16 - 30 Mai 1804 


Saint-Cloud, 16 mai 1804

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Il est nécessaire, Citoyen Ministre, que vous me fassiez un récit sur la conduite du citoyen Willaumez, commandant la frégate la Poursuivante, dans son combat avec un vaisseau anglais. Vous me ferez ce récit en forme de rapport, en m'apprenant son arrivée en France, afin qu'il lui soit accordé des récompenses.


Saint-Cloud, 17 mai 1804

Proposition de rendre publics les procédés du citoyen Bralle pour le rouis sage du chanvre, et de récompenser l'auteur de cette découverte.

Lui faire donner 3,000 francs de gratification et lui faire con naître que l'ordre est donné pour mettre en usage sa découverte; et que si, dans le courant d'une année, elle a réussi autant qu'on l'espère, il lui sera accordé une pension proportionnée à l'utilité reconnue.


Saint-Cloud, 18 mai 1804

Au consul Cambacérès

Citoyen Consul, votre titre va changer; vos fonctions et ma con fiance restent les mêmes. Dans la haute dignité d'archichancelier de l'Empire, dont vous allez être revêtu, vous manifesterez, comme vous l'avez fait dans celle de consul, la sagesse de vos conseils et ces talents distingués qui vous ont acquis une part aussi importante dans tout ce que je puis avoir fait de bien.

Je n'ai donc à désirer de vous que la continuation des mêmes sentiments pour l'État et pour moi.


Saint-Cloud, 18 mai 1804

ORDRES

Faire dresser deux couronnes, l'une d'archichancelier, l'autre d'architrésorier.

Régler les titres que doivent avoir les sénateurs et les grands dignitaires de l'Empire. 

Appeler les grands dignitaires Grandeur,les sénateurs Excellence. Le sénat, en Corps, s'appellera Sénat Conservateur. En particulier, on dira Monsieur, ainsi qu'aux ministres. 

Le costume des grands dignitaires de l'Empire, ordinaire, est le même que celui des conseillers d'État. Ils auront chacun un costume particulier dans les grandes cérémonies.

Le Sénat, le Conseil d'État, les Législateurs et le Tribunat ne prêteront leur serment que le 14 juillet. Les ministres prêteront leur serment dimanche.

Publier demain, dans le Moniteur, le sénatus-consulte, le discours du Sénat et la réponse.

Mettre que l'insertion au Bulletin des Lois a été ordonnée;

Que la proclamation solennelle s'en fera le 14 juillet.

Réunir le Conseil d'État demain et faire un arrêté sur la manière dont les registres doivent être ouverts.

Les armées et les flottes ayant voté, leur votation est inutile. On ne les comprendra pas dans l'arrêté.

NAPOLÉON (Premier document signé de cette façon)


Saint-Cloud, 18 mai 1804

ORDRES

Serment des ministre, et du secrétaire d'État, serment des généraux de la garde et du gouverneur du palais.

Les ministres de la guerre et de la marine expédieront des courriers pour porter l'ordre de faire prêter serment à l'armée et à la flotte.

Dimanche, les m,embres du Sénat, du Conseil d'État, du Tribunat, et les présidents et questeurs du Corps législatifs prêteront serment.

Le grand électeur sera supplée par l'archichancelier.

Les préfets et conseillers de préfecture prêteront serment devant le président du tribunal d'appel ou du tribunal de première instance; les autres fonctionnaires devant lui.

Le Conseil d'État sera présidé, jusqu'au 1er vendémiaire an XIII, par l'archichancelier de l'Empire.


Saint-Cloud, 18 mai 1804

RÉPONSE DE L'EMPEREUR AU SÉNAT

Tout ce qui peut contribuer au bien de la patrie est essentiellement lié à mon bonheur.

J'accepte le titre que vous croyez utile à la gloire de la nation. Je soumets à la sanction du Peuple la loi de l'hérédité. J'espère que la France ne se repentira jamais des honneurs dont elle environnera ma famille.

Dans tous les cas, mon esprit ne sera plus avec ma postérité le jour où elle cesserait de mériter l'amour et la confiance de la grande nation.

(Extrait du Moniteur)


Saint-Cloud, 18 mai 1804

ORDRES

La proclamation qui doit avoir lieu en conséquence du sénat consulte organique de ce jour sera faite dimanche prochain, à midi, par le chancelier du Sénat, ayant à sa droite le président du Corps législatif, et à sa gauche le président du Tribunat.

Marcheront après lui : le gouverneur de Paris, le premier inspecteur de la gendarmerie et l'un des préteurs du Sénat.

Marcheront en avant : le préfet du département de la Seine, le préfet de police et les douze maires de Paris.

Le même jour, les membres du Sénat, du Conseil d'État et du Tribunat, les président et questeurs du Corps législatif, et le premier président du Tribunal de cassation , prêteront serment entre les mains de l'Empereur. 

Le grand électeur sera supplée dans cette fonction par l'archichancelier de l'Empire.


Saint-Cloud, 21 mai 1804

A M. Cambacérès

Mon Cousin l'Archichancelier de l'Empire, désirant que votre maison soit toujours tenue sur le même pied que celui que vous avez établi en conséquence du sénatus-consulte organique du 16 thermidor an X et de la loi du budget du 1er ventôse an XI, et le traitement affecté par le sénatus-consulte organique du 28 floréal dernier à la haute dignité dont vous êtes revêtu, nous ayant paru moins considérable que celui dont vous jouissiez, nous vous écrivons cette lettre pour vous faire connaître que nous avons ordonné à notre trésorier de vous compter, de mois en mois, sur les fonds de la liste civile, et pendant la durée de votre vie, la somme nécessaire pour compléter le traitement dont vous avez joui jusqu'à ce jour.

En foi de quoi nous avons signé de notre main les présentes, contre-signées par notre secrétaire d'État.


Saint-Cloud, 21 mai 1804

A M. Régnier

Monsieur Régnier, Grand Juge, Ministre de la justice, un grand nombre de prêtres des Deux-Sèvres ont fixé mon attention. Ils sont rebelles à l'Église et à l'État. Mon intention est que vous fassiez arrêter les treize dénommés ci-dessous désignés comme les chefs.

Dans l'arrondissement de Thouars, Cervette, Brion, Gueniveau, Texier, Violet, Legrand, Ballard, Brunet, Barbarin, Guery; arrondissement de Niort, Clément; arrondissement de Partenay, Bressier, Grittet.

Vous ferez également arrêter le nommé Jayan, régisseur de Clisson, comme ayant été rédacteur de pétitions contraires à l'État.

Tous ces individus seront arrêtés par la gendarmerie, sans aucune intervention civile. Ils seront conduits en toute diligence dans les prisons de Poitiers. Vous ferez faire une enquête sur chacun d'eux, et on me rendra compte de ladite enquête.

Vous ferez connaître au général commandant dans le département des Deux-Sèvres de prêter main-forte s'il y a lieu, et vous ferez prévenir le général Moncey, premier inspecteur de gendarmerie, d'envoyer les mandats d'arrêt au colonel Noireau, pour que tous ces individus soient arrêtés le même jour.

Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde.


Saint-Cloud, 21 mai 1804

A M. Crétet

Monsieur Cretet, Conseiller d'État, la route de Saint-Quentin à Cambrai est mauvaise. Les mâts qui doivent passer par cette route sont exposés à être cassés. L'intention est que vous preniez aussi des mesures pour que l'écluse de Fargniers, canal de Chauny, soit promptement réparée.

Sur ce, etc.


Saint-Cloud, 21 mai 1804

Au contre-amiral Decrès

Le Brutus, qui est au Texel, a soixante et seize pièces de canon. Je désirerais que vous vous fissiez remettre le plan de ce vaisseau, que vous me fissiez connaître combien il tire d'eau, et si les marins bataves et notre capitaine de frégate qui est à Helvoet-Slays, que vous autoriserez à se rendre au Texel pour le voir, sont dans l'opinion qu'il marche aussi bien qu'un de 74.

Sur ce, etc.


Saint-Cloud, 21 mai 1804

Au contre-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la Marine, les prames parties de Flessingue n'avaient point de boulets ramés; elles ont manqué de munitions. Réitérez l'ordre pour toute la flottille que, sous aucun prétexte, on ne mette en mer sans avoir cent coups à tirer par pièce. Les fournitures de la grande escadre n'ont rien de commun avec la flottille.

Je désire que Daugier se rende au Havre pour rallier la division de canonnières et péniches de ma Garde qui s'y trouve, et parte avec elle pour se rendre à Boulogne. Je désirerais toutefois qu'il ne partit pas sans s'être assuré que l'armement de ses bâtiments est complet, et que, surtout, chaque péniche porte un obusier de 8 pouces.

Sur ce, etc. 


Saint-Cloud, 21 mai 1801

A M. Daugier (François-Henri, comte Daugier, 1764-1834, amiral)

Monsieur Daugier, Capitaine de vaisseau, commandant les matelots de ma Garde, mon intention est que vous vous rendiez au Havre, que vous y preniez le commandement des 27 chaloupes canonnières et 27 péinches de ma dite Garde; que vous y fassiez installer les détachements de ma Garde qui partent d'ici, chacun composé de 42 hommes; que vous en acheviez l'armement et l'approvisionnement; que vous exerciez, pendant quelques jours, les garnisons, et que vous preniez un moment favorable pour vous rendre à Boulogne.

Sur ce, etc.


Saint-Cloud, 21 mai 1804

S.M. l'Empereur désire que M. Talleyrand lui apporte un Protocole pour toutes les lettres à écrire aux Souverains, Princes, Grands Seigneurs et autres personnes revêtues de grandes dignités en Europe, surtout au Landammann de la Suisse, désirant lui écrire.

M. Talleyrand est prié de renvoyer le premier projet de liste des Français traîtres à leur patrie et aujourd'hui dans les rangs ennemis que l'Empereur lui a fait remettre.

(Brotonne)


Saint-Cloud, 21 mai 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, répondez au ministre suisse que j'ai lu avec attention les notes et le mémoire qu'il m'a remis de la part du landammann, relatifs aux derniers troubles de Zurich; que ces troubles m'ont déchiré le cœur; mais que j'ai appris avec une vive satisfaction que la sévérité du landammann a eu le bon effet de les réprimer promptement; que ce n'est que par une succession de mesures sages, fermes et paternelles qu'on parviendra à consolider la tranquillité en Suisse et à réprimer tout esprit de faction; que, de son côté, l'Empereur, ayant été instruit qu'on colportait des adresses sur la réunion de la Suisse à la France, a ordonné qu'on les saisît, ne voulant pas qu'il existât sur le territoire français un individu qui tentât de porter atteinte à l'acte de médiation

Sur ce, etc. 


Saint-Cloud, 21 mai 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, j'approuve qu'il soit envoyé, sous prétexte d'étudier les plantes, un médecin ou un savant en Perse, qui prendra sa route par Constantinople. Mon intention est que vous en écriviez à M. Rousseau, et que vous envoyiez la lettre par son propre fils. M. Rousseau le renverra en France pour donner des nouvelles de la Perse. M. Rousseau fils séjournera en Perse, pour bien voir la situation des choses.


Saint-Cloud, 21 mai 1804

Au maréchal Berthier, ministre de la guerre

Mon Cousin, je désire que vous me fassiez un rapport sur les prérogatives dont doivent jouir les maréchaux de l'empire, sur le mode d'expédition de leur commission, sur la marque distinctive qu'ils doivent avoir, et sur la manière dont elle doit leur être remise.

Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.

(La dignité de maréchal vient d'être rétablie par le sénatus-consulte du 18 mai - et la première promotion fut faite le lendemain 19 mai 1804)


Saint-Cloud, 21 mai 1804

Au maréchal Berthier

Mon cousin, je vois que, dans l'état de situation de l'armée des côtes, le 85e régiment n'est qu'à 1,300 hommes, et le 12e à 1,400. L'un et l'autre de ces régiments ont à leurs dépôts, à Mézières et à Sarre-Libre, assez de troupes pour pouvoir se compléter. Donnez donc l'ordre à leurs 3e bataillons d'envoyer à ces régiments des conscrits habillés, et qui seraient déjà à l'école de peloton. Je vois que le 21e de ligne est à 1,200 hommes ; son dépôt peut lui fournir 200 hommes au moins, ce qui le porterait à un taux raisonnable. Le 111e est à 1,350 hommes; son dépôt peut bien lui fournir 300 hommes. Le 28e de ligne est à 1,400 hommes ; son dépôt peut lui fournir 200 hommes. Je vois que la compagnie du Liamone est toujours portée séparément ; il faut l'incorporer ou dans le bataillon corse ou dans le 26e régiment d'infanterie légère. Le 22e de ligne n'est porté qu'à 1,300 hommes ; son dépôt peut lui fournir 200 hommes.

Vous donnerez l'ordre au 72e régiment, qui est à Hesdin, de former un second bataillon de 600 hommes pour joindre au premier, au camp. Le colonel égalisera les deux bataillons, de manière qu'ils soient au moins à 700 hommes.

Le 64e n'est porté qu'à 1,200 hommes ; son dépôt, qui est à Rocroy, peut lui fournir 400 hommes. Le 39e n'est qu'à 1,400 hommes ; son dépôt peut lui fournir des hommes pour le compléter à 1,600 hommes. Le 6e d'infanterie légère n'est qu'à 1,400 hommes; son dépôt, qui est à Givet, peut le compléter à 1,600 hommes. Le 25e régiment d'infanterie légère est à 1,400 hommes ; il peut être porté à 1,600 hommes. Le 69e est à 1,300 hommes ; son dépôt peut lui fournir 300 hommes.

Je vois aussi que, sur la colonne du complet, vous portez 1,400, et 1,500, et 1,600 hommes. Cela tient aux ordres primitifs que j'ai donnés ; j'ai consulté alors la force des corps. Il ne doit désormais y avoir qu'un seul complet, celui de 800 hommes par bataillon, présents, officiers compris; les malades ne doivent point être compris dans ce nombre. Les colonels doivent, au fur et à mesure que des hommes meurent aux hôpitaux, ou tombent dans de graves maladies à ne pas être en état de faire la campagne, demander à leurs dépôts et à leurs majors des hommes pour compléter leurs bataillons ; pour la régularité, ils doivent s'adresser à vous, hormis pour les 39e bataillons qui sont dans les 24e, 25e et 16e divisions militaires, qui peuvent se mettre en mouvement sur un simple ordre du général de la division. Dans les autres divisions, les demandes vous seront adressées, et vous me les communiquerez, afin que, selon les besoins de la flottille, j'ordonne des mouvements sur les ports.

Dans l'état du cantonnement de Saintes, les deux bataillons du 26e de ligne ne sont portés qu'à 1,300 hommes, ainsi que ceux du 105e. Donnez des ordres pour que leurs dépôts les complètent le plus tôt possible à 1,600 hommes.


Saint-Cloud, 21 mai 1804

Au contre-amiral Ver Huell, commandant la flottille batave

Monsieur le Contre-Amiral Ver Huell, j'ai été fâché d'apprendre que la prame la Ville-dAnvers n'avait que vingt coups à tirer par pièce. Vous ne devez point mettre à la voile sans vous être assuré que vos approvisionnements sont au complet. Dans un corps d'armée, l'œil du chef doit remédier à tout. Capitaines, officiers, quel que soit d'ailleurs leur mérite, sont constamment dans un état d'insouciance si la présence du chef ne se fait continuellement sentir.

Tous les bâtiments de la flottille doivent avoir cent coups à tirer. Je sais qu'il est d'usage ne ne donner que soixante coups à tirer par pièce aux gros bâtiments, mais cela ne doit point servir de règle. On m'assure aussi que les prames n'avaient point de boulets ramés. J'avais fait connaître que les canons devaient être disposés en belle sur les chaloupes canonnières et sur les bateaux canonnier; cependant les canons de vos bateaux canonniers sont à coulisses, ce qui les a obligés, lorsqu'ils ont voulu tirer, à se déranger de le route. Dans tous les cas, mon intention est que vous fassiez mettre en belle les canons des chaloupes canonnières et des bateaux canonniers, et que vous approvisionniez les bâtiments de votre flottille à cent coups par pièce.

Faites nager tous les jours, bien entendu autant que le temps permettra, la division qui est en rade, et veillez à ce que toute l'armée s'exerce à l'aviron. Chaloupes canonnières, bateaux canonniers , bateaux de commerce, prames, tout doit avoir des avirons. Avec la quantité de monde qu'il y a à bord , les avirons deviennent un moyen puissant.

J'ai éprouvé la plus vive satisfaction à la lecture de votre lettre; j'ai ressenti une véritable joie de votre succès. Vous avez montré autant d'audace que de talent. Vous n'aviez pas le quart du canon qu'avait l'ennemi. Cet événement a rempli nos ennemis de confusion et présage aux pavillons alliés le retour de leurs beaux jours. Vous m'avez fait ressouvenir que vous êtes du sang des Tromp et des Ruyter.


Saint-Cloud, 21 mai 1804

A M. Portalis

Monsieur Portatis, Conseiller d'État, la situation des prêtres dans le département des Deux-Sèvres excite toute ma sollicitude. Cette partie du diocèse de Poitiers est celle qui va le plus mal. Avant que l'évêque soit installé, il faudra du temps. Je désire que vous chargiez de l'administration de ce diocèse un autre évêque, par exemple  celui de Meaux. On lui accorderait l'autorité qui est nécessaire, et il userait de tous les moyens de son état pour fortifier les gens de bonne foi,  ramener les gens égarés, et faire punir et trembler les méchants.


Palais des Tuileries, 22 mai 1804

RÉPONSE DE L'EMPEREUR A UNE DÉPUTATION DU TRIBUNAT

Je vous remercie du soin que vous mettez à relever le peu de bien que je puis avoir fait. Le Tribunat a contribué par ses travaux à la perfection des différents actes de la législation de la France, et, en cela, il a rempli le plus constant de mes vœux. Je me plais à tout devoir au Peuple ; ce sentiment seul me rend chers les nouveaux honneurs dont je suis revêtu.


Saint-Cloud, 22 mai 1804

A M. Lacépède

Monsieur Lacépède, Grand Chancelier de la Légion d'honneur, le contre-amiral Ver Huell ayant, dans sa dernière mission, repoussé les Anglais, je désire que vous lui expédiiez un brevet d'admission dans la Légion d'honneur, et que vous lui écriviez une lettre qui puisse être publique. Faites la même chose pour le lieutenant Dutaillis, commandant la prame la Ville-dAnvers. Faites la même chose pour M. Letourneur, commandant les canonniers qui ont pris une corvette anglaise à la pointe de Quiberon.


Saint-Cloud, 23 mai 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je prends part à votre douleur. La perte d'un père est toujours sensible. Je vous connais, et je comprends vos peines. Mais enfin, à quatre-vingt-cinq ans, il faut bien finir; et, quand on a bien vécu, on ne peut plus ambitionner à cet âge que de laisser un bon souvenir. Croyez à toute la part que je prends à cette perte.


Saint-Cloud, 23 mai 1804

Monsieur Talleyrand est prié de faire traduire la lettre ci-jointe et d'en ordonner le renvoi avec l'enveloppe.

Il manquait une enveloppe à une des dernières lettres renvoyées.

Lettres à Talleyrand


Saint-Cloud, 24 mai 1804

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

Sa Majesté Impériale a vu avec peine que le général Chabran, dans le discours imprimé prononcé devant le collège électoral du département de Vaucluse, n'a pas tenu un langage conforme à la dignité de ses fonctions. Ce président a demandé la faveur de l'assemblée, et sa conduite seule devait la lui assurer. Il a paru solliciter les suffrages, en pressentant qu'il ne les obtiendrait pas. Ce n'est point ainsi qu'il devait parler pour se concilier l'estime des membres de l'assemblée.

Sa Majesté ne peut approuver qu'une assemblée toute civile ait été environnée de troupes. Les maximes du Gouvernement sont entièrement contraires à cette mesure ; il ne désire régner que par la confiance, et il n'a jamais voulu qu'on pût mettre des bornes à la liberté d'expression des citoyens appelés aux fonctions électorales.

La faculté de requérir la force armée n'a été déférée aux présidents des collèges que pour rendre hommage à l'indépendance de ces assemblées et les mettre en mesure de réprimer les désordres qui pourraient naître dans leur sein. Il n'y a pas encore d'exemple qu'un collège électoral se soit trouvé dans le cas d'en faire usage.


Saint-Cloud, 24 mai 1804

A M. Forfait

Monsieur Forfait, Conseiller d'État, j'ai fait partir le capitaine Daugier, avec un détachement de 900 hommes de ma Garde, pour achever l'armement des 27 chaloupes canonnières et des 27 péniche de ma dite Garde qui sont au Havre. Je désire qu'il ne manque rien à ces divisions, quelles partent le plus tôt possible, et que chaque chaloupe ait un obusier de 8 pouces et trois pièces de 24, et que chaque péniche ait un obusier de 6 pouces et une pièce de 8.

Vous avez en armement au Havre 20 canonnières; faites-les partir pour Boulogne. Enlevez les matelots qui se trouvent sur la côte, même les invalides, si cela est nécessaire. Vous avez 11 chaloupes canonnières à Dieppe et à Fécamp, 10 à Rouen, 3 à Honfleur. Mettez-les en état de partir sur-le-champ pour Boulogne. Activez le radoub et l'armement des 16 que vous avez à Cherbourg. Je vous en dis autant des 51 bateaux canonniers qui sont au Havre, Saint Valéry, Rouen et Honfleur. Il y a encore beaucoup de matelots ; et s'il est vrai de dire qu'il serait difficile d'en trouver pour les Indes et l'Amérique, il ne doit pas en manquer pour cette espèce de cabotage. Vous êtes en position de faire tout ce que vous voulez. Je n'admets donc aucune espèce d'excuse. Apprenez-moi au plus tôt qu tout cela est parti de vos ports. Mon intention est que vous ne veniez pas à Paris sans avoir mis tout cela en mouvement. Il est probable que je vous appellerai avant à Boulogne, où je ne tarderai pas à me rendre.

Il y a près d'un mois que j'ai ordonné qu'on construisît un vaisseau de 74 dans le bassin du Havre. Les rapports que vous avez faits sur cet objet ne sont point satisfaisants. On peut faire un vaisseau de 74 qui ne tire que 21 pieds d'eau. On peut le faire sortir en temps de paix désarmé et ne tirant que 17 pieds d'eau. Quelles sont donc les objections ? Le passage de l'écluse pourrait être un obstacle par le défaut de largeur ; mais l'ingénieur Sganzin m'a assuré qu'en peu de temps il m'élargirait assez le haut pour y faire passer un vaisseau de 74. Est-ce le défaut d'eau au-dessus du radier ? Par les rapports qui me sont faits, il y a plus de 17 pieds d'eau au-dessus du radier dans les vives eaux. A l'égard de l'encombrement de la passe, l'écluse de chasse, qui sera faite avant que le vaisseau ne soit fini, débarrassera le chenal, et, si elle ne l'était pas, on le ferait nettoyer à bras. Mon intention est donc de faire construire dans le bassin du Havre trois vaisseaux de 74, et que les travaux en soient poussés de front, de manière à être terminés dans deux ans. La paix arrivant, on mettra ce vaisseau à l'eau, et on le conduira dans la rade de Cherbourg. Je vous envoie donc ce courrier pour avoir des éclaircissements positifs sur cet objet.

Je ne veux point de nouveaux projets ; je veux construire tout de suite, et je n'attends que le retour de mon courrier pour vous faire donner l'ordre de faire mettre les trois vaisseaux en construction ; ce qui n'empêchera pas de finir votre plan pour la baie de Sainte-Adresse, qui est un ouvrage de longue haleine dont on ne s'occupera que lorsque le port sera fini ; car, avant d'entamer de nouveaux ouvrages, il faut finir ce qui est commencé. Voilà ma volonté ; je me repose sur votre zèle, vos talents et votre attachement à ma personne, pour que vous vous y conformiez en tout. Si votre réponse m'annonçait des difficultés pour la passe d'un vaisseau de 74 aux marées ordinaires, ne manquez pas de tenir compte des vives eaux des marées de l'équinoxe. Faites-moi bien connaître à combien se montent les plus fortes marées des vives eaux de l'équinoxe à la laisse de basse mer ; car ce sont là les données qui doivent faire connaître si le projet est exécutable ou non. Ainsi, si à la laisse de 1a basse mer, aux vives eaux du printemps, la marée ne monte pas de 21 pieds d'eau, il est impossible qu'on puisse y faire passer un vaisseau de 74 ; mais, s'il en monte davantage, je ne vois plus d'objections ; car ce ne sont pas des vaisseaux que je veux construire pour la guerre actuelle, mais des bras et des matériaux que je veux utiliser pour la guerre prochaine, et vous savez que mon intention est de ne plus construire à Brest.


Saint-Cloud, 25 mai 1804

A M. Chaptal

Monsieur Chaptal, Ministre de l'intérieur, il est convenable que vous me présentiez au plus tôt un projet de la fête du 14 juillet, de l'habillement de l'Empereur et de celui des grands dignitaires de l'Empire aux grandes cérémonies.


Saint-Cloud, 25 mai 1804

A M. Chaptal

Monsieur Chaptal, Ministre de l'intérieur, je désirerais avoir un note de tous les travaux ordonnés par arrêtés et par des ordres particuliers, depuis vendémiaire an VIII. A mi-marge seront les dispositions des arrêtés et ordres particuliers, et en regard le résumé è ce qui a été fait, de ce qui a été dépensé, et de l'état des travaux.


 Saint-Cloud, 25 mai 1804

A M. Chaptal

Monsieur Chaptal, Ministre de l'intérieur, le l2 fructidor an X,  j'ai arrêté différentes mesures pour la ville de Pontivy. Les plans ne m'ont pas été soumis, et je n'entends pas dire qu'il y ait rien de fait; et voilà près de dix-huit mois que les ordres sont donnés. J'ordonne de nouvelles mesures pour la Roche-sur-Yon. Je désire que soit porté aux établissements que j'y ordonne, par mon décret de ce jour, l'attention la plus suivie. Il ne faut point faire de vains projets. Il ne faut pas que d'ici à deux ans il se trouve que rien n'a é fait, comme je vois qu'il arrive pour Pontivy.


Saint-Cloud, 25 mai 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, en fructidor an X, j'ai prescrit des mesures pour l'établissement de casernes à Pontivy ; les plans ne m'ont pas été présentés. Je désire qu'il n'en soit pas de même des dispositions contenues dans le décret d'aujourd'hui, relatif à la Roche-sur-Yon. Je désire donc, 1° que vous me fassiez connaître ce qui a été fait en exécution de l'arrêté de fructidor an X; 2° que vous me communiquiez les plans, s'ils sont arrivés.


Saint-Cloud, 25 mai 1804

Au maréchal Soult

Mon Cousin, les 9 chaloupes et péniches de la Garde qui sont à Calais ont eu ordre de se rendre à Boulogne. Il me semble que, depuis que cet ordre a été donné, le temps a été plusieurs fois favorable, et cependant elles ne s'y sont pas rendues. En qualité de colonel général de la Garde, passez une revue de ces bâtiments, et faites-moi un rapport tant sur son armement que sur son équipage.

Si le dépôt du 22e d'infanterie est toujours à Calais, envoyez-le dans une petite ville du département.


Saint-Cloud, 25 mai 1804

Au contre-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la Marine, il y a 7 chaloupes canonnières à Dunkerque, armées depuis longtemps. Je désirerais connaître pourquoi ces chaloupes ne partent pas pour se rendre à Boulogne. Il y a à Ostende la chaloupe n° 280 ; pourquoi ne part-elle pas pour Boulogne ?

Il y a 9 chaloupes de la Garde à Calais, donnez l'ordre quelles se rendent à Boulogne. Les deux chaloupes n° 207 et 209, qui sont à Dunkerque, devraient, à l'heure qu'il est, être armées, ainsi que les deux en armement à Saint-Valery-sur-Somme et Gravelines; je ne puis donc concevoir pourquoi ces bâtiments ne partent pas. Je ne sais pas non plus pourquoi les corvettes de pêche de Dunkerque ne vont jamais en rade. Nous voilà en prairial, et depuis trois mois rien n'a avancé. L'inactivité de l'escadre de Brest empêche la flottille d'Audierne de passer, et la marine n'est point dirigée avec cette impulsion et cette énergie qu'il est dans mon intention de lui donner.

Mon intention est que la frégate la Poursuivante, de Bordeaux , embarque 200 hommes et 1 500 fusils, autant de poudre qu'elle en pourra porter, une certaine quantité de billets de la trésorerie, enfin tous les approvisionnements qu l'on pourra y mettre, et qu'elle se rende à la Martinique, de manière à y arriver pendant l'hivernage. Mon intention est que les frégates la Ville-de-Milan, qui est à...et le Président,qui est à Nantes, soient dirigées sur le même point pour y arriver également à la saison de l'hivernage.

Ces trois frégates porteront, à elles trois, 600 hommes, 4,500 fusils, de la poudre, et par là ravitailleront cette précieuse colonie. Vous les ferez aborder à la Martinique, sur des points où elles soient dans le cas de rencontrer le moins d'ennemis. Vous laisserez carte blanche aux capitaines pour le retour, en les autorisant à établir une croisière de manière à faire le plus de mal à l'ennemi, et à aborder dans tel port que ce soit de France, sans en excepter même la Méditerranée. Je donne l'ordre au ministre de la guerre de vous fournir à Lorient, Nantes et Bordeaux, les troupes et fusils nécessaires. Je désire, que, sur chaque frégate, on fasse partir d'ici un officier de terre ou de mer, qui portera des nouvelles de France pour satisfaire la curiosité des colons, et rapportera des nouvelles exactes de la colonie. Autant que possible, les frégates passeront par la Guadeloupe.


Saint-Cloud, 25 mai 1804

Au vice-amiral Latouche, commandant l'escadre de la Méditerranée

Monsieur Latouche, Vice-Amiral, le projet que je vous ai confié a été retardé, mais n'a pas été abandonné. Vous devez, à l'heure qu'il est, avoir 8 vaisseaux en rade. Faites travailler aux flambeaux afin qu'au mois de messidor l'Indomptable soit mis en rade. CHoisissez lequel convient le mieux, du Berwick ou de l'Atlas, afin que votre escadre soit composée de 10 vaisseaux de guerre. Je désire aussi connaître si vous pensez qu'il serait probable que tous puissent appareiller, sans être obligé d'engager aucun combat, dans le courant de messidor.

En passant, vous vous alimenteriez, à la première station, d'un vaisseau, et à la seconde, de 5; ce qui vous ferait 16 vaisseaux et 10 frégates, qui vous mettraient à même de tout entreprendre, au moment où nous avons à Brest 22 vaisseaux de guerre et une armée à bord prête à lever l'ancre. J'ai donc voulu correspondre avec vous sur cet objet, afin de connaître directement votre opinion. Par les bulletins qui me sont remis, il paraîtrait que Nelson ne vous bloque point hermétiquement, et qu'il y a, même en messidor, de fortes brises de mistral qui peuvent même vous faire gagner vingt lieues dans une nuit. Nous sommes aujourd'hui prêts sur la côte de l'Océan. J'attends votre réponse. Je connais votre zèle pour l'État et votre attachement à ma personne, et je ne doute pas que vous ne fassiez tout ce qui est possible.


Saint-Cloud, 25 mai 1804

A l'amiral Truguet, commandant l'escadre de l'Océan

Monsieur Truguet, Amiral, je ne puis qu'être mécontent de l'immobilité de l'escadre qui est sous vos ordres. Par les comptes qui me sont rendus, vos vaisseaux restent immobiles au mouillage. L'ennemi n'est point contenu ni harcelé; aussi n'êtes-vous bloqué que par un petit nombre de vaisseaux, et l'amiral anglais, vis-à-vis de vos 20 vaisseaux, a la liberté de laisser quelques frégates devant Audierne pour empêcher la flottille de passer. Je conçois d'autant moins cette inactivité que ce n'est pas le moyen d'exercer vos équipages, puisque la principale difficulté à la mer est le mouillage et l'appareillage, et qu'il est très-utile pour l'instruction de tenir toujours en haleine les équipages. Ce ne sont point des phrases et des promesses que j'ai le droit d'attendre de vous, ce sont des faits et de l'activité.


Saint-Cloud, 26 mai 1804

A M. Belleville

Monsieur Belleville, Préfet du département de la Loire-Inférieure, la frégate le Président est en rade : faites-moi connaître si elle est armée, et quand elle pourra partir. Sans choquer l'esprit de la marine, rendez-vous à bord et offrez tout ce qui est en votre pouvoir pour la formation des équipages. Dans une ville comme Nantes, il y a toujours des ressources. Vous m'instruirez, par le retour de mon courrier, qui va jusqu'à Rochefort, du jour où cette frégate sera prête à partir.


Saint-Cloud, 26 mai 1804

Au Landamman de la Suisse

A notre très-cher et grand Ami, le Landamman de la Suisse et Président de la diète de nos grands amis, alliés et confédérés, composant la Confédération helvétique.

Très-cher et.grand Ami, nous avons lu avec intérêt le mémoire que vous nous avez fait remettre sur les derniers troubles de la Suisse. Nous avons été un moment alarmé de ces troubles; mais nous avons vu avec une vive satisfaction que, par des mesures clémentes, sévères et justes, vous avez rétabli la parfaite tranquillité. Le prix que nous attachons au maintien de la bonne harmonie dans la confédération et surtout l'intérêt particulier que nous prenons à la nation suisse nous portent à vous recommander de vous opposer à tout ce qui tendrait à violer l'indépendance ou la constitution des cantons; l'intégrité de l'une comme de l'autre forme la garantie de toute la confédération. Tout ce qui peut être agréable à votre nation, et à vous, fait partie de notre bonheur.

Sur ce, nous prions Dieu, très-cher et grand Ami, qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.

Écrit en notre palais de Saint-Cloud, le 6 prairial an XII, de notre règne le premier.


Saint-Cloud, 26 mai 1804

Au contre-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, dans votre dernier état de situation, du ler prairial, vous ne portez sur l'escadre du Ferrol que 2,300 hommes. Ce nombre a dû être augmenté de 300 hommes d'infanterie qui ont dû s'y rendre de Malaga et de Cadix. Faites donc connaître de quelle date est l'état des vaisseaux du Ferrol. Je suis d'opinion qu'il y a au Ferrol, en garnison et matelots, plus de 3,000 hommes.

Il me semble que, sur l'escadre de Brest, il n'y a point le nombre de garnisons prescrit par l'ordonnance. Il faudrait donc faire compléter ces garnisons, pour qu'elles aient un peu de temps de s'amariner.

Sur l'escadre de l'amiral Villeneuve, les garnisons ne sont pas plus complètes. Dans votre dernier état, vous portez sur le brick le César cinq hommes du 36e régiment. Je voudrais savoir s'il n'y a pas erreur et d'où viennent ces cinq hommes du 36e.

Je désirerais aussi voir bien établi le nombre d'hommes qui composent l'équipage de la Poursuivante.

Faites toucher, en forme de gratification, 15,000 francs au contre-amiral Ganteaume.

Titre VI, article 48 du sénatus-consulte, il est dit qu"il y aura deux grands officiers de l'Empire, inspecteurs de marine : me faire connaître quel titre et quelles attributions on pourrait leur donner.

Dans le même état de situation, du 1er prairial, il n'est pas dit quel régiment fournit la garnison de la frégate la Canonnière. Si les 327 hommes portés dans l'état sont tous marins, on peut bien en retirer une centaine d'hommes pour le service de la flottille, et les remplacer par une centaine d'hommes d'infanterie.

Il n'est pas dit de quels corps sont les garnison de la Libre et de la Glorieuse, le vaisseau l'Aigle, la Torche, l'Argus et l'escadre du Ferrol, le Marengo et toute l'escadre qui est aux Indes. Cependant ces renseignements nous sont nécessaires.

Je désire savoir ce qu'est devenu ce Palamet dont il est question dans le mémoire que je vous envoie.


Saint-Cloud, 26 mai 1804

Au contre-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, j'écris par un courrier extraordinaire au vice-amiral Thévenard, pour l'encourager.

Je lui demande, indépendamment de l'Algésiras,un des vaisseaux le Régulier ou le Courageux prêt à partir pour la fin de messidor. J'ai écrit au Préfet Caffarelli pour lui demander, au 14 juillet, 23 vaisseaux en rade.

Je désirerais que vous me fissiez connaître votre opinion sur la mesure, qui paraîtrait bonne à prendre, d'établir à Toulon, Brest, Rochefort , etc., que le tiers des équipages sera formé de soldats de terre. En prenant cette mesure de suite dans les rades de Toulon, Brest, et à l'île d'Aix, on aura le temps d'amariner les soldats et de les exercer à toute sorte de manœuvres. Un soldat qui a passé deux mois en rade, et constamment exercé dans des canots, chaloupes et aux manœuvres basses de vaisseau, doit être bon à quelque chose. J'ai vu, dans la dernière guerre, des escadres assez belles avoir la moitié des équipages de soldats et manœuvrer passablement. Cette manière de voir peut être justifiée par la différence que la marine  a coutume de mettre entre un bâtiment armé en flûte et un bâtiment armé en guerre. La différence serait de moitié. J'imagine quelle vient de ce que l'on ôte aux bâtiments armés en flûte les hommes nécessaires aux manœuvres du canon.

Dans les 20 vaisseaux et les 4 frégates de la rade de Brest, il y a 11,000 matelots, sur lesquels 1,800 soldats. La proportion actuelle est du cinquième au sixième. En mettant le tiers de soldats, cela ferait encore 3,000 hommes à fournir, ce qui d'abord compléterait les équipages et rendrait quelques matelots disponibles.

Dans l'escadre de Rochefort, il y a 2,950 hommes, sur lesquels 450 soldats. Il y aurait donc encore 600 soldats à mettre, ce qui ferait 600 matelots, qui aideraient à former l'équipage de l'Achille.

Dans l'escadre de Toulon, il y a 9,000 hommes, sur lesquels il n'y a pas 1,000 soldats. D'après le même principe il faudrait encore 2,000 soldats, ce qui compléterait l'équipage du Berwick et de l'Indomptable.

Je vous prie de me faire un prompt rapport sur ces objets, afin de donner de suite les ordres nécessaires; car il est bon, dans cette hypothèse, que l'on profite du temps pour amariner en rade le soldat.


Saint-Cloud, 26 mai 1804

Au contre-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, la République italienne nous doit le prix de 12 chaloupes et de 2 frégates. J'ai réglé ce prix à 2,400,000 livres tournois, savoir 900,000 livres pour chaque frégate et 600,000 livres pour les 12 chaloupes canonnières.

La moitié de cette somme, c'est-à-dire 1,200,000 livres, sera versée en chanvre, à Gênes, et j'ai chargé Marescalchi de s'entendre avec vous pour régler le prix et la qualité du chanvre; vous autoriserez quelqu'un dans cette ville à le recevoir. L'autre moitié sera payée au trésor public.


Saint-Cloud, 26 mai 1804

Au vice-amiral Martin

Monsieur Martin, Vice-Amiral, Préfet maritime à Rochefort, j'ai reçu vos deux lettres des 15 et 21 floréal. J'ai vu par la dernière que vous avez tenu ce que vous promettiez. Je pense qu'à l'heure qu'il est le Lion est en rade. J'ai donné l'ordre, comme vous l'avez demandé, que l'île d'Aix vous fût remise. Il est nécessaire que vous y alliez souvent et que vous veilliez à l'entretien en bon état des batteries, et à leur bon approvisionnement. Un bataillon de 800 hommes doit arriver ces jours-ci dans votre port. Je désirerais que la frégate l'Armide entrât en rade avant la fin du mois, et que le vaisseau l'Achille fût mis à l'eau au 14 juillet, et qu'avant le 20 thermidor il fût en rade. Faites, s'il est nécessaire, travailler aux flambeaux. J'ai ordonné des fonds extraordinaires pour assurer le payement des constructeurs. Assurez-vous d'avance que rien ne retardera l'armement. Levez tous les obstacles qui pourraient se présenter, et que, du 20 au 30 thermidor, ce vaisseau augmente l'escadre de l'île d'Aix. La frégate la Pénélope est commencée depuis deux ans; qui empêche, à Bordeaux qu'elle ne soit achevée ? Il doit y avoir dans cette ville toutes sortes de ressources. Je compte sur votre zèle et sur votre attachement à la patrie et à moi pour l'exécution de cet ordre.


Saint-Cloud, 26 mai 1804

A M. Caffarelli

M. Caffarelli, Conseiller d'État, Préfet maritime à Brest, je vois avec plaisir que vous avez 20 vaisseaux en rade. Je désirerais qu'avant le 14 juillet l'Océan et le Patriote pussent y être, et si, sur les 6 vaisseaux désarmés qui restent, vous croyez qu'il soit possible de tirer encore parti d'un, tâchez de porter votre escadre à 23 vaisseaux. Faites surtout armer vos vaisseaux de caronades et d'obusiers de nouveau modèle. Les Anglais s'en servent avec succès. Je ne vois pas pourquoi on ne se servirait pas d'obus pour les pièces de 36. En répartissant bien les matelots sur les 20 vaisseaux de l'escadre en rade, et ajoutant 2 ou 3,000 hommes d'infanterie, l'escadre se trouverait bien armée. J'ai vu avec peine que vous étiez malade. Mais dans ce moment vous êtes trop nécessaire au port de Brest. Votre zèle et votre attachement à I'État et à moi me sont connus depuis longtemps, et je me fonde sur toutes ces raisons pour espérer qu'au 14 juillet j'aurai en rade 23 vaisseaux prêts à mettre à la voile et approvisionnés d'autant de vivres qu'ils en pourront porter.


Saint-Cloud, 27 mai 1804

A M. Lebrun

Monsieur Lebrun, Colonel Aide de camp, vous partirez dans la journée pour vous rendre à Bordeaux. Vous y verrez le préfet commissaire général de police et le commissaire de marine. Vous leur ferez connaître que mon intention est qu'ils fassent une levée extraordinaire de matelots pour les ports. Dans une ville comme Bordeaux, il y a toujours des ressources. Vous les pousserez le plus possible. Vous verrez par vous-même, en vous promenant sur le port habillé en bourgeois et causant avec différents individus, a effectivement encore des matelots.

Vous irez voir la frégate le Poursuivant,dernièrement arrivée d'Amérique, qui est au bas de la rivière. Vous verrez quelle est la force de son équipage, son approvisionnement, si elle a besoin de réparations, et si elle est propre à faire une mission. Vous verrez la frégate la Pénélope, qui est sur le chantier; vous presserez le commissaire de marine d'y faire travailler avec toute l'activité possible, vous verrez combien elle a de vingt-quatrièmes de faits et ce qui s'oppose à ce qu'on y travaille avec plus d'activité. Vous verrez les bâtiments de la flottille qui sont en rade, et ce qui reste des 44e et 63e, qui ont dû s'embarquer dans ce port; ce qu'il y aurait en chantier ou en armement pour la flottille. Vous me ferez sur tout cela un mémoire raisonné et détaillé, voyant tout vous-même et y mettant le temps.

Vous irez à Bayonne; vous y verrez l'état des construction pour la marine et y ferez les mêmes observations, de même à Jean-de-Luz. Vous m'enverrez de là un rapport détaillé et circonstancié.

De là vous vous rendrez au Ferrol et à la Corogne; vous verrez les bâtiments les uns après les autres, ainsi que le bâtiment batave. Vous vous assurerez de la situation de chacun de ces bâtiments; vous verrez quelle espèce de campagne ils peuvent faire, et ce qui les empêche d'entrer dans le bassin. Vous verrez ce que la marine espagnole pourrait leur fournir, soit en vivres, soit en agrès, etc. et ce que le commandant pourrait se faire fournir avec de l'argent. Vous examinerez les équipages; vous vous informerez de ce qu'on a fait des hommes qui étaient à Malaga et à Cadix, et qui ont dû se rendre
au Ferrol pour tenir garnison sur les vaisseaux. Vous resterez cinq ou six jours dans ce port et m'enverrez de là un mémoire raisonné et détaillé.

Vous vous rendrez de là à Madrid. Vous y verrez l'ambassadeur Beurnonville. Vous lui remettrez les demandes de l'escadre que vous aurez recueillies, afin qu'il fasse les démarches nécessaires pour obtenir du Gouvernement espagnol ce dont elle a besoin, car je voudrais qu'en messidor les cinq vaisseaux de cette station pussent partir pour une mission éloignée.

Vous retournerez à la Corogne et au Ferrol, pour vous assurer par vous-même de l'effet qu'autant produit les promesses du Gouvernement espagnol.

Vous reviendrez de là à Paris en passant par Rochefort; vous verrez l'île d'Aix; vous irez en rade, vous prendrez note de la situation de chaque vaisseau, et de l'état des constructions.


Saint-Cloud, 27 mai 1804

Au vice-amiral Thévenard

Monsieur Thévenard, Vice-Amiral, préfet maritime à Lorient, je désirerais que l'Alqésiras fût lancé avant le 14 juillet et pût être en rade avant le 20 messidor. Je désirerais également que l'un des deux vaisseaux le Régulus ou le Courageux, qui sont en construction depuis l'an IX et l'an X, fût en rade avant le mois de fructidor. Il est possible qu'il y ait des obstacles pour le Régulus et le Courageux. Renforcez les travaux, prenez tous les moyens qui vous seront inspirés par votre expérience et votre zèle pour le bien du service, et faites-moi connaître sur quoi je puis positivement compter. Je m'en fie, pour l'exécution de mon ordre, à vos talents et à votre attachement à la patrie et à moi.

 


Saint-Cloud, 28 mai 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, ce ministre de Wurtemberg, Steube, est un plat sot, aussi malintentionné qu'ignorant. S'il y avait quelque manière très-délicate d'insinuer qu'on le rappelât, cela me serait très-agréable.

Écrivez au général Lannes à Lisbonne, et parlez ici à M. de Souza, et cela cependant délicatement, afin que le ministre de Portugal à Berlin, qui est notre ennemi forcené, soit rappelé.


Saint-Cloud, 28 mai 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, M. Racault de Reuilly, attaché à la légation de Russie, ayant voyagé sur la côte de la mer Noire et en ayant rapporté des plans et des mémoires utiles, mon intention n'est pas que ce voyage soit à ses frais; je désire donc que vous lui remboursiez tout ce qu'il lui aura coûté les états qu'il vous remettrait.


Saint-Cloud, 28 mai 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, 60,000 hommes de la conscription de l'an XIII été mis à la disposition du Gouvernement. Il n'y a point de temps à perdre pour répartir entre les différents corps ladite conscription.

Les 3e, 5e, 10e, 19e, 34e, 37e, 47e, 56e, 58e, 59e, 70e, 72e et 86e régiments d'infanterie de ligne, et les 3e, 12e, 21e, 24e,
26e et 28e d'infanterie légère, me paraissent les régiments les faibles et ceux qui auront le plus besoin de monde.

Les régiments de cuirassiers me paraissent à peu près complets.

Les régiments de dragons me paraissent avoir encore de grands besoins. Faîtes-moi connaître ce qui leur manque. Mon intention est de les porter par la conscription au complet du pied de paix.

Il y a plusieurs régiments de chasseurs qui sont très-faibles.

Enfin je désirerais porter au complet les régiments d'artillerie Je désire donc que le plus tôt possible vous me fassiez un rapport sur la situation actuelle de l'armée, dans lequel vous me fassiez connaître ce qu'il manque au complet de paix des corps, tel qu'il a été réglé pour l'an XII.

Les garnisons de la marine se fournissent d'une manière très-irrégulière. La manière la plus convenable me paraîtrait celle de faire de fournir par chaque régiment de ligne la garnison d'un vaisseau. Il est convenable d'avoir à bord de nos vaisseaux des soldats d'un courage éprouvé et bien disciplinés. Comme la marine se charge du payement de nos garnisons, cela n'augmenterait pas les dépenses de la guerre et n'aurait plus l'inconvénient de sacrifier plusieurs corps pour le service de la marine.


Saint-Cloud, 28 mai 1804

DÉCISION

Bouchotte, ancien ministre de la guerre, demande qu'il lui soit alloué un traitement de 5,000 francs, à compter du 1er floréal an XII. (Jean-Baptiste Bouchotte, 1754-1840. Il fut ministre de la guerre, durant un an, en 1793)

Renvoyé au ministre de la guerre. Il me paraît convenable d'accorder un traitement à cet ex-ministre.

DÉCISION

Donadieu demande à être réintégré dans son grade. (Gabriel Donnadieu, 1777-1849. Une "forte tête". Arrêté en 1800 pour avoir parler d'assassiner Bonaparte, il avait été arrêté, puis destitué)

Donner de l'emploi à cet officier à l'armée de Brest.


Saint-Cloud, 28 mai 1804

Au contre-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, je vous prie de me faire connaître où en est la levée des matelots génois; combien il en est parti de Gênes, et combien il en est arrivé dans nos ports.


Saint-Cloud, 28 mai 1804

Au contre-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, par les renseignements que je reçois du Havre, il y manque de la poudre; de sorte que la division impériale ne pourra partir qu'avec soixante coups; il en faut cent. Voyez s'il y aurait de la poudre à Rouen, et, dans ce cas, prenez des mesures pour en faire expédier avec la plus grande diligence.

Donnez ordre au préfet maritime du Havre qu'il fasse partir sur-le-champ les 20 caïques sous l'escorte de la première division de chaloupes canonnières qui partira. Je le laisse maître de les faire partir avec ou sans canons; il y a à Boulogne des canons qui pourront leur servir. Dans tous les cas, j'attache la plus grande importance à ce que les 20 caïques soient promptement rendues : voilà la saison de s'en servir. Si ces bâtiments partent sans canons, on pourra leur mettre le nombre de matelots nécessaire à leur navigation; leurs équipages seront complétés à Boulogne.

Donnez l'ordre également, s'il est nécessaire de diminuer l'armement, que l'on laisse à la Canonnière 100 hommes et qu'on en retire 217 hommes. On embarquera à bord 150 hommes d'infanterie, qui, avec 100 hommes d'équipage, suffiront pour mettre cette frégate en état de défense dans la rade. Il y a besoin de quatre-vingt-deux pièces de canon de 24 au Havre, pour achever l'armement des bâtiments qui y sont. Il faudrait près de cent milliers de poudre. Je préférerais donc qu'on dirigeât sur le Havre l'artillerie qui est à Paris, au lieu de Dunkerque. Il manque aux corvettes impériales, au Havre, du cuivre pour le doublage. Il faut vingt pièces de bronze courtes faites-en la demande au premier inspecteur. S'il y en a à Paris, vous en enverrez, sans quoi ces bâtiments seront provisoirement armés au Havre de quelques pièces de canon pour leur défense, et, arrivés à Boulogne, on les armera de pièces de bronze courtes.

Il y a à Saint-Valery-en-Caux un bateau de première espèce, 5 de deuxième et 13 péniches. Ces bâtiments n'ont point d'artillerie, qui doit leur être envoyée du Havre. Donnez contre-ordre et ordonnez aux bâtiments de Saint-Valery de partir sous l'escorte de la première division, qui passera devant Saint-Valery-en-Caux, et de se rendre à Boulogne, où ils prendront leur artillerie.


Saint-Cloud, 29 mai 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, les deux premiers escadrons de guerre des régiments de dragons, composant les divisions des généraux Baraguey d'Hilliers et Klein, seront portés au complet de 300 hommes par escadrons, officiers compris; ce qui fera 600 hommes par régiment. Ces 600 hommes seront composés des hommes à cheval qui sont à cheval aux deux premiers escadrons, et le reste d'hommes à pied. Vous donnerez l'ordre aux 3e, et 4e escadrons d'envoyer ce qui est nécessaire pour le complément des deux premiers.

Faîtes-moi connaître la situation des 22e, 23e, 24e, 25e, 26e, 27e, 28e, 29e et 30e régiments de dragons. Je désire connaître si ces régiments ont leurs fusils.


Saint-Cloud, 29 mai 1804

Au maréchal Berthier

Il y a besoin de garnisons au Havre; mais il doit encore y rester des troupes, soit du 96e, soit des détachements que vous y avez fait passer dernièrement. Donnez l'ordre au général qui y commande de vous envoyer l'état des bâtiments de la flottille en partance, ou qui seraient dans le port prêts à partir, avec les garnisons à bord de chacun, ce qui est nécessaire, et ce qui est encore existant au Havre.

Donnez, en attendant, l'ordre à deux bataillons des grenadiers de la réserve, à Arras, de se rendre au Havre en passant par Abbeville,  Eu, etc. Ces bataillons seront répartis sur tous les bâtiments de la flottille.


Saint-Cloud, 30 mai 1804

NOTE POUR LE MINISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES

Je désire que la note officielle de lord Hawkesbury soit envoyée officiellement à nos agents dans les cours étrangères, hormis en Russie, en Danemark, en Suède et à la Porte, avec une note qui porterait en substance :

Que le soussigné est chargé, par ordre de son gouvernement, d'appeler l'attention du cabinet sur la présente note de lord Hawkesbury ; que, quelle que soit la grossièreté des injures, jusqu'à cette heure inconnues dans les communications, que ladite note renferme contre le Gouvernement et la nation française, le Gouvernement français n'a dû y répondre que par un souverain mépris ; mais que les principes que l'Angleterre proclame hautement sont tellement subversifs de l'ordre établi en Europe, que le Gouvernement français l'a jugée digne de toute son attention.

En effet, il y est dit qu'un ambassadeur, ministre ou chargé d'affaires, ou tout autre individu revêtu d'un caractère public dans une cour neutre, a le droit de machiner contre le Gouvernement français, quoique cette cour soit en paix avec lui. L'ignorance la plus honteuse, et cette irréflexion qui caractérise depuis plusieurs années les démarches du cabinet britannique, l'ont pu seules porter à proclamer un tel blasphème. Eh quoi ! il autorise donc le Gouvernement français à considérer tous les agents du cabinet britannique comme espion ,et, comme des agents de complots et de guerre ! et le plus beau caractère, espèce de sacerdoce sacré et environné de toute la vénération des hommes, n'est donc pour le cabinet britannique qu'un voile pour couvrir des complots, des crimes et des subversions ! Un ambassadeur est un ministre de conciliation ; son devoir est toujours un devoir saint, fondé sur la morale ; et le cabinet britannique nous dit que c'est un instrument de guerre, qui a le droit de tout faire, pourvu qu'il ne fasse rien contre le pays dans lequel il est accrédité. Ainsi, dans le sens du Gouvernement anglais, si un ambassadeur anglais pouvait pointer un mortier du milieu de la Bavière, ou de la rive droite du Rhin, pour écraser une ville de France, la France devrait point le trouver mauvais, et les électeurs de Bavière, Bade, de Wurtemberg n'auraient rien à dire, vu qu'il ne fait rien contre le pays dans lequel il est ; comme si tout ce qui se fait dans un pays n'était pas soumis à la juridiction du gouvernement du pays, et si la première clause de l'inviolabilité attachée au caractère d'ambassadeur n'était pas qu'aucune nation n'a pu encore supposer qu'il entrât dans ses fonctions de ne rien faire, etc.

La conclusion de cette note, qui doit être faite avec soin , et de laquelle on observera de répéter autant que possible les propres mots de la note anglaise, doit être que, jusqu'à ce que le Gouvernement anglais ait rétracté de pareils principes, et jusqu'à ce qu'il soit rentré dans les bornes du droit des gens, la France ne reconnaît plus de ministres anglais, et se regardera en état de guerre contre eux jusqu'à cinquante lieues des frontières. Le Gouvernement anglais avait donné souvent des preuves d'une politique féroce ; mais il appartenait à ces derniers temps de le faire avec autant de niaiseries et d'imbécillité. Prendrait-il les souverains de l'Europe pour autant de nababs des Indes ? et croirait-il que la doctrine erronée et absurde que la force a obligé les puissances maritimes d'adopter sur mer puisse l'être sur terre par les nations du continent ?


Saint-Cloud, 30 mai 1804

S. M. l'Empereur désire savoir si Monsieur Talleyrand a vu l'ambassadeur Turc.

Je désire aussi que Monsieur Talleyrand fasse faire pour le Moniteur une note sur les affaires d'Amérique contre la neutralité armée

Lettres à Talleyrand


Saint-Cloud, 31 mai 1804 (Lettre datée par erreur du 1er mai 1804)

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, je n'ai pu voir qu'avec beaucoup de mécontentement que, malgré mon intention bien soutenue que les vaisseaux en rade de Brest levassent l'ancre tous les jours, afin d'exercer les équipages, de harceler l'ennemi et de favoriser le passage de la flottille d'Audierne, aucun vaisseau, pendant tout le cours de l'année, n'a appareillé ; de sorte qu'on a permis à l'ennemi de bloquer, avec un petit nombre de bâtiments, une escadre considérable. L'amiral Truguet, dans le compte qu'il vous a rendu, m'ayant justifié par aucune raison suffisante l'inexécution de mes ordres, mon intention est qu'il soit rappelé et remplacé immédiatement par un officier actif, qui ait l'habitude des mouvements, qui soit allé depuis peu à la mer, et qui sache que la perte de plusieurs mois passés dans l'oisiveté est irréparable.

Vous ferez connaître à ce nouvel amiral que des escadres légères doivent journellement harceler l'ennemi, et qu'il convient que tous les vaisseaux, chaque fois que le temps le permet, appareillent et remouillent, ne courussent-ils que quelques bordées. Vous prescrirez que, sous quelque prétexte que ce soit, on ne s'écarte point de ces dispositions. Leur exécution précise produira l'effet qu'on doit se proposer, de tenir en alerte l'ennemi et les équipages en haleine, d'exercer l'armée aux deux opérations les plus difficiles, appareiller et mouiller, et de l'accoutumer à l'ensemble nécessaire pour profiter d'une circonstance favorable.

L'ordre d'appareiller ne sera donné aux escadres légères que par un signal, et l'amiral, dans le compte qu'il vous rendra journellement, fera connaître le temps que chaque bâtiment aura mis à appareiller.

Les bâtiments qui appareilleront seront, autant qu'il sera possible, accompagnés de quelques caïques, dont les vaisseaux fourniront les équipages. Il doit se présenter, dans le cours de l'été, un grand nombre d'occasions où ces caïques pourront être très-utiles.

J'ai ordonné au ministre de la guerre de faire fournir le nombre de soldats nécessaire comme garnison, pour qu'il y ait 200 hommes sur chaque vaisseau de guerre.

Ces hommes seront exercés, indépendamment des manœuvres basses, à nager dans les grandes chaloupes des vaisseaux.


Saint-Cloud, 14 prairial an XII (3 juin 1804)

Au maréchal Soult, commandant le camp de Saint-Omer

Mon Cousin, je reçois le compte que vous me rendez des chaloupes canonnières de la Garde. Elles seront jointes à Boulogne par 27 autres qui vont partir du Havre sous le commandement du capitaine Baugier, et qui formeront une belle division de 36 chaloupes canonnières et de 36 péniches. L'artillerie doit avoir des pièces de 24 légères. On peut de préférence les placer sur les chaloupes canonnières de la Garde.

Faites connaître au général Legrand et au chef de bataillon Cuny que je leur ai accordé ce qu'ils me demandent, et que j'en ai sur-le-champ expédier l'ordre.

L'amiral, pour encourager les soldats, leur fera sentir combien ils se rendront utiles pour la descente, et leur présentera l'exemple des troupes campées sur les côtes, qui passent des journées entières à  nager dans les bâtiments de la flottille.

Prescrivez à l'amiral d'accorder des prix aux soldats qui monteront sur les vergues, et faites sentir aux contre-amiraux et aux capitaines des vaisseaux qu'il n'est rien que des chefs ne puissent obtenir des sentiments d'honneur et de l'émulation dont le soldat français est animé. Mettez à la disposition de l'amiral les fonds nécessaires pour ces arrangements. C'est l'occasion de remarquer combien serait stérile l'observation des capitaines qu'ils n'ont pas de matelots, si on ne prenait pas les moyens propres à en former.

Enfin chaque vaisseau doit être approvisionné d'un certain nombre d'obus de 36, chargés avec la roche à feu. L'amiral inspirera confiance aux officiers dans ces mobiles, et en fera tirer fréquemment dans les exercices du canon. Vous lui enverrez une instruction primée qui fera connaître la manière de placer l'obus dans le canon et vous recommanderez de ne se servir d'obus qu'à petites portées. Cette instruction sera mise à l'ordre de l'armée.

Je n'ai pas besoin de rappeler que l'amiral ne doit point avoir de logement à Brest, et qu'il doit passer des mois entiers sans quitter la rade ; que les capitaines de vaisseaux ne doivent jamais aller à terre, et que les officiers de corvée doivent toujours être des officiers inférieurs.