16 - 31 mai 1805


Milan, 21 mai 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je vous ai envoyé d'Alexandrie un projet de création de tribunaux civils en Piémont et de changements à faire aux chefs-lieux de tribunaux criminels. Faites discuter promptement ces projet; le Piémont est organisé d'une manière absurde.


Milan, 21 mai 1805

A M. Collin

Monsieur le Directeur général, je vous ai chargé de prendre connaissance de la législation des douanes de mon royaume d'Italie pour être à même de m'indiquer les défauts auxquels, il faudrait remédier et les changements qu'il serait nécessaire de faire dans le tarif pour atteindre le double but d'augmenter les ressources de ce pays et de faire quelque chose d'avantageux pour le commerce de la France.

Une étude qui ne serait pas moins importante serait celle de l'imposition du sel et du tabac. En effet, dans le royaume d'Italie, qui rend douze millions et l'autre quatre; et en Piémont, dont la population est la moitié de celle de ce royaume, elles ne rendent presque rien. Un rapport bien fait sur cette question sera d'une grande utilité.


Milan, 21 mai 1805

Au maréchal Moncey

Je désire que vous preniez des renseignements sur l'organisation de la gendarmerie italienne, et que vous me présentiez un plan d'organisation basée sur celle de France : même discipline, même manière de procéder et d'agir. Vous me proposerez les réformes à opérer et les instructions à donner.


Milan, 22 mai 1805

Monsieur Champagny, j'ai lu le mémoire de M. Prony; faites-lui connaître qu'il est nécessaire qu'on rédige un projet général en détail, et qu'en attendant on commence toujours à construire des écluses. Il n'y a point de doute que, si l'on a fait de nouvelles découvertes de carrières de pierre, il ne faille construire les écluses en pierre; mais il parait douteux qu'une chose recherchée depuis tant de siècles se trouve au moment où le besoin s'en fait le plus sentir; toutefois, cela serait heureux. Je désire qu'on ne perde point la campagne, et qu'on s occupe sur-le-champ de ces travaux, au résultat desquels j'attache la plus grande importance. Dans l'ordre du travail , il faut que le projet général soit rédigé de manière que la Seine soit navigable jusqu'à Troyes, et avec la même facilité qu'elle l'est de Paris à Rouen. Il n'y a point à hésiter à mettre une ou deux écluses de plus pour diminuer la rapidité de l'eau. Mais, dans cet objet comme dans tous les autres, c'est l'ordre des travaux qu'il faut s'attacher à déterminer spécialement. C'est sous ce point de vue qu'il n'y a pas d'inconvénient à suivre l'indication qui a été donnée des écluses impaires. M. de Prony dit qu'elles présenteront les mêmes difficultés que celles du Rhône; mais il s'agirait de continuer après les écluses intermédiaires, et la ville de Troyes en aurait la jouissance un ou deux ans plus tôt. J'attache la plus grande importance à rendre la Seine navigable, même jusqu'à sa source, en distribuant la dépense sur une grande étendue de temps. Indépendamment des avantages de la navigation de Bar-sur-Seine et de Châtillon , les bois et matériaux s'écoulant par cette navigation, je suis dans la ferme persuasion que ce débouché augmenterait d'une manière indéterminée la valeur des denrées de ces cantons, et tout au profit des approvisionnements de Paris ; et, dans la situation actuelle de l'Empire, tout ce qui tend à faire venir des approvisionnements plus rapidement et à meilleur marché à Paris doit fixer au premier degré l'attention de l'administration. Mais la navigation jusqu'à Châtillon, et plus haut, si cela est possible, ne peut se faire qu'avec le temps ; c'est Troyes qui est le point que j'ai voulu déterminer.


Milan, 22 mai 1805

A M. Fouché, ministre de la police générale

La Gazette de France est le journal qui me semble rédigé, dans le meilleur esprit. Il a d'ailleurs l'adresse de se pocurer de très bonne heure des nouvelles de Londres. Il est animé d'un bon esprit national. Son titre d'ailleurs se trouve très heureux pour être conservé; il ne rappelle aucun fâcheux souvenir de la Révolution. Protégez-le le plus que vous pourrez, en lui envoyant tous les renseignements qui viendraient à vôtre connaissance.

Je vous ai déjà fait connaître l'intention où je suis de nommer un censeur auprès du Journal des Débats. Ce journal me paraît d'ailleurs tout à fait déchoir; il ne donne plus que des nouvelles de vieille date de l'étranger. Il serait peut-être bon de réunir le feuilleton de ce journal à la Gazette de France; mais il faudrait que les rédacteurs de la Gazette de France ne changeassent pas, et que M. Geoffroy continuât à rédiger le feuilleton. Mais le titre de lois du pouvoir législatif, actes du gouvernement, etc., ne convient plus. Il sera d'ailleurs fort heureux d'arracher ce journal des mains de Bertin, agent d'intrigues et de trahison. Si la chose ne se fait pas de gré à gré, préparez-la toujours; car, au premier mauvais article des Débats, je le supprime.

Faites faire des articles contre la princesse D*** qui se répand à Rome en propos indécents et ridicules. Vous savez qu'elle a vécu longtemps avec un chanteur; que ses diamants, dont elle fait tant de bruit, sont de Potemkin, et sont le fruit de son déshonneur. Il vous sera possible de vous procurer des renseignenaents sur elle, et de la tourner en ridicule. Elle veut passer pour une femme d'esprit; elle est liée avec la reine de Naples, et, ce qui est aussi étonnant, avec Mme de Staël.

(Lecestre)


Milan, 22 mai 1805 (suite de la lettre précédente)

A M. Fouché

Je vous envoie un bulletin de Francfort. On en adresse à tous le journalistes de Paris, entre autres à un nommé Gillet. Vous y verrez parmi beaucoup de nouvelles indifférentes, une qui se rattache au but de la faction. Les imbéciles de journalistes copient tout sans soupçonner l'adresse des Anglais. Faites-les venir à la police et montrez-leur comment, sans le vouloir, ils publient des articles perfides et dont le but est de semer l'alarme; ou, pour éviter cette marche, ne vaudrait-il pas mieux faire faire des bulletins que vous enverriez aux journaux allemands, dans lesquels, entre autres nouvelles insignifiantes de Paris, on en insérerait de contraires au commerce anglais, afin de porter de nouvelles alarmes à leurs relations politiques et commerciales ? Les Anglais auraient d'autant moins de ressources contre ces coups que tous les journaux ne manqueraient pas de les publier. On pourrait s'en promettre quelque utilité.


Milan, 22 mai 1805

A M. Fouché, minstre de la police générale

Je vous envoie une lettre dont je désirerais connaître l'auteur, afin d'être à même d'éclairer les pas d'un jeune homme, dont les passions sont si vives, et toujours prêt à s'égaer (il s'agit évidemment d'ici de Jérôme)

(Lecestre)


Milan, 22 mai 1805

A M. Fouché

Je vous envoie un rapport de Groizard, sur lequel je désire que vous fixiez votre attention. Il y a longtemps que j'entends parler de dilapidations dans la forêt de Fontainebleau. Mettez dans les recherches des auteurs du délit toute la finesse convenable, et tâchez de les surprendre. Faites cependant vérifier avant tout les faits généraux.


Milan, 22 mai 1805

NOTES POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE

Ordre à la compagnie du 20e régiment d'infanterie de ligne, qui est en ce moment dans la principauté de Piombino, de rejoindre son bataillon à l'île d'Elbe.

L'intention de l'Empereur est de mettre le prince de Piombino en état de subvenir aux dépenses des troupes qu'il doit entretenir; et à cet effet, je mettrai annuellement à sa disposition une somme de 100,000 francs, que je lui ferai compter à partir du 1er vendémiaire de la présente année.

Faire connaître en même temps au prince de Piombino qu'il est indispensable que, d'ici au 1er vendémiaire an XIV, les quatre compagnies qu'il doit avoir soient levées, complétées, équipées et armées.

Sa Majesté veut que la citadelle de Piombino soit mise en état de défense le plus tôt possible; 60,000 francs seront destinés pour cet objet. Ordonner au directeur du génie qui est à l'île d'Elbe de faire sans délai les projets et plans nécessaires pour la mise en état de cette citadelle et pour l'armer promptement.

S'il y a à l'île d'Elbe des canons dont on puisse se passer, ils seront transportés à Piombino.

L'intention de Sa Majesté est de donner au prince de Piombino quatre pièces de canon de 36 en fer, avec leurs affûts; six pièces de canon de 24 en fer, avec leurs affûts; six pièces de 24, six pièces de 12 et six pièces de 6, en bronze, avec leurs affûts, et 500 boulets par pièce; enfin 50 milliers de poudre à canon: tous ces objets devront être livrés au prince de Piombino avant le 1er vendémiaire an XIV.

On assure que des négociants de Livourne possèdent encore des pièces de canon qu'ils ont jadis achetées : on pourrait les racheter, pourvu que ce fût à bon compte; et dans le cas où on n'en pourrait avoir ni de Livourne ni de l'île d'Elbe, il faudra les envoyer de Gênes par la voie de mer.

Il est nécessaire qu'une fois que cette artillerie sera arrivée à Piombino, le prince se trouve en situation de la défendre au moyen du complétement (sic) de ses quatre compagnies, et il sera indispensable qu'il ait toujours les vivres nécessaires pour 400 hommes pendant un mois; il l'est pareillement que le prince ait un officier d'artillerie, un artificier, un garde-magasin, une escouade de 16 canonniers, une escouade de 8 ouvriers d'artillerie et un armurier. L'officier devra être pris parmi les officiers français retirés, et les autres parmi des militaires français retirés.

Le prince de Piombino ne doit perdre jamais de vue que l'ennemi qui voudra s'emparer de l'île d'Elbe commencera vraisemblablement par attaquer Piombino; et il résulte de cette donnée qu'il est de toute nécessité que la citadelle de cette place soit en état de défense, et suffisamment approvisionnée pour donner le temps aux troupes qui marcheront à son secours d'arriver, soit de Livourne, soit de Milan.

L'importance de la principauté de Piombino pour l'approvisionnement de l'île d'Elbe fait désirer à Sa Majesté de connaître quels sont les travaux nécessaires pour dessécher le lac de Piombino, et combien ce dessèchement coûterait. Ordonner au directeur du génie de l'île d'Elbe de faire faire les nivellements qu'il importe d'avoir pour cette opération, et d'examiner divers projets qui ont été présentés pour cet objet. Une tradition générale porte à croire que jadis la Cornia se jetait dans le lac de Torre-Nova, et l'on assure qu'avec moins de 50,000 francs on pourrait dessécher le lac de Piombino, rendre par conséquent l'air plus salubre dans cette partie, et remettre aux cultivateurs quelques milliers d'arpents de terre, dont la valeur dédommagerait de la dépense du dessèchement. Il paraît qu'il peut être opéré au moyen du resserrement des eaux de la Cornia dans des digues, et en rehaussant le terrain.

L'intention de Sa Majesté est également que je lui présente des projets relatifs au dessèchement des lacs de Scarlino, de Torre-Mozza, et de Torre-Nova. On prétend qu'il se trouve des vestiges de la voie Émilienne près du lac de Scarlino.. Sa Majesté ne demande pas des reconnaissances imparfaites sur ces divers objets, mais des projets en règle, basés sur une connaissance exacte des localités.

Il y a trois ports à Piombino; celui qui est le plus défendu par la citadelle est celui qui intéresse le plus Sa Majesté. Ordre de les faire examiner et d'en faire faire les plans sur une grande échelle, afin de les présenter à l'Empereur en même temps que des projets pour l'amélioration des ports. Ordonner qu'en les rédigeant on ne perde pas de vue surtout qu'il faut se soumettre à ce qu'a fait la nature. L'intention de l'Empereur serait d'avoir à Piombino un port capable de contenir des frégates qui y seraient à l'abri de toute force supérieure; mais, si cela était impossible, soit à cause de la nature des lieux, soit parce que la dépense en serait trop considérable, Sa Majesté désirerait que le port pût contenir de gros bricks de seize canons de 6, qui tirent de douze à quinze pieds d'eau, et qu'ils y fussent absolument en sûreté. Le but de l'Empereur est de fournir, par ce moyen, une défense de plus à l'île d'Elbe et à la Corse, ainsi qu'un point d'appui nécessaire pour écarter les corsaires ou pirates qui inquiéteraient Livourne et Cività-Vecchia.

Les officiers du génie de l'île d'Elbe seront chargés de l'exécution des ordres ci-dessus. Les plans, projets et aperçus de dépense devront être soumis à l'Empereur avant le ler vendémiaire an XIV.


Milan, 22 mai 1805

Au vice-amiral Decrès

Je n'ai point reçu de lettres de vous, depuis celle du 26, cinq heures du matin; je n'en ai reçu ni du 27 ni du 28. Si le  Borée est à l'eau dans un mois, je ne doute point que l'Annibal ne le soit. Cela me fera un fonds de division. Il y a à Cadix 4 vaisseaux en rade; si les 6 vaisseaux de Carthagène arrivent, cela fera 10 vaisseaux. Je viens d'être instruit qu'ils sont destinés pour ce port. Il paraît que l'Espagne préfère les avoir là plutôt qu'à Toulon. Comment l'escadre de Rochefort n'est-elle pas arrivée ? Faites-moi connaître positivement le jour où le Régulus sera prêt. Par les renseignements que j'ai, il paraît que Nelson était encore dans la Méditerranée : il attendait des ordres.


Milan, 22 mai 1805

DÉCISION

Le ministre de la guerre expose qu'une somme de 2.400 francs a été allouée indûment au capitaine Durraget, trésorier au 4e d'artillerie à cheval. Cet officier ayant employé cette somme à soutenir sa famille, le ministre propose de lui en faire remise. Monsieur Duraget, pour sa position, peut mériter les égards que demande le ministre; mais ce qui est inconcevable, c'est le colonel qui a pu ainsi transgresser les lois.

(Picard)


Milan, 23 mai 1805

A M. Talleyrand

Je désire que vous expédiiez un courrier à M. Beurnonville, pour lui faire connaître que mon intention est que l'on dirige tous les efforts de l'Espagne sur le Ferrol, de manière que, du 10 au 15 thermidor, on ait au Ferrol 10 vaisseaux armés et ayant des vivres au moins pour deux mois. Avec 4 ou 5 vaisseaux français, cela fera une escadre de 14 ou 15 vaisseaux, sur laquelle je compte dans mon plan général. Si l'on est en force à Cadix, je désire qu'on occupe le détroit et qu'on bloque Gibraltar.


Milan, 23 mai 1805

Au général Decaen

J'ai rendu, pour la navigation du Pô, un décret dont l'expédition vous aura été transmise. Mon intention est que des mesures semblables soient prises pour la navigation de la Saône et du Rhône, d'Auxonne à Avignon. La navigation, pour les voyageurs, est établie dans ce pays, et vraisemblablement il ne sera pas nécessaire de former des établissements à part pour cet objet. Les transports militaires, sur cette ligne, se faisant par eau, il n'y aura plus d'étapes par terre. Les mêmes dispositions doivent être prises pour l'Yonne et la Seine, depuis Auxerre jusqu'à Rouen, et pour le Rhin, depuis Strasbourg jusqu'en Hollande.

Il aura toujours dans l'établissement d'artillerie, à Auxonne, des bateaux prêts pour transporter à la fois à Avignon 3,000 hommes d'infanterie. Lorsque ces transports s'effectueront, s'il n'est pas jugé convenable de faire remonter les bateaux, on les vendra à Avignon.

L'artillerie sera chargée de cette manutention. Elle fera aussitôt construire de nouveaux bateaux pour remplacer ceux-ci, afin qu'il y en ait toujours de prêts pour ce service.

J'ai fait transporter ainsi l'armée d'Orient à Avignon; mais les difficultés ont été grandes et les dépenses considérables, parce que rien n'était disposé d'avance.

Je désire que vous fassiez faire un rapport sur ce que coûteront les passages, sur l'économie de temps, de souliers et d'indemnité de route, qui résultera de ces dispositions, et que vous me remettiez enfin un mémoire détaillé sur le parti qu'on peut tirer en général de rivières, pour le mouvement des troupes, les transports militaire et les passages des conscrits et des hommes isolés. Il doit résulter de ce système de grands avantages pour le service, et un profit considérable pour l'État. Je recommande ces objets à toute votre sollicitude.


Milan, 24 mai 1805

A S. S. le Pape

J'ai reçu la lettre que Votre Sainteté a bien voulu m'écrire en date du 18 mai. J'avais déjà été instruit de son heureuse arrivée à Rome. J'ai ressenti un vrai plaisir d'apprendre que sa santé s'était bien soutenue, et qu'elle n'avait point éprouvé de malaise du changement de climat et des fatigues d'un si grand voyage.

Un de mes premiers soins, à mon arrivée ici, a été de prendre un décret pour la mise à exécution du concordat; Votre Sainteté peu donc le faire publier à Rome, sans aucune espèce de doute. Ainsi toutes les choses sont arrangées d'une manière convenable.

Je recevrai demain le cardinal Caprara comme son légat, et c'est dimanche qu'aura lieu la cérémonie de mon couronnement que j'ai retardée, parce que tout n'était pas prêt. J'ai bien rencontré ave le temps; car il a fait très-mauvais jeudi, qui était le jour d'abord. fixé.

Le ballon, si heureusement arrivé à Rome, qui avait été lancé à Paris le jour du sacre, me semble devoir être conservé précieusement en mémoire de cet évènement extraordinaire; je désirerais que Votre Sainteté voulût le faire mettre dans un endroit particulier où les voyageurs pussent le voir, et qu'une inscription constatât qu'en tant d'heures il est arrivé à Rome.

J'ai parlé plusieurs fois à Votre Sainteté d'un jeune frère de dix neuf ans, que j'avais envoyé sur une frégate faire la guerre en Amérique, et qui, après un mois de séjour aux États-Unis, s'est marié Baltimore . . . avec une protestante, fille d'un négociant de cette ville. Ce jeune homme vient de rentrer. Il sent toute sa faute. J'ai renvoyé mademoiselle Paterson, sa soi-disant femme, en Amérique. Le mariage est nul. Un prêtre espagnol a assez oublié ses devoirs pour leur donner la bénédiction. Je désirerais une bulle de Votre Sainteté, qui effaçât la trace de ce mariage. Je lui envoie plusieurs mémoires, dont un du cardinal Caselli, dont elle reconnaîtra l'écriture. Il me serait facile de faire casser ce mariage par l'archevêque de Paris; l'Église gallicane ne reconnaît point ces sortes de mariages; mais il paraîtrait plus convenable que l'intervention immédiate de Votre Sainteté donnât de l'éclat à cette affaire, ne serait-ce que parce qu'il s'agit d'un membre d'une Maison souveraine. Je prie Votre Sainteté de ne point donner de publicité à cette première communication, car ce ne sera que lorsqu'elle m'aura fait connaître qu'elle l'agrée que je lui en ferai faire les instances publiques. Il est important, sous bien des rapports, et pour l'intérêt même de la religion en France, qu'il n'y ait point aussi près de moi une fille protestante; car il serait d'un exemple dangereux qu'un mineur, enfant distingué, soit exposé à une séduction pareille contre les lois civiles et contre toute espèce de convenances.

Sur ce, je prie Dieu qu'il vous conserve, Très-saint Père, longues années au régime et gouvernement de notre mère la Sainte Église.

Votre dévot fils, l'Empereur des Français, Roi d'Italie,

NAPOLÉON.


Milan, 24 mai 1805

A M. Lacépède

On a reçu la note du 27 floréal. On approuve que les 6 vaisseaux de Carthagène se réunissent à Cadix. On désirerait qu'on cherchât à avoir 8 vaisseaux à Cadix au 10 messidor, ce qui ferait 14; mais alors ne pas souffrir que l'on passe le détroit avec 4 ou 5 vaisseaux, mais avec une grande escadre de 10 vaisseaux; et, comme cela ne sera pas facile, la perte de la navigation du détroit serait une perte, pour le commerce et une source peut-être de réclamations pour l'Espagne.

Au Ferrol, 7 vaisseaux ne suffisent plus. C'est sur ce port qu'il faut diriger toute l'activité; il faut 10 vaisseaux qui, avec les 5 français, feront 15 vaisseaux. Il faudrait que les 10 du Ferrol aient au moins pour deux mois de vivres et fussent prêts avant le 15 messidor. On désire que tous les matelots, tous les efforts soient dirigés sur le côté du Ferrol.

Les nouvelles de Magon sont assez favorables; il paraît que les troupes commencent à être en mesure. Si les Anglais n'entretiennent pas une flotte devant Cadix, s'ils sont hors d'état de le faire, comme on le pense, à l'arrivée à Cadix, mettre le blocus devant Gibraltar et le déclarer en état de blocus. 


Milan, 24 mai 1805

Au vice-amiral Decrès

Dans les dépêches télégraphiques des 28 et 29, je vois que l'ennemi n'avait plus que 18 vaisseaux devant Brest. Il faut donc su poser qu'il prépare de nouvelles escadres pour envoyer à la recherche de Villeneuve. J'écris en Espagne pour réitérer l'ordre à l'escadre de Carthagène de se rendre à Cadix. J'ai demandé qu'il y eût 8 vaisseaux à Cadix, qui, avec les 6 de Carthagène, formeraient 14. Si nous pouvions y envoyer les 5 de Missiessy, cela nous ferait 19. Nous aurions donc 19 vaisseaux à Cadix et 12 au Ferrol. Nous pourrions donc ordonner à l'amiral Villeneuve de se rendre, arrivé au Ferrol devant Cadix, et de se joindre à cette escadre, à moins que cela n'attirât à Cadix assez de vaisseaux anglais pour nous faire notre diversion. Si l'amiral Missiessy ne tarde pas à arriver, nous pourrons nous trouver dans cette situation au ler messidor : 21 vaisseaux Brest, 12 au Ferrol, 19 à Cadix, 1 à Lorient; je suppose que cet qui est le Régulus, ne puisse point joindre l'amiral Missiessy.

Je sais cependant qu'il y a quelque inconvénient à ce que l'amiral Villeneuve rétrograde ainsi du Ferrol, car il paraît que le sentiment de la peur est tel chez les Anglais qu'ils ne prendront point le change, et que, Villeneuve arrivé dans les mers d'Europe, ils craindront pour Londres. Les Anglais sont et seront bien davantage embarrassé puisqu'il leur faudra au moins une escadre de 10 vaisseaux devant Cadix, une de 8 ou de 10 devant le Ferrol, et une vingtaine devant Brest, indépendamment de ce qu'ils auront aux Indes orientales et occidentales.

Si, dans le courant de prairial, les Anglais ne tenaient que 20 vaisseaux devant Brest et 8 ou 10 devant le Ferrol , la réunion de Villeneuve avec le Ferrol, qui formerait 34 vaisseaux, et avec Brest 55 vaisseaux, nous assurerait tellement la supériorité, qu'il serait inutile d'avoir recours à Cadix. Si, au contraire, les Anglais tenaient 28 vaisseaux devant Brest et 12 ou 15 devant le Ferrol, en négligeant Cadix et ne tenant que quelques vaisseaux dans la Méditerranée, je pense que Villeneuve, après avoir fait sa jonction au Ferrol, devrait se réunir avec l'escadre de Cadix.

Cependant, si vous poussez convenablement à Lorient, le Régulusdoit être prêt, et Missiessy aurait alors 6 vaisseaux. Ce sont ces 6 vaisseaux que j'aurais spécialement intérêt de réunir au général Villeneuve. Il y aurait de l'inconvénient à envoyer ces 6 vaisseaux au Ferrol : d'abord parce qu'ils courraient des dangers pour y arriver, ensuite parce que cela porterait les Anglais à augmenter la croisière du Ferrol. Mais peut-être serait-il plus convenable d'envoyer ces 6 vaisseaux à Lisbonne; alors Villeneuve passerait au Ferrol et se ferait joindre à la fois par les 14 vaisseaux de Cadix et les 6 de Lisbonne, qui lui formeraient une escadre de 25 ou 26 vaisseaux français et de 15 ou 16 vaisseaux espagnols.

Enfin il resterait un autre parti à prendre si Missiessy arrivait trop tard et ne pût sortir de Rochefort, et que les Anglais fussent en force devant Brest : c'est que Villeneuve se laissât affaler sur l'île d'Aix et se réunît à ces 6 vaisseaux.

Faites-moi un raisonnement dans ces trois cas.

Indépendamment, il faut que Missiessy ait des vivres pour six mois sur deux flûtes chargées qui serviraient, soit pour lui, soit pour Villeneuve. 

Soyez certain que nous n'avons pas affaire à un cabinet prévoyant, mais très-orgueilleux. Ce que nous faisons est si simple, qu'un cabinet qui aurait eu un peu de prévoyance n'aurait pas fait la guerre. Ils ont eu peur un moment pour Londres; bientôt ils enverront des escadres aux deux Indes. Si la Topaze a un bon vent, elle arrivera avant le 25 prairial.

J'imagine que vous leur avez donné des instructions pour se mettre en garde aux atterrages des îles.

Les Anglais tiennent devant Naples un vaisseau de 74; il est à la rade et peut facilement être enlevé. Si le Borée et l'Annibal et deux ou trois frégates pouvaient être prêts en thermidor, ce serait une jolie expédition.


Milan, 24 mai 1805

Au vice-amiral Decrès

Vous trouverez ci-joint une lettre de M. Jérôme Bonaparte; il paraît qu'il est assez content de la Pomone. Moi-même, devant aller à Gênes et ayant l'intention, entre nous, de réunir Gênes à la France, je serai bien aise de trouver là une autre frégate; faites-en partir une de Toulon. Cependant je ne veux pas de la Muiron, qui n'a que du 12; je veux une frégate qui puisse se battre. Ces 2 frégates et bricks seront sous le commandement de M. Jérôme, qui montre beaucoup de zèle et d'activité. Envoyez un courrier extraordinaire à Toulon. Préparez une organisation pour le port de Gênes comme celle de Rochefort à peu près, y admettant le moins d'employés possible, surtout cette année, où il y aura moins de besogne. Il faut prendre le parti de donner à construire en entreprise. Il est vrai que les armements exigeront de grands détails et des difficultés. Il faut avoir des commissaires des classes et préparer un projet de règlement pour toute la Rivière. Faites mettre, à Dunkerque, la Milanaise à l'eau, et à Lorient, le Courageux. J'espère que M. Thévenard s'arrangera de manière qu'il y soit avant le ler thermidor.


Milan, 25 mai 1805

Au maréchal Berthier

J'ai vu avec peine que les batteries qui défendent le port de Gènes sont en mauvais état et mal servies. Ordonnez au général Milhaud de faire exercer aux manœuvres du canon 200 hommes de la 112e; il n'y a pas besoin pour le service des places d'autre artillerie. Mon intention est que l'on fasse faire peu de service à la 112e, mais qu'au premier moment d'alerte elle puisse servir toutes les batteries. Vos états de situation n'indiquent pas les officiers d'artillerie qui se trouvent à Gènes; ils sont sans doute inexacts; si cependant il n'y avait pas d'officiers de cette arme, il faudrait y envoyer sur-le-champ 2 capitaines en second et 4 sergents pour exercer la 112e. Faites connaître au général Milhaud que je n'écouterai aucune excuse, que la 112e, après  vingt jours de service à Gênes, doit être en état de faire le service de tout le port comme les canonniers. Recommandez-lui de veiller soigneusement à ce que les batteries soient bien tenues, qu'il y ait des boulets et des munitions pour 100 coups à tirer, que des mortiers soient préparés ainsi que des boulets rouges. Écrivez lui que les batteries de Vado sont sous sa responsabilité, et qu'il doit s'assurer qu'elles sont suffisamment approvisionnées pour protéger une division de bâtiments français qui se rendrait dans ce port. Les troupes génoises sont suffisantes, mais il convient de se bien entendre avec les officiers qui les commandent et de veiller à ce que tout soit en règle. Ordonnez au bataillon de la 20e qui est à Livourne de se rendre à la Spezzia pour tenir garnison, et prévenez le général commandant en Ligurie pour que des mesures soient prises afin d'exercer ces troupes à la manœuvre du canon, de manière que, une division ou une escadre française se présentait, elle pût être efficacement protégée. Envoyez à la Spezzia une escouade de la 2e compagnie du 2e régiment d'artillerie qui est à Livourne, commandée par un sergent et composée au moins de 18 hommes. Ces canonniers exerceront à la manœuvre les soldats d'infanterie. Je croyais vous avoir donné l'ordre d'envoyer à Gênes une compagnie d'artillerie; faites-moi connaître ce qu'il en est. L'adjudant commandant Degiovanni étant passé en Corse, il convient d'envoyer un adjudant commandant et deux adjoints pour se porter sur toute la côte. Je vois qu'il y a à Gênes un sous-inspecteur aux revues : un commissaire des guerres est suffisant.


Milan, 25 mai 1805

Au maréchal Berthier

Donnez l'ordre au bataillon étranger qui se trouve à l'île d'Elbe de se rendre en Corse. Le général Morand s'en servira spécialement pour la police de l'intérieur, en ayant soin de tenir ces hommes éloignés de la pointe de Bonifacio, d'où ils pourraient déserter et passer en Sardaigne. Prévenez le général Morand que, la guerre maritime prenant tous les jours une plus grande activité, il est nécessaire qu'il soit constamment en alerte et qu'il tienne ses batteries de côte en bon état, parce qu'au moment où il y pensera le moins une division de frégates, et même de vaisseaux, peut se rendre à Ajaccio, Calvi ou Saint-Florent, et y être poursuivie. Il faut qu'elle y trouve des batteries en bon état et des mortiers pour la protéger efficacement. Il y a à Bastia une grande quantité d'artillerie fort inutile, puisque ce port ne peut contenir ni vaisseaux ni frégates. Rappelez au général Morand que j'avais donné ordre d'établir des batteries aux Sanguinaires, afin que des frégates et des bricks pussent stationner dans cette position et y faire des croisières. Si cela n'est pas fait, il faut s'en occuper sur-le-champ. On tiendra dans ces îles une petite garnison, et on y mettra des signaux, pour que, de la rade d'Ajaccio, on puisse profiter des mouvements et des circonstances de la mer.


Milan, 25 mai 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, il est donc décidé que l'escadre de Brest ne sortira pas. Soyez certain que les Anglais vont faire des expédition de troupes et de vaisseaux pour l'Amérique, et qu'ils ne garderont plus de 21 ou 22 vaisseaux devant Brest. L'amiral Villeneuve, avec ses 34 vaisseaux, pourra donc faire sa jonction avec l'amiral Ganteaume. Il reste aujourd'hui à correspondre avec ce dernier pour savoir les précautions qu'il a à prendre pour être prévenu de l'arrivée de l'amiral Villeneuve, et concerter les mesures nécessaires pour être à portée de le secourir et d'opérer la diversion. L'escadre de Carthagène va se rendre à Cadix, et l'on me promet 15 vaisseaux de ligne avant le 15 messidor. L'amiral Missiessy, comme je vous l'ai écrit hier, pourra être envoyé à Cadix; mais il ne faut point s'épuiser en raisonnements. Le principal est de ramasser des vivres, et d'en avoir à Rochefort 1 ou 2 flûtes chargées, pour le suivre. La célèbre expédition secrète est entrée le 7 mai à Lisbonne, et en est repartie le 10; elle est composée de 2 bâtiments de guerre, d'une corvette et de 50 bâtiments de transport portant 5 à 6,000 hommes; il paraît qu'elle s'était réfugiée à Lisbonne, dans la crainte de l'amiral Villeneuve. Où va-t-elle?  C'est un problème. Mon opinion est qu'elle n'a rien de raisonnable à faire que de prendre le Cap, ou de porter secours à la Jamaïque ou aux îles du Vent. Si elle est destinée pour Malte, tant mieux; rien ne prouvera davantage l'ineptie du cabinet anglais, car ces combinaisons de mouvements du continent, fondées sur des détachements de quelques 1,000 hommes, sont des combinaisons de pygmées. Si donc il vous revient que cette expédition est allée à Malte, réjouissez-vous, car les Anglais se seront privés de 6,000 hommes et d'un certain nombre de bâtiments. Tous les rapports que je reçois d'Angleterre s'accordent à dire que les Anglais embarquent des troupes de tous côtés. Il paraît que l'escadre de l'amiral Nelson a mouillé le 16 floréal à Gibraltar. Il résulte de l'état de la marine anglaise que vous m'avez envoyé qu'ils ont 23 vaisseaux devant Brest, 6 contre la flottille et l'escadre du Texel, 3 à la Jamaïque, 8 aux Indes, 14 dans la Méditerranée, 6 à la poursuite de l'amiral Missiessy, et 11 au Ferrol et à Gibraltar. Ce nombre de bâtiments n'est pas bien considérable. On peut compter que les 23 vaisseaux qui sont devant Brest y resteront; que les 6 d'Yarmouth et de la Manche y resteront; que les 3 qui sont aux Indes y resteront, que les 14 qui sont dans la Méditerranée y resteront en partie; que les 6 qui sont à la poursuite de Missiessy ne seront pas de retour, et qu'ils vont expédier à la suite de l'amiral Villeneuve une vingtaine de vaisseaux qu'ils composeront comme ils le voudront, mais qui en dernière analyse, apportera une diminution de 5 ou 6 vaisseaux dans la Méditerranée, d'environ autant aux escadres de Gibraltar et du Ferrol. Ils pourront les compléter avec tous ceux qu'ils pourront armer et équiper par la presse, avec toute l'activité possible. Enfin nous avons l'initiative de la campagne. En total, je vois qu'ils n'ont que 72 vaisseaux de ligne, compris l2 aux Indes et à la Jamaïque. Il ne leur reste donc réellement que 60 vaisseaux dans nos mers. Je crois être certain que l'escadre qui est à la poursuite de l'amiral Missiessy est allée aux Indes orientales; si cela était, ils n'auraient que 54 vaisseaux dans nos mers. Ils en feront partir 20 à la suite de l'amiral Villeneuve, ce qui ne leur en laissera que 34 dans nos mers; mais l'urgence des circonstances leur fera armer les 12, ou environ, qu'ils ont dans les ports d'Angleterre; ce qui leur fera 46 vaisseaux, qu'ils distribueront de la manière suivante : 22 à Brest, 10 au Ferrol, 3 à Tor-Bay, 6 à Gibraltar, 4 à Yarmouth. Je ne comprends pas dans ce nombre les vaisseaux au-dessous de 74 dont il paraît qu'ils ont à Brest 1 ou 2, au Ferrol 1 ou 2, à Cadix 1 ou 2, à Yarmouth 5 ou 6, contre la flottille de Boulogne 5 ou 6. Il est une vérité, c'est que, par l'état que vous m'avez remis, qui se trouve conforme aux miens, les Anglais ont 111 vaisseaux, dont 3 de gardé, qui ne comptent pas, 16 servant de prisons ou hôpitaux, qui ne comptent pas; il ne leur en reste donc plus que 92. Sur ces 92, 20 sont en armement, c'est-à-dire manquent d'équipage; reste donc 72; sur ces 72, ils en tiendront toujours, depuis les événements passés, 8 ou 10 aux Indes, 3 ou 4 à la Jamaïque, 3 ou 4 aux îles du Vent, partant 16 ou 18 vaisseaux : il ne leur resterait donc que 54 on 56 vaisseaux; et avec cela il faut qu'ils bloquent Cadix, le Ferrol, Brest, et qu'ils soient à la poursuite de Villeneuve et de Missiessy.

Voici l'état de nos forces, pour ne pas exagérer : 21 vaisseaux à Brest, 15 à Cadix, 12 au Ferrol, 20 de l'escadre de l'amiral Villeneuve, 1 à Lorient, 5 de l'escadre de l'amiral Missiessy : total, 74. Mais, sur ces 74, les 15 de Cadix ne m'occuperont que 6 vaisseaux anglais; il faut donc ôter 9 de 74; il me reste en total 65 vaisseaux que je puis réunir avec quelques chances heureuses; et il y a toute probabilité que les Anglais, après toutes les opérations terminées, ne pourront jamais réunir 65 vaisseaux. Je pense que vous devez faire un tableau de cette situation de forces respectives à l'amiral Villeneuve, au moment de son arrivée au Ferrol. Rien ne donne plus de courage et n'éclaircit plus les idées que de bien connaître la position de son ennemi.


Milan, 26 mai 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je ne crois pas qu'il soit nécessaire que vous écriviez au roi de Prusse. Vous pouvez contredire hautement la nouvelle qu'on répand de la conclusion d'un traité d'alliance de l'Angleterre avec la Russie. Faites assurer indirectement, à la Bourse et ailleurs, que la Russie, au contraire, a refusé d'entendre à aucune proposition hostile, et que l'empereur de Russie m'a fait demander des passeports pour un de ses chambellans qu'il m'envoie ici, étant dans l'intention de se remettre bien avec la France.


Milan, 26 mai 1805

A M. Barbé-Marbois

J'ai lu votre article sur l'expédition de Pierre. Soyez attentif à lire les journaux anglais, à vous les procurer par la voie la plus rapide. Ne tenez pas à mille louis de plus ou moins, et envoyez-moi les renseignements qui peuvent m'intéresser, surtout les mouvements des vaisseaux et l'annonce de tous préparatifs de toutes expéditions.


Milan, 26 mai 1805

A M. Fouché

Monsieur Fouché, faites imprimer dans les journaux plusieurs lettres comme venant de Saint-Pétersbourg et affirmant que les Français sont bien mieux traités; que la cour et la ville sentent la nécessité de se rapprocher; tous sont persuadés que l'avidité anglaise est la véritable cause de la continuation de la guerre; qu'enfin les Anglais sont mal vus; que le projet de coalition a échoué; que, dans tous les cas, la Russie ne se mêlera de rien, et, est trop loin pour s'en mêler pour son compte d'une manière efficace et directe.


Milan, 26 mai 1805

Au prince Murat

Monsieur mon Beau-Frère et Cousin, ce que vous m'écrivez de la conclusion d'un traité d'alliance entre l'Anqleterre et la Russie n'a pas de sens; cela est entièrement faux. Ces bruits, que les Anglais font répandre pour se tirer d'affaire momentanément, sont controuvés.


Milan, 26 mai 1805

Au vice-amiral Decrès

Dites le moins de choses possible à Beurnonville. C'est une trompette qui ne peut rien garder. Ses lettres sont faites par l'entremise de deux ou trois secrétaires qu'il a, qui les corrigent et les commentent. Vous savez ce que c'est qu'un secret qui est entre cinq ou six mains. Ce sont d'ailleurs des jeunes gens très-présomptueux et bavards. Je ne sais qui lui a dit que Brest devait débloquer le Ferrol.

Donnez à Vanlerberghe des navires suédois.

Vous n'avez rien à craindre; les bruits d'alliance défensive et offensive sont faux; mais cela fait diversion. On gagne ainsi quinze ou vingt jours. Je ne crois point que Pitt soit assez impudent pour l'annoncer au Parlement; s'il le faisait, je vous autorise à le démentir et à nier que tout ce qu'on a pu faire pour entraîner la Russie dans la guerre puisse réussir.


Milan, 26 mai i805

Au vice-amiral Decrès

Il me semble que Cochrane, qui était le 6 mars à Madère, a dû être, avant le 30, à la Barbade, et que les Anglais auraient dû le savoir avant le 10 mai. J'ai des nouvelles du 15 mai, de Londres; il n'est point question ou de son départ ou de son arrivée. J'avais calculé que, s'il n'allait pas, en revenant, au Brésil, dans cette hypothèse, cela lui ferait un retard de quinze jours. Quant à moi, mon opinion est qu'il a été aux Indes orientales. Les Anglais m'ont paru, en petit nombre, devant Brest, que depuis le 25 floréal. Leurs vaisseaux ont dû se réapprovisionner en Angleterre. Je ne pense pas que, du ler prairial, ils aient rien fait partir. Je calcule qu'ils feront partir 6 vaisseaux d'Orde, 6 de la réserve d'Angleterre. Je ne sais pas où ils prendront les 8 autres vaisseaux. Certainement cela épuise toute réserve, et il ne leur restera que les 21 vaisseaux de Brest, 12 au Ferrol, et Nelson réduit à une escadre d'observation à Cadix. Faites charger des flûtes de vivres, à Rochefort, Brest, et qu'on active les préparatifs à Lorient, afin d'approvisionner Missiessy, à l'instant qu'il arrivera, sans l'envoyer à Rochefort. Arrangez-vous pour que le Régulus s'y réunisse.


Milan, 26 mai 1805

Au vice-amiral Decrès

Voici l'état exact de la marine anglaise.

Dans la Tamise : un vaisseau de 74, l'Éléphant, deux de 50, un de 74, le Zealous, cinq frégates, cinq ou six bombardes, une vingtaine de bricks, avisos ou lougres. En parlant de la Tamise, je veux dire le long de la Tamise, soit à Londres, Chatham, Sheerness, etc.

A Portsmouth - la Ville-de-Paris, qui sert d'amiral, cinq vaisseaux de 80 ou 74 en commission, deux de 50 idem, un grand nombre frégates, bricks, de toute espèce;

A Spithead trois vaisseaux et des frégates;

A Plymouth quatre vaisseaux de 74, un de 50, beaucoup frégates et petits bâtiments en commission;

Ce qui fait quatorze vaisseaux plus haut que 74 et cinq moins forts, en commission dans les ports intérieurs.

ESCADRES EN MER.

Aux Dunes : un vaisseau de 74 et cinq de petit échantillon. 

Côtes ouest et nord-ouest : un vaisseau de 64.

Armée de Brest: vingt vaisseaux de 74 et au-dessus, deux de quatre frégates.

Ferrol : cinq vaisseaux de 74 et au-dessus, deux de 44, frégate.

Cadix (amiral Orde) : trois vaisseaux de 74 et au-dessus, trois de 64.

Division détachée après Missiessy, ravitaillée pour cinq mois : cinq vaisseaux de 74 et au-dessus, un de 64. Tous les renseignements sont qu'elle va aux Indes orientales; il est certain que, si elle allait aux Indes occidentales, elle commencerait par le Brésil.

Expédition secrète en mer, relâchée à Lisbonne : deux vaisseaux de plus de 74.

Mer d'Allemagne, vis-à-vis les Hollandais : un vaisseau de 74, quatre de plus de 50, frégates.

Méditerranée : douze vaisseaux de 74 et au-dessus, un de 50, plusieurs frégates.

Halifax : un vaisseau de 50.

Jamaïque : trois vaisseaux de 74.

Iles du Vent : un vaisseau de 74, un de 64.

Indes orientales : cinq vaisseaux de 74, quatre d'un échantillon plus petit.

D'après ce tableau, on peut voir que les forces anglaises ne sont pas aussi considérables qu'on peut le croire; que, si l'on ôte les vaisseaux qui sont en Amérique, les six qui sont à la poursuite de Missiessy, qu'on croit allés aux Indes, et qu'une escadre de vingt vaisseaux aille à la recherche de Villeneuve et soit absente pendant quinze jours, les Anglais, en faisant l'impossible, ne parviendront jamais à réunir quarante vaisseaux.

Je prie le ministre de faire vérifier ces états. Le ministre de l'intérieur propose à l'Empereur d'autoriser l'aliénation, à l'amiable, de la maison d'arrêt de Courtray, et de transférer les détenus dans un local plus convenable.


Milan, 26 mai 1805

Au vice-amiral Decrès

Témoignez mon mécontentement au préfet maritime de Rochefort de ce qu'il a laissé sortir des bâtiments le lendemain du départ de Magon. L'embargo doit être de quinze jours. C'est par le brick danois Justitia que les Anglais ont appris, le 7 mai, le départ de Magon, parti le ler.


Milan, 27 mai 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, le couronnement s'est fait hier avec pompe. L'église était très-belle. La cérémonie s'est passée aussi bien qu'à Paris, avec cette différence que le temps était superbe. En prenant la couronne de fer et la mettant sur ma tête, j'ai ajouté ces paroles : "Dieu me, la donne, malheur à qui y touche." J'espère que ce sera une prophétie.


Milan, 27 mai 1805

A M. Fouché

Monsieur Fouché, le couronnement a eu lieu hier; j'ai été extrêmement satisfait du peuple de Milan. Il y a eu un très-beau feu d'artifice et de brillantes illuminations; celle du clocher de la cathédral était d'un très-bel effet.

Dans l'état de désorganisation et d'embarras où se trouve l'Angleterre, il est possible qu'elle cherche à renouveler des troubles dans l'intérieur de la France; mais je ne puis croire qu'elle fasse grand chose. Cette corde est usée comme tant d'autres.


Milan, 27 mai 1805

A M. Gérard, chef du bureau du mouvement

Expédier l'ordre au 14e régiment d'infanterie légère, qui est à Tortone, de se rendre à Parme. Prescrire au général qui y commande de loger ce régiment dans les parties les plus saines de la ville et de ne mettre aucune troupe dans la citadelle. Lui faire connaître que l'intention de l'Empereur est qu'il reste responsable du casernement de cette troupe.

(Picard)


Milan, 27 mai 1805

DÉCISION

M. Derville Malechard, chargé d'affaires de l'Empereur près de la République de Lucques, appelle l'attention sur le petit port de Viareggio, où se livrent fréquemment des combats, et il expose l'utilité d'y placer un détachement de troupes française. Renvoyé au ministre de la guerre pour autoriser le général verdier à tenir un détachement de cinquante hommes dans ce port.

(Picard)


Milan, 27 mai 1805

DÉCISION

Le ministre de la guerre soumet à l'Empereur les demandes formées par deux régiments de dragons de la division du général Klein pour envoyer des chevaux au vert. On ne doit pas faire prendre le vert aux chevaux qui sont dans le cas de s'embarquer d'un moment à l'autre.

(ce texte est de la main de Berthier)

(Picard)


Milan, 27 mai 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, j'ai lu avec attention le mémoire de M. Moreau de Saint-Méry sur le clergé. Vous lui ferez connaître que la première obligation est de respecter les mœurs des peuples. Si les mœurs des habitants des États de Parme les portent à attacher un grand prix aux illuminations de l'intérieur des églises, à les fréquenter la nuit, il n'y a point de raison convenable pour les en empêcher, sans quoi ils se croiraient vexés dans leurs habitudes. Il doit défendre à tout individu, s'il n'est pas dans les ordres, d'en porter l'habit. Un diacre ou sous-diacre, de l'âge au-dessous de vingt-deux ou vingt-trois ans, ne doit point porter l'habit ecclésiastique. L'immunité des églises doit être défendue; la juridiction des évêques doit être supprimée; les sbires ou prisons qu'ils auraient, supprimés. Il est convenable que vous me présentiez des projets de décrets sur ces objets.


Milan, 27 mai 1805

DÉCISION

Le ministre de l'intérieur propose à l'Empereur d'autoriser l'aliénation, à l'amiable, de la maison d'arrêt de Courtray, et de transférer les détenus dans un local plus convenable. Cec est contraire a la règle générale; les maisons doivent être vendues aux enchères et payables en cinq ans, et les fonds versés trésor public. J'ai fait de ces exceptions dans mes voyages, mais j'avais alors la conviction de la convenance et de l'utilité de la faveur que j'accordais. Introduire cette marche dans l'administration générale, ce serait une chose fâcheuse. Le ministre peut proposer de faire vendre la maison dont il s'agit, mais les fonds en seront versés au trésor public.

Milan, 27 mai 1805

DÉCISION

Le ministre de l'intérieur présente une note de M. Moreau de Saint-Méry relative à l'établissement de ponts sur la Trebbia, le Tidone, etc. Renvoyé à M. Cretet, pour dé-signer une brigade d'ingénieurs pour le duché de Parme; leur nombre et leurs qualités seront les mêmes que ce que l'organisation comporte pour un département tel que la Seine-Inférieure. Les ingénieurs désignés partiront en poste, vingt-quatre heures après cette désignation, pour se rendre à leur destination.

Milan, 27 mai 1805

A M. Barbé-Marbois

L'île d'Elbe aurait dû rendre 500,000 francs en l'an X, XI, XII et XIII; il paraît qu'elle n'a rendu que 80,000 francs dans l'an XII et 65,000 dans l'an XIII. Mon intention est que sur-le-champ vous fassiez les démarches convenables auprès des entrepreneurs pour que ce qu'ils redoivent soit payé sans délai. L'île d'Elbe n'est point bloquée, les commandes ne doivent souffrir aucun retard. Payez le prix du bail, et que toute mesure ministérielle qui aurait été prise soit rapportée. Je m'en rapporte à votre zèle.

J'ai la douleur de voir que partout on élude le trésor.


Milan, 27 mai 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, je ne vous donne pas d'ordre pour l'amiral Misiessy. Il sera parti, si vous lui avez écrit bien positivement. En cinq jours il doit être prêt. Si vous avez mis des si, des car, des mais, ne sera point parti. J'ai étouffé d'indignation en lisant qu'il n'avait pas pris le Diamant. Ce qu'il dit dans sa correspondance avec Villeneuve n'a pas de bon sens. J'aurais préféré perdre un vaisseau de guerre et qu'il m'eût ôté cette bosse de la Martinique. S'il n'est pas part vous lui ferez connaître mon mécontentement. Qu'il ne vienne pas à Paris, mais qu'il se tienne à bord de son escadre. Il mérite, avec le reproche que j'ai à lui faire de n'avoir pas pris le Diamant, celui d'être resté si peu de temps à Santo-Domingo, qu'il n'a pas même lever le blocus, et qu'il n'a pris aucun corsaire noir; de ne s'être pas fait voir devant le Cap, ce qui aurait fait une diversion; de n'avoir pas embarqué un millier de sacs de farine pour Santo-Doming ayant appris à la Martinique que cette colonie en manquait; de n'avoir pas embarqué l'artillerie ennemie du Roseau, de Saint-Christophe. Je ne conçois pas comment, lorsqu'on a une si belle occasion, d'enlever cent pièces de canon de bronze anglais, on les laisse. C'eut été un trophée et un grand secours pour la Martinique et la Guadeloupe. Vous lui ferez le reproche de n'avoir pas exécuté l'ordre, que je lui avais donné dans ses instructions, de faire des levées de nègres
dans les colonies ennemies, et de n'avoir pas rempli la partie de instructions relative à Terre-Neuve. S'il avait osé paraître devant la Barbade, il aurait fait un tort immense aux ennemis. Si une expédition comme celle-là avait été faite avec un peu d'audace, ce n'est pas 40 francs de part de prise qu'aurait eus chaque matelot, mais 400 francs. Il aurait été naturel, vu la situation de Santo-Domingo, qu'il se crût autorisé à y débarquer 1,000 hommes au lieu de 500. Il fallait calculer que 500 hommes de moins n'étaient rien pour la Martinique. Mon intention est que vous n'écriviez aucune lettre confidentielle à mes amiraux, aux capitaines généraux des colonies, aux préfets maritimes. Toutes les relations d'un ministre sont officielles. Vous devez vous en exprimer à peu près de la même manière vis-à-vis du général Lagrange. Puisque le général Prevost n'avait que 400 hommes au fort Cabrit, j'avais lieu d'espérer que l'île aurait été prise. Il ne manquait pas d'artillerie à la Guadeloupe et à la Martinique; celle du Roseau suffisait. Écrivez par une frégate ou un aviso aux îles du Vent qu'on tâche de faire passer des renforts à San-Domingo. Prévenez l'amiral Missiessy que dans vingt-quatre heures il recevra un courrier avec des instructions pour mettre à la voile. Vous recevrez cette lettre le 12; vos ordres arriveront à Rochefort le 14. Je vous expédierai demain les instructions que vous recevrez le 13, et que l'amiral Missiessy pourra avoir le 15. Il partira donc avant le 20. Comme sa mission est de nature à comporter qu'il ait besoin de tous ses vivres, vous lui prescrirez de ne prendre que le complet de ses équipages. Cependant, si vous pensez qu'une centaine de soldats de plus pût lui être un renfort en cas d'attaque, vous êtes maître de les lui donner. Ajoutez-lui, si cela est possible, une frégate ou un brick. Demain à midi les instructions de l'amiral Missiessy vous seront expédiées.


Milan, 28 mai 1805

DÉCRET

ARTICLE ler. - Les membres de la Légion d'honneur sont augmentés de 2,000 légionnaires.
ART. 2. - Le fonds de 15 millions inscrit à trois pour cent sur le grand-livre de notre royaume d'Italie, en conséquence de la réunion du Novarais à cet État, est affecté à la Légion d'honneur.
ART. 3. - Le grand chancelier de la Légion d'honneur présentera, avant le ler vendémiaire prochain , à notre nomination les 2,000 nouveaux légionnaires créés par le présent décret, et qui, pour cette fois, seront choisis exclusivement parmi les officiers et soldats qui se sont distingués dans la guerre et qui auraient reçu au moins une blessure.


Milan, 28 mai 1805

A M. Collin, conseiller d'État, directeur général des douanes

Monsieur Collin, vous me présenterez un rapport dans la journée de demain , qui me fasse connaître s'il est possible de détruire les barrières de l'État de Gênes à dater du 20 prairial, en portant toute la ligne de douane sur les bords de la mer et les frontières de la Ligurie jusqu'au duché de Parme. Étudiez cette question sous le point de vue de l'organisation et des nouveaux employés à créer; sur l'inconvénient à laisser introduire en Piémont les marchandises de Gênes qui n'auraient pas été soumises aux droits.

Rédigez un projet de décret pour l'organisation du port franc de Gênes, les employés, et toute cette nouvelle organisation des douanes.


Milan, 28 mai 1805

Note pour M. Lacépède

On prévient le prince de la Paix qu'on a copie d'une lettre de la princesse des Asturies, à sa mère la reine de Naples. Elle lui écrit, à l'occasion de la maladie du roi, que, dans la demi-heure de sa mort, le prince de la Paix serait arrêté, et qu'elle et son mari sont résolus à cette démarche.

Toute l'importance pour l'Empereur est qu'au Ferrol il y ait 10 vaisseaux en rade le 15 messidor. Les vaisseaux y sont; il faut y diriger les matelots du royaume. Que l'escadre ait deux mois de vivres.

Il est urgent de faire venir la flotte de Carthagène à Cadix, de bloquer Gibraltar, si les Anglais ne tiennent pas une escadre supérieure dans ces mers.


Milan, 29 mai 1805

A M. Cambacérès

Je reçois votre lettre du 5. J'espère que le temps se sera remis a beau, et qu'il fera la chaleur que comporte la saison. 

Le peuple de Gênes parait vouloir sa réunion à la France. L'avantages de cette réunion et les circonstances me paraissent tels qu'ils doivent me faire passer par-dessus les criailleries de quelques puissances. Dans le fait, cela ne peut exciter que l'anidmadversion de l'Angleterre.

J'imagine que le ministre des finances est parti pour Turin, ainsi que le conseiller d'État Dauchy et Loysel; s'ils n'étaient pas partis, engagez-les à partir sans délai, car leur secours m'est nécessaire dans ces départements.


Milan, 29 mai 1805

A M. Fouché

Je vous ai déjà dit que le traité de l'Angleterre avec la Russie était faux; c'est une ruse du cabinet anglais; ses intrigues ont échoué complètement. Quand même vous verriez ce traité imprimé dans les gazettes anglaises et Pitt le dire au Parlement, vous pourrez dire que cela n'est pas vrai.


Milan, 29 mai 1805

Au vice-amiral Decrès

Je ne sais ce que veut dire cette salve des Anglais; il est possible qu'elle ait un but frivole. C'est une ruse qu'ils emploient souvent quand il y a du découragement et de la fermentation dans les équipages. Je ne vois pas qu'ils puissent nous avoir fait rien dont ils doivent se réjouir, si ce n'est quelque fâcheuse rencontre arrivée à l'amiral Magon. Quant aux nouvelles du Star,elles sont complètement fausses. L'Angleterre est entièrement abandonnée du continent; sa situation ne peut être pire.

M. Jérôme est à la voile à bord de sa frégate. Je vous ai déjà fait connaître que vous rangiez sous son commandement l'Incorruplible et l'Uranie.Il a de l'esprit, du caractère, de la décision, et assez de connaissances générales du métier pour pouvoir se servir du talent des autres.


Milan, 29 mai 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, si Missiessy est parti avant le 5 prairial, cela me donne, pour le succès de nos opérations, dix probabilités de plus; mais que faut-il faire s'il n'est pas parti ? Voilà une question qui mérite la plus sérieuse attention. Les Anglais se voient pris corps à corps; ils craignent pour les Indes, pour l'Amérique et pour leur propre patrie. Ils sentent bien que 20 vaisseaux, perdus dans les mers, peuvent à chaque instant apparaître sur quelque point de leurs côtes; ils savent bien qu'ils peuvent avoir été ou être suivis par d'autres, afin de porter la guerre au sein des Indes. Dans toutes ces incertitudes, la prudence, la nécessité ne leur font-elles pas une loi  d'interrompre le commerce de la Méditerranée ? Une interruption de trois mois ne peut leur faire aucun tort réel, et déjà le tableau s'est assez rembruni pour eux, pour qu'il ne soit plus question de calculer quelques pertes d'argent; tout leur paraîtra léger s'ils sortent avec honneur de cette lutte, qui leur présente des chances si sinistres aux yeux des moins clairvoyants et de ceux mêmes qui auraient le moins la volonté de voir. Si j'envoie Missiessy à Cadix ou à Toulon, et que les Anglais évacuent la Méditerranée, il est évident que les Anglais auront, le jour de la bataille d'Ouessant, six vaisseaux de plus contre moi, que j'aurais dû faire occuper par Missiessy, si l'amiral Missiessy, arrivé avant le 15 messidor à Cadix, y trouvait l'escadre de Carthagène, et partît avec 10 vaisseaux espagnols pour débloquer le Ferrol et se joindre dans ce port aux 14 ou 15 qui y sont. Mais est-il prudent d'attaquer 10 vaisseaux anglais avec 5 vaisseaux français et 10 espagnols ? Mais l'arrivée à Cadix n'est-elle pas soumise à quelques chances, et la défaite de l'escadre de l'amiral Missiessy ne portera-t-elle pas la terreur au Ferrol et dans l'escadre de l'amiral Villeneuve ? Enfin ces vaisseaux arrivés au Ferrol (je suppose qu'ils y seraient en messidor) en attireraient 20 anglais; et cependant l'amiral Villeneuve ne sera-t-il pas trop faible alors pour se présenter devant ce port avec seulement 14 vaisseaux français et 6 vaisseaux espagnols ? Dans notre position, je ne puis envoyer l'amiral Missiessy à Brest, parce qu'il serait imprudent de faire augmenter la croisière ennemie de Brest; je ne dois pas renvoyer au Ferrol par la même raison; d'ailleurs j'aurais trop de chances à courir. Je ne puis l'envoyer à Cadix, ni à Toulon, parce que là je ne puis être certain d'occuper une escadre anglaise, et puis me trouver affaibli de 6 vaisseaux le jour de la bataille, ou trouver de 6 vaisseaux l'ennemi plus fort. Le parti qui a été pris de renvoyer l'amiral Missiessy se joindre à l'amiral Villeneuve est un coup de maître. Peut-être aurait-on pu lui donner jusqu'au 10 prairial pour partir. Mais, si ce projet est évanoui, il faut l'employer de manière que l'on soit sûr qu'il occupe 6 vaisseaux anglais Si les Anglais bloquent Rochefort, voilà 6 ou 7 de leurs vaisseaux employés. L'amiral Villeneuve du Ferrol filera sur Brest, se joindra à l'amiral Ganteaume; et Missiessy imitera la manœuvre de l'escadre qui le bloquera; mais au moins les 6 ou 7 vaisseaux qui le bloqueront ne seront pas ai combat d'Ouessant. Si Missiessy n'est pas bloqué, j'aurai deux partis à prendre. Je le ferai partir; il filera su l'Irlande, dont il insultera les rades. Pour arriver en Irlande, il la doublera à quatre-vingts ou cent lieues du Cap. Ce mouvement, portant la crispation à Londres, obligera à détacher 6 vaisseaux, et fera penser à l'amirauté que l'amira1 Villeneuve va se porter à Terre- Neuve ou en Irlande et se joindre à l'amiral Missiessy; la diversion de 6 vaisseaux anglais devient certaine.

En résumé, les Anglais ne prendront point le change; le théâtre de la guerre est déterminé aux Grandes Indes, ou en Angleterre, ou à la Jamaïque; ils sauront, au 10 messidor, que Villeneuve est allé en Amérique; son retour sera prévu à Londres. Je courrai le risque de ne point les attirer dans la Méditerranée; j'aurai disséminé mes forces déjà faibles. Que tout le monde reste à bord et en partance; qu'on témoigne ma satisfaction à tout le monde, car je n'ai à me plaindre que de l'amiral et du général; qu'on tienne prêtes des flûtes chargées de vivres; qu'on arme le Régulus et la Thétis; qu'on ne fasse entrer aucun vaisseau au bassin; pour la campagne d'été à laquelle je les destine, quelques avaries ne font rien.
Envoyez-moi un projet d'expédition pour l'Irlande. Il ne s'agit que d'insulter une rade, de prendre 7 ou 8 caboteurs et de jeter l'alarme (en faisant supposer qu'on veut croiser sur la grande route du retour d'Amérique), et obliger par là l'ennemi à détacher 6 vaisseaux pour déloger cette croisière. Je conçois ainsi cette expédition. L'amiral Missiessy partirait de Rochefort, se lancerait dans la haute mer, tomberait d'aplomb sur une baie d'Irlande, comme s'il venait d'Amérique; la ravagerait, détruirait les batteries, ou brûlerait 7 on 8 caboteurs; jetterait quelques proclamations; selon les vents, quatre jours après, se porterait ailleurs, nord ou sud; tirerait pendant quatre on cinq jours différentes bordées sur le chemin des convois, se jetterait dans des mers inconnues, et arriverait, du 10 au 15, à trente lieues du Ferrol, afin de courir la chance de se réunir avec l'amiral Villeneuve. Je vois là une chance qui peut nous faire espérer une réunion avec l'amiral Villeneuve; mais je vois là certainement une escadre qui partira du canal pour doubler l'Irlande et chasser cet insolent et incommode croiseur. Il n'est pas douteux que l'ennemi ne détache une escadre pour protéger l'Irlande. L'amiral Missiessy n'ayant aucun but, approvisionné de six mois de vivres, après avoir battu pendant douze ou quinze jours les parages frayés de l'Irlande ou de la Baltique, pourrait se perdre dans l'Océan sans courir d'autres chances que celles de tomber sur des convois, etc. Je vois plus d'avantages dans cette croisière que dans le voyage de Cadix. Vous prescririez bien à l'amiral Missiessy, s'il ne parvenait pas à se joindre à l'amiral Villeneuve, de se diriger sur différents points de l'Angleterre. Au pis-aller, il aurait des vivres jusqu'en brumaire, et dans cette saison il n'y a pas de meilleur port que la haute mer.

Si vous goûtez ces idées, je ne verrais aucun inconvénient à accélérer son départ, de peur qu'il ne vienne à être bloqué, et à le jeter dans la haut mer le plus tôt possible. Seulement alors il faudrait lui prescrire de croiser dans l'Océan pendant tout prairial , et de ne se porter, pour donner l'alarme, en Irlande que du 10 au 15 messidor. Je vous autorise, dans ce cas, à lui expédier vous-même ses instructions et à le faire partir. En partant, jusqu'à l'époque où il faut qu'il attaque l'Irlande, il faut qu'il croise sur la route de Londres aux Indes; bien entendu qu'il ne restera jamais en place à tirer des bordées; et enfin, à l'époque fixée, il se dirigera pour venir reconnaître l'Irlande. Qu'il occupe 6 vaisseaux anglais, leur donne des inquiétudes, et mon but est rempli.


Milan, 29 mai 1805

A M. Jérôme Bonaparte

Mon Frère, je vous envoie une lettre du ministre de la marine Vous y verrez tout le bien que vous pouvez faire à mes flottes par une bonne conduite. Il ne me manque point de vaisseaux, ni de matelots, ni un grand nombre d'officiers de zèle; mais il me manque des chefs qui aient du talent, du caractère et de l'énergie.


Milan, 29 mai 1805

ORDRE

L'Empereur vient de signer le décret impérial pour organiser une légion corse, composée des cinq bataillons venant de Corse, dont un est déjà à Livourne.

Ordre au général Verdier d'organiser sur-le-champ cette légion et qu'à mesure, que ces bataillons arriveront à Livourne, ils y touchent la même solde que les troupes françaises.

L'intentian de Sa Majesté étant que l'on s'occupe sur-le-champ de l'habillement de cette légion, il faut autoriser le général Verdier à passer un marché pour lui procurer les draps nécessaires ; Sa Majesté désire qu'on puisse les acheter à Livourne ou en Italie ; ces bataillons auront des schakos du nouveau modèle qui seront également confectionnés à Livourne.

Ordonner au général Verdier, dans les instructions sur l'organisation de la légion corse, de faire passer une revue à mesure que les bataillons arrivent ; de faire constater le nom, l'âge, le département, les services, actions et blessures des officiers, afin qu'il leur soit expédié des brevets en règle, ces corps devenant troupes régulières.

 Sa Majesté pense que les officiers de ces bataillons, depuis le chef de bataillon jusqu'au sous-lieutenant, sont peu instruits, tant sur les manoeuvres que sur les détails du service. Ordonnez au général Verdier de leur faire une théorie d'instruction et de la leur faire exécuter jusqu'à l'arrivée de l'adjudant commandant Degiovanni.

Présenter sour-le-champ à l'Empereur la nomination du major et du quartier-maître.

Du moment qu'il sera arrivé à Livourne deux bataillons corses, qu'il y aura ainsi une force de 800 hommes et que le bataillon suisse sera organisé, en rendre compte à l'Empereur et demander ses ordres. Lorsqu'il sera arrivé à Livourne un troisième bataillon corse, ce qui fera une force d'au moins 1.200 hommes, faire un rapport à l'Empereur pour faire passer le bataillon du 20e régiment d'infanterie de ligne, qui est à Livourne, à Parme.

Prévenir le ministre du Trésor public de l'arrivée successive des bataillons corses à Livourne, afin qu'il ne fasse plus passer en Corse des fonds pour leur solde.

M. Gérard me présentera toutes les expéditions nécessaires pour l'exécution des dispositions ci-dessus.

(Picard)


Milan, 30 mai 1805

A M. Lebrun

Mon Cousin, la nation génoise de toutes les classes, prêtres nobles, peuple, ont signé des volumes d'adresses pour demander la réunion de leur pays à la France. Je recevrai samedi la députation qui doit me les présenter, et dimanche je ferai un projet de réunion. Je serai du 20 au 25 prairial à Gênes; je voudrais pouvoir y rester un mois, mais les affaires militaires me rappellent en France; il faut que je rentre à Paris. Dans ces circonstances extraordinaires, j'ai pris la résolution de vous confier le gouvernement de ce pays jusqu'au mois de septembre, afin, de pouvoir en préparer progressivement la réunion. Mon intention est que vous vous rendiez à Turin, où vous arriverez du 23 au 25, et où vous trouverez des indications sur la route que vous devez prendre pour me joindre. L'expérience que j'ai eue en Piémont des fausses opérations qui y ont été faites m'a appris que je ne puis me fier sur des affaires aussi importantes qu'à une personne qui, comme vous, ait la connaissance intime de mes affaires et un attachement aussi vrai pour ma personne. Prévenez M. l'archichancelier seulement de votre départ : je suis bien aise qu'on ne se doute point du but de votre voyage.


Milan, 30 mai 1805

Au vice-amiral Decrès

Dans une instruction d'hier, je crois vous avoir bien fait comprendre quel est mon but sur l'escadre de Rochefort; c'est à vous à déterminer le reste. Faites l'impossible pour y faire joindre le Régulus et la Thétis, s'il était possible, avant que Rochefort fût bloqué.


Milan, 30 mai 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, je ne sais pourquoi vous désirez tant mon retour à Paris. Rien n'est plus propre que mon voyage à cacher mes projets et à donner le change aux ennemis, qui, lorsqu'ils sauront que je suis arrêté pour messidor et thermidor, prendront davantage confiance et lâcheront quelques vaisseaux de plus dans les mers éloignées. Il paraît que les Anglais préparent une expédition de 8 vaisseaux sous les ordres de l'amiral Collingwood. En consultant mes états, je vois que ces vaisseaux sont pris parmi ceux des ports de Plymouth et Portsmouth et de l'escadre devant Brest. Ce qu'il y a de certain, c'est que le 15 mai ils n'étaient point partis; le 16 mai répond au 26 floréal. Il paraît qu'il y a d'autant moins à craindre, qu'elle ne sera pas en force, et ne pourra se combiner avec les premières escadres et la station de Brest. Je vois que le résultat de la flottille est de presser les Anglais. Ils n'osent se résoudre à rien. C'est le 26 floréal qu'ils ont su le passage devant Cadix; voilà un mois, et ils n'ont pu se résoudre à aucune opération.

Certainement, avec le contre-coup de la descente, les Indes sont à nous quand nous les voudrons prendre. Les indices que j'ai me portent à croire que Cochrane est allé aux Indes orientales, et que les Anglais n'expédieront rien qu'ils n'aient des nouvelles certaines de la direction de Villeneuve. Ils ne connaîtront cette destination que tout au plus du 20 au 30 prairial.

Dans le fait, si l'on se met à la place des Anglais, on voit qu'il n'y a pas d'autre parti à prendre que de se tenir, d'avoir des approvisionnements et d'attendre des renseignements. Car un amiral bizarre ou trompé, qui, au lieu d'aller en Amérique, irait aux Indes, perdrait toute l'Amérique, et vice versa.

Si l'amiral Missiessy continue à être malade, je ne verrais point d'inconvénient à donner ce commandement au vice-amiral Rosily. Cependant laissez-y toujours Missiessy.

Mon intention n'est point qu'aucun officier de marine quitte les ports sans mon ordre.


Milan, 30 mai 1805 (Lettre presque illisible)

A M. Fouché, ministre de la politique générale

Je vous ai dit ce que vous deviez penser des bruits que veulent accréditer les Anglais, pour donner une couleur à la démarche que fait l'empereur de Russie. Il ne faut pas cependant laisser les journaux prendre une direction favorable à la Russie, à ce cabinet corrompu, ..... faible et imbécile. Il se montre cependant bien dans ce moment, mais plutôt par le sentiment qu'il ne peut rien faire qu'autrement.

Il faut faire antithèse de la position bonteuse des Anglais. Il faut les comparer à une place assiégée. Du haut des tours qu'on aperçoit, ils croient délivrer le pays (?). L'Anglais, fort de la position de son armée d'observation et de l'espace qui le sépare de l'ennemi, ne regarde pas derrière lui. S'il voit dans l'éloignement de la poussière, il ne s'informe pas si c'est un convoi d'approvisionnement ou un ennemi. Il est certain qu'en guerre comme en amour, on ne fait rien de (plusieurs mois illisibles). Mettez en opposition les bravades ét les courbettes (?) des Russes. Dites que c'est une nation barbare, que sa ruse constitue sa force, que c'est une nation sans argent, ne pouvant mettre trente mille hommes en campagne hors de chez elle sans les sacrifier.

Qu'est devenu ce lien (?) au moment de la déclaration de guerre ? On a refusé l'intervention des Russes, et, dans cette proposition, il faut en montrer l'inconséquence et l'inconsidération. On a étéjusqu'à tronquer des pièces officielles pour persuader que la Russie n'offrait pas sa médiation pour empêcher la guerre d'avoir lieu.

Faites faire des caricatures :un Anglais, une bourse à la main, priant différentes puissances de recevoir son argent, etc. C'est là la véritable direction à donner à ceci; et l'immense attention que portent les Anglais à gagner du temps par des fausses nouvelles, ces symptômes tous réunis en font sentir l'extrême importance.

Faites dire en Hollande que des nouvelles de Madère (?) portent que Villeneuve a rencontré un convoi de cent voiles anglaises allant aux Indes, et l'a enlevé. Ne souffrez pas que M. Musset reste dans les États de Bavière; écrivez pour le faire arrêter partout où il se trouverait. Il suffit de lire les pièces de Drake pour savoir ce que c'est que ce misérable. C'est sous ce nom que mes agents doivent le désigner dans les pays où ils se trouvent.

(Lecestre)


Milan, 31 mai 1805

A M. Lebrun

Mon Cousin, hier je vous ai mandé de partir. Toutes les nouvelles que je reçois de Gênes portent que le peuple de cette ville et de Rivière est enthousiasmé de se voir français. Je pense, lorsque vous lirez ceci, avoir déjà fait mon décret de réunion. Je vous laisse M. Collin pour organiser les douanes et M. Bigot-Préameneu pour organiser la justice. Menez avec vous un secrétaire des commandements. Le ministre de l'intérieur a prévenu à Turin pour que l'on vous rende les honneurs qui vous sont dus. Arrivez dans cette ville en règle et au moins avec trois voitures de votre suite. Je ne vois pas d'inconvénient que vous y restiez deux ou trois jours. Votre logement sera préparé au palais. Pendant ces deux ou trois jours, vous jetterez un coup d'œil sur l'administration de la ville et sur cette espèce de régime économique assez bizarre auquel je me propose de retoucher à mon retour, et sur lequel je voudrais avoir votre avis. Je pense qu'il serait utile d'accorder le privilège du sel et du tabac pou Parme, Plaisance et pour le royaume d'Italie; cela rendrait huit à dix millions. Je ne serais pas arrêté par la fraude, car je placerais sur les Alpes une trentaine de brigades qui suffiront pour arrêter la contrebande du tabac; celle du sel est impossible. Cette imposition me mettrait à même de diminuer de beaucoup l'imposition foncière, imposition pesante pour tous les peuples et dont les Piémontais recevraient le dégrèvement avec un grand sentiment de reconnaissance.

Comme vous trouverez M. Gaudin à Turin, vous pourrez en causer avec lui. Je désire arrêter ces mesures à Gênes.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

Milan, 31 mai 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

J'avais demandé à M. Cretet qu'on mît dans le Piémont un inspecteur divisionnaire; il m'a répondu qu'il y en avait un, mais qu'il était chargé des routes du mont Cenis et du mont Genèvre. En traduisant ce langage, cela veut dire qu'il n'y aura personne pour les deux premières années, qui sont celles où il est le plus nécessaire de suivre continuellement les travaux. Par conséquent, mon intention est que l'inspecteur chargé des routes ne soit chargé que de cela, et qu'on envoie incessamment un inspecteur à Turin et à Gênes, ce dernier pays devant être regardé comme réuni à la France.


Milan, 31 mai 1805

NOTE POUR LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DES PONTS ET CHAUSSÉES

Je désire que M. Cretet prenne ce mémoire en considération et prenne toutes les mesures pour faire terminer cette année la grande communication d'Ajaccio à Bastia. C'est un travail auquel j'attache la plus grande importance, et qui doit passer avant tout autre.


Milan, 31 mai 1805

Au vice-amiral Decrès

Tous les renseignements que je reçois de Londres, c'est que Ganteaume a eu cinq jours pour sortir, sans avoir d'ennemis devant lui. Il paraît que cela a été du 7 au 12 mai. Quelle occasion il a manquée là ! Le même renseignement m'avait été donné de Brest.

Vous n'avez jamais rien répondu aux questions que je vous ai faites des fortifications de Bertheaume et des dispositions que l'escadre pourrait faire pour se trouver en position de sortir et participer au combat. Je crois que Ganteaume a besoin d'instructions. Envoyez moi une carte de Brest, et tracez en couleur la partie qui permette de sortir et les vents qui sont contre et en empêcheraient, et faites moi sur cela quelques raisonnements qui me débrouilleraient la question. Villeneuve arrivera-t-il par des vents du sud , du nord, ou ouest ? Combien de vents le font arriver ? combien y en a-t-il qui empêcheraient Ganteaume de sortir, et combien qui seraient favorables à l'arrivée et à la sortie ?

Le désordre des Anglais est extrême; ordres et contre-ordres. Ils ont voulu un moment s'éloigner de Brest pour Tor-Bay, pour ne plus se trouver entre deux feux et se porter selon les circonstances; puis cela leur a paru confirmer l'abandon des Indes et de l'Amérique. Ils ont fait embarquer différentes expéditions pour en finir, si les vents le permettaient , au 16 mai. Aucune escadre n'est encore partie, si  ce n'est Nelson, qui occupait le détroit et qu'on supposait avoir l'ordre de se ployer sur l'Angleterre. On ne lui croit pas assez de vivres pour aller en Amérique; 4 de ses vaisseaux font beaucoup d'eau ; d'ailleurs, il n'avait que 11 vaisseaux; il n'a été joint par aucun; avec cette force, il le pourrait d'autant moins qu'il arriverait droit à la Barbade pour faire de l'eau et se ravitailler, et qu'une autre escadre prendrait le large. Le 17, une escadre de 8 bâtiments était en partance à Plymouth; généralement on la croyait destinée aux Indes orientales.

C'est aujourd'hui le 11 prairial; quand messidor arrivera, mon intention est que vous confiiez le secret à Gourdon, parce qu'il peut y avoir une infinité de dispositions que les circonstances peuvent lui ordonner; tâchez qu'il ait son cinquième vaisseau. Envoyez-moi copie de la lettre que vous pensez devoir écrire à Gourdon. 

Enfin écrivez à Missiessy que la campagne finira quand il atteindra le premier semestre; que, s'il quitte l'escadre, je ne pourrai le considérer que comme un général qui quitte la campagne; dites-lui avec douceur et persuasion que son expédition est combinée, et qu'il en est le premier chaînon. Si ses équipages ont besoin de prendre terre, ils peuvent se promener dans l'île d'Aix.

Votre dernière lettre est du 7 prairial; lorsque vous verrez celle-ci, j'aurai probablement réuni Gênes. Vous m'avez envoyé le projet d'organisation pour la marine de cette place et la Rivière, et des classes, et les arrêtés à signer pour nommer les individus; ne perdez pas une heure, si vous ne l'avez pas fait. Je serai à la fin de ce mois dans cette place, et je désire voir le chef des mouvements, le préfet, 1'ordonnateur, afin d'approuver toutes les destinations des bâtiments et trancher toutes les difficultés.

Il faut également mettre deux autres vaisseaux sur le chantier de Gênes. Les Rivières et le peuple sont enchantés de se trouver français. Je vous ai déjà écrit que je désirais que, ce moment arrivé, l'Uranie, la Muiron et l'Incorruptibles'y trouvassent.

Je suis toujours dans l'espérance que j'aurai en mer, au ler fructidor, le Borée, l'Annibal et le Génois. Je n'ai pas besoin de vous faire comprendre quel gain ils pourront nous faire, et de quel résultat immense ils pourront être dans nos opérations.


Milan, 31 mai 1805

DÉCISION

Demande du général Bonnard tendant à faire remplacer par d'autres troupes les deux détachements de vétérans laissés à la poudrière du Ripault et au château d'Angers. Rejeté.

DÉCISION

Le ministre propose d'admettre dans le corps des tirailleurs du Pô des hommes qui n'auraient pas encore servi, pourvu qu'ils aient moins de 20 ans ou plus de 25. Refusé. Ils recevront 1100 homrnes de la conscription de l'Etat de Parme

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DÉCISION

Le colonel du 79e propose de transférer dans une place de la 27e division militaire le dépôt de ce régiment qui est à Lyon avec les 3e et 4e bataillons, alors que les ler et 2e, sont à Casal et Valence. En réunissant ce dépôt et ces deux bataillons à Lyon, mon but était de donner à ce régiment plus de facilités pour recevoir ses conscrits. Avant que le passage des montagnes soit 1fermé, je rejoindrai ce dépôt et ces deux bataillons aux deux premiers.