16 - 31 mars 1804


Malmaison, 16 mars 1804

DÉCISION

Le citoyen Lavallette transmet la réclamation des maîtres de poste des environs de Paris contre la mesure de
surveillance qui ne permet pas de sortir de Paris après sept heures du soir, celle mesure leur causant un préjudice 
notable.

Renvoyé au grand juge, pour autoriser la sortie des relais, en  prenant toutes les précautions nécessaires.


Malmaison, 16 mars 1804

Au général Soult, commandant le camp de Saint-Omer

Citoyen Général Soult, j'ai appris, par votre lettre du 22, la prise d'une caïque aux environs du cap Grisnez.

Je ne conçois pas trop pourquoi les ingénieurs prétendent ne pouvoir construire le barrage ni l'écluse sans qu'on leur donne en entier le pont de service ; qu'ils fassent le calcul des voitures qui peuvent passer chaque jour sur ce pont, et ils verront qu'il peut en passer deux cents fois plus qu'ils n'en ont. Les ports de Wimereux, d'Ambleteuse, et l'achèvement du bassin, me mettent en état de me passer de la portion du port sur lequel ils fondent leur seconde objection. Causez de cela avec eux, et faites-moi connaître si je puis compter qu'ils finiront promptement. C'est moins l'écluse que le barrage qui m'intéresse ; par le barrage, le port acquerra une grande amélioration.

Je pense que, quand une pièce de 16 pourrait être placée sur les bateaux canonniers, il ne faut point la mettre, parce qu'elle ne pourrait point faire feu. Je n'ai pas besoin de pièces de 16.

Je vois avec peine qu'on perd à Boulogne l'habitude de sortir du port. Le temps est très-beau depuis quinze jours, et l'on n'est pas sorti une seule fois. Je charge le ministre de la marine d'écrire à cet effet au contre-amiral Lacrosse.

J'ai promu au grade de chef de brigade le chef de bataillon Duclos-Guyot, et les capitaines Plagnol et Calmet à la 1e classe.

Je ne sais si, dans le temps, je vous ai répondu que j'approuvais la gratification que vous proposiez d'accorder aux officiers qui ont fait les fonctions de surveillants aux ports de Wimereux et d'Ambleteuse. Faites dresser l'état des sommes nécessaires, et envoyez-le au ministre de la guerre, qui les ordonnancera.


Malmaison, 16 mars 1804

DÉCISION

l@e ministre de la guerre rend compte de l'arrestation, faite par ordre du général Soult, de l'équipage d'un bâtiment danois entré à Calais après avoir été visité par un Cutter anglais.

Le général Soult a bien fait;  il faut que ce bâtiment ne sorte  plus.


Malmaison, 16 mars 1804

Au contre-amiral Ver Huell, commandant la flottille batave

Contre-Amiral Ver Huell , j'ai vu avec plaisir votre manœuvre. Je ne vous fais point un reproche de vous être abordé, quand même nous eussions éprouvé la perte de plusieurs bâtiments. Si votre division avait marché éparpillée et loin l'une de l'autre, elle n'aurait pas couru ce risque ; mais en marchant ainsi elle n'eût point marché comme des bâtiments de guerre.

Vous avez eu un combat. Faites-moi un rapport sur les individus de la flottille qui se sont distingués, afin que je leur accorde des récompenses d'honneur.

Vous savez que, sur les chaloupes canonnières de Boulogne, j'ai fait mettre un obusier de 8 pouces, jetant un obus de 45 livres. J'ai, à l'heure qu'il est, 900 bâtiments à Boulogne, et 900 en route, partis de tous les ports de l'Océan depuis Bayonne, et qui viennent au rendez-vous. Je ne sais si la République batave pourrait vous fournir une cinquantaine de péniches. Cependant, comme cela n'est point dans le traité, je ne veux pas l'exiger. Voyez ce qu'on pourrait obtenir là-dessus. 

J'ai ordonné qu'arrivés à Ostende vos équipages soient nourris à mon compte.


Malmaison, 18 mars 1804

Au général Berthier

Je n'ai pu voir qu'avec peine, Citoyen Ministre, la prise de la patache de l'Écluse par deux péniches. Comment, à l'entrée d'un fleuve comme l'Escaut, n'y a-t-il pas quelques batteries pour la protéger, et comment cette patache n'est-elle pas elle-même sous la protection d'une batterie ?

Je vous prie de me faire connaître depuis quel temps le sous-inspecteur aux revues Garrau sert en cette qualité, et si le comité central des revues en est content.


Paris, mars 1804

Au général Davout, commandant le camp de Bruges

Citoyen Général Davout, j'ai appris avec plaisir l'arrivée du contre-amiral Ver Huell et la bonne manœuvre qu'il a faite.

J'aurais préféré que les bateaux canonniers vinssent par mer; mais, puisque le trajet était à demi fait, vous avez en raison de le faire continuer.

J'ai vu avec peine vos discussions avec le général Magon. Il ne faut point oublier que la marine ne fait point partie de l'armée, que c'est, dans l'État, une organisation et un ministère à part, et qu'il y faut une manière d'être tout à fait différente ; car, dans tous les pays du monde et dans tous les siècles, les marins et les soldats de terre ont été enclins à être mal ensemble. D'ailleurs, si les marins croyaient être commandés par des officiers de terre, ils perdraient confiance et finiraient par se dégoûter. Quand je me suis adressé à vous, c'a toujours été dans la pensée que vous y influassiez par l'ascendant naturel que vous devez avoir sur Magon.

J'ai vu avec peine que deux péniches de Sidney Smith aient enlevé la patache de L'Écluse. Il n'y a donc pas un poste d'infanterie ou de cavalerie pour protéger cette patache ? Faites-moi un rapport détaillé là-dessus. C'est un petit échec que nous n'aurions pas dû éprouver. Ies officiers d'état-major chargés de l'inspection de la côte ne sont donc pas toujours à cheval ? Si cette patache a été prise hors de la portée du canon de terre, ce n'est point leur faute; mais, si elle a été prise près de terre, la faute en est certainement à eux.

Il ne faut pas s'embarrasser si la flottille batave ne peut sortir d'Ostende qu'en deux marées ; je ne vois cependant pas d'inconvénient, si la marine le juge nécessaire, à jeter un ou deux corps morts. Mais Ostende, et cela pour vous seul, n'est pas un point d'où je veuille partir pour aller en Angleterre ; et, comme la flottille partira de là pour aller mouiller dans un des ports de France, il m'importe moins qu'elle puisse sortir dans une marée ou dans deux.


Paris, 18 mars 1804

Au contre-amiral Decrès

Donnez l'ordre, Citoyen Ministre, que la seconde division de bateaux canonniers, qui est dans le port de Boulogne, se rende à Ambleteuse pour rester en station dans ce port.

Donnez ordre à la 4e division de bateaux canonniers, qui est à Boulogne, de se rendre à Wimereux pour y rester également en station.

Vous ferez connaître au général Lacrosse que mon intention est que, dans toutes les marées, il y ait constamment en rade une cinquantaine de bâtiments, à Wimereux huit ou dix, et à Ambleteuse un égal nombre, afin d'exercer les troupes et les équipages et accoutumer les commandants à bien étudier les courants des rades. Je désirerais qu'il y eût une section, qui se relèverait, des bateaux canonniers d'Étaples qui se rendraient au mouillage d'appareillage.

Je désire que le général Lacrosse fasse exercer, dans la baie d'Étaples, les chaloupes et bateaux canonniers, et qu'il soit tenu note de la vitesse qu'on peut avoir avec le jusant, avec le flot, et au moment de la marée.


Malmaison, 18 mars 1804

Au citoyen Barbé-Marbois

Citoyen Ministre du trésor public, c'est par votre lettre que j'ai appris les entrevues qu'on supposait avoir eu lieu entre Pichegru et vous. Si je j'eusse appris par toute autre voie, je vous en eusse fait part sur-le-champ. J'ai la consolation, dans cette malheureuse affaire, de ne pas trouver un seul homme de ceux que j'avais placés dans les autorités, que j'avais le moindrement approchés de moi, directement ou indirectement même prévenu. Bien plus, ma maison se compose de plus de 600 domestiques ; plusieurs ont servi à Versailles ; on a voulu en tenter quelques-uns, mais leur contenance a toujours été telle que directement ni indirectement aucun ne se trouve prévenu.

Quant à vous, ministre de la République, allié d'un Consul, et en qui je me plais à avoir autant de confiance, c'eût été le comble du délire et de la folie de la part des agents de l'étranger de vous laisser rien pénétrer de leurs projets.

Quant aux bruits qu'on peut répandre, ils ne prouvent qu'une chose, qu'il est fort heureux pour une nation d'être gouvernée. Ces bruits sont l'aliment du reste des factions, qui les convertiraient en listes de proscriptions si elles parvenaient à le pouvoir.

Au reste on a poussé la bêtise jusqu'à compromettre tous les ambassadeurs et même celui de Vienne, dont on connaît la prudence et la circonspection, qui a été portée par sa cour au point de n'avoir voulu jamais qu'aucun prince restât dans ses États.

Je puis dire aujourd'hui ce que le grand juge a dit avec mon approbation, il y en a de moins marquants que ceux dont les noms sont dans le Moniteur.

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Barthélemy, il est vrai, a été compromis, mais c'est encore sur le compte de banque.


Malmaison, 18 mars 1804

Au citoyen Talleyrand

Je vous envoie, Citoyen Ministre, le rapport de l'officier de gendarmerie qui a été envoyé à Carlsruhe. Il y a dans ce rapport des choses qui me font penser que le baron d'Edelsheim n'est pas notre ami. Proposez-moi l'envoi à Bade d'un agent sur lequel nous puissions compter, et rappelez celui qui y est.

Par les lettres du duc d'Enghien, je vois que Champagny se trouve, dans des maisons de Vienne, à dîner avec le comte Esterhazy, lequel est habillé en uniforme de général français, et revêtu du cordon bleu. Écrivez-lui-en, et, si ce fait est vrai, témoignez-lui-en mon mécontentement. 

Écrivez à Francfort et à Hambourg qu'on dresse l'état des émigrés résidant dans ces villes, leur âge, leur qualité, prénoms, et, s'il se peut, le département dont ils sont ; et qu'on vous envoie, sous quinzaine, ledit état. Il faudrait peut-être demander à Munich l'arrestation de l'évêque de Châlons. 


Malmaison, 19 mars 1804

Au citoyen Réal

Citoyen Réal, Conseiller d'État, je vous envoie les papiers du duc d'Enghien. J'ai gardé le paquet de sa correspondance avec le comte de Lille, qui ne contient rien d'important que deux lettres de bonne année, et une relative aux prétendues propositions qui leur ont été faites par la Prusse pour qu'ils renoncent à leurs droits au trône.

Il est question, dans le procès-verbal, d'un portefeuille rouge où il y aurait des lettres de la duchesse de Bourbon sa mère. Ce porte- feuille ne m'a pas été envoyé.

Je vous transmets aussi un rapport de Fribourg, que Caulaincourt m'envoie.

Je désire deux choses : la première, que vous fassiez mettre dans tous les journaux un article qui fasse connaître que l'Angleterre, au moment où elle envoyait Georges sur nos côtes, prenait à solde tous les émigrés qui se trouvaient en Allemagne; la deuxième, que vous envoyiez deux agents adroits, l'un à Munich, l'autre à Fribourg, qui prendraient les noms de tous les émigrés qui s'y trouvent, avec leur âge et le département dont ils sont, afin que ces notes puissent nous servir à arrêter enfin notre liste d'émigrés.

Je vous envoie aussi une note relative à un employé de la poste qui a été arrêté, et une autre relative à un passage d'un journal qui s'imprime, à Wissembourg et qu'il faut faire supprimer.

Il faut donner la consigne aux frontières de ne laisser rentrer aucun Français, même avec des passe-ports de nos ministres en pays étrangers. Ils ne pourront passer qu'avec des passe-ports du ministre des relations extérieures et du grand juge; et ceux qui seraient soupçonnés d'avoir émigré seront mis en dépôt jusqu'à ce qu'on en ait rendu compte au grand juge.

Caulaincourt me mande que le général Desnoyers, qui assurait n'avoir pas quitté Strasbourg depuis dix mois, arrivait de Leipzig depuis peu avec une grande quantité d'argent.

Enfin je vous prie de consulter Méhée sur notre agent près l'électeur Bade, nommé Massias, pour savoir s'il est ou non marié, et quelles sont les preuves de suspicion contre lui..

Il paraît que le citoyen Boell, président du tribunal de Wissembourg, et Meyer, juge, sont les rédacteurs de la gazette de cette ville. Caulaincourt me mande qu'il n'y a qu'un cri contre eux dans le département; que le préfet en a déjà écrit plusieurs fois au grand juge; que le général de la division et la gendarmerie en sont mécontents. Expédiez, par un courrier, l'ordre de les faire arrêter. Comme ils sont juges, faites signer le mandat d'arrêt par le grand juge, en le motivant sur l'article de la constitution. Faites en même temps saisir leurs papiers, et faites-les conduire dans la citadelle de Strasbourg.

Le sous-préfet de Wissembourg parait aussi très-mauvais. Faites prendre des renseignements sur son compte.

Caulaincourt me mande qu'il faut éloigner au plus tôt les prisonniers de Strasbourg, surtout l'abbé Wemborn, qui a du crédit parmi le clergé. On peut sans inconvénient les faire filer sur Paris.

Je vous recommande de prendre en secret avec Desmarêts connaissance de ces papiers. Il faut empêcher qu'il ne soit tenu aucun propos sur le plus ou moins de charges que portent ces papiers.

Si Desmarêts croit pouvoir présenter les noms de cinq ou six cents personnes qui seraient aujourd'hui à l'étranger, pour maintenir sur la liste, il faudrait me la présenter; mais il faudrait savoir ce qu'ils ont de biens et mettre bien leurs prénoms.


Malmaison, 19 mars 1804

Au général Murat, gouverneur de Paris

Citoyen Général Murat, j'ai reçu votre lettre. Si le duc de Berry était à Paris logé chez M. de Cobenzl, et M. d'Orléans logé chez le marquis de Gallo, non-seulement je les ferais arrêter cette nuit et fusiller, mais je ferais aussi arrêter les ambassadeurs et leur ferais subir le même sort, et le droit des gens ne serait en rien compromis. Mais, comme il est de toute impossibilité que ces ministres, sous peine de risquer leur tête, se fussent portés à une démarche aussi insensée, et comme, bien loin d'autoriser cette conduite, le cabinet de Vienne ne veut autoriser le séjour d'aucun prince français à Vienne, je ne veux faire aucune perquisition chez eux. Vous ferez bien de faire arrêter celui qui vous a donné cet avis, et qui ne peut être qu'un misérable. Tout le monde sait, hormis les badauds, que les maisons des ambassadeurs ne sont point des asiles pour les crimes d'État. Ne vous laissez donc pas amuser par de pareilles folies. Rejetez cela bien loin, et ne souffrez pas que devant vous on dise cela. Quant à la seconde partie, le prince Charles, vous sentez vous-même combien cela est horriblement absurde. Le prince Charles est un homme brave et loyal auquel je suis particulièrement attaché, et Cobenzl et Gallo sont des hommes qui, bien loin de cacher des individus qui conspireraient contre moi, seraient les premiers à m'en donner avis.

Mon intention n'est pas même qu'il y ait aucune surveillance extraordinaire autour de leurs maisons.

Il n'y a pas d'autre prince à Paris que le duc d'Enghien, qui arrivera demain à Vincennes. Soyez certain de cela, et ne souffrez même pas qu'on vous dise le contraire.


Malmaison, 19 mars 1804

Au Ministre des Relations extérieures

Je vous envoie, Citoyen Ministre, le rapport d'un officier de gendarmerie qui a été envoyé à Karlsruhe. Il y a dans ce rapport une chose que j'entends répéter depuis quinze jours, que le baron Edelsheim n'est pas notre ami. Proposez moi l'envoi d'un agent à Bade sur lequel nous puissions compter et le rappel de celui qui y est.

Lettres à Talleyrand


Malmaison, 20 mars 1804

Au citoyen Talleyrand

Je vous envoie, Citoyen Ministre, l'extrait d'un journal qui s'imprime en Hollande. Demandez sur-le-champ la suppression de ce journal. 


Malmaison, 20 mars 1804

Au général Soult, commandant le camp de Saint-Omer

Citoyen Général Soult, par l'état du premier inspecteur d'artillerie, vous devez avoir treize mortiers à semelle à Boulogne et quatre à Étaples. Quoique le nombre de treize mortiers à grande portée pour Boulogne soit déjà raisonnable, je croyais cependant que vous en aviez davantage. Je désire savoir combien vous avez de mortiers à la Gomer; de ces derniers, une quarantaine ne serait point de trop.

Le fort Rouge doit être armé de douze pièces de 36; faites-moi connaître combien il en existe à Boulogne et si les affûts sont prêts. Je ne sais pas si Sganzin a persisté dans son projet de placer à ce fort deux mortiers. Si l'on pouvait y mettre deux mortiers à grande portée, ils tiendraient l'ennemi éloigné de plus de 2,500 toises port.

J'avais désiré que l'on plaçât aussi deux mortiers à plaque sur le musoir; faites-moi connaître s'ils existent.

Je vous prie de me faire également connaître si l'on a placé sur l'est de la jetée de Boulogne les deux mortiers pour compléter la défense de la rade.

J'ai donné ordre au ministre de la marine de faire passer la 4e division de bateaux canonniers à Wimereux, et la 2e à Ambleteuse. J'ai choisi exprès ces deux divisions, parce que ce sont des bateaux d'ancienne construction.

Je désire savoir si l'on a changé la plate-forme des pièces sur les bateaux canonniers, de manière qu'on puisse les diriger dans tous les sens.

Je n'aurais voulu rien décider sur les cinquante-deux bâtiments destinés à l'embarquement de la cavalerie d'Étaples; cependant, si cela était indispensablement nécessaire pour exécuter le barrage et l'écluse de chasse, votre bassin , avec les nouvelles dimensions, devrait contenir bien des bâtiments. Je ne voudrais pas non plus trop embarrasser Ambleteuse, parce qu'il serait possible que j'y fisse venir une partie de la flottille batave. Faites-moi connaître le nombre des bâtiments qui sont au delà du pont.

Quant aux péniches, j'attendrai, pour en disposer, qu'il y ait quatre divisions bien formées à Boulogne.

Cinq jours d'eau sont suffisants pour les écuries; mais bien entendu que, tous les jours, tant que la flottille restera dans le port, on remplacera l'eau qui aura été consommée.

Le ministre donnera des ordres pour la disposition des citernes. Si les embarcations ne peuvent pas suffire, on verra à se servir des bateaux de Terre-Neuve, dans lesquels on mettra des barriques pleines d'eau.

La pensée que les Anglais aient tâché d'empester le continent, en jetant sur les côtes des balles de coton venant du Levant, fait horreur.


Malmaison, 20 mars 1804

Au général Ney, commandant le camp de Montreuil

Citoyen Général Ney, je suis instruit que les Anglais ont vomi des ballots de coton sur nos côtes. On a pensé que ces ballots pouvaient être empoisonnés. Donnez-moi sur ce fait tous les détails qu'on pourrait avoir. Il sera triste de penser qu'ils aient poussé si loin l'oubli de tous les principes. 


Paris, 20 mars 1804

ARRÊTÉ

ARTICLE 1er. - Le ci-devant duc d'Enghien, prévenu d'avoir porté les armes contre la République, d'avoir été et d'être encore à la solde de l'Angleterre, de faire partie des complots tramés par cette dernière puissance contre la sûreté intérieure et extérieure de la République, sera traduit à une commission militaire, composée de sept membres nommés par le général gouverneur de Paris et qui se réunira à Vincennes.
ART. 2. - Le grand juge, le ministre de la guerre et le général gouverneur de Paris sont chargés de l'exécution du présent arrêté.


Malmaison, 20 mars 1804, 4 heures du soir.

Au général Murat, gouverneur de Paris

Général, d'après les ordres du Premier Consul, le duc d'Enghien doit être conduit au château de Vincennes, où les dispositions sont faites pour le recevoir. Il arrivera probablement cette nuit à cette destination. Je vous prie de faire les dispositions qu'exige la sûreté de ce détenu, tant à Vincennes que sur la route de Meaux par laquelle il vient. Le Premier Consul a ordonné que le nom de ce détenu et tout ce qui lui serait relatif fût tenu très-secret. En conséquence, l'officier chargé de sa garde ne doit le faire connaître à qui que ce soit; il voyage sous le nom de Plessis. Je vous invite à donner, de votre côté, les instructions nécessaires pour que les intentions du Premier Consul soient remplies.


Malmaison, 20 mars 1804, 4 heures et demie

Au citoyen Harel, commandant du château de Vincennes

Un individu dont le nom ne doit pas être connu, Citoyen Commandant, doit être conduit dans le château dont le commandement vous est confié; vous le placerez dans l'endroit qui est vacant, prenant les précautions convenables pour sa sûreté. L'intention du Gouvernement est que tout ce qui lui sera relatif soit tenu très-secret, et qu'il ne lui soit fait aucune question sur ce qu'il est et sur les motifs de sa détention. Vous-même devrez ignorer qui il est. Vous seul devrez communiquer avec lui, et vous ne le laisserez voir à qui que ce soit, jusqu'à nouvel ordre de ma part. Il est probable qu'il
arrivera cette nuit. Le Premier Consul compte, Citoyen commandant, sur votre discrétion et votre exactitude à remplir ces différentes dispositions.


Malmaison, 20 mars 1804 (date présumée)

Au citoyen Réal, conseiller d'État

Je vous envoie la lettre de Caulaincourt. Il paraît que le duc d'Enghien est parti le 26 à minuit. Ainsi il ne peut pas tarder à arriver. Je viens de prendre l'arrêté dont vous trouverez ci-joint copie. Rendez-vous sur-le-champ à Vincennes pour faire interroger le prisonnier.

Voici l'interrogatoire que vous ferez :

1° Avez-vous porté les armes contre votre patrie ? 
2° Avez-vous été à la solde de l'Angleterre ?
3° Avez-vous voulu offrir vos services à l'Angleterre pour combattre contre l'armée qui marchait sous les ordres du général Mortier pour conquérir le Hanovre ?
4° N'avez-vous pas eu des correspondances avec les Anglais et ne vous êtes-vous pas mis à leur disposition, depuis la présente guerre, pour toutes les expéditions qu'on voudrait faire contre la France, à l'extérieur ou à l'intérieur, et n'avez-vous pas oublié tous les sentiments de la nature jusqu'à appeler le peuple français votre plus crue[ ennemi ?
5° N'avez-vous pas proposé de lever une légion et de faire déserter les troupes de la République, en disant que votre séjour pendant deux ans près des frontières vous avait mis à même d'avoir des intelligences parmi les troupes qui sont sur le Rhin ?
6° Est-il à votre connaissance que les Anglais ont repris à leur solde et donneront encore des traitements aux émigrés cantonnés à Fribourg, à Offenbach, à Offenburg et sur la rive droite du Rhin ?
7° N'aviez-vous pas des correspondances avec les individus composant ces rassemblements, et n'êtes-vous pas à leur tête ?
8° Quelles sont les correspondances que vous avez en Alsace ? Quelles sont celles que vous avez à Paris ? Quelles sont celles que vous avez à Breda et dans l'armée de Hollande ?
9° Avez-vous connaissance du complot tramé par l'Angleterre et tendant au renversement du gouvernement de la République, et, le complot ayant réussi, ne deviez-vous pas entrer en Alsace et même vous porter à Paris, suivant les circonstances ?
10° Connaissez-vous un nommé Vaudrecourt, qui a été commissaire des guerres et a fait la guerre contre la République ?
11° Connaissez-vous un nommé La Rochefoucauld, tous deux arrêtés par suite d'une conspiration contre l'État ?

Il sera nécessaire que vous conduisiez l'accusateur public, qui doit être le major de la gendarmerie d'élite, et que vous l'instruisiez de la suite rapide à donner à la procédure.


Malmaison, 21 mars 1804

Au général Davout, commandant le camp de Bruges

Citoyen Général Davout, suivant le rapport du premier inspecteur général de l'artillerie, vous auriez à Ostende quatorze mortiers à grande portée. Ce nombre est trop considérable; il faudrait pouvoir en céder six à Dunkerque; huit doivent vous suffire pour Ostende, sauf à avoir un grand nombre de mortiers à la Gomer, qui portent à 1,400 toises.

Depuis le commencement de la guerre, nous n'avons rien fait pour le port de Dunkerque. Mon intention est de faire construire deux forts en bois sur la laisse de basse mer; mais il faudra tout l'été pour faire ces constructions. En attendant, je désire qu'on place au fort Risban et au fort Blanc douze à quinze mortiers, dont six à grande portée et huit ou neuf à la Gomer. Cet armement protégerait la rade, puisque le banc qui borde cette rade n'est éloigné du fort Risban que de 1,200 toises. Faites-vous rendre compte de l'armement de ces deux forts, lorsque vous irez à Dunkerque, et faites-y placer autant de pièces de 36 et de 24 qui sera possible d'en placer.


Malmaison, 22 mars 1804

DÉCISION

Le citoyen Dumolard demande une préfecture.

Je prie le citoyen Lebrun de voir le citoyen Dumolard. Je désirerais l'employer, et je saisirai avec plaisir ce moment-ci pour que tout le monde reste persuadé que, dans les affaires, je mets, autant qu'il m'est possible, de côté toute prévention passée, et que je ne me défie point des citoyens contre lesquels je n'ai aucune preuve positive. (Joseph Vincent Dumolard, 1766-1819. Proscrit après le 18 Fructidor, il fut libéré sous le Consulat. Il sera nommé, le 5 juin 1804, sous-préfet de Cambrai)


Paris, 22 mars 1804

LE SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU CITOYEN TALLEYRAND

Le Premier Consul me charge, Citoyen Ministre, de vous faire connaître les dispositions suivantes :

Le grand juge donnera connaissance au Sénat, demain samedi, des pièces de la correspondance de M. Drake. Les originaux de ces pièces seront vraisemblablement envoyés à une commission qui fera lundi son rapport.

Aussitôt que ce rapport aura été fait, le ministre des relations extérieures enverra un exemplaire des pièces imprimées à chaque ambassadeur, ministre ou agent diplomatique. A cet envoi sera jointe une note dans laquelle on fera connaître que les originaux ont été adressés à l'électeur de Bavière, et où l'on exprimera que le corps diplomatique verra sans doute avec douleur que l'on profane le caractère sacré d'ambassadeur pour en faire un ministère d'embauchage, de complots et de corruption.

Le ministre des relations extérieures enverra, par un courrier, au citoyen Otto, une centaine d'exemplaires de la correspondance, et une note pour M. de Montgelas, dans laquelle on fera connaître que, le Premier Consul ne pouvant considérer M. Drake comme revêtu du caractère de ministre, il demande qu'il soit sur-le-champ chassé de Munich.

Le ministre fera connaître en même temps au citoyen Otto, ainsi qu'à M. Cetto, que le Premier Consul, dans une circonstance aussi importante, attend de l'amitié qui existe entre les deux puissances que l'Électeur fera saisir les papiers de M. Drake.

Le Premier Consul, Citoyen Ministre, en achevant de dicter ces dispositions, m'a chargé d'y ajouter la demande de l'arrestation de l'évêque de Châlons, ainsi que des deux individus sous l'adresse desquels passait la correspondance.


Malmaison, 22 mars 1804

Au contre-amiral Decrès

Par la lettre ci-jointe de Lafond, il me paraît qu'on va désorganiser la flottille, à Boulogne; tout doit rester à Boulogne, hormis les bateaux canonniers dont le départ a été ordonné pour Ambleteuse et Wimereux. Il est surtout nécessaire que les chaloupes canonnières restent à Boulogne, ainsi que toutes les péniches. 


Malmaison, 23 mars 1804

Au citoyen Talleyrand

Je vous envoie, Citoyen Ministre, une lettre qu'il est bon que vous lisiez. Je désire que, dans le même style et par le même canal, vous fassiez sentir combien la conduite de M. de Markof est fautive, puisque l'individu qu'il réclamait était impliqué dans ces affaires qui sont suivies depuis longtemps, et que d'Entraigues et Vernègues ne tendent qu'au même but ; qu'il n'est pas digne de l'Empereur, après avoir reconnu un gouvernement, vivant en bonne intelligence avec lui, et après avoir donné même des marques d'estime au chef, d'accréditer dans des pays étrangers des hommes qui abusent de ce caractère à ce point ; que cela ne veut pas dire que Sa Majesté n'est pas le maître d'employer dans ses États comme il l'entend des individus quels qu'ils soient.

Je vous renvoie vos deux notes. Je ne vois pas d'inconvénient à faire mettre dans le Moniteur la lettre de M. d'Edelsheim.


Malmaison, 23 mars 1804

Au général Moncey, premier inspecteur général de la gendarmerie

Citoyen Général Moncey, je vous prie de me rendre compte comment les deux prêtres dont j'avais ordonné l'arrestation à la Rochelle ont été relâchés, et pourquoi les sept dont j'avais ordonné l'arrestati6n dans le diocèse de Blois n'ont pas été arrêtés.


Malmaison, 23 mars 1804

Au contre-amiral Decrès

Les îles qui environnent la rade de Brest ne sont point fortifiées comme l'exigerait l'importance de cette rade. Ce n'est pas sans doute dans un moment comme celui-ci qu'il faut faire des constructions ; mais je désire qu'on en fasse le projet, afin qu'au premier moment de paix on commence la construction des ouvrages. Faites-moi un rapport détaillé,

1° Sur les îles qui environnent Brest où l'on a l'habitude de tenir garnison ;
2° Sur les batteries et fortifications établies pour protéger lesdites garnisons et faire qu'un petit nombre puisse résister à un grand.
3° Quelles sont les îles ou rochers qui ne sont pas occupés et dont l'occupation serait utile pour protéger soit l'arrivage, soit la sortie de la rade ?

Une fois les idées éclaircies sur cette opération, je me ferai faire un rapport par le génie de terre sur l'espèce de fortification à y établir.


Malmaison, 27 mars 1804

Au citoyen Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice

Il est nécessaire que les interrogatoires soient suivis avec la plus grande activité, pour découvrir la ligne des brigands de Paris à Rennes, et qu'ont suivie probablement les sept individus arrêtés près Fougères.

Il faut aussi bien savoir de Vauricourt le nom du maître de forges de Normandie, ami de Georges ; il me vient à l'idée que ce pourrait être Hyde lui-même, qui a des forges de ce côté. (Jean-Guillaume Hyde de Neuville, 1776-1857.)

Faites-moi un rapport sur ce misérable qui donnait à Rouen des passe-ports au nom du comte de Lille.

Voici une note qui ne doit être communiquée à personne ; il y est question du gîte de plusieurs brigands. Il faudrait envoyer le même officier de gendarmerie qui a été avec Querelle pour une reconnaissance.


Malmaison , 27 mars 1804

Au citoyen Régnier

Faites-moi remettre, dans le courant de germinal, l'état des dépenses secrètes du préfet de police pour les six premiers mais de l'an XII. Mon intention est de couvrir, tous les mois, ces dépenses secrètes par un arrêté, comme les vôtres et celles des relations extérieures. Le préfet de police doit donc se faire donner des reçus des individus auxquels il fait des payements motivés.


Malmaison, 27 mars 1804

Au citoyen Régnier

Je désire, Citoyen Ministre, que vous adressiez une circulaire aux commissaires du Gouvernement près les tribunaux criminels, pour leur faire connaître que mon intention est que tout prêtre qui ne serait pas dans la communion de son évêque, et qui, dès lors, serait rebelle à l'État et au Pape, vous soit signalé, afin qu'il soit réprimé par tous les moyens de rigueur; que je n'approuve pas les principes de tolérance dont ont paru animés quelques préfets, qui ont pensé que c'étaient des querelles d'opinion étrangères à l'autorité civile; que le Gouvernement ne reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine, dont sont, seuls, les prêtres qui sont dans la communion des évêques établis par le concordat, et, enfin, les différentes religions réformées telles qu'elles sont établies depuis plusieurs siècles ; que toute nouvelle religion que voudraient établir des prêtres qui se sépareraient de la communion de leurs évêques serait considérée comme secte nouvelle, que le Gouvernement ne veut pas plus tolérer que les théophilanthropes.


Malmaison, 28 mars 1804

Au général Berthier, ministre de la guerre

Voici l'état, que m'envoie le général Soult, des mortiers armant la côte de Boulogne. Il s'ensuit que la rade de Boulogne qui commence depuis la Crèche jusqu'au cap d'Alpreck, n'est armée que de onze mortiers à plaque et dix-neuf à la Gomer, ce qui fait trente mortiers.

Je n'estime pas que cela soit suffisant.

Je désirerais que vous ordonnassiez qu'on fit partir de suite les deux premiers mortiers à plaque que vous aurez disponibles, pour les batteries du musoir de Boulogne. Vous ordonnerez que ces mortiers soient placés entre la première batterie et la batterie haute.

Je désirerais aussi que six autres mortiers à grande portée et à semelle soient dirigés sur Boulogne, pour être placés sur les forts de l'Heurt et de la Crèche ; et, en attendant que ces deux forts soient en état, on les placera sur le monticule.

Dirigez aussi sur Boulogne une douzaine de mortiers à la Gomer.


Malmaison, 28 mars 1804

Au général Soult, commandant le camp de Saint-Omer

Citoyen Général Soult, mon intention est que les deux premiers mortiers à semelle que vous recevrez soient placés sur la batterie du musoir; mais pour cela il ne faut rien déranger à ce qui existe. Il n'y a aucun inconvénient à les mettre derrière les pièces de la première batterie. Les observations de Sganzin me paraissent très-fortes. Il faudra se contenter, sur le fort en bois, de deux mortiers à la Gomer.

J'ordonne aussi au ministre de vous envoyer six mortiers à semelle, dont trois seront placés sur le fort de l'Heurt et trois sur le fort de la Crèche ; et, en attendant que ces forts soient en état, vous les placerez comme vous l'entendrez.

Vous avez des écuries qui ne sont pas encore disponibles. Vous en avez pour 183 chevaux à Calais. Complétez le nombre de 600 avec les écuries que vous avez à Boulogne.

Le ministre de la marine donne ordre qu'on réunisse à Calais tout ce qui est encore à Dunkerque, Ostende et Gravelines, pour compléter le nombre de 1,800 ; et ces bâtiments-là, vous les donnerez à la réserve de cavalerie qui est à Saint-Omer. Donnez les 600 qui vous restent à Boulogne à l'artillerie, qui, par ce moyen, en aura 1,100.

Faites pousser les travaux de l'Heurt et de la Crèche avec toute l'activité possible, ainsi que le fort en bois.


Malmaison, 28 mars 1804

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine et des colonies

Mon intention est qu'on réunisse à Calais des écuries pour 1,800 chevaux. On y réunira d'abord toutes les écuries qui sont actuellement à Calais, et toutes celles qui sont encore à Ostende, Dunkerque et Gravelines. Selon les états qui m'ont été remis, cela devrait compléter au moins le nombre de 1,800. Dans tous les cas, le directeur de la flottille de transport m'en rendra compte, si cela ne suffisait pas.

Ces écuries sont destinées à porter les chevaux de la cavalerie de réserve commandée par le général Bourcier.

Vous donnerez l'ordre à l'amiral, à Boulogne, de faire partir pour Étaples les écuries destinées à porter les chevaux de la division de cavalerie du camp de Montreuil. Vous me ferez connaître quel est le numéro que porte la division des bateaux canonniers de Montreuil, pourquoi elle n'est pas complète à trente-six, et si les bâtiments qui doivent la compléter sont désignés.

Vous ordonnerez également qu'il soit réuni à Étaples une division de chaloupes canonnières, qui fera la 5e division , et qui sera composée de quatre chaloupes canonnières qu'on armera à Étaples, et de quatorze autres, lesquelles seront envoyées à Étaples au fur et à mesure qu'il en arrivera, lorsque cependant les quatre divisions de Boulogne seront complétées, c'est-à-dire qu'il y aura à Boulogne soixante et douze chaloupes canonnières.

Il est nécessaire aussi que vous me fassiez connaître de quelle manière on pourra compléter la division de chaloupes canonnières qui est à Wimereux, qui n'est composée que de bâtiments d'ancienne construction. Si l'on attend encore à Boulogne d'anciens bâtiments, on pourra attendre, pour la compléter, qu'ils arrivent ; sans quoi il faudra la compléter avec de nouveaux bâtiments.

Ainsi nos préparatifs s'étendent depuis Flessingue jusqu'à Étaples. La troisième partie de la flottille batave est à Flessingue. Les première et seconde parties, avec des écuries pour 1,000 chevaux et des bâtiments de transport pour les bataillons, doivent être réunies à Ostende.

Les quatre-vingt-une corvettes de pêche de guerre doivent être réunies à Dunkerque.

Des écuries pour 1,800 chevaux, destinées à la cavalerie de lai réserve, doivent être réunies à Calais.

Ambleteuse, Wimereux et Boulogne doivent pouvoir contenir des écuries pour l'artillerie de la Garde et la division de cavalerie du camp de Boulogne. Étaples doit contenir, de ce moment, la 5e division de chaloupes canonnières, une de bateaux canonniers et les écuries nécessaires à l'embarquement de la cavalerie du camp d'Étaples.

Mon intention, du reste, est que de Boulogne on ne fasse aucun mouvement sur Wimereux, Étaples ou Ambleteuse, que par ordre.

Il est nécessaire surtout de laisser beaucoup de place à Ambleteuse et Wimereux, puisque, dans une sortie de la flottille, la partie qui se trouverait sous le vent serait obligée d'aller mouiller dans ces ports.

Quant aux prames et péniches, je n'ai pas encore des idées assez claires sur le nombre que nous en aurons; mais je vous prie de bien recommander que toutes les prames aient le nombre d'avirons qu'elles peuvent armer.

Il n'y a point assez de boulets de 36 à Boulogne; envoyez-en 2,000. On pourra les embarquer au Havre ou ailleurs sur les bâtiments de la flottille.


Malmaison, 30 mars 1804

Au citoyen Portalis

Citoyen Portalis, Conseiller d'État, un curé des environs d'Abbeville a été arrêté comme favorisant l'espionnage. Un autre curé de Strasbourg a été arrêté comme logeant la baronne de Reich. Le prêtre Ottmann, de Marseille, qui a demeuré à Gibraltar, est également suspect. Je vous ai aussi envoyé, il n'y a pas longtemps, une note sur quelques prêtres dissidents du département du Pas-de-Calais, correspondant avec l'infâme ex-évêque d'Arras. Je désirerais que vous me fissiez connaître quelles seraient les formes canoniques à employer pour les dégrader, afin qu'ils puissent être livrés à toute la rigueur de la justice, car je pense qu'il faut un exemple qui frappe tout le clergé. Je ne suis pas plus content du vicaire de Saint-Sulpice, parent de Barco; c'est un homme également à dégrader.

Je désire que vous adressiez une circulaire aux évêques, pour leur faire connaître que les évêques rebelles à l'État et au Pape, retirés à Londres et vendant leur conscience à l'or de nos ennemis, font imprimer toutes sortes de libelles contre le concordat et contre l'Étal; qu'ils doivent veiller à ce qu'aucun prêtre de leur diocèse n'entretienne avec eux des correspondances, et vous donner sur-le-champ connaissance de ceux qui ne seraient pas de leur communion; que mon intention est de punir avec sévérité ces ennemis de la religion et de l'État.

Je vous prie de faire rechercher dans vos papiers les plaintes qui vous auraient été adressées par des évêques sur des individus rebelles au concordat.


Malmaison, 31 mars 1804

DÉCISION

Le ministre de l'intérieur propose d'ouvrir un crédit de 1,045,000 francs, pour les communications militaires des
départements de la Somme, du Pas-de-Calais, du Nord et de la Lys. 

Il est impossible d'accorder un million pour les quatre départements du Nord. La route qu'il  paraît convenable d'entretenir est celle de Paris à Boulogne, par Chantilly, Clermont, Amiens, Abbeville.

Après celle-ci, la plus importante est celle de Boulogne à Calais et de Boulogne à Saint-Omer; enfin les routes militaires de Boulogne à Étaples par Neufchâtel, Étaples à Montreuil, de Marquise à Ambleteuse, et du port de Wimereux au grand chemin.

Présenter de suite un travail général.


Malmaison, 31 mars 1804

Au citoyen Talleyrand

Voici, Citoyen Ministre, des lettres de Russie. Je vous prie de faire une réponse à la note du chargé d'affaires de Russie à Rome, laquelle sera adressée au Pape par le cardinal Fesch. Vous direz que l'indépendance des puissances de l'Europe est évidemment attaquée par la Russie, puisqu'elle veut se donner une juridiction sur des sujets qui ne sont pas nés Russes et bouleverser le droit public du monde tout aussi bien que le droit de la nature; que les émigrés sont des hommes condamnés à la mort par les lois de leur pays, et considérés dans tous les pays comme des individus morts civilement; que des émigrés, cependant, soient employés en Russie, nous n'y avons jamais trouvé à redire; mais ce dont nous nous plaignons, c'est que la Russie prétende les protéger et les accréditer au milieu des intrigues qu'ils traînent sur nos frontières; que jamais la France ne consentira à admettre des principes aussi erronés.

Pour M. de Vernègues, cela est d'autant plus extraordinaire qu'il a été constamment en Italie chargé de toutes les intrigues comme soi-disant représentant du comte de Lille, et c'est là où le ministre russe qui est aujourd'hui à Rome l'a connu.

Puisqu'ils aiment l'idéologie, il faut tourner la question sous tous les points de vue, dire que c'est une conduite imprudente, qu'on ne peut définir, de vouloir inquiéter un gouvernement ami par les intrigues d'hommes qui y ont leur intérêt naturel; qu'on a de la peine à reconnaître dans ce procédé la politique et la générosité d'un grand empire.

Faites une lettre au cardinal Caprara en lui envoyant une copie de cette note.

Envoyez au cardinal Fesch un courrier pour lui faire connaître qu'il doit absolument exiger qu'on livre M. de Vernègues; que les principes de la cour de Russie sont subversifs de nos droits et de notre indépendance, et que nous ne souffrirons jamais d'aucune puissance qu'on se mêle de discuter nos droits intérieurs.

Je désire que vous écriviez à l'ambassadeur de la République à Rome, pour que l'abbé Bonnevie retourne en France à son poste.


Malmaison, 31 mars 1804

Au citoyen Talleyrand

Je vous envoie, Citoyen Ministre, une lettre de Hanovre qui me paraît extravagante. Il y a cependant des faits qui doivent passer toujours avant les conjectures. N'en parlez point à M. Lucchesini, mais tachez de pénétrer s'il sait qu'il se fait des mouvements de troupes; et portez une attention particulière à toutes les pièces de notre correspondance de Hambourg, Cassel ou Berlin. Si la Prusse rassemble des troupes, c'est probablement pour se mettre en mesure d'en imposer à l'Empereur.


Malmaison, 31 mars 1804

Au général Berthier

Je désire, Citoyen Ministre, que vous fassiez témoigner ma satisfaction au 18e de ligne, aux détachements des 39e, 96e, 4e léger, au ler de cuirassiers, aux détachements des 11e de cuirassiers, 3e et 27e de dragons qui ont fait le service extraordinaire des barrières.

Vous leur ferez donner un demi-mois de solde en gratification , sans que cette dépense puisse passer 60,000 francs. Ces quinze jours de gratification seront du traitement ordinaire des troupes sans y comprendre le supplément qu'elles ont à Paris. Il est inutile de donner aucune publicité à cette mesure.


Malmaison, 31 mars 1804

Au contre-amiral Ver Huell, commandant la flottille batave

Monsieur le Contre-Amiral Ver Huell, j'ai reçu votre lettre du 4 germinal (25 mars). J'ai vu avec peine que la chaloupe canonnière que vous avez placée entre Schouwen et le Nord-Beveland avait été surprise.

Je suis instruit d'ailleurs que la canonnière n'avait ni sa garnison d'infanterie, ni filets d'abordage. Les canonnières doivent avoir 30 hommes de garnisons soit Bataves, soit Français; et, si en même temps elle eût eu ses filets d'abordage, il eût été
difficile à l'ennemi de l'enlever.

J'ai vu aussi avec peine que la seconde chaloupe canonnière était loin de la première. L'audace des Anglais est connue. Elles doivent être près l'une de l'autre et se faire éclairer, même par des canots.

J'ai vu cependant avec plaisir que la chaloupe nous est restée. Écrivez à la Haye pour faire construire une cinquantaine de bâtiments armés d'un obusier et d'une pièce de 4. C'est, à mon sens, la meilleure manière de défendre les canaux.


1 - 15 mars 1804