Février 1805


Palais des Tuileries, ler février 1805

MESSAGE AU SÉNAT CONSERVATEUR

Sénateurs, nous avons nommé grand amiral de l'Empire notre beau-frère le maréchal Murat. Nous avons voulu non-seulement reconnaître les services qu'il a rendus à la patrie et l'attachement particulier qu'il a montré à notre personne dans toutes les circonstances de sa vie, mais rendre aussi ce qui est dû à l'éclat et à la dignité de notre couronne, en élevant au rang de prince une personne qui nous est de si près attachée par les liens du sang.


Palais des Tuileries, ler février 1805

MESSAGE AU SÉNAT CONSERVATEUR

Sénateurs, nous avons nommé notre beau-fils Eugène Beauharnais archichancelier d'État de l'Empire. De tous les actes de notre pouvoir, il n'en est aucun qui soit plus doux à notre cœur.

Élevé par nos soins et sous nos yeux, depuis son enfance, il s'est rendu digne d'imiter, et, avec l'aide de Dieu, de surpasser un jour les exemples et les leçons que nous lui avons donnés.

Quoique jeune encore, nous le considérons dès aujourd'hui, par l'expérience que nous en avons faite dans les plus grandes circonstances, comme un des soutiens de notre trône et un des plus habiles défenseurs de la patrie.

Au milieu des sollicitudes et des amertumes inséparables du haut rang où nous sommes placé, notre cœur a eu besoin de trouver des affections douces dans la tendresse et la consolante amitié de cet enfant de notre adoption; consolation nécessaire sans doute à tous les hommes, mais plus éminemment à nous, dont tous les instants sont dévoués aux affaires des peuples.

Notre bénédiction paternelle accompagnera ce jeune prince dans toute sa carrière, et, secondé par la Providence, il sera un jour digne de l'approbation de la postérité.


Palais des Tuileries, 1er février 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, je vous ai nommé prince et archichancelier d'État. Je ne puis rien ajouter aux sentiments exprimés dans le message que j'ai envoyé au Sénat à cette occasion et dont copie vous sera adressée. Vous y verrez une preuve de la tendre amitié que je vous porte, et l'espoir où je suis que vous continuerez dans la même direction à mettre à profit les exemples et les leçons que je vous ai donnés. Ce changement n'apporte aucun obstacle à votre carrière militaire. Votre titre est : Le prince Eugène Beauharnais, archichancelier d'État vous recevrez celui d'Altesse Sérénissime. Vous n'êtes plus colonel général des chasseurs, vous restez général de brigade, commandant les chasseurs à cheval de ma Garde. Il n'y a rien de changé dans relations ordinaires, si ce n'est que vous signerez : Le prince Eugène. Vous n'ajouterez votre titre d'archichancelier d'État que dans les affaires qui ressortent de votre dignité ou dans les affaires officielles.


Paris, 1er février 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je vous prie de m'apporter à onze heures, ce soir, un tableau des mouvements que j'ai ordonnés depuis quinze jours. Les circonstances ayant changé, et tous les doutes que je pouvais avoir étant levés sur la continuation de la paix continentale, mon intention est de contremander une partie de ces mouvements.

Écrivez au maréchal Jourdan cette nouvelle situation des choses qui ne me permet plus d'avoir d'alarmes; que je désire que les mouvements sur Vérone soient contremandés; que le général qui commande à Vérone dise dans ses relations et conversations que 60,000 hommes étaient en marche, mais qu'ayant reçu des lettres de l'empereur, j'ai tout contremandé, et que je ne nourris aucune inquiétude sur la continuation de la bonne intelligence avec l'Allemagne.


Paris, 1er février 1805

Au général Pino

Monsieur Pino, mon Ministre de la guerre à Milan, je vous ai ordonné, par mon dernier courrier, plusieurs expéditions. Les circonstances ont changé; je n'ai plus aucune espèce d'inquiétude. Mes relations avec S. M. l'empereur d'Allemagne ont pris un caractère de plus grande intimité. Je désire donc que, au lieu de 800 chevaux d'artillerie, vous n'en leviez que 200, et que, au lieu d'un million de rations de biscuit, vous vous contentiez d'en faire confectionner 100,000, que vous déposerez à Legnago. Contremandez l'armement de Peschiera et de Mantoue, et contentez-vous, à Porto-Legnano d'un très-petit nombre de pièces de canon, pour que cette place se trouve à l'abri d'un coup de main


Paris, 1er février 1805

A M. Melzi

Monsieur Melzi, Vice-président de la République italienne, les dispositions que vous me proposez pour procurer un secours extraordinaire au département de la guerre pourraient gêner mes peuples d'Italie : j'ai donc jugé à propos de ne rien faire. Les circonstances ayant d'ailleurs changé par une lettre que je viens de recevoir de l'empereur d'Allemagne, qui m'a absolument et entièrement tranquillisé, j'ai écrit à mon ministre de la guerre à Milan pour contremander tous les ordres extraordinaires que je lui avais donnés. Cependant, vu l'intention où je suis que Porto-Legnago, qui se trouve sur la lisière, soit un peu approvisionné, la dépense de 2 à 300,000 francs que cette disposition pourrait occasionner me paraît pouvoir être faite sur le budget ordinaire de la guerre.

Expédiez un courrier à Milan pour rassurer sur toute crainte de rupture. J'ai ordonné ce matin au maréchal Berthier de contremander une partie des troupes qui se trouvent en marche pour Milan. 


Paris, ler février 1805

Au général Lauriston

Monsieur le Général Lauriston, j'ai reçu votre lettre du 2. J'ai vu avec peine votre retour à Toulon. Je crois que votre amiral a manqué de décision. La séparation des vaisseaux n'était rien. Il faudrait renoncer à naviguer, même dans la plus belle saison, si une opération pouvait être contrariée par la séparation de quelques bâtiments. Votre amiral a dû, dans le cas où cette séparation aurait lieu, leur donner rendez-vous à la hauteur des Canaries, et leur remettre des ordres cachetés, pour que, après avoir resté tant de jours dans ces parages,,ils les ouvrissent et connussent l'endroit où ils devraient se rendre; alors les séparations ne sont rien. L'eau que faisait l'Annibal n'était pas une raison suffisante; il pouvait aller à Cadix : il y aurait versé son monde sur l'Aigle. Quelques mâts de hune cassés, quelques désordres dans une tempête, qui accompagnent une escadre sortant, sont, pour un homme d'un peu de caractère, des événements d'une nature fort ordinaire. Deux jours de beau temps eussent consolé l'escadre et mis tout au beau. Mais le grand mal de notre marine est que les hommes qui la commandent sont neufs dans toutes les chances du commandement. Toutefois il faut aujourd'hui réparer le temps perdu. Le ministre a dû donner ordre de débarquer les troupe Vivez au milieu d'elles, soignez leur instruction; complétez tous vos bataillons à 800 hommes; que toutes les compagnies aient leurs officiers et sous-officiers. Les petites réparations de l'escadre faites et avant la fin du mois, vous aurez ordre de rembarquer pour ailleurs; car le temps est trop avancé pour votre destination. L'escadre de Rochefort est partie depuis vingt jours; elle ne doit pas être éloignée de sa destination. J'ai reçu d'ailleurs d'excellentes nouvelles de la Martinique et de la Guadeloupe. Les six frégates que j'y ai envoyées y ont porté des troupes et des munitions. Tenez vos troupes en haleine, et faites-moi connaître en détail la situation de l'escadre. S'il était possible que le Pluton pût remplacer un des plus mauvais vaisseaux, ce serait une bonne opération; mais je crains qu'il ne faille bien du temps avant qu'il puisse être en rade. Il y a à Toulon deux ou trois flûtes de 300 tonneaux : faites moi connaître si elles sont en bon état et si l'on pourrait s'en servir.

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Je vous ai nommé général de division.


Paris, 2 février 1805

DÉCISION

Le ministre du trésor public présente des observations sur des suppléments de traitement demandés par les ministres de la guerre et des relations extérieures.

Je prie M. Gaudin de me présenter confidentiellement un projet de décret qui règle les traitements et les frais de maison des ministres, de manière qu'ils ne puissent rien ordonnancer à titre de fête ou de matériel, etc., etc.


Paris, 6 février 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

Faire achever le Louvre pour y placer la Bibliothèque impériale. Le ministre dépense 24,000 francs par an; mais cette somme est insuffisante, et l'époque où la translation de la Bibliothèque au Louvre pourra s'effectuer demeurerait longtemps incertaine. Il convient donc affecter à ces travaux des fonds extraordinaires; ces fonds se trouveraient dans le produit de la vente des Capucines et même de quelques maisons sises rue des Orties.

Pour tirer des Capucines un parti avantageux, aucun projet ne paraît plus convenable que celui qu'indique le ministre, et qui consiste à ouvrir sur ce terrain une belle rue de la même largeur que les entrées de la place Vendôme et dans le même alignement.

En conséquence, le ministre est invité à faire faire le plan et à présenter un projet de décret qui ordonne la vente, en prescrive les conditions et en affecte les produits à l'achèvement du Louvre.

Les travaux du Louvre donnent lieu à une question qu'il faut décider. On demande quel est l'ordre d'architecture qu'on suivra. Les architectes voudraient adopter un seul ordre et, dit-on, tout changer. L'économie, le bon sens et le bon goût sont d'un avis très-différent; il faut laisser à chacune des parties qui existent le caractère de son siècle, et adopter pour les nouveaux travaux le genre le plus économique. Il est en même temps très-important de régler l'ordre des travaux et de prescrire qu'on s'occupera d'abord et uniquement de ce qui est indispensable pour mettre le Louvre en état de recevoir la Bibliothèque; les choses d'art et d'ornement viendront ensuite.

Les Capucines peuvent valoir trois millions, et le local actuel de Bibliothèque à peu près cette somme; ce fonds, dont il faudrait pouvoir disposer dans le cours de six ans, serait suffisant pour obtenir dans les travaux des progrès raisonnables.
Lorsque la vente des Capucines sera terminée, on vendra le terrain des Filles-Saint-Thomas, et le prix de cette vente sera encore appliqué à l'achèvement du Louvre. Ce local avait été demandé pour l'établissement de la Bourse; il faut la placer provisoirement dans un théâtre, et rendre les Petits-Pères au culte.


Paris, 6 février 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

Le ministre de l'intérieur est invité à veiller à ce que le fonds spécial accordé à la Bibliothèque impériale pour l'an XIII soit employé à acheter tous les bons ouvrages français qui ont paru depuis 1785 et qui manquent à la collection.

Beaucoup d'autres ouvrages anciens ou modernes y manquent également, tandis qu'ils se trouvent dans les autres bibliothèques publiques de Paris ou des départements. Il faudrait en faire dresser l'état et les faire prendre dans ces établissements, auxquels on donnerait en échange des ouvrages qu'ils n'ont pas et dont la bibliothèque a des doubles. Il doit résulter de cette opération, si elle est bien faite, que, lorsqu'on ne trouvera pas un livre à la Bibliothèque impériale, il sera certain que cet ouvrage n'existe pas en France. Le déplacement des objets à tirer des autres bibliothèques pour l'exécution de cette mesure, ainsi que celui des livres à donner en échange, n'aura lieu que lors de l'établissement définitif de la Bibliothèque au Louvre.


Paris, 6 février 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

L'Empereur est autorisé à penser que le droit de passe ne rend pas ce qu'il devrait rendre, et que cette partie du service public n'est point exempte des atteintes de la corruption.

On prétend que dans le Haut-Rhin des personnes attachées à la préfecture prennent part à l'exploitation du droit de passe, comme intéressés ou comme fermiers.

L'administration de la ville de Marseille parait également exiger l'attention du ministre. On prétend qu'on a donné un pot-de-vin de 30,000 francs pour le bail de l'octroi. Il est indispensable de s'occuper du nettoiement du port; les fonds qui se trouvent dans la caisse de Santé doivent fournir à cette dépense.

Ne serait-il pas possible de mettre les sourds et muets de Bordeaux à la charge de l'octroi de cette ville ?


Paris, 6 février 1805

DÉCISION

Le ministre de l'intérieur présente un rapport sur la proposition faite par le colonel général Junot, ambassadeur à Lisbonne, de permettre une exportation 200,000 quintaux de froment en Portugal.

Il faut que la même maison qui doit faire l'exportation pour l'Espagne la fasse pour le Portugal. Je ne veux pas de concurrence  d'acheteurs, qui ferait trop élever le prix des blés.


Paris, 6 février 1805

A M. Gaudin

Toutes les marchandises anglaises qui arrivent dans nos ports viennent d'Emden avec des certificats d'un commissaire d'Emden. Faîtes-moi un rapport sur cet objet. D'abord nous n'avons point de commissaire dans ce port; il n'y vient point de produits de nos colonies; les marchandises coloniales qui y arrivent sont nécessairement anglaises.


Paris, 6 février 1805

A M. Fouché

Je désire avoir un rapport plus détaillé sur la contrebande qui se fat à Emden. Faites arrêter le nommé Chervet et le quartier-maître qui l'a recommandé. Il faut suivre cette affaire avec la plus grande activité.


Paris, 6 février 1805

DÉCISION

Le ministre du trésor public présente une note en réponse à des observations faites par la section des finances au Conseil d'État sur l'augmentation de son traitement. 

120,000 francs pour un ministre sont nécessaires, même 
pour le crédit public. Il faut vivre comme son siècle. Sur un maniement de huit cents millions, il y a telle demi-heure bien employée qui doit faire gagner le double au trésor.

DÉCISION

Le général Lahorie demande une audience à l'Empereur, pour donner des explications sur sa conduite.

Renvoyé au ministre de la police. Ce citoyen ne doit plus rester  en France.

DÉCISION

Le ministre de la guerre présente un rapport sur la demande du ministre de la marine de mettre en mouvement les troupes destinées pour le Ferrol. 

Faire partir les cinq compagnies du 3e bataillon du 79e régiment de ligne pour le Ferrol, où elles s'embarqueront sur l'escadre.

DÉCISION

Le ministre de la guerre présente un rapport sur la demande du sénateur Volney de permettre à M. Hamilton, membre de la société asiatique de Calcutta, de revenir à Paris, pour y étudier les manuscrits indiens qui sont à la
Bibliothèque.

Accordé sous la caution du sénateur Volney.


Paris, 7 février 1805

Au général Dejean

Il serait nécessaire d'établir le compte des vivres-pain, fourrages et habillement de l'an XII, de la manière suivante:

1° A combien s'est monté ce service par entreprise, pendant l'année, en calculant sur les revues et les décomptes;
2° Ce que chaque entrepreneur a reçu jusqu'au ler pluviôse an XIII;
3° Ce qui lui reste dû.

Par ce moyen, on pourra connaître la situation de ces services.


Paris, 7 février 1805

Au contre-amiral Lacrosse

Sa Majesté, Monsieur le Contre-Amiral, s'est fait rendre un compte particulier de quelques services relatifs à la flottille de Boulogne. Elle a observé que les transports de Calais à Boulogne et de tous les autres ports de la côte se font par des bâtiments frétés qui occasionnent une dépense considérable. Elle a observé aussi que la flottille occupait 40 bâtiments de pêche pour les poudres, boulets, ancres et câbles, mouillage au large de la ligne, vedettes, garde-pêche, etc.; que sur ces 40 bâtiments 18 sont en désarmement.

Sa Majesté, considérant que cet ordre de service a le très-grand inconvénient de laisser en stagnation et inactivité les marins et bâtiments de la flottille, vient d'ordonner, comme mesure générale qui devra être strictement observée depuis la Somme jusqu'à Ostende,

1° Que tous les bâtiments, de quelque nature qu'ils soient, qui sont frétés pour son service, et particulièrement pour celui de la flottille et de ses approvisionnements, seront licenciés sans délai et dans les trois jours au plus tard qui suivront la réception de cette lettre, de manière que toute dépense cesse absolument sur cet article;
2° Que tout le service de la flottille et de ses approvisionnements se fasse par les bâtiments de transport de la flottille exclusivement, ainsi que tout le service de la rade, ports, ligne d'embossage, etc.

Vous devrez, Monsieur, donner les ordres les plus positifs pour l'exécution de cette mesure, et m'informer de ses résultats.

Le ministre de la marine, par ordre de l'Empereur.


PAROLES DE L'EMPEREUR LORS DE LA DISTRIBUTION DES GRANDS CORDONS DE LA LÉGION D'HONNEUR AU PALAIS DES TUILERIES, LE 21 PLUVIÔSE AN XIIL

Messieurs, la grande décoration vous rapproche de ce trône sans exiger de vous des serments nouveaux; elle ne vous impose point de nouvelles obligations. C'est un complément aux institutions de Légion d'honneur. Cette grande décoration a aussi un but particulier, celui de lier à nos institutions les institutions des différents États de l'Europe, et de montrer le cas et l'estime que je fais, que nous faisons, de ce qui existe chez les peuples nos voisins et nos amis.


RÉPONSE DE L'EMPEREUR A UNE ADRESSE DU CORPS LÉGISLATIF,
AU PALAIS DES TUILERIES, LE 21 PLUVIÔSE AN XIII

Messieurs les Députés des départements au Corps législatif, lorsque j'ai résolu d'écrire au roi d'Angleterre, j'ai fait le sacrifice du ressentiment le plus légitime et des passions les plus honorables. Le désir d'épargner le sang de mon peuple m'a élevé au-dessus des considérations qui déterminent ordinairement les hommes. Je serai toujours prêt à faire les mêmes sacrifices. Ma gloire, mon bonheur, je les placés dans le bonheur de la génération actuelle. Je veux, autant que je pourrai y influer, que le règne des idées philanthropiques généreuses soit le caractère du siècle. C'est à moi, à qui de tels sentiments ne peuvent être imputés à faiblesse, c'est à nous, c'est peuple le plus doux, le plus éclairé, le plus humain, de rappeler aux nations civilisées de l'Europe qu'elles ne forment qu'une même famille, et que les efforts qu'elles emploient dans leurs dissensions civiles sont des atteintes à la prospérité commune. Messieurs les députés des départements au Corps législatif, je compte sur votre assistance comme sur la bravoure de mon armée.


Paris, 10 février 1805

A M. Gaudin

Monsieur Gaudin, mon Ministre des finances, mon intention est que, demain, la caisse d'amortissement fasse en sorte que les rentes ne baissent pas. Je désire, si M. Mollien n'y voit pas trop d'inconvénient que l'on soutienne ces effets à 60 francs. Toutefois, il ne faut pas qu'elles soient cotées demain moins qu'elles ne l'ont été samedi.


Paris, 11 février 1805

DÉCISION

Mme Fauche-Borel demande la mise en liberté de M. Fauche-Borel, son beau-frère. L'Empereur avait bien voulu  lui promettre cette grâce, il y a trois semaines. 

Accordé. Renvoyé au ministre de la police générale. Il sera conduit par la gendarmerie à Munster, et remis au premier poste prussien.


Paris, 14 février 1805

A M. Monge

Je prie M. Monge de lire ces mémoires, de consulter l'ingénieur Gérard, de se rendre comme amateur sur le terrain, et de me faire un rapport secret et confidentiel sur cette grande question.


Paris, 16 février 1805

NOTE SUR LES LYCÉES

Sa Majesté ne partage ni l'opinion du ministre, ni celle du Conseil d'État. Le but de l'institution des lycées est manqué si le prix des pensions est augmenté. Il existe de très-bonnes écoles secondaires où les enfants reçoivent une éducation complète et où on ne paye que 400 francs. Les lycées sont dans les premiers moments de leur existence; il est possible qu'ils n'aient pas encore un nombre suffisant d'élèves pour couvrir les dépenses communes, telles que les traitements de l'administration et des professeurs, le chauffage des classes, l'éclairage, etc. , etc., dépenses qui sont toujours à peu près les mêmes, que les élèves soient en grand ou en petit nombre.

Ainsi, pour parvenir à un bon raisonnement , il faut distinguer les dépenses communes du lycée et les dépenses personnelles à chaque élève. Il se peut que 316 francs soient une somme insuffisante pour l'entretien et la nourriture d'un élève; mais il est certain que la pension que fournit le trésor public excède de beaucoup cette sorte de dépense. Cet excédant est destiné à couvrir les dépenses communes. Il faut donc commencer par établir quelle est la partie de la pension nécessaire, dans chaque lycée, à tout ce qui concerne l'élève individuellement. Il faut établir ensuite quelle somme est nécessaire pour les dépenses communes de chaque lycée. Ces bases une fois reconnues, il sera facile de déterminer le nombre d'élèves que chaque lycée doit avoir pour que l'excédant du prix de la pension , les dépenses personnelles des élèves prélevées, couvre les dépenses communes du lycée. Ainsi , dans les localités où le prix des vivres est plus cher, la dépense personnelle à chaque élève sera plus considérable, et il faudra donner à ce lycée un plus grand nombre d'élèves, pour augmenter le total de l'excédant nécessaire aux dépenses communes. L'habileté du conseiller d'État chargé de l'instruction publique doit s'employer à déterminer, d'après ces rapports composés, la juste proportion du nombre des élèves à donner à chaque lycée.

On doit se rappeler qu'à l'époque de l'organisation on avait mis en principe qu'il fallait cent cinquante élèves pour couvrir les dépenses d'un lycée, et, s'il en est où il ne se trouve que quatre-vingts ou cent élèves, il est fort naturel que les moyens de cet établissement soient insuffisants; mais cette insuffisance ne résulte point du prix de la pension; sa cause réside uniquement dans le petit nombre d'élèves.

L'Empereur désire que le ministre, dans un nouveau rapport fasse connaître : 1° les dépenses fixes ; 2° les dépenses variables d'instruction, livres, papiers, etc.; 3° les dépenses de chauffage, éclairage, etc. ; 4° la dépense de l'entretien et de la nourriture de chaque élève. Ces notions, appliquées à chaque lycée en particulier, conduiront à établir quel nombre d'élèves il convient de donner à chaque lycée pour mettre au pair les dépenses de toute nature.

L'extrait des revenus de chacun des lycées, dressé par trimestre, à commencer du ler vendémiaire an XII, sera joint à ce rapport. Il comprendra les élèves nationaux et les élèves pensionnaires. Or examinera, à cette occasion, si les revues sont bien faites, et si l'on suit à cet égard ce qui se pratiquait pour les écoles militaires : on joignait aux revues des notes exactes sur chaque individu , et tout récemment encore l'Empereur a eu sous les yeux des notes fort utile sur des jeunes gens qui étaient dans les écoles militaires il y a vingt cinq ans.

S'il résulte de ce rapport qu'il est nécessaire de venir au secours de quelques lycées, on le fera par des gratifications que payera h trésor public. On multipliera le montant de la portion à prendre sur la pension de chaque élève pour les dépenses communes par le nombre des élèves qui manqueront pour former un lycée complet, et l'on arrivera à la somme qu'il sera nécessaire de donner en gratification.

On n'a jamais considéré les trois ou quatre millions que doivent coûter les lycées, dans les premières années comme une dépense constante; on a, au contraire, pensé que le moment viendrait où cette dépense serait nulle; elle le sera lorsque les lycées seront parvenus à un nombre suffisant d'élèves : alors Sa Majesté ne nommera plus d'élèves nationaux pour soutenir des lycées, mais quand il y aura lieu à faire des grâces particulières, soit pour encourager les écoles secondaires, soit pour récompenser des services publics ou de bonnes actions. Avant d'arriver à ce but, on prendra un moyen intermédiaire qui consistera à établir des demi-bourses pour les jeunes gens qui seront admis à cette faveur, soit en conséquence d'examens soutenus dans les écoles secondaires, soit par le choix de l'Empereur.

Les parents fourniront un supplément de pension dont la quotité sera déterminée à raison de leur contribution ou du traitement des fonctions publiques qu'ils rempliront.

Le moment de l'application de ces vues n'est point encore arrivé. L'Empereur désire que le ministre les médite, et, s'il est possible de les mettre à exécution en l'an XIV, il n'y a que le temps nécessaire pour y penser. 

Le ministre examinera dès à présent si le nombre des administrateurs et des professeurs n'est pas trop considérable dans les lycées. Ils sont établis en conséquence d'une loi générale qui peut être susceptible de quelques modifications, à raison du nombre différent des élèves dans les divers lycées. Il se peut aussi que les fonctionnaires soient trop également rétribués; et, en effet, il y a eu tel collège célèbre dont deux professeurs distingués ont fait la fortune, et où il ne fallait qu'un petit nombre d'agents pour une administration parfaite, les proviseurs, les censeurs, les procureurs gérants formant un état-major très-considérable pour l'administration de cent cinquante élèves. Il y a telle pension particulière dans laquelle le directeur seul remplit ces diverses fonctions.

On voit, dans le projet du Conseil d'État, que le supplément d'habillement doit être porté à 100 francs, tandis que l'habillement d'un élève ne doit pas coûter plus de 40 francs dans un lycée où il y a de l'ordre et une bonne administration.

Enfin, pour parvenir à combler le déficit qu'on annonce, il y a divers moyens à prendre avant de songer au moyen impraticable, destructeur des lycées, qui consisterait à augmenter les pensions.

Ces établissements sont naissants; ils ne peuvent réussir que par une grande surveillance de la part du conseiller d'État, qui doit s'en occuper en entier, parcourir les lycées , et entretenir avec les administrateurs une correspondance journalière.

Dans plusieurs des lycées que l'Empereur a visités, il a remarqué que les élèves n'étaient pas assez nombreux. On s'abuserait si on concluait de leur situation financière actuelle qu'il y a des changements à faire dans les principes de leur organisation. Sa Majesté n'est pas entrée dans la cour d'un seul lycée sans voir aussitôt un grand nombre de femmes aux fenêtres. Ce système est dangereux sous d'autres rapports encore que celui de l'économie.

Peut-être le temps arrivera-t-il bientôt de s'occuper de la question de savoir s'il faut former un corps enseignant. Ce corps, ou cet ordre, doit-il être une association religieuse, faire vœu de chasteté, renoncer au monde, etc.? Il ne paraît pas qu'il y ait aucune connexité entre ces idées.

L'enseignement se compose, dans l'état actuel, de proviseurs, de censeurs, de professeurs. Il y aurait un corps enseignant si tous les proviseurs, censeurs, professeurs de l'Empire, avaient un ou plusieurs chefs, comme les Jésuites avaient un général, des provinciaux, etc. ; si l'on ne pouvait être proviseur ou censeur qu'après avoir été professeur; si on ne pouvait être professeur dans les haut classes qu'après avoir professé dans les basses; s'il y avait, enfin dans la carrière de l'enseignement, un ordre progressif qui entretint l'émulation et qui montrât, dans les différentes époques de la vie un aliment et un but à l'espérance. Il faudrait qu'un homme consacré à l'enseignement ne pût se marier qu'après avoir franchi plusieurs degrés de sa carrière; que le mariage fût, pour lui comme pour tous les hommes, un terme placé en perspective où il ne pût atteindre qu'après avoir assuré sa considération et sa fortune par une place dont la rétribution suffirait pour le faire vivre comme chef de famille, sans sortir de l'état auquel il se serait livré. Ainsi la condition de l'enseignement serait la même que celle des autres carrières civiles.

Ce corps aurait un esprit. L'Empereur pourrait en protéger les membres les plus distingués, et les élever par ses faveurs plus haut dans l'opinion que ne l'étaient les prêtres lorsqu'on considérait en eux le sacerdoce comme une sorte de noblesse. Tout le monde sentait l'importance des Jésuites; on ne tarderait pas à sentir l'importance de la corporation de l'enseignement, lorsqu'on verrait un homme, d'abord élevé dans un lycée, appelé par ses talents à enseigner à son tour, avançant de grade en grade, et se trouver, avant de finir sa carrière, dans les premiers rangs de l'État.

De toutes les questions politiques, celle-ci est peut-être de premier ordre. Il n'y aura pas d'état politique fixe s'il n'y a pas un corps enseignant avec des principes fixes. Tant qu'on n'apprendra pas dès l'enfance s'il faut être républicain ou monarchique, catholique ou irréligieux, etc., l'État ne formera point une nation; il reposera sur des bases incertaines et vagues ; il sera constamment exposé aux désordres et aux changements.


Paris, 16 février 1805 (La lettre expédiée porte en tête : Bonaparte, Empereur des Français, à Feth-Ali, Chah des Perses, salut !) 

Au roi de Perse

J'ai partout des agents qui m'informent de tout ce qu'il m'importe de connaître. Par eux, je sais en quels lieux et dans quels temps je puis envoyer aux princes, aux peuples que j'affectionne, les conseils de mon amitié et les secours de ma puissance.

La renommée, qui publie tout, m'a fait savoir ce que je suis, ce que j'ai fait; comment j'ai élevé la France au-dessus de tous les peuples de l'Occident; par quelles marques éclatantes j'ai montré aux rois de l'Orient l'intérêt que je leur porte, et quels motifs m'ont détourné de poursuivre, il y a cinq ans, le cours des projets que j'avais conçus pour leur gloire et la félicité de leurs peuples.

Je désire apprendre de toi-même ce que tu as fait, ce que tu te proposes de faire pour assurer la grandeur et la durée de ton empire. La Perse est une noble contrée que le ciel a comblée de ses dons. Elle est habitée par des hommes spirituels et intrépides qui méritent d'être bien gouvernés; et il faut que, depuis un siècle, le plus grand nombre de tes prédécesseurs n'aient pas été dignes de commander à ce peuple, puisqu'ils l'ont laissé se tourmenter et se détruire dans les fureurs des dissensions civiles.

Nadir-Chah fut un grand guerrier; il sut conquérir un grand pouvoir; il se rendit terrible aux séditieux et redoutable à ses voisins; il triompha de ses ennemis et régna avec gloire; mais il n'eut pas cette sagesse qui pense à la fois au présent et à l'avenir; sa postérité ne lui a pas succédé. Le seul Mehemet-Chah, ton oncle, me semble avoir vécu et pensé en prince. Il a réuni sous sa domination la plus grande partie de la Perse, et ensuite il m'a transmis la souveraine autorité qu'il avait acquise par ses victoires.

Tu imiteras, tu surpasseras les exemples qu'il t'a laissés. Comme lui, tu te défieras des conseils d'une nation de marchands qui, dans l'Inde, trafiquent de la vie et des couronnes des souverains, et tu opposeras la valeur de ton peuple aux incursions que la Russie tente et renouvelle souvent sur la partie de ton empire qui est voisine de son territoire.

Je t'envoie un de mes serviteurs qui remplit auprès de moi une place importante et toute de confiance. Je le charge de t'exprimer mes sentiments et de me rapporter ce que tu lui diras. Je lui ordonne de passer à Constantinople, où je sais qu'un de tes sujets, Osseph-Vasissowitch, est arrivé, se disant envoyé par toi, pour me porter en ton nom des propositions d'amitié; mon serviteur Jaubert vérifiera la mission de ce Persan. De là il ira à Bagdad, où Rousseau, un de mes fidèles agents, lui donnera les directions et les recommandations nécessaires pour parvenir à ta cour. La marche de ces communications une fois tracée, rien n'empêche qu'elle ne soit établie d'une manière durable.

Tous les peuples ont besoin les uns des autres. Les hommes d'Orient ont du courage et du génie; mais l'ignorance de certains arts et la négligence d'une certaine discipline, qui multiplie la force et l'activité des armées, leur donnent un grand désavantage dans la guerre contre les hommes du Nord et de l'Occident. Le puissant empire de la Chine a été conquis trois fois et est aujourd'hui gouverné par un peuple septentrional; et tu vois sous les yeux comment l'Angleterre, une nation d'Occident, qui parmi nous est au nombre de celles dont la population est la moins nombreuse et le territoire le moins étendu, fait cependant trembler toutes les puissances de l'Inde.

Tu me feras connaître ce que tu désires, et nous renouvellerons les rapports d'amitié et de commerce qui ont autrefois existé entre ton empire et le mien.

Nous travaillerons de concert à rendre nos peuples plus puissants, plus riches et plus heureux.

Je te prie de bien accueillir le serviteur fidèle que je t'envoie, et je te souhaite les bénédictions du ciel, un règne long et glorieux, et une fin heureuse.

Écrit en mon palais impérial des Tuileries, le 27 pluviôse an XIII et de mon règne le premier.


Paris, 17 février 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, mon Ministre de l'intérieur, je vais faire un voyage pour visiter les départements de l'Aube, de Saône-et-Loire, du Rhône, du Mont-Blanc, et les six départements au delà des Alpes. Mon intention est que vous m'accompagniez dans ce voyage.

Il est convenable que vous meniez avec vous quelqu'un qui puisse remplacer le conseiller d'État Cretet, si sa maladie le retient à Paris, et qui soit au courant des travaux ordonnés, ainsi que de la destination et de l'emploi des sommes qui y sont affectées.


Paris, 17 février 1805

A M. Gaudin

Je ne puis qu'être mécontent de voir que le directeur de la régie, ou un de nos abonnés de Loctroi de Marseille, est en même temps administrateur et fermier de l'octroi. Mon intention est de faire cesser cet abus sur-le-champ pour l'administration des octrois dans votre département, et que vous y portiez ce coup d'œil et ces bonnes mesures administratives qui vous ont mérité mon estime dans les autres branches du revenu public. Des octrois considérables ne doivent jamais éprouver de grands changements sans votre approbation. Toute irrégularité comme celle qui m'a été dénoncée autorise à supposer ou des connivences ou des fraudes. Depuis que vous êtes chargé des octrois vous ne m'avez proposé aucune mesure tendant à améliorer ce service, objet important, puisque c'est un objet de cinquante à soixante millions. Je vous prie de me faire connaître si vous connaissez qu'il y ait lésion dans le commerce de vins d'Aubagne. On me fait beaucoup de plaintes sur l'administration des finances de Marseille.


Paris, 17 février 1805

Au maréchal Berthier

Donnez ordre au prince Eugène de diriger tout le corps de la Garde sous ses ordres sur Milan. Il laissera à Turin, stationnés à Stupinigi, un officier et 15 gendarmes d'élite, et un piquet de 60 chasseurs de la Garde à cheval.

Prenez des mesures pour que tous les détachements de ma Garde soient convenablement logés à Milan, et dès leur arrivée ils feront le service de mon palais.

Vous ferez connaître au prince Beauharnais que j'ai nommé Fontanelli gouverneur de Milan, et que je l'envoie à cet effet pour préparer tout ce qui est nécessaire. Mon intention est que le prince Eugène soit logé dans mon palais.

Tout le service de ma garde sera fait, moitié par la garde italienne du président, et moitié par les troupes de la garde-impériale

Donnez ordre qu'on fasse partir pour Macon 30 chasseurs de ma Garde et un officier, 30 grenadiers à cheval et un officier, et 15 gendarmes d'élite; total, 75.

Un pareil détachement se rendra à Troyes, et un pareil détachement à Bourg, chef-lieu du département de l'Ain.

Les détachements de Macon et de Bourg partiront le 1er ventôse celui de Troyes, le 5 ventôse.

Deux escadrons, chacun de 150 hommes du 30e de dragons, qui est à Moulins, se rendront à Lyon pour y faire le service, lors du passage.

Je désire connaître le jour où le bataillon délite du 56e passera à Lyon.

A Turin, les quatre compagnies de grenadiers du 5e de ligne, à cet effet complétées, serviront de garde d'honneur à l'Empereur. Le 15 ventôse, elles iront s'établir à Stupinigi et recevront l'ordre de service du gouverneur de ce palais. Le ministre écrira au colonel pour que ces compagnies soient dans la meilleure tenue, et aient tous des bonnets à poil. Le colonel du 5e de ligne les commandera. A dater du 15 ventôse et pendant tout le temps qu'elles resteront Stupinigi, il sera accordé une double paye aux officiers et soldats.

Les quatre compagnies de grenadiers du 60e seront destinées à former la Garde de l'Empereur à Alexandrie; et les trois compagnie du 102e se rendront à Asti pour y former la garde de l'Empereur. Il faut que ces compagnies aient leurs bonnets et soient en bon état; elles auront double paye pendant le temps qu'elles feront le service près de l'Empereur.

La compagnie d'élite du 23e de dragons fera le service à Asti. La compagnie d'élite du 23e de chasseurs et la compagnie d'élite du 4e de chasseurs feront le service de l'Empereur à Stupinigi. Ces compagnies d'élite seront complétées et mises dans le meilleur état. Elles seront commandées par les colonels. Celle du 4e, qui va à Stupinigi, s'y rendra également le 15 ventôse.


Paris, 17 février 1805

A M. Gaudin

Mon intention étant d'augmenter les moyens disponibles de la caisse d'amortissement, je désire qu'elle vende à la caisse des Invalides de la marine pour un million de rentes en capital, ce qui augmentera ses moyens d'un million d'argent.

Deux lois ont autorisé la vente du domaine de Saint-Cyr et du domaine de la Légion d'honneur; je vous prie de rapporter mercredi prochain, au conseil, ces deux ventes.


La Malmaison, 19 février 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, mon Ministre de l'intérieur, je désire que vous puissiez faire travailler sur-le-champ à la route du Mont-Cenis, afin de la rendre praticable dans un mois.


La Malmaison, 19 février 1805

A M. Lacépède

Monsieur Lacépède, voyez votre correspondant; faites-lui connaître que je pense que le prince de la Paix doit faire déclarer au général Moreau qu'il est de son honneur de suivre sa destination, et qu'il doit, par une vie tranquille, faire oublier là des fautes réelles, et me mettre à même de ne me souvenir que de ses anciens services; que tout ce qui a pour but d'assurer sa tranquillité et de satisfaire la France étant dans les principes de Sa Majesté Catholique, il ne pourrait trouver en Espagne un refuge qui pourrait contrarier le gouvernement de France. Vous ferez dire aussi au prince de la Paix que j'ai reçu sa lettre et que j'ai apprécié le sentiment qui l'a dictée; qu'il en recevra une de moi en réponse, qui lui sera portée par le général Junot, qui part dans la semaine. Vous lui ferez connaître que j'ai une entière confiance dans le général Junot, militaire loyal et surtout attaché; qu'il peut donc s'ouvrir à lui sur toutes sortes de matières; que le secret sera gardé sur tout; que je lui ai ordonné de le voir et de rester exprès plusieurs jours à Madrid. Vous ajouterez que j'ai accordé l'exportation de blés par le canal d'Ouvrard et de Vanlerberghe, et que les 40,000 quintaux de biscuit pour le Ferrol auront l'autorisation et toutes les facilités nécessaires pour l'exportation.


La Malmaison, 19 février 1805

Au prince Régent du Portugal

La présente lettre sera remise à Votre Altesse Royale par le général Junot, mon aide de camp, colonel général de mes hussards, et mon ambassadeur près d'elle. Je l'ai spécialement chargé de l'assurer l'intérêt que je porte à la prospérité de la couronne du Portugal, de l'espoir que j'ai que nos deux Etats marcheront d'accord pour arriver au grand résultat de l'équilibre des mers , que menace l'abus de puissance et les vexations que commettent les Anglais, non seulement envers l'Espagne, mais même envers toutes les puissances neutres. Les assurances que j'ai reçues de Votre Altesse Royale, dans tous les temps, me sont un sûr garant que nous nous entendrons pour faire le plus grand tort à l'Angleterre et la porter à des idées plus modérées et plus saines.


La Malmaison, 19 février 1805

Au prince de la Paix

Mon Cousin, mon aide de camp, le colonel général de mes hussards, Junot, que j'envoie en Portugal, afin de porter le gouvernement de ce pays à se joindre au roi d'Espagne et à moi contre l'Angleterre, vous remettra cette lettre, dont le principal but est de lui faire connaître que j'ai reçu votre dernière, que j'apprécie le sentiment qui vous l'a dictée , quoique l'objet en soit aujourd'hui , en réalité, d'un intérêt secondaire. Mais j'ai désiré vous parler ici même de l'espoir que je fonde sur votre zèle pour la cause commune, et sur votre énergie pour tout faire marcher en Espagne contre nos communs ennemis.

Vous pouvez vous confier entièrement dans le porteur, qui me fera connaître directement, par un courrier extraordinaire, tout ce que vous lui aurez communiqué sur quelque matière que ce soit. Le roi d'Espagne vous ayant confié la direction de la guerre, j'ai chargé le général Junot de s'entendre avec vous; j'espère que vous me ferez connaître positivement tout ce que vous croyez qu'il vous sera possible de faire, et que je ne serai point trompé dans mon attente. Il faut que les forces de Sa Majesté Catholique prennent véritablement de la consistance et un caractère imposant, si nous voulons arriver au but commun d'une paix honorable et sûre; car Sa Majesté Catholique doit être certaine que je n'ai d'autre but que l'intérêt et le bonheur de la génération présente; la dernière démarche que j'ai faite près du gouvernement anglais l'en aura convaincue. 


La Malmaison, 20 février 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

Le ministre de l'intérieur acquittera les lettres de change tirées par le commissaire général d'Alger sur le fonds imprévu de son budget, et écrira au préfet du Liamone pour lui donner l'ordre de répartir les 4,000 francs entre tous les bateaux qui ont été cette année à la pêche au corail. Il prescrira aux agents de la marine, en Corse et en Provence, de ne pas donner cette année de permission de pêcher, sans qu'au préalable on ait payé par bateau ce qui est nécessaire pour solder ces caisses de corail; et, comme le nombre des bateaux varie, on évaluera d'avance la valeur du contingent de chaque bateau.

Chaque patron sera tenu de donner caution pour le payement de son contingent.


La Malmaison, 20 février 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

La cour d'Espagne demande que M. Vanlerberghe, qui doit lui fournir 40,000 quintaux de biscuit pour la marine du Ferrol, ait la permission de les exporter. Cela paraît raisonnable. Le ministre de l'intérieur se fera rendre compte du poids de la ration et du prix, de manière que le trésor public ne profite pas de cette vente, ni le fournisseur non plus, ou du moins que les bénéfices de l'un et de l'autre soient établis dans la même proportion.


La Malmaison, 20 février 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, mon Ministre de l'intérieur, je me rendrai à Milan dans le courant de ventôse. Je m'arrêterai à Troyes, à Dijon, à Macon, à Lyon, à Chambéry, à Turin, à Asti, à Alexandrie. Je verrai dans ces chefs-lieux de département tous les fonctionnaires publics, et spécialement les membres des conseils généraux et des colléges électoraux; ils seront convoqués à cet effet. Je logerai, à Lyon, à l'archevêché; à Turin, je logerai dans mon palais de Stupinigi. Je ferai connaître l'itinéraire que j'arrêterai pour mon retour Il serait possible que je passasse à Bourg, département de l'Ain; mais cela est subordonné aux circonstances.


La Malmaison, 20 février 1805

DÉCISION

Le ministre de la marine propose d'annuler la nomination d'un élève d'administration de la marine. Cette proposition est motivée sur ce que le père de cet employé avait une mauvaise réputation et sur ce qu'un de ses parents avait été au bagne.

Rejeté. Il sera maintenu dans son grade. Les fautes sont personnelles.


La Malmaison, 21 février 1805

Au général Pino

Monsieur Pino, Ministre de la guerre, l'artillerie des places de Mantoue, Peschiera et Legnago ne me paraît pas en bon état; faite dresser l'état de ce qui est nécessaire et de ce qui existe, et proposez-moi d'en armer les fronts, soit avec l'artillerie de la République soit avec tout autre moyen. Elles ne me paraissent pas assez approvisionnées de boulets ni de poudre. Ces objets sont de premier intérêt; portez-y tous vos soins. 


La Malmaison, 21 février 1805

A la reine de Naples

Madame, la lettre de Votre Majesté, datée du 25 janvier, m'a été remise par M. le marquis de Gallo, dans une audience particulière que je lui ai accordée au moment même où il m'a fait savoir qu'il avait une lettre à me remettre de votre part. Une correspondance directe avec Votre Majesté me serait agréable, même lorsqu'elle ne devrait pas être utile. Vous pardonnerez, Madame, la franchise avec laquelle je serai souvent dans le cas de vous parler. Votre ambassadeur n'a pu qu'être embarrassé quand je lui ai fait connaître la nature des pièces qui sont entre mes mains et qui n'ont pu me laisser aucun doute, il y a plusieurs mois, sur vos dispositions les plus secrètes. Mais Dieu me garde de penser qu'elles ne puissent changer ! Les affections changent, et la raison et les règles d'une véritable politique sont les seules choses qui ne changent jamais. Toutes les personnes qui viennent de Naples, les Français ou les étrangers, s'accordent en ceci, que Votre Majesté ne dissimule pas la haine qu'elle porte à la France. Et même, quoique votre lettre contienne quelques expressions obligeantes pour moi, elle conserve presque toujours les premières impressions de Votre Majesté; et la modération et la justice qu'elle veut bien voir dans mon administration n'ont pas réussi à me concilier entièrement son amitié. Elle me juge sans doute assez bien pour croire que je ne suis pas surpris de ses dispositions, et que la seule chose qui m'étonne, c'est de reconnaître, tous les jours, qu'une reine qui a souvent régné avec succès ne sait pas que le malheur attaché à la condition des rois est d'avoir à dissimuler fréquemment des sentiments que, simples particuliers, ils auraient le plus de peine à maîtriser.

Tout ce que m'a dit M. de Gallo me fait concevoir l'espérance que Votre Majesté prendra d'autres sentiments à notre égard; et, si je puis un jour me vanter d'avoir obtenu ce changement, ce sera une conquête que je tiendrai à honneur, soit par l'estime particulière que je fais de votre personne, soit par le chemin qu'il aura fallu regagner dans votre cœur, qui ne peut cependant être entièrement fermé à une nation dont vous aimez la langue et la littérature, et dont vous avez souvent prisé l'amabilité.

Votre Majesté se plaint d'avoir des troupes françaises dans son royaume. Elle peut se plaindre aussi d'avoir des troupes anglaise dans une de ses provinces. Le séjour des Français est une conséquence du traité de Florence, qui a établi les relations de nos deux États. C'est sans doute un malheur pour elle, mais un malheur indispensable, qu'elle doit considérer comme une suite des événement qui l'avaient précipitée de son trône. J'ai, autant qu'il a dépendu de moi, allégé, ce fardeau. Sur une simple demande, et contre une disposition précise du traité de Florence, j'ai consenti à faire supporter la solde par mon trésor. Si ce premier acte de condescendance m'avait valu quelque confiance, et si j'avais pu penser que 3 ou 4,000 Français fussent en sûreté à Tarente, il n'y a nul doute que je n'eusse réduit mes troupes à ce nombre, car mon intention n'a été que de tenir ce poste avancé dans le Levant, afin de me garantir l'évacuation de Malte et de Corfou par les puissances qui occupent ces îles. Les sentiments de Votre Majesté m'ayant forcé, au contraire, à me méfier toujours davantage des dispositions auxquelles elle pourrait se porter, j'ai dû maintenir cette division assez en force pour n'avoir rien à redouter; et même, si depuis j'ai été obligé de l'augmenter, l'arrivée des troupes russes à Corfou a nécessité cette mesure. Ce n'est certainement pas dans une correspondance directe que je m'amuserai discuter le but de l'arrivée des Russes à Corfou; le patronage de Russie sur Naples, que je me suis plu moi-même à proclamer, était sans inconvénient lorsqu'elle n'avait pas de troupes à portée; mais aujourd'hui il est plus dangereux à Votre Majesté et peut-être il sera plus funeste à votre Maison que la Révolution même. Les approvisionnements du fort Saint-Elme; la direction donnée à différents chefs d'insurrection ; l'affectation d'appeler au service du roi de Naples des hommes étrangers à ce pays, connus par leur haine forcenée pour leur patrie et portant partout leur portefeuille et leur épée, sans laisser de regrets nulle part; l'inconsidération marquée, il y a peu de jours, lorsqu'on apprit que l'escadre de Toulon était partie : tout cela ne démontre-t-il pas que la modération ne préside point aux conseils de Votre Majesté; qu'elle n'apprécie ni les temps ni les hommes; qu'il attire les orages, au lieu de les conjurer ? Est-il donc si difficile rester tranquille, de ménager les puissances, et de ne pas ruiner son peuple pour soulever avec effort un grain de sable à jeter dans la balance du monde? Un secours de 10,000 Napolitains ne serait en effet rien dans la balance des affaires, et cependant il entraînerait le roi dans des guerres, le désignerait aux premiers coups, ruinerait ses finances et troublerait son bonheur. Il règne sans doute encore beaucoup de passions dans les différentes parties de l'Europe; mais, quoi qu'on fasse, le mouvement général des idées est pour la paix; la génération actuelle a besoin de repos , et si cependant la guerre venait à se rallumer, Votre Majesté elle-même, qui fut victime et abandonnée, sentirait que la situation de son royaume, le caractère de son peuple, et en général la position des puissances du second ordre, lui font un besoin de vivre en repos, de s'occuper de prospérité intérieure, et de se ménager, avec toute l'adresse que les circonstances exigent, le moyen de s'éloigner de toutes les tempêtes, car le moindre orage pourrait causer sa ruine et remplir son existence d'amertume.

Votre Majesté trouvera sans doute que ma lettre est pleine de sermons; peut-être même y verra-t-elle des choses désagréables pour elle; mais il lui sera impossible de ne pas reconnaître que, dans mon impartialité et dans la position où je suis, je n'ai d'autre but que sa tranquillité personnelle, celle de sa famille et le repos de son peuple.

Et, en effet, quel intérêt puis-je avoir à bouleverser ses États et à renverser son trône ? La seule chose qui puisse m'importer, c'est que le cabinet soit dirigé par les vrais intérêts du peuple; que la cour donne l'impulsion, et que le roi et la nation prennent pour la France les sentiments qu'ils avaient il y a vingt ans. Voilà, ma Sœur et Cousine, ce que je demande, uniquement et ce qui peut seul assurer la prospérité, la tranquillité, le bonheur des vastes pays qui sont sous votre domination.


La Malmaison, 21 février 1805

DÉCISION

Le ministre de la marine demande à l'Empereur l'autorisation de disposer extraordinairement d'une somme de 12,000 francs à prendre sur la caisse des Invalides, pour être distribuée, sur la proposition du préfet maritime de Brest, entre ceux des ouvriers indigents de ce port qui sont licenciés.

Approuvé la disposition de 50,000 francs pour cet objet à prendre sur la caisse des Invalides. Le ministre prendra des mesures pour donner de l'emploi à ces ouvriers. Il faut construire : si ce n'est à Brest, il faut que ce soit où il y a des bois, à Nantes, à Rochefort, au Havre. Le licenciement est impolitique et l'origine de grands désordres.


La Malmaison, 22 février 1805

DÉCISION

Le ministre de l'intérieur présente un rapport sur les dépenses à faire pour les réparations de Saint-Denis et l'achèvement du Panthéon.

Le ministre de l'intérieur fera réparer Saint-Denis.

DÉCISION

M. Cretet présente un rapport sur les dépenses et l'état des travaux de la route du Simplon.

Mon intention est qu'au ler frimaire prochain un équipage d'artillerie et toutes les voitures composant les bagages d'une armé puissent passer le Simplon sans dételer. M. Cretet me fera un rapport qui me fasse connaître les sommes qui seraient nécessaire par mois pour remplir ce but, tant à fournir par le trésor de Paris que par celui de Milan, et le nombre d'hommes nécessaires pour accélérer ces travaux. 
Je désire également que la route du Mont-Cenis soit finie le plus promptement possible; la saison doit permettre dès à présent d'y travailler.


La Malmaison, 23 février 1805

A M. Lebrun, architrésorier de l'Empire

Mon Cousin, je vous envoie les comptes de l'administration de l'Opéra de l'an XII. Faites venir M. de Luçay, et faites-lui rédiger sous vos yeux le budget pour l'an XIII. Donnez-lui la division de chapitres, car je le crois hors d'état d'établir seul ce compte.  


La Malmaison, 23 février 1805

A M. Maret, secrétaire d'État

Écrivez à tous les ministres une circulaire pour les prévenir que le Ier ventôse il y aura un grand conseil d'administration des finances. Chaque ministre portera à ce conseil un état en forme de livret contenant autant de feuilles qu'il y a de chapitres dans son budget. Les objets suivants feront la matière de cet état : 1° le crédit accordé par le chapitre de l'année; 2° ce que le ministre a ordonnancé chaque mois; 3° à quoi se monte juste le service liquidé du premier trimestre; 4° à quoi se monte le service présumé du second trimestre, ce qui établira la balance de ce qui sera dû. Il y aura dans chaque chapitre un raisonnement qui fera connaître les bases des revues, des rations, et le prix de chaque objet. Le ministre du trésor public portera à ce conseil le crédit de chaque ministère par chapitres. Il portera aussi l'état, au 1er ventôse, de tous les exercices et de tous les crédits, afin qu'il puisse être pris un parti pour la distribution de ce qui peut rester de fonds de réserve des différents exercices.


La Malmaison, 23 février 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, mon Ministre de l'intérieur, depuis l'an VIII j'ai fait chaque année des fonds pour l'extraordinaire de l'intérieur, destinés aux routes, canaux, ponts, ports et autres grands travaux des ponts et chaussées. Je désire que vous me mettiez sous les yeux le compte de tous les fonds qui ont été mis à votre disposition pour cet objet dans les années VIII, IX, X, Xi, XII; ce que vous avez dépensé pour chaque port, pont, canal, etc. ; la portion des travaux qui a été faite avec ces fonds; ce que vous ferez avec ce qui vous reste de crédit au trésor public, et ce qu'il vous faudrait pour achever les ouvrages commencés; enfin ce qui vous a été accordé en l'an XIII. Comme ce travail est un ouvrage de quelques jours, je désire en avoir d'abord la partie qui concerne les ports et autres travaux des côtes, parce que je suis bien aise de prendre des mesures pour porter sur ces points une plus grande masse de travaux que je ne l'avais d'abord arrêté, afin de donner du travail au peuple et de soulager la misère des côtes.


La Malmaison, 23 février 1805

Au général Junot

Monsieur le Général Junot, mon Aide de camp, Colonel général de mes hussards et mon Ambassadeur en Portugal, vous vous rendrez en toute diligence à Madrid. Vous remettrez les lettres ci-jointes au roi d'Espagne et au prince de la Paix.

Vous direz au roi que je compte sur toute l'énergie de l'Espagne pour m'aider à rétablir enfin l'équilibre des mers; que je connais trop son caractère élevé pour douter des efforts qu'il fera pour venger l'honneur espagnol si violemment outragé. Vous parlerez dans le même sens à la reine, et vous lui direz de plus que je vous ai spécialement chargé de lui faire connaître que je compte sur elle pour presser l'exécution des mesures à prendre pour que les flottes espagnoles soient équipées et qu'on ne manque point d'argent, car c'est le seul moyen d'avoir des matelots et d'approvisionner les arsenaux; que j'ai les yeux sur la conduite de l'Espagne, comme toute l'Europe a les yeux sur elle, pour savoir ce qu'elle fera dans un moment si décisif pour l'honneur et la dignité de sa couronne. Vous direz à la reine ces propres mots : 

La dernière fois que j'ai vu l'Empereur, il m'a dit : « Dites à la reine que j'apprends que la flotte de Cadix manque d'argent, et, faute de ce nerf, tout rentre ici dans les ports.

C'est à elle à donner l'exemple, à faire des sacrifices, et à exiger qu'on en fasse, pour sauver le pavillon et l'honneur castillans.

Vous vous exprimerez ainsi avec les grands et les chefs du clergé.

Vous verrez plusieurs fois le prince de la Paix; vous lui direz que j'ai confiance en lui; que j'ai vu avec plaisir qu'il a montré de l'énergie; que je crois qu'il a de la bonne volonté; que je suis revenu de tous les préjugés qu'on avait voulu me donner contre lui, et que je vois qu'il a plus d'énergie que le reste de la cour et des grands; que je le soutiendrai et le seconderai de toute mon autorité; que j'attends de lui une seule chose, que les flottes espagnoles soient prêtes pour les grandes expéditions que je médite; mais que, pour cela, il faut de l'argent; que ce n'est qu'avec de l'argent qu'il aura des matelots et des armements; que je vois avec peine qu'il n'y en a pas au Ferrol et à Cadix; que j'ai moi-même, deux fois par semaine, des rapports de mes agents de ces deux ports; que je vois que tout languit encore, et que, lorsque vous êtes parti, au ler ventôse, je venais de recevoir l'avis de l'emprunt de fonds qu'on faisait aux négociants de Cadix; que l'Espagne a des ressources immenses; que ce n'est qu'en couvrant d'or Cadix, le Ferrol et Carthagène, qu'on chassera la peste et la famine et qu'on surmontera tous les obstacles.

MM. les ministres des relations extérieures et de la marine vous remettront une copie du traité passé entre M. de Gravina et ce dernier.

Vous direz au prince de la Paix que je crains, d'après les renseignements que j'ai reçus, que l'Espagne ne soit pas prête; mais que j'exige de lui qu'il prenne des mesures efficaces pour qu'il y ait, du 20 au 30 mars, 6 vaisseaux de ligne et 2 ou 3 frégates à Cadix, sous les ordres de l'amiral Gravina, et 6 vaisseaux et 2 ou 3 frégates au Ferrol, sous les ordres d'un amiral sûr; que ces escadres soient approvisionnées pour sept mois et aient leurs équipages complets, plus 150 soldats à bord de chaque vaisseau, c'est-à-dire un millier d'hommes sur chaque escadre, tous d'infanterie, c'est-à-dire de troupes de débarquement; que des escadres françaises se présenteront devant ces ports et les débloqueront, et qu'au moment où l'Aigle joindra l'escadre française, l'amiral Gravina, sans perdre une heure, s'y joigne aussi de même, et qu'au moment où mon escadre du Ferrol joindra l'escadre qui débloquera le Ferrol, l'escadre espagnole la joigne aussi, mais sans une heure de retard; que si, après m'avoir promis que cela sera fait, cela ne l'était pas, mes opérations seraient compromises, et il s'attirerait autant de haine et de mépris qu'il s'acquerra d'estime en se conduisant différemment; que, quant aux vivres, les vaisseaux doivent avoir leurs quatre mois d'eau et être approvisionnés de six mois de vivres en tous les objets que fournit l'Espagne; qu'il faut le plus de biscuit possible, mais que, quant à ce qui pourrait en manquer, les autres vaisseaux de mes escadres y pourvoiraient; qu'il faut en avoir cependant au moins pour six semaines, pour vivre en cas de séparation, et jusqu'à ce que les vaisseaux aient pu faire les revirements, car mon intention n'est pas que mes escadres entrent ni à Cadix ni au Ferrol; la jonction devra se faire étant à la voile; qu'il est nécessaire qu'il m'écrive une lettre dans laquelle ces dispositions seront contenues, et où il promette personnellement que tout sera prêt; que tout peut l'être au Ferrol s'il y a des matelots; que, pour avoir des matelots, il faut de l'argent; qu'il expédie donc des millions en poste; que c'est ainsi que j'ai créé des escadres et des flottilles.

Vous direz au prince de la Paix que vos instructions portent que vous devez essayer pendant quinze jours les moyens de négociations et de douceur, et que, si le Portugal se refuse à fermer ses ports à l'Angleterre, à mettre embargo sur les bâtiments anglais, à confisquer les marchandises anglaises, les deux ambassadeurs doivent partir simultanément; la guerre sera déclarée immédiatement au Portugal, et les propriétés et biens appartenant au Portugal seront immédiatement confisqués dans les deux États; qu'alors je fournirai, avant l'automne, les forces que l'Espagne voudra, et nous nous emparerons du Portugal.

Ajoutez à tout ceci qu'il est nécessaire que le roi d'Espagne, cinq jours après votre arrivée à Lisbonne, écrive une lettre au prince régent pour lui demander de faire cause commune avec la France et l'Espagne contre l'Angleterre.

Si la guerre avait lieu, vous êtes autorisé à vous entendre avec lui sur la destinée future du Portugal et sur ce qu'il conviendra d'en faire.

Après des objets d'une aussi haute importance, vous direz au prince de la Paix que je désire avoir un mémoire et des plans sur la Trinité, qui doivent exister dans les archives de l'Espagne, sur les moyens de s'en emparer. Cette expédition ne pourrait se faire qu'en septembre, après l'expédition dont il est question ci-dessus.

Vous lui direz aussi que le roi de Prusse m'a envoyé douze grands cordons de l'Aigle prussienne, pour distribuer aux personnes les plus considérables de France; que je verrais avec plaisir que le roi d'Espagne, de son propre mouvement, fit la même chose pour l'ordre de la Toison d'or; que vous êtes autorisé à vous entendre avec lui sur cet objet; que l'échange aurait lieu entre les deux souverains, et que j'enverrais la grande décoration de la Légion d'honneur pour le roi et les princes.

Vous lui direz que je vois avec plaisir les communications de M. Lacépède avec son agent à Paris, et que je vous ai chargé d'entendre tout ce qu'il aurait à me faire dire, soit personnel, soit dans l'intérêt de l'Espagne.

Vous lui laisserez entendre que, si tout marche comme j'ai lieu d'espérer, et qu'un concert parfait règne entre nous, il peut compter à jamais sur mon appui, et que, s'il lui prend envie de venir à Paris, il y jouira de beaucoup de considération; que je vous ai chargé, quoique à Lisbonne, de me transmettre ce qu'il aurait à me communiquer qui ne pourrait passer par mon ministre Beurnonville ou par les canaux ordinaires. Vous lui laisserez entrevoir que Beurnonville, qui jouit de ma confiance pour les affaires générales, ne l'a pas pour les affaires plus intimes. Enfin vous écouterez toutes ses communications, de quelque nature qu'elles puissent être; vous écrirez tout et me rendrez compte de tout.

Quand tout sera entamé et que vous commencerez à être intimes, dans la quatrième on cinquième conférence, vous glisserez quelque chose sur le sort futur de l'Espagne, et lui laisserez entrevoir combien l'influence de la fille de l'Autrichienne de Naples serait contraire à l'Espagne, si le roi d'Espagne mourait.

Vous resterez huit jours en Espagne, vous m'expédierez un courrier. Vous ne laisserez point voir au général Beurnonville que vous êtes chargé d'aucune communication auprès du prince de la Paix, et vous ne remettrez ma lettre au roi d'Espagne que par le prince de la Paix. Du reste, vous serez poli avec lui et bon camarade, sans cependant lui laisser prendre sur vous aucun empire ni aucune espèce de ton. Si les dépêches que vous m'expédierez exigent réponse, je vous répondrai, et vous direz au prince de la Paix que vous serez chargé de lui faire connaître ma réponse de Lisbonne.

Vous ajouterez au prince de la Paix que j'ai le projet de lui faire un présent pour lui montrer mon estime; que j'attends que les escadres espagnoles aient fait quelque chose pour lui en attribuer la gloire et lui donner un témoignage public de mon estime.


La Malmaison, 23 février 1805

Au roi d'Espagne

Monsieur mon Frère, mon aide de camp, colonel général de mes hussards et mon ambassadeur en Portugal, le général Junot, remettra cette lettre au moment où il fera sa cour à Votre Majesté. J'ai voulu profiter de cette circonstance pour rappeler à son souvenir les grands intérêts qui nous occupent dans ce moment. Votre Majesté aura vu ce que j'ai fait auprès du roi d'Angleterre pour donner le repos à toute la génération actuelle, qui en a besoin. Mais ils veulent se battre; ils se fient sur la supériorité de leur marine; ils se repentiront de nous pousser à bout. Il ne nous reste plus qu'à nous reposer sur l'aide de Dieu, notre bon droit et sur la bravoure de nos armées. Votre Majesté tenant ce qu'elle a promis, je lui réponds que nous ferons repentir ces dominateurs de la mer. Que Votre Majesté prenne des mesures énergiques, fasse envoyer des secours abondants en argent dans ses ports; c'est le nerf de la guerre, c'est le seul moyen de lever tous les obstacles, surtout dans la partie de la marine. Votre Majesté sentira la nécessité de forcer le Portugal à faire cause commune avec nous. La perte du commerce de Lisbonne forcera les Anglais à prendre enfin un parti.


La Malmaison, 23 février 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, mon intention est que désormais vous me présentiez votre travail le dernier mercredi de chaque mois. A chaque nomination, on me fera connaître les emplois vacants. On ne proposera au grade de chef d'escadron ou de bataillon aucun sujet qui n'ait huit ans de service comme officier et ne soit capitaine depuis l'an VIII. On ne proposera pour capitaines que des officiers ayant au moins huit ans de service et quatre ans de grade de lieutenant. Nul ne sera proposé pour lieutenant s'il n'a quatre ans de grade de sous-lieutenant à dater du moment de son arrivée au corps. Aucun sergent ou maréchal des logis ne pourra être présenté pour sous-lieutenant s'il n'a six ans de service et quatre ans de grade, à moins qu'il ne sorte de l'école militaire de Fontainebleau ou du prytanée de Saint-Cyr. Les nominations d'officiers généraux et de colonels n'auront lieu que deux fois par an, le dernier mercredi de ventôse et le dernier mercredi de fructidor. On me fera connaître les services des officiers présentés. On aura soin que les officiers de la ligne n'éprouvent point de passe-droit, et ces propositions me seront faites, non sur des demandes particulières, mais sur les services comparés de chacun. Aucun aide de camp du grade de lieutenant ne pourra obtenir d'avancement s'il n'a fait, pendant deux ans, le service de son grade dans un régiment. Quand un officier sera proposé pour le grade de major ou de colonel, il ne recevra son brevet qu'après m'avoir été présenté et avoir commandé les manœuvres à la parade. Vous tiendrez strictement la main à l'exécution de ces dispositions.


La Malmaison, 23 février 1805

Au maréchal Berthier

La légion italienne, qui est à l'île d'Elbe, est composée de trois bataillons et ne forme cependant que 1,500 hommes. Mon intention est qu'elle soit formée à deux bataillons. On choisira les meilleurs officiers; les autres seront supprimés, et les compagnies seront portées au complet du grand pied de guerre.

Le bataillon franc de l'île d'Elbe a deux bataillons et cependant ne forme que 750 hommes; mon intention est qu'il n'en soit formé qu'un bataillon de cinq compagnies, que les meilleurs officiers soient maintenus et les autres licenciés, et les compagnies au grand complet de guerre.

Vous me ferez un rapport sur l'état actuel des cinq bataillons corses et sur la manière dont ils sont payés et entretenus, et un projet tel qu'avec la force actuelle des bataillons chaque compagnie ait au moins 110 soldats.

Rapport sur le bataillon qui s'organise sous le nom de légion du Midi. Mon intention est qu'on ne procède à de nouvelles compagnies qu'autant que les compagnies seront au grand complet de guerre.


La Malmaison, 23 février 1805

DÉCISION

M. de Clermont-Tonnerre, évêque, demande s'il doit retourner en Italie lorsque Sa Sainteté partira. Il désirerait être attaché à la personne de Sa Majesté.

Je désire que le ministre des cultes me fasse un rapport sur le mérite de ce prélat et sur ce qu'il serait possible d'en faire.

DÉCISION

Le ministre de la guerre propose de réformer avec traitement le capitaine Estienne du 12e régiment de chasseurs. 

Le réprimander et lui défendre  de boire.


La Malmaison, 23 février 1805

Au vice-amiral Decrès

Nous sommes au sixième mois de l'année, et aucune des constructions prescrites par votre budget n'ont encore eu lieu. Au ler vendémiaire il y avait à Anvers, 5 vaisseaux en construction; il n'y en a encore que 5. Par votre budget, vous devez, dans le courant de, l'année, en avoir 8; mon intention est que le sixième soit mis sur le chantier dans le courant de germinal, le septième en floréal, et le huitième en thermidor. Vous devez mettre en construction un vaisseau à Saint-Malo; mon intention est qu'il y soit en germinal, et, en cas de trop d'obstacles, le faire remplacer par une frégate du modèle de l'Égyptienne, portant du canon de 24.

On devait mettre à Rochefort le Triomphant et un vaisseau de 110, aucun n'est encore sur le chantier; mon intention est que le premier y soit en germinal, et le deuxième en floréal. Enfin on devait mettre à Toulon un vaisseau de 110 ; mon intention est qu'il y soit au plus tard en floréal. Prenez des mesures pour que ces différentes dispositions soient suivies, afin de remplir le but de votre budget.

Les constructions portées à votre budget ne sont point suffisantes pour subvenir aux pertes que nous pouvons éprouver, et aussi pour donner de l'occupation et du travail aux ouvriers qui se trouvent sur les différents points de la côte, et qui, faute de ces secours, seraient plongés dans la plus profonde misère. Mon intention est donc qu'il soit mis à Lorient, avant le ler thermidor, un second vaisseau de 80; à Toulon, un vaisseau de 80, pour remplacer le Pluton; 3 frégates au Havre, toutes du modèle de l'Égyptienneet portant du canon de 24; la première sera mise sur le chantier en germinal, la deuxième en floréal, et la troisième en prairial. Vous mettrez également à Nantes une frégate comme l'Égyptienne, portant du 24.

Vous ferez mettre 8 flûtes de 800 tonneaux, d'un modèle régulier, en construction dans les ports de Saint-Valery-sur-Somme, Dieppe, Fécamp, Honfleur et Granville, et, dans la Méditerranée, 4 flûtes de la force de la Nourrice dans les ports de la Ciotat, Saint-Tropez ou Marseille; et, pour subvenir à cette dépense extraordinaire de construction, qui n'est point comprise dans votre budget, je vous donne un crédit d'un supplément de deux millions, dont vous ne pourrez disposer que pour ce supplément de constructions. Je n'ai pas besoin de vous faire connaître toute l'importance des mesures que je vous prescris et auxquelles je me suis décidé, non-seulement pour le bien de la marine, mais aussi pour le soulagement des ouvriers des côtes, dont la misère devient tous les jours plus considérable.


La Malmaison, 24 février 1805

Au général Caulaincourt, grand-écuyer

Mon intention est que désormais mes voyages ne soient pas à charge au trésor public. Tous les mouvements de chevaux et frais de tournée seront soldés par mon trésorier, sur les fonds qui vous son accordés par le budget. Mon voyage et celui de l'Impératrice dans la Belgique m'a coûté 400,000 francs pour les mouvements de chevaux, les frais de poste non compris. Cela provient des mauvaises dispositions qui ont été prises. Faites-moi un rapport sur les mouvements de chevaux nécessaires pour mon voyage de Milan. Joignez-y le bordereau de cette dépense. Faites en même temps un règlement très-sévère, qui porte le plus d'ordre et le plus d'économie possible dans ce genre de dépense, qui deviendrait très-considérable, puisque mon intention est de faire de grands voyages tous les ans. En marchant par plusieurs convois et en faisant suivre des routes différentes, on doit trouver moyen de diminuer considérablement ces frais. Il ne faut pas faire comme pour le voyage de la Belgique, où l'on a attiré des chevaux de Paris à Mayence. Je désire que vous me présentiez sur tous ces objets un rapport très-détaillé.

Mon intention est qu'on ne se serve plus de chevaux de poste pour les voyages de Fontainebleau, de Compiègne, de Saint-Cloud et de la Malmaison. Mon dernier voyage de Fontainebleau a coûté plus de 24,000 francs en mouvements; des chevaux d'écurie auraient bien pu y pourvoir.


La Malmaison, 24 février 1805

NOTES POUR LE MINISTRE DES FINANCES

(La minute de ces notes est accompagnée d'une lettre d'envoi ainsi conçue : J'ai l'honneur, Monsieur, d'adresser à Votre Excellence les minutes de lettres que Sa Majesté a dictées et qu'elle m'a chargé de vous transmettre en vous invitant à y porter la même attention que si elles étaient revêtues de sa signature. - Le secrétaire d'État, H. B. Maret)

I

J'ai vu le rapport que vous a fait le directeur général de l'enregistrement sur les ventes de domaines nationaux pendant le mois de nivôse dernier. Je remarque que les départements de la Roër, de la Sarre, de Rhin-et-Moselle et du Mont-Tonnerre figurent dans l'état pour des sommes fort inférieures à ce qu'elles devraient être. Je désire aussi savoir si les biens de l'association de Heidelberg sont mis en vente.

Je vois avec surprise, et je vous prie d'en témoigner mon mécontentement, qu'on ne procède pas encore à la vente des domaines nationaux du Piémont. Pourquoi la loi proclamée depuis plus d'un an n'est-elle pas encore exécutée ? C'est au ministre des finances à lever tous les obstacles, puisque c'est lui seul qui connaît l'intérêt du trésor public à sa prompte exécution.

II

Les octrois ont produit, dans l'an XII, 45 millions. La retenue ordonnée en l'an XI pour le pain de soupe des sous-officiers et soldats, à raison de cinq pour cent du produit net, devait monter à plusieurs millions; les versements devaient se faire par douzième par mois. Cependant il n'y a presque pas eu de rentrées au trésor public. Je désire que vous me fassiez connaître, lors de votre prochain travail, combien cet octroi devait pour cette retenue, combien il a payé , et combien il doit encore; et que vous preniez des mesures pour qu'au ler germinal tout l'an XII soit soldé, et les six premiers mois de l'an XIII mis au courant.

Je n'entendrai à aucune modification à ces dispositions, et je désire qu'elles soient exécutées sans aucun délai.

Les octrois méritent en général toute votre sollicitude : les frais perception sont trop chers; des dilapidations scandaleuses ont excité l'indignation dans plusieurs villes; dans d'autres, on a taxé non les consommations, mais les matières premières et des objets de commerce, et établi de la sorte des entraves qui feraient rentrer notre industrie dans la barbarie.

Adressez aux préfets une circulaire pour leur rappeler que c'est à eux à recueillir les réclamations de l'opprimé, et, lorsqu'ils sont éveillés par elles, à concilier tous les intérêts avec l'avantage des communes; que la responsabilité d'un administrateur doit être matériellement à couvert lorsque les formes sont remplies, mais qui reste encore un devoir aux préfets et sous-préfets, c'est de déjouer toutes les petites manœuvres de l'intérêt particulier.

Du reste, le rapport qui vous est fait ne répond point aux plaintes. Ce n'est pas l'administration de Paris qu'on accuse; mais on a souvent mis à la tête des octrois des hommes d'une moralité suspecte. Une surveillance ordinaire ne suffit pas, et il faut prendre les dénonciations en considération.

Dans un État comme la France, toutes les mesures sévères doivent partir du centre, parce que le gouvernement est au-dessus de toutes les influences de la cupidité particulière.

Je ne veux pas cependant méconnaître que le directeur général des octrois n'ait fait beaucoup de choses. Mais, en administration, mon principe est qu'il n'y a aucun éloge à donner tant qu'il reste beaucoup à faire.

J'approuve que l'on attendre encore plusieurs années avant de songer à réunir les octrois à une régie générale des droits réunis.

Vous me présenterez un projet sur la mesure proposée d'éloigner de Paris les magasins de vin et d'eau-de-vie, puisque vous supposez qu'il en résulterait une augmentation de quatre millions dans les produits de l'octroi de cette capitale.

J'ai également lu avec attention le rapport sur l'octroi de Marseille. Le conseiller d'État Français, que j'ai envoyé en mission à Marseille, il y a deux ans, y a mérité l'estime des habitants; mais il a dû se convaincre plus que personne des abus nombreux qui existent dans les départements éloignés de la capitale.

Je ne conçois pas comment on aurait supposé que le fermier de l'octroi est employé dans les droits réunis, sinon comme directeur, du moins comme inspecteur.

Les préfets doivent avoir sans doute la haute main sur les octrois; mais les adjudications ne devraient-elles pas être faites par les maires ? En effet, à qui se plaindre, s'il y a de la fraude ? Je désire connaître quel usage on a suivi de tout temps sur cette matière.

III

Les dépenses occasionnées par mes voyages, les frais de poste non compris, me paraissent extrêmement fortes : cela tient à plusieurs causes. Les mouvements de chevaux ne devraient être faits qu'après avoir été ordonnés par vous, en conséquence des ordres que vous auriez reçus de moi, et de la connaissance positive qui vous aurait été donnée de mon itinéraire. Ces formes n'ont point été suivies, et, faute de notions exactes sur le moment du départ, on a fait très-souvent des mouvements inutiles, qui ont occasionné des dépenses considérables.

Les princes et les princesses n'ont pas assez de train pour qu'il soit nécessaire de faire pour eux des mouvements de relais. Il en est de même du vice-président de la République italienne. Non-seulement aucun mouvement ne doit être fait soit pour mes voyages, soit pour ceux d'aucune autre personne, sans un ordre de moi, mais encore sans qu'on ait remis au grand écuyer l'état des dépenses qui en résulteront. C'est parce qu'on croit qu'il n'en coûte rien qu'on se décide légèrement à des dépenses qui se trouvent excessives.

Désormais tous ces frais seront supportés par la liste civile, et M. le grand écuyer y pourvoira sur le crédit qui lui est ouvert. Quant aux dépenses qui ont eu lieu jusqu'à ce jour, faites-en faire l'avance par la caisse des postes, pour que le payement des maîtres de poste n'éprouve point de retard. On régularisera ensuite cette dépense lorsqu'on s'occupera du budget.


La Malmaison, 24 février 1805

A M. Barbé-Marbois

Je vous prie de m'apporter, au conseil du 15, l'état des obligations de l'exercice an XIII sorties pour nantissement du traité de l'Espagne, et de celles qui seront rentrées au trésor le 10 ventôse. Mon intention est, je ne puis que le réitérer, que toutes ces obligations rentrent, puisque les fournisseurs se sont arrangés avec l'Espagne aux conditions les plus avantageuses.


La Malmaison, 24 février 1805

A M. Lacépède

Je désire note des renseignements ci-joints :

L'Empereur a appris avec plaisir, par la lettre du 28 pluviôse, qu'il commence à y avoir du mouvement à Cadix et au Ferrol; il y a envoyé un courrier et espère apprendre que 5 vaisseaux sont dans cette rade. Cependant on se plaignait du manque d'argent à Cadix; il n'y avait encore que 2 vaisseaux en rade; il espère à présent qu'il y en aura 5. Voilà la saison des grandes opérations; l'été, rien ni pourra sortir; les ordres ont été donnés aux escadres de France. J'a chargé Junot de demander que des ordres soient envoyés au Ferrol et à Cadix pour que ces vaisseaux suivent la destination à Cadix et au Ferrol; de grandes opérations se méditent ici. Il faut donc que sans perdre un moment, les Espagnols à Cadix et au Ferrol aient ordre de se joindre à l'escadre française. Le résultat serait à la satisfaction commune. Si, au moment où le prince de la Paix lira cette note, il n'avait pas encore envoyé les ordres, qu'il les envoie par courrier. Tout a été prévu; il serait fâcheux que la moindre hésitation à Madrid donnât à ce prince le regret de n'avoir pas coopéré de grandes opérations.


La Malmaison, 24 février 1805

Au vice-amiral Decrès

Je désire avoir un mémoire sur la question de refonte des vaisseaux, frégates, bricks et flûtes. La quantité de bois de toute espèce, de matières et d'argent qu'on emploie dans une refonte, équivaut aux trois quarts de la valeur d'un bâtiment; n'équivaudrait-elle qu'à la moitié, c'est perdre du temps, de la matière et de l'argent, pour avoir un vaisseau imparfait et que l'expérience prouve souvent n'être d'aucun service. Qu'on radoube les vaisseaux, qu'on classe ceux qui ne sont propres qu'à une campagne d'été, ceux qui ne le sont qu'à une campagne d'un ou deux mois , cela est dans l'ordre des choses. Mais beaucoup de bons esprits pensent que, quand une refonte conduirait à employer la moitié de la matière d'un bâtiment neuf, il faut y renoncer, et qu'il vaut mieux avoir un vaisseau neuf que deux refondus. Je pense donc qu'un décret sur cet objet serait nécessaire, non-seulement pour nous donner de l'économie, mais même pour nous faire arriver à avoir une marine.

Si l'on calcule ce qu'une frégate comme la Thétis coûtera de refonte, on sentira facilement le poids de ces observations. Elle coûtera peut-être les trois quarts et ne sera que d'un service incertain et de peu d'années.


La Malmaison, 25 février 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, mon Ministre de l'intérieur, la route d'Alexandrie à Turin n'est pas achevée : il y a deux lieues à faire; j'avais déjà ordonné qu'on s'en occupât. Je désire connaître où en sont ces travaux et ce qu'il sera possible de faire cette année.


La Malmaison, 26 février 1805

DÉCISION

Il est présenté une demande de gratification de Bacler d'Albe

J'avais remis à M. Denon un projet qui aurait donné beaucoup de travail à M. d'Albe, et lui aurait fourni les moyens d'utiliser ses talents et son savoir; je désire que ce projet soit mis en exécution.


 La Malmaison, 26 février 1805

Au maréchal Berthier

Je vous ai accordé un supplément de fonds de deux millions, que mon intention est que vous employiez aux travaux d'Alexandrie, indépendamment des fonds affectés par votre budget. Par ce moyen on dépenserait, cette campagne, à Alexandrie, près de cinq millions, de manière qu'elle eût acquis un certain degré de défense. Il est d'une grande importance que Marescot parte sous huit ou dix jours et y séjourne jusqu'à mon arrivée, afin d'inspecter les travaux et les  projets avec la plus grande attention, et pouvoir, de concert avec Chasseloup, prendre à mon passage le parti que pourraient exiger les circonstances.

Faites-moi connaître, au conseil du 15, la situation de la caisse d'Alexandrie. Prenez des mesures pour que, toute la campagne, l'argent y soit abondant; que les travaux soient poussés avec la plus grande rapidité.

Il faudrait avoir des armes à la salle d'armes d'Alexandrie; il y en a fort peu en Italie. Il faudrait prendre des mesures pour en faire arriver de la manière la plus économique. Faites-moi connaître s'il serait possible d'en placer 60,000 : 20,000 à Briançon, 20,000 à Fenestrelle, et 20,000 à Alexandrie, et d'où vous pourrez tirer 60,000 fusils; ce que coûterait le transport; cela ne serait pas pressé et serait suffisant dans le courant de l'été; ce qui, avec 20 ou 30,000 fusils à Grenoble, mettrait à l'abri de tout événement, pour une campagne, tout le service d'Italie. J'ai, il y a deux ans, prescrit différentes mesures pour que toute l'artillerie soit concentrée à Alexandrie et à la citadelle de Turin ; faites-les-moi remettre sous les yeux, et rendez-moi compte de leur exécution. Écrivez aux directeurs d'artillerie pour que ce qui aurait été négligé soit fait. A mon passage, je serais fâché de voir que mes ordres n'ont pas été exécutés.


Paris, 27 février 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

Dans la nécessité de donner de l'ouvrage aux habitants des côtes, et le budget des travaux pour les ports étant de 1,300,000 francs, je désire y joindre deux millions sur les fonds de réserve, ce qui les portera à 3,300,000 francs; le ministre de la marine y joindra un million , ce qui les portera à 4,300,000 francs. Il faudra répartir ces fonds sur les côtes de la manière la plus avantageuse, mais en donnant une attention particulière aux côtes de Bretagne et de Normandie, dont les habitants, plus gênés par les croiseurs anglais, paraissent être ceux qui ont le plus souffert de la guerre. Et c'est à cet effet que j'ai demandé au ministre de l'intérieur le rapport des crédits qui lui ont été ouverts, de ce qu'il lui reste à payer, de ce n'il a dépensé, et s'il lui est encore beaucoup dû sur ce chapitre; je suis très-disposé à en accélérer le payement.


Paris, 27 février 1805

Au cardinal Fesch

Monsieur mon Oncle et Cousin, la députation du Liamone m'a fait plusieurs demandes pour la ville d'Ajaccio : je désire savoir quels travaux y ont été déjà faits, et ce qu'il serait nécessaire d'y faire. J'ai ordonné que les députés qui ne touchent aucun traitement de l'État reçussent sur mon trésor, par ordonnance de mon intendant général, 3,000 francs pour leurs frais de voyage. 


Paris, 27 février 1805

NOTES POUR LE MINISTRE DES FINANCES

PREMIÈRE NOTE

Le ministre est invité à proposer un projet de décret sur les bases ci-après :

1° l'administration du Prytanée remettra, avant le ler germinal, l'état des biens de cet établissement, divisés par départements, et avec les renseignements sur ce que chaque espèce de biens aura produit chaque année.
2° Le directeur général de l'enregistrement enverra ces états aux préfets, pour que les ventes commencent aussitôt, à dater du ler germinal.
  Les revenus du Prytanée seront versés à la caisse d'amortissement.
3° Le montant des ventes sera versé à la caisse d'amortissement pour être employé, sur l'autorisation du ministre de l'intérieur, en rentes à cinq pour cent.
4° Le ministre des finances fera connaître, dans la première quinzaine de germinal, quels sont les bois qui doivent être vendus, et quels sont ceux qu'il convient de réunir aux forêts nationales. Il proposera à l'égard de ceux-ci les mesures à prendre pour en donner l'équivalent.

DEUXIÈME NOTE

Le ministre des finances se concertera avec le grand chancelier de la Légion d'honneur au sujet de ceux des biens de la Légion qui doivent être mis en vente, en exécution de la nouvelle loi. Sa Majesté accordera, samedi prochain, au ministre et au grand chancelier, une heure pour le travail à faire à cet égard. L'intention est, en général, de vendre tous les immeubles, à l'exception d'un capital de 1,00,000 francs par cohorte. Les bois seront spécialement compris dans cette réserve. 

Le ministre se concertera également avec le chancelier du Sénat pour la vente des biens, en exécution du nouveau sénatus-consulte. Il convient particulièrement que les biens affectés au Sénat, dans les quatre départements réunis, soient vendus sans délai. Le ministre fera remarquer que Sa Majesté est dirigée à cet égard par des vues politiques et par l'impossibilité de laisser subsister une mainmorte aussi considérable dans les nouveaux départements. Il aidera le chancelier du Sénat pour les travaux préparatoires, afin qu'il soit possible de tenir, avant le 15 de ce mois, un grand conseil d'administration pour cet objet.

Enfin il convient de prendre toutes les mesures nécessaires pour pousser les ventes aussi rapidement qu'il sera possible, en évitant toutefois que la multitude des ventes ne fasse baisser les prix.

Le ministre portera une attention particulière à la vente des biens de l'administration de Heidelberg, attendu qu'il y a dans le pays des intérêts particuliers qui tendent à y mettre obstacle.

Dans les états que le ministre remet chaque mois, on distinguera les ventes des départements réunis de l'administration de Heidelberg, de la dotation du Sénat, de celle de la Légion d'honneur et des biens du Prytanée.


Paris, 27 février 1805

NOTE POUR LES MINISTRES DE LA GUERRE ET DE L'ADMINISTRATION DE LA GUERRE

Le 3e bataillon du 18e de ligne, le 3e bataillon du 4e d'infanterie légère et le 4e escadron du 97e de dragons, seront habillés suivant les nouveaux modèles, au plus tard avant le premier dimanche de floréal. On aura soin de rendre la veste plus jolie, afin que l'été le soldat puisse rester sans habit et se trouver encore agréablement vêtu.

Les deux premiers bataillons et les trois premiers escadrons resteront disponibles et habillés en entier suivant l'ancienne ordonnance.


Paris, 27 février 1805

Au maréchal Soult

Mon Cousin, huit jours au plus lard après votre arrivée, je désire que vous me fassiez connaître, par un mémoire très-détaillé, la situation du fort en bois, du bassin et du port de Boulogne, de celui de Wimereux et d'Ambleteuse, et la situation des divisions des différentes ailes de la flottille, et quelle espèce de difficultés on pourrait éprouver pour les mettre à la mer. Faites-moi aussi connaître la situation de tous les magasins de réserve; également la situation de l'artillerie, l'endroit où elle se trouve. Mettez-moi à même de connaître la situation de l'armée, car le temps n'est pas éloigné où nous commencerons enfin nos opérations.


Paris, 28 février 1805

Au maréchal Berthier

Donnez l'ordre au général Nansouty de passer une revue des 9e, 3e, 9e, 10e, 11e et 12e régiments de cuirassiers, et de me faire, après la revue de chaque régiment, un travail afin de mettre promptement ces régiments à même de fournir chacun trois escadrons en campagne, forts de 130 hommes par escadron, officiers non compris, c'est-à-dire plus de 400 hommes par régiment. Sa revue devra être finie avant le 15 germinal.

Donnez ordre également au général Baraguey d'Hilliers de passer la revue des 22e, 25e, 26e, 27e, 28e et 30e régiments de dragons. Mon intention est que ces six régiments soient mis en état de pouvoir fournir trois escadrons de guerre pour entrer en campagne, forts de 220 hommes, dont 120 à cheval et 100 à pied. Il correspondra avec vous à chaque régiment, afin qu'il soit pris des mesures pour les mettre en état de servir. La revue devra être finie avant le 15 germinal, et cet officier général être rendu au camp de Compiègne.

Je vous prie de me faire connaître l'état de situation, en hommes, des trente régiments de dragons, ce qui leur manque au complet du pied de guerre et de paix, et de me proposer une levée sur la réserve de l'an XIII pour compléter ces dragons dans la double hypothèse du pied de guerre et de paix; de me faire connaître les départements où on les lèverait plus facilement et où les hommes seraient plus propres au service des dragons.


Paris, 28 février 1805

Au maréchal Berthier

Le bataillon d'élite du 12e léger ne peut pas être à Belle-Isle-en- Mer, comme le porte votre état; c'est une erreur de bureau.

Savoir quand le 2le léger arrive à Novare.

Les compagnies de grenadiers et de chasseurs d'Arras seront ainsi composées : 2 officiers, 1 sergent-major, 1 caporal-fourrier, 4 sergents, 8 caporaux, 2 tambours, 110 soldats, 2 élèves ayant le rang de sergents, choisis dans le prytanée de Saint-Cyr, âgés de plus de dix-huit ans, qui joindront leur bataillon avant le 1er germinal. La compagnie sera donc de 130 hommes, qui, multipliés par 6, portent le bataillon d'élite à 780 hommes.


Paris, 28 février 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA MARINE

Les quatre millions à fournir par la caisse des Invalides de la marine se composent,

1° De 1,500,000 francs de bénéfices résultant de l'excédant des recettes sur les dépenses de l'an XIII;
2° De 2,500,000 francs provenant de l'acquisition qui sera faite par la caisse d'amortissement d'une quotité de rentes montant de 2 à 300,000 francs, selon le cours. Cette aliénation ne se fera point par une vente de rentes; mais la caisse d'amortissement comptera de ses fonds 2,500,000 francs, et deviendra propriétaire de rentes appartenant à la caisse des Invalides pour la valeur au cours de cette somme.

Le ministre présentera un budget pour l'emploi de ces quatre millions et des deux millions d'extraordinaire qui vont être mis à sa disposition sur ls fonds de réserve. Ce budget sera divisé en deux chapitres intitulés de la manière suivante :

Chapitre Ier. Supplément aux travaux de constructions.

Chapitre II. Supplément aux travaux hydrauliques.