16 - 31 Janvier 1804


Paris, 16 janvier 1804

EXPOSÉ DE LA SITUATION DE LA RÉPUBLIQUE
MESSAGE AU SÉNAT CONSERVATEUR

La République a été forcée de changer d'attitude, mais elle n'a point changé de situation; elle conserve toujours, dans le sentiment de sa force, le gage de sa prospérité. Tout était calme dans l'intérieur de la France, lorsqu'au commencement de l'année dernière, nous entretenions encore l'espérance d'une paix durable. Tout est resté calme, depuis qu'une puissance jalouse a rallumé les torches de la guerre; mais, sous cette dernière époque, l'union des intérêts et sentiments s'est montrée plus pleine et plus entière; l'esprit public s'est développé avec plus d'énergie.

Dans les nouveaux départements que le Premier Consul a parcourus, il a entendu, comme dans les anciens, les accents d'une indignation vraiment française; il a reconnu, dans leur haine contre un gouvernement ennemi de notre prospérité, mieux encore que dans les élans de la joie publique et d'une affection personnelle, attachement à la patrie, leur dévouement à sa destinée.

Dans tous les départements, les ministres du culte ont usé de l'influence de la religion pour consacrer ce mouvement spontané des esprits. Des dépôts d'armes, que des rebelles fugitifs avaient confiés à la terre pour les reprendre dans un avenir que leur forgeait une coupable prévoyance, ont été révélés au premier signal du danger et livrés aux magistrats pour en arrner nos défenseurs.

Le Gouvernement britannique tentera de jeter, et peut-être il a déjà jeté sur nos côtes, quelques-uns de ces monstres qu'il a nourris pendant la paix, pour déchirer le sol qui les a vus naître; mais ils n'y retrouveront plus ces bandes impies qui furent les instruments de leurs premiers crimes; la terreur les a dissoutes ou la justice en a purgé nos contrées; ils n'y retrouveront ni cette crédulité dont ils abusèrent, ni ces haines dont ils aiguisèrent les poignards. L'expérience a éclairé tous les esprits; la sagesse des lois et de l'administration a réconcilié tous les cœurs.

Environnés partout de la force publique, partout atteints par les tribunaux, ces hommes affreux ne pourront désormais ni faire des rebelles, ni recommencer impunément leur métier de brigands et d'assassins.

Tout à l'heure une misérable tentative a été faite dans la Vendée: la conscription en était le prétexte; mais citoyens, prêtres, soldats, tout s'est ébranlé pour la défense commune; ceux qui, dans d'autres temps, furent des moteurs de troubles, sont venus offrir leurs bras à l'autorité publique, et, dans leurs personnes et dans leurs familles, des gages de leur foi et de leur dévouement.

Enfin, ce qui caractérise surtout la sécurité des citoyens, le retour des affections sociales, la bienfaisance se déploie tous les jours davantage; de tous côtés on offre des dons à l'infortune, et des fondations à des établissements utiles.

La guerre n'a point interrompu les pensées de la paix, et le Gouvernement a poursuivi avec constance tout ce qui tend à mettre la constitution dans les mœurs et dans le tempérament des citoyens, tout ce qui doit attacher à sa durée tous les intérêts et toutes les espérances.

Ainsi le Sénat a été placé à la hauteur où son institution l'appelait. Une dotation telle que la constitution l'avait déterminée l'entoure d'une grandeur imposante.

Le Corps législatif n'apparaîtra plus qu'environné de la majesté que réclament ses fonctions ; on ne le cherchera plus vainement hors de ses séances. Un président annuel sera le centre de ses mouvements, et l'organe de ses pensées et de ses vœux dans ses relations avec le Gouvernement. Ce corps aura enfin cette dignité qui ne pouvait exister avec des formes mobiles et indéterminées.

Les collèges électoraux se sont tenus partout avec ce calme, avec cette sagesse qui garantissent les heureux choix.

La Légion d'honneur existe dans les parties supérieures de son organisation et dans une partie des éléments qui doivent la composer. Ces éléments, encore égaux, attendent d'un dernier choix leurs fonctions et leurs places. Combien de traits honorables ont révélé l'ambition d'y être admis ! Que de trésors la République aura dans cette institution pour encourager, pour récompenser les services et les vertus!

Au Conseil d'État, une autre institution prépare au choix du Gouvernement des hommes pour toutes les branches supérieures de l'administration : des auditeurs s'y forment dans l'atelier des règlements et des lois; ils s'y pénètrent des principes et des maximes de l'ordre public. Toujours environnés de témoins et de juges, souvent sous les yeux du Gouvernement, souvent dans des missions importantes, ils arriveront aux fonctions publiques avec la maturité de l'expérience et avec la garantie que donnent un caractère, une conduite et des connaissances éprouvés.

Des lycées, des écoles secondaires s'élèvent de tous côtés, et ne s'élèvent pas encore assez rapidement au gré de l'impatience des citoyens. Des règlements communs, une discipline commune, un même système d'instruction y vont former des générations qui soutiendront la gloire de la France par des talents, et ses institutions par des principes et des vertus.

Un prytanée unique, le prytanée de Saint-Cyr, reçoit les enfants des citoyens qui sont morts pour la patrie; déjà l'éducation y respire l'enthousiasme militaire.

A Fontainebleau, l'école spéciale militaire compte plusieurs centaines de soldats qu'on ploie à la discipline, qu'on endurcit à la fatigue, qui acquièrent, avec les habitudes du métier, les connaissances de l'art.

L'école de Compiègne offre l'aspect d'une vaste manufacture, où cinq cents jeunes gens passent de l'étude dans les ateliers, des ateliers à l'étude. Après quelques mois ils exécutent, avec la précision de l'intelligence, des ouvrages qu'on n'en aurait pas obtenus après des années d'un vulgaire apprentissage; et bientôt le commerce et l'industrie jouiront de leur travail et des soins du Gouvernement.

Le génie, l'artillerie n'ont plus qu'une même école et une institution commune.

La médecine est partout soumise au nouveau régime que la loi lui a prescrit. Dans une réforme salutaire, on a trouvé les moyens de simplifier la dépense et d'ajouter à l'instruction.

L'exercice de la pharmacie a été mis sous la garde des lumière et de la probité.

Un règlement a placé, entre le maître et l'ouvrier, des juges qu terminent leurs différends avec la célérité qu'exigent leurs intérêts et leurs besoins, et aussi avec l'impartialité que commande la justice. Le code civil s'achève; et, dans cette session, pourront être soumis aux délibérations du Corps législatif les derniers projets de lois qui en complètent l'ensemble.

Le code judiciaire, appelé par tous les vœux, subit en ce moment des discussions qui le conduiront à sa maturité.

Le code criminel avance ; et, du code de commerce, les parties que paraissent réclamer le plus impérieusement les circonstances sont en état de recevoir le sceau de la loi dans la session prochaine.

De nouveaux chefs-d'œuvre sont venus embellir nos musées ; et, tandis que le reste de l'Europe envie nos richesses, nos jeunes artistes vont encore, au sein de l'Iltalie, échauffer leur génie à la vue de ses grands monuments, et respirer l'enthousiasme qui les a enfantés.

Dans le département de Marengo, sous les murs de cette Alexandrie qui sera un des plus puissants boulevards de la France, s'est formé le premier camp de nos vétérans ; là, ils conserveront le souvenir de leurs exploits et l'orgueil de leurs victoires ; ils inspireront leurs nouveaux concitoyens l'amour et le respect de cette patrie qu'ils ont agrandie, et qui les a récompensés; ils laisseront dans leurs enfants des héritiers de leur courage, et de nouveaux défenseurs de cette patrie dont ils recueilleront les bienfaits.

Dans l'ancien territoire de la République, dans la Belgique, d'antiques fortifications, qui n'étaient plus que d'inutiles monuments des malheurs de nos pères ou des accroissements progressifs de la France, seront démolies. Les terrains qui avaient été sacrifiés à leur défense seront rendus à la culture et au commerce; et, avec les fonds que produiront ces démolitions et ces terrains , seront construites de nouvelles forteresses sur nos nouvelles frontières.

Sous un meilleur système d'adjudication , la taxe d'entretien des routes a pris de nouveaux accroissements : des fermiers d'une année étaient sans émulation ; des fermiers de portions trop morcelée étaient sans fortune et sans garantie. Des adjudications triennales, des adjudications de plusieurs barrières à la fois, ont appelé des concurrents plus nombreux, plus riches et plus hardis.

Le droit de barrière a produit, en l'an XI, quinze millions; dix de plus ont été consacrés dans la même année à l'entretien et au perfectionnement des routes.

Les routes anciennes ont été entretenues et réparées ; d'autres routes ont été liées à d'autres routes par des constructions nouvelles. Dès cette année, les voitures franchissent le Simplon et le mont Cenis.

On rétablit au pont de Tours trois arches écroulées.

De nouveaux ponts sont en construction à Corbeil, à Roanne, à Nemours ; sur l'Isère, sur le Roubion, sur la Durance, sur le Rhin.

Avignon et Villeneuve communiqueront par un pont entrepris par une association particulière.

Trois ponts avaient été commencés à Paris, avec des fonds que des citoyens avaient fournis : deux ont été achevés en partie avec les fonds publics, et les droits qui s'y perçoivent assurent, dans un nombre déterminé d'années, l'intérêt et le remboursement des avances.

Un troisième, le plus intéressant de tous (celui du Jardin des Plantes), est en construction et sera bientôt terminé. Il dégagera l'intérieur de Paris d'une circulation embarrassante, se liera avec une place superbe, depuis longtemps décrétée, qu'embelliront les plantations et les eaux de la rivière l'Ourcq, et sur laquelle aboutiront, en ligne droite, la rue Saint-Antoine et celle de son faubourg.

Le pont seul formera l'objet d'une dépense que couvriront rapidement les droits qui y seront perçus. La place et tous ses accessoires ne coûteront à l'État que l'emplacement et les ruines sur lesquelles elle doit s'élever.

Les travaux du canal Saint-Quentin s'opèrent sur quatre points à la fois. Déjà une galerie souterraine est percée dans une étendue de mille mètres; deux écluses sont terminées, huit autres s'avancent, d'autres sortent des fondations; et cette vaste entreprise offrira, dans quelques années, une navigation complète.

Les canaux d'Arles, d'Aigues-Mortes, de la Saône et de l'Yonne, celui qui unira le Rhône au Rhin, celui qui, par le Blavet, doit porter la navigation au centre de l'ancienne Bretagne, sont tous commencés, et tous seront achevés dans un temps proportionné aux travaux qu'ils exigent.

Le canal qui doit joindre l'Escaut, la Meuse et le Rhin, n'est déjà plus dans la seule pensée du gouvernement; des reconnaissances ont été faites sur le terrain ; des fonds sont déjà prévus pour l'exécution d'une entreprise qui nous ouvrira l'Allemagne, et rendra notre commerce et à notre industrie des parties de notre propre territoire que leur situation livrait à l'industrie et au commerce des étrangers.

La jonction de la Rance à la Vilaine unira la Manche à l'Océan portera la prospérité et la civilisation dans les contrées où languisse l'agriculture et les arts, où les mœurs agrestes sont encore étrangères à nos mœurs. Dès cette année, des sommes considérables ont été affectées à cette opération.

Le dessèchement des marais de Rochefort, souvent tenté, souvent abandonné, s'exécute avec constance. Un million sera destiné cette année à porter la salubrité dans ce port, qui dévorait nos marins et ses habitants. La culture et les hommes s'étendront sur des terrains voués depuis longtemps aux maladies et à la dépopulation.

Au sein du Cotentin, un dessèchement non moins important, dont le projet est fait, dont la dépense largement calculée sera nécessairement remboursée par le résultat de l'opération, transformera en riches pâturages d'autres marais d'une vaste étendue, qui ne sont aujourd'hui qu'un foyer de contagion toujours renaissante. Les fonds nécessaires à cette entreprise sont portés dans le budget de l'an XII. En même temps un pont sur la Vire liera le département de la Manche au département du Calvados, supprimera un passage dangereux et souvent funeste, et abrégera de quelques myriamètres la
route qui conduit de Paris à Cherbourg.

Sur un autre point du département de la Manche, un canal est projeté, qui portera le sable de la mer et la fécondité dans une contrée stérile, et donnera aux constructions civiles et à la narine des bois qui périssent sans emploi à quelques myriamètres du rivage.

Sur tous les canaux, sur toutes les côtes de la Belgique, les digues , minées par le temps, attaquées par la mer, se réparent, s'étendent et se fortifient.

La jetée et le bassin d'Ostende sont garantis des progrès de la dégradation ; un pont ouvrira une communication importante à la ville, et l'agriculture s'enrichira d'un terrain précieux, reconquis sur la mer.

Anvers a vu arrêter tout à coup un port militaire, un arsenal et des vaisseaux de guerre sur le chantier. Deux millions assignés sur la vente des domaines nationaux situés dans les départements de l'Escaut et des Deux-Nèthes sont consacrés à la restauration et à l'agrandissement de son ancien port. Sur la foi de ce gage, le commerce fait des avances, les travaux sont commencés, et, dans l'année prochaine, ils seront conduits à leur perfection.

A Boulogne, au Havre, sur toute cette côte que nos ennemis appellent désormais une côte de fer, de grands ouvrages s'exécutent ou s'achèvent.

La digue de Cherbourg, longtemps abandonnée, longtemps l'objet de l'incertitude et du doute, sort enfin du sein des eaux, et déjà elle est un écueil pour nos ennemis et une protection pour nos navigateurs. A l'abri de cette digue, au fond d'une rade immense, un port se creuse, où, dans quelques années, la République aura ses arsenaux et des flottes.

A la Rochelle, à Cette, à Marseille, à Nice, on répare avec des fonds assurés les ravages de l'insouciance et du temps.

C'est surtout dans nos villes maritimes, où la stagnation du commerce a multiplié les malheurs et les besoins, que la prévoyance du Gouvernement s'est attachée à créer des ressources dans des travaux utiles ou nécessaires.

La navigation intérieure périssait par l'oubli des principes et des règles ; elle est désormais soumise à un régime tutélaire et conservateur. Un droit est consacré à son entretien, aux travaux qu'elle exige, aux améliorations que l'intérêt public appelle : placée sous la surveillance des préfets, elle a encore, dans les chambres de commerce, des gardiens utiles, des témoins et des censeurs de la comptabilité des fonds qu'elle produit, enfin des hommes éclairés qui discutent les projets formés pour la conserver ou pour l'étendre.

Le droit de pêche dans les rivières navigables est redevenu ce qu'il dut toujours être, une propriété publique. Il est confié à la garde de l'administration forestière, et des adjudications triennales lui donnent, dans des fermiers, des conservateurs encore plus actifs, parce qu'ils sont plus intéressés.

L'année dernière a été une année prospère pour nos finances ; les régies ont heureusement trompé les calculs qui en avaient d'avance déterminé les produits. Les contributions directes ont été perçues avec plus d'aisance. Les opérations qui doivent établir les rapports de la contribution foncière, de département à département, marchent avec rapidité. La répartition deviendra invariable : on ne verra plus cette lutte d'intérêts différents qui corrompait la justice publique, et cette rivalité jalouse qui menaçait l'industrie et la prospérité de tous les départements

Des préfets, des conseils généraux ont demandé que la même opération s'étendit à toutes les communes de leur département, pour déterminer entre elles les bases d'une répartition proportionnelle. Un arrêté du Gouvernement a autorisé ce travail général, devenu plus simple, plus économique par le succès du travail partiel. Ainsi, dans quelques années, toutes les communes de la République auront chacune, dans une carte particulière, le plan de leur territoire, les divisions, les rapports des propriétés qui le composent ; et les conseils généraux et les conseils d'arrondissement trouveront, dans la réunion de tous ces plans, les éléments d'une répartition juste dans ses bases et perpétuelle dans ses proportions.

La caisse d'amortissement remplit avec constance, avec fidélité, sa destination. Déjà propriétaire d'une partie de la dette publique, chaque jour elle accroît un trésor qui garantit à l'État une prompte libération : une comptabilité sévère, une fidélité inviolable ont mérité aux administrateurs la confiance du Gouvernement et leur assurent l'intérêt des citoyens.

La refonte des monnaies s'exécute sans mouvement, sans secousse, elle était un fléau quand les principes étaient méconnus ; elle est devenue l'opération la plus simple, depuis que la foi publique et les règles du bon sens en ont fixé les conditions.

Au trésor, le crédit public s'est soutenu au milieu des secousses de la guerre, et des rumeurs intéressées.

Le trésor public fournissait aux dépenses des colonies, soit par des envois directs de fonds, soit par des opérations sur le continent de l'Amérique. Les administrateurs pouvaient, si les fonds étaient insuffisants, s'en procurer par des traites sur le trésor public, mais avec des formes prescrites et dans une mesure déterminée.

Tout à coup une masse de traites (quarante-deux millions) a été créée à Saint-Domingue, sans l'aveu du Gouvernement, sans proportion avec les besoins actuels, sans proportion avec les besoins à venir.

Des hommes sans caractère les ont colportées à la Havane, à la Jamaïque, aux États-Unis : elles y ont été partout exposées sur les places à de honteux rabais, livrées à des hommes qui n'avaient versé ni argent ni marchandises, ou qui ne devaient en fournir la valeur que quand le payement en aurait été effectué au trésor public. De là, un avilissement scandaleux en Amérique, et un agiotage plus scandaleux en Europe.

C'était pour le Gouvernement un devoir rigoureux d'arrêter le cours de cette imprudente mesure, de sauver à la nation les pertes dont elle était menacée, de racheter surtout son crédit par une juste sévérité.

Un agent du trésor public a été envoyé à Saint-Domingue, chargé de vérifier les journaux et la caisse du payeur général, de constater combien de traites avaient été créées, par quelle autorité et sous quelle forme; combien avaient été négociées et à quelles conditions; si pour des versements réels, si sans versements effectifs, si pour éteindre une dette légitime, si pour des marchés simulés.

Onze millions de traites, qui n'étaient pas encore en circulation, ont été annulés ; des renseignements ont été obtenus sur les autres.

Les traites dont la valeur intégrale a été reçue ont été acquittées avec les intérêts du jour de l'échéance au jour du payement ; celles qui ont été livrées sans valeur effective sont arguées de faux, puisque les lettres de change portent pour argent versé, quoique le procès-verbal de payement constate qu'il n'a rien été versé; et elles seront soumises à un sévère examen. Ainsi le Gouvernement satisfera à la justice qu'il doit aux créanciers légitimes, et à celle qu'il doit à la nation, dont il est chargé de défendre les droits.

La paix était dans les vœux comme dans l'intérêt du Gouvernement. Il l'avait voulue au milieu des chances encore incertaines de la guerre; il l'avait voulue au milieu des victoires. C'est à la prospérité de la République qu'il avait désormais attaché toute sa gloire. Au dedans, il réveillait l'industrie, il encourageait les arts; il entreprenait ou des travaux utiles, ou des monuments de grandeur nationale. Nos vaisseaux étaient dispersés sur toutes les mers et tranquilles sur la foi des traités.

Ils n'étaient employés qu'à rendre nos colonies à la France et au bonheur; aucun armement dans nos ports, rien de menacant sur nos frontières.

Et c'est là le moment que choisit le Gouvernement britannique pour alarmer sa nation , pour couvrir la Manche de vaisseaux , pour insulter notre commerce par des visites injurieuses, nos côtes et nos ports, les côtes et les ports de nos alliés, par la présence de forces menaçantes.

Si , au 17 ventôse de l'an XI, il existait aucun armement imposant dans les ports de France et de Hollande, s'il s'y exécutait un seul mouvement auquel la défiance la plus ombrageuse pût donner une interprétation sinistre, nous sommes les agresseurs; le message du roi d'Angleterre et son attitude hostile ont été commandés par une légitime prévoyance, et le peuple anglais a dû croire que nous menacions son indépendance, sa religion, sa constitution.

Mais si les assertions du message étaient fausses, si elles étaient démenties par la conscience de l'Europe comme par la conscience du Gouvernement britannique, ce Gouvernement a trompé sa nation; il l'a trompée pour la précipiter, sans délibération , dans une guerre dont les terribles effets commencent à se faire sentir en Angleterre, et dont les résultats peuvent être si décisifs pour les destinées futures du peuple anglais.

Toutefois, l'agresseur doit seul répondre des calamités qui pèsent sur l'humaité.

Malte, le motif de cette guerre, était au pouvoir des Anglais; c'eût été à la France d'armer pour en assurer l'indépendance, et c'est la France qui attend en silence la justice de l'Angleterre ! et c'est l'Angleterre qui commence la guerre, et qui la commence sans la déclarer !

Dans la dispersion de nos vaisseaux, dans la sécurité de notre commerce, nos pertes devaient être immenses. Nous les avions prévues, et nous les eussions supportées sans découragement et sans faiblesse; heureusement elles ont été au-dessous de notre attente. Nos vaisseaux de guerre sont rentrés dans les ports de l'Europe; un seul, qui depuis longtemps était condamné à n'être plus qu'un vaisseau de transport, est tombé au pouvoir de l'ennemi.

De 200 millions de francs que les croiseurs anglais pouvaient ravir à notre commerce, plus des deux tiers ont été sauvés; nos corsaires ont vengé nos pertes par des prises importantes, et les vengeront par de plus importantes encore.

Tabago, Sainte-Lucie étaient sans défense et n'ont pu que se rendre aux premières forces qui s'y sont présentées; mais nos grandes colonies nous restent, et les attaques que les ennemis ont hasardées contre elles ont été vaines.

Le Hanovre est en notre pouvoir; 25,000 hommes des meilleures troupes ennemies ont posé les armes et sont restés prisonniers de guerre. Notre cavalerie s'est remontée aux dépens de la cavalerie ennemie, et une possession chère au roi d'Angleterre est entre nos mains, le gage de la justice qu'il sera forcé de nous rendre.

Chaque jour le despotisme britannique ajoute à ses usurpations sur les mers. Dans la dernière guerre, il avait épouvanté les neutres en s'arrogeant, par une prétention inique et révoltante, le droit de déclarer des côtes entières en état de blocus. Dans cette guerre, il vient d'augmenter son code monstrueux du prétendu droit de bloquer des rivières, des fleuves.

Si le roi d'Angleterre a juré de continuer la guerre jusqu'à ce qu'il ait réduit la France à ces traités déshonorants que souscrivirent autrefois le malheur et la faiblesse, la guerre sera longue. La France a consenti, dans Amiens, à des conditions modérées; elle n'en reconnaîtra jamais de moins favorables; elle ne reconnaîtra surtout jamais, dans le Gouvernement britannique, le droit de ne remplir de ses engagements que ce qui convient aux calculs progressifs de son ambition, le droit d'exiger encore d'autres garanties après la garantie de la foi donnée. Eh ! si le traité d'Amiens n'est point exécuté, où seront, pour un traité nouveau, une foi plus sainte et des serments plus sacrés ?

La Louisiane est désormais associée à l'indépendance des États-Unis d'Amérique. Nous conservons là des amis que le souvenir d'une commune origine attachera toujours à nos intérêts, et que des relations favorables de commerce uniront longtemps à notre prospérité.

Les États-Unis doivent à la France leur indépendance; ils nous devront désormais leur affermissement et leur grandeur.

L'Espagne reste neutre.

L'Helvétie est rassise sur ses fondements, et sa constitution n'a subi que les changements que la marche du temps et des opinions lui a commandés. La retraite de nos troupes atteste la sécurité intérieure et la fin de toutes ses divisions. Les anciennes capitulations ont été renouvelées, et la France a retrouvé ses premiers et ses plus fidèles alliés.

Le calme règne dans l'Italie; une division de l'armée de la République italienne traverse en ce moment la France pour aller camper avec les nôtres sur les côtes de l'Océan. Ces bataillons y trouveront partout des vestiges de la patience, de la bravoure et des grandes actions de leurs ancêtres.

L'empire ottoman, travaillé par des intrigues souterraines, aura, dans l'intérêt de la France, l'appui que d'antiques liaisons, un traité récent et sa position géographique lui donnent droit de réclamer.

La tranquillité, rendue au continent par le traité de Lunéville, est assurée par les derniers actes de la diète de Ratisbonne. L'intérêt éclairé des grandes puissances, la fidélité du Gouvernement à cultiver avec elles les relations de bienveillance et l'amitié, la justice, l'énergie de la nation et les forces de la République en répondent


Paris, 16 janvier 1804

Au contre-amiral Decrès

Je donne ordre, Citoyen Ministre, que les ler et 4e équipages de la Garde se rendent à Rouen et au Havre. Un équipage étant composé de 140 matelots, je pense que chaque équipage pourra monter une section de la flottille des chaloupes canonnières, c'est-à-dire neuf chaloupes et neuf péniches. Ces deux équipages serviraient donc dix-huit chaloupes et dix-huit péniches. Donnez ordre que les mousses et novices soient fournis par le port. Ils ne doivent point faire partie de la Garde.

Mon intention est qu'on choisisse les meilleurs bâtiments, et que toutes les chaloupes soient armées de quatre pièces de 24, en belle. et d'un obusier de 8 pouces, et les péniches d'un obusier de 6 pouces ou d'une pièce de 4.

Je donne ordre au commandant de l'artillerie de la Garde d'y expédier trente-six canonniers; deux seront attachés à chaque chaloupe canonnière.

Mon intention étant que ces bâtiments partent ensemble, vous me ferez connaître quand ils partiront du Havre, afin que j'y envoie des garnisons de grenadiers de la Garde. 


Paris, 18 janvier 1804

DÉCISION

Le ministre de la guerre propose de faire rayer du tableau de la conscription militaire un étranger de l'âge de vingt ans, qui habite la France depuis plusieurs années, et qui y est marié avec une Française. Cette proposition est fondée sur les dispositions de l'article 3 de la Constitution, de l'article 13 du titre ler du Code civil, et de l'article 15, titre III, de la loi du 19 fructidor an VI. 

La conscription donne lieu à  un grand nombre de questions. Il  faudrait ou un règlement, ou une loi qui les levât toutes. 

Tout individu qui possède en  France doit être soumis à la loi de la conscription, qu'il soit natif ou non. Si, au moment conscription, il habite en France, ou s'il y a habité, depuis l'âge de quinze ans, plus d'une année de suite, il sera soumis à la conscription personnellement. Dans le cas où il n'aurait jamais habité, il doit être traité dans la conscription comme s'il était infirme et incapable, et il devrait être racheté par une contribution.

DÉCISION

Rapport et projet de loi sur les peines à infliger aux enfants qui se marient sans le consentement de leurs parents.

Ajouter trois sommations, de deux mois en deux mois. Proposer de régler, par un arrêté, les formes de la publication.

DÉCISION

Rapport et projet de loi tendant à attribuer au tribunal criminel du département de la Seine, exclusivement à tous autres tribunaux, la connaissance du crime de contrefaçon du timbre national.

Ajouter une disposition pour la fabrication et l'émission de faux  billets de la Banque.


Paris, 18 janvier 1804

Au général Berthier

Je ne suis pas satisfait, Citoyen Ministre, du degré d'activité qui règne dans l'atelier de l'artillerie de terre à Boulogne pour l'installation des bâtiments de transport en écuries. Mon intention est que tous les ouvriers en bois qui se trouvent à la Fère et à Douai se rendent sur-le-champ à Boulogne, de manière que les installations de plus de 200 bâtiments qui vont être mis à la disposition de l'artillerie puissent se suivre sans aucun retard.

Je désire connaître le nombre d'obusiers de 6 et de 8 pouces, et de pièces de 24, que vous avez fait remettre à la marine, de ceux qui sont en mouvement pour lui être remis, ainsi que les ports où seront faites les remises.


Paris, 18 Janvier 1804

DÉCISION

Le ministre de la guerre soumet au Premier consul une demande en grâce adressée par le général Morand en
faveur de plus de cent conscrits du département du Liamone, condamnés, comme réfractaires, à 1,600 francs
d'amende.

Que ces hommes se rendent à  Antibes. Il leur sera ensuite fait grâce par une décision générale. 


Paris, 19 janvier 1804

NOTES POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE

Envoyer en courrier un officier d'état-major au général Saint-Cyr, avec une somme en or, pour faire confectionner du biscuit, sans cependant que la somme passe 9,000 louis, avec un ordre de faire confectionner sur-le-champ à Tarente 500,000 rations de biscuit; confier au général Saint-Cyr que des escadres françaises, non-seulement de Toulon, mais même des autres ports, vont se rendre à Tarente, portant des troupes qui, avec les siennes, lui feront 30,000 hommes environ; que malgré les soins qu'on a mis à approvisionner ces escadres, elles auront besoin de ravitaillement, et surtout de biscuit; qu'il doit faire mettre toutes les batteries en bon état, pour protéger les bâtiments, quoique l'on pense que les armements que l'on fait nous feront avoir la supériorité pendant un mois dans la Méditerranée.


Ordre à un régiment de dragons qui est à Alexandrie de se rendre à Gênes, dans les faubourgs.


Au citoyen Saliceti : que l'intention du Gouvernement étant de faire embarquer quatre bataillons, formant 2,400 hommes, à Gênes, il est nécessaire qu'il fasse connaître, par le retour du courrier, s'il y aurait des bâtiments de transport en nombre suffisant; il faut qu'il prenne les bâtiments le plus grands possible et qui puissent contenir l'eau et les vivres pour deux mois de navigation.


Même ordre à Livourne pour le général Verdier : lui faire connaître que l'intention du Gouvernement est d'embarquer 3,000 hommes à Livourne; que ces 3,000 hommes seront pris :

Deux bataillons complets, dans la garnison actuelle de Livourne;

Quatre bataillons, dans celle de l'île d'Elbe, qu'on doit ordonner au général commandant en Italie de faire passer à Livourne;

Qu'il faut qu'il fasse choisir, dans le port de Livourne, les plus gros transports possible, et qu'il fasse confectionner sur-le-champ 200,000 rations de biscuit, qui doivent être prêtes le 25 pluviôse.

Envoyer à cet effet 1,000 louis à l'ordonnateur.


Ordre au citoyen Saliceti de faire confectionner 200,000 rations de biscuit. Ces rations doivent être prêtes au 25 pluviôse. Le général Dejean a ordre de lui envoyer l'argent nécessaire.


Ordre à l'île d'Elbe de tenir un bataillon du 20e régiments, un bataillon de la légion italienne et un bataillon helvétique prêts à partir et à s'embarquer pour une expédition.


Faire connaître à Livourne que l'on doit choisir des bâtiments pour contenir des vivres et de l'eau pour une navigation de deux mois et pouvoir aller de conserve avec une escadre.


Envoyer l'aide de camp Bruyères à Livourne avec 1,000 louis; il ira visiter le port, pour s'assurer s'il y a des bâtiments assez grands. Il passera à Rome, où il ne séjournera point; ensuite il ira à Naples, d'où il écrira pour faire connaître la situation de l'escadre dans la Méditerranée; de là il se rendra à Tarente.


Paris, 20 janvier 1804

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Écrivez au citoyen Delaunay, président du tribunal criminel, que lui et son tribunal aient pour le préfet la considération qu'ils doivent avoir, et que je ne souffrirai pas qu'il se forme un parti quelconque qui lui soit contraire; que même je verrais avec plaisir qu'ils voulussent finir des querelles trop légèrement allumées et vivre en bonne intelligence.


Paris, 20 janvier 1804

Au général Rapp, en mission à Toulon

Citoyen Rapp, j'ai reçu vos différentes lettres. Les événement arrivés aux deux frégates sont des événements qui arrivent souvent en mer, souvent par la faute des officiers de quart, quelquefois par des circonstances qui ne dépendent pas des officiers.

Je ne puis concevoir comment le Neptune n'a pu être prêt, puisque les mâture, gréement, canons, qui manquaient ont été expédiés pour suppléer à ce qui manque. Je ne puis actuellement penser qu'il soit possible de joindre nos deux vaisseaux, l'Atlas et le Berwick, à ceux qui sont déjà prêts. Les matelots ne peuvent empêcher; en établissant la presse, on en aura plus qu'on ne voudra.

Dites (ce que dit Ganteaume) si le Neptune, l'Atlas et le Berwick, puis les deux vaisseaux, pourront être prêts.


Paris, 20 jantier 1804

Au contre-amiral Decrès

J'approuve, Citoyen Ministre, que vous donniez l'ordre au vaisseau qui est à Cadix d'attendre de nouveaux ordres et de se mettre en rade, de manière à pouvoir appareiller toutes les fois qu'il en recevrait l'ordre.

Quant au Ferrol, demandez des renseignements pour savoir si la Poursuivante et l'Observateur pourraient partir, et si trois vaisseaux pourraient se trouver équipés de manière à faire une course en Amérique; mais si l'escadre trouve le moment favorable, elle doit appareiller, non pour Rochefort, mais pour Lorient, où l'on est sûr de ne point trouver de croisière. Faites connaître que si, par des circonstances de mer ou de guerre, l'escadre était poussée vers le sud, elle pourrait se rendre à Cadix.


Paris, 21 janvier 1804

DÉCISION

Rapport du grand juge concernant les nommés Desol de Grisolles, Picot, Lebourgeois, Piogé, dit Sans-Pitié, et Querelle.

Je prie le consul Cambacérès de rédiger un projet d'arrêté pour traduire ces individus devant une commission militaire. Je crois nécessaire de faire un exemple. J'ai des renseignements secrets qui me font croire que Querelle n'était venu ici que pour assassiner. Sans-Pitié et Desol y étaient dans le même dessein.


Paris, 21 janvier 1804

Au général Davout, commandant le camp de Bruges

Les mesures que le ministre de la narine a prises doivent vous avoir procuré des ouvriers en nombre suffisant pour pouvoir expédier promptement tous les bâtiments armés et pour mettre à même de tenir la mer tous les bâtiments qui sont à Ostende.

Le ministre de la marine prend des mesures pour presser le pays, comme on a fait en Bretagne et dans plusieurs parties de la France; secondez-le de tous vos moyens, et faites-moi connaître, toutes les semaines, le résultat que vous aurez obtenu. 


Paris, 21 janvier 1804

A l'amiral Bruix, commandant la flottille de Boulogne

J'ai reçu, Citoyen Général, les différentes lettres que vous m'avez écrites. Je n'entrerai dans aucun détail sur les objets que vous y traitez, l'état de votre santé étant en ce moment le seul dont je puisse m'occuper. Je désire donc que vous soyez bientôt dans le cas de m'apprendre que vous êtes rétabli.


Paris, 21 janvier 1804

Au citoyen Talleyrand

Le Premier Consul me charge, Citoyen Ministre, de vous donner connaissance du mécontentement que la conduite de l'évêque de Quimper lui fait éprouver. L'anéantissement de l'esprit public dans le département du Finistère est le résultat affligeant de la mauvaise administration de cet évêque, qui, avec des intentions qu'on veut croire pures, a fait autant de mal que s'il avait été l'ennemi du Gouvernement. L'un de ses grands vicaires qui vient de mourir était en correspondance réglée avec l'Angleterre.

C'est à votre seule recommandation que l'abbé André a dû son élévation à l'épiscopat. Le Premier Consul désire que vous obteniez, de la déférence qu'il doit avoir pour vos conseils, que cet évêque donne sa démission. Dans l'état où il a mis son diocèse, et d'après l'opinion qu'on a dû y prendre de son caractère, il ne peut plus y faire aucun bien.

Le Premier Consul croit qu'il serait convenable de faire partir sur-le-champ, pour Quimper, le frère de l'évêque, le citoyen André se trouvant plus que personne en mesure de faire comprendre à ce prélat ce que sa situation actuelle exige impérieusement.


Paris, 24 janvier 1804

Au citoyen Régnier

Les lettres de Drake paraissent fort importantes. Je désirerais que Méhée (Jean-Claude-Hippolyte Méhée de la Touche, 1760-1826. Agent double), dans son prochain bulletin, dit que le comité avait été dans la plus grande joie de la pensée que Bonaparte voulait s'embarquer à Boulogne; mais qu'on a aujourd'hui la certitude que les préparatifs de Boulogne sont de fausses démonstrations qui, quoique coûteuses, le sont beaucoup moins qu'elles ne le paraissent au premier coup d'œil; que les chaloupes canonnières sont des espèces de bricks et sont construites de manière à pouvoir être utiles au commerce; que ces bricks sont armés de quatre pièces de 24;

Que les bateaux plats, armés d'une pièce de 24 et d'une pièce de 18, sont faits de manière à pouvoir être vendus comme bateaux pour la pêche;

Que les péniches dont on a fait construire 400 sont, dans tout état de choses, des chaloupes utiles, même à une escadre de gros vaisseaux;

Qu'enfin les prames ou bâtiments, qui portent douze pièces de 24, et dont on a fait construire soixante, sont faits de manière à pouvoir servir en tout temps de grosses bagares pour l'approvisionnement les ports;

Qu'ainsi donc ce soin qu'on prend d'utiliser les bâtiments de la flottille pour des usages ordinaires fait voir que ces préparatifs ne sont que des menaces, et que ce n'est pas un établissement fixe qu'on voudrait conserver; qu'il ne fallait point se le dissimuler : que le Premier Consul était trop rusé et se croyait trop bien établi aujourd'hui pour tenter une opération douteuse où une masse de forces serait compromise.

Le véritable projet, autant qu'on en peut juger par ses relations intérieures, est l'expédition de l'Irlande, qui se ferait à la fois par l'escadre de Brest et l'escadre du Texel; qu'on arme à Brest, à ce qu'assure un individu qui en arrive, des vaisseaux dans le port et qu'on ne met point en rade; quinze doivent être en rade et dix dans le port; ils doivent faire une sortie contre les croisières anglaises qu'on espère alors surprendre, puisque Cornwallis, qui n'est pas inférieur à ce nombre, est disséminé sur plusieurs points, parce qu'il croit n'avoir à craindre que les vaisseaux qui sont en rade;

Le général Augereau est arrivé à Brest;

Des cadres de bataillons irlandais ont été formés et sont à Morlaix; il y a déjà plus de 200 officiers, et O'Connor, Emmet, Thompson et autres Irlandais ont ici des conférences fréquentes par le canal de d'Alton, Irlandais d'origine.

On ne dit rien sur l'expédition du Texel, quoiqu'on sache qu'elle est prête, et on fait beaucoup de bruit des camps de Saint-Omer, d'Ostende et Flessingue : la grande quantité de troupes réunies en forme de camps ont un but politique; Bonaparte est bien aise de les avoir sous la main, de les tenir armées en guerre, et de faire un quart de conversion pour retomber en Allemagne, s'il croit nécessaire à ses projets de faire la guerre continentale.

Une autre expédition est celle de la Morée (Péloponèse), qui est décidément arrêtée. Bonaparte a 40,000 hommes à Tarente; l'escadre de Toulon va s'y rendre; il espère trouver une armée auxiliaire de Grecs très-considérable.

Il faut toujours continuer l'affaire du portefeuille; dire que, pour s'accréditer, l'huissier vient de présenter plusieurs morceaux de lettres écrites de la main même de Bonaparte; que l'on peut donc tirer le plus grand parti de cet homme, mais qu'il veut beaucoup d'argent; le projet est effectivement de livrer ce portefeuille, dans lequel le Premier Consul mettra tous les renseignements qu'on désire qu'ils croient. Mais, pour qu'ils attachent une grande importance à ce portefeuille, il faut qu'ils avancent de l'argent, au moins 50,000 livres sterling.


Paris, 24 janvier 180

A S. S. le Pape

Très-saint Père, j'ai reçu la lettre de Votre Sainteté, du 1er décembre. Je la remercie de l'accueil qu'elle a bien voulu faire à ma recommandation pour M. de Clermont-Tonnerre. J'ai fait écrire à Tunis pour engager le bey à ménager les États de Votre Sainteté; il a promis de donner quelques instructions, sur lesquelles cependant il n'est pas prudent de se fier.

Lorsque la paix sera rétablie sur les mers, il sera possible d'insister avec plus de force, pour qu'il laisse non-seulement les États, mais le pavillon de l'Église en repos; car c'est une chose affligeante et même un déshonneur pour la chrétiens que de misérables brigands, qui habitent de beaux pays où ils pourraient vivre tranquilles, insultent comme ils le font à tous les pavillons. Enfin, espérons qu'un jour viendra où ils cesseront.


Paris, 24 janvier 1804

Au général Soult, commandant le camp de Saint-Omer

Citoyen Général Soult, dans votre lettre du 29 nivôse, je vois que, sur les bâtiments servant d'écuries, il y aura des emplacements où l'on mettra des selles et des équipages, non-seulement de la cavalerie, mais encore de dragons. Il doit y avoir à Boulogne une grande quantité de bâtiments de transport; je suis étonné qu'on n'ait pu en remettre que quarante-huit au général Faultrier. Voyez, je vous prie, le Citoyen Combis pour cet objet, et faites fournir de suite à l'artillerie tout ce qui se trouverait à Boulogne de bâtiments non classés et propres à porter un certain nombre de chevaux.

Les obusiers de 6 pouces et les canons de 4, que vous a demandés le préfet maritime, doivent exister à Dunkerque et à Calais. Faultrier peut faire venir de Saint-Omer tous ceux qui s'y trouvent, et les lui remettre. Il doit y en avoir cinquante.


Paris, 25 janvier 1804

LE MINISTRE DU TRÉSOR PUBLIC AUX RÉGENTS DE LA BANQUE DE FRANCE.
                                 
Le Premier Consul, Messieurs, a pris connaissance des statuts de la Banque de France, que sa députation lui a présentés le ler de ce mois. Le paragraphe premier de l'article 5 lui a paru contraire à l'institution de la Banque, dont les fonctions sont d'escompter et non pas de faire des avances. On pourrait croire que cet article a été rédigé dans l'intérêt et par l'inspiration du Gouvernement. Il a voulu que je vous déclarasse positivement que son intention était que, dans quelques circonstances que pût se trouver le trésor public, il ne fût rien demandé à la Banque, ni à titre d'emprunt, ni à titre d'avances, et que cette détermination s'appliquait également à tous les établissements publics.

Mais le Premier Consul a toujours pensé que les effets appartenant au Gouvernement, tels que les obligations et autres effets organisés de la même manière, doivent de plein droit être escomptés à la Banque, lorsqu'ils n'ont plus qu'un ou deux mois à parcourir pour atteindre à leur échéance. La signature du receveur, celle du caissier du trésor public, l'obligation de la part de la caisse d'amortissement de rembourser, en cas de non-payement, sont au-dessus de toutes les garanties exigées pour les effets de capitaux. Vous voudrez bien donc me déclarer positivement si les effets de cette nature seront escomptés sans difficulté.

Quant aux obligations qui seraient à plus de deux mois d'échéance, l'escompte ne doit en être fait que de gré à gré, et quand la Banque ne trouvera point l'emploi de ses fonds dans les effets de commerce.

La loi qui établit le privilège de la Banque a eu pour objet de faciliter les transactions publiques et particulières. L'exercice de ce privilège doit être fait avec toute la confiance que justifie la solidité de son institution.

Cet établissement est encore près de sa naissance, et cette considération a justifié son économie dans les secours qu'il a jusqu'ici donnés au commerce. Sans doute, il ne peut pas escompter des effets douteux : mais le vœu du Premier Consul est que la Banque trouve elle-même son intérêt à toujours avoir une centaine de millions de ses billets en circulation, et, si le commerce n'en fournissait pas l'emploi jusqu'à concurrence d'environ cette somme, il pourrait y être en partie suppléé par un escompte d'obligations appartenant au trésor public, quand cette opération devrait donner quelque perte au trésor public même.

Au reste, le Premier Consul m'a chargé de déclarer aux régents de la Banque qu'il donnerait toujours à cet établissement tout l'appui qui pourrait dépendre du Gouvernement, soit en prenant toutes les mesures que la justice et l'intérêt public pourraient autoriser, soit même en prenant les actions encore invendues, s'il arrivait quelles fussent au-dessous du pair.

Le Premier Consul n'a fait des sacrifices, n'a pris tant de soins pour fonder et consolider la Banque que pour amener la réduction de l'intérêt, sans laquelle ni le commerce ni les manufactures ne peuvent prospérer.

Ce résultat ne peut être atteint qu'en multipliant, autant qu'il sera possible, les escomptes, et il attend du zèle de messieurs les régents de la Banque qu'ils seconderont ses vues de tout leur pouvoir.


Paris, 25 janvier 1804

Au général Berthier

Le ministre Dejean, Citoyen Ministre, par l'état ci-joint qu'il me remet, parait croire qu'il y aura, cette année, 40,000 conscrits qui entreront dans les corps au-dessus du complet de paix. Il a été autorisé à faire ces calculs par l'ordre qui a été donné d'augmenter le complet des corps de 100 hommes par bataillon et de les porter au grand complet de guerre; mais il est de fait que cela rie se réalisera pas, parce qu'un grand nombre de corps ne reçoivent pas assez de conscrits, même pour être portés au grand complet de paix; que les corps qui ont reçu l'ordre d'être complétés sur le pied de guerre n'en reçoivent point suffisamment pour cela, et que même plusieurs ont reçu des dépôts coloniaux des hommes tout habillés.

Je désire donc que vous me fassiez faire un état présentant la situation des corps à l'époque de la dernière revue, en ayant soin de n'y pas comprendre les hommes qui ont été effacés des contrôles ou auxquels l'inspecteur aurait accordé la retraite, qu'à l'heure qu'il est, ne sont plus aux corps, et le nombre de conscrits accordés à chaque corps sur la conscription de l'an XI et de l'an XII.

Par ce moyen, il sera facile de voir la situation de l'effectif des corps dans le courant de l'année, et de calculer quels sont ceux qui, se trouvant au-dessus du complet de paix, auront besoin d'un secours extraordinaire pour la masse d'habillement.


Paris, 27 janvier 1803

Au général Berthier

Il est nécessaire d'abord de présenter les notes recueillies sur les individus qui peuvent occuper la place de colonel des régiments suisses. Il faudra commencer par en nommer un, et quand ce régiment commencera à se former, on organisera les autres; car on ne peut les organiser tous ensemble; cela nous entraînerait dans de trop grandes dépenses, sans que cela fût d'aucun service. Mon intention est de détruire les trois régiments qui sont actuellement à notre service, et d'en répartir les officiers entre les quatre nouveaux régiments. Il est convenable cependant de les diviser en trois classes : l° ceux susceptibles d'être conservés pour les nouveaux corps; 2° ceux à mettre au traitement de retraite ou de réforme; 3° ceux qui sont mauvais et n'offrent aucune ressource. Le bataillon de Saint-Domingue ne comptera pas. Cependant, pour rendre ce travail plus facile, il faudrait négocier avec le citoyen Marescalchi pour que la République italienne prit à son service le régiment qui est en Italie. Quant aux garnisons, le premier régiment qu'on organisera pourrait se réunir Nancy.

A mesure qu'on organisera un nouveau régiment, il faut détruire un ancien.

J'attends toujours le projet que je vous avais demandé.


Paris, 27 janvier 1804

Au général Soult, commandant le camp de Saint-omer

Citoyen général Soult, j'ai lu avec attention les états du citoyen Combis que vous m'avez envoyés. Le ministre de la marine lui transmettra les nouvelles mesures que j'ai prises pour rendre plus simple son travail. J'ai décidé qu'on ne fera plus de distinction de grande, de petite et moyenne pêche; que tous les bâtiments qui sont au-dessus de 30 tonneaux seraient convertis en écuries; que de tout ce qui serait de moins de 30 et de plus de 10 tonneaux, deux cents seraient destinés, savoir : cinquante bâtiments à l'embarquement de la grosse artillerie, et cent cinquante de 25 à 10 tonneaux, aux bataillons, aux généraux, commissaires, etc., selon la destination qui sera donnée au moment de l'embarquement.

Il résulte de ces nouvelles dispositions que le directeur de la flottille de transport peut donc remettre au général Faultrier, pour être installés en écuries :

1° Les dix-huit bâtiments portés dans la première feuille de l'état que vous m'avez envoyé, comme bâtiments de grande pêche;
2° Huit bâtiments, qui ont plus de 30 tonneaux, faisant partie des vingt-quatre bâtiments portés dans la deuxième feuille de l'état comme bâtiments de moyenne pêche;
3° Trois bâtiments portés pour le service de l'état-major comme bâtiments de moyenne pêche;
4° Douze bâtiments portés parmi les quatorze destinés pour les administrations, etc., du port, de plus de 30 tonneaux;
5° Quatre bâtiments de ceux portés pour le service de l'artillerie, qui passent 30 tonneaux;

Enfin huit bâtiments parmi ceux non classés; total, cinquante-trois bâtiments, qui, avec les sept écuries pour la cavalerie et les quarante-trois bâtiments déjà installés comme écuries, forment un total de cent trois, qu'il classera et numérotera comme écuries.

Tenez la main à ce que l'artillerie installe sur-le-champ ces bâtiments, et faites-vous remettre par le général Combis un travail sur ces nouvelles bases. Ce sont les moyens de transport des chevaux qui nous retarderont, et ce n'est pas à vous qu'il faut dire que, dans une expédition où je ne puis rien hasarder après les hasards de mer, je ne puis me passer d'un nombre compétent de chevaux.

Le citoyen Faultrier, par les instructions qu'il a, sait que les bateaux canonniers doivent porter deux chevaux d'artillerie. Si tous les bâtiments qui sont à Boulogne n'étaient pas installés pour porter ces deux chevaux, que le général Faultrier fournisse des moyens à la marine, car autant de bateaux sans deux chevaux, autant de ressources de moins pour l'artillerie.

Le directeur de la flottille de transport doit avoir un état des mouvements de tous les bâtiments en route des différents ports pour Boulogne. Je désire qu'il me présente un travail pour la distribution des écuries. Tout ce qui tirerait plus de sept pieds d'eau devrait s'arrêter à Calais. Quant à ceux qui tireraient moins de sept pieds d'eau, il faut qu'il les classe selon leur tirant d'eau, parce que cela influera sur le port qu'ils devront occuper et leur ordre d'appareillage au moment de l'expédition.

Par ces nouvelles dispositions que je viens d'ordonner, et par les états de la flottille de transport, je dois avoir au moins quatre cents bâtiments pour écuries, ce qui, j'espère, pourra me porter 7,000 chevaux. Les bateaux canonniers en porteront 800, les corvettes de pêche 160, la flottille proprement dite de transport, 300; cela fera un total de 8,000.

C'est au directeur actuellement à faire son travail en grand, à les numéroter et à les classer, et alors je désignerai les régiments qui doivent s'y embarquer, afin qu'il puisse y placer des officiers et des garnisons, tant pour surveiller les bâtiments que pour s'exercer à la manœuvre de l'embarquement et du débarquement des chevaux.


Paris, 27 janvier 1804

Au contre-amiral Decrès

Vous trouverez ci-joint différents projets de classement de la flottille de transport, faits par le directeur général de cette flottille. Il affecte quatre cent quatre bâtiments au service des bataillons, de l'état-major et de l'artillerie, sans comprendre les écuries. J'ai pensé que l'état de la flottille de transport, tel qu'il a été arrêté, est plus fort qu'il n'est nécessaire; qu'il faut disposer pour écuries tout ce qui peut l'être. Je désire donc que l'état de la flottille de transport qui avait été arrêté soit formé de cette manière :

Cent cinquante bâtiments de petite pêche, du port, de moins de 25 tonneaux et de plus de 10 tonneaux, seront disposés de manière à recevoir deux chevaux. Il en sera donné un, soit par bataillon, soit aux généraux, soit aux commissaires ordonnateurs et des guerres, selon les dispositions et les ordres qui seront donnés. Le directeur n'aura donc qu'à faire arranger ces bâtiments de manière à tenir deux chevaux, à veiller à ce que les équipements soient en état et qu'ils aient à bord l'eau et les vivres nécessaires pour les hommes qu'ils peuvent porter; qu'ils aient leurs numéros, afin qu'au moment de l'embarquement on les affecte aux différents services.

Cinquante bâtiments seront choisis parmi les bâtiments de la flottille de transport de moins de 30 tonneaux, pour être affectés au service de l'artillerie; ils seront remis au général Faultrier, qui y fera faire toutes les dispositions convenables.

Tous les autres bâtiments de la flottille de transport, montant à plus de quatre cents bâtiments, seront installés en écuries. On y placera le plus de chevaux possible.

On tiendra note de ceux dans lesquels il restera le plus de place, indépendamment des écuries, pour y placer les selles et les bagages. Ainsi le travail du directeur devient simplifié. Plus de distinction entre petite, grande et moyenne pêche. Tout ce qui est au-dessus de 30 tonneaux doit être installé en écuries; tout ce qui a moins, jusqu'au nombre de deux cents, doit être, ceux de 30 à 25 tonneaux, destinés à l'artillerie, et cent cinquante de 25 à 10 tonneaux, aux bagages de l'armée et de l'état-major, selon l'ordre qui sera donné au moment de l'embarquement.


Paris, 27 janvier 1804

DÉCISION

Le ministre du trésor public demande une décision relativement aux traites de Saint-Domingue, tirées à l'ordre (soit collectif, soit individuel) de Dar et Brocar, et dont il a provisoirement suspendu le visa.

Quand les lettres de change des colonies sont tirées pour argent versé, elles ne sont valables que dans le cas où la correspondance du payeur atteste que le versement de fonds a été effectué. Lorsque les lettres sont tirées pour service fait, ce service doit être constaté par l'ordonnateur, c'est-à-dire par le préfet colonial; s'il ne l'est point, les lettres ne sont pas valables. Or ici l'ordonnateur déclare, par sa lettre du .... que le service n'a pas été fait.

Répondre dans ce sens aux porteurs.


Paris, 29 janvier 1804

Au général Berthier

Vous donnerez ordre, Citoyen Ministre, au général commandant la 15e division militaire que les 406 hommes du 64e régiment qui sont à Dieppe se rendent au Havre pour mettre garnison sur les premiers bâtiments qui partiront de ce port.

Vous donnerez ordre au général commandant le camp d'Amiens de fournir un officier et 25 hommes par chaque escadron de tous les régiments qui sont à Amiens, qui se rendront à Saint-Valery-sur-Somme pour mettre garnison sur les bâtiments qui sont dans ce port. Il est convenable qu'ils s'y rendent de suite, afin de s'exercer aux manœuvres et à la nage.

Vous donnerez l'ordre que les bataillons de guerre du 96e régiment partent de Paris, l'un le 11, et l'autre le 19, pour se rendre au Havre, où ils fourniront des garnisons sur les bâtiments qui leur seront désignés par le préfet maritime.

Vous donnerez ordre au 3e régiment de hussards d'envoyer au Havre 150 hommes à pied, qui mettront garnison sur les trois premières prames prêtes à partir de ce port.


Ces 150 hommes du 3e de hussards sont ceux qui ont été choisis pour être des 300 hommes à pied des escadrons de guerre. Si les circonstances le permettent, ils seront portés à 250; alors ils formeront les garnisons de cinq prames. Arrivés au Havre, indépendamment de la nage, on les exercera au tir des fusils, afin qu'alors ils puissent s'en servir de préférence à des carabines.

(Note : Les carabines d'infanterie de l'an XII constitue la version améliorée de celle de 1793, assemblée dans la manufacture de Versailles. Cette manufacture fabriquera plus de 300 carabines par mois jusqu'en 1800. Un décret de l'an XIII la destine aux fourriers, aux sergents et aux officiers des voltigeurs. Elle arme les compagnies de carabiniers d'élites de chacun des 37 régiments d'infanterie légère. De meilleure qualité, la carabine an XII a une crosse rallongée et comporte une joue; elle dispose d'un canon équipé d'un cran de mire et reprend la platine du mousqueton du modèle an IX. Cette platine est caractérisée par un chien renforcé, une sous gorge et une batterie sans retroussis. Enfin sa principale caractéristique réside dans son canon rayé, censé imprimer un mouvement de rotation à la balle et lui donner ainsi une meilleure précision. Pour pouvoir renter la balle, qui à un diamètre plus important que celui du canon, le tireur doit rentrer la balle de force avec un maillet, ainsi il parvient à imprimer les rayures du canon dans le plomb de la balle. Le chargement se révèle plus long que lorsqu'il s'agit d'un fusil normal. D'où la nécessité d'exercices supplémentaires. - Merci à Didier Davin )

Prévenir le ministre de la marine qu'il mette dans les prames 50 fusils, pour servir à la garnison, ainsi qu'aux pontonniers qui serviront de garnison.

Si les deux bataillons de la 96e fournissent 1,500 hommes, ils partiront comme il en a été donné l'ordre ci-dessus; s'ils ne fournissent pas 1,500 hommes, on fera partir seulement le 1er bataillon, que l'on complétera à cet effet à 800 hommes, officiers compris; le 2e bataillon ne partira que lorsque, par la conscription, il pourra être à 700 hommes, officiers compris.


Paris, 29 janvier 1804

Au citoyen Portalis, chargé de toutes les affaires concernant les cultes

Citoyen Portalis, Conseiller d'État, je désire que vous écriviez à l'évêque d'Orléans que, mon intention étant d'avoir à Paris un agent qui connût parfaitement les chouans, j'ai pensé que le nommé Barbot, ancien chef de chouans, pourrait servir. Il jouirait très-secrètement à Paris d'un traitement, et serait à même d'y découvrir les hommes suspects de l'Ouest qui seraient ici.


Paris, 30 janvier 1804

Au général Soult, commandant le camp de Saint-Omer

Citoyen Général Soult, je reçois votre lettre du 7 pluviôse. J'attends le rapport que vous devez m'envoyer sur la flottille de transport, d'après les nouvelles dispositions que j'ai prises; car je désire mettre promptement sur ceux qui doivent servir d'écuries des garnisons de cavalerie, afin de les accoutumer au détail de l'embarquement et débarquement des chevaux.

J'imagine que vous avez fait rentrer le détachement du 9e léger à son corps, et que vous avez fait fournir des garnisons à la division de bateaux canonniers qui se réunit à Étaples, par les régiments du camp de Montreuil.

Je n'ai pas encore reçu le rapport de la marine sur le boat que vous pensez pouvoir servir de chaloupe canonnière. Si les Hollandais y mettent trois pièces de 24, nous pourrions bien y mettre trois pièces de 36, et, comme nous en avons à Calais, je ne serais pas fâché d'avoir des bâtiments qui portassent de ce calibre.

Je vois avec peine que, le 7 pluviôse, le général Faultrier n'avait encore rien fait pour les bateaux, relativement au recul des pièces de campagne. Je désire beaucoup que vous poussiez ce travail avec la plus grande activité.

Voyez le préfet maritime pour les pièces de 4 en bronze; elles ne doivent servir qu'à armer les péniches. Faites-en venir à Boulogne la quantité nécessaire. Quant aux pièces de 6 et de 8 en fer, voyez si l'artillerie en a dans les places voisines; mais la marine doit avoir un grand nombre de ces pièces à Dunkerque.

Ordonnez que toutes les pièces d'artillerie qui doivent être mises à la disposition de la marine par la terre soient, par les soins de la terre, transportées et mises en ordre dans la cour de l'arsenal. Je vous prie également de voir pourquoi les quarante canonnières ne sont pas encore mises en belle; pourquoi elles sont portées comme n'ayant que deux pièces de canon de 24 quand elles devraient en avoir trois.

J'ai donné ordre au général. Lacrosse de se rendre à Boulogne, pour y prendre le commandement. Je pense qu'il mettra à Boulogne la même activité qu'il a mise au Havre.

Je vous prie de me faire connaître combien d'obusiers de 8 pouces ont été remis par la terre et sont actuellement existants à Boulogne, Calais et Dunkerque.

Deux frères Michelon sont employés dans les fourrages de l'armée des côtes. On a des raisons de soupçonner qu'ils sont espions des Anglais. S'ils sont dans votre arrondissement, faites-les arrêter et saisir leurs papiers; s'ils sont dans l'arrondissement du camp de Bruges, écrivez-en dans ce sens au général Davout.


Paris, 30 janvier 1804

Au contre-amiral Decrès

Je vois avec peine, Citoyen Ministre, que quarante chaloupes canonnières, qui sont à Boulogne, ne sont pas encore établies en belle, et que plusieurs ne sont armées que de deux pièces de 24. Donnez des ordres pour qu'elles soient armées de trois pièces de 24, et pour qu'on prenne des mesures pour les mettre promptement en belle. Le citoyen Forfait m'a assuré qu'on faisait, pour ôter les coulisses, des travaux trop considérables, qui pouvaient être simplifiés.

Faites-moi connaître combien d'affûts d'obusiers de 8 pouces on a fait partir de Paris pour Boulogne, et ceux qu'on pourra faire partir d'ici au 20 pluviôse.

Quatre équipages de la Garde, formant 560 hommes, 560 bons matelots, sans comprendre les mousses ni les novices que la marine peut fournir, doivent pouvoir facilement servir trente-six chaloupes canonnières et trente-six péniches, à raison de douze hommes par chaloupe canonnière, et de quatre hommes de la Garde par péniche.

Une division de chaloupes canonnières a été mise à la disposition de la Garde, au Havre, où il y a deux équipages de rendus. Je désirerais que le Havre pût fournir neuf autres chaloupes canonnières, et l'on prendrait à Calais, Dunkerque ou Ostende les neuf autres. L'équipage qui est à Ostende y fournirait. Quant à l'équipage de la Garde qui est à Boulogne, il serait destiné au service de mes péniches et des chaloupes canonnières que j'ai fait faire.

Le 5e équipage de la Garde, qui est à Paris, pourra partir pour le Havre quand il sera nécessaire. Ordonnez donc au Havre de disposer neuf autres canonnières et neuf autres péniches, et faites-moi connaître quand cette nouvelle section sera prête.

Vous ordonnerez que les trente-six chaloupes canonnières que doit monter la Garde soient toutes armées en belle; qu'elles aient trois pièces de canon de 24 et un obusier de 8 pouces. Si, cependant, on pouvait en armer quelques-unes avec affût tournant, à l'instar de celles de Paris, il n'y aurait pas d'inconvénient.

Les péniches doivent être toutes armées d'un obusier de 6 pouces.


Paris, 31 janvier 1804

Au citoyen Régnier

Desol a été mal interrogé; Desmarets l'a fait trop légèrement. Dès l'instant qu'il lui a laissé apercevoir qu'il n'y avait d'autre chose à craindre que la dénonciation de Querelle, on lui a rendu de la confiance.

D'Hozier doit être mis au secret et subir un long interrogatoire.

Il faut savoir si Lenoble, dont il a été question, et qui a acheté les 20 kilogrammes de poudre, a été arrêté.


Paris, 31 janvier 1804

Au général Berthier

Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner ordre au corps des Sardes du général Murat, qui est à Milan, de se rendre à Fontainebleau. Le général en chef de l'armée d'Italie prendra pour sa garde trois compagnies d'élite de trois régiments de chasseurs et de hussards de l'armée d'Italie. Ces trois compagnies continueront à faire partie de leurs corps et à y être payées. Par ce moyen, cela n'occasionnera pas de surcroît de dépenses.

Lorsque le corps des gardes sera arrivé à Fontainebleau, le général Bessières sera chargé d'en passer la revue et de choisir pour la Garde tous les hommes qui seraient susceptibles d'y entrer et qui seraient reconnus avoir toutes les qualités pour cela.

Je vous prie de me faire un rapport sur la garde du général Mortier à Hanovre.

Donnez ordre au général Kellermann de se rendre à Hanovre, pour y prendre le commandement de la cavalerie, et au général Nansouty de revenir à Paris; vous lui ferez connaître qu'il sera employé à l'armée des côtes.


Paris, 31 janvier 1804

Au général Davout, commandant le camp de Bruges

Citoyen Général Davout, j'ai reçu votre lettre du 3 pluviôse. Vous pouvez assurer la chambre de commerce d'Ostende qu'elle peut être tranquille, que l'arrêté du 24 messidor sera exécuté; que cette disposition du ministre des finances n'a sans doute eu pour but qu'une régularisation, et qu'il prendra, au reste, des mesures pour faire disparaître toute inquiétude.

Vous avez le temps d'étudier le port d'Ostende. Vous y avez des officiers du génie de terre et du génie maritime. Il paraît que, les terres devant être mises en vente, on ne tardera pas à entreprendre les travaux de l'écluse de chasse. Faites traiter la question de savoir s'il est possible de faire entrer à Ostende, sans des dépenses extraordinaires, de grosses frégates, et de les faire entrer et sortir, même aux mortes eaux. Je ne pense pas que, dans aucun cas, on puisse y faire entrer des vaisseaux de 74. Étudiez aussi le port de Nieuport, et faites voir ce qu'il serait possible d'y faire.

Faites-moi connaître si le ministre de la marine a donné des ordres pour que toutes les écuries tirant plus de sept pieds d'eau se rendissent à Calais, et toutes les corvettes de pêche à Dunkerque.

La flottille qui doit transporter votre corps d'armée se divise en trois parties, chacune correspondant à une division.

Les deux 1ères seront formées par la flottille batave.

La 3e sera formée par la flottille de corvettes de pêche armées en guerre.

Les deux parties de la flottille batave se composent de la manière suivante :

La première, de la 1ère division de chaloupes canonnières, composée de deux sections, ou bataillons formés chacun de 9 chaloupes, total 18 chaloupes;

Et des deux 1ères divisions de la flottille de bateaux canonniers, composées chacune de quatre sections, ou bataillons formés chacun de 9 bateaux canonniers, total 72 bateaux.

Les cinq régiments formant la lère division de l'armée s'embarqueront, savoir : le ler régiment, sur la 1ère division de chaloupes canonnières; les deux autres brigades, sur les deux 1ères divisions de bateaux canonniers.

Une brigade est composée de quatre bataillons. Une division de la flottille de bateaux canonniers est également composée de quatre sections ou bataillons.

Le bataillon d'infanterie est composé de neuf compagnies; la section, ou bataillon, est également composée de 9 bateaux canonniers. Chaque compagnie sera donc affectée à un bateau canonnier.

La deuxième partie de la flottille batave sera composée de la 2e division de chaloupes canonnières, formant deux sections de 18 chaloupes; des 3e et 4e divisions de bateaux canonniers, formant chacune 4 bataillons, c'est-à-dire 72.

La 2e division de votre armée s'embarquera sur cette aile, chaque brigade sur chaque division de bateaux canonniers, chaque bataillon sur chaque section, et chaque compagnie sur chaque bateau.

Ainsi donc il faudrait que la flottille batave se trouvât être, au 1er ventôse, au moins de deux divisions ou 36 chaloupes canonnières, et de quatre divisions ou 144 bateaux canonniers. Elle devrait être du double, d'après les engagements pris par la Hollande. Dans tous les cas, si elle est plus forte, il sera fourni de nouvelles troupes; si elle est moins forte, il sera fourni un supplément par la flottille françaises.

La flottille de corvettes de pêche embarquera la 3e division de l'armée. Elle est composée de neuf sections ou bataillons; ainsi il y aura une section de trop.

Les garnisons doivent être fournies, dès aujourd'hui, par les bataillons de l'armée, qui doivent monter les chaloupes. On fournira un officier et 20 hommes pour chaque bateau canonnier; un officier et 30 hommes pour chaque chaloupe canonnière, et un officier et 20 hommes pour chaque corvette de pêche. Par ce moyen, chaque compagnie pourra renouveler trois et quatre fois sa garnison. Le service doit se faire par régiment, bataillon et compagnie, de manière que le capitaine sache que le bâtiment où est sa garnison est celui où doit s'embarquer sa compagnie.

La flottille batave doit avoir 100 bateaux de transport, dont une partie formée en écuries. C'est sur ces écuries que s'embarquera la brigade de cavalerie attachée au corps d'armée. Ce sont aussi ces transports qui porteront les bagages des bataillons et de l'état-major.

Il est donc nécessaire que vous organisiez vos garnisons de cette manière.

Faites-moi connaître si les corvettes de pêche, écuries et bateaux de transport ont eu des ordres de départ : les corvettes de pêche pour Dunkerque, les bâtiments tirant plus de sept pieds d'eau pour Calais, et les autres pour Boulogne.

Les deux prames que l'on suppose avoir de l'arrondissement d'Ostende serviront également à embarquer des chevaux de la brigade de cavalerie.


1 - 15 janvier 1804