évacuer Malte. Les trois mois s'étant écoulés, le cabinet de Londres me fit dire qu'il fallait d'abord que le grand maître de Malte fût nommé. Le grand maître a été nommé. Alors il objecta qu'il fallait que la Russie eût garanti l'indépendance de l'ordre de Malte. La garantie de la Russie est arrivée. Pour ne faire aucune difficulté, j'y ai adhéré. Mais aujourd'hui l'Angleterre lève le masque et me déclare quelle désire garder Malte pendant sept ans. Cette violation manifeste et sans exemple d'un traité ne saurait être soufferte par la France. Cependant la guerre est un malheur que je ne saurais trop déplorer, et je désirerais que Votre Majesté, comme ayant été si vivement sollicitée par l'Angleterre de garantir l'ordre de Malte, voulût prendre quelque intérêt à ce que l'article du traité fût exécuté.

Dans le cas, ce que je ne saurais encore me persuader, où le roi d'Angleterre voulût manquer à sa foi d'une manière aussi honteuse et où la guerre dût s'ensuivre, j'ai le droit de l'attaquer partout où flotte sa bannière et où il me sera possible de l'atteindre. C'est donc spécialement sur cet objet que j'ai chargé le général Duroc de s'entretenir avec Votre Majesté. Elle sait combien je désire, dans toutes les circonstances, lui être agréable.


Paris, 11 mars 1803    

Au roi d'Espagne

Je prends le parti d'adresser directement à Votre Majesté les plaintes que j'ai à porter sur la conduite tenue envers la France dans ses Etats. Les assurances, que Votre Majesté a bien voulu me réitérer souvent, du désir de maintenir une étroite union entre les deux nations, me font espérer qu'elle daignera s'occuper un moment de ces objets, qui intéressent tant l'honneur et le commerce de la France; en leur donnant un instant d'attention, elle fera disparaître toutes les difficultés et acquerra de nouveaux droits à l'amitié de la France.

1° J'ai fait souvent demander la permission d'extraire des piastres pour le service de Saint-Domingue et des Antilles : les ministres de Votre Majesté l'ont constamment refusée, de manière que la frégate la Badine, ayant à bord le capitaine général de Tabago, a été obligée de rester vingt jours sans en obtenir, et n'est parvenue à s'en emparer que par contrebande. Je sais que les Anglais s'en procurent une grande quantité par cette voie dans les États de Votre Majesté; mais ces moyens me répugnent comme contraires à la saine morale.

2° Le gouverneur d'Alicante n'a pas cessé, depuis plusieurs années de montrer sa haine pour les Français. Il s'est permis dernièrement dans l'affaire du sloop le Favori, des vexations inouïes dont je mande satisfaction à Votre Majesté. Ce gouverneur ne partage pas les sentiments qui unissent les deux nations.

3° Votre Majesté avait voulu promettre plusieurs fois la levée du séquestre mis par le Gouvernement espagnol sur les prises ou les produits des prises conduites par des bâtiments français dans les différents ports d'Espagne dans les deux mondes : cependant ce séquestre dure depuis plusieurs années. Je prie Votre Majesté d'ordonner qu'il soit levé.

4° Il y a huit ans, un certain nombre de soldats français, prisonniers de guerre, ont été arrêtés à Valence et condamnés aux aux travaux dans les presidios. Je prie Votre Majesté de les faire remettre entre mes mains.

5° Des propriétés ont été confisquées au Mexique sur des Français qui en ont été chassés.

6° Toutes les affaires pendantes devant les tribunaux commerciaux ou militaires, ou devant des administrations, en Espagne, lorsqu'elles concernent des Français, ne finissent jamais.

Enfin je prie Votre Majesté d'ordonner que les Français jouiront dans ses Etats, de tous les droits et privilèges, tant politiques que commerciaux, que les traités assurent, et de ne pas permettre qu'on visite les maisons et magasins sans l'intervention des agents commerciaux.

Après ces plaintes particulières, que Votre Majesté fera cesser d'un mot, et qui cependant m'affectent vivement, je prie Votre Majesté, pour la gloire de son règne et l'intérêt de l'alliance des deux nations,  d'ordonner qu'il soit pris des mesures pour l'armement de Minorque. On a mis en place tous les partisans des Anglais, qui ne parvinrent à s'en emparer, dans la dernière guerre, que par trahison. 0n n'a fait aucune poursuite contre les traîtres, qui jouissent aujourd'hui de la confiance, comme s'ils s'étaient bien comportés. Ce port est toujours l'objet de la convoitise des Anglais, et, si Votre Majesté n'ordonne des mesures politiques et militaires pour le mettre hors de l'atteinte de ses ennemis, ils s'en empareront au moment où on y pensera le moins.

La marine espagnole, qui a souvent acquis tant de gloire, est un dépérissement alarmant, et cependant aucun souverain n'a plus d'intérêt que Votre Majesté à avoir une marine qui protége ses immenses établissements, objet de la convoitise de l'Angleterre et de l'Amérique.

Je prie Votre Majesté de pardonner si je prends un si vif intérêt à un objet qui paraît la regarder spécialement; mais l'Angleterre ne s'endort pas; elle veille toujours, et n'aura de repos qu'elle ne se soit emparée des colonies et du commerce du monde. L'Espagne et la France peuvent seules s'y opposer. J'ai, de mon côté, vingt vaisseaux en construction; mais les arsenaux de l'Espagne sont sans approvisionnements, et ses ateliers sans ouvriers. Votre Majesté a cependant le bonheur de posséder dans ses États un homme de la plus haute distinction , l'amiral Gravina; il est propre, par son zèle et par son attachement à votre personne et par son amour de la gloire, à faire exécuter fidèlement tous les ordres qu'elle voudra lui donner pour le rétablissement de sa marine.

J'ai fait connaître à Votre Majesté les plaintes de la France; si l'Espagne en avait à faire, je prie Votre Majesté d'être assurée d'avance que je m'empresserais d'y faire droit, désirant toujours trouver les occasions de lui être agréable.


Paris, 11 mars 1803

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. - Il sera créé, d'ici au vendémiaire an XV, deux flottilles nationales.
La première, réunie à Dunkerque au 1er vendémiaire an XIV, sera composée de 100 chaloupes canonnières et 320   bateaux canonniers, munis de leur armement en agrès, ancres, mâtures et artillerie.
La deuxième, réunie à Cherbourg au 1er vendémiaire an XV, sera composée de 90 canonnières et de 80 bateaux canonniers, également munis du même armement et équipement.
ART. 2. - Outre la flottille construite, qui doit être réunie à Dunkerque au 1er vendémiaire au XIV, il y aura dans le même port, et à la même époque, un approvisionnement en matières suffisante pour la construction, gréement et armement de 100 canonnières et 500 bateaux canonniers.
ART. 3. - Pour l'exécution du présent arrêté, les dispositions qui suivent seront observées.

CHAPITRE 1er

FLOTTILLE DE DUNKERQUE.

ARTICLE 1er. - Le ministre de la marine ordonnera, sans délai, la revue de toutes les canonnières et bateaux canonniers existants dans les différents ports du Ponant. Il sera fait un rapport sur situation de chacun d'eux, de manière à faire connaître le degré de réparation dont chacun a besoin, les frais que cette réparation nécessitera pour remettre lesdits bâtiments dans le meilleur état.
On désignera, dans un état particulier, ceux desdits bâtiments qui, par leur situation actuelle, ne sont susceptibles que d'être réformés.
Sur ce rapport, la réforme des bâtiments pour qui elle sera jugée nécessaire sera ordonnée par le ministre; mais il n'y fera procéder qu'au fur et à mesure que des bateaux canonniers on des canonnières nouvellement construites pourront remplacer ceux dont il aura ordonné la réforme.
ART. 2. - Il sera choisi, parmi ceux existant dans les ports, 30 bateaux canonniers, des meilleurs, et 15 chaloupes canonnières qui seront réunis à Dunkerque, pour faire partie de la flottille, après avoir été pleinement radoubés et mis dans le meilleur état.
ART. 3, - Il sera, sans délai, pris des mesures pour la construction, dans ce port, de hangars qui seront établis sur la rive nord canal de Mardick, et placés de manière que l'espace total des bords du canal puisse successivement contenir les hangars nécessaires pour 100 canonnières et 500 bateaux canonniers.
ART. 4. - Les travaux de la construction des hangars seront suivis et exécutés successivement, dans la proportion de l'exécution des constructions des canonnières et bateaux canonniers de la flottille, en sorte que chaque canonnière ou bateau construit soit, aussi à son arrivée à Dunkerque, mis à sec sous un hangar.
ART. 5. - Il sera pris toutes les mesures nécessaires pour que dans vingt ports différents de la Manche, il soit construit, d'ici au 1er vendémiaire an XII, 17 chaloupes canonnières et 58 bateaux canonniers, qui devront être, pour cette époque, réunis, désarmés et mis sous les hangars du port de Dunkerque.
La construction des 75 bâtiments mentionnés dans cet article devra s'ordonner sans publicité, et par six volontés successives, qui s'exprimeront à des intervalles de sept jours chacune.
ART. 6. - Aussitôt qu'un bâtiment de la flottille sera sous les hangars, son gréement, sa mâture et son artillerie seront mis dans des magasins d'où ils ne pourront être extraits sans ordre du ministre.
ART. 7. Avant la fin de messidor prochain , il sera donné de nouveaux ordres, de la manière indiquée à l'article 5, pour la construction, dans vingt ports différents, de 17 nouvelles chaloupes canonnières et 58 bateaux canonniers, qui devront être construits et réunis au port de Dunkerque dans les six premiers mois de l'an XII, et désarmés, pour être mis sous les hangars, ainsi que ceux dont il a été parlé.
ART. 8. - Avant la fin de nivôse an XII, mêmes ordres seront donnés, de la même manière, pour la construction, dans différents ports, réunion et désarmement, à Dunkerque, du même nombre de bâtiments de la même espèce. L'exécution des ordres donnés à la fin de nivôse devra être terminée au 1er vendémiaire an XIII.
ART. 9. - Avant la fin de messidor an XII, les dispositions prescrites à l'article 7 seront de nouveau ordonnées, de manière que, dans les six premiers mois de l'an XIII, on ait créé et réuni au port de Dunkerque 75 nouveaux bâtiments de la flottille.
ART. 10. -Avant la fin de nivôse an XIII, les mêmes dispositions seront renouvelées pour la cinquième fois, et devront être exécutées dans les six derniers mois de l'an XIII.
De sorte que, par l'effet des cinq dispositions successivement prises de six mois en six mois, à dater de ce jour, il se trouvera réuni à Dunkerque, et mis sous les hangars, an 1er vendémiaire an XIV, 85 chaloupes canonnières et 290 bateaux canonniers, qui, avec les 30 bateaux canonniers et les 15 chaloupes canonnières dont le radoub est ordonné à l'article 2, feront un total de 420 bâtiments de la flottille, réunis à Dunkerque.

CHAPITRE II

FLOTTILLE DE CHERBOURG.

ARTICLE ler - Les chaloupes canonnières et les 80 bateaux canonniers de la flottille de Cherbourg seront construits dans le cours de l'an XIII et de l'an XIV.
ART. 2. - Il sera pris, pour la formation des hangars de la flottille de Cherbourg, et pour la conservation de son gréement, mâture et artillerie, les mêmes dispositions qui sont prescrites par les articles 3 et 6 du chapitre 1er.

CHAPITRE III

APPROVISIONNEMENTS À RÉUNIR AU PORT DE DUNKERQUE POUR LA CONSTRUCTION DE CENT CHALOUPES CANONNIÈRES ET CINQ CENTS BATEAUX CANONNIERS.

ARTICLE 1er - Il sera réuni dans le port de Dunkerque, dans le courant des années XI, XII et XIII, tous les objets portés dans l'état général joint au présent arrêté.
ART. 2. - L'état général se divise dans les trois états A, B, C proposés, ainsi que le premier, par le ministre de la marine, E approuvés par le Premier Consul.
ART. 3. - La réunion des objets portés dans l'état A devra se faire au port de Dunkerque d'ici au 1er vendémiaire an XII.
La réunion des objets portés dans l'état B devra se faire, dans le même port, dans tout le cours de l'an XII.
La réunion des objets portés dans l'état C devra se faire, dans cours de l'an XIII, au même port de Dunkerque.
De sorte qu'au 1er vendémiaire an XIV la réunion des objets portés dans l'état général joint au présent arrêté se trouvera complétée emmagasinée à Dunkerque.
ART. 4. - Au fur et à mesure que chacun des objets portés dans chacun des états arrivera au port de Dunkerque, il sera déposé dans un local ou magasin particulier, suivant sa nature. Il ne pourra en être distrait que sur l'autorisation spéciale du ministre, qui, préalablement, en rendra compte au Premier Consul, en lui présentant les moyens et l'époque présumés du remplacement des objets distraits.
ART. 5. - Le ministre de la marine et des colonies est chargé l'exécution du présent arrêté.


Paris, 12 mars 1803

INSTRUCTIONS.

Le général Duroc se rendra en toute diligence à Berlin, et sans laisser soupçonner à qui que ce soit où il va. Il remettra la lettre ci-jointe au roi de Prusse.

Si le roi de Prusse n'avait pas encore reçu le message du roi d'Angleterre à la chambre des communes, il le lui montrera. Il dira que le cabinet m'a fait prévenir, quarante-huit heures d'avance de ce message. Mais, comme il est évidemment faux qu'il y ait aucun armement sur les côtes de France, et comme cela est prouvé, ce sont des faits que des paroles et des commentaires ne peuvent pas effacer.

Par le traité d'Amiens, l'Angleterre devait évacuer Malte dans trois mois, et, comme l'on avait prévu que dans ces trois mois l'Ordre ne serait pas organisé, il avait été convenu que le roi de Naples y enverrait 2,000 hommes pour occuper cette place.

Par le même traité, la France devait évacuer Tarente. Plus de cent pièces de canon avaient déjà été placées dans cette place plus importante que Flatte, en la considérant comme centre des opérations dans le Levant. Plus de quarante vaisseaux de guerre et un convoi peuvent se trouver, dans cette rade, à l'abri des tempêtes et d'un ennemi supérieur. Il était entré dans les calculs du Premier Consul de ne pas évacuer cette place, qui, étant continentale, ne pouvait pas être enlevée comme une île. Des officiers du génie du premier mérite y avaient travaillé; des remuements de terre y avaient eu lieu; la France y avait dépensé 100,000 écus. Mais, par le traite de paix, le Premier Consul s'engagea à évacuer Tarente dans trois mois, ainsi que la place d'Ancône. La place fut évacuée, et, des opérations militaires et de détail ayant manqué, le Premier Consul témoigna son mécontentement au général Soult qui commandait cette colonne, ne s'informant point si Malte était évacuée on non. Comment penser que, dans le siècle où nous vivons, deux nations civilisées puissent avoir besoin de ce moyen d'otage pour exécuter des conventions stipulées ? Cependant, un brick français revenant dans la Méditerranée apprit que, quatre mois après le traité, Malte n'était pas évacuée.

Le Premier Consul en fit parler, par manière de conversation, au ministère anglais; on lui répondit que, le roi de Naples n'ayant pas pu y envoyer ses troupes, on n'avait pas pu abandonner l'île. Cette raison parut fort bonne. Des convois partirent ; les 2,000 hommes du roi de Naples partirent. Un ministre français, le général Vial, s'y rendit. Malte va être sans doute évacuée.

Les troupes napolitaines furent reçues à Malte, mais hors des forts, ayant l'air, non d'une troupe qui va prendre possession d'une place, mais d'une troupe surveillée. De vaines explications furent demandées à Londres ; l'on répondit qu'il était difficile au roi d'Angleterre d'évacuer Malte tant que le grand maître ne serait pas nommé. Cette condition commença à donner de l'ombrage. Le cas avait été prévu, dans le traité d'Amiens, que ces nominations entraîneraient des longueurs; c'est pourquoi les troupes de Naples devaient l'occuper provisoirement. Néanmoins on attendit, et l'on se contenta de presser, à Rome, la nomination du grand maître. Le grand maître fut nommé. L'on crut alors que l'Angleterre évacuerait Malte. Le cabinet britannique allégua d'autres raisons ; il déclara que la Russie n'avait pas garanti l'indépendance de l'ordre, et que l'on ne pouvait évacuer que la Russie n'eût donné son accession au traité. La Russie adhéra avec quelques modifications, auxquelles le Premier Consul s'empressa de souscrire ; la notification en fut faite au cabinet de Londres ; plus de délai, plus de prétexte pour ne plus évacuer. Le cabinet de Londres, alors, jette le masque et déclare désirer garder garnison dans Malte pour sept ans. L'indignation pour une proposition aussi étrange est égale à la volonté de s'exposer même aux horreurs d'une guerre plutôt que de la souffrir.

C'est dans ces entrefaites que le roi d'Angleterre prétend obtenir par des menaces et des armements, ce qu'il ne peut obtenir par la justice et les traités. Est-ce un prétexte pour recommencer la guerre. C'est ce qu'on ne peut savoir; mais tant il est vrai que le Premier Consul est décidé à ne pas souffrir ce déshonneur.

Si la guerre a lieu, il a pour lui le témoignage de Dieu et des hommes, et rien ne peut l'empêcher de poursuivre le cabinet britannique partout où son étendard est arboré. Il faut trancher le mot : son projet, si le cabinet britannique persévère, est d'envahir sur-le-champ le Hanovre.

C'est là le but et la mission du général Duroc. Ne rien écrire, rien signer ; ne rien dire qu'au roi seul, ou à son premier ministre et par son ordre.

Il doit remettre au roi la lettre, et, après qu'il l'aura lue lui exposer ce qui vient d'être dit, et lui dire que je n'ai pas même voulu menacer le Hanovre, sans que je me sois franchement expliqué avec lui.

Après cet objet, dire au roi que je désire qu'il intervienne pour sa part dans cette discussion ; qu'il fasse connaître , comme grande puissance de l'Europe, l'indignation que lui doit causer une semblable conduite.

Le roi de Prusse a dû garantir l'indépendance de Malte : il ne l'a point fait, par des raisons connues au Gouvernement français. Il a le droit de dire que, puisqu'il a garanti l'indépendance de Malte, il a le droit aussi d'exiger l'exécution du traité. C'est donc une mission d'égards envers la Prusse ; et lui faire connaître que, si l'Angleterre arme, je dois aussi armer; et lui faire connaître que je veux envahir son voisin.

Le deuxième objet, que, n'ayant point d'ambassadeur à Berlin, je l'ai chargé de remplir cette mission, et l'engager à faire connaître au ministre d'Angleterre, et au ministère britannique par son ministre à Londres, l'inconvenance de sa conduite, et que, pour une île qui appartient à celui qui occupe la mer, il va s'exposer au commencement d'une deuxième guerre dont le résultat est incalculable. Dire aussi que les expéditions, qui des ports de Hollande allaient partir, ne partiront pas; que la Hollande, qui allait être évacuée, ne le sera pas; que 30,000 hommes s'y rendront au premier armement de l'Angleterre, et qu'enfin le résultat de tout ceci sera que toute la population de l'Angleterre sera obligée de se mettre sous les armes pour défendre son pays.

Le général Duroc, étant nécessaire à Paris, restera le moins possible et pour maximum une semaine.

Si, ce qu'on ne prévoit pas, le roi de Prusse, ou son premier ministre, faisait des objections pour l'occupation du Hanovre, dire : "Si vous êtes bon pour protéger le Hanovre, Vous pouvez exiger aussi l'évacuation de Malte".

Si le roi, ou son ministre, demande si le Gouvernement français voit avec peine qu'il communique un peu de tout ceci au Gouvernement anglais, on dira qu'on s'en rapporte à Sa Majesté pour faire ce qu'elle jugera convenable, ou faire ce qu'elle voudra.

On aura soin de dire que la paix est le premier désir du Gouvernement français, mais qu'il préfère recommencer la guerre plutôt que de rien souffrir qui soit déshonorant. Ajouter cependant toujours qu'il est impossible que le Gouvernement britannique veuille, mais qu'il est tiraillé par différents partis; qu'en France il n'y a qu'un seul parti et une seule volonté.


Paris, 13 mars 1803

Au général Andreossy, ambassadeur de la république près de sa Majesté britannique

Le Premier Consul, Citoyen,, m'ordonne de vous faire connaître qu'il est nécessaire que vous expédiiez fréquemment des courriers, et que vous teniez le cabinet informé de tout ce qui se passe dans le pays où vous êtes, surtout de ce qui est relatif à la presse et au crédit public.

Votre langage doit être modéré, mais ferme. Nous n'avons point provoqué la guerre. Aux termes du traité, Malte doit être évacuée. Le Premier Consul n'a fait aucune communication à la nation et n'a pris aucune mesure militaire, parce qu'il attend demain le retour du courrier qui vous a été expédié vendredi. Si le cabinet britannique persiste dans ce système de menaces et d'armements, il faudra bien avoir recours au même système.

Le Premier Consul étant à la présentation des étrangers qui a eu lieu aujourd'hui chez madame Bonaparte, et ayant trouvé M. Withworth et M. de Markof, l'un à côté de l'autre, leur a dit ces propres paroles : "Nous nous sommes battus quinze ans; il paraît qu'il se forme un orage à Londres et qu'on veut se battre quinze autres années. Le roi d'Angleterre a dit dans son message que la France préparait des armements offensifs. Il a été trompé ; il n'y a dans les ports de France aucun armement considérable, étant tous partis pour Saint-Domingue. Il a dit qu'il existait des différents entre les deux cabinets; je n'en connais aucun. Il est vrai que l'Angleterre doit évacuer Malte; Sa Majesté s'y est engagée par les traités."

On peut tuer le peuple français, mais non l'intimider.

Dans la suite du cercle, s'étant trouvé seul près de M. de Markof, il lui a dit à demi-voix que la discussion était relative à Malte; que le ministère britannique veut la garder sept ans; qu'il ne faut pas signer des traités quand on ne peut point les exécuter.

A la fin du cercle, le ministre anglais s'étant trouvé près de la porte, il lui a dit : "Madame Dorset a passé la mauvaise saison à Paris; je fais des vœux bien ardents pour qu'elle y passe la bonne. Mais, si tant il est vrai que nous dussions faire la guerre, la responsabilité en sera tout entière, aux yeux de Dieu et des hommes à ceux qui nient leur propre signature et refusent d'exécuter traités. "

J'ai pensé qu'il était important que vous fussiez instruit de cette conversation, afin de pouvoir la communiquer, si jamais lord Withworth, dont il paraît que la correspondance n'est rien moins que sûre, l'eût rendue différemment.

Je vous prie de garder mon courrier moins de vingt-quatre heures et de le réexpédier avec la plus grande célérité.


Paris, 13 mars 1803

Au citoyen Barbé-Marbois, ministre du trésor public

J'ai vu, Citoyen Ministre, dans plusieurs états que vous m'avez envoyés, relatifs à l'exécution de la loi du 30 ventôse, qu'il n'est accordé que 4 millions de cinq pour cent, pour dépenses de l'an à la marine. Je vous avais demandé 6 millions pour cet exercice. Mais vous avez un crédit de 2,934,068 francs, qui n'est pas encore soldé, restant du crédit ouvert par des arrêtés de l'an X et de celui ouvert par l'arrêté du 5 brumaire au XI; vous ne devez donc demander du crédit que pour 3,075,932 francs, et il resterait à ce ministre un crédit de 2,924,168 francs.

J'ai demandé que 6,359,139 francs soient payés en cinq pour cent au ministre de la guerre ; mais le ministre de la guerre avait des crédits ouverts par les arrêtés des 19 messidor an IX, 3 brumaire, 9-6 frimaire et 17 nivôse an X, pour 2,101,294 francs, qui n'étaient pas consommés. Il faut commencer par consommer ces crédits. Il ne restera donc plus à le porter en crédit que pour 4,257,845 francs.

Avant d'arrêter ces dispositions, faites-moi connaître si elles sont exactes. Moyennant cela, il resterait disponible, pour le ministre de la guerre, 4,741,155 francs.

Quant aux rentes des années V, VI et VII, il me paraît qu'il n'y a rien à accorder, parce que la guerre et la marine ont des crédits bien plus considérables qu'il ne leur en faut. Au reste, il est nécessaire de bien s'entendre une fois pour toutes sur ces objets.


Paris, 13 mars 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Je vous prie, Citoyen Ministre, de me remettre une note sur cette question: Quel est le moyen, dans la position actuelle et le cas d'une guerre maritime, de faire le plus de mai possible au commerce anglais ?


Paris, 15 mars 1803

DÉCISION

Rapport sur le projet de rétablir la fête de Jeanne d'Arc. 

Renvoyé an ministre de l'intérieur, pour faire arrêter le règlement pour cette fête, et faire composer tous les hymnes.


 Paris, 15 mars 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner ordre au général commandant la 14e division militaires de se rendre aux îles Marcouf, d'y placer une bonne garnison, d'y faire mettre les batteries dans le meilleur état de défense, d'y disposer des grils à boulets rouges, d'approvisionner pour deux mois la garnison de ces îles, de nommer un bon officier d'artillerie pour y commander, et de laisser un bon officier du génie pour les travaux à faire.

Donnez ordre que Belle-Île reste palissadée; que le général commandant la 13e division militaire s'y rende pour en faire l'inspection et s'assurer que les magasins d'artillerie et de vivres soient approvisionnés, et que le fort est entre les mains d'un commandant brave ferme: s'il n'y a pas de vivres au moins pour trois mois, il prendra les mesures nécessaires pour l'approvisionner.


Paris, 15 mars 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Je Vous prie, Citoyen Ministre, d'envoyer un courrier extraordinaire porter l'ordre de suspendre le départ des deux bataillons de la 23e légère qui doivent s'embarquer à Saint-Florent. Ils continueront à former garnison dans la 23e division militaire.

Donnez ordre à Toulon d'armer avec la plus grande activité tous nos vaisseaux et frégates, et au général commandant la 23e division militaire de faire connaître exactement, et sur-le-champ, l'état des approvisionnements et armements de Porto-Ferrajo et de Porto Longone, soit en approvisionnements de bouche, soit de guerre; ordonnez qu 'ils soient mis dans le meilleur état de défense, et qu'il y tienne garnison. Faites-vous rendre compte si les bataillons de le 90e et de la 107e sont partis de Rochefort. Dans le cas opposé, donner l'ordre de faire partir les 600 hommes de la 90e pour la Martinique et un bataillon de la 107e de rester en garnison à l'île d'Aix. La saison étant trop avancée, ces bataillons n'arriveraient à Saint-Domingue qu'au mois de floréal, c'est-à-dire au milieu de la mauvaise saison au lieu qu'ils pourront s'acclimater à la Martinique.

Employez les moyens de transport destinés à embarquer la 93e légère et le bataillon de Rochefort et tout ce qui est à Marseille, Toulon, Gênes, etc., pour les dépôts coloniaux. Je désire que, jusqu'à nouvel ordre, vous ne vous serviez, pour les expéditions d'Amérique, d'aucun vaisseau de guerre ni frégate.


Paris, 16 mars 1803

Au général Hédouville, ambassadeur de la république à Saint-Pétersbourg

Général, dans les circonstances actuelles, je ne dois pas négliger de vous instruire des suites que peut avoir l'étrange provocation du Gouvernement britannique, dont je vous ai déjà entretenu par ma dépêche du 21, qui vous sera remise par le chef de brigade Colbert.

Le Premier Consul a été profondément affecté de voir qu'à la face de l'Europe on ait cherché à jeter des doutes sur sa bonne foi, et que, dans un acte public, le Gouvernement anglais ait exprimé le soupçon qu'au milieu de la paix le Premier Consul s'occupât d'une expédition de guerre. Cet outrage à sa loyauté est entré vivement dans son cœur, et dimanche dernier, au cercle de madame Bonaparte, il a saisi l'occasion d'exprimer sa juste indignation devant une assemblée faite pour donner de l'éclat à ses paroles. Je dois vous rendre un compte exact de ce qui a été dit par le Premier Consul, afin qu'on n'en fasse pas à Pétersbourg un rapport peu fidèle.

Le Premier Consul passant auprès de lord Withworth, qui se trouvait à côté de M. de Markof, lui a dit ces propres mots :

"Nous nous sommes battus quinze ans; il paraîtrait qu'il se forme un orage à Londres; est-ce que le roi d'Angleterre veut que nous nous battions encore quinze autres années ? Dans son message, le roi a dit que la France préparait des expéditions offensives. Il a été trompé par les comptes qui lui ont été rendus, car il n'y a pas, dans les ports de France, un seul bâtiment armé. Le seul armement qui se fasse aujourd'hui est dans les ports de Hollande, et tout le
 monde sait depuis quatre mois qu'il est destiné pour la Louisiane. Tous les bâtiments français dont nous pouvions faire quelque usage ont -été expédiés pour Saint-Domingue.

Le roi d'Angleterre a dit qu'il existait des différends entre les deux cabinets: je n'en connais aucun. Il est bien vrai que le traité d'Amiens n'est pas encore totalement exécuté, mais ce serait faire injure à la loyauté anglaise que de croire que, parce que les évacuations n'ont pas été faites au terme de trois mois stipulé par le traité, elle croit avoir acquis le droit de ne les plus faire.

Aurait-on eu l'intention, par un armement, d'effrayer le peuple français ? On peut le tuer, mais l'intimider, jamais. "


  Quelques moments après, le Premier Consul revenant près de M. de Markof, et seul près de lui, lui a dit à demi-voix " que la discussion était relative à Malte; que le ministère britannique voulait garder cette île pendant sept ans; qu'il ne fallait pas signer les traités quand on ne voulait pas les exécuter."

A la fin du cercle, lord Withworth s'étant trouvé près de la porte, le Premier Consul lui a dit : "Madame la duchesse de Dorset a passé la mauvaise saison à Paris, je fais des vœux ardents pour qu'elle y passe la bonne ; mais, s'il est vrai que nous devions faire la guerre, la responsabilité en sera tout entière, aux yeux de Dieu et des hommes, à ceux qui nient leur propre signature et qui refusent d'exécuter les traités."

Telle a été, mot pour mot, la conversation du Premier Consul et du reste je dois vous dire que, nonobstant ce que je vous ai mandé dans ma première, il n'y a pas encore une demi-brigade qui se soit mise en mouvement. Le Premier Consul attend une réponse de Londres, et il ne veut pas douter qu'elle ne soit telle que toute chose rentre dans l'ordre.

Je vous répète que toute démarche de la cour de Russie qui pour objet d'amortir cette chaleur et de consolider le repos de l'Europe sera agréable au Premier Consul.

Le Premier Consul est décidé à ne rien épargner pour consolider la paix; mais il y a des choses qu'on ne peut pas faire, parce qu'elles répugnent à l'honneur, et de ce nombre serait une transaction par rapport à Malte, et qui laisserait cette place pour un temps quelconque aux mains de l'Angleterre.

Nous venons de proposer à M. de Markof un arrangement relatif au roi de Sardaigne; et, pour une prompte conclusion, au lieu du Siennois, qui exige une négociation préparatoire avec la cour d'Espagne, nous avons offert de lui procurer l'État de Lucques, Massa Carrara et les deux bailliages ou enclaves toscanes qui se lient à Massa-Carrara, en y ajoutant la partie qui sépare l'État de Lucques de ces deux bailliages. Cette partie peu considérable appartient à la République italienne et était une dépendance de Modène. Le tout forme 50,000 hommes de plus que le Siennois et les Présides, l'État est plus complet, les établissements plus préparés et le pays meilleur.

M. de Markof a écrit dans ce sens au roi de Sardaigne, et a demandé sa renonciation, sans laquelle le Premier Consul ne veut rien faire.


Paris, 16 mars 1803

Au citoyen Mollien, directeur de la caisse d'amortissement

Vous trouverez ci-joint, Citoyen, l'état des sommes existantes dans la caisse des invalides de la marine. Je donne ordre au ministre de la marine de vous les verser, dans le jour, à la caisse d'amortissement. Vous pouvez acheter, encore aujourd'hui, des rentes jusqu'à la somme de 9 millions, s'il est nécessaire. Vous recevrez, savoir : 1,476,813 francs sur la caisse des invalides de la marine, et 500,000 francs que je vous ferai verser dans la journée de demain pour un compte particulier. Vous pouvez vous rendre, dans le jour, chez le trésorier de la caisse des invalides de la marine, qui vous fera verser ces fonds.


Paris, 17 mars 1803

DÉCISION.

Projet de règlement pour la deuxième classe de l'institut (langue et littérature française)

J'approuve ledit règlement; mais je vois avec peine qu'il n'est pas question de quelle manière la compagnie doit se conduire pour remplir son principal but : la confection du dictionnaire et la critique des ouvrages connus de littérature, d'histoire et de sciences. Je désire que le ministre de l'intérieur fasse connaître à la compagnie l'approbation donnée au présent, et qu'il m'en présente un supplémentaire pour remplir le but ci-dessus indiqué.


Paris, 18 mars 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire connaître au général Ney qu'il est autorisé à se concerter avec le landamman d'Affry, pour prendre à notre solde les troupes suisses que ce magistrat présume que les cantons ne conserveraient pas. Il fera partir sur-le-champ ces troupes par Auxonne, hormis 600 hommes qu'il dirigera sur Milan.

Donnez ordre à la demi-brigade suisse qui est à Besançon de compléter son troisième bataillon à 600 hommes et de le diriger sur Dijon; vous donnerez l'ordre au général commandant la 18e division militaire de lui donner deux jours de séjour à son arrivée dans cette ville et de le faire partir pour Orléans. Vous me préviendrez du jour où il arrivera à Orléans. Ce bataillon partira de Besançon le 15 germinal.


Paris, 18 mars 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Il y avait, Citoyen Ministre, au dépôt colonial du Havre, 950 hommes au 21 ventôse; au dépôt de Nantes, 423 hommes au 20 ventôse; à celui de l'île de Ré, au 15 ventôse, 477 hommes; celui de Bordeaux, le 17 ventôse, 204 hommes; à Marseille, le 15 ventôse, 449 hommes, et à Dunkerque, 244 hommes; en tout : 2,747 hommes. Quand peut-on espérer que ces hommes seront embarqués ? Vous sentez combien il est essentiel de forcer les moyens d'embarquement pour envoyer ces hommes à leur destination.


Paris, 18 mars 1803

Au citoyen Barbé-Marbois, ministre du trésor public

On me rend compte, Citoyen Ministre, que le payeur de la marine à Brest a 500,000 francs en caisse, destinés aux services des années IX, X et XI, les particuliers auxquels ces fonds appartiennent ne s'étant pas présentés pour les toucher. Il serait nécessaire d'avoir un rapport sur cet objet, car c'est une chose bien funeste que cette stagnation de fonds.


Saint-Cloud, 22 mars 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je désire, Citoyen Ministre, que vous me remettiez jeudi trois projets de parcs d'artillerie: 1° d'un équipage d'artillerie de campagne, composé de 24 bouches à feu, à réunir à Breda; 2° d'un équipage de 18 bouches à feu, à réunir à Bologne, en Italie; 3° d'un équipage de 12 bouches à feu, à réunir à Bayonne.

Vous ferez connaître, dans un état, les lieux d'où l'on tirera les pièces, le moyen qu'on prendra pour se procurer des chevaux, combien de temps il faudra pour que ces équipages soient prêts à partir des parcs. Vous y joindrez la proposition des officiers qui devront commander ces différents parcs.

Il est nécessaire que vous teniez ces dispositions secrètes; elles pourront seulement être confiées au premier inspecteur d'artillerie.


Paris, 23 mars 1803

DÉCISION

Le ministre de la guerre rend compte des rixes qui ont eu lieu, pendant de carnaval, entre des militaires de la 6e demi-brigade et des habitants de Grenoble. L'animosité restée dans les esprits pourrait produire de nouveaux désordres.

Renvoyé au ministre de la guerre, pour faire connaître au général et au préfet que mon intention n'est pas de changer la demi-brigade; que les soldats et les habitants qui se comporteraient mal doivent être punis; que je regarde comme un mauvais système de changer des troupes pour des rixes; que la justice doit être ferme et personnelle, mais ne jamais atteindre directement ni indirectement un corps entier.


Malmaison, 23 mars 1803

Au Ministre des relations extérieures

Je vous envoie, Citoyen Ministre, une lettre qu'il est bon que vous lisiez. Je désire que dans le même style et par le même canal, vous fassiez sentir combien la conduite de M. de Markoff est fautive, puisque l'individu qu'il réclamait était dans ces affaires qui sont suivies depuis longtemps, et que d'Antraigues et Veragues ne tendent qu'au même but; qu'il n'est pas digne de l'Empereur, après avoir reconnu un Gouvernement vivant en bonne intelligence avec lui, et après avoir donné même des marques d'estime au Chef, d'accréditer dans des pays étrangers des hommes qui abusent de ce caractère à ce point; que cela ne veut pas dire que S.M.  n'est pas le maître d'employer dans ses États comme il l'entend des individus quels qu'ils soient.

Je vous renvoie vos deux notes, je ne vois pas d'inconvénient à faire mettre dans le Moniteur la lettre de M. d'Edelstein.

Lettres à Talleyrand


Paris, 24 mars 1803

Au Citoyen Talleyrand

Vous trouverez ci-joint les dépêches que je reçois par un courrier que j'avais expédié à Joseph.

La France a toujours refuse au Stadhouder le titre de prince d'Orange; nous ne pouvons donc pas divaguer à cet ancien usage.

De tous les articles de la Porte le plus convenable c'est la troisième rédaction. Si cependant il était possible  il faudrait supprimer les deux dernières lignes qui commencent par elle est invitée etc.

Quant à l'article 16, je ne comprends pas bien ce qu'il veut dire. Mais il est indispensable que le mot Noblessen'entre pas dans la rédaction. Il doit mettre au Protocole que le soussigné entend par la cession de la langue française qu'aucun individu de cette langue ne pourra être appuyé par les autres langues ni jamais faire partie de l'ordre. Cela mis au Protocole suffira.

Quant aux Barbaresques, il faut faire sentir, en mettant au Protocole, ou ce qui est la même chose, par une note, combien il est inconvenant que l'Ordre de Malte, institué pour faire la guerre aux barbaresques, les reçoivent dans des ports où ils ravagent les états même du Pape. Comment le Portugal, qui est constamment en guerre avec les Barbaresques pourra souffrir que les vaisseaux marchands sortant du port de Malte soient capturés par les Barbaresques; que cela bouleverse toutes les idées et s'éloigne de la nature des choses; que le mezzo termine serait de ne pas parler des Barbaresques; que si le plénipotentiaire anglais n'a en vue que Gênes, j'obligerai bien quand il me plaira les Barbaresques à respecter le pavillon génois.

Du reste après avoir tenu bon et surtout pris acte de la présentation de la Note ou de l'insertion du Protocole, le plénipotentiaire francais est autorisé à passer outre et ne retardera pas d'une heure la signature du Traité pour cet article : il me suffira seulement de constater que ce sont les Anglais qui ont voulu cette absurde injustice.

Ainsi, le plénipotentiaire français est autorisé à signer en ôtant le mot noble à la rédaction de l'article Malte. Le mot prince d'Orange que nous ne pouvons pas reconnaître; en prenant la 3e rédaction de la Turquie et en présentant deux Notes, l'une relative aux Émigrés Chevaliers de Malte, l'autre relative aux Barbaresques.

Lettres à Talleyrand


DÉCISION

Bayer, aumônier du grand-maître de Malte, n'ayant aucune ressource, se recommande à la bienveillance du Premier Consul.

Le citoyen Estève remettra au pétitionnaire une somme de 1000 francs.


Paris, 24 mars 1803

DÉCISION

Rapport du citoyen Portalis sur les fonds mis à la disposition des évêques par les conseils généraux des départements. 

Renvoyé au ministre de l'intérieur , invité à présenter dans un rapport qui fasse connaître les départements qui ont voté des sommes en supplément de traitement pour les évêques, vicaires généraux , chanoines ou curés, les sommes qui ont été votées, et les mesures qui ont été prises pour en assurer le payement.


Paris, 24 mars 1803

DÉCISION

Rapport du citoyen Portalis sur des demandes de cloches par différentes communes du département de la Vendée.

Il faudrait s'arranger de manière que chaque commune eût une cloche.


Paris, 24 mars 1803

DÉCISION

Ritter, ancien membre de la Législative, n'ayant point encore l'emploi de conservateur forestier pour lequel le premier Consul l'avait recommandé au citoyen Duchâtel, le prie de l'utiliser le plus tôt possible.

Le citoyen Estève lui payera 9 000 francs, en attendant qu'il soit placé.


Paris, 24 mars 1803

DÉCISION

Le citoyen Robertson prie le Premier Consul de s'intéresser à une maison d'éducation écossaise à Ratisbonne, et de prévenir la suppression de cet établissement. 

Le ministre des relations extérieures fera connaître à Ratisbonne que je m'intéresse à cette maison et que je désire qu'on lui laisse les biens qui lui sont affectés, afin que les catholiques écossais puissent avoir un moyen de s'instruire.


Paris, 24 mars 1803

DÉCISION


Le général Montchoisy demande qu'il soit attaché à l'expédition des îles de France et de la Réunion une demi-compagnie d'ouvriers d'artillerie et une demi-compagnie de sapeurs. Le ministre pense, qu'une seule de ces compagnies suffirait.

Il est inutile d'envoyer des sapeurs, puisque les nègres peuvent  en tenir lieu ; quant aux ouvriers je pense qu'il ne faut point prendre de la marine  nos ouvriers d'artillerie, mais former une compagnie d'ouvriers quelconques.


Paris, 24 mars 1803

DÉCISION

Le générai Belliard rend compte de la formation de corps de volontaires dans la Belgique et demande quelle organisation il doit donner à ces compagnies.

Renvoyé au ministre de la guerre, pour lui faire connaître  qu'il est convenable qu'il laisse faire les municipalités et n'y porte aucune espèce d'attention.


Paris, 25 mars 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Il est possible, Citoyen Ministre, que, dans le courant de floréal, j'aille parcourir les 16e, 24e, 25e et 26e divisions militaires; je désire qu'il soit donné des ordres particuliers pour que les corps puissent m'être présentés dans la meilleure tenue.

Il est convenable que vous vous fassiez rendre compte de tout ce qui pourrait être dû, pour l'arriéré, à chacun des corps en garnison dans ces quatre divisions, et que vous écriviez aux conseils d'administration pour connaître pourquoi on ne les paye pas, vu que vous avez des fonds à votre disposition pour les payer, et qu'en attendant vous leur fassiez passer de forts à-compte; que vous donniez les ordres nécessaires, en même temps, pour leur faire envoyer l'habillement de l'an XI, et pour que, préférablement à tout autre corps, ils soient au courant pour leurs masses de l'an XI, ainsi que pour leur  solde et leurs différents décomptes de chauffage.

Je désirerais savoir s'il y a des tentes et autres objets nécessaires pour faire un camp dans chacune de ces quatre divisions, et, dans ce cas, quel serait le local le plus convenable avec la saison, où aurait l'espace de faire manœuvrer une vingtaine de bataillons, et enfin les dépenses qu'occasionneraient ces quatre camps.

Vous ferez prévenir que je demanderai spécialement à voir tous les conscrits. Il est convenable qu'ils soient tous habillés et assez instruits pour être dans l'école de peloton.


Paris, 4 germinal au XI (25 mars 1803

Au général Berthier

Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner ordre que les différents généraux des divisions réunissent, pendant les mois de floréal, prairial, messidor, thermidor et fructidor, tous les détachement que pourraient avoir les différents régiments; quand le local le permettra, la demi-brigade entière ou tous les escadrons de cavalerie s réunis; et, dans les petites places, il y aura au moins un bâtiment ou deux escadrons.

Sous aucun prétexte, il ne sera fourni ni ordonnance, ni détachement, quelques réclamations que puissent faire les autorités locales. On n'exceptera de cette règle que les détachements d'éclaireurs qui sont envoyés sur les frontières pour empêcher la contrebande.

Recommandez aux généraux des divisions de veiller à ce que l'on travaille à l'instruction, et qu'il y ait de l'ensemble dans les mouvements; à ce que les conscrits soient sur-le-champ habillés, au moins en vestes, et qu'aux manœuvres d'automne ils soient tous à l'école de bataillon, et puissent dès cette année faire l'exercice à feu.

Recommandez également que les régiments qui sont à portée de l'eau dressent leurs chevaux à passer les rivières ; que tous les régiments de dragons fassent l'exercice à pied, quand même- ils n'auraient pas de fusils, et qu'on leur en distribue une cinquantaine pour commencer leur première instruction.

Quant à l'artillerie, je pense que le premier inspecteur aura donné les instructions nécessaires pour que le service en soit suivi avec la plus grande activité. Mon intention est que, dans chaque régiment d'artillerie à cheval, on tienne note des canonniers pointeurs qui auront abattu le plus de blancs ; qu'on tienne également compte des bombardiers qui auront mis le plus de bombes dans le cercle, et de ceux qui auront tiré le mieux l'obus. 

Chacun de ces régiments enverra, du 15 au 20 fructidor, ses dix meilleurs pointeurs à La Fère, où il sera préparé de grands exercices d'artillerie, consistant en tir de canons de siège, de campagne, sur leurs affûts, de batteries d'obusiers et de bombes, boulets rouges et toute autre espèce de tir, afin de savoir qui des huit régiments fournira le meilleur pointeur.

Vous me remettrez un projet d'instruction pour ces grands exercices, que mon intention est de tenir tous les ans. Il faut que les canons et bombes soient tirés à une grande distance.


Paris, 25 mars 1803

Au général Berthier

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire connaître au général Vandamme qu'il ait à réunir toute la 28e à Boulogne, la 8e à Ostende et Nieuport, et une autre demi-brigade à Calais.

Je désire également que vous donniez ordre à trois compagnies du 8e régiment d'artillerie de se rendre, l'une à Boulogne, l'autre à Calais, et la troisième à Dunkerque. Il est nécessaire que l'artillerie envoie sur cette côte tous les affûts et munitions nécessaires pour l'armer au premier ordre qui serait donné.

Tout cela doit s'exécuter sans précipitation et sans exciter d'alarme. On n'armera que lorsque l'ordre en sera donné.

Je vous prie de m'apporter, dimanche matin, l'état des pièces, affûts, approvisionnements et armements, nécessaires pour la défense de cette côte.


Paris, 25 mars 1803

Au général Berthier

Je vous prie, Citoyen Ministre, d'envoyer l'ordre au général Montrichard de réunir sur-le-champ à Flessingue toute la 95e demi-brigade, sous les ordres d'un général de brigade, pour défendre l'île Walcheren.

Donnez ordre à deux bataillons de la 76e et à deux bataillon de la 48e, portés au grand complet de paix et commandés par les chefs de brigade, de se rendre à Breda; vous donnerez le même ordre à trois escadrons du 2e de hussards et à trois escadrons du 11e dragons, également portés au complet de paix.

Vous ferez atteler et conduire dans le plus bref délai à Breda douze pièces d'artillerie, dont six pièces d'artillerie légère et six d'artillerie à pied.

Donnez ordre au général Frère de partir sous quarante-huit heures pour Breda, où il servira dans ce corps d'armée.

Donnez ordre au général Dulauloy de s'y rendre également, pour commander l'artillerie.

Vous nommerez un chef de brigade du génie, deux capitaines et quatre lieutenants, pour compléter l'état-major de ce corps; un commissaire ordonnateur sera désigné pour y servir.

Ce corps, étant destiné à défendre le territoire hollandais, sera payé et soldé par la République batave.

Recommandez au général Montrichard de veiller sur toutes places fortes.


Paris, 26 mars 1803

Au général Berthier

Voulant admettre, Citoyen Ministre, des hommes de tous les points de la République à compléter la garde du Gouvernement, je désire que chaque arrondissement communal fournisse deux hommes pour les grenadiers à pied et deux hommes pour les chasseurs à pied; les grenadiers devront avoir la taille nécessaire.

Ils devront avoir fait la guerre, avoir leur congé en bonne forme être âgés de moins de trente ans et être bien famés dans leur département.

Les préfets se feront présenter les candidats par les sous-préfets, et les généraux de division, par les généraux commandant les départements. Les listes devront vous être adressées, avec des notes, avant le 15 floréal. Ce sera sur cette double présentation qu'on choisira.

Invitez aussi le général Moncey à écrire aux commandants de gendarmerie d'envoyer des notes sur les individus qui seraient présentés par les préfets et les généraux, sans les communiquer à ces derniers.


Paris, 27 mars 1803

DÉCISION

Richelieu, rayé de la liste des émigrés, sollicite la permission de reste, au service de la Russie.

Renvoyé au grand juge, pour lui faire expédier ses lettres de  permission de rester au service de la Russie, et de faire expédier le séquestre sur tous ses biens.


Paris, 29 mars 1803

NOTE POUR LE MINISTRE DES FINANCES

Le compte du ministre de l'intérieur me paraît renfermer une erreur.

Il y est dit que son crédit pour le service ordinaire est de 14 millions de francs, pour le service extraordinaire de 16 millions, et pour les dépenses imprévues de 10 millions. Ce n'est pas 10 millions qui lui sont accordés pour les dépenses imprévues, mais 7,570,000 fr., et alors il faudrait effacer la somme de 2,782,985 francs qui est au résumé.

Il faudrait ajouter une note qui fit connaître combien a coûté l'opération des blés, afin qu'on ne trouve pas qu'il y a des dépenses qu'on ait voulu déguiser.

Dans le compte du ministre des relations extérieures, de l'an VII, le chapitre de 2,953 francs, pour secours à des Cisalpins réfugiés, est à supprimer comme faux. Les Italiens réfugiés ont coûté plusieurs millions.


Paris, 30 mars 1803

Au citoyen Lacuée, aide de camp du Premier Consul

Vous vous rendrez à Breda, de là à Berg-op-Zoom, de Berg-op-Zoom à Flessingue, de Flessingue à Helvoet-sluys.

Vous vous arrêterez à Rotterdam, à Amsterdam, au Texel. Vous irez à Emden à l'embouchure de l'Ems, à Bremen à l'embouchure du Weser.

Vous irez à Hanovre, Osnabrück, Nimègue. Vous continuerez voir les autres places de la Hollande bordant nos frontières, et vous vous en reviendrez à Paris.

Vous aurez soin, à Breda et à Berg-op-Zoom, d'observer tout ce qui a rapport à l'artillerie, aux munitions de guerre, à la garnison hollandaise, au nombre et à l'esprit de la population, à la garnison française et aux officiers qui y commandent.

Vous verrez si le corps qui se réunit à Breda, sous les ordres du général Montrichard, est habillé et équipé convenablement. Vous écrirez de Breda et de Berk-op-Zoom ce qui aura été l'objet de vos observations.

Vous devez trouver la 95e réunie à Flessingue; vous observer son esprit, l'état de son armement et de son équipement; quel est l'officier qui commande dans cette place; quelles sont les troupes bataves qui s'y trouvent; quel est l'esprit de la population; le siège qu'on pourrait y soutenir, et en général ce qui peut intéresser sur le point de vue des forces de terre et d'utilité maritime; ce qu'il faudrait faire pour, sans secousse, la mettre entièrement à la disposition de la France.

Vous m'enverrez également votre rapport de Flessingue, et parcourrez les différents points importants de l'île de Walcheren. Les différents points où les Anglais pourraient débarquer, la position l'île, l'esprit des habitants, et les moyens de la reprendre si jamais les ennemis s'en emparaient, fixeront également votre attention..

De là vous irez à Helvoet-sluiys; vous verrez la situation de notre expédition, la force des corps embarqués, enfin sa situation sous tous les points de vue. Vous n'oublierez pas tout ce qui peut intéresser sous le rapport de la défense de terre, de la garnison hollandaise et des moyens maritimes qu'on pourrait trouver dans ces ports. Vous porterez la même attention sur tous les objets, de manière que l'ensemble de votre rapport me donne des notions précises sur l'approvisionnement des arsenaux et le nombre des bâtiments de toute espèce armés ou capables d'être armés, y compris les chaloupes et bateaux canonniers.

Prenez des renseignements sur la force positive actuelle de l'armée hollandaise et sur son esprit. Vous verrez en Hanovre le nombre de troupes qui y est, les obstacles qu'on pourrait opposer à une invasion.

Vous établirez également le nombre de journées de marche qu'il faudrait pour se rendre à Breda, Osnabrück et Hanovre, et prendrez la note des Petits princes d'Empire sur les terres desquels il faudrait passer. Vous porterez avec vous le résultat de vos observations en Hanovre. Les rapports de Breda, Flessingue, Berg-op-Zoom, seront envoyés à la première poste française par un de vos gens.

Vous remettrez les rapports des autres points à l'ambassadeur de la République, pour les faire passer par les courriers qui s'envoient fréquemment, mais de manière qu'ils ne soient point interceptés par les Hollandais, qui ont l'habitude de lire tout ce qui passe aux postes.

Vous ne vous arrêterez que le temps nécessaire pour faire vos observations.


Paris, 31mars 1803

Au général Berthier, ministre de la guerre

Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner ordre au général de brigade Monnet de se rendre à Flessingue, pour y prendre le commandement de cette ville et de l'île de Walcheren. Il aura sous ses ordres toute la 95e, deux compagnies d'artillerie que vous lui enverrez, et trois escadrons du 19e dragons, ainsi que les deux premiers bataillons, au complet de paix, de la 8e demi-brigade de ligne.

Vous donnerez à un chef de bataillon du génie et à deux lieutenants, à un chef de bataillon d'artillerie et à un officier en résidence, l'ordre de se rendre dans cette place, que mon intention est d'armer et de mettre en état de guerre.

Donnez ordre que deux escadrons du 19e dragons se rendent, au reçu de votre ordre, à marches forcées, à Flessingue; l'autre s'y rendra à marche ordinaire. Donnez ordre à la 8e, qui est à Ostende et à Bruges, de compléter ses deux premiers bataillons au grand pied de paix, et de les faire partir pour Flessingue.

Donnez ordre au général Belliard de faire armer la batterie vis-à-vis de Flessingue et qui défend l'entrée de l'Escaut, et d'y placer un détachement d'infanterie et un du 13e dragons.

Le général Monnet partira dans la journée pour Flessingue. Il attendra l'arrivée des deux bataillons de la 8e de ligne, et fera immédiatement publier l'arrêté qui met cette place en état de siége.

Il fera procéder au réarmement de la place en artillerie de terre et de mer. Ses instructions seront de s'emparer de toute l'autorité et de ne souffrir que ni le commandant hollandais, ni toute autre autorité s'y immisce en rien, devant se fonder sur la mise en état de siège.

Il correspondra, tous les jours, avec vous, pour vous rendre compte de ce qu'il aura fait dans la journée pour l'armement de cette place et des obstacles qu'il rencontrerait.

Cette place étant commune à la France et à la Hollande, l'intention du Gouvernement est que tout s'y fasse spécialement au nom de le France. Il ne doit y laisser, en troupes bataves, que tout au plus 5 ou 600 hommes; du reste, traiter les habitants et les troupes bataves avec les plus grands égards; s'étudier à faire des honnêtetés aux officiers, afin qu'ils marchent dans notre sens ; leur parler fréquemment de la conduite des Anglais au Cap.

Il lui sera accordé un traitement extraordinaire de 6,000 frs par mois, pour qu'il soit dans le cas de traiter les principaux habitants et les officiers des troupes des deux nations.

Il doit prendre toutes les mesures pour l'approvisionnement de la place.

En cas d'événement extraordinaire, il correspondra avec le général Montrichard, à Breda, avec le citoyen Semonville, ambassadeur à la Haye, et avec le général commandant la 24e division militaire; mais, pour l'objet principal de sa mission, il ne doit prendre ordres que de vous. Il doit répondre de la place spécialement de l'île de Walcheren.

Assurez-vous que les officiers d'artillerie et du génie sont partis dans la journée.


Paris, 31 mars 1803

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Il paraît, Citoyen Ministre, que nos besoins les plus pressants et les plus difficiles à satisfaire sont des avirons et des mâts pour la flottille. On m'assure que la forêt de pins de Rouvray, près Rouen pourrait nous en fournir. On l'exploite en ce moment. il faut prendre des mesures pour se procurer ces bois, avant qu'on sût besoin qu'on pourrait en avoir.

Il paraît que des étuves et machines à plier les bois d'orme seront nécessaires pour la construction des chaloupes et des bateaux canonniers. On m'assure que le citoyen Danet, d'Anvers, pourrait en procurer cinq ou six, pour envoyer dans les ports de la Manche, et par la suite dans nos grands ports.

1° Je désire que vous fassiez faire, avec le moins de frais possible, l'armement des dogres, heux, spricks, bélandres de la Belgique, que mon intention est de réunir sur l'Escaut.
On pourrait prendre des renseignements sur le nombre que la Batavie pourrait fournir.
2° Il faudrait voir quel est le nombre de corvettes de pêche de Dunkerque et autres bateaux de même genre, qu'on pourrait réunir dans ce port; ce qui formerait un second rassemblement;
3° Le nombre de chaloupes canonnières, de bateaux canonniers, de petits bateaux de pêche et de cutters, qu'on pourrait se procurer pour réunir à Boulogne ;
4° Le nombre de bateaux destinés à la pêche de Granville, Saint-Malo et autres ports de la Manche, qu'on pourrait réunir à Cherbourg;
5° Le nombre de gros bateaux, de tous les ports, qu'on pourrait se procurer à Brest, capables de naviguer avec nos vaisseaux;
6° Le nombre de bâtiments qu'on pourrait se procurer à Bordeaux, pour Rochefort, et capables de naviguer avec nos vaisseaux.

Ces six-expéditions seraient destinées à concourir au même but. Le rassemblement, qui serait fait dans l'Escaut pourrait être protégé par une escadre hollandaise qu'on pourrait réunir dans l'Escaut.

Les rassemblements qui seraient faits à Boulogne et à Cherbourg pourraient être protégés par une escadre de trois ou quatre vaisseaux de ligne français.

Je vous prie de me faire un rapport sur ces projets. Vous pouvez consulter le citoyen Forfait, qui a déjà fait un travail sur cet objet. Présentez-moi également la nomination des officiers qui pourraient être chargés de ces six armements.

J'imagine que vous avez déjà donné des ordres pour réparer les flottilles à Dunkerque, au Havre et dans tous les ports où il y a de ces chaloupes.


Paris, 31 mars 1803

Au contre-amiral Decrès

Faites-moi connaître, Citoyen Ministre, le temps qu'il faut pour armer et envoyer à Flessingue quatre chaloupes canonnières, une petite corvette, de manière qu'on pût exercer une police sur l'entrée de l'Escaut et le port de Flessingue. Faites-moi connaître si vous avez des officiers et des commissaires de marine pour commander le port de Flessingue. Ces renseignements me sont nécessaires dans la journée.


Paris, 31 mars 1803

Au contre-amiral Decrès

Il faut faire armer sur-le-champ, Citoyen Ministre, les quatre canonnières qui sont à Brest, les trois canonnières qui sont à Rochefort, les six chaloupes canonnières qui sont à Lorient, les cinq canonnières et bateaux canonniers qui sont au Havre.