16 -30 Juin 1805


Vérone, 16 juin 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, je vois par votre lettre du 21, huit heures du matin, que 7 vaisseaux et 2 frégates sont devant Rochefort. Je ne vois pas ce que l'amiral Ganteaume pourrait faire. A quoi aboutirait une bataille ? à rien. Faites seulement mettre dans les journaux que les Anglais, ayant appris que l'escadre de Rochefort était arrivée le 18, ont envoyé 8 vaisseaux devant ce port, et qu'ils ont affaibli d'autant leur croisière de Brest; de sorte que, les 18, 19 et 20, elle n'était que de 15 vaisseaux; qu'on ne conçoit pas comment l'escadre française ne profite pas de cette circonstance. Le lendemain, un autre journal dira qu'il est fort extraordinaire que les journalistes se permettent de pareilles réflexions; qu'avant de condamner ou d'approuver la conduite d'un amiral, dans une affaire de cette nature, il faudrait connaître ses instructions, et que, probablement, comme l'Empereur ne les a pas fait connaître aux journalistes, tout ce qu'ils disent là-dessus est fort inutile. Que la flotte de Rochefort se prépare à partir au premier signal, car les Anglais ne tiendront pas ce blocus.

Il est inutile, dans votre lettre au contre-amiral Gourdon, de parler de Brest et de la Manche; il suffit de dire qu'il marchera avec l'escadre qui le ralliera, à de nouvelles opérations. Je trouve que le secret n'est pas assez recommandé; il faut lui dire que le prince de la Paix ne le connaît pas, et que M. de Grandellana ne doit point le connaître; qu'il n'y a que moi, vous et lui au monde qui le sachions; qu'il doit donc sentir l'extrême importance et l'extrême nécessité de se taire. Je ne veux pas que M. de Grandellana commande mon escadre. Je regarderais mon expédition comme manquée si on la savait en Espagne, ce serait capable de tout compromettre. J'ai donc brûlé cette lettre, comme étant intempestive. Vous n'avez qu'un mot à dire au prince de la Paix : qu'ayant ordonné à mon escadre du Ferrol de se rendre à la Corogne, j'ai jugé que l'escadre espagnole devait en faire de même. N'entrez dans aucun détail de place ou non-place. Je crains aussi que, si les escadres combiné se tiennent à la voile, elles n'attirent une grande quantité d'ennemi au Ferrol, et, par contre-coup, sur la ligne d'opérations. Dans toutes les affaires, il faut laisser quelque chose aux circonstances. Je ne sais jusqu'à quel point il est nécessaire de prescrire aux escadres de se rendre à la Corogne; je ne connais pas assez les localités : toutefois il me semble qu'il est beaucoup plus simple que Gourdon s'y porte, et d'écrire au prince de la Paix d'y envoyer les vaisseaux espagnols qui pourraient s'y porter. Le petit nombre de vaisseaux qui resteront au Ferrol auront toujours plus de facilité sortir. Ne prononcez ni le mot de Brest ni celui de la Manche à qui que ce soit. Je ne sais pas d'ailleurs jusqu'à quel point le Gouvernement espagnol voudrait concourir à un projet de cette espèce. Aussi ai-je toujours éludé quand on m'a demandé mon secret. Quant à vous, votre réponse est simple : vous devez dire que vous ne savez pas.


Vérone, 16 juin 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès,, M. Jérôme Bonaparte ne peut être capitaine de vaisseau; ce serait une innovation funeste que de lui permettre de prendre un grade lui-même. Dans ce sens, sa conduite est d'une légèreté sans exemple, et sa justification n'a pas de sens. Non seulement M. Jérôme n'a pas le droit de nommer un enseigne lieutenant mais je désavoue cette nomination : cette conduite est tout à fait ridicule. Quand il aurait eu un combat et qu'il aurait pris un vaisseau anglais, il n'aurait pas le droit de donner un grade, mais seulement de recommander ceux qui se seraient distingués.


Vérone, 16 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, je vois dans le Journal de Milan que c'est le cardinal Dugnani qui est nommé évêque de Brescia. C'est une erreur; c'est le cardinal Archetti dont j'ai voulu parler. Renvoyez-moi, le plus tôt possible, le décret, pour que j'en fasse un autre.

M. Containi m'a écrit relativement à la manière de subvenir aux dépenses de ma Maison. J'ai fait mettre, à Milan, 200,000 livres à la disposition de M. Severno et 500,000 livres à la disposition de M. Containi. Ces 700,000 livres doivent être employées à solder les dépenses du Gouvernement. J'ai ensuite mis, ce mois courant, à la disposition de M. Containi, 500,000 livres pour commencer à payer les dépenses courantes. Il suffit que vous m'apportiez à Plaisance l'état de ce qui a été payé pour le couronnement et de ce qui reste dû, ainsi que le budget avec vos observations, et j'aviserai à tout. J'approuve que M. Containi ait payé les bijoux de Paris; mais il faut qu'il m'apporte l'état de ces bijoux, afin que j'y mette mon approuvé pour la règle.

Je vous renvoie, signé, le décret relatif aux communications du Corps législatif; j'en ai supprimé les articles 9, 10 et 11 comme inutiles. J'approuve ce que vous avez fait pour les fournisseurs. Je n'ai rien changé à la manière dont le trésor public fait ses recettes et ses payements. Cette partie est d'une simplicité que nous avons peine à établir en France. Je soupçonne qu'elle peut donner lieu à des abus; mais je crois que l'indolence naturelle au pays et l'honnêteté des receveurs mettent à l'abri des graves inconvénients qu'un pareil système entraînerait en France. Les observations que vous me faites relativement au mode de payement des pensions ne sont pas réelles; il est indispensable pour l'ordre des finances, et le point de vue sous lequel vous l'envisagez n'est pas le mien; ce n'est pas dans le but d'économiser, cette année, deux millions, mais pour établir un système fixe. Les payements par mois donnent lieu à trop d'embarras, et, comme ils sont toujours aussi certains et aussi sûrs avec le nouveau mode, cela ne fera qu'un mouvement très-léger.

Vous me proposerez, à Plaisance, le changement de M. Arese et ce qui serait relatif aux officiers de ma Maison.

Si j'ai bien lu votre dépêche, je vois que vous tenez le Conseil d'État à quatre heures du matin; c'est un peu de bonne heure.


Mantoue, 17 juin 1805

A l'électeur de Bavière

Mon Frère, j'ai reçu avec plaisir le grand cordon de l'ordre de Saint-Hubert que vous m'avez adressé. Ceux de mes sujets auxquels Votre Altesse Sérénissime Électorale a accordé cette décoration s'honoreront de la porter, et les relations qui se trouvent ainsi établies entre eux et les personnes qui vous ont montré le plus de dévouement ne peuvent que m'être agréables. Je verrai toujours avec plaisir ce qui pourra contribuer à resserrer les liens destitue et d'affection qui m'unissent à Votre Altesse Sérénissime Électorale.


Mantoue, 18 juin 1805

A M. Prina

Voici mes observations sur la loi des finances :

1804. - La manière dont l'état est fait évite les détails. Je crois qu'il ne montera pas au chiffre fixé par la loi du 21 m... ; 1,500,000 francs ont été portés pour extraordinaire; vous ne portez que 1,027,000 francs. Il avait été mis beaucoup davantage que ce qui est porté aux ministères des finances et de la justice. Si cela est dans les états, votre tableau portera des chiffres non d'après la loi; on pourra les vérifier, on les reconnaîtra faux, et votre compte sera discrédité. Cela m'a porté à ne rien changer au texte de la loi, ou au tableau, et vous direz dans votre compte, pour arriver au même résultat, que le débit monte à 400,000 francs; car dans les compte des finances il me faut être exact, concis et vrai. Pensez que votre budget va être lu dans toute l'Europe et scruté par les hommes à argent.

'ai porté le revenu de 1805 à 88,670,000 francs; et, à cet effet, j'ai augmenté l'extraordinaire des domaines ou la vente des domaines nationaux de dix millions; et j'ai porté à la dépense 600,000 francs pour les pensions ecclésiastiques, et 800,000 francs pour les pensions civiles; non que mon intention soit de déroger à mon principe de payer tous les six mois les pensions, mais parce que ce mode, qui tient à l'ordre général des finances, est une . . . . . . . . économie d'un retardement de payement. J'ai bien pensé que ces dix millions ne rentreront pas dans l'année, puisqu'il faut y prélever quatre millions pour suffire à l'année 1804; mais, d'un autre côté, tous les fonds d'argent des départements ne seront pas consommés en 1805, et j'ai l'espoir d'économiser deux millions sur les différences des dépenses départementales. Les onze millions . . . . . . .  Mais, je vous le répète, mon intention n'est point de payer tous les deux ou quatre mois, mais tous les six mois ; cela tient à des idées générales de finances auxquelles il faut insensiblement conduire le pays.

Quant au budget de 1806, vous remarquerez que je l'ai porté à cent millions, augmentant de 2,600,000 francs le fonds extraordinaire des domaines, c'est-à-dire la vente des biens. J'ai accordé, dans les dépenses, 500, 000 francs de plus au grand juge, 500, 000 francs de plus aux relations extérieures, un million de plus à l'intérieur, et 300,000 francs de plus au fonds de réserve.

Vous aurez soin, dans le tableau que vous me ferez de ce qui doit être accordé à chaque département pour dépenses spéciales en 1805, de me porter une réserve de 1,500,000 francs, et même, s'il est possible, de deux millions.

Vous verrez que je n'ai fait aucun cas des observations du Conseil d'État relativement aux fonds d'amortissement. Toutes ces observations m'ont para assez ridicules.

Quant au budget de 1806, si je le puis, je le ferai faire une année d'avance, quoique les gens qui ont des idées justes et bien pensants en aient désespéré toujours. C'est qu'en France ce n'est pas possible, parce que le moindre changement de politique porte cent millions de différence dans le budget. Les vingt-cinq millions que le pays paye à la France pour le protéger répondent de tous les événements et mettent plus de stabilité dans son budget.

Dans votre discours, faites sentir que le budget de 1805 est hypothétique, mais que le fonds de réserve est assez considérable pour pouvoir pourvoir à tout.

Dans votre discours de 1806, après avoir parlé du Simplon et de Volano, parlez du canal que j'ai dessein de faire pour enrichir le Brescian , et des travaux pour mettre les terres de Bologne à l'abri des ravages du Reno; et enfin faites sentir que les dépenses des pensions iront tous les jours en diminuant; que la dépense du Simplon sera bientôt à son terme, ce qui permettra de dépenser, tous les ans six ou sept millions pour l'amélioration du territoire.


Mantoue, 18 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, je vous renvoie le projet de loi sur les finances avec les trois états qui y étaient joints. L'état de 1804 est faux, en ce que les crédits accordés aux ministres ne sont pas conformes au texte de la loi. Vous verrez, dans ma lettre au ministre des finances comment on doit y remédier. J'ai oublié de lui dire, dans cette lettre d'ôter la distinction d'argent et de biens nationaux, qui est inexacte en ce que les biens sont vendus et rentrent en argent au trésor, tandis que cela pourrait laisser croire à l'Europe qu'on en serait encore au mesures désastreuses de donner des biens nationaux en payement des services. J'ai noté de ma main, à l'article des dépenses, à 1805, les changements que j'ai jugé à propos d'y faire. J'y porte la recette à 88,6 70, 000 livres, et j'augmente divers crédits. Les circonstance et le temps me manquant, je n'ai pas voulu discuter plus long temps avec le ministre des finances; mais plusieurs de ses article me paraissent erronés, entre autres celui du Corps législatif, qui ne doit pas coûter 400,000 livres, etc. Il faut qu'il m'envoie son budget de 1806, car ce n'est que lorsqu'on aura un budget de 1806 bien fait qu'on pourra asseoir les dépenses de l'intérieur pour cette année-là, où il n'y aura plus de dépenses départementales.

Il faut me renvoyer le projet de loi en écriture, avec les changements que j'ai indiqués et les tableaux , pour que je signe et la loi et les tableaux; immédiatement après vous pourrez le renvoyer au Corps législatif. Vous verrez ce que je dis là-dessus dans ma lettre au ministre des finances, dont vous pourrez garder copie. Vous verrez que je désire qu'on annonce que j'ai le projet d'ouvrir un canal dans le Brescian et d'arrêter les inondations du Reno, et que je le puis dans la situation où sont nos finances.

Je serai encore mercredi et jeudi à Mantoue. J'ai passé ma matinée à cheval; je suis appelé par d'autres affaires dans ce moment-ci ; je vous expédierai un autre courrier avant de me coucher.

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Je ne sais qui nommer président an Corps législatif; présentez- moi des notes; je voudrais un homme qui eût de la considération dans son département par ses richesses.


Mantoue, 19 juin 1805

A M. Regnier

Je reçois votre lettre du 23. Je ne puis approuver la conduite que vous avez tenue. Cette affaire avait assez occupé le public pour que vous jugiez que ce cas n'était pas graciable. Cependant comment voulez-vous que je juge, moi, à quatre cents lieues de Paris ; et, une fois qu'on m'y a fait intervenir, comment voulez-vous que je ne juge pas ? D'un autre côté, il paraîtra cruel à tout le monde de retenir pendant trois mois un malheureux homme pour le faire ensuite exécuter. C'est donner à la justice un caractère de cruauté que toutes les lois s'efforcent de lui ôter; et il me semble que mes ordres étaient précis, et que vous n'étiez autorisé à accorder des sursis qu'autant que vous reconnaissiez que le cas était graciable. Au reçu de ma dépêche, convoquez le ministre de la police, le président du tribunal de cassation , le procureur de ce tribunal, mon procureur près la cour criminelle. Ce ne sera point un conseil privé, mais un conseil de consultation, pour savoir s'il y a lieu à grâce; et, si leur décision est négative, vous laisserez courir le jugement, et vous écrirez au procureur qu'ayant pris des informations près les tribunaux vous ne pouvez arrêter le cours de la justice et la soumettre à l'Empereur. Je ne puis me dissimuler que cette affaire fera le plus mauvais effet en France, et que les tribunaux se croiront autorisés à user du droit de sursis pour demander des grâces. Quant à ce que cet individu ne pouvait être privé du droit de recourir en grâce, vu mon absence de Paris, les autres tribunaux de France ne sont-ils pas dans ce cas ? A Bordeaux, à Grenoble, à Toulouse, il l'aurait pu. Le même principe devrait être pour Paris.


Mantoue, 19 juin 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, je répugne à signer votre décret du 26 prairial, parce qu'il ne me paraît pas juste de mettre un droit de 2 franc par quintal sur les exportations du Piémont et de la France pou Gênes. Je préférerais rédiger le décret en ces termes :

1° L'exportation est permise des Etats de Parme et des départements au delà des Alpes dans les départements de Gènes, de Montenotte et des Apennins; 2° l'exportation des grains est prohibée des départements de Gênes, de Montenotte et des Apennins, à l'étranger.

Si ce décret offre plus d'avantages que d'inconvénients pour Gênes, je ne vois pas de difficultés à l'adopter; il me paraît plus simple et plus clair, et tend à mettre le pain à Gênes de niveau avec Turin, et à Sarzane et Chiavari de niveau avec les États de Parme.


Mantoue, 19 juin 1805

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, Ministre des relations extérieures, je vous renvoie vos deux portefeuilles; je n'ai aucun ordre à vous donner sur leur contenu. Écrivez à M. de la Rochefoucauld que le camp de Castiglione est dissous; que le nombre des troupes qui le composaient a été beaucoup exagéré; que si, depuis un an, j'ai augmenté le nombre des troupes en Italie, c'est qu'on a aussi un peu augmenté les troupes dans le Tyrol, l'Istrie et la Carniole; que, des deux côtés, ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de ne faire aucune augmentation, et que, pour quiconque a des yeux, mon système continental est bien déterminé : que je ne veux passer l'Adige ni le Rhin; que je veux vivre tranquille, mais que je ne souffrirai point de mauvaise querelles.


Mantoue, 19 juin 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, je reçois votre lettre du 24 prairial. Il paraît que Collingwood et Nelson ont conféré longtemps sur l'Espagne; qu'un des deux est immédiatement entré dans la Méditerranée, que l'autre a disparu. Collingwood a 8 vaisseaux, Nelson en a 11; somme totale, 19 vaisseaux. Ils n'ont pas été ensemble, cela est certain ; un des deux est entré dans la Méditerranée. Les Anglais parlent beaucoup d'une escadre de réserve aux Dunes, qui paraît devoir être de 14 vaisseaux.

Si cela est ainsi, ils ne tiendront devant Brest que 18 à 20 vaisseaux. Si vous pouvez faire sortir Missiessy , faites-le sortir. Il me paraît que c'est un homme qui a besoin d'instructions plutôt hardies que prudentes. Par exemple, il faut lui prescrire de chasser et de prendre le plus de bâtiments qu'il pourra. Mes dernières nouvelles d'Angleterre sont du 8 juin.


Mantoue, 19 juin 1805

DÉCISION

Le ministre des cultes demande la maison des Collinettes, à Lyon, pour en faire un séminaire diocésain.

M. le cardinal-archevêque de Lyon a déjà un séminaire. Quand il sera organisé, on verra s'il est nécessaire de lui en donner un second.


Mantoue, 19 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, je reçois votre circulaire au ministre de l'intérieur; il est inutile de parler de la France. Cela peut se faire en conversation; mais, les circonstances n'étant pas les mêmes, ce n'est ni de la bonne logique, ni de la bonne politique, que de citer la France ou un autre pays. La circulaire est trop étendue; l'autorité raisonne moins et s'explique plus brièvement. Vous auriez mieux écrit en six lignes : 

"Monsieur Felici, Ministre de l'intérieur (à ce propos, il est nécessaire que vous arrêtiez votre protocole, soit pour commencer, soit pour finir vos lettres, afin d'avoir de l'uniformité et de la dignité), l'intention de Sa Majesté est que la magistrature de révision soit supprimée et qu'aucune espèce de censure ne soit exercée sur la presse; et que, dans le cas de la non-connaissance de l'auteur, le libraire soit responsable de ce qu'il y a dans l'écrit qu'il débite de contraire à l'ordre public, à l'intérêt ou à l'honneur des particuliers.  

Sa Majesté entend cependant que, sept jours avant de mettre un ouvrage en vente, une copie en soit envoyée au ministre de l' intérieur, afin que, s'il contient quelque chose de contraire à l'ordre public, la publication en puisse être arrêtée; l'ouvrage pourra aussi être arrêté toutes et quantes fois qu'il sera reconnu contraire au Gouvernement et au bien public. Présentez-moi donc un projet de décret pour atteindre à ce but."

Votre circulaire a l'inconvénient de contenir, en quatre pages, un grand nombre de dispositions législatives et réglementaires. Une lettre à un ministre ne doit avoir pour objet que de lui donner l'initiative, pour qu'il vous présente un projet de décret, ou que de discuter quelques points relatifs à l'exécution d'une loi ou d'un règlement existant; mais, lorsqu'il s'agit de peines, on ne peut parler que par une loi, un règlement, un décret.


Mantoue, 19 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, les 8,000 livres de pension accordées à M. Oriani sont comme récompense des services rendus; les 4,000 livres qu'il reçoit comme professeur, il doit les conserver tant qu'il exercera ses fonctions; les 1,500 livres qu'il touche pour la carte, il doit les conserver également pendant ce travail, qu'il conviendrait peut-être de réunir en cadastre ; les 1,500 livres qu'il reçoit comme membre de l'Institut, il doit les conserver également : ainsi il gardera les 15,000 livres dont il jouit.

M. Appiani a 6,000 livres comme premier peintre du roi; il doit conserver les 1,500 livres qu'il a comme membre de l'Institut. Quant aux 1,500 livres comme commissaire des Beaux-Arts, ses fonctions paraissent rentrer dans celles de premier peintre; si, cependant, il est soumis, à ce titre, à un travail particulier, il doit les conserver également. Le principe qu'on ne peut cumuler deux traitements est un principe de rigueur et ne doit pas s'appliquer à des homme d'un grand talent, qui peuvent remplir plusieurs fonctions.

Je remarque que le ministre de l'intérieur s'adresse au secrétaire d'État pour avoir des explications; cette marche est irrégulière; elle constituerait premier ministre le secrétaire d'État. Le ministre doit consulter le prince dont il exécute le décret. Quand, pour la commodité usuelle, il adresse au secrétaire d'État des demandes d'explications, pour les faire passer au travail, elles doivent toujours être adressées au vice-roi.


Mantoue, 19 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, faites connaître aux particuliers de Milan et de Pavie qui demandent à jouir du transport de leurs fruits chez eux que j'avais ordonné qu'on me fît un rapport sur leurs réclamations, et que je prendrai à Gênes un décret qui établira la réciprocité pour mes sujets de France et d'Italie. Quant aux indemnités, il n'en a jamais été accordé à personne, ni en Suisse, ni en Allemagne. Ce n'est que pour des biens perdus qu'on a droit à des indemnités, mais non pour des biens dont on jouit et qui sont seulement soumis aux règles du pays où ils se trouvent situés.


Mantoue, 19 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, je désirerais que vous fissiez faire un état de ce que ma coûté le cordon de Sanilà, pendant les années 1804 et 1805, pour tous les ministères, et que vous fissiez viser ce compte par une commission du Conseil d'État.

Je vous renvoie les deux décrets signés; vous verrez que, dans le budget particulier du ministre des finances, je n'accorde que 5 millions pour les pensions ecclésiastiques de 1805, et 600,000 livres pour les pensions civiles. Cela n'implique point contradiction avec ce que j'ai fait mettre dans la loi sur le budget de 1805, puisque je me réserve d'accorder davantage, s'il le faut. J'ai réduit les sommes portées dans l'état à 11,792,000 livres. Vous le ferez recopier conformément à la minute que je vous envoie. Il me faudrait le même budget pour le ministère de l'intérieur et pour les autres ministères.

Il faudrait faire dresser l'état de ce qu'a coûté aux différents ministères le passage du Saint-Père pour l'aller et le retour, et soumettre également ce compte à la révision d'une commission du Conseil d'État.

Je m'aperçois que tous les états à l'appui du compte des finances ne sont pas imprimés; je vous les renvoie pour que vous en fassiez achever l'impression.

Dites au ministre des finances que le dernier règlement sur la justice, qui est en vigueur depuis le ler janvier 1805, bien loin d'augmenter le produit des droits de justice, les a diminués partout. Ce règlement est vicieux, mais on va y remédier par le nouveau règlement ; il faut qu'il soit calculé de manière qu'il ne coûte pas plus que celui qu'on suit actuellement.

On 'm'assure que La Carrière-Méricourt, que j'avais fait mettre en surveillance à Mantoue et ensuite enfermer dans la citadelle de Milan, a été vu dans les rues de cette dernière ville. Donnez des ordres pour qu'il soit arrêté et enfermé étroitement. C'est un très-mauvais sujet et un coquin de la première espèce.


Mantoue, 19 juin 1801

Au prince Eugène

Mon Cousin, je vous envoie un décret pour l'armement des places du royaume. Si ce que je demande par ce décret peut m'être remis à Plaisance, ce serait un grand bien. Il y a de l'anarchie et de la confusion dans l'artillerie et dans le génie; il faut y mettre de l'ordre. L'artillerie qui est dans les places d'Italie appartient au royaume d'Italie; les dépenses qui s'y feront sont à ses frais; ainsi, tout est facile à simplifier. Il faut que, tous les mois, on me remette un état, pareil à celui qu'on me remet en France, de toutes les bouches à feu, armes portatives et approvisionnements de guerre que j'ai dans toutes les places.

Vous verrez, par deux autres décrets que je vous envoie, que je veux établir une ligne télégraphique à Mantoue et une à Milan, qui sera d'une grande utilité pour transmettre promptement des ordres sur l'Adige. Recommandez à celui qui sera chargé de l'exécution de placer le plus loin possible de Mantoue la première station de cette ligne, afin que, cette place étant assiégée, la correspondance ne soit pas interceptée. Les projets du canal de Brescia et des travaux du port de Volano et du Reno peuvent être publiés. Donnez l'ordre au ministre de l'intérieur de nommer des ingénieurs pour la confection de ces projets.


Mantoue, 19 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, je vous envoie le projet de décret sur les paroisses. Je n'ai pas besoin de règles générales. Ce tableau n'explique pas assez. Je ne veux pas supprimer des cures, mais les réunir; dans les principes de l'Église, ce n'est pas la même chose. Ainsi il faut dire : "Article 1er. La paroisse A, la paroisse B, sont réunies à la paroisse métropolitaine de Milan; la paroisse C et la paroisse D sont réunies à la paroisse de Sainte-Marie dei Servi" ainsi de suite. " Les curés des paroisses réunies seront attachés aux cures conservées, comme vicaires, et jouiront de leur traitement. A leur mort, leur traitement sera réuni à celui du curé, qui sera tenu de fournir à ses vicaires un traitement convenable." Cela est simple. Renvoyez-moi le projet rédigé ainsi. Il faut que le ministre des cultes s'accoutume à cette manière de faire. C'est l'art d'éviter des difficultés.


Mantoue, 19 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, j'ai mis une somme de 500,000 francs à la disposition de M. Containi, puisque je l'ai portée dans le décret des crédits des ministres. Je ne sais pas bien si c'est pour juillet, mais je crois avoir porté 500,000 francs en juillet, et 500,000 francs en août.

Dans plusieurs papiers que je vous ai envoyés sur le cérémonial des vice-rois, vous verrez la formule que vous devez prendre pour les décrets.

Je ne vois pas d'inconvénient qu'on accorde la permission de porter l'uniforme et de former une compagnie de gardes d'honneur dans toutes les villes où j'ai passé.


Mantoue, 19 juin 1805

A M. Marescalchi

J'ai reçu ce que vous m'avez écrit sur la rixe qui a eu lieu à Bologne. Le peuple a besoin de magistrats fermes et qui sachent inspirer de l'estime et de la crainte.

Vous trouverez ci-joint une note des bacs de l'Adige.

Expédiez un courrier à M. Rostagny  pour qu'il s'abouche avec le gouverneur général et lui fasse sentir qu'il est injuste que tous bacs soient du côté de la rive de l'Autriche, et qu'il serait convenable et plus conforme à la justice de faire une chose égale et déterminer que la moitié des bacs irait coucher à la rive droite et la moitié à la rive gauche; par ce moyen, toutes les difficultés sur cet objet seraient terminées; qu'il y aurait aussi quelques mesures à prendre pour le bien de la population de Vérone, comme de déterminer que la Vérone italienne pourrait tirer ses fourrages, vins et blés de l'Autriche, sans rien payer, se soumettant toutefois aux formes d'usage des douanes autrichiennes, et que la Vérone autrichienne serait traitée également; que, quelque inconvénient qu'il y ait de part et d'autre à cette mesure, il est de l'humanité de venir au secours d'une ville que les malheurs des temps veulent qu'elle soit partagée en deux, et que la générosité des deux gouvernements fasse qu'elle en souffre le moins possible. M. Rostagny, qui est homme prudent, sentira que pour les bacs il faut un arrangement; sans quoi je retiendrai de force sur ma rive les bacs impairs; cependant je n'emploierais ce moyen qu'autant que le gouverneur général ne voudrait entendre à rien là-dessus.


Mantoue, 20 juin 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 25 prairial. Je me doutais bien que toutes les dispositions relatives à l'ordre judiciaire en Italie ne seraient pas entièrement à votre gré. Cela ne viendrait-il pas d'anciens préjugés ? Ce que nous avons appris, bien su et bien pratiqué pendant trente et quarante ans, fait une telle impression, que nous ne voulons entendre à rien de ce qui y serait contraire.

Je n'ai aucune incertitude sur la paix continentale; vous pouvez rassurer; et, si j'ai laissé entrevoir quelque doute, c'est que j'ai cru qu'il était assez prudent de faire voir que je ne le craignais pas. Voilà trois jours que je suis ici à parcourir les fortifications de Mantoue, ce qui ne laisse pas que de m'occuper. L'Impératrice est déjà partie pour Bologne, où je serai demain.


Mantoue, 20 juin 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je désirerais connaître de quelle manière on pourrait empêcher les marchés à prime. Il me semble qu'une loi sévère, qui infligerait des peines afflictives et infamantes aux agents de change qui feraient de pareils marchés et abuseraient ainsi de la confiance publique, serait déjà un bon remède. Voyez si vous pouvez en trouver d'autres.

J'entends beaucoup parler de la crainte d'une mauvaise récolte; il paraît qu'elle ne s'annonce pas bien. Il faudrait peut-être défendre l'exportation des blés du côté de la Hollande et du Rhin; je crois cependant qu'elle a toujours lieu. Je désire que vous preniez des renseignements là-dessus, et que vous me fassiez connaître comment s'annonce la récolte aux environs de Paris.


Mantoue, 20 juin 1805

A M. Lebrun

Mon Cousin, j'ai appris avec plaisir votre arrivée à Gènes. D'après ce que me marque M. Champagny, il me paraît que vous n'y manquerez pas de besogne. Ordonnez à M. Lacuée de prendre tous les renseignements nécessaires sur les troupes. Mon intention est d'organiser un régiment de canonniers de la marine, comme celui qui est à Lorient; il me servira non-seulement pour l'armement des vaisseaux, mais aussi pour fournir des canonniers aux batteries de côtes.

J'ai donné l'ordre au bataillon du 20e, qui est à la Spezzia, de se rendre à Gênes, afin de trouver un peu de troupes à mon arrivée. Je le fais remplacer à la Spezzia par un bataillon suisse qui est à Livourne.

Je n'aurai point de difficulté à créer un 113e, qui serait composé du bataillon ligurien qui est à Tarente, et d'un autre bataillon que je lèverai à Gênes. Que M. Lacuée me prépare ce travail. Je nommerai aussi quelques commissaires des guerres parmi ceux qu sont actuellement employés dans la république de Gênes.

Une chose à laquelle je vous recommande de veiller, c'est au logement des officiers. Ce qui a le plus vexé les villes d'Italie, ce sont les logements des officiers, qui s'établissent dans des maison dont ils ne sont jamais satisfaits. Mon intention est qu'on ne donne de logements à personne, mais que chacun paye. Les municipalité peuvent donner des facilités, comme d'affecter des hôtels garnis où chacun trouve à se loger selon son grade et à un prix raisonnable. Je désire que M. Lacuée me fasse un projet pour loger tous les soldats dans des casernes et les officiers dans des pavillons.

Nommez un payeur de la division militaire, que M. Marbois confirmera. Choisissez un homme entendu de Gênes. Nommez aussi un receveur dans chaque département, et préparez le travail de la translation des douanes.

Je pense que j'arriverai à Gênes vers le 10 (29 juin). Je désire y trouver à mon arrivée les maires et les curés des trois départements liguriens. 

Occupez-vous de la dette publique, et voyez le parti que j'ai à prendre. Je ne verrais pas de difficultés à augmenter mon grand livre de la dette publique de France d'un million. Je ne voudrais pas en mettre davantage.

Créez pour la police des compagnies départementales, comme celle que j'ai établie à Nantes. J'imagine que des mesures sont prises pour l'organisation de la gendarmerie. Il serait convenable de réunir les troupes liguriennes à Gênes ou aux environs, pour les passer en revue et en faire sur-le-champ ce qui sera convenable.

Si cela était possible, je désirerais que les sous-préfets fussent Génois : voyez alors à choisir les personnes les plus propres. J'imagine que M. Bigot-Préameneu s'occupe de l'organisation de la justice et fait venir de Turin tout ce qui lui est nécessaire pour organiser tout le système judiciaire et pour la traduction du code.

Voyez, avec l'archevêque, d'organiser une nouvelle circonscription des évêchés. Il y en a deux qui paraissent inutiles, celui de Noli et de . . . . . . Si ce travail est fait avant mon arrivée à Gênes, vous pourriez me l'expédier, pour que je l'envoie au Pape.

Le district de Bardi faisait partie des États de Parme; je l'ai réuni au département des Apennins. Le général Clarke s'est porté sur les lieux et en a fait la reconnaissance. Je lui ai ordonné de vous en envoyer le résultat, afin que vous chargiez quelqu'un de se rendre sur les lieux pour poser les limites.


Mantoue, 20 juin 1805

A M. Regnier

Monsieur Regnier, je reçois votre lettre du 24. J'approuve la mesure que vous avez prise de faire poursuivre devant ma cour criminelle de Cahors des individus prévenus de manœuvres sur la conscription.

Je vous envoie une dénonciation faite par un juge de ma cour criminelle de Bordeaux. Il me semble que l'épigraphe de sa lettre donne une assez pauvre idée du jugement de cet individu. Il est extraordinaire qu'un juge prenne pour devise le cri de guerre, Mort à l'infâme gouvernement anglais, lorsqu'on peut faire la paix d'un moment à l'autre. Il dénonce le président du tribunal criminel. Cette affaire me paraît devoir être renvoyée à ma cour de cassation , afin que, si cette dénonciation est vraie, on déclare le président de Bordeaux indigne de ma confiance, et que, si elle est fausse, le dénonciateur soit chassé du tribunal, où il ne peut pas rester après de pareils actes.


Mantoue, 20 juin 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, je suis bien aise que l'affaire de M. Giusti soit finie.

J'ai préféré Port-Maurice à Oneille, parce que la ville est beaucoup plus considérable, que le port en est meilleur, et que ses habitants m'ont montré, dans tous les temps, un attachement que je ne dois pas oublier.

Le préfet maritime et les agents français de la marine doivent être arrivés à Gênes. Faites ce qu'il vous sera possible pour faire armer les deux bricks liguriens.


Mantoue, 20 juin 1805

A M. Fouché

Je ne conçois pas comment les blés sont à haut prix à Anvers : ils s'exportent donc pour l'Angleterre ? La Belgique cependant en produit tant ! Faites-moi connaître quelle est la situation de la récolte dans ces départements.

Envoyez-moi un rapport sur Laa et les autres espions, mon intention étant de les traduire devant une commission militaire. Avec deux ou trois exemples, nous rendrons ces gaillards-là moins audacieux et plus rares.

Envoyez-moi un rapport sur . . . . . .. et un projet de décret pour le traduire, en Hanovre, devant une commission militaire. Recommandez au maréchal Bernadotte de bien le faire garrotter, pour que ce coquin ne s'échappe pas.

Le prêtre Cadoudal, qui prêche contre les acquéreurs de domaines nationaux, doit être arrêté et envoyé sur-le-champ à Paris.

Il est instant que vous ouvriez les yeux sur le diocèse de Poitiers. Il est, en vérité, honteux que vous n'ayez pas encore fait arrêter Stewens. On dort, car comment un misérable prêtre aurait-il pu échapper ? Cependant il fait bien du mal.


Mantoue, 20 juin 1805

A M. Fouché

Je vous envoie l'opinion de M. Lebrun sur le rapport que vous m'avez adressé; j'en adopte les conclusions. Ce rapport prouve que vous n'êtes pas assez sévère. L'art de la police, afin de ne pas punir souvent, est de punir sévèrement.


Mantoue, 20 juin 1805

Au maréchal Berthier

Il faut vous mettre au fait de l'organisation de la flottille. Demandez aux généraux Ney et Davout leurs dispositions pour l'embarquement, comme vous verrez que Soult l'a fait par l'état ci-joint, et, lorsqu vous l'aurez ainsi arrangé, vous me le remettrez sous les yeux. Je désirerais que vous partissiez le 16 de Paris pour Boulogne, Étaples, Dunkerque; voir les troupes, pour l'inspection des troupes et pour remplir tous les états. Vous me proposerez les difficultés qui pourraient survenir; j'y répondrai.

Je n'embarque point de chevaux pour la garde impériale, point pour la gendarmerie; ces deux, corps, ainsi que les sapeurs et mineurs, seront répartis sur toutes les escadrilles. Il ne vous échappera pas que les compagnies sont de 130 hommes. Cependant Soult n'y porte que des compagnies de 90 hommes; il y aura encore de la place pour 40 hommes et des canons, ce qui laisse de la marge pour le remplissage.

La division d'Oudinot doit s'embarquer sur la 8e escadrille. Il a, il est vrai, sept régiments avec des bataillons de six compagnies. Il doit donc y avoir à Ambleteuse, entre les 7e et 8e escadrilles, de quoi embarquer la garde impériale, les divisions Gazan et Oudinot, qui forment l'avant-garde. Les Italiens qui doivent s'embarquer sur les corvettes de pèche laisseront des bâtiments vacants; ils ne sont que six bataillons, et il y a de quoi en embarquer neuf sur les corvettes de pêche. On pourra donc embarquer une partie de la division des dragons à pied; une partie pourra être aussi embarquée à Calais, même sur les écuries. Les écuries de la réserve peuvent embarquer 1,800 chevaux et plus de 3,000 personnes. Il est nécessaire que vous vous occupiez de ces détails avec le plus grand soin. Que le général Songis et Petiet aient tous les états en règle. Si vous aviez la copie de Soult, renvoyez-moi la mienne, toujours bonne à avoir.


Mantoue, 20 juin 1805

Au maréchal Berthier

Il y aura besoin à Gênes, à Gavi, à Savone et à la Spezzia, de commandants d'armes; envoyez-m'en la liste; il y a des officiers que j'ai réformés dans ma dernière revue à Boulogne, qui peuvent très-bien être employés là.

J'ai désigné également le général de division Montchoisy pour commander à Gènes en place du gouverneur. Donnez-lui l'ordre de s'y rendre sans délai. Il faut envoyer trois généraux de brigade pour commander dans chacun de ces départements.

Donnez ordre au général de brigade Bucquet, chef d'état-major de la gendarmerie, de se rendre à Gènes pour y organiser la gendarmerie et y prendre le commandement de cette légion. Mon intention est que cet officier reste à Gènes pendant la première année.

Mon intention est d'établir à Savone, à Gênes et à la Spezzia, à Gavi, une compagnie de canonniers vétérans français; d'établir à Gênes trois compagnies de vétérans , une de Piémontais et deux de Français. Faites-moi connaître quelles sont les compagnies qu'on pourrait ôter de différents points de France pour placer là.

Donnez ordre à tout le disponible du 3e bataillon de la 8e légère (bataillon corse), qui se trouve à Antibes, de rejoindre le bataillon au camp de Boulogne. Ordre à trois compagnies du 4e d'artillerie à pied , chacune de 80 hommes, de se rendre le plus promptement à Gènes.


Mantoue, 20 juin 1805

Au vice-amiral Decrès

Je suis enchanté de la petite affaire du capitaine Hamelin : ceci fait bien voir ce qu'il est possible de faire avec nos canonnières.. On dira ce qu'on voudra, c'est avec des hommes et du canon qu'on se bat, et, quelque avantage qu'on ait pour les marches par une meilleure position, il y a cependant une pratique à admettre et des avantages qui sont aussi propres aux chaloupes canonnières. 4 chaloupes canonnières ne pouvaient tirer que huit pièces de canon, 2 corvettes canonnières n'en avaient que quatre; cela fait donc douze pièces de canon; 1 frégate portait quarante canons, 1 corvette, vingt, 1 brick douze ou quinze, 1 cutter autant : ainsi voilà nos douze pièces de canon qui ont tenu au large et se sont défendues contre plus de 100 pièces. Je demande si, en place de ces 6 canonnières, qui ne m'emploient pas plus de 150 hommes d'équipage, qui ne valent pas plus de 200,000 francs de matériel, on eût mis 1 frégate et 1 brick : la frégate eût sans doute été prise par la division ennemie. Qu'est-ce que je veux en conclure ? C'est que, dans un combat qui aurait lieu devant Boulogne, si une vingtaine de prames et 200 chaloupes canonnières se mettaient en tirailleurs entre les combattants, ce seraient des mouches qui feraient de terribles piqûres aux escadres anglaises. Je veux en conclure aussi qu'aux environs de thermidor toutes les chaloupes canonnières des environs de Brest doivent être armées, que tous les canonniers du port et autres des environs doivent les armer; qu'on doit y mettre de bonnes garnisons et qu'elles doivent sortir avec mon escadre.

On ne peut pas dire qu'elles se sont vues de loin, puisqu'elles ont perdu beaucoup de monde, et l'ennemi beaucoup; c'est une petite affaire qui est charmante. Je désire que vous me proposiez des récompenses pour ceux qui se sont distingués. Vous voyez que les canonnières reçoivent des boulets dans le corps, dans la mâture, et qu'elles ne coulent pas.

Pressez le départ des bâtiments du Havre; il est bien temps qu'ils arrivent à Boulogne.

Pressez aussi Ver Huell de se réunir à Ambleteuse.

Faites-moi connaître de quel corps étaient les garnisons de la petite flottille qui s'est distinguée au combat de Fécamp.


Mantoue, 20 juin 1805

Au vice-amiral Decrès

Donnez ordre au général Sugny de se rendre à Gènes, pour y organiser un nouveau régiment de canonniers de la marine, dans lequel seront compris tous les canonniers génois. Il faut qu'il parte avec tous ses contrôles pour me les présenter. Il faut envoyer beaucoup d'officiers d'artillerie des régiments qui sont à Brest, Toulon et Lorient. J'espère trouver à mon arrivée à Gênes tous les chefs de service du port, pour terminer l'organisation définitive et l'affectation pour ladite organisation.


Mantoue, 20 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, tenez la main à ce que les officiers, soit Français, soit Italiens, qui sont en garnison à Mantoue, payent leur logement; mon intention est que les officiers soient logés, mais j'entends aussi que les propriétaires des maisons soient payés. La municipalité de Mantoue prétend qu'elle est créancière d'un millions sur l'État; faites-moi connaître sur quoi sa prétention est fondée.

La municipalité demande à établir un droit sur les cabarets; elle prétend que cet exercice lui rendrait 73,000 livres. Je vous prie de m'envoyer l'avis du ministre des finances sur cet objet. 

Les villes de Mantoue, Vérone, Brescia, Milan, ont des créances sur la Maison d'Autriche. Chargez le conseiller d'État Testi de réunir tous les renseignements sur cet objet, et de faire pour le 1er août un rapport où seront détaillées toutes ces créances et les moyens de les recouvrer.


Mantoue, 20 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, demandez au ministre des finances des renseignements sur le domaine qu'on pourrait accorder à M. Melzi. Il est convenable que, dans cette session, les orateurs du Conseil d'État proposent au Corps législatif un projet de loi sur cet objet.

Occupez-vous de faire faire des projets de décorations pour l'ordre de la Couronne de fer, par Appiani.

Le palais de Mantoue est très-mal entretenu; le palais du Té est aussi très-mal entretenu. Mon intention est de prendre l'un et l'autre et d'en mettre l'entretien à la charge de ma liste civile. Mantoue est d'ailleurs un point important, où il est bon de passer un mois tous les hivers. Cette place est le boulevard du royaume. Vous direz à M. Containi de comprendre dans le budget des dépenses ce qui est nécessaire pour les gouverneurs, les concierges, etc., de ces palais. Il faut que cela soit fait en novembre, car il est probable que je vous écrirai vers ce temps de venir passer un mois à Mantoue.

Je vous envoie des décrets pour des plantations d'arbres. Si le ministre de l'intérieur dort, cela ne sera pas fait. Mon intention est de planter, aux frais de la couronne, le terrain de la porte de Cerese. Parlez à M. Containi pour savoir où l'on prendra ces arbres; je ne sais où il y a des pépinières; niais les arbres propres au sol de Mantoue ne doivent pas être difficiles à trouver, puisque ce sont des arbres aquatiques et de marais. Faites faire un projet de plantation d'arbres dans le forum Bonaparte, et faites préparer ce qui est nécessaire pour y planter, en novembre et dans la saison de d'hiver, deux ou trois cent mille pieds d'arbres et des bosquets. Il faudrait voir aussi s'il n'y aurait pas moyen d'acheter et de payer en rescriptions des domaines les jardins qui entourent la promenade de Milan pour ragrandir autant que possible, et les faire planter en arbres et en bosquets. Ce sont des choses que vous devez préparer et sur lesquelles vous prendrez des décrets quand j'aurai repassé les Alpes; ce sera utile et agréable à la ville de Milan. Vous m'enverrez les décrets avant de les publier, afin que je voie s'ils sont dans la forme voulue.

Il faut que M. Paradisi se mette sérieusement à la tête de sa besogne; eaux, canaux, chemins, tout cela le regarde, sous la direction du ministre de l'intérieur.

La fonderie de Pavie mérite toute votre attention; on m'assure que le fondeur est très-mauvais; faites-vous rendre compte si l'on a donné à cette fonderie les eaux et les jardins, comme je l'avais ordonné.

Faites-moi connaître quels sont les bijoux qui sont au trésor propres à donner en présents. Il doit y avoir une boîte sur laquelle j'ai ordonné qu'on mît mon portrait.


Mantoue, 20 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, faites mettre dans le journal officiel le mémoire sur le canal de Pavie, que je vous envoie. Faites-y mettre aussi différents articles sur la navigation du Mincio, et sur l'utilité dont elle sera. Faites parler aussi dans les journaux des mesures prises pour l'assainissement de Mantoue. C'est en parlant souvent d'améliorations qu'on dirige les esprits vers de bonnes choses et des travaux utiles. Il est nécessaire aussi de faire faire un mémoire raisonné sur tout le travail du Simplon, tant pour la partie française que pour la partie italienne, en faisant sentir que la France, en participant à plus de la moitié de ce travail, n'a fait qu'aider les finances du royaume d'Italie, car cette communication est d'un tel avantage pour la Lombardie, que, dans tous les temps, elle en aurait supporté seule les frais. C'est surtout dans le moment où l'on est occupé du budget qu'il faut parler beaucoup d'améliorations pour le territoire.


Mantoue, 20 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, je vous envoie une pétition de la famille Gonzague, de Mantoue. Si cet exposé est vrai, rien n'est plus injuste que la confiscation qu'elle a essuyée. Elle était dans le cas de souffrir la perte de ses droits féodaux, mais non la confiscation des maisons, terres et moulins qu'elle possédait. Je n'ai voulu prendre aucune décision avant de savoir ce que le ministre des finances, le grand juge et les gens de Milan qui connaissent cette affaire, en pensent. Je désire avoir un mémoire qui me fasse connaître de quel droit le domaine s'est saisi de ces biens, ayant à cœur de rendre à cette famille la justice que tous mes sujets ont droit d'attendre de moi. L'aîné de cette famille Gonzague vit à Venise; il est convenable de le faire rentrer dans sa patrie. Faites-lui écrire par le ministre de l'intérieur que mon intention est qu'il vive chez lui; qu'à défaut de cela, le fidéi-commis dont il jouit sera donné à ses frères. Le ministre de l'intérieur lui accordera jusqu'au 1er août pour tout délai. Il faudrait faire l'état des hommes les plus considérables de Milan, Mantoue, Bologne, Brescia, etc., qui se trouvent à Venise ou à l'étranger, afin de prendre, selon les circonstances, des mesures pour les faire rentrer.

Je vous envoie un décret par lequel j'accorde aux grands officiers de ma couronne une rente sur l'économat, équivalente à celle qu'ils doivent avoir en terres, jusqu'à ce que leurs commanderies soient organisées. Écrivez au ministre des finances de la leur faire toucher.


Mantoue, 20 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, il est nécessaire de faire rédiger la loi sur la conscription. Il faut qu'elle soit, comme celle de France, divisée en armée de réserve et en armée active, et que différents corps soient chargés du recrutement dans les départements. Je pense que 5,000 hommes pour l'armée de réserve et 5,000 hommes pour l'armée active sont suffisants pour l'année 1805. Il faudrait faire mettre à la disposition du Gouvernement la conscription de l'année 1806, avec la condition qu'elle ne pourrait être appelée dans le cours de la présente année; mais on pourrait appeler 5,000 hommes vers le mois de février. Il ne sera permis de se faire remplacer qu'autant que les compagnies de gardes d'honneur et de la garde royale seront complètes.


Mantoue, 20 juin 1805.

Au prince Eugène

Mon Cousin, je vous envoie mon décret sur la formation de la garde royale; vous pouvez le faire imprimer et publier. Le ministre de la guerre ordonnera que ceux qui voudraient y entrer se fassent inscrire chez le préfet de leur département. En même temps vous me présenterez quatre commandants pour le corps et douze capitaines pour les vélites, en vous étudiant à choisir des hommes ayant de la fortune, de la popularité et de l'influence. Vous enverrez à Paris ce qui est nécessaire pour compléter la garde de ligne; à mon arrivée, je l'organiserai moi-même. Quant au reste, vous enverrez de la gendarmerie, et vous ferez ce que disposera le ministre de la guerre. Il me semble que M. Martinengo, qui a servi, qui de tout temps a été attaché, et qui vient de commander la garde d'honneur de Brescia, pourrait commander la compagnie de Brescia. Vous ferez le règlement pour les masses et le casernement; vous en ferez faire la revue, et vous me ferez connaître ce que cela coûtera. Vous réglerez aussi les uniformes; les gardes d'honneur auront le plus riche, ensuite les vélites. Vous ferez un règlement pour le service : vous êtes en état de le faire mieux qu'un autre. Vous réglerez le service dans le palais et pour les escortes, en donnant le premier poste aux gardes d'honneur, le second aux vélites et le troisième aux gardes de ligne. Si les inscriptions volontaires ne sont pas suffisantes, on pourrait revenir sur les remplacements de la conscription de 1804; ce qui va venir des conscriptions de 1805 et 1806 compléterait seulement les compagnies.


Bologne, 21 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, je vous envoie le projet de décret général sur les finances à envoyer au Corps législatif. Vous demandez des détails sur mon voyage : les gazettes des lieux où je passe en parlent; ainsi, faites-vous donner celles de Brescia, Vérone et Bologne, et faites-les mettre dans le journal officiel, en indiquant la gazette d'où les extraits sont tirés. Ayez soin aussi d'envoyer au Moniteur le journal officiel d'Italie. Je ne suis arrivé qu'aujourd'hui vendredi à Bologne. J'y resterai samedi et dimanche. Je passerai le lundi à  Modène, et je serai mardi à Parme. Il suffira donc que vous soyez mercredi à Plaisance.


Bologne, 21 juin 1805

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 20 juin. Je ne vous ai point parlé des sapeurs, parce que j'ai pensé que ces troupes étaient à disposition du génie pour les travaux. Dirigez les uns sans délais Mantoue, et faites écrire par le ministre de la guerre au général Chasseloup d'envoyer à Legnago, à Peschiera et à la Rocca d'Anfo la partie qui est nécessaire.

En mettant à Milan deux régiments d'infanterie et trois de cavalerie, j'ai eu pour but que vous puissiez veiller directement à l'instruction. C'est ce dont vous devez vous occuper sérieusement parce que cela vous conciliera l'attachement de la jeunesse italienne et, lorsque vous aurez quatre ou cinq régiments bien instruits, vous aurez un bon fond d'armée. Je pense que vous pourriez très-bien aller à la parade tous les jours, et le matin, à une heure fixe, aller voir exercer les recrues. L'armée russe n'a été organisée par l'empereur Paul, et les troupes prussiennes par le grand électeur, que parce qu'ils s'occupaient ainsi eux-mêmes des détails. Cela est moins nécessaire en France, où, depuis un temps immémorial, il y a un fond d'armée considérable. Vous, et vous seul, pouvez former troupes : je ne crois pas qu'il y ait de général italien qui le sache. Quand ils verront que vous vous en occupez, ils s'y mettront aussi par crainte de disgrâce; et, en effet, il faudra mettre de côté ceux qui n'y entendent rien.

Envoyez toute l'artillerie à Pavie, afin que dans cette place soit concentrée toute l'artillerie italienne. Mon intention est de réduire les pontonniers à une seule compagnie, et, dès ce moment, vous pourriez ordonner au ministre de la guerre de procéder à cette réforme. 

Je ne vois pas d'inconvénient à ne donner aucun supplément de solde à Milan. Cela ne se fait à Paris que depuis peu de temps, si je ne l'ai point réformé, c'est que le service du soldat est tel qu'il  n'a que trois nuits de libres. Je vous ai écrit pour les conscrits; il faut une loi sur cet objet. Je vous ai envoyé un décret pour ma Garde; il est rédigé d'une manière toute différente. Vous verrez facilement que mon but est d'attirer dans l'état militaire toute la jeunesse.


Bologne, 21 juin 1855

Au prince Eugène

Mon Cousin, voici ma réponse au mémoire du ministre des cultes. Il n'y a pas besoin d'évêque dans la Valteline, et je préfère que l'évêque de Côme administre le diocèse de la Valteline. Il serait à souhaiter que nous n'ayons qu'un diocèse par département; mais comme, dans les choses que je déteste le plus, les querelles et les tracasseries de religion sont au premier rang, je laisserai les choses comme elles sont. Je réunirai, par exemple, l'évêché de Carpi, auquel on n'a point donné de traitement dans le tableau, à l'évêché le plus voisin. Je laisserai aux évêques la portion de leur diocèse qu'ils ont en pays étranger; mais je soustrairai toutes les paroisses du royaume qui sont sous la juridiction d'évêques étrangers, en les réunissant aux évêchés les plus proches. La cathédrale de Vérone étant dans la ville italienne, mon intention est d'y établir l'évêque de Vérone; l'autre se nommera comme on voudra. Quant aux formalités à suivre, qu'on fasse un projet de bulle fondée sur les principes que je viens d'indiquer, de manière cependant qu'il n'y ait pas un évêché qui n'ait au moins cent trente mille âmes, et qu'on dénomme paroisse par paroisse ce qui forme la circonscription de chaque diocèse; je le ferai adopter par la cour de Rome, et tout se trouvera ainsi terminé.


Bologne, 22 juin 1805

Au maréchal Berthier

Mon intention est que la fonderie de Pavie, l'arsenal de construction de Mantoue et tous les travaux soldés par les finances d'Italie, soient sous les ordres du vice-roi et sous la direction d'officiers italiens, sans que les officiers français aient à s'en mêler; si l'assistance de quelques officiers français est nécessaire pour les diriger, le vice-roi vous en fera la demande, et vous les mettrez à sa disposition. Je désire également que tous les ouvriers d'artillerie français soient réunis à l'arsenal de Plaisance, pour y pousser avec activité les travaux nécessaires à la confection de l'équipage de campagne français; si cependant des ouvriers français sont nécessaires, qu'ils n'y soient employés que jusqu'en brumaire, époque où les ouvriers italiens devront suffire.


Bologne, 22 juin 1805

A M. Cambacérès

Je reçois votre lettre du 26 prairial. Je suis à Bologne depuis hier; je suis extrêmement content de cette ville. M. Lebrun est arrivé à Gênes; je le joindrai dans douze ou quinze jours.


Bo1ogne, 22 juin 1805

Au vice-amiral Decrès

L'objection que vous faites à mon idée de faire rentrer quelques vaisseaux dans la rade ne m'avait pas échappé. Je trouve quelque inconvénient aux sorties de Ganteaume. Il n'y a aujourd'hui que 18, 19, 20 ou 21 vaisseaux devant Brest. Rien de plus imprévoyant que le Gouvernement anglais; c'est un gouvernement occupé de chicanes intérieures et qui porte son attention où il y a du bruit. Je ne suis point d'avis que Ganteaume sorte; je ne crains rien à Bertheaume; il est inexpugnable; 20 vaisseaux entourés de batteries, avec un port derrière, ne s'attaquent pas facilement. Cela ne peut se comparer à Aboukir, à cause du voisinage de la terre, des équipages, de la position, et enfin l'amiral qui est devant Brest n'a pas, comme Nelson, une immense sottise à réparer. Mais, pour Dieu ! qu'on me mette des caronades. Ce n'est qu'avec des canons qu'on arme des vaisseaux, et pour des vaisseaux il n'y a que des canons de gros calibre.

Si Ganteaume veut donc sortir, je ne vois pas à quoi bon sa sortie, j'ai peine à le comprendre. Cependant, s'il le croit nécessaire, au lieu de la faire à la fin, qu'il la fasse avant le 15 messidor. Quant au Borée,il faut y nommer un jeune homme. Il paraît que l'Uranie est bloquée à Villefranche par 1 vaisseau et 2 frégates anglaises; c'est la seule force qu'il y ait dans ces mers. Je suis porté à croire que ce vaisseau est un vaisseau de 50 canons. Qu'on arme le Borée jour et nuit. Faites donc partir l'escadre de Rochefort. Je pense que plus tôt elle partira, mieux cela vaudra. Son départ aura encore ceci de bon, que les Anglais verront dans sa sortie le projet de faire la guerre dans les pays lointains. Tâchez qu'elle ait lieu avant le 20 messidor. Dites à O'Connor et à ses compatriotes, dans les proclamations : 

"Des hommes impatients et insensés vous font faire des mouvements inutiles. Le moment de reconquérir votre indépendance n'est pas éloigné. Alors seulement vous pourrez avec sûreté vous lever en masse. Déguisez vos sentiments et conservez votre amour pour la patrie et votre indépendance jusqu'au moment où , secourus par vos alliés, vous pourrez le faire avec succès. "

Mon intention serait d'endormir les Anglais le plus possible sur l'escadre de Brest, sans affectation cependant, et diriger le tout vers le Texel. Écrivez dans ce sens à Marmont. Il faut qu'il puisse partir vers le 20 messidor : moi-même je ferai marcher un piquet de ma Garde pour Utrecht, et, arrivé à Paris, j'annoncerai mon départ pour ce point. Cela leur fera craindre que Villeneuve ne s'y dirige, et les portera à s'affaiblir devant Brest, ce qui est le grand point.

Je vous renvoie la dépêche de l'amiral Ganteaume. Je pense que la division de 6 vaisseaux bons marcheurs dérouterait les calculs de l'ennemi et lui donnerait le change. L'ennemi ne manquerait pas d'être fier d'avoir empêché de sortir cette escadre. Mais je ne crois pas qu'il faille en faire sortir davantage; sans quoi il pourrait ne pas se croire en force et devoir en faire venir d'autres.

Vous recevrez par M. Maret le décret relatif aux équipages des forbans. Je ne vois point de difficulté, sur l'autre décret, de supprimer l'et coetera et d'en suspendre l'exécution. Cependant, si vous ne l'aviez pas publié au 15 messidor, il faudrait m'en prévenir, afin que je visse la mesure à prendre.


Bologne, 23 juin 1805

RÉPONSE DE L'EMPEREUR AU DISCOURS DE M. BELLUOMINI, GONFALONIER DE LA RÉPUBLIQUE
DE LUCQUES

Monsieur le Gonfalonier, Messieurs les Députés des Anciens et du Peuple de Lucques, mon ministre près votre République m'a prévenu de la démarche que vous faites; il m'en a fait connaître toute la sincérité. La République de Lucques, sans force et sans armée, a trouvé sa garantie, pendant les siècles passés, dans la loi générale de l'Empire, dont elle dépendait. Je considère comme une charge attachée à ma couronne l'obligation de concilier les différents parti qui peuvent diviser l'intérieur de votre patrie.

Les républiques de Florence, de Pise, de Sienne, de Bologne, et toutes les autres petites républiques qui, au XlVe siècle, partageaient l'Italie, ont eu à éprouver les mêmes inconvénients; toutes ont été agitées par la faction populaire et par celle des nobles. Cependant ce n'est que de la conciliation de ces différents intérêts que peut naître la tranquillité et le bon ordre. La constitution que vous avez depuis trois ans est faible; je ne me suis point dissimulé qu'elle ne pouvait atteindre son but. Si je n'ai jamais répondu aux plaintes qui m'ont été portées souvent par les différentes classes de vos citoyens, c'est que j'ai senti  qu'il est des inconvénients qui naissent de la nature des choses, et auxquels il n'est de remède que lorsque les différentes classes de l'État, éclairées, sont toutes réunies dans une même pensée, celle de trouver une garantie dans l'établissement d'un gouvernement fort et constitutionnel. J'accomplirai donc votre vœu; je confierai le gouvernement de vos peuples à une personne qui m'est chère par les liens du sang. Je lui imposerai l'obligation de respecter constamment vos constitutions. Elle ne sera animée que du désir de remplir ce premier devoir des princes, l'impartiale distribution de la justice. Elle protégera également tous les citoyens qui, s'ils sont inégaux par la fortune, seront tous égaux à ses yeux. Elle ne reconnaîtra pas d'autre différence entre eux que celle provenant de leur mérite, de leurs services et de leurs vertus.

De votre côté, le peuple de Lucques sentira toute la confiance que je lui donne, et aura pour son nouveau prince les sentiments que des enfants doivent à leur père, des citoyens à leur magistrat suprême, et des sujets à leur prince. Dans le mouvement général des affaires, ce sera pour moi un sentiment doux et consolant de savoir que le peuple de Lucques est heureux, content et sans inquiétude sur son avenir. Je continuerai d'être pour votre patrie un protecteur qui ne sera jamais indifférent à son sort.


Bologne, 23 juin 1805

A M. Fouché

Je vous prie de me faire connaître ce que c'est qu' une pièce deDon Juan qu'on veut donner à l'Opéra, et sur laquelle on m'a demandé l'autorisation de la dépense. Je désire connaître votre opinion sur cette pièce, sous le point de vue de l'esprit public.


Bologne, 23 juin 1805

Au général Menou


Ayant augmenté les légionnaires de 2,000 places, toutes destinées à des individus ayant été blessés à la guerre, officiers ou soldats, je désire en nommer dix par régiment d'infanterie légère ou de ligne. Vous soumettrez des propositions pour les capitaines d'administration, des corps qui sont dans votre division. Il faut des hommes qui aient fait campagne et qui aient été blessés ou aient fait des traits éclatants. Vous réviserez ce travail pour que je l'approuve. Ces individus se rendront à Gênes pour recevoir la décoration.

Cinq places pour les régiments de cavalerie.

Inviter les Piémontais qui l'ont obtenue à se rendre à Gênes pour la recevoir.


Bologne, 23 juin 1805

Au vice-amiral Decrès

L'île de France vit avec le produit de ses prises; il est bien plus naturel que la part des officiers soit payée en bons sur le trésor public. Tout l'argent qu'on enverrait serait dilapidé. Il serait beaucoup mieux d'y envoyer deux ou trois frégates neuves, parce que, avec des bâtiments croiseurs, cette colonie s'en tirera toujours.


Bologne, 24 juin 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, vous me mandez que vous n'avez pour Brest que quatre mortiers à plaque. Il y en a deux à Granville : envoyez l'ordre, par un courrier extraordinaire, de les envoyer à Brest, et prenez des mesures pour que, au reçu de votre ordre, ils partent sans délai, soit par mer, soit par terre. D'ailleurs, ces six mortiers à grande portée me paraissent suffisants, puisque, à l'endroit du mouillage, il n'y a entre les deux points que 3,000 toises; des mortiers à la Gomer, qui se dirigent facilement, portant leur mobile à plus de 1,500 toises, remplissent le but. Il y en a à Brest, et l'on peut aussi en tirer des batteries où ils sont inutiles. Il y a aussi à Brest des mortiers de galiote en fer. Il en a été fait beaucoup sous les règnes de Louis XIV et de Louis XV. Ces mortiers jettent des bombes à 1,700 toises. Si l'on y met de l'activité, on aura à Brest tout ce qu'on voudra pour compléter l'armement. Les six mortiers à plaque pourront toujours servir pour commencer le feu, tenir l'ennemi éloigné et lui porter les premiers coups; mais les quarante mortiers à la Gomer seront une véritable force.


Bologne, 25 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, je m'aperçois, depuis que je parcours le pays, que ce qui est arrivé aux Gonzague est arrivé à soixante autres personnes, et entre autres aux Lambertini; c'est-à-dire que, par une disposition dont je ne conçois pas le principe, non-seulement on a supprimé le droit féodal, mais encore on s'est emparé de la terre sur laquelle le droit féodal était assis, comme la Convention a fait en France; ce qui est une injustice réelle, car cela ne pouvait se faire, comme l'avait fait l'assemblée constituante, qu'en mettant la condition de rachat; mais on a trouvé qu'elle avait été trop modérée, et on s'est emparé du fonds. Faites faire un rapport sur cet objet par la commission de législation, et demandez au ministre des finances un mémoire sur ce que cela a rendu. C'est une injustice qui ne peut être tolérée, à moins que ces dispositions n'aient été autorisées par quelque usage du pays qui, jusqu'à présent, n'est point à ma connaissance.


Bologne, 25 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, vous trouverez ci-joint deux décrets : l'un ordonne l'établissement d'une promenade et d'un boulevard à Bologne; mon intention est qu'il y ait quatre allées autour des remparts. Vous aurez soin que le projet vous en soit soumis incessamment pour que vous l'approuviez, et que la municipalité prenne des mesures pour faire planter les arbres dès l'hiver prochain.

Pour subvenir à cette dépense, ainsi que pour améliorer et embellir la promenade qui existe à présent, j'affecte un bien national de 200 à 230,000 livres, que la commune fera vendre.

Le second projet de décret est relatif à la grande question des eaux du Reno. Après bien des conférences, j'ai été à même de prendre moi-même un dernier parti, et je me suis décidé à ordonner le versement du Reno dans le Pô. Plus ce parti est grand et présente de responsabilité, plus je me suis convaincu qu'il était nécessaire que je le prisse moi-même. J'ordonne que les dix-sept millions des biens des eaux soient liquidés. Je ne vois pas trop pourquoi la commission de la dette publique a refusé de reconnaître cette dette nationale; c'est un engagement que j'ai pris avec la République cispadane, il
y a plusieurs années.

Je vais incessamment prendre un décret pour maintenir la balance entre les universités de Bologne et de Pavie; j'ai trouvé la première dans un état d'infériorité et de nullité qui contraste avec l'abondance et les privilèges de celle de Pavie. Père de mes peuples, je ne dois admettre aucune différence entre eux, et je vois que cette partie de mon royaume a été sacrifiée à des intérêts de localité, quand la politique veut que l'on abonde en toutes espèces de grâces pour un ays qui, après avoir été longtemps capitale, se trouve réduit à état de province. Quatre millions pour l'entretien des deux universités ne sont pas trop.

Faites imprimer le rapport de M. Aldini sur le versement du Reno dans le Pô, non sous son nom, mais en lui ôtant tout ce qui un caractère officiel et de rapport, et en le convertissant en un grand article de journal qui paraîtra le lendemain de la signature du décret. Je n'admettrai aucune représentation, et mon intention est qu'on travaille sur-le-champ à jeter le Reno dans le Pô.

J'ai été extrêmement satisfait de la ville de Bologne. Cette ville et Brescia sont les plus importantes, les plus énergiques et les plus méritantes du royaume. Milan aurait tort d'être jalouse de qui que ce soit, puisqu'elle est la seule ville du monde qui ait tout gagné en peu de temps et avec si peu de sacrifices. D'ailleurs, je ne me refuserai pas à lui donner un bien national de 200,000 francs pour établir sa promenade dans le meilleur état. Je vous ai envoyé des notes pour l'achat d'une maison. Comme la construction d'un palais est un ouvrage qui ne peut être fini qu'en douze ou quinze ans, l'achat d'une maison de campagne est d'autant plus utile qu'il est essentiel pour l'intérêt de l'État que vous passiez un mois au moins chaque année dans le pays.


Bologne, 25 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, je vous envoie le décret sur la conscription. Il n'y est pas rappelé que les dispositions de la loi de 1802 sont maintenues, parce que cela est de droit, qu'une loi a son effet naturel tant qu'elle n'est pas rapportée, et que, quand on revient sur ces choses-là, cela finit par mettre du désordre dans l'administration. Il n'est pas dit, par la même raison, que les départements qui n'ont pas fourni leur contingent de la conscription de 1802 à 1803 doivent le fournir, parce que cela est de droit.

Vous ne m'expliquez pas pourquoi les particuliers de la rive italienne de la Sesia se trouvent ruinés : je vous prie de me faire faire un mémoire là-dessus.

Les 80,000 francs à mettre à la disposition du ministre de la guerre, pour la gratification accordée à des corps, peuvent être pris sur son crédit du mois prochain. Je vous envoie un décret par lequel j'augmente de 400,000 francs ce même crédit, pour qu'il puisse fournir aux dépenses des fortifications.

On propose dans le département de l'Adda quatre tribunaux de première instance : un seul suffit, vu l'établissement des juges de paix. Cinq tribunaux de première instance dans l'Agogna me paraissent trop, il suffit de trois; quatre dans l'Alto-Po sont trop, il suffit de trois ; quatre dans le Basso-Po sont trop, il suffit de trois; quatre dans le Lario sont trop, il suffit de trois; quatre dans la Mella sont trop, il suffit de trois; trois dans le Alincio sont suffisants; cinq dans le Reno sont trop, il suffit de quatre; trois dans le Serio sont suffisants. Cette réduction apportera une grande économie.

La même commission ne peut faire la loi sur les notaires, le règlement sur les procédures civiles, et la loi provisoire des translations; il faut au moins deux commissions pour pouvoir remplir avec activité ces trois objets.

Je vous renvoie le rapport A; je n'y vois rien d'important que ce qui est relatif aux petites vexations sur l'Adige. Il faut que M. Testi entretienne sur cet objet une correspondance suivie avec mon commissaire général des relations extérieures à Venise, pour demander pourquoi on arrête arbitrairement les passagers, ce qui est d'un assez mauvais effet. Alors le gouverneur général donnera des ordres; car ces petits inconvénients proviennent du fait des subalternes et des insignes militaires mal données. Ce sont des affaires de détail à suivre; quand on verra qu'on y met de la suite, les subordonnés agiront d'une manière plus circonspecte, et tout prendra une marche plus régulière.

Quant à l'affaire des auditeurs de rote, faites-en correspondre M. Testi avec le cardinal Fesch, mon ambassadeur à Rome.

Faites écrire à M. Antoine Malvezzi, de Bologne, ainsi qu'à M. Ercolani, décoré de l'ordre de Saint-Hubert, que je les autorise à porter la décoration de Bavière. Je vous envoie une note du Duroc sur les palais de Bologne. Il parait qu'il n'y a pas de doute sur le choix; je n'ai pu les voir moi-même; mon intendant peut se transporter à Bologne pour s'assurer s'il y en a un de convenable et en faire l'achat.

Le secrétaire d'État ne doit pas dater du jour où il contre-signe les décrets, c'est une chose absurde; un décret ne peut pas avoir deux dates, et, comme le contre-seing du secrétaire d'État ne lui donne aucune valeur, ce n'est qu'une chose inconvenante.


Bologne, 25 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, mon intention est de faire accompagner le prince de Lucques par Parme, Plaisance, jusqu'à Lucques, par quatre détachements des gardes d'honneur des principales villes du royaume, de 5 hommes chacun, et par 1,00 hommes à cheval de ma garde impériale. Le commandant de la garde à cheval de la garde d'honneur de Milan commandera les quatre détachements. Les gardes d'honneur de Pavie, de Lodi et de Como, s'il y en a une à Como, formeront un détachement de 25 hommes à cheval. M. Ercolani commandera la garde de Bologne; son détachement sera composé de celles de Bologne, Cesena, Ferrare, Forli. M. Martinengo commandera le détachement de la garde de Brescia, qui sera composé de celles de Brescia et de Vérone. Le commandant de la garde d'honneur de Modène commandera le détachement composé de celles de Modène, Reggio et Crémone. Les quatre détachements formeront en tout 100 hommes. Vous ferez prévenir que tout soit ordonné pour la réunion.

Les chevaux seront nourris en route par étapes. Les commandants des quatre détachements jouiront des indemnités et des étapes de colonel; les maréchaux des logis, de celles de capitaine; et les gardes, de celles de sous-lieutenant. Chargez le ministre de la guerre Pino de cette organisation, afin que tout soit prêt dans les vingt-quatre heures. Les gardes d'honneur seront prévenus qu'ils sont destinés à accompagner le prince et la princesse de Lucques, qu'ils resteront quinze jours à Lucques, et ensuite retourneront chez eux. Vous leur ferez connaître quelle est la marque de confiance que je leur donne, en les admettant à accompagner une princesse de mon sang et un prince qui arrive à la souveraineté d'un pays allié du royaume d' Italie.


Bologne, 25 juin 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, ma réponse à la pétition du ministre des cultes est que ce qui est écrit est écrit. Si mon décret sur les cultes n'a rien décidé là-dessus, vous me le représenterez à Plaisance; s'il a décidé quelque chose; je ne puis y revenir.

Je vois, annoncé dans le journal de Milan, que le cardinal Dugnani a été transféré à Ferrare. Le secrétaire d'État a eu bien peu d'esprit de ne point faire dire que c'était une erreur, et qu'au lieu de Dugnani il fallait lire Archetti ; c'est prêter au gouvernement des inconséquences. Ces choses-là sont plus importantes qu'elles ne paraissent.

Je désire que, lorsque vous m'écrirez, vous mettiez à la date le jour de la semaine. Il paraît que vous serez à Plaisance le mercredi à midi : il n'est pas sûr que je sois jeudi à Plaisance.


Modène, 25 juin 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je vous envoie des décrets qu'il est bon de faire mettre dans le Moniteur. Je vous envoie des journaux de Milan dont vous pourrez faire extraire quelques articles. Je vous envoie une lettre du général Chasseloup. Si M. Marbois est à Paris, communiquez-la-lui pour qu'il prenne sur-le-champ les mesures nécessaires pour faire expédier de l'argent. S'il n'y était pas, vous ferez appeler celui qui est chargé de donner des ordres en son absence, et vous lui enjoindrez de faire toutes les dispositions pour que les fonds soient assurés. Le moindre retard peut arrêter les travaux pour la campagne. Je vous envoie une lettre du ministre de la police. Il est inutile qu'on sache que je vous ai envoyé cette lettre. Faites les démarches nécessaires auprès de l'administration des forêts, et tenez la main à ce que les intérêts du trésor soient à couvert.


Modène, 25 juin 1805

Au vice-amiral Decrès

Vous trouverez ci-joint une lettre de M. Jérôme qui m'annonce l'arrivée de l'Uranie. Il paraît que vers le 3 il y avait 2 vaisseaux et 3 frégates anglaises devant Gènes. Il paraît que le 17 prairial il y avait plusieurs frégates en vue de Barcelone. Il paraît aussi que le 13 prairial le convoi de Nelson était vis-à-vis Alicante. Tout cela, ce sont les mêmes nouvelles, ce sont les 2 vaisseaux qui ont escorté le convoi de Gibraltar.

Je vous réexpédie vos tableaux. Je ne vois pas d'inconvénient de les faire passer à Gourdon, qui ne les remettra aux Espagnols qu'au moment du départ.

Il serait assez convenable de choisir un autre capitaine général pour la Martinique; Villaret ne demande pas mieux que de retourner.


Parme, 27 juin 1805

A M. Barbé-Marbois

Je ne vois pas clair dans les affaires de Parme. Je désire que vous y envoyiez un employé du trésor, intelligent et bien au fait de notre manière de compter. Il se rendra à Parme et établira le budget, tant pour le revenu que pour la dépense, de 1802, 1803, 1804 et 1805. Il établira aussi la même chose pour les municipalités de Parme, Plaisance et Guastalla. Il y ajoutera un mémoire sur chacune des branches de l'administration, sur les biens nationaux qui ont été vendus, et ce qui existe encore. Moreau de Saint-Méry, qui aurait dû faire cela, est tout à fait incapable; et puis il est bon de voir clair dans toutes ces affaires. Il faut que vous envoyiez pour cela un homme intelligent et tout à fait au fait de la manière dont nous faisons nos budgets.


Parme, 27 juin 1805

A M. Fouché

Votre lettre du 2 messidor m'a annoncé l'arrestation d'un espion, enseigne de vaisseau, à Bordeaux, avec ses papiers, celle d'un ci-devant baron, dans le département du Pas-de-Calais, et de deux autres de ses compagnons de voyage, dans la Roër. Je considère ces arrestations comme de véritables succès. Elles ont une importance d'autant plus grande qu'elles nous déferont de cette classe de misérables, et rendront le métier d'espion anglais périlleux. Ne les perdez point de vue, non plus que Laa, afin que je prenne des mesures sur un rapport général que vous m'en ferez, et que je les fasse traduire, les uns devant une commission militaire à Bordeaux, et les autres devant une autre commission. Ces exemples réitérés seront d'un grand effet. Je ne puis donc que vous témoigner toute ma satisfaction sur l'un et l'autre de ces événements.

Des agents anglais dangereux traversent le royaume d'Italie dans tous les sens. Un agent français à Rimini et un à Bologne seraient importants. Ils correspondraient avec Milan et Paris, et seraient connus du prince Eugène. Cela pourrait servir à faire arrêter des individus qui traversent l'Italie pour correspondre de Naples à Venise.


Parme, 27 juin 1805

Au général Marmont

J'ai reçu votre lettre du 28 prairial. J'ai fait connaître mes intentions au ministre Decrès; mais, comme il pourrait ne point le faire avec tous les détails convenables, je pense devoir vous écrire directement, et je vous parlerai comme à un officier sur le secret et la confiance duquel j'ai le droit de compter entièrement. Les Anglais n'ont à Yarmouth que 3 vaisseaux d'un calibre plus fort que 64. J'ai besoin d'en attirer davantage sur ce point, pour aider mes opérations. Voici comment je conçois ce que vous avez à faire. Passé le 15 messidor, mettez en marche les détachements des troupes qui doivent s'embarquer à bord des vaisseaux et frégates; ils y seront arrivés le 20. Du 20 au 25, que les vaisseaux de ligne lèvent l'ancre et se rendent au point F de votre plan. Que le reste du camp ne bouge point. Qu'il n'y ait qu'un général de division d'embarqué; vous, ne le soyez pas. Faites courir le bruit que 5 vaisseaux et frégates, avec six mois de vivres, partent pour une expédition de long cours. L'escadre restera là jusqu'à ce qu'elle ait attiré devant elle une force ennemie supérieure; et si, même alors, elle peut y rester sans danger, elle continuera à y rester. Si la position n'est point tenable, elle rentrera, mais le plus tard possible.

Au ler thermidor, toute votre armée se mettra en marche. Les 6, 7 et 8, tout sera embarqué. Le 9, vous vous embarquerez de votre personne. Vous prendrez des pilotes et ferez croire le plus possible que vous allez en Irlande en doublant l'Écosse; vous mettrez dans l'erreur l'amiral et les officiers hollandais. C'est donc l'Irlande que vous menacez. Si, dans cette position, vous pouvez aller avec votre escadre à la position F, vous le ferez. Sans quoi, vous aurez l'air d'attendre qu'un coup de vent chasse la croisière anglaise pour mettre à la voile; ce qui nécessairement obligera les Anglais à tenir une escadre de 10 vaisseaux au moins, et leur donnera toutes sortes de sollicitudes.

Je compte donc que, les 10 et 12 thermidor, vous ferez toutes vos dispositions pour l'embarquement, et vos dispositions feront en Angleterre un tapage considérable. Vous prendrez vos mesures pour ne toucher en rien à vos munitions de siége et à vos approvisionnements, jusqu'au 25 thermidor. Je serai près de vous alors, et je vous ferai connaître fréquemment mes intentions.

Je vous ai dit que j'avais besoin que vous attiriez beaucoup de vaisseaux près de vos côtes, c'est mon premier but; mais il n'en faut point conclure que votre embarquement est un embarquement de parade. Il est de parade, dans ce sens qu'il est anticipé d'un mois; mais, ce temps-là passé, il est probable qu'il deviendra réel. Et, comme dans les opérations de mer les jours ne peuvent être calculés, quand je dis un mois, ce peut être quinze jours. Vous devez donc vous arranger pour être prêt à partir au reçu d'un ordre. Je crois que cela vous explique suffisamment mes intentions.

Vous ne recevrez juste que le 15 mon courrier. Organisez ce que vous embarquerez à bord de votre escadre, de manière à faire croire que c'est pour votre expédition; mais surtout faites que cela soit cru en Angleterre et en Hollande pendant dix ou douze jours. Il ne faut point faire embarquer de chevaux, vu que cela décèlerait une expédition de descente.

Dix ou douze jours après, comme je rai dit plus haut, il faut que l'on croie en Angleterre à votre opération de descente. Il vous est, en ce moment, impossible d'en comprendre toute l'importance et les raisons. Trompez les généraux de division que vous ferez embarquer sur les vaisseaux de guerre, en faisant faire des recherches sur le cap de Bonne-Espérance. N'embarquez que ce qui, selon l'opinion des marins, peut aller au Cap.

Dans votre état de situation, qui se monte à 20,000 hommes embarqués, je désire que vous y joigniez deux compagnies d'artillerie batave de plus, et quelques ouvriers et sapeurs de plus.


Parme, 21 juin 1805

Au général Bertrand

Monsieur le Général Bertrand, mon Aide de camp, je vous envoie le projet de chemin qui a été fait jadis. Vous le suivrez et vous tiendrez des notes, lieue par lieue. Vous ferez aussi un tracé des fortifications de Bardi, et des quatre ou cinq autres petits fortins des gorges des montagnes de Gênes, tenant aux États de Parme. Vous irez à Sarzana, à la Spezzia, et vous reviendrez à Gênes, tenant note des villes, ports, rades, que vous rencontrerez sur votre route. Vous ferez de toutes les notes que vous aurez recueillies deux mémoires, que vous me remettrez à Gênes, l'un sur les difficultés et sur la dépense d'une route qui irait de Sestri à Parme et de Parme à la Spezzia; l'autre sur la situation dans laquelle se trouve la Spezzia, sur la statistique de tout le département des Apennins, sur les batteries de côte qui existent et sur celles qu'il conviendrait d'établir. Enfin vous me présenterez un troisième mémoire sur les gorges des Apennins, sur les facilités que pourrait trouver une armée à se porter de Reggio, de Modène, de Parme, sur la Rivière de Gênes, et sur les obstacles que la nature et l'art y apporteraient.


Parme, 27 juin 1805

Au vice-amiral Decrès

Collingwood n'est parti que le 3 prairial; il a perdu quatre ou cinq jours à conférer avec Nelson dans la baie de Lagos. En supposant donc qu'il ait été en droite ligne où il devait trouver Villeneuve, il y arrivera beaucoup après lui. La Topaze est partie le 25 floréal, le Président, le 1er prairial, et dès lors il ne trouvera plus personne. Je me vois pas non plus bien clairement où a été Nelson. Cependant, très-certainement, il y a dans la Méditerranée 1 vaisseau à Naples, 3 qui rôdent sur nos côtes depuis Gênes jusqu'à Toulon, et 3 autres qui rôdent sur les côtes de Cadix, Carthagène. J'estime donc qu'il y a 7 vaisseaux dans la Méditerranée. On veut me faire croire que Nelson est du nombre; alors il aurait donné 4 vaisseaux de son escadre à Collingwood, qui serait parti avec 12 ou 13 vaisseaux. Selon vos calculs, il n'y en aurait que 24 devant Brest, dont 6 de la croisière de Rochefort; reste à 18; ajoutez-y les 4 du Ferrol que vous supposez réunis, quoique ce soit incertain; au moment du combat il n'y aurait donc là que 22 à 23 vaisseaux. Villeneuve aurait, en seuls vaisseaux français, 19 vaisseaux et 7 frégates, et 13 vaisseaux et 2 frégates espagnols. Selon votre état, il n'y aurait à Nore et à Yarmouth que 3 vaisseaux. C'est pour augmenter le nombre de ces vaisseaux que tendent tous mes efforts. A cet effet, mon intention est que, passé le 20 messidor, l'escadre batave du Texel sorte et rentre, et qu'au ler thermidor toute l'armée s'embarque et reste embarquée. Certainement 30,000 hommes embarqués, ce qui n'a jamais eu lieu, et 7 vaisseaux attireront beaucoup de forces de ce côté-là.

Écrivez sur cela au général Marmont. Il est bon aussi que vous fassiez courir légèrement le bruit que la partie de ma Garde partie de Paris se dirige sur la Hollande, et que moi-même je vais passer la revue du camp d'Utrecht.

Si Missiessy sort, comme je l'espère, et qu'il paraisse sur les côtes d'Irlande, il ajoutera à ces démonstrations plus de probabilités. Enfin je suis plein d'espoir que l'amiral Villeneuve ne trouvera pas à Brest une force qui puisse lui en imposer, et que nos escadres réunies présentant plus de 50 vaisseaux, seront longtemps maîtresses du passage des mers où elles doivent se rendre.

Le 15 messidor, écrivez à Villeneuve pour lui faire connaître l'état de la question. Le 20, envoyez-lui un second courrier; le 25, un troisième; le ler thermidor, un quatrième; le 5, un cinquième; que ce soient tous des gens vigoureux.

Écrivez au général Gourdon que, du moment que Villeneuve paraîtra, il expédie deux courriers, un à Brest et un à Paris, et qu'il promette 100 louis à ces courriers s'ils arrivent avant telle heure en recommandant à tous deux, sous peine afflictive, de ne pas dit un mot de ce qu'ils ont vu et du lieu où ils vont.

Dans votre lettre au général Villeneuve, faites-lui bien connaître qu'il trouvera des vivres à gogo à Brest; que d'ailleurs l'escadre, qui en a pour six mois, pourra lui en donner tant qu'il voudra; qu'enfin il en trouvera aussi sur l'escadre de Gourdon, qui pourront lui donner trois mois pour 5 vaisseaux, ce qui formera 15 jours pour 20 vaisseaux.

Écrivez également à Gourdon que, le 25 messidor, il vous expédie un courrier qui vous fasse connaître la situation de l'escadre espagnole, la sienne et celle de l'ennemi.

Je vous envoie la carte du Texel et la note des points où son escadre peut se porter, et de ce qu'elle peut faire, sans se compromettre, pour attirer le plus d'ennemis possible. Consultez-vous avec le Pensionnaire de Hollande, et écrivez-lui une lettre dans laquelle vous lui direz que, dans mon attaque générale de guerre, j'ai besoin qu'il fasse tel mouvement; donnez ordre au général Marmont de faire les démarches pour le faire exécuter auprès du comité de marine.

Faites entrevoir à M. Schimmelpenninck qu'il ne serait pas impossible qu'à mon retour d'Italie j'allasse visiter le camp d'Utrecht; que je serais flatté de trouver l'escadre du Texel forte de 9 vaisseaux de guerre.

J'ai peine à croire qu'il y ait 8 vaisseaux devant Rochefort, à moins que ce ne fût 6 vaisseaux de haut bord et 2 de 50.

Réitérez donc vos ordres pour que le Borée soit armé sans retard. Je voudrais confier une expédition à M. Jérôme, mais de quelque importance. Si au ler septembre je pouvais avoir le Génois, le Borée et 3 frégates, je pourrais lui faire faire une très-belle expédition. Faites-moi connaître le temps réel pour une expédition d'Afrique, si vous pensez que le Génois soit prêt. Si ensuite notre grande expédition réussissait, ces petites escadres pourraient bien servir à quelque occupation d'éclat importante.

Faites aussi terminer l'Annibal.


Plaisance, 26 juin 1805

DÉCISION

M. Regnaud, de Saint-Jean-d'Angely, annonce que des bateleurs représentent avec des figures mécaniques les mystères de la Passion, depuis la conception et l'accouchement de la Vierge, jusqu'à la résurrection de son Fils. Il ajoute que l'on se porte en foule à ce spectacle, auquel les prêtres ont permis d'assister.

Renvoyé au ministre de la police, pour faire insinuer aux évêques que cela est contraire à toute idée saine, et faire connaître à ces individus qu'ils cessent leur spectacle, sous peine d'être fustigés très-réellement. 


Plaisance, 28 juin 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, vous enverrez un officier à Granville, qui de là parcourra Cherbourg, le Havre, Dieppe, Fécamp, et viendra vous joindre à Boulogne, où il vous portera la note de toutes les chaloupes canonnières, bateaux canonniers, péniches, etc., qui seraient encore dans ces ports. Donnez ordre au 3e régiment de hussards de se rendre à Montreuil pour rejoindre sa brigade. Donnez ordre au général commandant l'artillerie de rappeler toutes les compagnies d'artillerie légère faisant partie de l'armée et disséminées sur les côtes pour faire le service des colonnes mobiles, ainsi que le matériel et les attelages dont il pourrait avoir besoin. Passez la revue de tous les corps d'armée en bordant la haie, et envoyez-moi la note de tous les officiers qui manqueraient, avec des projets de nomination, afin que les cadres soient complets en officiers. Consultez la situation des troupes, et faites venir des dépôts, en infanterie et cavalerie, les hommes nécessaires pour compléter les présents sous les armes que chaque corps doit avoir, sans y comprendre les hommes aux hôpitaux. Envoyez-moi un état de situation exact des présents sous les armes, au 15 messidor, dans les camps de l'armée de l'Océan, en ayant soin de marquer les hommes aux hôpitaux ou hors des ports de réunion de l'Océan : par ports de l'Océan, vous savez qu'on comprend tous les ports depuis la Somme jusqu'à l'Escaut.

Ayez l'œil sur tout; entrez dans tous les détails de vivres, eau-de-vie, souliers; dans tous les détails d'embarquement. Vous devez tout avoir dans vos portefeuilles, bien en règle. Faites embarquer un grand nombre d'outils d'artillerie; vous savez qu'on en manque toujours à la guerre. J'aurai le siège du château de Douvres, de Châtham, peut-être de Portsmouth, à faire; causez-en avec Marescot. Il est possible que j'aie assez de troupes pour les faire tous trois à la fois; il ne s'agit donc pas de si, de mais, de car; les cas sont prévus. Qu'on embarque donc beaucoup d'outils à manche, et qu'on fasse en sorte qu'on ne manque de rien. Je ne sais combien j'ai ordonné de compagnies de mineurs. J'imagine qu'on a tous les outils pour former l'équipage de mine.

Je pense qu'il n'y a qu'une division du camp de Bruges à Wimereux. Envoyez au maréchal Davout l'ordre qu'une autre division soit rendue avant le 26 messidor.

Je serai à Fontainebleau le 25. J'y recevrai des renseignements précis pour donner des ordres sur tout et faire toutes les disposition.

J'ai ordonné la formation de tous les dragons à pied du camp de Compiègne et d'Amiens. Donnez ordre au général Baraguey d'Hilliers d'en prendre le commandement et de se rendre avec à Calais.

Donnez ordre à l'artillerie de ma Garde, qui est à la Fère, de rendre à Wimereux : il suffit qu'elle y soit le 25 messidor. Si j'ai oublié quelques dispositions, remettez-les-moi sous les yeux. Comme la division de grosse cavalerie de Nansouty n'est pas destinée à s'embarquer tout de suite, je serai à temps de donner des ordres à mon arrivée à Paris. Il me suffit qu'il y ait possibilité qu'elle soit à Calais au 5 thermidor.

J'imagine que les cinq bataillons de sapeurs sont complets; s'ils ne le sont pas, faites appeler du dépôt d'artillerie tout ce qui est nécessaire pour les compléter.


Plaisance, 28 juin 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, je suis toujours sans nouvelles positives; il paraîtrait que Nelson aurait été aux Indes occidentales, mais seulement avec 10 vaisseaux. Dans tous les cas, il ne serait parti que le 25 floréal. Magon serait donc arrivé avant. Nelson aurait d'abord été devant Surinam, de là à la Trinité, et enfin à la Barbade; ce qui laisse des chances même pour l'arrivée de la frégate le Président, qui est partie le 1er prairial, c'est-à-dire à presque pas de jours de différence, et avec l'avantage d'un bâtiment contre une escadre, suivant une route plus courte et ne perdant son temps ni à rien chasser ni à prendre aucun renseignement. Nelson perdra deux jours au cap Vert; il perdra beaucoup de jours à se faire rallier par les vaisseaux et frégates qu'il fera chasser sur sa route. Quand il apprendra que Villeneuve n'est pas aux îles du Vent, il ira à la Jamaïque, et, pendant le temps qu'il perdra à s'y réapprovisionner et à l'y attendre, les grands coups seront portés : voilà mon calcul. Faites embarquer à Brest le plus de vivres que vous pourrez sur les flûtes.

Comment n'est-il pas possible de tirer parti de ce vaisseau l'Océan ? N'oubliez point les canonnières. Donnez l'ordre qu'au 5 thermidor ce qu'on peut trouver dans les ports s'embarque sur les canonnières, qu'on y mette de bonnes troupes, et que tout soit armé, jusqu'aux péniches. Les pièces de 18 et de 24 sont partout des pièces de 18 et de 24. Pourquoi même les deux ou trois bombardes qui sont à Brest ne sortiraient-elles pas ?

Expédiez un capitaine de frégate au Havre et un à Dunkerque, pour faire hâter le départ de l'un et l'autre côté. Donnez ordre à la frégate la Canonnière de se tenir prête, avec ses munitions, à partir vingt-quatre heures après la réception de votre courrier; vous savez de quelle utilité doit nous être cette frégate. Ayez aussi, au Havre, un ou deux bricks bons marcheurs, pour porter des ordres. Dans des moments si critiques, c'est un grand soulagement de recevoir tous les jours des nouvelles.

J'imagine que vous avez à Cherbourg au moins un mois de vivres pour tout le monde.

Je serai à Gènes les 11, 12, 13, 14 et 15. Voyez Lavallette pour que nos courriers prennent la route de Moulins, Lyon, Chambéry, Turin, Casal, Alexandrie et Gênes, afin que je ne manque aucune de vos lettres, et que je sois toujours au courant. Comme je marche avec deux voitures incognito, sous un nom supposé, et sans gardes, cela exige un grand secret. Il sera cependant nécessaire , passé le 18 messidor, qu'on dise aux courriers, en leur recommandant le secret, que, comme on ne sait pas mon itinéraire, ils observent bien sur la route, en cas que je passe incognito. Indépendamment des courriers, s'il y a quelque chose d'important, il sera convenable que vous m'expédiiez un officier que vous mettrez dans le secret de ma route.


Plaisance, 28 juin 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, je reçois votre courrier et vos lettres de la Guadeloupe. Je vous prie de me rassurer par votre premier courrier, et de me dire si Villaret sait quelque chose du but de l'expédition, car je tremble que les Anglais soient instruits de tout par ce canal.

Il paraît bien positivement que Villeneuve sera arrivé le 16 floréal (8 mai) à la Martinique; il devait y rester quarante jours; il a donc dû en partir le 25 prairial (14 juin). Mais Magon est parti le 11 floréal (30 avril), il a dû arriver le 11 prairial (31 mai), et certainement avant le 20 (9 juin); Magon lui porte l'ordre de rester trente-cinq jours; il devrait donc en partir au 20 messidor (9 juillet); et, en cas que Magon fût intercepté, la Didon, qui est partie le 13 floréal (3 mai), porte le même ordre. La Topaze, qui est partie le 25 floréal (15 mai), sera arrivée le 25 prairial (14 juin) ; elle lui porte l'ordre de ne rester que vingt jours après l'arrivée de Magon, c'est-à-dire jusqu'au 5 messidor (24 juin). Ainsi l'amiral Villeneuve partirait du 5 messidor (24 juin); mais la Présidente , partie le ler prairial (21 mai), lui porte l'ordre de partir sur-le-champ; la Présidente arrivera au ler messidor (20 juin). Le Département-des-Landes, parti le 3 prairial (23 mai), lui porte le même ordre. On ne peut donc former aucun doute, et il n'y a pas moralement de chance pour que Villeneuve ne parte pas du ler au 10 messidor (20 au 29 juin) . Il mettra un mois pour son retour; je ne le compte donc que du ler au 10 thermidor (20 au 29 juillet) devant le Ferrol, du 10 au 20(29 juillet au 8 août) devant Brest, et du 20 au 30 (du 8 au 18 août) devant Boulogne.

Voyons actuellement ce qu'il y a contre nous. Il n'y a que 18 vaisseaux devant Brest, 6 devant Rochefort, et 8 devant le Ferrol; on ne sait pas ce qu'il y a dans la Méditerranée; de très-sûr, il n'y a que 4 vaisseaux. Il nous manque des connaissances de Nelson et de Colllingwood; Nelson et Collingwood étaient ensemble le 25 floréal, sur les côtes d'Espagne, avec 17 vaisseaux de guerre; ils sont partis : on n'en a réellement depuis aucune nouvelle. S'ils ont été ensemble, ils sont arrivés le 26 prairial devant Surinam, et le ler messidor à Barbade. Si alors ils se sont présentés devant la Martinique, ils ont trouvé notre escadre composée de 14 vaisseaux français et de 6 vaisseaux espagnols. Si je ne me trompe, messidor commence déjà 1'hivernage. Nelson aura fait une de ces deux choses : il aura cherché à se rallier à quelque escadre, et Villeneuve sera parti; ou, dès que Villeneuve aura appris l'arrivée de Nelson dans ses parages, il sera encore parti. Mais il est difficile de croire que, sans aucune nouvelle, les Anglais aient expédié 17 vaisseaux de guerre aux Indes occidentales, tandis que Nelson, devant se joindre avec ses 10 vaisseaux à Cochrane qui en a 6, et aux 3 qui sont à la Jamaïque, se fait une force de 19 vaisseaux qui lui donne la supériorité sur notre escadre, et que Collingwood, parti avec 8 vaisseaux pour les Grandes Indes, en trouve là 9 qui lui donnent une force de 17 vaisseaux, qui, avec les vaisseaux d'escorte, lui donnent encore la supériorité sur notre escadre; il est, dis-je, difficile de penser que, lorsque l'ennemi a ainsi des chances de se trouver maître partout, il ait à l'aveuglette abandonné les Grandes Indes. Enfin il y a une autre observation. Si les deux escadres anglaises réunies ont été en Amérique, elles auront passé au cap Vert, et n'arriveront que le 5 messidor (24 juin), c'est-à-dire, mettant quarante jours dans la traversée. Si, au contraire, Nelson était seul, il aura été sans hésiter et sans chercher aucun renseignement. Alors que fera-t-il avec 10 vaisseaux ? Il perdra huit ou dix jours à se réunir à Cochrane, et pendant ce temps-là Villeneuve partira, et l'ennemi se trouvera affaibli, au moment des combats, des escadres de Nelson et de Cochrane. Il est certain que Nelson était peu approvisionné; il a dû mouiller sur la côte d'Afrique pour faire de l'eau. Ses équipages étaient très-fatigués; il a débarqué à Gibraltar tous ses malades. Je crois ses équipages très-incomplets, ce qui doit lui inspirer plus de prudence et de réserve. Mon opinion est que Nelson est parti et est allé en Amérique; que Collingwood est parti et est allé aux Grandes Indes. Dans-tous les cas, nous devons avoir tous les jours de nouvelles données.

Enfin le but de Villeneuve est si difficile à deviner, que même Nelson, se ravitaillant à la Barbade, ne croira pas faire une si grande faute qu'il la fera en perdant trois ou quatre jours, puisque Villeneuve n'est pas attaquable dans la rade de la Martinique. Je compte Villeneuve parti pour se rendre au Ferrol, du 20 prairial au 10 messidor, (9 au 29 juin) avant que Nelson puisse paraître. Je hâterai mon arrivée de quelques jours, parce que je pense que l'arrivée de Nelson en Amérique pourrait pousser Villeneuve à partir pour le Ferrol. Nelson avec 10 seuls vaisseaux ne paraîtra pas devant la Martinique; il s'arrêtera quelques jours à la Barbade, afin de méditer sa réunion avec Cochrane.

Voici mes données sur la situation des escadres anglaises : 18 vaisseaux devant Brest, 6 devant Rochefort, 8 devant le Ferrol, 4 dans la Méditerranée, 9 ou 10 de l'escadre de Nelson, 7 ou 8 de l'escadre de Collingwood.

Tous les renseignements présentent Nelson comme croisant sur le cap Saint-Vincent; mais tout porte à penser que l'un et l'autre sont lancés. Dans cet état de choses, s'il est prouvé que Nelson et Collingwood sont lancés, et que Ganteaume trouvât jour à sortir, ne serait-il pas convenable de le faire sortir pour avoir l'air de menacer 1'Irlande, mais, au lieu de cela, pour s'emmancher et se porter devant Boulogne; ou bien de le faire aller devant le Ferrol se joindre aux 12 vaisseaux, et avec ces 33 vaisseaux entrer dans la Manche ? C'est un jeu mêlé, sans doute, mais qui nous sera toujours une ressource s'il arrivait que Villeneuve fût bloqué; d'autant plus que, dans cas , l'escadre de Brest sortie , on la croirait destinée pour la Martinique. Écrivez-en toujours à Ganteaume, en thème général, pour savoir ce qu'il en pense.


Plaisance, 28 juin 1805

A M. Melzi, grand-chancelier du royaume d'Italie

Je n'ai pu qu'être peiné de votre conduite depuis mon départ de Milan : vous n'avez communiqué avec le vice-roi que par le journal officiel dans lequel vous avez fait insérer que vous partiez. Je suis à concevoir comment un homme de votre prudence peut en mettre si peu dans ses relations les plus importantes. Mon intention est que vous répariez cette inconvenance, et que vous ne partiez de Milan qu'avec l'approbation du vice-roi.


1- 15 Juin 1805