1 - 15 Septembre 1804


Mons, 1er septembre 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police, je vois, dans le bulletin du 12 que M. d'Oubril a eu l'inconvenance de donner des passeports à des officiers de sa nation pour visiter les ports de la Manche. Faites-les arrêter partout où ils se présenteront. Faites connaître aux commissaires de police sur les côtes que, sous quelque prétexte que ce soit, aucun étranger ne se présente sur nos côtes, depuis la Manche jusqu'à l'Escaut, et que, s'il s'en présente, malgré leurs passe-ports, on les arrête provisoirement.


Mons , 1er septembre 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police, j'ai été extrêmement content du bon esprit de tout ce département. A Saint-Omer comme à Béthune, à Aire, dans les villages où j'ai passé, j'ai trouvé des expressions de physionomie et de sentiment qui ne trompent point.

Si l'abbé de Pradt se trouve à Paris, envoyez-le à Aix-la-Chapelle et donnez-lui les fonds nécessaires; je serai bien aise de le voir.


Aix-la-Chapelle, 3 septembre 1804

A M. Gaudin

La ville d'Arras n'a plus de cathédrale. Cette ville, qui est de plus de 20,000 âmes , n'a qu'une seule paroisse. Les habitants désirent qu'on leur laisse l'abbaye de Saint-Waast. Cela me paraît raisonnable. Préparez-moi un arrêté sur cet objet. Cela ne fera aucun tort à la sénatorerie ni à la cohorte de la Légion d'honneur, puisque ce bâtiment est immense et que l'église n'a pu être comprise dans les concessions faites à l'une et à l'autre, parce qu'elle leur est inutile.


Aix-1a-Chapelle, 3 septembre 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police, la lettre du voyageur d'Husum, annoncée dans la vôtre du 14, n'y était pas jointe.

En règle générale, les passe-ports des ministres étrangers ne doivent point empêcher la police de faire arrêter un individu suspect qui en est porteur. C'est donc à tort que le commissaire général de police de Boulogne n'a point fait arrêter l'agent que d'Oubril avait envoyé sur nos côtes.

Il y a longtemps que l'exportation est défendue en France; je vois, par l'extrait des séances du 13, que le préfet de police paraît l'ignorer; il faut cependant qu'il le sache, pour pouvoir le répandre. L'arrêté sur la permission d'exporter n'a pas besoin d'être rapporté, parce qu'il renferme des clauses qui en bornent l'effet, et qu'il y aurait un grand inconvénient à faire croire que nous n'avons point de blé et que la récolte est plus mauvaise qu'elle ne l'est. Veillez à ce que les exportations n'aient plus lieu, le ministre de l'intérieur l'ayant expressément défendu depuis quinze jours par une circulaire.


Aix-la-Chapelle, 3 septembre 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, mon intention est de renforcer le corps du général Saint-Cyr, non que je croie que dans sa force actuelle il ait rien à craindre des Napolitains ni des Russes, qui, selon les renseignements que j'ai, ne sont pas forts de plus de 7,000 hommes à Corfou. Cependant, vous préviendrez le général Saint-Cyr et le général Jourdan que si jamais les Russes envoyaient garnison à Naples, sans attendre aucun ordre, sans perdre une minute, le premier doit se diriger avec son corps d'armée sur Naples pour les en chasser. A cet effet, le bataillon du 42e régiment qui est à Pescara rejoindra ses deux autres bataillons. Il sera remplacé à Pescara par le 29e de ligne, qui est à Gênes, auquel vous donnerez l'ordre de s'y rendre sur-le-champ, et par le 6e régiment de chasseurs, qui est à Lodi, qui se rendra également sur-le-champ à Pescara. Le général Saint-Cyr fera fournir à ce corps six pièces de canon attelées; il sera commandé par un général de brigade qu'il nommera.

Vous donnerez ordre au général Jourdan d'envoyer à Rimini le 53e, qui est à Parme; vous y enverrez également le 1er de chasseurs, qui est dans la 27e division militaire. Le général Jourdan fera fournir à ce corps six pièces de canon attelées, et le mettra sous les ordres d'un officier d'état-major, afin que, sur la moindre réquisition du général Saint-Cyr, il puisse se joindre à celui de Pescara et aider à ses opérations. Ce corps aura aussi ordre de surveiller Ancône, afin qu'en cas que des Russes ou des Anglais débarquassent, il puisse sur-le-champ s'y porter. Le général Jourdan donnera ordre au général Verdière, qui commande en Toscane, de faire marcher, à la première demande qui lui serait faite par le général Saint-Cyr, trois bataillons, formant plus de 2,000 hommes, sur le point de jonction qui serait déterminé par ce général; et si jamais un débarquement de Russes avait lieu à Naples, vous ferez connaître au général Jourdan que, sans dégarnir la ligne de ses troupes dans la République italienne, il devra sur-le-champ faire filer le 3e régiment de chasseurs et le 67e, qui est à Gênes, sur Rimini, pour renforcer, s'il devenait nécessaire, le corps du général Saint-Cyr. Vous ferez connaître aux généraux Saint-Cyr et Jourdan que, rien n'étant moins probable qu'une descente des Russes à Naples, il est indispensable qu'ils gardent le plus profond secret sur ces dispositions.

Vous donnerez ordre au 23e régiment de chasseurs, qui est dans la 26e division militaire, de se rendre à Genève. Vous donnerez ordre au 14e d'infanterie légère de se rendre à Gênes avec son bataillon d'élite : à cet effet, ce bataillon d'élite sera dissous et rentrera dans le régiment. Vous donnerez ordre au général commandant la 8e division militaire de faire relever les postes du 14e par un bataillon du 8e d'infanterie légère, et de tenir le 23e de ligne à Toulon, ne tenant à Marseille que très-peu de troupes.

Le 29e de dragons se rendra à Lodi, où se trouve déjà le 24e de la même arme. Vous recommanderez au général Jourdan de charger des instructeurs d'infanterie de former ces régiments aux manœuvres à pied et de les organiser en tout comme le doivent être les dragons.

Donnez ordre au général Baraguey d'Hilliers de passer la revue des 27e, 23e, 30e, 22e, 25e, 26e, et28e régiments de dragons, de mettre l'instruction en train dans ces différents corps et de prendre toutes les mesures pour que ces corps dirigent leur instruction dans le sens de ce que l'on exige de l'arme des dragons.

Le corps d'armée qui est à Naples, au lieu d'envoyer au couronnement des hommes qui sont dans le royaume de Naples, sera représenté par deux officiers et quatre sous-officiers des régiments de ce corps d'armée qui sont en recrutement dans l'intérieur de la France. Ceux qui sont en Corse, à l'île d'Elbe et à Livourne, seront représentés de même.


Aix-la-Chapelle, 3 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Donnez l'ordre au vice-amiral Villeneuve de se rendre à Paris, ainsi qu'au contre-amiral Missiessy. A leur arrivée, vous leur ferez part de leur mission respective, l'un de Toulon, l'autre de Rochefort. Il faudra aussi causer avec Villeneuve sur le grand projet auquel est destinée son escadre.


Aix-la-Chapelle, 4 septembre 1804

A M. Portalis

Monsieur Portalis, Ministre des cultes, j'ai lu avec attention 1e rapport de la mission de l'évêque de Meaux. J'approuve tout ce qu'il demande. Il me semble cependant qu'il faut être bien sûr de ce que l'on fera, et ne montrer l'autorité que le moins possible dans cette condamnation canonique. L'histoire nous apprend que l'importance donnée aux discussions théologiques les a allumées et a fait des fanatiques. Si donc on persiste à penser que cette condamnation canonique soit utile, il faut quelle soit faite sans plaidoirie et de manière à être certain qu'il n'y a aucun doute.

J'ai reçu, avec vos différentes lettres, une note sur le travail du ministre des cultes du 11 fructidor. Je pense que vous me soumettrez tout ce qui sera nécessaire à l'approbation.


Aix-la-Chapelle, 4 septembre 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, faites arrêter le jeune frère de Georges; il ne doit plus rester dans le Morbihan; faites-le placer dans une petite ville du Piémont, où il lui sera donné un moyen d'existence, s'il n'en a pas.

Le général Lahorie ne doit point rester en France. Il est la principale cause de ce qui est arrivé au général qui lui avait avait confiance. S'il peut être arrêté, c'est un homme bon à s'en assurer en le retenant plusieurs années dans un château fort.


Aix-la-Chapelle, 4 septembre 1804

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, un grand nombre de lettres qui m'ont été écrites par différents princes m'ont été renvoyées pour en faire les réponses. Cependant je n'en ai encore signé aucune.


Aix-la-Chapelle, 4 septembre 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je nommerai pour directeur des études de l'École Polytechnique le colonel Gay Vernon. Cette école n'a pas besoin d'adjudant commandant. Les chefs de bataillon, capitaines et lieutenants doivent être tirés de ma Garde; entendez-vous-en avec le maréchal Bessières. J'ai de vieux officiers couverts de blessures qui seront très-bien employés là. J'aurai alors les moyens de faire occuper leurs places par des officiers moins âgés. Je vous recommande la réorganisation des régiments provenant des débris de l'armée de Saint-Domingue. La garnison du vaisseau l'Algésiras sera fournie par le 70e régiment de ligne.


Aix-la-Chapelle, 4 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

M. d'Oubril est parti. Quoique ce départ n'annonce pas une bien bonne intelligence, cependant il paraît que cela ne veut point dire une rupture; mais il est incalculable ce qui peut arriver d'ici à deux ou trois mois. Contremandez donc toutes vos affaires du Nord, et mettez à l'abri tout ce que vous pourrez. Rendez-moi compte de ce que j'ai à craindre et de ce qu'il est convenable de faire. Ne faites rien que je n'aie approuvé les mesures que vous croirez  devoir prendre.


Aix-la-Chapelle, 5 septembre 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, la mission du voyageur d'Husum est une mine précieuse. Les deux extraits que vous avez envoyés sont extrêmement curieux. Ils ne m'apprennent rien nouveau, car je reste toujours persuadé que nous n'avons pas la conjuration tout entière. Je dis plus : je suis persuadé que nous ne savons pas tout ce que savent Lajolais et Rolland. Lajolais est aujourd'hui dans vos mains. Pichegru, pour qui ce misérable pouvait avoir encore un peu d'intérêt, n'existe plus; ainsi il serait donc possible de tirer quelque parti de cet individu, et d'avoir enfin une narration simple et claire, sinon écrite, du moins verbale, par quelqu'un qu'on lui enverrait. Puisqu'il est question de cette affaire, rendez-moi compte si le tachygraphe a rendu compte de tous ces débats, si les cahiers ont paru. Faites réunir, dans ce cas, des exemplaires de toutes ces pièces, et faites-les mettre dans les principales bibliothèques de Paris, car il y a là des aveux et des faits suffisants pour tout homme impartial, et que l'on ne peut plus nier. Tous ces nouveaux renseignements ne font que confirmer davantage l'impossibilité et l'inconvenance de conserver des fonctions politiques au tribun Moreau (Joseph-Marie-François Moreau, 1764-1849. Frère du général, il siège au Tribunat). Je désire donc que vous vous arrangiez de manière à ce qu'il donne sa démission. Il est également essentiel, si l'on peut saisir le général Lahorie, de le faire enfermer; il ne faut prendre aucun engagement avec lui et ne rien lui promettre; ce misérable est la principale cause de tout. Je dirai la même chose de Fresnières. Il serait inconvenant que de tels individus trouvassent protection en France. Je désire également que vous preniez des mesures pour que madame Hulot (Il s'agit de la belle-mère de Moreau) n'approche pas de quarante lieues de Paris. Je crois que vous m'avez mandé qu'elle n'y était pas; ainsi, quelle n'y revienne plus.

Il est du devoir de la police d'influer, par tous les moyens possibles, sur la badauderie des Parisiens, et d'empêcher qu'aucun Russe ne parte sans avoir payé ses dettes. Faites parler, dans l'article Variétés de quelque petit journal, de l'usage pratiqué à Saint-Pétersbourg de ne point laisser partir les étrangers sans avoir payé leurs dettes, en faisant sentir, quoiqu'il ne soit pas suivi en Europe, combien il est avantageux sous plusieurs côtés. Citez quelques Russes qui auraient laissé des dettes, et choisissez de préférence les Dolgorouki, s'ils en ont laissé; et citez l'exemple de quelques boutiquiers connus à Paris qui ont été ruinés par quelques-uns d'entre eux.


Aix-la-Chapelle, 5 septembre 1804

DÉCISION

Daugier, commandant des marins de la Garde, rend compte des ordres qu'il a donnés pour hâter l'armement des corvettes canonnières et les conduire à Boulogne, ainsi que des dispositions qu'il a faites pour l'organisation des divisions montées par la Garde.

Renvoyé au ministre de la marine. Il parait qu'on veut encombrer Boulogne de bâtiments qui ne servent à rien. Je ne comprends rien à cette méthode. Les bâtiments de Boulogne doivent avoir tous leurs équipages. Le ministre verra le capitaine Daugier pour savoir le nombre de bâtiments qu'il peut monter avec son bataillon tout réuni. Il faudra faire former les équipages des autres bâtiments.

 


Aix-la-Chapelle, 6 septembre 1804

A M. Cretet

Monsieur Cretet, Directeur général des Ponts et chaussées, je désire que vous preniez connaissance de ces pièces et que vous me fassiez un petit rapport qui me fasse connaître,

1° Quelle est l'estimation de ce que gagnera la ville de Bruxelles moyennant la destruction des fortifications;
2° A quoi l'on peut évaluer l'entretien des casernes et bâtiments militaires que je conserve; enfin, si nous gagnerions ou perdrions à charger la ville de Bruxelles de l'entretien des bâtiments militaires conservés, et, moyennant ce, à lui céder tout.


Aix-la-Chapelle, 6 septembre 1804

DÉCISION

Rapport du ministre de la guerre sur les observations du maréchal Jourdan relativement aux honneurs qui sont dus au général en chef de l'armée d'Italie à Milan

En parler à M. Marescalchi. Il n'y a de palais impérial qu'où se trouve l'Empereur. Il ne parait donc pas que la prétention de vouloir rendre à Milan les mêmes honneurs au maréchal Jourdan qu'on rendrait au maréchal Murat aux Tuileries soit fondée. Cela sera raisonnable lorsque l'Empereur x sera; mais alors aussi le maréchal Jourdan le trouvera tout simple, parce qu'il lui est subordonné, tandis qu'il ne l'est pas au vice-président.


Aix-la-Chapelle, 6 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Je désire qu'on place sur chacun des vaisseaux de guerre six ou même dix obusiers de 8 pouces, installés comme ils le sont sur les canonnières. Je pense que le résultat n'en pourrait être qu'avantageux, car les vaisseaux, à 1,000 toises, pourraient se servir de ces obusiers comme de six ou dix mortiers jetant un obus ou bombe de 44 livres pesant; à 300 toises, ils pourraient les tirer dans le bois et même avoir quelques coups de mitraille; mais je conçois le principal avantage en les tirant en bombes ; ils équivalent à des pièces de 72. Vous savez combien cette arme est aujourd'hui utile à nos canonnières. Le mât du brick anglais, au Havre, a été cassé par un de ces obusiers. Faites envoyer le modèle de l'affût à Brest, Rochefort et Toulon, et faites-en faire l'essai. On peut tirer cet obusier du milieu des vaisseaux, à bâbord, à tribord, sur l'avant, sur l'arrière, selon les circonstances, et il ne pèse que 1,100 livres; j'oserais m'en promettre un bon effet. Pour en faire l'essai, les directions de
la terre de Toulon, Rochefort et Brest pourront en prêter de ceux de l'armement de la place, et d'ici à un mois il serait très-facile d'en fournir autant qu'il serait nécessaire pour armer tous nos vaisseaux de guerre. Faites-moi connaître les objections que les ingénieurs ou vous, pourriez avoir contre cette idée. Il est de fait que nos vaisseaux ne sont pas assez armés. Mon idée serait de placer ces obusiers en supplément de l'armement actuel des vaisseaux, sans diminuer une seule bouche à feu.


Aix-la-Chapelle, 6 septembre 1804

Par les états que je reçois, il me paraît que l'escadre de Brest n'a plus besoin que de 1,273 hommes pour être portée au complet, y compris ce qui est nécessaire pour le Patriote; ce qui nous fait vingt et un vaisseaux en rade. Je viens d'ordonner que les24e et 37e régiments de ligne fourniraient en tout 539 hommes. Je pense qu'il sera nécessaire que le surplus soit fourni par 6 ou 700 conscrits ouvriers de la marine; on prendrait préférablement des hommes de bonne volonté, et, s'ils étaient insuffisants, on les ferait marcher par tour. J'imagine qu'entre Brest, Lorient et Saint-Malo, ce nombre doit se trouver facilement. Les 100 ou 200 hommes qui pourraient manquer encore à l'escadre seraient fournis par l'artillerie de la marine. Un conscrit ouvrier est bien plus essentiel à bord d'un vaisseau qu'un simple conscrit, et un 
matelot ouvrier le serait plus qu'un simple matelot. La France a plus de surface que de côtes; l'art doit donc consister à pousser la population du centre sur les côtes, pour le service de la marine. De grandes colonies et un grand commerce, cela va tout seul; mais cela ne peut être que le résultat de la marine. Si nous nous en rapportions à ces seuls moyens, nous ferions un cercle vicieux. Voici ce que j' imagine pour augmenter la population maritime. Vous avez des matelots de quatre classes et des novices : je désirerais que, dans l'organisation fondamentale des équipages, chaque vaisseau de guerre eût, comme matelots de 4e classe, trente conscrits ouvriers qui auraient été au service de la marine dans les ports pendant une année entière pour cette fois et deux ans pour l'avenir, et trente conscrits novices fournis par la conscription de l'année de toute la France. On veillerait à ce que les ouvriers conscrits apprissent à nager dans la rade sur des canots et péniches. Par ce moyen, on se procurerait de suite une population de 3,000 jeunes gens, dont 1,500 ouvriers, qui pourraient dès à présent être mis à bord de nos vaisseaux. Cette idée est bonne si, en général, vous manquez de novices; car, si vous en avez autant que vous en voulez, il est inutile d'en chercher par la conscription. Quant aux ouvriers, si cette idée vous paraît bonne, présentez-moi un projet d'arrêté en conséquence; et alors, à Brest, Toulon, Rochefort et Lorient, et partout où il y a des vaisseaux, on embarquerait le nombre d'ouvriers conscrits mentionnés plus haut, et qui seront remplacés par une levée de la conscription de l'an XIII, et par ce moyen les escadres de Brest , Toulon, Rochefort, la garnison de l'Algésiras,pourront se trouver au complet.


Aix-la-Chapelle, 6 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, je désire que vous me fassiez deux rapports : le premier, sur la colonie de Surinam, etc. le second, sur l'expédition d'Irlande. Il me paraît que l'escadre de Brest est enfin dans la position de faire quelque chose. Nous avons 21 vaisseaux armés, des frégates et quelques flûtes : 16,000 hommes et 500 chevaux devraient pouvoir être embarqués au commencement de brumaire. Faites-moi connaître sur quoi je puis compter.

Je désire aussi que, dans le prochain état de situation de l'armée navale, vous fassiez porter le nombre des matelots de chaque classe à bord de chaque vaisseaux, afin que je puisse voir de quelle classe sont ceux qui manquent.

Avant d'envoyer Émériau (Maxime-Julien, comte Émeriau de Beauverger, 1762-1845. Préfet maritime de Toulon, de 1803 à 1811) à Toulon, il faut que Missiessy soit rendu à l'île d'Aix, car il est impossible que cette escadre soit sans amiral. Faites-moi connaître quelles espérances vous avez du Berwick, et le temps ou il pourra être en rade. Témoignez mon mécontentement à M. Pallière, à Toulon, et destituez quelques administrateurs ou changez-les de port, afin de rompre cette coupable coalition.


Aix-la-Chapelle, 6 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, dans notre position actuelle, je préfère armer la Topaze à l'armement des deux bricks qui sont à Nantes. L'équipage qui était destiné à ces deux bricks formera celui de la frégate. Je pense donc qu'il faut la faire armer le plus tôt possible. Il est bien difficile que nous puissions aujourd'hui hasarder un brick sur les mers, et nous en avons suffisamment en armement. Il n'en est point de même d'une frégate. .

Je désirerais bien que vous suivissiez votre projet de mettre un vaisseau en construction à Nantes.

Il reste à Brest le Finistère, le Zélé, le Gaulois, le Dugommier. Il y en avait trois autres qui, probablement, sont déjà démolis. Il faudrait voir le parti qui pourrait être tiré de ces quatre vaisseaux restants. Comme les bassins de Brest ne se trouvent plus occupés dans ce moment, il faut profiter de cette circonstance pour les découvrir, radouber ceux qu'on croirait en être susceptibles et démolir ceux qui seraient tellement dégradés qu'il serait impossible de les réparer. Mêmes observations pour la Romaine et la Pensée. Dans la situation où nous nous trouvons, deux de ces vaisseaux pourraient nous servir de flûtes pour l'expédition d'Irlande. Dans tous les cas, s'ils ne peuvent être réparés pour vaisseaux de combat, il serait possible d'en faire de bonnes flûtes. Il me paraît donc nécessaire de faire occuper deux bassins par ces vaisseaux, et de les découvrir pour voir le parti qu'il y aurait à prendre. S'il y avait possibilité de proposer d'achever un des deux vaisseaux qui sont à Brest, cela serait d'autant plus utile qu'il n'y a plus de travaux aujourd'hui dans ce port. J'imagine que ce qui s'oppose à ces travaux, ce sont les bois.

Il paraît que la Pomone va être bientôt lancée à Gênes, ainsi que les deux bricks la Réunion et le Cyclope. Mon intention est de composer leurs équipages de Génois. Je penserais donc qu'il serait nécessaire d'envoyer dès ce moment à Gênes un capitaine pour les commander, et qui ferait les recherches pour organiser ces équipages, de manière à donner en avancement quelques places de contremaîtres à des Génois et de classer les matelots des différentes classes. Il ne manque point de moyens de construction à Gênes. Je désire que vous donniez des ordres pour que le vaisseau le Génois puisse être lancé dans l'hiver; les équipages en seront formés également par des Génois.

Si les deux frégates qui sont à Flessingue sont en bon état, ayant la tête de leurs équipages, il faudrait les recomposer, les approvisionner et les tenir prêtes à partir dans le courant de l'hiver. Elles pourraient partir en brumaire ou frimaire, pour porter du secours à nos colonies.

Quand l'Achille sera-t-il lancé et pourra-t-il aller en rade de Rochefort ? Quand compte-t-on lancer le Pluton à Toulon 


Aix-la-Chapelle, 6 septembre 1804

Au vice-amiral Ganteaume

Monsieur le Vice-Amiral Ganteaume, commandant en chef l'armée navale de Brest, j'ai reçu votre lettre du 9. J'ai donné ordre que les 1,973 hommes qui manquent au complet de votre escadre soient mis à votre disposition, savoir : 200 hommes de l'artillerie de la marine, 600 conscrits ouvriers de la marine et 500 hommes d'infanterie de ligne. Voilà donc Le Patriote en rade ! Avec 21 vaisseaux, j'espère que vous serez dans le cas de faire quelque chose.

Votre sortie a imprimé une grande terreur aux Anglais; ils savent bien qu'ayant toutes les mers à défendre, une escadre qui s'échapperait de Brest pourrait leur faire un ravage incalculable; et, si vous étiez en mesure de porter en brumaire 16,000 hommes et 500 chevaux en Irlande, le résultat en serait funeste à nos ennemis. Dites-moi si vous pensez pouvoir être prêt, et quelles sont les probabilités de réussite. Voyez le général irlandais O'Connor, et causez avec lui sur les points où l'on pourrait débarquer. Je pense bien qu'une sortie comme celle que vous avez faite demande des circonstances de temps qui ne se présentent pas tous les jours; mais je ne comprends pas pourquoi vos vaisseaux n'appareilleraient pas chaque jour pour faire bordée dans la rade. Quelle espèce de danger y a-t-il à faire cela ? Les mirliflores de l'escadre pourront en rire et se moquer de ces grandes expéditions; il n'en serait pas moins vrai que, dans ces continuels exercices, vous donneriez à votre escadre une tenue et une expérience bien précieuses, et vous auriez fait tout ce qui dépend de vous. Je ne connais pas assez la rade de Brest pour savoir si une escadre de cinq vaisseaux peut y évoluer et à votre signal se mettre en bataille pour les différentes manœuvres : si cela est exécutable, pourquoi ne le fait-on pas ? J'ai fait faire de ces manœuvres par la flottille de Boulogne; le résultat en a été très-bon, et aujourd'hui cela se continue; c'est un objet d'encouragement et d'instruction dont personne ne peut contester l'avantage. Il ne faut pas chercher ce qui nous manque; je ne puis faire des miracles; mais il faut faire tout ce qui est possible. J'ai assez d'expérience de la mer pour savoir que, ne ferait-on que lever l'ancre, déployer ses voiles et revenir mouiller, je dis plus, ne ferait-on que le branle-bas, le résultat en serait toujours très-avantageux. Soyez sincère : combien avez-vous de vaisseaux dont le branle-bas se fasse bien ? Les hamacs sont mal placés, tout ne se prépare point comme il le faut; rien enfin n'est indifférent pour le succès. Pourquoi ne feriez-vous pas faire, tous les huit jours au moins, le signal du branle-bas, et ne vous portez-vous pas alors pour visiter les vaisseaux et voir ce qu'il peut y avoir de mal ? Je vais encore plus loin : je pense que même l'exercice des signaux en est un utile, et accoutume tous les vaisseaux à les répéter avec la promptitude et l'expérience convenables. Je répète encore qu'on se moquera de ces exercices, mais il sera néanmoins de fait que les états-majors des vaisseaux apprendront à connaître bien les signaux, et franchiront les obstacles qui sont apportés souvent à leur prompte arboration et répétition. Lorsque les Anglais ont su que vous étiez dans la baie de Camaret, l'opinion des marins en Angleterre était que vous n'étiez pas attaquable.

Je n'ai plus de généraux de marine. Je désirerais faire quelques contre-amiraux, mais je voudrais choisir ce qui peut m'offrir le plus d'espérances, sans considération d'ancienneté. Envoyez-moi une liste d'une douzaine d'officiers propres à faire des contre-amiraux, ayant les qualités nécessaires pour mériter la préférence, et surtout des hommes encore dans la force de l'âge.

J'ai fait mettre sur chaque chaloupe canonnière un obusier de 8 pouces de terre. Cet obusier se place sur un petit affût marin qui lui permet de lancer un obus pesant 40 livres à plus de 1,000 toises; tiré sur l'angle de 45 degrés, il fait l'effet d'un mortier; tiré à 200 toises, l'obus éclate dans le bois; tiré à 1,000 toises, l'effet en est considérable, puisqu'il a 8 pouces d'ouverture, ce qui est plus qu'une pièce de 72. Les chaloupes canonnières n'ont point été incommodées de ce tir; et, comme il est d'usage, après avoir beaucoup blâmé cette arme, on s'en loue beaucoup aujourd'hui. Comme la terre peut en fournir une grande quantité, je désirerais que vous en missiez six ou dix sur chacun de vos vaisseaux. Il doit être placé sur un petit affût marin ayant ses roulettes de l'avant et point de derrière; il peut être mis indifféremment à bâbord, à tribord, sur l'avant ou sur l'arrière du vaisseau; on peut le tirer en chasse comme en retraite. Je m'en promets un bon effet. La terre a de ces obusiers à Brest; faites-en placer sur un affût et essayez-les à bord d'un de vos vaisseaux. Si vous pouviez en mettre dix, cela ne ferait que mieux; ils ne pèsent que 1,100 livres. J'aurais bien désiré aussi que vous eussiez des obusiers anglais de 36; mais il paraît que l'on n'en a pas encore fait assez; toutefois, je suis d'opinion que les obusiers de 8 pouces valent beaucoup mieux. Six ou dix de ces obusiers, faisant l'effet de six ou dix mortiers, peuvent être très-utiles dans un combat. L'emplacement ne gêne pas; on peut les tirer du milieu du vaisseau, en s'arrangeant de manière à ne point être embarrassé par les vergues. Nos vaisseaux ne sont pas assez armés. Quand je connaîtrai les objections que vous avez à faire sur cette idée, il sera facile, si elle est praticable, de vous donner 200 de ces obusiers. Il ne faut point les confondre avec les obusiers de 6 pouces qui, n'étant que de 36, ne remplissent point le même objet.


Aix-la-Chapelle, 7 septembre 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, Tugnot, major de la 28e légère, est destitué. Il est vrai qu'on dit qu'il s'est bien comporté pendant ces dernières années, mais un militaire qui a été espion de l'ennemi ne doit plus compter dans nos rangs. Quant à la Légion d'honneur, c'est une erreur, il n'en est point. Pour plus de sûreté, je désire même que vous en causiez avec M. de Lacépède; il est impossible qu'il en soit. Ce Tugnot est un homme à envoyer fort loin. Cependant faites des recherches. Réal connaît bien son histoire; il a les pièces en main. Faites-moi une analyse de ce qu'il y a contre lui.

Tenez M. de Marson en arrestation. Je n'ai entendu ni pu amnistier tous les agents de Willot, Pichegru, dans la campagne de l'an VIII, ni ceux qui ont figuré dans les différentes agences anglaises depuis ce temps-là.

Présentez-moi un décret pour destituer l'officier de gendarmerie Dugué-Dassé.


Aix-la-Chapelle, 8 septembre 1804

Au maréchal Soult

Le petit combat auquel j'ai assisté la veille de mon départ de Boulogne a fait un effet immense en Angleterre. Il y a produit une véritable alarme. Vous verrez à ce sujet des détails traduits des gazettes, extrêmement curieux. Les obusiers qui sont à bord des canonnières ont fait un fort bon effet. Les renseignements particuliers que j'ai portent que l'ennemi a eu 60 blessés et 12 à 15 hommes tués. La frégate a été très-maltraitée.

J'envoie aujourd'hui l'organisation de la flottille à l'amiral Bruix; j'y détermine les divisions qui doivent fournir des garnisons et s'embarquer sur chaque partie.

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Je vous fais mon compliment sur l'heureux accouchement de madame Soult. Je désire que votre fille ressemble à sa mère.


Aix-la-Chapelle, 9 septembre 1804

ORDRE

Sur la proposition du ministre de l'intérieur, l'Empereur autorise le préfet du département du Léman à laisser expédier de Genève, à la destination de Gevay, deux mille quintaux de blé, pour la nourriture des ouvriers employés aux travaux de la route de Saint-Gingolph, sur la rive méridionale du lac. Ces grains seront extraits des départements voisins.


Aix-la-Chapelle, 9 septembre 1804

Aa maréchal Murat, gouverneur de Paris.

On m'assure que l'adjudant réformé Schuck porte le ruban de la Légion d'honneur. Faites vérifier le fait et sachez si cet adjudant a le droit de le porter.

(Brotonne)


 

Aix-la-Chapelle, 9 septembre 1804

A M. Gaudin

Monsieur Gandin, Ministre des finances, je désirerais que, dans les quatre départements réunis, ainsi que dans la Belgique, les places de percepteurs, de receveurs particuliers des communes, et toutes les places quelconques de la régie des droits réunis, soient données à des habitants du pays. Je n'admets aucune exception, et je ne pourrais qu'être très-mécontent si ces dispositions n'étaient pas suivies. Mon intention est de faire désormais pour la Belgique et les départements du Rhin la même opération que j'ai déjà faite pour le Piémont. Faites faire le relevé des places de directeurs, inspecteurs et contrôleurs de l'enregistrement natifs de la Belgique. Il faudrait donner à ces départements leur quote-part de places. Ces pays ne peuvent devenir entièrement français que par les soins du ministre des finances, qui, ayant à sa nomination un grand nombre de places, est à même de les faire jouir des bienfaits du Gouvernement. La même observation s'applique aux postes et aux directions des contributions directes. Je désire aussi connaître quel est le premier échelon des places dans l'enregistrement, les postes, les douanes, les contributions directes et les droits réunis, et quel est l'état actuel de ces premiers échelons.

Des plaintes m'ont été portées par la municipalité de Mons contre le directeur de l'octroi de cette ville; ôtez-le et nommez un homme dont la probité soit moins suspecte.


Aix-la-Chapelle, 9 septembre 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, ce que le bulletin du 18 fructidor dit de Lajolais montre assez la facilité qu'on aurait d'en tirer parti pour avoir au net une espèce de confession. Ne perdez pas de vue l'affaire de Gogué de la Vendée. Si tout ce qu'il y a dans le bulletin se vérifie, il faut le traduire à une commission militaire et le faire fusiller. Les chefs des chouans ont besoin d'être contenus par des remèdes vifs. M. d'Andigné, que j'ai pris à Malte, où il était chevalier et que j'ai emmené en Égypte, y a perdu une jambe. Le ministre de la guerre l'avait placé à Versailles; il était mal là; j'ai ordonné qu'on l'envoyât vers les Pyrénées; sachez ce qu'il en est. Il est frère de celui qui s'est échappé de Besançon. C'est un fort bon homme, mais il est, comme de raison, attaché à son frère. Les bureaux de la guerre ne sentent pas la conséquence de mes ordres; c'est à vous à y veiller.

M. d'Aremberg est soumis à la surveillance générale des émigrés, qui consiste à ne pouvoir voyager sans un passe-port du ministre. Comme toutes les personnes de cette maison se conduisent extrêmement bien, donnez ordre qu'ils ne soient plus assujettis à une surveillance particulière. Toutes ces personnes, par leur attachement au Gouvernement, sont très-propres à tout ce que l'administration voudrait faire dettes.

Je vois une Lettre à l'armée; elle est de Barère. Je ne l'ai pas lue, mais je crois qu'il n'y a pas besoin de parler à l'armée; elle ne lit pas le vain bavardage des pamphlets, et un mot à l'ordre du jour ferait plus que cent volumes de Cicéron et de Démosthène. On peut animer les soldats contre l'Angleterre sans leur parler; leur adresser une brochure est le comble de l'absurdité : cela sent l'intrigue et la méfiance; l'armée n'en a pas besoin. Dites à Barère, dont les déclamations et les sophismes ne sont pas en harmonie avec sa colossale réputation, qu'il ne se mêle plus d'écrire dans ce genre. Il croit toujours qu'il faut animer les masses; il faut, au contraire, les diriger sans quelles s'en aperçoivent. Au total, c'est un homme de peu de talent. S'il en est temps, ne laissez pas circuler sa brochure, et n'en laissez pas faire d'envois à l'armée. Elle n'est pas une autorité. Il n'y a de moyen légal de lui parler que l'ordre du jour. Tout le reste es intrigue et faction. Je n'ai point lue la brochure. Si elle est bien faite, la même chose dite, sans s'adresser à personne, pourrait être d'un bon effet et n'aurait aucun danger.


Aix-la-Chapelle, 9 septembre 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, vous donnerez ordre à la légion hanovrienne de se rendre à Laon. J'approuve que vous fassiez partir les quatre premier mortiers à plaque que vous aurez de Strasbourg, de Metz, de Rouen ou Paris, pour l'armement de la côte de Brest. Je désire que vous vous entendiez avec le ministre de la marine pour faire couler vingt de ces mortiers à Indret, qui seront immédiatement dirigés sur Brest et Rochefort. J'attache la plus grande importance aux batteries des environs de ces ports. Donnez ordre au directeur de Brest, s'il a de gros mortiers à plaque, de les faire placer en batteries. Il y a trois mois que j'ai donné des ordres pour armer les côtes environnant Brest, Audierne; faites-moi connaître où cela en est.


Aix-la-Chapelle, 9 septembre 1804

Au maréchal Berthier

Je vous envoie un rapport de M. Lacuée. La dame Pinon mérite beaucoup d'intérêt; faites-moi connaître quelle est la quotité de sa pension. Faites-lui remettre 3,000 francs de gratification pour équivaloir à ses demandes. Vous vous ferez faire un rapport pour savoir où est actuellement l'ancien quartier-maître et s'il a des biens. Dans ce dernier cas, faites-le poursuivre par le procureur général de la cour de justice dans l'arrondissement de laquelle il demeure, pour le faire entrer en arrangement avec la dame Pinon. Si le quartier- maître ou ses héritiers étaient insolvables, vous feriez connaître à cette dame, en lui faisant remettre la somme que je lui accorde, que mon intention est qu'au moyen de cette gratification elle n'ait plus rien à réclamer.


Aix-la-Chapelle, 9 septembre 1804

A l'amiral Bruix

Monsieur l'Amiral Bruix, il m'a paru que la manière la plus convenable d'organiser la flottille de guerre était de la partager en sept escadrilles égales en nombre, c'est-à-dire formant chacune 108 bâtiments. Il m'a paru également qu'il était utile de composer chaque escadrille de bâtiments de chaque espèce par tiers. Par ce moyen, la ligne d'embossage, qui est supposée être l'ordre naturel du départ, se trouvera rangée conformément à l'organisation. Elle sera formée sur quatre lignes : la première de péniches, la deuxième de chaloupes canonnières, la troisième de bateaux canonniers, la quatrième de bâtiments de transport. Lorsqu'on sortirait pour évoluer sans bâtiments de transport, les péniches mouilleraient à la troisième ligne, au lieu de mouiller à la première. Les escadrilles se trouvent égales entre elles, hormis deux, qui sont composées de bateaux canonniers au lieu de chaloupes, parce que nous avons un plus grand nombre des premiers que des dernières.

Toute l'armée se trouve ainsi avoir sa destination. La division italienne s'embarquera sur les corvettes de pêche et partira de Calais. L'armée du camp de Bruges s'embarquera sur la flottille hollandaise et viendra, en dernière analyse, se placer à Ambleteuse.

Telles sont les dispositions définitives que j'ai cru devoir adopter, parce qu'elles m'ont paru préférables sous plusieurs points de vue. Organisez sur ce principe tout ce que vous avez, et faites placer les bâtiments dans les ports, en les faisant mouiller. Faites-les sortir par escadrille ou par deux escadrilles, ce qui forme une aile.

Il y aura donc, à Boulogne, 108 chaloupes canonnières, 180 bateaux canonniers et 144 péniches, en tout 432 bâtiments, dont la sortie ne peut être difficile. Il y aura à Wimereux 108 bâtiments, dont la sortie en une marée est facile, et que ce port peut contenir. Il y aura à Étaples 216 bâtiments. Il faudrait sur-le-champ ordonner la construction du pont qui a été demandé dans ce port; mais il faudrait qu'il fût extrêmement léger, afin qu'il coûtât moins et qu'il pût être fait promptement. Il suffirait que deux hommes puissent y passer de front.

Quant aux bâtiments de transport, ils seront également partagés eu sept parties, chaque partie attachée à une escadrille. C'est à vous actuellement à faire votre tactique. Il est impossible de parler à chaque bâtiment; mais on peut parler à chaque nature de bâtiment, ensuite à chaque division et même à chaque section.

Je vais partir d'Aix-la-Chapelle; je serai de retour dans quinze jours à Boulogne. Je désirerais que pour ce temps-là chaque escadrille fût organisée, et que les fonds en fussent formés et prêts à recevoir ce qui pourrait leur manquer, lorsque la flottille du Havre sera arrivée.


Aix-la-Chapelle, 9 septembre 1804

ORGANISATION DE LA FLOTTILLE

PROJET DE DÉCRET

TITRE ler

La flottille de guerre sera composée de sept escadrilles, chacune de 108 bâtiments, total 756 bâtiments.
Les deux premières escadrilles se réuniront à Étaples et formeront la gauche de la flottille.
Les 3e et 4e, qui se réuniront à la gauche du port de Boulogne, formeront le centre.
Les 5e et 6e, qui se réuniront à la droite du port de Boulogne, formeront la droite.
La 7e, qui se réunira à Wimereux, formera la réserve.

La gauche, le centre et la droite seront commandés par trois contre-amiraux. Chaque escadrille sera commandée par un capitaine de vaisseau.

 La 1e escadrille sera composée de deux divisions de chaloupes canonnières, de deux divisions de bateaux canonniers , de deux divisions de péniches, et portera dix bataillons.

La 2e escadrille sera composée de quatre divisions de bateaux canonniers et de deux divisions de péniches, et portera également dix bataillons.

Ces deux escadrilles, formant la gauche de la flottille composée de 216 bâtiments et portant vingt bataillons, se réuniront à Étaples et en partiront.

Les 3e et 4e escadrilles, formant le centre de la flottille, seront composées de deux divisions de chaloupes canonnières, de deux divisions de bateaux canonniers et deux divisions de péniches , et porteront vingt bataillons.

La 5e escadrille sera composée de la même manière que la 3e et la 4e escadrille.

La 6e escadrille sera formée de quatre divisions de bateaux canonniers et de deux divisions de péniches.

Enfin la réserve serait composée de deux divisions de chaloupes canonnières, de deux divisions de bateaux canonniers et de deux divisions de péniches.

On voit donc que l'organisation est homogène, et qu'il n'y a que deux escadrilles qui diffèrent, ayant quatre divisions de bateaux canonniers au lieu de deux divisions de chaloupes canonnières et deux divisions de bateaux canonniers.

TITRE II

ARMÉE DE TERRE AFFECTÉE AUX ESCADRILLFS

Le corps d'armée du maréchal Ney fournira des garnisons et sera destiné à s'embarquer sur la gauche de la flottille, c'est-à-dire sur la 1e et la 2e escadrille.

Les divisions Vandamme et Legrand s'embarqueront sur le centre, c'est-à-dire sur les 3e et 4e escadrilles.

Les divisions Saint-Hilaire et Suchet s'embarqueront sur la droite, c'est-à-dire sur les 5e et 6e escadrilles.

Les bataillons de la réserve d'Arras s'embarqueront sur la réserve, c'est-à-dire sur la 7e escadrille.

Nota. Les deux bataillons que doivent porter les divisions de péniches seront pris par détachements sur les huit bataillons que portent les divisions de chaloupes ou bateaux canonniers.

TITRE III

PLACEMENT DES BÂTIMENTS DANS LES PORTS

La gauche sera réunie à Étaples, savoir :

La 1e escadrille sera rangée aux pieux du côté de la baraque de l'Empereur.
La 2e escadrille, sera rangée aux pieux de la gauche de la rade, du côté opposé.

On s'occupera de placer ces deux divisions au moment de l'appareillage.

Le centre sera rangé dans la partie ouest du port de Boulogne, c'est-à-dire du côté du bassin et du musoir.

La droite sera rangée dans la partie est du port de Boulogne, c'est-à-dire du côté de la tour d'Ordre.

La réserve sera réunie à Wimereux.

TITRE IV

En rade, chaque escadrille mouillera de la manière suivante : 

Les chaloupes canonnières au premier rang, les bateaux canonniers au deuxième rang, les péniches au troisième rang, de manière que derrière les chaloupes canonnières de chaque escadrille se trouvent les bateaux canonniers de la même escadrille, et derrière ceux-ci les péniches de la même escadrille.

Lorsqu'il y aura en rade des écuries ou des bateaux de transport, ils mouilleront à la place des péniches, qui alors mouilleront dans les intervalles, en avant des chaloupes canonnières.

C'est pour conserver les escadrilles dans l'ordre de mouillage qu'on a préféré composer chaque escadrille de trois espèces de bateaux.


ORGANISATION DE LA FLOTTILLE DE TRANSPORT

La flottille de transport se divise en trois flottilles :

Flottille d'écuries; 
Flottille d'artillerie;
Flottille de transport.

Chacune de ces flottilles se divise en divisions, composées chacune de dix-huit bâtiments, lesquelles se divisent elles-mêmes en deux sections de neuf bâtiments.

Il y a dix-neuf divisions d'écuries, quatre d'artillerie, sept de transport.

Les divisions de la flottille d'écuries portent les n° de 1 à 19; celles d'artillerie, de 20 à 24; celles de transport, de 30 à 37.


Aix-la-Chapelle, 10 septembre 1804

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je sens fort bien que tout ce qui est relatif à la réduction des frais de justice, à l'établissement de nouveaux droits sur le tribunal de cassation, aux droits sur les diligences et voitures publiques, ne peut être fait que par une loi; mais faites d'abord recueillir tous les matériaux, et présentez-moi les projets de décret.


Aix-la-Chapelle, 10 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Je vous renvoie la lettre du commandant de la corvettele Berceau. Il paraît que nous aurons des nouvelles de l'île de France, de floréal dernier. Je suis fort impatient d'avoir des détails sur les Indes , sur la situation de nos colonies et de nos croisières. Le Berceau parait être une grosse corvette, plus forte que la Badine et la Torche. Si elle n'a pas besoin de réparations et qu'elle marche bien , elle pourrait être utile à des missions. J'imagine que vous avez donné ordre au Bélier de tâcher de se rendre au Ferrol.


Aix-la-Chapelle, 10 septembre 1804

A M. Gaudin

Monsieur Gaudin, Ministre des finances, le Piémont a eu des gouvernements provisoires qui ont disposé des biens nationaux à tort et à travers. C'est ainsi qu'ils ont doté la ville et l'athénée de Turin. Je vous prie de me remettre, le plus promptement possible, l'état des dotations et affectations de tout genre faites par le gouvernement provisoire, soit à des villes, soit à des corporations, soit à des particuliers. Vous me proposerez en même temps un projet de décret pour annuler, par un seul acte, toutes ces ridicules dotations et affectations, et pour les faire entrer dans le domaine national. La législation est que tout ce qu'a fait en ce genre le gouvernement provisoire est nul; et que les choses doivent être remises sur le pied où elles étaient avant l'entrée des Français en Piémont. Mais cette législation ne peut être appliquée que par un décret; et il faut, pour rendre ce décret, connaître exactement tout ce qui a été fait, afin de pouvoir, s'il y a lieu, approuver les dispositions qui pourraient mériter de l'être. Je désire que l'état des affectations et dotations me soit remis vers le 15 vendémiaire prochain. Si vous n'avez pas dans vos bureaux tous les documents nécessaires, envoyez quelqu'un en Piémont pour les recueillir; mais recommandez à cette personne le plus grand secret; la moindre publicité mettrait tout le pays en mouvement, et il faut que le décret arrive sans qu'on s'y attende.


Aix-la-Chapelle, 10 septembre 1804

A M. Fouché

Le rapport intitulé Vendée, préparatifs de guerre civile, m'a paru intéressant. Ne perdez point de vue ces différentes traces et suivez-les avec le plus grand soin.

Il ne faut cependant vexer aucunement mesdames Lescure et Larochejaquelein. Le mari de l'une et le frère de l'autre ont fait la guerre avec un tel talent militaire qu'ils auront une page dans l'histoire, et ils conserveront quelque attachement dans le pays. Je ne connais point le caractère de ce Larochejaquelein; mais l'union de ces deux noms est assez intéressante pour chercher à se les attacher. Voyez le parti qu'il est possible d'en tirer, et faites-moi connaître l'âge et le caractère de l'homme et de la femme.


Aix-la-Chapelle, 10 septembre 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, je désire savoir où en est l'affaire des deux espions d'Abbeville. J'avais ordonné que les deux matelots convaincus d'espionnage avec la croisière anglaise, et qui sont en ce moment dans les prisons d'Abbeville, fussent traduits devant une commission militaire et fusillés sur la côte de Dieppe et du Tréport. Je n'entends point parler de cela et les peuples croient à l'impunité.


Aix-la-Chapelle, 10 septembre 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, les casernes des villes de Marseille, Bordeaux, Lyon, Nantes, la Rochelle, Bruxelles, Anvers, Bruges, Turin, Verceil, etc., et en général de toutes celles qui ne sont pas de véritables places de guerre, doivent, à commencer de l'an XIII, être mises à la disposition de ces villes, entretenues et réparées par elles. Tel était l'ancien usage; c'est d'ailleurs le seul moyen de pourvoir à cette dépense. Faites donc dresser un relevé des casernes, magasins, etc., existant dans les villes de l'empire autres que les véritables places de guerre. Ajoutez à ce relevé toutes les notions que vous aurez recueillies sur le montant de la dépense d'entretien de ces casernes et bâtiments. Joignez-y un projet de décret par lequel il sera statué qu'à dater du 1er vendémiaire prochain ces villes doivent tenir en état non-seulement les casernes, mais encore les lits, fournir les draps, etc. Par ce moyen, les frais de casernement et des lits militaires seront diminués de moitié. On ne peut, en général, se dissimuler que ces villes ne soient très-riches aujourd'hui, et il vaudra mieux les charger de ces réparations, qui les intéressent, puisqu'elles désirent avoir des garnisons sans loger les troupes chez les habitants, que de prendre sur leurs revenus pour pourvoir à cette dépense.

Le logement de la gendarmerie coûte un million de loyer. Il convient de se débarrasser aussi de cette dépense, et de faire loger aussi la gendarmerie au compte des communes et des départements. Il est nécessaire pour cela d'avoir un état, dressé par départements, de ce que coûtent les loyers de la gendarmerie pour les maisons qui appartiennent à des particuliers, et les réparations des maisons nationales affectées à ce service. Je désire avoir ces états avant huit ou dix jours.


Aix-la-Chapelle, 10 septembre 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, le dépôt du 30e régiment de ligne a douze conscrits de l'Yonne qui sont estropiés. Ils ont déclaré n'avoir pas été passé en revue par le général de brigade commandant le département, qui est cependant du conseil de recrutement. Ce général est d'autant plus coupable qu'il n'a rien à faire. Écrivez-lui une lettre de mécontentement, que vous ferez circuler aux autres généraux de la division, pour leur rappeler qui faut que les conscrits qui partent soient en état de servir.


Aix-la-Chapelle, 10 septembre 1804

Au maréchal Bernadotte

Mon Cousin, l'aide de camp colonel Gérard m'a remis la médaille que vous avez fait frapper avec le produit des mines de Hanovre. J'agrée avec plaisir les sentiments que vous m'exprimez.

Profitez de l'automne pour améliorer l'instruction, surtout ceux des états-majors. Faites commander les bataillons par les aides camp et adjoints pour qu'ils se forment.


Aix-la-Chapelle, 10 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, j'ai lu avec attention votre lettre du 17. Il me paraît convenable que les garnisons de la flotte, ne changent qu'à la pointe du jour, avant la distribution des rations.

La proposition de faire des masses pour les hamacs est tout à fait inadmissible; ce serait un moyen de dépenser le double. Il faut faire un règlement pour que les hamacs soient consignés par les garnisons sortantes aux garnisons qui les relèvent, et qui en seront responsables si elles les abîment.

La ration de marine consiste en pain, en viande et en légumes; la ration de la guerre est la même à Boulogne; je ne conçois donc pas pourquoi celle de la marine coûte 19 sous et celle de la guerre  10 sous. Il me paraîtrait plus simple d'ordonner qu'à dater du 1er vendémiaire les vivres seront fournis sur les bâtiments des ports de rassemblement, depuis la Somme jusqu'à Ostende, par les administrations de terre et au compte de la guerre, pour toutes les troupes embarquées ou non. Cette mesure serait plus simple et rendrait inutile une grande partie de vos établissements et employés.

Je suppose, ce dont je ne suis pas parfaitement sûr, que la ration est la même pour la marine et pour la guerre. Il me semble avoir entendu dire à des soldats qu'ils étaient mieux traités au camp qu'à bord, parce que la viande y était meilleure.

Une seconde dépense que vous pourriez économiser dans les ports de réunion serait celle des hôpitaux de la marine; on peut les supprimer et arrêter que la marine ne fera aucun service de santé, lequel sera fait par les ambulances et les hôpitaux de l'armée de terre. Nous avons là du matériel pour 100,000 hommes en pleine campagne, c'est-à-dire pour panser, en vingt-quatre heures, 6 à 7,000 hommes. Il est donc inutile qu'il y ait un grand nombre d'officiers de santé de mer. Le personnel de la marine est peu de chose sur la flottille, comparativement à l'armée de terre; c'est le comble de la folie d'y avoir deux administrations; la plus forte doit servir à la plus faible.

Quant aux couvertures, ordonnez également que, dans les ports de rassemblement, elles seront fournies par la guerre, hormis les hamacs, dont la guerre ne se sert point. Les soldats, en s'embarquant, porteraient leurs couvertures. Ordonnez que celles de la marine qui sont dans les ports de rassemblement ou sur les bâtiments qui se rendent dans ces ports, entrent dans la comptabilité des magasins de l'armée de terre.

Indépendamment de ces dispositions, il y a encore d'autres objets sur lesquels vous pouvez économiser beaucoup d'argent et où vous mettrez beaucoup de simplicité. En parcourant la flottille, j'y ai vu une nuée d'agents comptables; il y a aussi dans l'armée de terre une nuée d'agents qui ne font rien et qui attendent d'être de l'autre côté. Je paye donc aujourd'hui des appointements à une grande quantité d'employés qui me sont inutiles ici, et je paye à la marine des employés qui me sont utiles aujourd'hui et qui ne feront rien en Angleterre. Vous voyez que les fonctions des uns finissent où commencent celles des autres. Il faut que la marine ne se mêle ni des vivres ni des hôpitaux dans les ports de rassemblement. Je ne parle point de Dunkerque ni de Flessingue, qui contiennent des bâtiments de la grande armée navale.

Ces idées méritent d'être approfondies; présentez-moi un projet de décret après les avoir bien pesées et méditées. Vous simplifierez par là le service et ferez disparaître toute concurrence. La flottille par elle-même n'est rien; elle n'existe que par l'armée de terre. Ce qui continuera à appartenir à la marine sera la réparation des bâtiments et la solde des équipages, l'une et l'autre ne pouvant être faites que par la marine.

Quant à l'idée de diminuer de moitié les garnisons, il y a beaucoup d'inconvénients, dont le moindre est celui d'avoir l'air d'anéantir la flottille.

La terre, payant la solde, donnerait des gratifications aux officiers embarqués. Si la garnison change tous les quinze jours, je voudrais que nécessairement l'officier y restât le mois; on fixerait alors la gratification par mois, ce qui donnerait les moyens de la réduire un peu. Il faudrait, par des règlements généraux et non par décision des commandants de port, déterminer le traitement de chaque commandant de bâtiment. Si vous y comprenez les frais de table, ils sont trop payés. S'ils n'ont pas de ration, c'est une faute; il faut la leur donner, car il est impossible dans de petits bâtiments d'empêcher de prendre des rations; il faut les bien traiter, mais non ridiculement. La flottille a été considérée jusqu'ici comme d'expédition; il faut la considérer désormais comme établissement fixe, et dès ce moment porter la plus grande attention à tout ce qui doit être immuable, en la régissant par d'autres règles que l'escadre. Nous avons des capitaines de vaisseau de guerre et de frégate entretenus; il faut avoir aussi un certain nombre de capitaines de bateaux, comme on avait des capitaines de brûlots. Cette organisation offrira un prétexte pour diminuer les traitements et leur donner un état fixe. Vous ne serez d'ailleurs jamais embarrassé de ces hommes, parce qu'on peut leur donner une fonction de leur grade sur les vaisseaux de ligne, en cas que la flottille ne soit pas armée. Quant à la flottille d'Ostende, elle devra être traitée comme celle de Boulogne. En général, la flottille est administrés sur de fausses maximes, car elle l'est par les règles des escadres; or rien ne se ressemble moins.


Aix-la-Chapelle, 11 septembre 1804

DÉCRET

NAPOLÉON, Empereur des Français, à tous ceux qui les présentes verront, salut :

Étant dans l'intention d'encourager les sciences, les lettres et les arts, qui contribuent éminemment à l'illustration et à la gloire des nations;

Désirant non-seulement que la France conserve la supériorité qu'elle a acquise dans les sciences et dans les arts, mais encore que le siècle qui commence remporte sur ceux qui l'ont précédé;

Voulant aussi connaître les hommes qui auront le plus participé à l'éclat des sciences, des lettres et des arts,

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit:

ARTICLE 1er. - Il y aura, de dix ans en dix ans, le jour anniversaire du 18 brumaire, une distribution de grands prix, donnés de notre propre main , dans le lieu et avec la solennité qui seront ultérieurement réglés.

ART. 2. - Tous les ouvrages de sciences, de littérature et d'arts, toutes les inventions utiles, tous les établissements consacrés au progrès de l'agriculture ou de l'industrie nationale, publiés, connus ou formés dans un intervalle de dix années, dont le terme précédera d'un an l'époque de la distribution, concourront pour les grands prix.

ART. 3. - La première distribution des grands prix se fera le 18 brumaire an XVIII, et, conformément aux dispositions de l'article précédent, le concours comprendra tous les ouvrages, inventions ou établissements publiés ou connus depuis l'intervalle du 18 brumaire de l'an VII au 18 brumaire de l'an XVII.

ART. 4. - Ces grands prix seront, les uns de la valeur de dix mille francs, les autres de la valeur de cinq mille francs.

ART. 5. Les grands prix de la valeur de dix mille francs seront au nombre de neuf, et décernés,

1° Aux auteurs des meilleurs ouvrages de science, l'un pour les sciences physiques, l'autre pour les sciences mathématiques;
2° A l'auteur de la meilleure histoire ou du meilleur morceau d'histoire, soit ancienne, soit moderne; 
3° A l'inventeur de la machine la plus utile aux arts et aux manufactures;
4° Au fondateur de l'établissement le plus avantageux à l'agriculture ou à l'industrie nationale;
5° A l'auteur du meilleur ouvrage dramatique, soit comédie, soit tragédie, représenté sur les théâtres français;
6° Aux auteurs des meilleurs ouvrages, l'un de peinture, l'autre de sculpture, représentant des actions d'éclat ou des événements mémorables, puisés dans notre histoire;
7° Au compositeur du meilleur opéra représenté sur le théâtre de l'Académie impériale de musiques

ART. 6. - Les grands prix de la valeur de cinq mille francs seront au nombre de treize, et décernés,

1° Aux traducteurs de dix manuscrits de la Bibliothèque impériale ou des autres bibliothèques de Paris, écrits en langues anciennes ou en langues orientales, les plus utiles, soit aux sciences, soit à l'histoire, soit aux belles-lettres, soit aux arts;
2° Aux auteurs des trois meilleurs petits poèmes ayant pour sujet des événements mémorables de notre histoire, ou des actions honorables pour le caractère français.

ART. 7. - Ces prix seront décernés sur le rapport et la proposition d'un jury composé des quatre secrétaires perpétuels des quatre classes de l'Institut, et des quatre présidents en fonctions dans l'armée qui précédera celle de la distribution.


Aix-la-Chapelle, 11 septembre 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, faites écrire à Charron, à Turin, que je ne veux point d'intrigues. Qu'il vive bien avec Menou, avec le maire, et qu'il ne desserve personne. J'ai vu de très-mauvais oeil la conduite qu'il a tenue lors de l'événement arrivé au général Menou. L'agent du Gouvernement devait couvrir, dans un pays nouvellement réuni, un mouvement de vivacité, extrêmement blâmable sans doute; mais ce qui est plus blâmable, c'est qu'il s'est attaché à donner de l'éclat à cette aventure. Je sais qu'il y a un système de perdre Menou, le corps municipal de Turin et autres bons, citoyens du Piémont; il ne réussira pas plus que le système opposé n'a réussi. Quelque mouvement qu'ils se donnent, Menou restera encore à Turin cinq ou six ans. Les commissaires de police aiment trop l'argent; Charron doit dépenser moins à Turin qu'à Marseille.


Château de la Haye, près Gueldres, 12 septembre 1804

A Cambacérès

Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 22. Je suis aujourd'hui dans un château à l'extrémité de l'empire. J'ai visité hier Crevelt, et ce matin Venloo. Ce pays, tant sus le point de vue des fortifications militaires que de la partie administrative, avait besoin d'un coup d'œil.


Château de la Haye, près Gueldres, 12 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, j'ai lu avec attention le rapport et les différentes lettres du capitaine général Decaen. La conduite du général Linois est misérable, celle du capitaine Larue est plus misérable encore. Comment un capitaine de vaisseau se dégrade-t-il au point de faire les fonctions de midshipman ? Comment un capitaine qui commande un vaisseau peut-il l'abandonner ? Ne laissez le capitaine Larue que vingt-quatre heures à Paris, et dites-lui que je ne le recevrai point. Faites-le partir pour l'Inde; enjoignez-lui de s'embarquer à Bayonne aussitôt sur un petit bâtiment. Je lui ai confié son vaisseau; il faut qu'il m'en réponde. Faites connaître dans tous les ports que je n'ai pas voulu le voir, parce qu'il a quitté son vaisseau. C'est à un lieutenant ou à un officier d'état-major à remplir ces missions, s'il y a lieu. La marine a besoin d'être remontée par quelques exemples. Faites imprimer dans le Moniteur les 1e, 2e, 3e, 4e, 5e et 6e pages, jusqu'à l'endroit marqué du numéro 45, du rapport du général Decaen ; faites-y imprimer également les n° 2 et 3 des dépêches interceptées sur le bâtiment anglais, ainsi que le volume de lettres imprimées; faites-y mettre aussi l'extrait de la Gazette de Madras. Je désire que ces publications aient lieu dans le Moniteur le lendemain du reçu de mon courrier. Je tiens à ce qu'elles soient faites, car il faut que la marine se fasse une idée sur ces affaires si déshonorantes. C'est la seule manière d'avoir une marine. Toutes les expéditions sur mer qui ont été entreprises depuis que je suis à la tête du gouvernement ont toujours manqué, parce que les amiraux voient double et ont trouvé je ne sais où qu'on peut faire la guerre sans courir aucune chance. Faites mettre dans le Moniteurégalement l'extrait de la dépêche du général Decaen qui annonce la prise de l'Althée.

Je vous ai envoyé des rapports sur Sainte-Hélène; l'individu est à Givet, vous pouvez l'envoyer chercher; il me parait, par tout ce que je vois, que ce n'est point une chose à dédaigner.

Donnez ordre au Havre que deux flottilles sortent, qu'elles se rendent à Boulogne et défendent la rivière.

Je désire que vous sachiez de Larue ce qu'ont fait les forces hollandaises à Batavia, et comment elles se sont comportées. Je désire avoir une idée nette de cela.


Cologne, 14 septembre 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police, j'ai vu avec peine dans les journaux que le conseiller d' État du 1er arrondissement avait envoyé le signalement de M. Octave Ségur, comme si toutes les probabilités n'étaient pas que cet homme fût noyé; s'il en était autrement, ce serait un événement bien extraordinaire et que la police ne devrait jamais divulguer, car il ne tend qu'à effrayer, et la sûreté est, comme tout le reste, une affaire d'opinion.

Je vous renvoie l'état des individus en surveillance à la préfecture de police. Comme il faut accoutumer à obéir aux règlements, faites rechercher s'il y en a de compris dans l'ordonnance de police et qui ne s'y soient pas rendus; il est nécessaire que vous vous fassiez rendre compte de la conduite et de la moralité de ces individus, et que ceux dont la présence à Paris pourrait avoir des inconvénients, surtout ceux qui ont fait la guerre de la Vendée, en soient éloignés sans délai à trente ou quarante lieues. Je pense que vous supprimerez alors l'obligation où ils sont de se présenter à la préfecture de police, ce qui, comme vous l'observez très-bien, offre plus d'inconvénients que d'avantages.


Cologne, 15 septembre 1804

A S.S. le Pape

Très-saint Père, l'heureux effet qu'éprouvent la morale et le caractère de mon peuple par le rétablissement de la religion chrétienne me porte à prier Votre Sainteté de me donner une nouvelle preuve de l'intérêt qu'elle prend à ma destinée et à celle de cette grande nation, dans une des circonstances les plus importantes qu'offrent les annales du monde. Je la prie de venir donner, au plus éminent degré, le caractère de la religion à la cérémonie du sacre et du couronnement du premier empereur des Français. Cette cérémonie acquerra un nouveau lustre lorsqu'elle sera faite par Votre Sainteté elle-même. Elle attirera sur nous et nos peuples les bénédictions de Dieu, dont les décrets règlent à sa volonté le sort des empires et des familles.

Votre Sainteté connaît les sentiments affectueux que je lui porte depuis longtemps, et par là elle doit juger du plaisir que m'offrira cette circonstance de lui en donner de nouvelles preuves.


Cologne, 15 septembre 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, je désire avoir des renseignements sur Véron, ex-prêtre, et qui doit être un courtier d'intrigues qui se rallient à Durand , des relations extérieures, et Sainte-Foix. Ces renseignements doivent porter sur sa fortune, ses liaisons, ses voyages. Mais vous devez y mettre la plus grande circonspection , pour que cet individu ne soupçonne pas qu'il est l'objet d'une surveillance, car l'éveil donné à Sainte-Foix et Durand pourrait avoir de funestes conséquences.


Cologne, 15 septembre 1804

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police générale, il faut arranger vos bureaux pour qu'ils ne coûtent pas plus qu'ils ne sont portés au budget. En général, vos bureaux sont susceptibles de réformes, soit pour la quotité des appointements, soit pour le nombre des individus.

Je vois, dans votre bulletin du 26 , que "le manifeste de l'empereur de Russie est connu"; il n'y a point de manifeste de la Russie; nous ne sommes point en guerre, et personne ne sait l'état dans lequel se trouvent les deux puissances.


Cologne, 15 septembre 1804

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, j'ai vu le 58e régiment. Écrivez au préfet de l'Allier et au général qui commande ce département que, de 400 conscrits qu'il doit fournir, 100 ne sont pas arrivés au corps, 100 ont déserté, de manière qu'il n'en reste pas 200, et la moitié est boiteux, sourd et d'aucun bon service.

Ce que je vois des 3e bataillons est vraiment une dérision. Le cinquième de la conscription est composé du rebut de la nation; cela nous coûte des routes, de l'habillement en pure perte. Les officiers du 58e sont bons, et ce corps a un bon esprit; mais j'ai été extrêmement mécontent du major, qui n'a pas la moindre idée des manœuvres. Vous voudrez bien le suspendre pendant trois mois sans appointements, et lui donner l'ordre de se rendre au camp de la réserve, à Arras, pour s'y instruire dans les manœuvres; il ne sera réintégré dans sa place de major que quand j'aurai l'assurance qu'il les sait parfaitement, assurance que je prendrai par moi-même, car je le ferai venir à Paris. Si, dans ces trois mois, il ne justifiait pas que ses manœuvres lui sont très-familières, vous retarderez son retour au corps de six mois. En attendant, il est nécessaire de nommer un autre major. Vous lui ferez connaître que si je ne me souvenais pas des services qu'il a rendus à la guerre, je l'aurais fait destituer, car aucun officier ne doit prendre l'emploi de major s'il ne sait à fond les détails de l'ordonnance. Vous mettrez à l'ordre de l'armée que l'Empereur ayant fait manœuvrer le 58e régiment à Cologne, a été content de la tenue des officiers et des soldats, mais a vu avec peine que le major n'avait aucune connaissance de ses manœuvres; qu'en conséquence Sa Majesté a ordonné qu'il serait suspendu pendant trois mois, et envoyé pendant ce temps à un des camps pour s'y instruire dans les manœuvres, et qu'il ne serait réintégré dans sa place de major que lorsqu'il aurait justifié les connaître dans le plus grand détail.

Le colonel Dufour, du 58e, est absent du corps depuis très-longtemps. On me dit qu'il est à Paris. Ce corps a cependant besoin d'un bon chef : on ne se fait pas d'idée de son ignorance. Faite-moi connaître l'état du colonel Dufour, et ordonnez-lui de rejoindre, s'il est en état de continuer le commandement de son corps. Sans cela, je le nommerai adjudant commandant, car c'est un brave homme, et je le remplacerai. Vous ferez connaître au général Jacobé-Trigny que je suis mécontent qu'il n'ait pas fait manœuvrer le 58e. Écrivez aux généraux commandant les divisions de faire faire les manœuvres aux 3e bataillons et aux corps qui sont dans les arrondissements. Cela sert toujours à l'instruction des officiers et des sous-officiers.


Cologne, 15 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, je vous ai déjà exprimé tout ce que je ressentais de la conduite du général Linois :  il a rendu le pavillon français la risée de l'univers. Le moindre reproche qu'on peut lui faire, c'est d'avoir mis beaucoup trop de prudence dans la conservation de sa croisière. Des vaisseaux de guerre ne sont pas de vaisseaux marchands. C'est l'honneur que je veux qu'on conserve, et non quelques morceaux de bois et quelques hommes. Le mépris contre lui, en Angleterre, est au dernier point de la part des officiers de la marine. Je voudrais pour beaucoup que ce malheureux événement ne fût pas arrivé; je préférerais avoir perdu trois vaisseaux. Si le capitaine Larue est celui qui a été en Égypte, et qui commandait la frégate la Muiron, je suis extrêmement surpris qu'un homme qui a pu approcher de moi un instant ait pu si mal se conduire; car enfin, s'il eut représenté à l'amiral qu'il ne pouvait pas abandonner son vaisseau, l'amiral n'eut pas insisté. Témoignez-lui mon mécontentement et l'espèce de mépris que sa conduite m'inspire; il ne peut la faire oublier qu'en se rembarquant sur-le-champ et en suivant le sort de son vaisseau.


Cologne, 15 septembre 1804

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, il paraît convenable de mettre l'embargo sur la côte depuis la Somme jusqu'à l'Escaut, et de ne plus laisser sortir aucun bâtiment, ni permettre aucune communication avec la mer.


16 - 30 septembre 1804