1 - 15 Avril - 1805


Palais de Fontainebleau, ler avril 1805

DÉCRET

ARTICLE ler.-Le trésorier général de la couronne avancera la somme d'un million sur la vente des terrains des Capucines, qui doit avoir lieu en conséquence du décret du.. : ..... pour le produit en être destiné à l'achèvement du Louvre. 
ART. 2. - Ce million sera payé sur ordonnance de l'intendant général de la maison, et à raison de 100,000 francs par mois, à compter du ler germinal. Il est destiné à continuer les travaux de l'achèvement du Louvre.
ART. 3. - Les premiers fonds provenant de la vente des terrains des Capucines seront versés au trésorier général de la couronne, pour le remboursement de ses avances et jusqu'à la concurrence d'un million.
ART. 4. - Le ministre de l'intérieur mettra à la disposition de l'architecte du palais des Tuileries, chargé de l'achèvement du Louvre, la somme de 50,000 francs par mois, à compter du ler germinal jusqu'au ler vendémiaire prochain ; ce qui consommera le 800,000 francs portés à son budget de l'an XIII pour l'achèvement du Louvre.
ART. 5. - Les ministres de l'intérieur et des finances sont chargé de l'exécution du présent décret.


Fontainebleau, 1er avril 1805

A M. Champagny

M. Champagny fera faire un mémoire sur ces différentes idées :

1° Il faut des écluses pour rendre la Seine navigable depuis Méry jusqu'à Troyes. Puisque les gens de l'art l'ont déterminé ainsi, on n'y objecte rien; mais l'on demande à connaître les inconvénients qu'il y aurait à ne faire d'abord que des écluses impaires, pour fait profiter ainsi beaucoup plus vite la ville de Troyes des avantages de la navigation, et immédiatement après, s'il est reconnu que le halage est trop difficile, on fera des écluses paires.
2° Il n'y a point de pierres de Troyes à Méry; donner à connaître ce que coûterait une écluse en bois, puisqu'on ne peut y construire des écluses en pierre qu'après que la navigation sera établie depuis Bar-sur-Seine; ce qui priverait Paris et Troyes, pendant un grand nombre d'années, de la jouissance de la navigation, après avoir dépensé beaucoup d'argent. Jusqu'à ce que toutes les écluses soie] faites, Paris ne jouira de rien.
3° Dans le projet qui a été présenté, on ne porte la largeur des écluses qu'à 18 pieds. On désire connaître le rapport de la valeur d'une écluse en bois et pierre, de 18 à 24 pieds, et on pense que si cela ne devait produire qu'une différence d'un cinquième ou d'un quart en sus, et qu'il n'y eût d'ailleurs aucun autre inconvénient, serait préférable de les faire à 24 pieds.
4° S'il pouvait être convenable de faire des écluses en bois, on voudrait faire les cinq écluses impaires dans cette campagne et dans celle de l'an XIV, de manière qu'en fructidor an XIV la navigation entre Troyes et Paris fût établie; et l'on voudrait avoir fait, de Bar-sur-Seine à Troyes, la moitié des huit écluses impaires, (c'est-à-dire quatre écluses pendant le même temps. Connaître quel inconvénient il pourrait y avoir à cet ordre de travail, et la somme qu'il faudrait.
5° Les deux écluses sur l'Aube n'ayant été faites à 18 pieds de largeur qu'à cause des pertuis, examiner si on est à temps de les faire encore à 24 pieds, pour rendre la navigation de l'Aube semblable à celle de la Seine, et ce qu'il en coûterait de dépense de plus.


Troyes, 3 avril 1805 (Du 2 avril au 11 juillet 1805, Napoléon entreprend un long voyage qui va l'emmener en Italie, où il va se faire couronner roi d'Italie, à Milan, le 26 mai)

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je suis arrivé à Troyes hier à quatre heures après midi. J'ai été très-content des chemins, de l'agriculture, et surtout de l'esprit du peuple. C'est un des départements que j'ai traversés dont je sois le plus satisfait. J'ai déjà vu ce matin tout ce que je désirais voir. Je partirai à deux heures après midi pour Brienne, où je coucherai. Je reviendrai demain à Troyes pour assister à une petite fête que l'on m'y donne. Je me mettrai en route après-demain.

Si vous voulez aller à Bordeaux à mon retour, tâchez que le code judiciaire soit entièrement terminé. Il y a au Conseil d'État plusieurs affaires dont M. Lacuée est rapporteur et que je désire voir terminer promptement. Il y a un projet relatif à l'appel de quelques vélites pour la cavalerie, que je désirais voir discuter devant moi; M. Lacuée ne m'en a plus reparlé.


Troyes, 3 avril 1805

A M. Lebrun

Mon Cousin, c'est une simple et très simple recommandation que je veux donner à M. Denina. Si les membres de l'Institut, qui sont meilleurs juges que moi, ne le trouvent pas digne, je n'ai rien à dire de plus.


Troyes, 3 avril 1805

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Mon Ministre de la police, le sieur Goujon avait droit à une gratification de 2,000 louis pour les services qu'il a rendus à l'occasion de l'arrestation de Georges. Il la refusa. Mon intention n'est pas que ce refus lui préjudicie. Faites-lui payer 48,000 francs des premiers fonds de la police. Cette dette est sacrée.


Troyes, 3 avril 1805

Au maréchal Berthier

Je reçois le compte que vous me rendez sur les revues des 26e et 27e régiments de dragons. J'ai ordonné simplement que ces inspections fussent faites et que le projet de la formation des trois escadrons vous fût envoyé. Veillez à ce qu'il ne soit fait aucun mouvement. Je vous renvoie ces états pour que vous me les remettiez lorsque le revues des généraux Nansouty et Baraguey d'Hilliers seront faites; je me déterminerai à cette époque. Jusqu'alors il ne faut faire aucun changement, et les régiments doivent rester comme à l'ordinaire. On m'assure cependant qu'on a déjà commencé à payer des gratification de campagne, ce que je ne saurais croire.


Troyes, 3 avril 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, le 21e régiment d'infanterie légère a plus de 300 déserteurs, tous du département du Puy-de-Dôme. Ces déserteurs engagent les autres soldats à déserter, en leur écrivant qu'on est parfaitement tranquille chez eux. Faites connaître le mécontentement que j'éprouve, et ordonnez qu'un chef d'escadron de la gendarmerie avec une quarantaine d'hommes de la réserve, parcoure le département et arrête tous ces déserteurs.


Troyes, 3 avril 1805

Au maréchal Berthier

L'évacuation des bouches à feu de l'armée de Hanovre me parait convenable. Cependant gardez ce qui est nécessaire pour la défense des côtes et des embouchures de l'Elbe. Je désirerais, si cela est possible, que l'évacuation se fit par mer. On m'assure qu'elle est praticable par Cuxhaven, et que les Anglais ne peuvent y mettre obstacle. Si cela est, il convient que le maréchal Bernadotte préfère cette voie car je serais fâché qu'il fatiguât ses attelages de manière à ne plus les voir disponibles à la moindre circonstance. Quant aux cartouches et à la poudre, il faut qu'il les garde, ainsi que les équipages de pontons; bien entendu que ces objets feront partie de l'équipage de campagne et suivront tous ses mouvements. Si l'armée venait à recevoir ordre de rentrer, le général aurait soin de les faire évacuer sur la France. Ces observations se résument à ceci : évacuer par mer tout ce qui est inutile à l'équipage de campagne; évacuer par la même voie, autant qu'on le pourra, toute l'artillerie de siège; garder toutes les munitions dont il se peut qu'on ait besoin ; garder les équipages de pont mis en état de suivre l'armée; faire porter les munitions par le parc de campagne, afin qu'elles en fassent partie.


Troyes, 3 avril 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, chaque chaloupe canonnière portera 130 hommes; restera donc dans chaque bâtiment de la place pour 20 ou 30 hommes, pour embarquer, à tant par bâtiment et en les disséminant le plus possible, la gendarmerie, les guides interprètes de l'armée, les troupes de l'artillerie de la réserve. L'artillerie à cheval s'embarquera à pied et n'emmènera pas de chevaux; les troupes du parc général embarqueront sur les bâtiments du matériel de l'artillerie. La maison et les chevaux de l'Empereur seront embarqués sur les paquebots. Les prames seront destinées à embarquer chacune 25 chevaux d'artillerie, 25 chevaux de cavalerie. La cavalerie de la réserve s'embarquera sur les écuries qui sont à Calais, et les deux bataillons à pied sur les mêmes bâtiments, vu qu'on peut embarquer plus d'hommes que de chevaux sur chaque écurie. Le grand état-major de la flottille ne doit pas avoir de bâtiments d'écurie pour son service; mais on mettra deux chevaux d'officiers sur chacun des bâtiments destinés aux équipages de l'état-major. Si cependant cela était nécessaire, on pourrait affecter une écurie à chaque division; cette opération peut se faire au dernier moment. On doit embarquer le moins d'équipages et le plus petit nombre d'hommes inutiles possible. Le reste des équipages viendra ensuite comme les circonstances le permettront. Je donnerai, quand il le faudra, des ordres pour que les détachements de la 8e escadrille soient fournis par les dragons; mais, en attendant, les choses doivent rester dans l'état où elles sont.


Troyes, 3 avril 1805

Au maréchal Davout, commandant le camp de Bruges

Mon Cousin, je viens d'appeler 5,000 conscrits de la réserve de fan XII destinés au recrutement des corps des trois camps. J'ai avantagé votre camp, en conséquence des maladies que vous avez eues. Je ferai également, dans le courant de germinal, un appel des 15,000 hommes de la réserve de l'an XIII. Ainsi tous vos corps seront portés à 1,000 hommes par bataillon. Il est nécessaire, sans écrire officiellement, d'avertir les colonels, pour qu'ils aient de quoi habiller promptement ces hommes, au moins en vestes et culottes.

Je désire que vous vous rendiez à Ambleteuse. Les ingénieurs m'ont assuré qu'avec une dépense de 40,000 francs on remettrait ce port dans l'état où il était, et qu'il y aurait plus d'eau qu'à Boulogne. Voyez ce qu'il en est. Je pense que le major général aura donné des ordres pour qu'au moment de l'arrivée de votre division à Ambleteuse votre commandement s'étende jusque-là. Je vois , par l'état de la flottille batave, que vous êtes très-mal et que vous n'avez pas d'équipages. Écrivez à l'amiral Ver Huell qu'il fasse son possible pour que vous ayez les moyens d'embarquer vos équipages et vos chevaux d'état-major conformément à la lettre que le major général a dû vous écrire. Le plus important est de faire équiper promptement vos écuries et de les faire venir toutes à Dunkerque; appliquez-vous principalement à les tenir prêtes.


Troyes, 3 avril 1805

A M. Fontanelli, commandant de la garde italienne à Milan

J'ai reçu vos états de situation. Faites exercer ma Garde deux fois par semaine, tant à pied qu'à cheval; faites-lui faire l'exercice à feu; instruisez les chefs et les officiers supérieurs. Vous savez quelle exactitude et quelle célérité j'exige dans les mouvements.


Troyes, 3 avril 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès , mon Ministre de la marine, je vous envoie un projet (Projet proposé par le chevalier de Dellon de Saint-Aignan pour la prise de la Trinité) qui m'a été adressé; il présente des chances. Voyez la personne dont il s'agit; causez avec elle, et faites-moi connaître votre opinion.


Troyes, 3 avril 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, mon Ministre de la marine, un courrier m'arrive de Toulon et m'annonce le départ de l'escadre. On m'apprend que le chanvre est très-mauvais. Ce sera donc toujours la même ose ? Quand il s'agit de payer, le chanvre est excellent; quand il s'agit de s'en servir, il ne vaut plus rien. On m'assure aussi que l'escadre manque de linge à pansement, d'huile et d'autres petits objets de la même nature.

Je désire que vous accordiez une gratification de 300 francs à M. Royer, maître charpentier, constructeur du Pluton, pour lui témoigner ma satisfaction de la célérité de l'armement de ce vaisseau. J'ai ouvert la dépêche du préfet maritime pour voir si elle contenait d'autres nouvelles. Le courrier était chargé de lettres que je vous envoie et que vous ferez remettre dans huit jours.


Troyes, 3 avril 1805

Au vice-amiral Ganteaume

Monsieur le Vice-Amiral Ganteaume, l'escadre de Toulon a mis à voile le 9 germinal, composée de 11 vaisseaux, 6 frégates et 2 bricks; le vent était nord-ouest; on l'avait perdue de vue. Le télégraphe m'a instruit de votre sortie à Bertheaume. J'espère que, si vous êtes encore en rade, vous ne tarderez pas à mettre à la voile. Tout est de donner pour point de ralliement des parages où il n'y point d'ennemis, et alors vous avez peu à craindre de sortir de nuit, n'ayant pas à redouter les séparations. Si vous passez devant le premier point où vous devez aller, ne faites que passer et ne restez plus de douze heures en panne et à tirer des bordées. J'imagine vous aurez expédié votre courrier à Rochefort; écrivez-le-moi par retour de mon courrier, que vous dirigerez sur Lyon, et apprenez-moi que vous mettez à la voile. Dites au préfet maritime de donner au courrier une dépêche qui me fasse connaître la situation des affaires douze heures après votre départ. 


Troyes, 4 avril 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, le roi de Prusse vient de me notifier la mort de la reine douairière; il est donc nécessaire de prendre le deuil. On le prend à Berlin pour trois semaines. Je ne sais ce que faisait dans de telles circonstances la cour de Versailles, dont je veux suivre l'usage. M. Ségur, qui avait fait un travail sur les deuils, n'est pas ici. Cependant il faut se décider promptement, afin que le deuil soit fixé avant mon arrivée à Milan. Réunissez-vous à M. l'architrésorier pour me proposer un projet sur la manière dont je dois porter le deuil et sur celui que doivent prendre les grands officiers, l'impératrice, les dames, etc. Examinez s'il doit s'étendre aux généraux et aux préfets; s'il doit être donné à la livrée, et de quelle manière. Je ne pense pas que ce projet soit long à faire, puisque je veux faire ce qui se pratiquait il y a quinze ans. Rédigez-le dans la forme d'une instruction que je puisse faire imprimer dans le Moniteur. Étant dans l'usage de porter l'uniforme, je ne crois pas devoir changer d'habit. Lorsque vous aurez déterminé le deuil que doit prendre l'impératrice, informez-en madame Lavalette, afin qu'elle ait à faire préparer sur-le-champ les vêtements et les ajustements nécessaires, et qu'ils soient envoyés dans les vingt-quatre heures.


Troyes, 4 avril 1805

A M. Lebrun

Mon Cousin, je suis fâché que M. Denina ait fait une balourdise comme celle que vous m'annoncez. Si je devais voter, après une inconvenance pareille, je ne lui donnerais pas ma voix.


Troyes, 4 avril 1805

A M. Gaudin

Monsieur Gaudin, mon Ministre des finances, le secrétaire d'État vous envoie un projet de rapport que vous pourrez faire imprimer ,avec celui de Mollien, que j'ai retouché, et les deux arrêtés, sans parler de la Légion d'honneur, dont il bon de ne rien dire en ce moment. Cette conservation étant une des plus productives en bois, j'ai fixé particulièrement mon attention sur cet objet du revenu public, et je me suis convaincu que les bois ne sont pas du tout dans la bonne situation où vous les croyez. On y chasse plus qu'il ne faudrait; mais, ce qui est plus important, tous nos bois sont vendus vingt-cinq pour cent de moins que ceux des particuliers. Cet objet mérite toute votre attention, et je crois qu'il y a beaucoup à faire dans la partie de l'administration forestière. On m'assure qu'une grande partie des bois marqués pour la marine sont vendus par les fournisseurs de la marine à Paris; ils ont sans doute un intérêt sur cette espèce de négoce, qui nous est préjudiciable sous plusieurs points de vue. Je vous recommande la vente des bois du Prytanée. Poussez la vente dans les quatre départements, surtout pour les biens de l'administration de Heidelberg. Enfin faites mettre sur-le-champ en vente tout ce qu'il y a de biens de la dotation de la Légion l'honneur qui n'ont pas été réservés pour la dotation des cohortes; bien entendu qu'il ne faut rien vendre de la 4e cohorte. J'ai signé les états des biens conservés pour deux ou trois cohortes, et j'en attends d'autres par le prochain courrier. A mesure que ces états vous arrivent, faites mettre en vente. L'argent sera versé dans la caisse d'amortissement, mais ce sera toujours de l'argent qu'on pourra utiliser pour le service.

Le département de la Côte-d'Or rendra 300,000 francs pour les droits réunis; faites-moi connaître si vous avez compté sur cette somme. Si cela était général, les départements rendraient plus de 35 millions, et cependant il n'y a que du vin et point de tabac et de distilleries. On a déjà versé 160,000 francs, et cependant je ne les ois pas dans les états du trésor public.


Troyes, 4 avril 1805

A M. Barbé-Marbois

Monsieur Barbé-Marbois, je vous envoie une réclamation du général Mathieu Dumas(Mathieu Dumas, 1753-1837, chef d'état-major de Davout. Sera ministre de la guerre de Joseph, à Naples puis en Espagne. Intendant général durant la campagne de Russie) sur la solde. Il est bien urgent de pourvoir à ce premier de tous les services, surtout dans un camp où la grande réunion d'hommes indique assez qu'on ne peut trouver aucune ressource. Mettez au courant la solde des camps de Saint-Omer, Montreuil et Bruges.


Troyes, 4 avril 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je vous avais ordonné de faire partir cinq compagnies du 79e pour le Ferrol; ces compagnies devaient former entre elles plus de 700 hommes; elles n'étaient pas encore arrivées au 26 ventôse. Faites-moi connaître quand elles sont parties et de quel point vous avez eu les dernières nouvelles. Je vous avais ordonné de faire embarquer 600 hommes sur l'escadre du général Magon; cependant il écrit, en date du 29 ventôse, que ces forces n'étaient pas encore à son bord.


Troyes, 4 avril 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, Ministre de la marine, expédiez un nouveau courrier an Ferrol. Faites connaître que mon intention est que les quatre vaisseaux partent. Prescrivez qu'on se tienne prêt à partir. Ordonnez à vos courriers de faire un peu plus de diligence, car ils sont bien longs en route. Qu'il vous apporte à son retour l'état de situation exact de la flotte espagnole; n'aurait-elle que pour quinze jours de vivres, il faut qu'elle sorte; expliquez-vous-en avec Gourdon. Écrivez au prince de la Paix par un courrier extraordinaire; dites-lui que j'attache la plus grande importance à ce que l'escadre espagnole sorte avec les vaisseaux du Ferrol; que je lui ai fait dire mes motifs par le général Junot et par d'autres; qu'il faut sortir, n'eût-on qu'un mois de biscuit ou de farine; que l'escadre leur en fournira; que, s'il n'a pas envoyé l'ordre à Cadix, il n'est peut-être plus temps; qu'il n'y a pas un moment à perdre pour que l'on sorte.


Troyes, 4 avril 1805

A M. Fouché

Monsieur Fauché, Ministre de la police, je partage votre opinion sur les révélations de Bretagne; mais il faut les avoir sous les yeux pour les combiner avec d'autres indices qui se présentent, qui pourraient faire supposer une ruse ou tout autre événement. Je m'en rapporte bien entièrement sur tout cela à votre zèle et à votre attachement à ma personne.


Troyes, 4 avril 1805

DÉCISION

Mesabki, ancien interprète à l'armée d'Egypte, fait connaître à l'Empereur qu'il est dans la misère, et le prie de lui accorder les cinquante sous par jour dont jouissent les Égyptiens réfugiés.

Renvoyé à M. Talleyrand. Cet homme sait l'arabe; lui faire une pension de 600 francs; savoir toujours où il est pour en disposer dans les circonstances; il peut accompagner des individus dans quelques missions.

DÉCISION

Bigarne, adjudant de place à Cologne, âgé de trente-deux ans, demande à l'Empereur l'autorisation de continuer sa carrière militaire dans la cavalerie et dans son grade de capitaine.

Renvoyé au ministre de la guerre, pour me faire connaître pourquoi cet officier, qui est jeune encore, a été fait adjudant de place à Cologne. Ce serait une mauvaise mesure, dans le cas où l'on aurait été mécontent, de le faire adjudant de place, et, si l'on n'en est point mécontent, il est tout aussi peu convenable de le priver de son activité.

DÉCISION

Ferrand, matelot mutilé, demande à l'Empereur une augmentation de sa retraite, fixée à 14 francs par mois.

Renvoyé au ministre de la marine : 14 francs par mois ne sont pas assez, s'il a perdu la jambe et la cuisse.


Troyes, 4 avril 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je suis allé hier à Brienne; j'en suis revenu aujourd'hui à deux heures. J'irai tout à l'heure à un bal que donne la ville. Demain, de bon matin, j'entendrai la messe avant de partir, et j'irai coucher à Semur. M. Cretet me manque ici; je ne sais s'il est encore à Paris. Le ministre de l'intérieur a donné ordre à Prony de se rend à Troyes; veillez à ce qu'il parte sur le champ. Si M. Cretet est encore à Paris, dites-lui que j'ai besoin de deux ingénieurs qui connaissent bien le mouvement des ports; que la marine a besoin de tous ceux qu'elle emploie; qu'on en cherche deux et qu'on les dirige sur Milan. Vous me ferez passer leurs noms, et je leur enverrai des instructions. Si M. Cretet n'y est point, consultez auprès des chefs de ce corps, et faites-leur donner des ordres pour que les ingénieurs partent. Vous pourrez dire dans la conversation, sans l'écrire, sans le dire trop ouvertement, que le roi de Prusse, l'électeur archichancelier, les électeurs de Bavière, de Hesse, de Saxe, de Bade, m'ont fait connaître qu'ils m'ont reconnu comme roi d'Italie.


Semur, 5 avril 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je suis arrivé dans cette ville aujourd'hui à six heures du soir. J'en partirai demain à sept heures du matin pour Châlon-sur-Saône. J'ai été très-content de l'esprit du pays que j'ai traversé, et sans distinction de classes. Je suis arrivé de Troyes ici toujours sous des arcs de triomphe, et les drapeaux des villages environnants venant se ranger sur la grande route. Ce soir il a fait ici un peu de neige fondue.

Je n'ai point encore vu l'auditeur avec son travail; probablement je ne le verrai qu'à Mâcon. 


Semur, 5 avril 1805

Au prince Murat, gouverneur de Paris

Mon Cousin, j'ai reçu deux de vos dépêches, en route; je ne pourrai y répondre que de Mâcon.

Je suis arrivé aujourd'hui à sept heures du soir dans cette ville. Je suis satisfait de l'esprit des habitants des pays que j'ai traversés; j'ai eu du plaisir, le long de cette grande route, à voir leur bonne physionomie et l'expression des sentiments dont ils étaient animés et je n'ai vu dans ce grand nombre d'arcs de triomphe et d'inscriptions qu'ils avaient dressés que les témoignages vrais de ces sentiments.


Chillon-sur-Saône, 7 avril 1805

A M. Talleyrand

La personne que j'ai l'intention d'envoyer en Perse est l'adjudant commandant Romieu. Faites-lui donner les mêmes instructions qu'à M. Jaubert, et faites-le partir sous le plus court délai. S'il arrivait que M. Jaubert ne fût point parti de Constantinople quand il y arrivera, ils se concerteraient ensemble et partiraient à une grande distance l'un de l'autre et par des chemins différents. M. Romieu pourrait très-bien passer par Trébisonde; mais, s'il devait passer aussi par Bagdad, il ne doit pas se mettre en route en même temps que M. Jaubert, afin que, s'il arrivait des accidents à l'un, l'autre les surmontât. Vous ne manquerez point de lui faire connaître que le principal but de son voyage est de s'instruire de la situation de la Perse et de la marche des gouverneurs qui y existent, province par province, et de reconnaître à combien se montent ses forces. Il doit, s'il lui est possible, parcourir les bords de l'Araxe et pousser jusqu'aux frontières russes. Il prendra des renseignements sur les événements passés, et enfin sur tout ce qui peut me mettre à même de connaître bien le pays. Il sera très-réservé; cependant, en causa avec les ministres et l'Empereur, il dira que je veux entrer en alliance avec lui et lui offrir des secours. 


Châlon-sur-SaÔne, 7 avril 1805

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, je vous envoie votre portefeuille. Les lettres de Vienne me paraissent ne rien conclure; celles de Berlin ne me paraissent demander aucune décision. Cette cour est plus mal avec les Russes que nous, avec cette différence qu'elle les craint et que nous ne les craignons pas.

Vous auriez bien dû m'envoyer la note sur le deuil; je voudrais avoir un travail complet là-dessus. Mon intention est de prendre deuil au moment où je passerai à Lyon.

Rédigez-moi un projet de décret relatif à la princesse Ferdinand. J'attendrai la réponse du roi de Prusse sur les affaires d'Italie. J'ai reçu une lettre de l'électeur archichancelier qui me complimente les changements arrivés en Italie.

J'ai demandé au ministre de la police un rapport sur la lettre M. de Cobenzl, relative à un officier du Limbourg.

Je désire que tous ceux qui ont à me porter des cordons, tels Lucchesini, Lima, ou qui auraient des lettres de leur souverain à me remettre, me les portent où je serai. Cela peut s'applique M. de Cobenzl. Vous ferez dire à Paris que, si quelque ambassadeur a des communications directes à me faire, il lui sera expédié passe-ports, pour l'endroit où je me trouverai. Je n'ai point reçu de cordons du Portugal, parce que j'étais sur mon départ et que j'aurai voulu recevoir ceux de Prusse auparavant.

Je désire que vous fassiez connaître à M. de Moustier que je conçois pas qu'un homme qui a tant de jugement puisse s'alarmer pour la Prusse de 30,000 Russes; qu'elle a 200,000 hommes, que l'artillerie, la cavalerie et les officiers de l'armée prussienne valent trente fois la cavalerie et l'artillerie russes. Il s'en expliquera ainsi toutes les fois qu'il en sera question, en dépréciant les Russes et élevant les forces et la valeur des troupes de la Prusse.

Faites passer à la police les noms des Français au service l'Angleterre qui se trouvent être actuellement à Dresde.

Faites connaître à Jollivet que mon intention n'est pas qu'il sorte de Mayence; que ce n'est point en parcourant les cours qu'il fera mes affaires, et que je ne m'attends point à la courtoisie et à la déférence dans les affaires d'intérêt et d'argent, où j'ai déjà trop 'perdu.

Donnez ordre à Portalis fils de se rendre à son poste.

Écrivez à mon commissaire à Bucharest qu'il a tort d'attacher tant d'importance à tous les faux bruits et sottises qu'on fait courir; qu'il suffit que lui et les Français qui sont dans le pays ne soient pas trompés. Si quelqu'un porte la croix de Saint-Louis, qu'il fasse une note au prince pour dire qu'il va partir s'il n'empêche pas que cet affront me soit fait.

Je vous envoie la lettre du roi de Prusse et celle de l'archichancelier; remettez-moi promptement les projets de réponse. Quant aux négociations de Munich et de Bade, tant pour la politique que pour les affaires particulières, il faut laisser faire le destin; je ne veux conclure rien de définitif. Je resterai donc dans la même position. Dites-en seulement assez à Otto pour qu'il soit persuadé que je suis dans la même intention.

Je vous fais connaître, par une lettre particulière, que j'ai destiné Romieu à aller en Perse. Le port dont je vous ai parlé est effectivement le port de Gombroun , mais je voudrais avoir des renseignements certains; on dit qu'il n'est pas sous la domination du roi de Perse actuel; faites-moi connaître si vos renseignements sont certains.


Chalon-sur-Saône, 7 avril 1805

A M. Gaudin

Monsieur Gaudin, on me fait un grand nombre de demandes pour restitution de bois. La plupart de ces demandes ne sont pas comprises dans celles dont vous m'avez remis l'état; cela prouve combien il est essentiel d'avoir un état général des bois appartenant au domaine, provenant d'émigrés. On m'a porté ici de grandes plaintes pour une coupe de 500 arpents de bois de haute futaie; cette coupe avait été faite contre l'intérêt public et nous a privés de grandes ressources pour la marine.


Chalon-sur-Saône, 7 avril 1805

A M. Barbé-Marbois

Monsieur Barbé-Marbois, j'ai reçu le compte du service que vous organisez pour l'an XIV; puisqu'il est le même que pour l'an XIII, je n'ai aucune observation à faire.

Tant que vous serez content de vos banquiers, mon intention est que vous continuiez à vous en servir; et, quand ils vous auront servi pendant huit ou dix ans, ils auront la meilleure considération qu'ils puissent acquérir, et je pourrai d'autant plus compter sur eux qu'ils me devront l'honneur et le crédit dont ils jouiront.

J'ai vu avec plaisir que vous aviez envoyé 400,000 francs en or à Ostende. J'espère que vous aurez pensé à la 27e division militaire et à l'armée d'Italie, pour que la solde s'y trouve au courant.


Chalon-sur- Saône, 7 avril 1805

Au maréchal Berthier

Le Moniteur parle d'un plan de la Suisse, du feu général Pfiffe. Faites examiner ce plan, et, s'il est meilleur que celui que j'ai acheté dernièrement, faites-le acheter et transporter à Paris. Comme il est possible que nous ayons encore la guerre, il n'y a point de meilleure carte que ces plans en relief.


Chalon-sur-Saône, 7 avril 1805

Au vice-amiral Decrès

J'ai reçu votre lettre du 14. J'attends avec impatience des lettres subséquentes. Je calcule que Nelson, par le temps qu'il a fait, a du retourner à la Madeleine ou dans quelque port de Sardaigne, en raison des vents d'est qui ont régné quelques jours avant le départ de l'escadre. Faites-moi connaître combien de vaisseaux sont en rade Cadix. Mes nouvelles du Ferrol m'en disent 7, ce qui ferait une belle escadre de 11vaisseaux. Le retard de Ganteaume l'aura mis à même de porter une plus grande quantité de biscuit. J'ai vu avec intérêt les manœuvres de Bertheaume; ce qui m'a fait un peu de peine,ce sont les câbles coupés. Faites-moi connaître si on les relevés.

On se plaint beaucoup à Toulon de la mauvaise qualité du chanvre.


Chalon-sur-Saône, 7 avril 1805

Au vice-amiral Decrès

Faites-moi connaître quand les frégates de Lorient seront prêtes; mon intention n'est point qu'elles entrent dans le golfe Persique; elles iront à Gombroun près d'Ormus et y débarqueront leurs munitions, y referont leur eau, y séjourneront quinze ou vingt jours, tant pour croiser que pour avoir plusieurs dépêches de mon ministre, non de son arrivée à la cour de Perse, puisque la distance est trop grande, mais du chef-lieu de la province où il débarquera. Si ces deux frégates pouvaient trouver à Gombroun de quoi refaire leurs vivres, j'aimerais assez qu'elles fissent une croisière, d'un mois ou six semaines, éloignée du golfe de Perse, et revinssent y prendre un agent qu'expédierait l'ambassadeur pour me rapporter des nouvelles de la cour d'Ispahan. Si vous croyez nécessaire qu'elles aillent à l'île de France, il sera convenable qu'immédiatement après le ravitaillement elles retournent au même point, pour y avoir des nouvelles et ramener en Europe soit le ministre, soit des dépêches.


Chalon-sur-Saône, 7 avril 1805

Au vice-amiral Ganteaume

Monsieur l'Amiral Ganteaume, j'ai vu avec plaisir, par votre dépêche du 9, que vous étiez content du zèle de vos marins et de la rapidité des manœuvres de vos différents vaisseaux. J'ai remarqué avec intérêt qu'ayant appareillé et mouillé plusieurs fois, il n'ait été fait aucune fausse manœuvre ni éprouvé aucun accident. L'escadre de Toulon est partie le 9; j'ai des nouvelles de Toulon du 11 : on la supposait en bon chemin. J'ai des nouvelles du Ferrol qui m'annoncent que 2 frégates et 4 vaisseaux français et 2 frégates et 7 vaisseaux espagnols sont en rade et prêts à partir. Vous trouverez donc dans ce port 11 vaisseaux de guerre. L'essentiel sera de ne point perdre de temps devant le Ferrol, et, vos ordres une fois communiqués, cette escadre vous joindra.


Chalon-sur-Saône, 7 avril 1805

Note pour M. Lacépède

M. Lacépède verra son correspondant. Il lui dira qu'il expédie dans le jour un courrier extraordinaire pour faire connaître que j'ai appris avec peine qu'il n'y avait en rade de Cadix qu'un vaisseau; que cependant le moment va se présenter où ils devront sortir; que j'ai appris avec plaisir qu'il y avait 7 vaisseaux prêts au Ferrol; qui par mes lettres du 26, on m'apprend qu'ils n'ont que pour dix jours de vivres; qu'il faut qu'ils en aient pour trente jours, et qu'ils suivent au premier signal, le contre-amiral Gourdon, sans quoi on manque le projet de campagne. Si l'on n'a pas donné les ordres, qu'on les donne sur-le-champ; tout a été prévu.


Chalon-sur-Saône, 7 avril 1805

A M. Forfait

Monsieur Forfait, j'ai reçu votre lettre. Le ministre de la marine m'a fait connaître que, de votre propre aveu, vous aviez un intérêt dans plusieurs compagnies, soit de constructeurs, soit de fournisseurs. Moi-même j'avais éprouvé une sensible peine de voir que, vous aviez intérêt avec un constructeur d'Anvers. Ces choses sont incompatibles avec la confiance que je donne aux personnes que je prends à mon service. Cependant je vous rends la justice de penser que dans aucune circonstance, cela n'a pu influer sur vos devoirs. Si des spéculations de commerce vous paraissent plus avantageuses
votre service au Conseil d'État ou dans la marine, je ne m'oppose point à ce -qui peut vous être avantageux; mais, si vous voulez continuer à servir, soit au Conseil d'État, soit dans la marine, j'exige que vous renonciez à toute espèce d'intérêt avec des fournisseurs des constructeurs, sous quelque prétexte que ce soit. 


Chalon-sur-Saône, 7 avril l805

Au prince Murat

Mon Cousin, j'ai trop peu d'officiers de marine pour vouloir les employer à terre. Je donnerai de l'emploi à M. La Chadenède, et j'espère qu'il se rendra digne, par sa bravoure et sa conduite, de votre protection; mais un officier de marine d,oit toujours être á la mer et point à Paris.


Mâcon, 8 avril 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, le cardinal Cambacérès est fortement divisé avec le préfet. Tâchez de les concilier. On ne gagne rien par l'aigreur, et l'Église a toujours tout gagné par la douceur et les ménagements.


Mâcon, 8 avril 1805

DÉCRET

NAPOLÉON, Empereur des Français,

Voulant encourager par des récompenses les plus anciens et les meilleurs ouvriers des manufactures de la ville de Troyes,

Décrète :

Il est accordé au sieur Faverat, travaillant depuis quarante ans dans une manufacture de toiles de coton, une pension annuelle de 300 francs,

Et aux sieurs Pathureau et Vauthier, travaillant depuis vingt- cinq ans dans les mêmes manufactures, une pension annuelle de 200francs.

Le ministre de l'intérieur est chargé de l'exécution du présent décret.


Mâcon, 8 avril 1805

DÉCISION

M. Simon, de Brienne, prie l'Empereur, d'accorder à M. Fizeaux, son neveu, des mécaniques pour un établissement de filature à Saint-Quentin, et une somme de 60,000 francs.

Renvoyé à M. Champagny; cette maison est une des plus accréditées de Saint-Quentin; je verrais avec peine qu'elle tombât; je veux la soutenir. Le ministre me proposera de faire pour elle, par un projet de décret, ce que j'ai fait pour la maison Des Rousseau, qui était une des plus anciennes de Sedan.

DÉCISION

Le ministre de la guerre présente à l'Empereur le sieur Ferreri pour une sous-lieutenance vacante au 10e de dragons, en considération des services de son père.

Il faut auparavant que ce jeune homme passe à Fontainebleau; il sera fait une exception en sa faveur, puisqu'il est trop âgé. Quand il aura passé six ou huit mois à cette école, et qu'il saura parfaitement les manœuvres, il sera nommé sous-lieutenant.

DÉCISION

Le ministre de la guerre propose à l'Empereur de nommer le sieur Girardin à l'emploi de chef de bataillon aide de camp du prince Joseph.

Je ne sais pourquoi le ministre de la guerre me propose la nomination de cet aide de camp; les colonels n'en ont pas. 


Mâcon, 8 avril 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, je vous envoie une lettre du général Savary; vous verrez l'état de situation des corvettes de pêche et des écurie pour la cavalerie de réserve. Il paraît, d'après ce rapport, que tous ces bâtiments sont hors d'état de prendre la mer, et je suis à concevoir comment on n'a pas goudronné tous les cordages. Prenez des mesures pour y porter un prompt remède. Pour ces objets d'administration, je ne connais de responsable que le ministre. Si le préfet maritime dilapide, il faut le faire arrêter. Avec ces complaisances je n'aurai jamais rien. Je serais fâché, à mon arrivée à Boulogne de trouver des coupables. Je ne crierai plus, je punirai enfin.

Si mon budget est suivi, la flottille doit être entretenue; mais, si vous affectez les fonds, sous différents prétextes, à des approvisionnements, il est clair que je n'aurai plus un bâtiment. Occupez-vous cet objet, qui, dans mon esprit, tient le premier rang. On m'avait tant vanté Lacrosse ! il paraît qu'il dort. Ordonnez à ce préfet maritime de visiter lui-même, et faites-lui connaître que je le rendrai responsable de tous les abus que je trouverai à Boulogne.


Mâcon, 8 avril 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès , vous témoignerez mon mécontentement à l'ingénieur en chef et à M. Sganzin de ce qu'on a eu l'extrême négligence de ne point réparer la brèche que la mer a faite à l'estran du sud du port d'Ambleteuse, de manière qu'il est entré une grande quantité de sable. 


Mâcon, 8 avril 1805

DÉCISION

Les administrateurs du Creusot réclament la protection de l'Empereur; ils sont épuisés et à la veille de cesser leurs travaux.

Cette pétition regarde spécialement le ministre de la marine. Je désire qu'il se fasse faire un rapport sur cette usine, qu'il faut soutenir.

DÉCISION

Mailly, desservant de Charette, se rappelle, ainsi que son frère, comme condisciples, au souvenir de l'Empereur.

Renvoyé à M. Portalis pour porter ce desservant comme curé.


Mâcon, 9 avril 1805

A M. Lebrun

Mon Cousin, vous avez sans douté connaissance d'un projet adopté par le Conseil d'État, relatif à l'organisation des compagnies de la réserve destinées à la garde des préfets, des archives, à la police des marchés, à la garde des prisons. L'idée vient de moi, mais le projet l'a, je crois, trop étendue. Toutes les observations que j'ai faites en parcourant la France me prouvent qu'une force beaucoup moindre sera suffisante. J'arrêterai à Lyon l'organisation de ce corps. Je vous  prie de m'envoyer un état des maisons de réclusion, de correction, de dépôts de mendicité, d'hôpitaux des fous, et la population de chacune. Joignez-y l'état des prisons d'État : le ministre de l'intérieur et celui de la police en donneront la note. Demandez aux administrateurs des poudres l'état des poudrières et magasins à poudre qui existent hors des places fortes. Je ne pense pas que dans l'intérieur il y ait autre chose qui doive être gardé que les maisons de détention, de mendicité , les prisons d'État, les magasins à poudre et poudrières, les archives, préfectures et prisons de chaque département. 


Mâcon, 9 avril 1805

Au prince Murat, gouverneur de Paris

Mon intention est que vous ne fassiez aucune revue, parade ou évolution militaire sur le Carrousel. Il n'y a point d'inconvénient à  ce que vous les passiez soit aux Champs-Élysées, soit sur la place des Victoires. Ma Garde ne doit pas y être. Mais je préférerais qu'au lieu de parade vous fassiez quelque grande manœuvre dans la plaine des Sablons, ou même au Champ-de-Mars, ce qui exercerait les troupes à toute espèce de ploiements et déploiements , et même à quelques exercices à feu. Il n'y aurait point d'inconvénient alors que vous y fissiez venir quatre bataillons de ma Garde.


Mâcon, 9 avril 1805

A M. Bigot-Préameneu

M. Bigot-Préameneu se rendra à Chalon-sur-Saône, visitera les différentes prisons, interrogera le président du tribunal criminel pour connaître quels motifs l'ont porté à dire à l'Empereur qu'il y a depuis dix-huit mois une maladie épidémique dans la prison ordinaire de la ville, tandis que les rapports du préfet et du sous-préfet tendent à faire penser que cette assertion n'est pas exacte. M. Bigot fera sentir au président, si en effet le fait qu'il a avancé n'existe pas réellement, que, s'il a été porté à ces assertions par des sentiments de rivalité à l'égard du préfet et du sous-préfet, c'était essentiellement manquer à l'Empereur que d'altérer ou même d'exagérer la vérité pour nuire aux administrateurs. Il lui demandera quels sont les sujets de plaintes qu'il peut avoir contre l'administration, et pour quoi il n'est pas venu recevoir la décoration de la Légion d'honneur des mains de celui à qui le grand chancelier l'avait envoyée, et il a engagé le tribunal dans des frais auxquels cette cour n'était pas assujettie; enfin pourquoi, lorsque toutes les autorités se réunissent pour marcher d'accord, il a oublié la convenance, et même méconnu son devoir, au point de ne jamais rendre visite au préfet lorsque ce chef de l'administration se trouve à Châlon.

M. Bigot-Préameneu rendra compte de sa mission à Sa Majesté à Lyon , où il se rendra directement.


Mâcon, 9 avril 1805

A M. Gaudin

J'ai reçu votre lettre. Les bois rendent 38 millions; mais depuis deux ans la valeur des bois a plus que doublé en France, et le revenu n'a point doublé. Les inspectant, je n'ai trouvé à Mâcon aucun inspecteur forestier; le conservateur aurait bien pu s'y rendre; témoignez-lui mon mécontentement sur cet objet. Ici , à Châlon , j'ai reçu beaucoup de plaintes sur les agents forestiers; ce sont des hommes tarés pour leurs mauvaises opinions. J'en ai destitué un, et les préfets se plaignent beaucoup de ce que les inspecteurs composent mal les gardes. Les gardes sont nommés par les inspecteurs et sous-inspecteurs, sans que l'autorité administrative puisse faire aucune observation sur le degré de confiance que méritent ces individus. Présentez-moi un projet de décret pour que désormais, sous aucun prétexte, aucun garde ne puisse être nommé sans avoir fait campagne dans la dernière guerre. Je n'ai trouvé sur mon passage que des militaires bien famés, ayant leur retraite et ne demandant que la faveur d'être gardes, et ne pouvant l'obtenir parce que les inspecteurs et sous-inspecteurs y mettent leurs protégés. On se plaint surtout qu'ils dilapident beaucoup les bois. Les préfets se plaignent aussi de leur insubordination. Il serait à propos de régler quel est le rapport qu'ils doivent avoir avec les préfets. Le bien du service me semblerait exiger que ceux-ci aient le droit de leur demander les renseignements qu'ils veulent, soit pour les éclairer sur les dénonciations qui leur seraient faites, soit pour fixer leur opinion sur la nature de leurs opérations, afin que les préfets soient toujours à même de pouvoir répondre directement à Paris pour éclairer sur la marche de l'administration forestière.

Je vous prie de me faire connaître à combien s'est monté dans l'an XII, pour toute la France, le droit de navigation; et que fait-on de ces fonds ? Ils ont, je crois, une affectation spéciale. Rentrent-ils au trésor public, et, dans ce cas, rentrent-ils comme produit du droit de passe ou comme recette générale de l'État ? S'ils y entrent comme droit de passe, comment s'en fait l'affectation de la dépense aux différents travaux ? Qu'y a-t-il de décidé pour l'emploi des recettes de l'an XIII, et qu'a-t-on fait des recettes de l'an XII ? Combien rend net, indépendamment de l'entretien, le canal de Languedoc ? Le canal du Centre ? Les régies qui existent pour la perception des droits de l'un et de l'autre des canaux sont-elles bonnes ? Plusieurs de ces objets peuvent ne pas dépendre de votre ministère : vous prendrez les renseignements à l'intérieur et au trésor public, afin de pouvoir me répondre.

Envoyez-moi aussi un état de ce qu'ont produit dans l'an XII les droits réunis, par départements et par nature de recettes, en mettant en observation celles appartenant au trésor public et ce qui a une l'affectation spéciale. Envoyez-moi ce même état pour le 1er trimestre de l'an XIII. Veillez surtout à ce que l'argent rentre au trésor public; car si, lors des comptes généraux, je m'aperçois que le caissier général éprouve des retards et se donne de bons moments à son profit, je reviendrai sur cette caisse et je ferai percevoir directement par le trésor public. Vous ne sauriez donc porter trop de surveillance sur ces sujets, et même vous fâcher, s'il le faut. J'ai l'opinion que M. Jame est un fort honnête homme, mais je cesserais d'avoir cette opinion s'il retardait de vingt-quatre heures ses versements. Vous savez qu'en fait de comptabilité il faut toujours voir, et je porterai d'autant plus d'attention à ce qui peut le regarder, qu'il est intendant d'un prince. La concurrence pour la vente des biens serait à craindre s'ils étaient dans le même département; mais une trentaine de millions répandus dans toute l'étendue de l'Empire ne fermeront aucune concurrence dangereuse; d'ailleurs les conditions de la vente sont déterminées. Nous ne pouvons que ne pas vendre; nous ne risquons de rien perdre en essayant de vendre.


Mâcon, 9 avril 1805

Au vice-amiral Decrès

J'ai reçu votre lettre avec la relation de ce qui s'est passé à l'île de France. J'ai vu avec plaisir l'arrivée de ces deux bâtiments chargés de 400 tonneaux de riz et de farine. Cela assurera l'approvisionnement de la colonie et de l'escadre. J'attends avec impatience des nouvelles de Ganteaume. Je n'ai point de nouvelles de l'escadre de Toulon depuis les dernières que vous m'avez envoyées.


Bourg, 10 avril 1805

A M. Cretet

Ce que j'ai vu à Troyes m'a fort étonné, et je suis encore à comprendre comment la nation française a existé si longtemps sans qu'on fît des opérations aussi faciles que celle qui rendra la Seine navigable, au moins jusqu'à Troyes. Je conclus de cette situation des choses qu'il reste beaucoup à faire pour la navigation de cette rivière. Je désire avoir, au ler messidor, un rapport sur ce qu'il y a à faire du Havre à Paris, afin que je puisse ordonner les travaux. J'entends ne rien épargner pour la facilité des communications de Paris au moyen de la navigation de la Seine. Vous me remettrez aussi des plans et devis sur ce qu'il faut arrêter pour rendre la Marne navigable aussi haut qu'il sera possible. Vous remarquerez que, dans le décret que je viens de rendre pour la navigation de la Seine, je ne la porte que jusqu'à Châtillon; mais mon intention est qu'on remonte jusqu'à Saint-Seine, si cela est praticable. Les projets ne doivent s'arrêter qu'à l'impossible, sauf à peser dans un conseil si l'avantage d'une lieue de plus de navigation est en proportion avec la somme qu'il faudra dépenser. Je désire qu'il soit fait, à l'égard de la Marne, des projets conformément aux mêmes principes.

Vous verrez que je prescris de construire des écluses en bois jusqu'à Troyes, parce que la pierre manque et que les écluses en pierre ne pourraient être faites que lorsque les écluses de Bar-sur-Seine seraient en activité, ce qui retarderait de douze ans la jouissance de la navigation jusqu'à Troyes. Je veux que ces écluses aient plus de vingt-quatre pieds, et je ne conçois pas pourquoi on ne leur donnerait que dix-huit pieds dans une eau courante et qui ne manque pas. L'augmentation de dépense ne sera que d'un cinquième. J'ordonne également que l'écluse d'Arcis-sur-Aube soit portée à vingt-quatre pieds. Il me semble que le système des petites écluses n'est soutenable que dans un canal, qui, tirant son eau d'un étang ou d'une réserve, a grand besoin de la ménager.

Votre ingénieur de Troyes est un homme médiocre; celui de Mâcon est encore plus mauvais ; il ne sait rien du tout.

Je désirerais aussi que vous fissiez faire le projet de l'Aube et de l'Yonne. La navigation de cette dernière rivière est encore plus importante pour Paris. La ville de Paris étant destinée à s'augmenter beaucoup, il faut que toutes les eaux qui y arrivent soient navigables jusqu'à leur source.


Lyon, 11 avril 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je vous renvoie un mémoire qui m'est adressé par les chefs de la danse de l'Opéra. Il me paraît inconvenable, au premier aperçu, de laisser faire des ballets à Duport (Louis Duport, 1781-1853. Le public l'oppose à Vestris. Il partira pour la Russie en 1808); ce jeune homme n'a pas encore un an de vogue. Quand on réussit d'une manière aussi éminente dans un genre, c'est un peu précipité que de vouloir enlever celui de gens qui ont blanchi dans ce travail. Quant aux réformes, faites-moi un rapport détaillé. Quant aux règlements, proposez-m'en une nouvelle rédaction, afin qu'ils se trouvent rafraîchis.


Lyon, 11 avril 1805

A M. Régnier

J'entends dire partout que Flachat est en liberté; cela me parait extraordinaire. Comment cela s'est-il fait sans que les tribunaux en aient jugé ?


Lyon, 11 avril 1805

DÉCRET

ARTICLE 1er. - La Seine sera rendue navigable jusqu'à Châtillon. 
ART. 2. - Les écluses qui seront construites à cet effet auront vingt-quatre pieds de largeur, afin qu'on puisse remonter depuis Paris sans être obligé à aucun déchargement.
ART. 3. - Les écluses à construire jusqu'à Troyes seront construites en bois, afin que la navigation puisse être en activité de Paris à Troyes avant le ler vendémiaire an XV.
ART. 4. - Le ministre de l'intérieur nous présentera, avant le ler prairial prochain, des plans et devis des dépenses à faire pour rendre la Seine navigable jusqu'à Troyes. Ces plans feront connaître l'ordre des travaux et le placement de chaque-écluse.
ART. 5. - Les écluses qui seront construites de Troyes jusqu'à Châtillon seront en pierre.
ART. 6. - Le ministre de l'intérieur nous présentera, avant le 1er vendémiaire an XIV, les plans et devis des travaux nécessaires pour rendre la Seine navigable depuis Troyes jusqu'à Châtillon. Ces plans feront connaître l'ordre des travaux et le placement de chaque écluse.
ART. 7. - Deux cent mille francs seront employés cette année aux travaux de la navigation de la Seine jusqu'à Troyes. ART. 8. - La Seine traversera la ville de Troyes, en passant par le moulin dit le Moulin-Brûlé; un port sera établi au milieu de la place 
ART. 9. - La commune de Troyes est autorisée à acheter les portions de jardins nécessaires pour l'agrandissement de cette place.
Les terrains qui se trouveront à la disposition de la ville, hors des limites de la place, seront vendus à son profit.
Toutes les façades de ladite place seront bâties en brique ou en pierre, sur un dessin uniforme, qui sera arrêté par le corps municipal, et qui nous sera présenté par le ministre de l'intérieur avant le 1er messidor.
ART. 10. - Les restes du palais des comtes de Champagne seront démolis. Les matériaux en provenant seront employés à la construction des écluses.
ART. 11. - Les deux écluses que l'on construit sur l'Aube auront vingt-quatre pieds, comme celles de la navigation de la Seine.
ART. 12. - Le ministre de l'intérieur est chargé de l'exécution du présent décret.


Lyon, 11 avril 1805

A M. Gaudin

Monsieur Gaudin, j'ai destitué l'inspecteur des forêts Michellin, qui est un mauvais sujet dont tout le monde se plaint dans le département. J'ai vu des lettres du conservateur de Dijon au préfet qui ne sont pas convenables; je désire que vous le rappeliez aux égards qu'il lui doit.

Par votre circulaire de l'an XI , vous avez prescrit aux préfets d'ordonnancer les vacations des agents forestiers pour les bois communaux, sur les simples états des conservateurs, sans la remise des procès-verbaux; d'un autre côté , le ministre de l'intérieur s'en tient aux principes : de là, un conflit. Je conçois difficilement comment un préfet peut ordonnancer des payements au profit des agents forestiers sur les communes, lorsque celles-ci ne reconnaissent pas le travail et se plaignent que cela n'était pas dû. Un grand nombre de pièces qui me sont passées sous les yeux m'ont convaincu que les communes sont non-seulement vexées, mais volées par les agents forestiers. Ces agents se croient dans la plus grande indépendance des préfets.


Lyon, 11 avril 1805

Au maréchal Soult

J'ai appris avec plaisir de quelle manière vous aviez opéré le mouvement de la division du général Legrand, et que vous pouviez placer la division Suchet dans le camp du général Saint-Hilaire. J'aurais besoin du camp de Wimereux pour y placer les grenadiers de la réserve.

L'escadre de Toulon est partie depuis le 9 germinal. Celle de Brest a été plusieurs fois à l'appareillage; j'attends avec impatience la nouvelle de son départ. J'ai donné les ordres les plus positifs pour qu'on travaille au port et pour qu'on répare la flottille, soit de guerre, soit de transport; instruisez-moi si cela se fait.

Je viens de signer une levée de 5,000 hommes sur la réserve des années XI et XII. Ils ont tous eu leur destination pour les trois camps. J'ai une levée de 15,000 hommes sur la réserve de l'an XIII, que je signerai dans le mois prochain. Ces deux levées mettront tous les bataillons qui s'embarqueront à 1,000 hommes, soit au moment du départ, soit quinze ou vingt jours après.


Lyon, 11 avril 1805

Au vice-amiral Decrès

L'escadre de Toulon est partie. Donnez ordre qu'on achève le plus tôt possible le vaisseau de 74, frère du Pluton. L'Annibal est un vieux vaisseau; s'il faut le refondre, et qu'il en coûte plus de 200,000 francs, il faut le faire calfater en dehors et le destiner à protéger les communications de Marseille avec la Corse, sans qu'il puisse être dehors en hiver. Petit-être en faut-il dire autant die l'Uranie. On perd beaucoup d'argent à rapiéceter des vaisseaux vieux, avec lequel on ferait des vaisseaux neufs. D'ailleurs, il n'est point déraisonnable, dans notre position, d'avoir un certain nombre de vaisseaux et de frégates dans nos différents ports, que l'on pourrait destiner à des campagnes d'été et à la défense des côtes. Toutefois, voyez, je vous prie, à ce que l'on organise sur-le-champ, à Toulon, une force telle que 3 ou 4 frégates ne bloquent pas toute notre côte.


Lyon, 11 avril 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, vous voyez qu'à Cadix, le 4 ventôse, les Espagnols avaient 6 vaisseaux. Il est impossible que mon escadre arrive devant Cadix avant le ler floréal. Je suis donc fondé à penser que l'amiral Gravina partira avec au moins 8 vaisseaux; ce qui complétera mon escadre de Toulon à 20 vaisseaux, et, si je faisais partir les 2 vaisseaux de Rochefort, j'aurais 22 vaisseaux. Ayant toujours mon escadre de Brest en appareillage, comme elle est aujourd'hui, les Anglais seront obligés d'avoir toujours 20 vaisseaux devant Brest. Le retour de Missiessy les obligera à avoir une escadre devant Rochefort; mais, s'ils le méprisent, je le ferai partir avant la fin de prairial pour une croisière qui oblige l'ennemi à le suivre. L'ennemi sera aussi obligé d'avoir une escadre au Ferrol, parce que j'y tiendrai 2,000 Espagnols embarqués et toujours en appareillage. Dans cette situation de choses, mes 22 vaisseaux de Villeneuve pourraient doubler l'Irlande et se présenter devant Dunkerque et Boulogne. Les mers deviennent bonnes, puisque nous serons au mois de juillet. Mon opinion serait donc que vous teniez vos instructions prêtes; que vous en envoyiez la minute, pour que je la signe, afin que les deux vaisseaux de Magon , d'ici à quinze jours, quand nous perdrons l'espoir de faire sortir Ganteaume, puissent porter de nouveaux ordres à Villeneuve. Faites-moi connaître si j'ai prévu que les troupes espagnoles doivent être débarquées. Envoyez une lettre ; Ganteaume la fera porter à Gravina par la croisière : que Ganteaume a dû lui faire connaître l'immense projet; qu'il doit débarquer à la Martinique et à la Guadeloupe, où nous en aurons soin; que je compte qu'il secondera, avec ses 10 ou 12 vaisseaux, les efforts de ces escadres qu'il trouvera sur les côtes, et qu'à l'heure où il lira cette lettre, si la jonction est opérée, les deux nations auront vengé les insultes qu'elles ont reçues de ces fiers Anglais depuis tant de siècles. Mais, tout en prenant ces précautions, je ne doute point que Ganteaume ne parte; il est en trop bonne disposition. Envoyez des ordres à Rochefort, pour qu'on mette 150,000 rations sur une bonne flûte , que Magon mènera avec lui. Faites à tout hasard partir de Bordeaux quelques bateaux chargés de quelques milliers de sacs de farine, qui se dirigeront en droite ligne sur la Martinique, et, si vous croyez avoir plus de sûreté avec des neutres, faites embarquer sur des neutres. Faites aussi fréter à Bordeaux , en grand secret et de manière que tout le monde le sache, et passez marché avec des neutres pour envoyer des farines à l'île de France; ce sont des choses que les espions ennemis ne manquent pas de faire beaucoup valoir et qui font toujours leur, effet.

Je vous renvoie la lettre de l'amiral Ganteaume et celle de M. Le Roy.


Lyon, 11 avril 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, les bâtiments français qui sont à Ambleteuse doivent l'évacuer et se replier sur Boulogne. La huitième escadrille peut très-bien tenir à Ambleteuse, quand elle y serait serrée. Vous devez penser que, quand j'en aurai besoin, la moitié sera en rade, et qu'il n'y aura qu'une moitié à faire sortir. D'ailleurs, il me suffit que vous dirigiez les choses de manière qu'au moment où j'aurai besoin de les faire sortir, les deux escadrilles se trouvent réunies à Ambleteuse. Je pense que vous avez mal fait de donner 8o0,000 francs à M. Delarue; ce sont des comptes qu'il doit donner, et non faire des menaces.


Lyon, 11 avril 1805

Au vice-amiral Ganteaume

Monsieur l'amiral Ganteaume, je n'ai point de nouvelles de mon escadre de Toulon , qui cependant est dehors depuis le 9. Un courrier que je reçois de Cadix, en date du 8 germinal, me porte la nouvelle que l'amiral Gravina est prêt à partir pour se joindre à l'escadre française avec 8 vaisseaux et 2 frégates, ce qui portera l'escadre du vice-amiral Villeneuve à 20 vaisseaux. Vous trouverez au Ferrol 8 vaisseaux espagnols et 4 français : j'espère donc que vous partirez du point de rendez-vous avec plus de 50 vaisseaux. Portez avec vous le plus de biscuit que vous pourrez. Si les vents ne vous ont pas encore permis de sortir, en vous tenant prêt à profiter de la première occasion, elle ne tardera pas à se présenter.

Vous tenez dans vos mains les destinées du monde.


Lyon, 11 avril 1805

Au vice-amiral Ver-Huell

Monsieur le Vice-Amiral Ver Huell, mon intention est de réunir toute la flottille batave à Ambleteuse. Vous devez avoir reçu l'ordre d'y faire passer la première partie. J'ai ordonné qu'on travaillât au déblayement du port, et toute votre flottille doit pouvoir y être contenue. Cela tient à mon système général de guerre. Tâchez de compléter les équipages de vos écuries, qui sont bien nécessaires. J'ai appris avec peine que vous étiez malade; mais on m'assure que votre santé se rétablit. L'heure de la gloire n'est peut-être pas éloignée de sonner; cela dépend, au reste, de quelques chances et de quelques événements.


Lyon, 12 avril 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

l° Faire combler le terrain des travaux Perrache, entre le quartier ............ et la muraille, de manière que les mares qui existent se trouvent au niveau du terrain actuel; de sorte qu'après les grandes inondations de la Saône, cette rivière rentrant dans son lit, les eaux s'écoulent dans la rivière sans laisser aucune mare.
2° Faire faire une digue depuis l'arsenal jusqu'à la gare, de manière que, dans les grandes inondations, l'eau ne puisse la dépasser, et, moyennant ces deux travaux, acquérir les deux cents arpents en deçà de la muraille, les céder à l'hospice, et, s'il est nécessaire de faire payer un acompte, le faire payer par l'hospice. La raison de ces dispositions serait que, devant faire un chemin de halage le long de la Saône, et étant nécessairement obligé de combler l'ancien lit du Rhône et tous les fossés qui existent, pour assainir la ville, ces travaux une fois faits, le terrain doublerait de valeur.


Lyon, 12 avril 1805

A M. Fouché

J'ai reçu votre lettre. Nous sommes maîtres de la Dominique, si j'en crois les journaux anglais, et l'expédition de l'escadre de Rochefort aurait entièrement réussi.

Je suis aussi content des Lyonnais que je l'ai été des habitants des autres départements.

J'ai fait demander à l'évêque de Vannes de qui il tenait les confidences qu'il m'avait remises. Voici les noms. Faites prendre  des renseignements sur cet objet, mais je vous prie que ce soit pour vous seul; ne faites interroger ni compromettre en rien ces individus ni l'évêque. Je pourrai conclure de tout ceci que ce petit Donzelot, qui a déjà été compromis dans l'affaire Pichegru aurait besoin d'être surveillé à Brest.


Lyon, 12 avril 1805

Au général Marmont, commandant le camp d'Utrecht

Votre courrier m'a appris la prise de la Dominique. Continuez à d'expédier par des courriers les nouvelles qui vous parviendront d'Angleterre et qui vous paraîtront dignes de fixer mon attention. Mon escadre de Toulon est partie depuis le 9, c'est-à-dire depuis treize jours, sans que j'en aie eu aucune nouvelle. Elle a à bord une bonne division de débarquement que commande Lauriston. Les Anglais sont très-mal aux Indes; Decaen a envoyé plusieurs escouades d'artillerie légère et plusieurs officiers d'état-major et du génie aux Mahrattes.

Dans le courant de floréal, reformez votre camp; visitez et organisez votre convoi. Ne réunissez point mes troupes dans des lieux malsains, employez-y des troupes bataves. Une expédition sur Walcheren est absurde tant qu'il y a quelqu'un pour fermer les portes, et, l'expédition une fois avancée, 30 sapeurs pour fermer les digues. Je me repentirai toujours d'avoir écouté en l'an XI le général Monnet, et d'avoir là perdu beaucoup de monde par les maladies. Ne tenez aucunes troupes françaises dans l'île de Walcheren.


Lyon, 12 avril 1805

Au vice-amiral Decrès

Le commissaire général de Suède vous parle souvent de relâcher ses bâtiments. J'imagine que vous vous respectez assez pour ne point parler d'affaires avec ce commissaire, et que vous lui faites parler par un intermédiaire. Faites-lui dire par un de vos chefs de division que ses bâtiments ne seront relâchés que lorsqu'on aura une notification de la Suède qu'elle veut rester en paix, avec la France et qu'elle a renoncé à tout projet d'alliance avec l'Angleterre. La négociation d'un traité de subsides est un commencement d'hostilités. On nierait en vain cette négociation, puisque nous avons entre les mains les originaux des lettres des ministres anglais. Dans cet état de choses, il nous faut une déclaration, fût-ce même de M. Signeul, que le roi est résolu à vivre en paix avec la France.

Je reçois des nouvelles du 7 germinal, qui me disent que les escadres du Ferrol et de Cadix sont telles qu'on les a demandées. On sollicite à force pour que l'on fournisse le biscuit qu'on a demandé, afin qu'on puisse faire d'autres armements. Voyez Vanlerberghe à cet effet. Il y a là de la bonne volonté, et je ne doute pas qu'on ne parvienne à armer d'autres vaisseaux.

Toutes les nouvelles de Londres portent qu'on y a été très-alarmé de la sortie de l'escadre de Brest, qu'on n'avait pas de dispositions faites, et qu'on a battu le ban et l'arrière-ban pour envoyer 5 vaisseaux à l'escadre. Les journaux anglais vous auront appris le succès de l'expédition de Missiessy ; il paraît qu'il n'y avait en effet que 500 hommes de troupes de ligne à la Dominique; il n'y en a pas 1,000 à la Trinité. Il faut avouer que ces gens-là sont maîtres du monde à bon marché. Il paraît aussi que 800 hommes de troupes, avec un convoi assez considérable, sont partis d'Angleterre pour la Barbade. On est à Londres dans les plus vives alarmes que ce convoi ne soit intercepté. Envoyez un courrier à Anvers pour fréter des bâtiments et les charger de farine pour les Indes. On ne recevra que fort tard des nouvelles de Bordeaux. Mettez-y la discrétion et l'indiscrétion nécessaires. Faites mettre dans les journaux de Hollande un détail sur Lauriston, que vous ferez faire dans vos bureaux; il est fils de Lauriston qui a commandé aux Indes. Je pense qu'un article sur la situation des Indes, où l'on parlerait du père de Lauriston, où l'on le louerait, où l'on dirait qu'il est aimé aux Indes, qu'il a un fils aide de camp de l'Empereur, qui a porté à Londres les ratifications du traité d'Amiens, et qui commande aujourd'hui les troupes de l'escadre de Toulon, cela, dis-je, remplirait le but.

On a eu la maladresse ne pas emballer la carte de la Domi nique; faites-m'en passer une, ainsi qu'une carte de l'Océan, sans cependant m'envoyer l'atlas.


Lyon, 12 avril 1805

Au contre-amiral Émériau, préfet maritime de Toulon (Maxime Julien, comte Émeriau de Beauverger, 1762-1845)

Je n'ai point de nouvelles de la Méditerranée depuis longtemps. Je vous expédie un courrier afin d'être au fait de ce qui s'est passé, et des nouvelles sûres ou non, vraies ou fausses, qui sont venues à votre connaissance depuis son départ(départ de Villeneuve). Le ministre de la marine a dû vous donner des ordres pour que vous tiriez un parti des 3 frégates et vaisseaux que vous avez en rade, tel que vous ne soyez pas bloqué par 2 ou 3 frégates. Concentrez tous vos moyens pour finir le frère du Pluton, car on ne tire plus grand chose des vieux vaisseaux rapiécetés, et qui dépensent beaucoup de bois et d'argent.

Toutes les fois que vous aurez des nouvelles importantes, vous me les expédierez sur Milan par le chemin le plus court. Je serai mardi à Chambéry. Je serai à Lyon jusqu'à lundi au soir, et jeudi à Turin.

Écrivez à Gênes qu'on vous envoie la frégate la Pomone, afin que vous donniez à cette frégate le dernier coup de main , et qu'elle puisse être bonne à toute mission.


Lyon, 13 avril 1805

Au général Lauriston

Monsieur le Général Lauriston, mon Aide de camp, il y a quinze jours que vous êtes parti. Je ne sais pas si vous aurez passé devant Cadix, mais un courrier que j'en reçois m'apprend que vous aurez dû y trouver, indépendamment des vaisseaux français, 6 bons vaisseaux espagnols. Je viens d'apprendre, par les journaux anglais, la prise de la Dominique. J'éprouve cependant une petit contrariété, c'est que l'amiral Ganteaume, hermétiquement bloqué et contrarié par des calmes constants, n'a pu encore sortir; il ne communique plus depuis huit jours avec la terre. J'ai peine à croire qu'il ne fasse pas dans ces huit jours un coup de vent, puisque nous ne sommes pas encore au 15 avril. Cependant, s'il en était autrement, et si, d'ici au 10 mai, il ne pouvait partir, je me trouverais contraint de le retenir. J'en ferais prévenir l'amiral Villeneuve par deux frégates que je lui expédierais, et j'ordonne que tous les huit jours on lui expédie un brick. Aujourd'hui, tant pour augmenter votre escadre que prévoyant le cas où vous seriez arrêté en chemin et que vous n'arriveriez pas à la Martinique, je fais partir le général Magon avec 2 vaisseaux et 800 hommes; et si, un mois après l'arrivée du général Magon, vous n'avez reçu aucune des frégates que je vous aurai expédiées, et que l'amiral jugeât à propos et prudent de retourner en Europe, mon intention est que vous opériez votre retour sur le Ferrol; vous y trouverez 15 vaisseaux français et espagnols tout prêts. Avec ces 35 vaisseaux vous vous présenterez devant Brest, où Ganteaume vous joindra avec 21, et avec cette force de plus de 50 vaisseaux vous vous présenterez dans la Manche et me trouverez à Boulogne. En attendant, illustrez votre expédition ; prenez Sainte-Lucie, si elle ne reste pas, ou une autre île, si Sainte-Lucie est à nous. Laissez dans ces îles les troupes que vous y jugerez nécessaires. Que vous y laissiez le général Reille, il n'y aura pas d'inconvénient; il me suffit que vous reveniez de votre personne. Vous vous ferez débarquer devant Boulogne, où vous me trouverez.


Lyon, 13 avril 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, par toutes les nouvelles que je reçois de Londres, il me paraît que les Anglais sont très-piqués de la prise des îles de la Dominique et de Sainte-Lucie. Ils seront bien plus inquiets aujourd'hui, lorsqu'ils sauront le départ de mon escadre de Toulon, sortie depuis quatorze jours sans qu'on en ait encore entendu parler. Si elle arrive à sa destination, elle pourra leur faire aux Grandes Indes un mal plus considérable, car j'y ai des intelligences avec les Mahrattes, et c'est aux officiers d'artillerie et du génie que leur a envoyés le général Decaen que sont dus les succès qu'ils ont obtenus dans les derniers temps.

Il parait que deux expéditions de 5 à 6,000 hommes chacune sont parties ou se préparent à partir, l'une pour les Grandes Indes, et l'autre pour les Indes occidentales. Ce ne sont ni des milices, ni des volontaires qu'on envoie, ce sont les meilleures troupes. Si donc notre flottille reçoit le signal et est favorisée par six heures de bon vent, de brume et de nuit, les Anglais, surpris, se trouveront dégarnis de leurs meilleures troupes.

Je suis fort content des Lyonnais. J'irai voir leurs fabriques aujourd'hui. Demain j'irai à la cathédrale entendre la grand'messe de Pâques. Je partirai mardi pour Chambéry.


Lyon, 13 avril 1805

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, j'ai reçu un courrier de Madrid. Le général Junot paraît content du prince de la Paix. Le roi d'Espagne m'a écrit une lettre pour m'offrir, et aux princes de ma Maison, l'ordre de la Toison d'or; comme cela ne presse pas beaucoup à présent, j'attendrai pour avoir des explications plus amples sur cela. Par toutes les nouvelles de Cadix, il paraît que j'y ai 6 vaisseaux prêts. Au reste, je compte actuellement que mon escadre de Toulon est arrivée devant cette baie.

L'escadre de Rochefort est arrivée en trente-huit jours devant la Dominique, a débarqué le jour même et s'est emparée de toute l'île. Le général anglais Prevost s'était retiré avec 400 hommes dans un petit fort situé au nord de l'île , près l'anse Rupert. Sainte-Lucie parait aussi être prise. On avait à Londres de vives alarmes pour un gros convoi destiné pour la Barbade. Toutes ces nouvelles, je ne les ai apprises que par les journaux anglais.

Je suis satisfait des Lyonnais, comme de tous les pays que j'ai traversés. J'imagine que vous avez mandé à Trieste, à Livourne, à Gênes, en Sicile, à Raguse, à Venise, ainsi qu'à Munich, à Vienne et à Salzburg, de vous écrire directement à Milan. Je n'ai pas encore lu toutes les dépêches de votre dernier portefeuille; je n'y vois, rien, du reste, de très-important.


Lyon, 13 avril 1805

Au prince Murat

J'ai reçu vos différents rapports sur la situation de Paris. Le général Marmont m'avait envoyé un courrier qui m'avait appris l'heureuse réussite de l'expédition du général Lagrange (Joseph Lagrange, 1763-1836). Il n'en est pas moins nécessaire que vous vous fassiez rendre compte des nouvelles que le commerce débiterait sur ces événements, car la suite de ces événements nous viendra encore par l'Angleterre. J'ai traversé aujourd'hui en grande pompe la ville de Lyon pour aller visiter les manufactures. Le commerce s'est beaucoup accru, et, sous tous les points de vue, je suis fort content de cette seconde ville de la France.


Lyon, 13 avril 1805

Au général Pino, ministre de la guerre du royaume d'Italie

Je reçois votre courrier avec les renseignements que vous me donnez sur Venise, qu'il n'y à aucune espèce de probabilité de guerre (les nouvelles assurances que j'ai reçues de l'empereur d'Allemagne me portent à le penser), et, sans même ces déclarations, il n'entre pas dans le sens que la Maison d'Autriche veuille se compromettre sans avoir rien à espérer et tout à perdre. Il y a longtemps que j'étais instruit des divisions qui existaient dans la famille impériale, et du désir qu'avait l'empereur de voir le prince Charles chargé d'une seule partie, de la guerre; cela ne tient à aucune disposition politique. J'approuve cependant l'envoi que vous avez fait d'hommes sûrs à Venise. Il faut en envoyer un à Laybach pour parcourir la Dalmatie et la Carniole, et un autre parcourir la Styrie et la Carinthie. Mes ministres dans les différentes cours ont eu ordre de me tenir instruit de tous ces mouvements. Il est impossible d'ailleurs que l'Autriche commence la guerre que trois mois après que son humeur serait démasquée. L'achat de chevaux d'artillerie, le grand mouvement dans ses trains, ses parcs , seraient un indice certain de guerre et qui paraîtrait bien avant où ses coups pourraient se porter.

Les mouvements qui ont lieu aux Grandes Indes, et qui viennent d'obliger l'Angleterre d'y expédier lord Cornwallis avec plusieurs régiments, la maladie épidémique de Gibraltar, la nécessité où ils sont d'envoyer 8 ou 10,000 hommes pour garantir la Jamaïque et leurs îles sous le Vent, que les croiseurs de la Martinique et une de mes escadres menacent, et enfin la crainte du débarquement qu'ils ont, les mettraient hors d'état de donner des secours efficaces à la Maison d'Autriche que par quelques sommes d'argent. Le général de division Lagrange vient de s'emparer de la Dominique et de Sainte-Lucie. Il a fait toutes les troupes anglaises prisonnières; il s'est emparé du fort du Roseau dès le premier jour de son débarquement.

Mon escadre de Toulon, qui est sortie depuis quinze jours avec 10,000 hommes à bord, va renouveler leurs inquiétudes et les obligera à garnir les îles et possessions lointaines qu'ils jugeraient trop faibles pour résister à une attaque.

Je partirai de Lyon mardi, et dans le courant de la semaine je serai au delà des Alpes.

Il faut que toutes les directions qui seront données à Milan tendent à calmer sur la crainte tout à fait mal fondée de la guerre, et à faire envisager les camps que je fais à Marengo et à Castiglione comme de simples camps de parade.


Lyon, 13 avril 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, l'escadre de l'amiral Cochrane était devant Lisbonne le 4 mars. Elle a dû d'abord aller au cap Vert, et perdre un jour pour envoyer à terre et prendre langue au port. L'amiral Missiessy est trop habile pour s'être laissé voir de ces îles. Si donc l'amiral anglais ne trouve pas là des renseignements, il ira à Madère; et si à Madère il ne trouve point de renseignements, il ira aux Grandes Indes; c'est tout ce qu'un amiral et un officier général sensé doit faire dans sa position. La saison, la circonstance, tout indique que l'escadre de Missiessy est destinée pour les Indes orientales. Si l'amiral Cochrane reçoit des renseignements et va à la Martinique, il doit d'abord, s'il est sage, atterrir sur Surinam. Je pense donc qu'il n'arrivera devant la Martinique que du ler au 10 avril; s'il en est autrement, l'amiral anglais ne sait pas son métier; car une fois certain que Missiessy va en Amérique, rien ne peut lui prouver que sa destination n'est point pour Surinam. Nous étions maîtres de l'île au 22 février; j'espère être maître de la mer quarante-cinq à cinquante jours. L'amiral Cochrane n'a point de troupes à bord. Je ne puis mettre en doute que les petits forts de la baie du Prince-Rupert ne soient soumis. Le général Lagrange a 3,000 hommes. L'amiral anglais ne se hasardera point à débarquer les troupes qui sont à la Barbade pour reconquérir la Dominique; il attendra le secours de Londres : d'ailleurs, l'île ne lui importe pas; son affaire est de suivre l'escadre française. Il ira à la Jamaïque, et de là à Terre-Neuve, et les Anglais tiendront les mers de la Martinique avec deux seuls vaisseaux et quelques frégates. Les Anglais vont expédier 5 à 6,000 hommes à la Barbade; ils n'étaient point partis au 5 avril; ils ne seront point arrivés avant le 15 mai; le général Lagrange ne sera point attaqué avant le ler juin; il aura donc eu trois mois pour se préparer à la défense. Mais les Anglais attaqueront-ils au mois de juin, au milieu de la saison des fièvres ? Je ne le pense pas; ils n'ont pas de troupes. Il paraît qu'ils envoient décidément 5 à 6,000 hommes aux Grandes Indes avec Cornwallis. Mon opinion est qu'ils enverront 3,000 hommes à la Barbade et 3,000 à la Jamaïque, et que le gouverneur général de la Barbade aura l'autorisation de réattaquer au mois d'octobre, s'il le juge convenable. L'amiral Villeneuve est parti le ler avril; il sera le 15 mai à la Martinique. En cas de nécessité, il peut y débarquer plus de 5,000 hommes, compris les Espagnols; il a de 18 à 20 vaisseaux de guerre; l'escadre anglaise ne sera pas forte de la moitié. Si Sainte-Lucie n'est pas prise, il la prendra, et ces quatre îles se trouveront dans un parfait état de défense. Si l'amiral Ganteaume y arrive, il peut y débarquer, si cela est nécessaire, plus de 5,000 hommes. Dans cet état de choses, je penserais qu'il faiudrait faire partir le général Magon; sa mission aurait deux buts : l° prévenir l'amiral Villeneuve qu'au moment de son départ l'amiral Ganteaume n'était point encore parti, mais était en appareillage; 2° renforcer l'escadre du général Villeneuve, et lui porter l'ordre d'attaquer une autre île anglaise, s'il jugeait en avoir le temps.

Un autre but qu'aurait l'envoi du général Magon serait que si, par des événements qui ne sont pas calculables, l'amiral Villeneuve n'arrivait pas, il pût jeter ses 800 hommes dans les îles et même se rétablir maître de la mer pendant une quinzaine de jours, si les Anglais n'y avaient qu'un vaisseau. Ainsi si l'on suppose que l'amiral Villeneuve doive arriver à la Martinique, il n'y a aucun inconvénient à faire partir sur-le-champ le général Magon. Si l'on suppose que le général Villeneuve ne doive point arriver, il est nécessaire de faire partir le général Magon pour porter secours à nos trois îles, puisque des secours y sont nécessaires dès le moment qu'on a pris la Dominique. Enfin je pense que les frégates la Didon et la Cybèledoivent être prêtes à partir pour porter 300 hommes de troupes, si l'amiral Villeneuve n'arrive point à la Martinique , ou pour porter d'autres instructions à l'amiral Villeneuve , lorsqu'il sera décidé que l'amiral Ganteaume ne part point, et que nous aurons, cependant des nouvelles de nos flottes de Cadix et du nombre de vaisseaux espagnols qui s'y seront réunis; dès lors, nous saurons ce que nous avons à la Martinique.

Je renonce donc à l'expédition de la Perse; j'y ai envoyé deux ministres par terre. D'ailleurs, 2 frégates me sont trop nécessaires, puisque l'escadre de Brest n'en a que 5. Quant à la frégate le Président, il faut qu'elle soit prête à partir aussi. Si l'amiral Villeneuve est arrêté en chemin et n'arrive point à la Martinique, cette frégate partira avec la Cybèle et la Didon pour porter 150 hommes de plus. Si, au contraire, l'amiral Villeneuve arrive, et que la Cybèle et la Didon partent sans troupes et pour porter des ordres, la frégate le Président sera en réserve pour en porter après. J'ai reçu beaucoup de lettres d'hommes que j'entretiens à Londres; leur opinion est que, si j'avais 6,000 hommes dans le golfe de Cambaye, les Anglais seraient dans un péril imminent.

Quant aux instructions à donner à l'amiral Villeneuve par les frégates la Cybèle et la Didon, dans le cas que l'amiral Ganteaume ne pût pas partir, on ne peut fixer ses idées que lorsqu'on saura de combien de vaisseaux se compose l'escadre de l'amiral Villeneuve. Voilà quatorze jours qu'elle est partie; je la suppose bien près du détroit.

En résumé, il faut aujourd'hui faire partir le contre-amiral Magon le plus tôt possible; qu'il porte 800 hommes, et, s'il est possible, sans que cela le retarde, il faut lui confier une flûte chargée de vivres, ne fût-ce même que de farine. Comme le général Magon sera instruit de ce qui se passe sur le théâtre où il va, il aura soin d'aborder avec précaution la Guadeloupe ou sur tout autre point que vous jugerez le plus convenable, afin qu'il puisse être informé de ce qui se passe. Donnez aussi l'ordre au général Magon de faire remplir ses soutes de poudre; il serait possible que le fort Rupert en coûtât une certaine quantité, quoiqu'il soit probable que le général Lagrange en aura trouvé au fort du Roseau suffisamment pour le siège. Cependant cette précaution n'est pas inutile.

Quant aux lettres que le général Magon doit porter au général Villeneuve, vous lui direz que voilà tant de jours écoulés depuis son départ, et que Ganteaume n'a pu encore partir; qu'il est sorti plusieurs fois, qu'il est en très-bon état, et qu'il y a lieu d'espérer qu'au premier coup de vent il sera dehors; qu'il ne doit pas s'impatienter; il doit regarder ces dix-huit jours, dans ses instructions, comme non avenus, et se concerter avec le général Lauriston et les différents capitaines généraux pour faire tout le mal possible à l'ennemi pendant le temps qu'ils seront maîtres de la mer, sans cependant s'éloigner assez pour que l'amiral Ganteaume, arrivant, fût obligé d'attendre longtemps pour se réunir; que je ne doute pas que Sainte-Lucie ne soit à nous.

Vous trouverez ci-joint une lettre adressée au ministre de la guerre; vous la remettrez à celui qui est chargé d'expédier les ordres au ministre de la guerre, et vous vous chargerez d'en faire transmettre le résultat à Rochefort.

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Comment arrive-t-il que la Topaze ne soit pas encore rendue Rochefort ? Elle pourrait être très-utile à l'escadre du contre-amiral Magon.

Cette lettre est déjà bien longue. Je viens de traverser la ville Lyon en grande pompe pour aller voir les manufactures, ce qui ne m'a pas empêché de songer à nos affaires. Cette idée m'est venue, dont vous pourrez toujours instruire l'amiral Villeneuve par l'amiral Magon, en lui annonçant que 3 frégates et 3 bricks, prêts à partir lui porteront définitivement des nouvelles de l'amiral Ganteaume; que si, cependant, rien de tout cela n'arrivait, et qu'il jugeât son retour imminent, mon intention est, s'il a sous son commandement au moins 20 vaisseaux de ligne, compris les espagnols, qu'il vienne au Ferrol, où il trouvera certainement 15 vaisseaux français et espagnols; et, avec ces 35 vaisseaux, qu'il se présente devant Brest, où, sans entrer, il sera joint par l'amiral Ganteaume; et, avec les 56 vaisseaux que lui formera cette jonction, qu'il entre dans le canal; mais qu'il doit attendre à la Martinique plus de temps que ne le portent ses instructions, parce que voilà vingt jours qui sûrement sont perdus. Comme cette dépêche est de la plus grande importance, j'ai dû l'écrire moi-même : vous la trouverez ci-jointe, faites-la partir immédiatement pour Rochefort.


Lyon, 14 avril 1805

Au vice-amiral Villeneuve

Monsieur le Vice-Amiral Villeneuve, vous devez être arrivé à l'île de la Martinique avec 12 de nos vaisseaux et au moins 6 vaisseaux du roi d'Espagne; le contre-amiral Magon vous en amène 2. Notre intention est que si, trente-cinq jours après l'arrivée du contre-amiral Magon, vous n'aviez aucune nouvelle de l'amiral Ganteaume, que vu devrez supposer retenu par les circonstances du temps et le blocus de l'ennemi, vous opériez votre retour directement par le plus court chemin sur le Ferrol. Vous y trouverez 15 vaisseaux français et espagnols, qui porteront votre escadre à 35 vaisseaux. Avec cette force, vous vous présenterez devant Brest, y opérerez jonction avec les 21 vaisseaux que commande l'amiral Ganteaume, sans entrer dans le port, et, avec cette armée navale, vous entrerez dans la Manche et vous présenterez devant Boulogne. Dans cette circonstance, notre intention est que vous ayez le commandement de toute l'armée navale.

Nous chargeons notre ministre de vous développer en détail nos intentions, ainsi que de vous instruire de ce que vous devez faire pour nous assurer la possession de nos îles de la Martinique, de la Guadeloupe, de Sainte-Lucie et de la Dominique, et pour y joindre encore d'autres possessions; ce que vous pourrez d'autant mieux exécuter, que vous serez prévenu, huit jours d'avance, de l'arrivée de l'amiral Ganteaume, si cet amiral vous joint, par un brick qu'il doit vous expédier, et qui, selon toute probabilité, doit gagner huit jours de marche sur l'escadre. Vous vous concerterez avec les généraux Lauriston et Lagrange, tant sur ce que vous devez faire pendant le temps que vous séjournerez aux îles sous le Vent, que sur le nombre de troupes que vous devez y laisser pour la sûreté de nos nouvelles possessions. Des frégates partiront successivement pour vous instruire des mouvements de la rade de Brest. Nous espérons cependant que le beau temps ne continuera pas, et qu'un coup de vent mettra enfin l'amiral Ganteaume à même d'appareiller.


Lyon, 14 avril 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je vous envoie plusieurs projets de décrets que demandent les fabriques de Lyon. Je vous prie de les faire passer au Conseil d'État sans changements, ou en m'envoyant son opinion sur chaque article. Le premier est relatif à un dépôt de l'entrepôt de Marseille que demandent les Lyonnais; le second, à l'institution d'un conseil de prud'hommes, et, par suite, à plusieurs organisations pour la police des ouvriers : ces deux projets sont particuliers à la ville de Lyon. Le troisième est relatif aux tissus or et argent, et a pour but d'empêcher qu'on ne puisse abuser de la confiance publique. Le quatrième est relatif à une demande du conseil général des hôpitaux de Lyon de poursuivre ses affaires devant les tribunaux de cette ville, sans avoir besoin de l'intervention du conseil de préfecture, ce qui met de la lenteur dans les affaires et les fait rester en souffrance. Ordonnez d'abord que ces projets soient imprimés tels qu'ils sont proposés; car il n'est pas juste que, sur la première idée d'un vain bavardage, on dérange les demandes de toute une fabrique. Suivez vous-même la discussion, et veillez à ce que, dans le projet qui sera soumis, il n'y ait de changé que ce qu'il sera raisonnable.


Lyon, 15 avril 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, j'ai été hier entendre la messe de Pâques dans la cathédrale de Lyon, en très-grande cérémonie. Le soir, j'ai assisté à une très-belle fête, dans le genre de celle des maréchaux. Je pars demain pour Chambéry. Je serai vendredi à Stupinigi.


Lyon, 15 avril 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je vous envoie un rapport très-important qui m'est fait par le ministre de la police. J'ai donné ordre qu'on arrêtât tous les prévenus, qu'on mît des inscriptions sur leurs biens et le séquestre sur leurs magasins. Je désire savoir quelle loi les condamne et ce qu'il y a à faire pour les mettre en jugement. Ces affaires sont d'une extrême importance. Ces messieurs faisaient la contrebande presque publiquement.


Lyon, 15 avril 1805

A M. Lebrun

Mon Cousin, je vous envoie une demande qui m'est adressées par  les artistes logés au Louvre. Je désire que vous les fassiez venir et que vous leur disiez que mon intention n'est point de leur faire du tort, mais que je suis inflexible sur ce principe, que je ne veux au Louvre ni cheminée ni poêle. Je vous autorise à régler l'indemnité qu'il est juste de leur accorder selon leur âge et leurs services, et je signerai le travail que vous me présenterez sur cet objet.


Lyon, 15 avril 1805

A M. Fouché

Les journaux parlent longuement de rumeurs existant dans leurs imaginations ou dans les instructions du cabinet anglais, qui veut inquiéter l'Europe. Prenez des mesures pour qu'on ne parle plus dans aucun journal de ..... Esménard montre ce qu'il ferait s'il pouvait se livrer à son essor malveillant. Veillez-le, supprimez-le à la moindre faute. Faites visiter les papiers des Polonais agents de la Russie. Veillez de près le général Masserano, s'il s'éloigne trop du Gouvernement. Dites-lui qu'il tient de mauvais propos; que l'Empereur le sait et n'est point endurant; que son ambassade sera courte; le lui dire dans un dîner, avec le ton de la bienveillance plutôt que de la malveillance.

Je désire connaître quel est celui qui se sert de mon nom pour faire de mauvaises plaisanteries. Faites-moi connaître quelle est l'intrigue qui a fait mettre Flachat en liberté.


16 - 30 avril 1805