15 - 31 Mars 1805


La Malmaison, 15 mars 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, vous témoignerez mon mécontentement au préfet du département des Deux-Nèthes de ce qu'il n'instruit point la police des individus qui viennent d'Angleterre dans son département. Le nommé Laresh, qui était à Anvers il y a plusieurs mois, a apporté de Londres un grand nombre de lettres adressées à des personnes de cette ville, et notamment à M. Malouet.


La Malmaison, 15 mars 1805

A M. Gaudin

Je ne saurais laisser la caisse Lafarge sans commissaire, puisqu'on m'assure que plus de cent mille individus sont intéressés à cette caisse. J'y ai aussi un autre intérêt. La nue propriété des rentes de la caisse étant acquise à l'État, à mesure de la mort des actionnaires qui ont atteint le maximum de l'accroissement, il m'importe d'être assuré qu'il ne sera rien changé dans la désignation des têtes primitives. Mon intention est donc définitivement d'y nommer un commissaire. 


La Malmaison, 15 mars 1805

Au général Savary

Monsieur le Général de division Savary, mon Aide de camp, vous partirez dans la journée, en toute diligence, pour Bruxelles. Les pièces ci-jointes vous feront connaître l'objet de votre mission. Vous irez voir le président de la cour criminelle et le procureur impérial, et, sans faire aucun nouvel éclat, ni laisser pénétrer le but de votre voyage, vous recueillerez les renseignements convenables qui me mettent à même d'avoir une idée précise sur cette affaire, ainsi que sur la nécessité des mesures que l'on propose.

Vous irez aussi à mon château de Laeken, pour voir dans quelle situation sont les travaux.

Vous irez de là à Anvers; vous y visiterez dans le plus grand détail l'arsenal, les chantiers de construction, les magasins, les chaloupes canonnières et autres bâtiments de la flottille qui s'y trouvent en armement.

Vous reviendrez par Bruges, Ostende, Dunkerque, Calais, Ambleteuse, Wimereux et Boulogne. Vous resterez dans chacune de ces villes le temps nécessaire pour bien voir la situation de l'armée de terre et de mer, et vous mettre à même de me rendre compte de tout ce qui peut m'intéresser.

Vous m'écrirez de Bruxelles sur l'affaire des garrotteurs, et de chacune des autres villes sur tout ce qui a rapport à votre mission. Vous causerez avec le général Davout et les autres généraux, et toujours dans ce sens, que je compte que l'armée et la flottille ne cessent pas d'être maintenues sur un pied respectable et dans la meilleure discipline.


La Malmaison, 15 mars 1805

Au vice-amiral Decrès

Mes escadres ne sont point armées. Il n'y a de l'escadre de Toulon que le Neptune qui ait des caronades; aucun autre vaisseau, ni aucune frégate n'en a. La Piémontaise, qui va partir de Saint-Malo, n'en a point. Une pareille négligence me paraît d'autant moins concevable, qu'un officier général, ministre de la marine, doit en concevoir toute l'importance. Les excuses sont vaines; ce n'est point avec des excuses qu'on gagne des batailles. Les vaisseaux, frégates, bricks, doivent tous être armés de caronades de 36.

L'opinion générale parmi nos marins est que, lorsqu'ils n'ont sur les gaillards que des pièces de 6, ils ne sont point à armes égales.


La Malmaison, 15 mars 1805

DÉCISION

Daugier, commandant des marins de la Garde, donne sa démission, en se fondant sur des motifs de santé.

Faire connaître à cet officier que je n'accorderai jamais mon estime à un officier qui donne sa démission en temps de guerre. Il sera rayé du tableau des capitaines de vaisseau, sans qu'il puisse prétendre à aucune récompense nationale. Il me sera aussi présenté un rapport pour que la décoration qui lui a été accordée lui soit retirée.

Cette décision n'aura pas de suite, et Daugier continuera de servir avec distinction.


La Malmaison, 15 mars 1805

Au vice-amiral Ganteaume

Monsieur l'Amiral Ganteaume, il y avait, au 6 ventôse, 5 vaisseaux de guerre espagnols en rade du Ferrol, avec leurs équipages et prêts à partir. Je suis donc assuré qu'il y a dans ce moment une escadre de 9 vaisseaux, 4 français et 5 espagnols, prêts à toute opération. Par des lettres de Cadix, du 8 ventôse, je suis instruit qu'il y avait alors dans ce port 6 vaisseaux en rade, et que la plus grande activité régnait dans les ateliers de la Corogne; on espérait en avoir 10 pour le 21 mars. Je désire donc être instruit, par le retour de mon courrier, de l'époque où vous serez prêt. Nous voilà au 15 mars; il n'y a donc plus un moment à perdre. Ne perdez pas de vue les grandes destinées que vous tenez dans les mains. Si vous ne manquez point d'audace, le succès est infaillible. Nelson, dans la Méditerranée, a été violemment tourmenté par la tempête; il n'a que 12 vaisseaux; 4 faisaient eau , et il avait été obligé de les conduire à Malte.

Recommandez bien aux officiers, quand ils auront ouvert leurs paquets, de garder le plus profond secret sur leur destination, car un bâtiment peut être pris et le secret connu de l'ennemi, quinze jours avant qu'il ne doit l'être, s'il est divulgué dans le bâtiment.


La Malmaison, 16 mars 1805

A M. Fouché

Il y a à Paris plus de vols et d'actes de brigandage qu'à l'ordinaire; la saison n'est cependant pas rigoureuse. Je désirerais que vous vous occupassiez, avec le préfet de police, à connaître la raison de pareils désordres, et à chercher les remèdes convenables.


La Malmaison, 16 mars 1805

A M. Fouché

Je vous envoie des lettres adressées par des chefs de légion de gendarmerie au maréchal Moncey. Je suis fâché de voir les conseillers d'État ont fait la même lettre que M. Miot (voir Note du 1er mars 1805), et se sont aussi gravement compromis par des idées de vaine métaphysique.   


La Malmaison, 16 mars 1805

Au roi de Prusse

Monsieur mon Frère, je donne ordre à mon ministre près Votre Majesté de communiquer à son cabinet les différentes dispositions que le gouvernement de la République italienne vient de prendre. Elle y verra une nouvelle preuve de mon désir d'aller au-devant de toutes les difficultés et de maintenir la paix du continent. Je ne dois pas cacher à Votre Majesté que mon premier désir avait été de me décharger du fardeau du gouvernement de l'Italie; mais l'impossibilité de donner à ces États une véritable indépendance, tant que je serai obligé de tenir une armée dans le royaume de Naples, et qu'il y aura des troupes russes à Corfou et des troupes anglaises à Malte, m'a forcé à ajourner cette résolution, J'ai promis aux peuples d'Italie, en arrivant au milieu d'eux, d'assurer leur existence contre toute dépendance étrangère. Mon vœu est d'étouffer tout germe de discorde et d'en convaincre l'Europe que, quand il serait possible que je pusse obtenir plus de territoire que je n'en ai, l'intérêt bien entendu ces peuples et le mien est de borner mon empire, et d'employer tous mes moyens pour le consolider par les bienfaits et les prospérités de la paix. Je désire que ce que j'ai fait, en adhérant au vœu du Gouvernement italien, ait l'approbation de Votre Majesté.


La Malmasion, 16 mars 1805

DÉCISION

Le conseiller lzquierdo, membre du conseil suprême de la guerre de Sa Majesté Catholique, annonce que, d'après des nouvelles positives qu'il a d'Espagne, on travaille à Cadix et au Ferrol avec la plus grande activité; qu'il y a déjà au Ferrol des vaisseaux armés et en rade ; que le prince de la Paix a obtenu vingt millions de réaux du commerce de Madrid; qu'il s'apprête à se procurer d'autres ressources; que, d'après des lettres particulières, on devait même compter, tant à Cadix qu'au Ferrol et à Carthagène, sur 33 vaisseaux de ligne, avant le ler avril.

Écrire à M. Lacépède qu'il fasse connaître combien j'ai éprouvé de satisfaction d'apprendre que le prince de la Paix se procurait de l'argent, et que j'aurai le nombre de vaisseaux convenus à Cadix et au Ferrol; que j'ai besoin que les 6 vaisseaux que j'ai demandés à Cadix par le général Junot soient prêts sans aucun retard : le plus tôt sera le meilleur, afin qu'ils puissent se joindre le plus tôt possible à l'escadre française qui paraîtra devant ce port.


La Malmaison, 16 mars 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je ne puis adopter le décret que vous me proposez pour mettre en réforme le général Robin; il a eu des torts, mais il en a été puni par les arrêts, le plus grand affront que puisse recevoir un général de division de la part d'un autre général de division. Lorsque j'ai donné au général Robin le commandement de la division qui est à Alexandrie, mon intention a été qu'il jouisse des avantages attachés à son commandement, et le général Dupont-Chaumont, en chargeant un commandant d'armes de vérifier la comptabilité des corps sans l'intervention du général, a fait une chose extraordinaire et qui a pu blesser le général Robin. Je pense qu'il faut employer le général Robin en Italie, et donner le commandement du corps d'Alexandrie au général Chabot, car mon intention est que ce corps soit commandé par un général de division.


La Malmaison, 16 mars 1805

Au général Lauriston

Monsieur le Général Lauriston, mon Aide de camp, je reçois votre lettre du 16 ventôse. J'y vois avec grand plaisir que vous espérez partir avant la fin du mois. Pressez le départ. Vous trouverez à Cadix, indépendamment de l'Aigle, 5 vaisseaux espagnols qui se joindront à vous. Ce nombre de vaisseaux espagnols ne rendra vos opérations que plus certaines; cependant il n'y est pas indispensable. Les Espagnols auront à leur bord 1,000 à 1,600 hommes de débarquement. Que l'amiral ne se laisse arrêter par aucune considération; qu'il ne reste point devant Cadix. Votre mission est d'une tout autre importance que celle que je vous avais d'abord donnée. J'ai lieu d'espérer que, dès l'instant que vous pourrez ouvrir la dépêche cachetée que je vous ai envoyée , vous apprécierez la marque de confiance que je vous donne, et que, par vos discours et votre bon jugement, vous redonnerez constamment de l'énergie et de la décision à nos amiraux pour aller droit au but, sans se laisser intimider aussi facilement qu'ils ont l'habitude de le faire. Si, à Cadix, vous communiquez avec la terre, l'amiral enverra sans doute des dépêches au ministre. Vous m'enverrez par le même courrier un journal de votre voyage.

Il est bien nécessaire que les capitaines qui doivent ouvrir leurs paquets en cas de séparation gardent le plus grand secret sur leur destination, car, s'il est une fois divulgué dans le bâtiment, il sera bientôt connu de l'ennemi.


La Malmaison, 16 mars 1805

Au citoyen Marescalchi, ministre des relations extérieures de la République italienne

Monsieur Marescalchi, je recevrai demain, à une heure, le vice-président, la Consulte et la députation de la République italienne en grand costume; je serai sur mon trône, entouré des mes grands officiers. Vous serez introduits par le grand maître des cérémonies. Le vice-président me fera un discours; après quoi, il me lire le procès-verbal; immédiatement après, il me le remettra. Je lui ferai alors une réponse, et ensuite vous vous retirerez, accompagné par le grand-maître des cérémonies. Un quart d'heure après, je ferai appeler dans mon cabinet la Consulte et le vice-président, pour tenir conseil.

Vous aurez soin d'avoir avec vous une minute du statut, en italien et en français sur la même feuille, de manière qu'il n'y ait qu'à signer.

Le lendemain, à deux heures après midi, je me rendrai au Sénat en grande pompe. Je mènerai dans mes voitures la Consulte, le vice-président et la députation. Je ferai connaître au Sénat les motifs du parti que j'ai pris. Je recevrai, immédiatement après, le serment du vice-président, de chaque membre de la Consulte et de la députation, individuellement. Vous aurez soin de rédiger une formule de serment; ce sera vous qui appellerez au serment. Nous nous retirerons de la même manière; et, lundi au soir, on fera partir des courriers pour faire proclamer les statuts à Milan et dans toute la République italienne.

Pour les détails de l'une et l'autre cérémonie, vous vous concerterez avec M. de Ségur. Si le vice-président ou un membre de la Consulte veut me haranguer au Sénat, il le pourra faire au moment de prêter le serment.


Paris, 17 mars 1805

RÉPONSE DE L'EMPEREUR A LA DÉPUTATION CHARGÉE DE LUI OFFRIR LA COURONNE D'ITALIE. 

Depuis le moment où nous parûmes pour la première fois dans vos contrées, nous avons toujours eu la pensée de créer indépendante et libre la nation italienne : nous avons poursuivi ce grand projet au milieu des incertitudes des événements.

Nous formâmes d'abord les peuples de la rive droite du Pô en République cispadane, et ceux de la rive gauche en République transpadane.

Depuis, de plus heureuses circonstances nous permirent de réunir ces États et d'en former la République cisalpine.

Au milieu des soins de toute espèce qui nous occupaient alors, nos peuples d'Italie furent touchés de l'intérêt que nous portions à tout ce qui pouvait assurer leur prospérité et leur bonheur; et lorsque, quelques années après, nous apprîmes, aux bords du Nil, que notre ouvrage était renversé, nous fûmes sensible aux malheurs auxquels vous étiez en proie. Grâce à l'invincible courage de nos armées, nous parûmes dans Milan, lorsque nos peuples d'Italie nous croyaient encore sur les bords de la mer Rouge.

Notre première volonté, encore tout couvert du sang et poussière des batailles, fut la réorganisation de la patrie italienne.

Les Statuts de Lyon remirent la souveraineté entre les mains de la Consulte et des Colléges, où nous avions réuni les différents éléments qui constituent les nations.

Vous crûtes alors nécessaire à vos intérêts que nous fussions chef de votre gouvernement; et aujourd'hui, persistant dans la même pensée, vous voulez que nous soyons le premier de vos rois. La séparation des couronnes de France et d'Italie, qui peut être utile pour assurer l'indépendance de vos descendants, serait, dans ce moment, funeste à votre existence et à votre tranquillité. Je la garderai, cette couronne, mais seulement tout le temps que vos intérêts l'exigeront; et je verrai avec plaisir arriver le moment où je pourrai la placer sur une plus jeune tête qui, animée de mon esprit, continuera mon ouvrage, et soit toujours prête à sacrifier sa personne et ses intérêts à la sûreté et au bonheur du peuple sur lequel la Providence, les constitutions du royaume et ma volonté l'auront appelé à régner.


La Malmaison, 17 mars 1805

A l'empereur d'Autriche

Monsieur mon Frère, le Statut de la consulte d'État et des députations des colléges de la République italienne que j'ai proclamé n'est pas en tout conforme à ce que j'avais espéré, puisque j'avais le désir bien naturel de me décharger d'un fardeau aussi pesant pour moi. Mais le gouvernement de la République italienne a pensé que, tant qu'il y aurait des troupes russes à Corfou et des troupes anglais à Malte, cette séparation des couronnes de France et d'Italie serait tout à fait illusoire, car il n'y a pas de séparation de couronnes partout où il y a une armée appartenant à une autre couronne. Il n'y a aucune possibilité que l'armée française évacue le territoire de la République italienne tant que les affaires du Levant ne seront point arrangées. Toutefois Votre Majesté verra que j'ai conservé en entier le principe, car mon intention est de me démettre de la couronne d'Italie et de la séparer de la couronne de France, dès que la République des Sept-Îles et celle de Malte seront rendues à leur indépendance. Et, si Votre Majesté doit voir avec intérêt le gouvernement d'Italie entièrement séparé de celui de France, elle doit en prendre aussi à ce que la République des Sept-Îles et l'île de Malte soient rendues à elles-mêmes, conformément aux traités. J'ai voulu, au reste, aujourd'hui réitérer moi-même à Votre Majesté que, mon désir étant d'éviter de nouveaux sujets de guerre, je suis prêt à proclamer la séparation des couronnes de France et d'Italie aussitôt qu'il sera possible d'espérer l'évacuation des îles de Corfou et de Malte, et que, dans aucun cas , je n'ai le projet ni l'intention de réunir à la couronne de France celle d'Italie. J'espère que cette déclaration convaincra Votre Majesté de mes dispositions pacifiques; déclaration dont Votre Majesté ne peut avoir besoin, si elle réfléchit au peu que j'ai à gagner à une guerre, et à tout le bien que peut faire à mon peuple et à moi une longue et permanente paix. J'eusse aussi désiré la paix avec l'Angleterre, et la réponse que j'avais reçue du cabinet anglais m'en avait fait entrevoir l'espérance, lorsque le message du roi au parlement ne m'a laissé aucun doute sur ses vraies intentions. Il faudra donc supporter les chances de la guerre, tant qu'il plaira au gouvernement britannique de se battre. Sur ce, je prie Dieu qu'il veuille tenir Votre Majesté Impériale en sa sainte et digne garde.


La Malmaison, 17 mars 1805

Au maréchal Bernadotte

Mon Cousin, j'ai lu avec intérêt les détails que vous me donnez sur la situation du Hanovre. J'ai donné des ordres pour que vous soyez autorisé à faire extraire des départements réunis 200,000 quintaux de blé pour l'approvisionnement de l'électorat; je vous recommande de veiller à ce que ces blés n'aillent point en Angleterre.

Je viens de diminuer votre armée de trois régiments. J'ai fait annoncer à la Prusse, que je les ferais remplacer par le 19e régiment de ligne, qui n'est fort que de 1,500 hommes, et par 4,000 conscrits, parce que j'ai voulu me réserver la faculté d'envoyer en Hanovre ce nombre d'hommes, en cas que je fasse cet été un nouvel appel. Vous ne recevrez, pour le moment, que 2,000 conscrits; cette diminution d'hommes sera de quelque soulagement pour vos finances. Je vous recommande l'instruction des troupes, et surtout de vous assurer que les officiers d'état-major et les aides de camp ont l'instruction convenable; beaucoup négligent trop la connaissance des manœuvres, qui cependant donne tant de facilités pour faire exécuter les mouvements et en rendre compte. Je recommande aussi à vos soins particuliers le 45e, et le 19e de ligne qui va vous arriver; ce dernier régiment est un des plus faibles de l'armée; il a été perdu à Malte et en Égypte. Il sera nécessaire que vous tiriez quelques bons sous-officiers des corps où il y a de l'étoffe pour en faire plus qu'ils n'en ont besoin, pour instruire ce régiment, que je porterai au complet par des recrues. Je vous l'ai envoyé, comptant que vous pourrez vous occuper de le recréer. 


Paris, 18 mars 1805

MESSAGE AU SÉNAT CONSERVATEUR

Sénateurs, la principauté de Piombino, que la France possède depuis plusieurs années, a été depuis ce temps administrée sans règle et sans surveillance. Située au milieu de la Toscane, éloignée de nos autres possessions, nous avons jugé convenable d'y établir un régime particulier. Le pays de Piombino nous intéresse par la facilité qu'il offre pour communiquer avec l'île d'Elbe et la Corse : nous avons donc pensé devoir donner ce pays, sous le haut domaine de la France, à notre sœur la princesse Elisa, en conférant à son mari le titre de prince de l'Empire.

Cette donation n'est pas l'effet d'une tendresse particulière, mais une chose conforme à la saine politique, à l'état de notre couronne et à l'intérêt de nos peuples.

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NAPOLÉON, par la grâce de Dieu et les constitutions de l'Empire Empereur des Français, à tous présents et à venir, salut;

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

ARTICLE ler. - L'Empereur Napoléon cède et donne en toute propriété la principauté de Piombino à la princesse Élisa, sa sœur,
ART. 2. - Le gouvernement de cet État et la propriété du domaine du prince sont héréditaires dans la descendance de la princesse Élisa, et se perpétuent dans sa branche aînée, les cadets et les femmes n'ayant droit qu'à une légitime viagère.
ART. 3. - A chaque mutation, le prince héréditaire de Piombino ne pourra succéder, s'il n'a reçu l'investiture de l'Empereur des Français.
ART. 4. - Les enfants nés ou à naître de la princesse Élisa ne pourront se
marier sans le consentement de l'Empereur des Français.
ART. 5. - La descendance de la princesse Élisa venant à s'éteindre, ou ayant perdu ses droits par l'infraction de la règle prescrite dans l'article précédent, l'Empereur des Français disposera de nouveau de la principauté de Piombino, en consultant l'intérêt de la France et celui du pays.
ART. 6. - Le mari de la princesse Élisa prend le nom et le titre de prince de Piombino ; il jouira du rang et des prérogatives de prince de l'Empire français.
ART. 7. - Le prince de Piombino maintiendra en bon état la forteresse de Piombino. Il donnera ses soins à favoriser les communications avec l'île d'Elbe; il assurera la défense des côtes en maintenant le nombre de batteries qui sera jugé nécessaire pour leur sûreté.
ART. 8. - Le prince de Piombino sera tenu d'avoir à sa solde, pour le service de la côte et de la forteresse, un bataillon de cinq compagnies de quatre-vingts hommes chacune.
ART. 9. - En recevant l'investiture de son État, le prince de Piombino prêtera le serment dont la teneur suit :
"Je jure obéissance et fidélité à Sa Majesté N ...... Empereur des Français. Je promets de secourir de tout mon pouvoir la garnison française de l'île d'Elbe; de contribuer, en tout ce qui dépendra de moi, à l'approvisionnement de cette île; et je déclare que je ne cesserai de remplir, dans toutes les circonstances, les devoirs d'un bon et fidèle sujet envers Sa Majesté l'Empereur des Français.


Paris, 18 mars 1805

DÉCRET.

NAPOLÉON, par la grâce de Dieu et les constitutions, Empereur des Français et Roi d'Italie, à tous ceux qui ces présentes verront, salut.

STATUT CONSTITUTIONNEL

(Extrait des registres de la Consulte d'État, du jour 17 mars 1805.)

La Consulte d'État, vu le vœu unanime de la Consulte et de la députation réunies, du jour 15; 

Vu l'article 60 de la Constitution sur l'initiative constitutionnelle, 

Décrète

ARTICLE 1er. -  L'Empereur des Français, Napoléon ler, est Roi d'Italie.
ART. 2. La couronne d'Italie est héréditaire dans sa descendance directe et légitime, soit naturelle, soit adoptive, de mâle en mâle, et à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance, sans néanmoins que son droit d'adoption puisse s'étendre sur une autre personne qu'un citoyen de l'Empire français ou du Royaume d'Italie.
ART. 3. -Au moment où les armées étrangères auront évacué l'État de Naples, les îles Ioniennes et l'île de Malte, l'Empereur Napoléon transmettra la couronne héréditaire d'Italie à un de ses enfants légitimes mâles, soit naturel, soit adoptif.
ART. 4. - A dater de cette époque, la couronne d'Italie ne pourra plus être réunie à la couronne de France sur la même tête, et les successeurs de Napoléon ler dans le royaume d'Italie devront résider constamment sur le territoire de la République italienne.
ART. 5. - Dans le courant de la présente année, l'Empereur Napoléon, de l'avis de la Consulte d'État et des députations des colléges électoraux, donnera à la monarchie italienne des constitutions fondées sur les mêmes bases que celles de l'Empire français, et sur les mêmes principes que les lois qu'il a déjà données à l'Italie.


NAPOLÉON
MELZI, MARESCALCHI, CAPRARA, PARADISI, FENAROLI, COSTABILI, LUOSO, GUCCIARDI


18 mars 1805

DISCOURS DE L'EMPEREUR AU SÉNAT

Sénateurs, nous avons voulu, dans cette circonstance, nous rendre au milieu de vous, pour vous faire connaître, sur un des objets les plus importants de l'État, notre pensée toute entière.

La force et la puissance de l'Empire français sont surpassés par la modération qui préside à toutes nos transactions politiques.

Nous avons conquis la Hollande, les trois quarts de l'Allemagne, la Suisse, l'Italie tout entière; nous avons été modérés au milieu de la plus grande prospérité. De tant de provinces, nous n'avons gardé que ce qui était nécessaire pour nous maintenir au même point de considération et de puissance où a toujours été la France. Le partage de la Pologne, les provinces soustraites à la Turquie, la conquête des Indes et de presque toutes les colonies, avaient rompu, à notre détriment, l'équilibre général.

Tout ce que nous avons jugé inutile pour le rétablir, nous l'avons rendu, et par là nous avons agi conformément au principe qui nous a constamment dirigé, de ne jamais prendre les armes pour de vains projets de grandeur, ni par l'appât des conquêtes.

L'Allemagne a été évacuée; ses provinces ont été restituées aux descendants de tant d'illustres Maisons qui étaient perdues pour toujours si nous ne leur eussions accordé une généreuse protection. Nous les avons relevées et raffermies, et les princes d'Allemagne ont aujourd'hui plus d'éclat et de splendeur que n'en ont jamais eu leurs ancêtres.

  L'Autriche elle-même, après deux guerres malheureuses, a obtenu l'État de Venise. Dans tous les temps, elle eût échangé de gré à gré Venise contre les provinces qu'elle a perdues.

A peine conquise, la Hollande a été déclarée indépendante. La réunion à notre empire eût été le complément de notre système commercial, puisque les plus grandes rivières de la moitié de notre territoire débouchent en Hollande. Cependant la Hollande est indépendante, et ses douanes, son commerce et son administration se régissent au gré de son Gouvernement.

La Suisse était occupée par nos armées; nous l'avions défendue contre les forces combinées de l'Europe. Sa réunion eût complété notre frontière militaire : toutefois la Suisse se gouverne par l'acte de médiation au gré de ses dix-neuf cantons, indépendante et libre.

La réunion du territoire de la République italienne à l'Empire français eût été utile au développement de notre agriculture; cependant, après la seconde conquête, nous avons, à Lyon, confirmé son indépendance. Nous faisons plus aujourd'hui, nous proclamons le principe de la séparation des couronnes de France et d'Italie, en assignant, pour l'époque de cette séparation, l'instant où elle devient possible et sans dangers pour nos peuples d'Italie.

Nous avons accepté et nous placerons sur notre tête cette Couronne de fer des anciens Lombards, pour la retremper, pour la raffermir, et pour qu'elle ne soit pas brisée au milieu des tempêtes qui la menaceront, tant que la Méditerranée ne sera pas rentrée dans son état habituel.

Mais nous n'hésitons pas à déclarer que nous transmettrons cette couronne à un de nos enfants légitimes, soit naturel, soit adoptif, le jour où nous serons sans alarme sur l'indépendance, que nous avons garantie, des autres États de la Méditerranée.

Le génie du mal cherchera en vain des prétextes pour remettre le continent en guerre. Ce qui a été réuni à notre Empire par les lois constitutionnelles de l'État y restera réuni. Aucune nouvelle province n'y sera incorporée; mais les lois de la République batave, l'acte de médiation des dix-neuf cantons suisses, et ce premier statut du royaume d'Italie, seront constamment sous la protection de notre couronne, et nous ne souffrirons jamais qu'il y soit porté atteinte.

Dans toutes les circonstances et dans toutes les transactions nous montrerons la même modération, et nous espérons que notre peuple n'aura plus besoin de déployer ce courage et cette énergie qu'il toujours montrés pour défendre ses légitimes droits.


La Malmaison, 19 mars 1805

A M. Talleyrand

La lettre de M. Corancez, du 28 frimaire, m'a beaucoup intéressé. Elle me paraît assez importante pour me décider à envoyer un courrier à Constantinople, avec des lettres chiffrées pour M. Coracez, et d'autres pour M. Jaubert. Vous ferez connaître à M. Corancez l'objet de la mission de M. Jaubert, pour qu'il l'annonce sans délai au pacha de Tauris; et, comme il est dans la nature des choses possibles que M. Jaubert ne pût parvenir en Perse, vous préviendrez M. Corancez de mon intention de suivre de la manière la plus efficace une liaison avec la Perse et du désir que j'aurais qu'il envoyât ici un agent instruit de l'état du pays. Il pourrait très-bien expédier un Arménien, qui s'embarquerait à Smyrne pour un des ports de l'Europe. Écrivez aussi à M. Rousseau pour qu'il suive sa correspondance avec le vizir avec lequel il est en relation.


La Malmaison, 20 mars 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, les états sur les travaux des ports que vous m'avez apportés ce matin ne sont pas ce que je demande. J'y vois des comptes d'argent qui ne peuvent pas intéresser. Ce que je désire c'est l'état des travaux que l'on a projeté de faire dans chaque port. Les ingénieurs nous entraînent souvent dans des dépenses plus considérables qu'on ne voudrait les faire : ce sont donc les projets de travaux qui sont l'affaire la plus importante. Je vous renvoie vos états; faites-moi connaître les projets de travaux adoptés pour chaque port. S'il vous est facile, sans un grand travail, de me faire connaître aussi ce qui a été fait à chaque port et ce qui reste à faire, cela me satisfera davantage.


La Malmaison, 20 mars 1805

DÉCISION

Le ministre de la police rend compte au grand juge des crimes d'une bande de brigands connus dans la Belgique sous le nom de garrotteurs, et sollicite la grâce de deux de ces brigands pour les révélations qu'ils ont faites.

Renvoyé au ministre de la police générale, pour me faire connaître si cette bande de brigands peut inquiéter les départements de la Belgique, et si elle a quelque caractère politique.

(A voir avec  la lettre à Savary du 15 mars et à Régnier, du 27 mars 1805)


La Malmaison, 20 mars 1805

A M. Talleyrand

Je désire que vous fassiez réunir toutes les dépêches de M. Rousseau et celles que vous avez relatives à la Perse, et que vous fassiez faire la recherche de tout ce que les Anglais pourraient avoir écrit sur ce pays, afin que je puisse me former une idée de sa situation. Je désire aussi que vous fassiez rechercher dans les gazettes de Saint-Pétersbourg tout ce qu'il peut y avoir de relatif à ce pays. Faites-moi connaître quels sont les drogmans que nous avons ici qui savent le persan.


La Malmaison, 20 mars 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je désire que vous écriviez au maréchal Bernadotte de faire voyager sous différents prétextes des individus dans les provinces polonaises russes, afin d'être constamment instruit des mouvements des troupes russes. Il doit même faire constater exactement le nombre de troupes qu'il y a dans ce moment pour être à même de savoir promptement, par la comparaison, si elles étaient augmentées.


La Malmaison, 20 mars 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DES FINANCES

Il y a dans le budget de l'an IX un crédit de 20 millions en domaines nationaux, et de 5 millions sur le produit des rachats des rentes; total, 25 millions. Dans le budget de l'an XII, il y a un crédit de 15 millions en domaines nationaux, et de 10 millions en rachats de rentes; total, 25 millions. Dans le budget de l'an XIII, il y a un crédit de 20 millions en domaines nationaux. Total général 70 millions.

Cette somme de 70 millions devra être couverte par la vente de biens nationaux.

Au 1er vendémiaire an XIII, le produit des ventes de domaines nationaux excédait déjà 30 millions. Il est probable que ce produit excédera, au 1er vendémiaire an XIV, 50 millions, et que, au 1er vendémiaire an XV, il aura atteint les 70 millions.

Mais ces sommes ne seront pas rentrées entièrement avant l'an XX .On sera donc nécessairement forcé à un retard dans les payements qui non-seulement aura l'inconvénient de nuire au crédit et de gêner le service courant, mais aussi d'influer sur le haut prix des fournitures.

C'est ce qui porte à penser qu'il pourrait convenir de satisfaire, au moyen d'un marché de biens nationaux, les créanciers des années IX, X, XI et XII.

On raisonne dans la supposition que la caisse d'amortissement ai déjà acquis les 500,000 francs de rentes que le Sénat. possède en biens nationaux dans les départements de la rive gauche du Rhin. Il faut y joindre les 1,800,000 francs de revenu qui appartiennent à la Légion d'honneur dans les mêmes départements. Cela fera 2,300,000 francs de rentes, qui, à vingt fois le revenu, donnent un capital de 46 millions. Les états de ces biens sont déjà dressés.

On voudrait donc former une compagnie des créanciers des années IX, X, XI, XII et des six premiers mois de l'an XIII, en n'y comprenant que ceux auxquels il est dû au moins 100,000 francs. On diviserait le capital de 46 ou 45 millions en quatre cent cinquante actions de 100,000 francs chacune; on satisferait à leurs ordonnances au moyen de ces actions, et on les laisserait s'arranger entre eux comme ils l'entendraient.

On commencerait à traiter avec Vanlerberghe et les autres gros fournisseurs, et l'on exigerait sur-le-champ la vente de tous les biens dont le payement se ferait au moyen desdites actions. Ainsi l'on offrirait des ressources aux fournisseurs, et l'on solderait leur service. L'état des biens , les ordonnances délivrées par les ministres et la liste des actionnaires seraient arrêtés le même jour.

Les fournisseurs ne pourraient que gagner à ces dispositions, et l'État y gagnerait davantage encore.

Les fournisseurs y gagneraient, parce que les biens qui leur seraient donnés valent évidemment au delà du denier vingt, et qu'une fois leur part faite par action ils sauraient bien s'arranger pour les vendre à leurs sous-traitants.

L'État y gagnerait, parce que, son service venant à éprouver une grande aisance, il en résulterait une diminution dans le prix des fournitures.

Il resterait alors à satisfaire la caisse d'amortissement et la Légion d'honneur.

Quant à la caisse d'amortissement, on lui céderait les échéances de biens nationaux, à mesure de leur vente. Elle en a déjà 25 millions pour ce qui lui était dû de l'an XII et de l'an XIII. Elle trouverait les 10 à 12 millions pour équivaloir aux biens du Sénat, dans les biens qui seront vendus dans l'année.

La Légion d'honneur aurait droit à 36 millions, c'est-à-dire à 2,160,000 francs de rentes. Nous lui céderions le million qui nous reste sur les inscriptions de l'an VIII, et nous achèterions pour elle 1,160,000 francs de rentes, que nous payerions au moyen des échéances de domaines nationaux qui restent à vendre et qui seraient vendus.

Nous avons un crédit de 70 millions de biens nationaux, comme cela a été prouvé plus haut. On ne dispose sur ce crédit que de 25 millions pour la caisse d'amortissement, et 10 millions en numéraire sont rentrés ou rentreront, dans le courant de cette année, au trésor public. Il reste donc 35 millions. Il n'y a à prendre sur ce restant que 10 millions à donner à la caisse d'amortissement pour équivaloir au capital des biens du Sénat, et 13,920,000 francs pour prix des 1,160,000 francs de rentes que la caisse d'amortissement donnerait à la Légion d'honneur. Il resterait donc encore 11,080,000 francs sur le crédit législatif.

Il résulte des résumés remis par le ministre que, au ler vendémiaire an XIII, il y avait dans les différents ministères 83 millions liquidés et non payés. Au ler germinal, la masse des liquidations sera augmentée; mais aussi le montant de ce qui sera dû sera diminué de ce qui aura été payé par le trésor public pendant les six premiers mois de l'an XIII.

Il faudrait que le ministre des finances demandât aux différents ministères l'état de tout ce qui sera liquidé au ler germinal sur les exercices IX, X, XI et XII, avec le nom et la somme de chaque partie prenante.

Le ministre ayant cet état, il serait facile de distribuer les quatre cent cinquante actions de manière qu'elles se trouvassent dans le moindre nombre de mains possible et dans celles des personnes le plus intelligentes et les mieux intentionnées; ce serait alors qu'on pourrait s'occuper de traiter avec les dix principaux fournisseurs.

Pour avoir cet état plus promptement, le ministre pourrait demander qu'on ne particularisât les individus et les sommes que pour les liquidations de 50,000 francs et au-dessus. Toutes les liquidations seraient classées par chapitre du budget, afin qu'on pût voir sur que objet les sommes sont dues.

Le ministre est invité à rédiger un projet dans ce sens, en ayant soin de diviser le décret en autant de titres qu'il sera nécessaire.

On n'objectera pas à ce système que ce serait dépouiller la caisse d'amortissement d'environ 2 millions de rentes; ce sera au contraire la caisse d'amortissement qui aura placé environ 2 millions de rentes en mainmorte. Elle se trouvera avoir de 60 à 70 millions de rescriptions de biens nationaux vendus, dont les payements échoient certainement en quatre ans; d'où il résultera qu'elle sera dotée par an de plus de 15 millions, qui lui serviront à faire un nouveau fonds d'amortissement, au moyen duquel elle ôtera encore du fonds flottant des sommes considérables.

Enfin il sera facile d'éluder les objections de forme, s'il en résultait des termes de la loi. Au surplus, en mettant tous ces biens en enchère générale, il serait bien évident que personne ne pourrait surenchérir.

Il serait aussi possible de distribuer les actions de manière que chaque crédit de domaines nationaux fût appliqué à des objets appartenant à l'exercice pour lequel il a été ouvert, quoique ce compte d'exercice soit toujours facile à déterminer et à compenser. 

Il n'est pas nécessaire, de faire remarquer au ministre combien il importe qu'un projet de cette nature demeure secret; autrement il deviendrait un moyen de discrédit. De telles idées ne sont bonnes ,que lorsqu'elles sont exécutées. On ne manquerait pas de répandre des bruits de création de papier-monnaie, de cédules, tandis qu'il faut qu'il n'y faut en ceci que des ventes de gré à gré. Le ministre rédigera néanmoins le décret comme s'il ne devait y avoir aucun concours étranger à la volonté de l'Empereur.

ANNEXE
La Malmaison, 21 mars 1805

L'Empereur me charge, Monsieur, de vous renvoyer les comptes originaux des ministres, dans lesquels il n'a pas trouvé les renseignements qu'il cherchait.

Sa Majesté désire que vous invitiez les ministres de la guerre, de l'administration de la guerre et de la marine, à vous remettre, dans les vingt-quatre heures, un état, par chapitres du budget, de tous les objets liquidés et non acquittés, sur les années IX, X, XI et XII, et les six premiers mois de l'an XIII. Cet état ne comprendra que les individus auxquels il serait dû 50,000 francs au moins. Chaque partie prenante y sera désignée sous son nom. Une colonne offrira particulièrement le montant présumé de ce qui reste à liquider.

J'adresse également à Votre Excellence un projet de rédaction qui vous fera connaître, d'une manière plus précise, le plan développé dans la note d'hier.

Le secrétaire d'État, par ordre de l'Empereur

PROJET DE DÉCRET.

NAPOLÉON, Empereur des Français,

Décrète :

TITRE 1er

ARTICLF ler. - Les 10 millions de biens nationaux qui avaient été affectés au Sénat, et dont l'état est ci-joint, et les 36 millions de biens qui avaient été affectés à la Légion d'honneur, dans les quatre départements du Rhin, et dont l'état est ci-joint, seront aliénés et vendus à une compagnie, pour en jouir en toute propriété.
ART, 2. - Ces biens seront divisés en quatre cent cinquante actions de 100,000 francs chacune; et chaque associé de la compagnie jouira du nombre d'actions porté dans l'état ci-joint.
ART. 3. - Chaque actionnaire versera, dans le courant du mois de germinal, au trésor public, des ordonnances des ministres pour créances définitivement liquidées, conformément à l'état ci-joint.

TITRE II

ART. 4. - Les 10 millions de biens du Sénat acquis par la caisse d'amortissement seront remboursés à celle-;ci par des rescriptions de 10 millions de biens nationaux, qui ont été vendus en vertu de la loi du . . . . .
ART. 5. - Les 36 millions dé biens de la Légion d'honneur seront échangés contre une inscription de 2,100,000 francs au grand-livre dont 1,200,000 francs seront cédés par la caisse d'amortissement et 900,000 francs sur les rescriptions qui restent disponibles au trésor public, en conséquence de la loi du 3 ventôse an VIl.
ART. 6. - La caisse d'amortissement sera remboursée de ses 1,200,000 francs d'inscriptions par des rescriptions de biens nationaux, qui seraient vendus en conséquence de la loi du. . . . . ..


La Malmaison, 21 mars 1805

RÉPONSE REMISE PAR L'EMPEREUR À S.S. LE PAPE

Sa Majesté, touchée de l'attachement paternel dont Votre Sainteté ne cesse de lui donner d'éclatants témoignage, et convaincue que la plus grande prospérité de la religion ne peut avoir que la plus utile influence sur le bien des ses États et sur le bonheur de son peuple, a examiné avec une attention filiale les observations et les demandes qui lui sont présentées au nom de votre Sainteté. Elle s'empresse de répondre aux différents articles que ces observations et des demandes renferment.

I

Votre Sainteté représente que les dispositions du Code civil sur le divorce ne sont point en harmonie avec le dogme religieux de l'indissolubilité du mariage. Elle désirerait un changement dans cette partie de la législation française.

La loi civile ne pouvait proscrire le divorce dans un pays où l'on tolère des cultes qui l'admettent. Il eût été peu sage, dans tous les cas, de vouloir changer subitement une jurisprudence que quinze ans de révolution avaient naturalisée en France, lorsqu'on a procédé à la confection du nouveau Code civil.

En général, les lois civiles ne sauraient avoir qu'une bonté relative. Elles doivent être adaptées à la situation dans laquelle un peuple se trouve. C'est au temps à les perfectionner. Il n'appartient qu'aux lois religieuses de recommander le bien absolu, qui est de sa nature immuable.

Mais, pour que la conduite des ministres du culte catholique ne soit jamais en contradiction avec les dogmes qu'ils professent, Sa Majesté a déclaré, par l'organe de son ministre des cultes, dans une lettre circulaire du 19 prairial an X, que les ministres du culte catholique sont libres de refuser la bénédiction nuptiale à des époux qui se remarient après un divorce, avant que le premier mariage soit dissous par la mort de l'un des conjoints. Elle a déclaré encore qu'un pareil refus de la part des ministres du culte catholique ne pouvait fonder le recours au Conseil d'État.

II

Il s'agit dans cet article de conserver aux évêques l'inspection naturelle qui leur complète sur les mœurs et la conduite des clercs soumis à leur sollicitude.

Les lois françaises n'ont eu garde d'attribuer aux agents de l'autorité civile les droits essentiels dont l'exercice n'appartient qu'à la juridiction épiscopale.

L'autorité séculière doit incontestablement connaître des délits des ecclésiastiques, lorsque ces délits blessent les lois qui obligent tout citoyen : car on ne cesse pas d'être citoyen en devenant prêtre, et conséquemment on continue d'être soumis aux lois et aux autorités, auxquelles tout citoyen doit soumission et obéissance. Mais, s'il s'agit de délits purement ecclésiastiques, de délits qui n'intéressent que la discipline, et qui sont uniquement susceptibles des peines portées par les canons, il est dans l'intention de Sa Majesté que les évêques soient les juges de ces délits. L'autorité séculière ne peut en prendre connaissance que dans les cas d'abus.

Aussi, dans une foule d'occasions, les ecclésiastiques ont été renvoyés par les ordres exprès de Sa Majesté à la censure pastorale des évêques, quand ces ecclésiastiques ont été dénoncés, pour des faits relatifs à des manquements qui pouvaient blesser les devoirs ou la dignité du sacerdoce. S'il y a des entreprises insolites de la part de quelques agents de l'autorité civile, c'est que tous les hommes ne sont pas assez sages pour se renfermer constamment dans les termes précis de leurs attributions. Sa Majesté veut que ces entreprises soient prévenues ou réprimées.

III

Cet article renferme plusieurs demandes dont l'objet général est de donner au clergé catholique les moyens d'exister avec décence et de se perpétuer pour la religion, qui ne peut subsister sans ministres. La loi du 18 germinal an X n'avait doté que les archevêques, les évêques et les curés. La bienveillante sollicitude de Sa Majesté s'est  successivement étendue sur toutes les autres classes de ministres.

D'abord, pour donner de l'éclat au rétablissement de la religion catholique, Sa Majesté a désiré que des prélats français fussent revêtus de la pourpre romaine; Votre Sainteté a accédé à ce vœu, et l'Église de France, reprenant son ancien lustre, a compté plusieurs cardinaux, qui ont été dotés par les arrêtés des 7 ventôse et 15 thermidor an XI, et dont trois se trouvent dans le Sénat, premier corps de l'État.

Un arrêté du 14 ventôse an XI assura le traitement des vicaires généraux et des chanoines.

Depuis le séjour de Votre Sainteté dans cette capitale, Sa Majesté s'est occupée du sort des ministres qui desservent les succursales, et, par un décret du 5 nivôse dernier, 24,000 de ces ministres reçoivent chacun un traitement de 500 francs, et des précautions sont prises pour garantir l'entretien et la subsistance de ceux qui ne sont point salariés par le trésor public et qui demeurent à la charge des communes.

Votre Sainteté verra, dans ces diverses opérations, la protection signalée que Sa Majesté accorde au culte et à ses ministres, et le désir qu'elle aura toujours de remplir les vues de Votre Sainteté pour le plus grand bien de l'Église. Au milieu des nécessités de la guerre, Sa Majesté a déployé, en faveur du culte et de ses ministres, des ressources qui semblaient ne pouvoir se réaliser qu'après plusieurs années de paix.

Le culte catholique entraîne des dépenses indispensables pour la reconstruction et la réparation des édifices consacrés à ce culte, pour les ornements et fournitures nécessaires au service divin. Un arrêté de Sa Majesté, du 7 thermidor an XI, a rendu aux églises les biens non aliénés qui avaient appartenu aux anciennes fabriques, et dont les revenus peuvent aider la piété des fidèles à supporter les dépenses du culte.

Dans la crainte que les biens restitués dont il s'agit ne fussent pas suffisants pour remplir le but que Sa Majesté se proposait, la loi des finances de l'an XIII, publiée depuis le séjour de Votre Sainteté à Paris, autorise les conseils généraux de département à imposer un certain nombre de centimes additionnels pour réparations, entretien de bâtiments et supplément de frais de culte.

Déjà Sa Majesté avait invité par divers arrêtés les conseils généraux de département à exprimer leur vœu sur ces différents objets. La loi nouvelle les met à portée de réaliser ce vœu en autorisant les impositions destinées à le remplir.

Sa Majesté pense, comme Votre Sainteté, que l'établissement des séminaires est le seul moyen de perpétuer le clergé et de former les ministres qui doivent remplacer ceux qui décèdent ou qui vieillissent. Par le Concordat, le Gouvernement ne s'était point engagé à doter ces sortes d'établissements; mais Sa Majesté, ne consultant que le désir de faire prospérer la religion, accorde journellement aux évêques qui les réclament les maisons nationales qui peuvent recevoir la destination dont il s'agit, et elle autorise toutes les donations et tous les legs,, même en immeubles, qui peuvent être faits aux séminaires. De plus, Sa Majesté, par une loi de l'an XII, a fondé elle-même dix séminaires métropolitains, qui seront absolument à la charge du trésor public.

La liberté laissée aux départements d'imposer pour le supplément des frais de culte s'étend indéfiniment à toutes les choses et à toutes les personnes qui sont consacrées au culte; elle achèvera de mettre les ressources en équilibre avec les besoins.

Sa Majesté s'occupera du soin de donner des aumôniers aux troupes de terre et de mer, ainsi qu'aux hôpitaux militaires, dès que les circonstances pourront le permettre. Déjà elle a autorisé des aumôniers dans les hospices civils; ces aumôniers sont salariés par les administrations auxquelles ils sont attachés.

Sur les représentations de Votre Sainteté en faveur des religieux et religieuses dont la pension n'est point encore liquidée, Sa Majesté a renouvelé les ordres qu'elle avait précédemment donnés au directeur de la liquidation, de continuer ce travail sans interruption. Il est impossible de réparer tous les maux que la révolution a produits; mais toutes les mesures ont été prises pour adoucir ceux qu'il n'est pas au pouvoir des hommes de réparer. Les religieux valides et qui ont des mœurs sont presque tous employés dans l'organisation ecclésiastique. Sa Majesté, pour faciliter aux religieuses les moyens de subsister plus commodément, les a autorisées à vivre en commun  sous la condition de se conformer aux lois de l'État. Celles d'entre les religieuses qui, par leur ancien institut, s'étaient consacrées à l'éducation publique, ont été autorisées, quand elles l'ont demandé, à remplir le but de leur institution première, pour qu'elles puissent trouver des ressources que leur pension ne leur offrait pas.

Une des principales demandes et observations de Votre Sainteté porte sur les obstacles que la conscription militaire offre aux candidats qui voudraient se vouer à l'état ecclésiastique. Sa Majesté, prenant cet objet en grande considération, donnera tous ses soins pour concilier les intérêts majeurs de la politique avec les besoins pressants de l'Église.

Elle aura égard à la situation de chaque diocèse, au nombre de prêtres qui y sont employés, à celui des candidats qui s'offriront pour entrer dans l'état ecclésiastique, aux bons témoignages que les évêques rendront de la vocation éprouvée et de la capacité reconnue de ces candidats; elle autorisera les ordinations que le bien du service rendra nécessaires.

IV

Votre Sainteté désirerait le renouvellement des anciennes lois sur la célébration des dimanches et des fêtes. Sa Majesté partage les sentiments de piété et les vues de bon ordre qui animent Votre Sainteté; mais elle s'est convaincue que, dans tous les objets qui tiennent à l'observance des pratiques religieuses, les bons exemples et les invitations ont toujours plus de force que des lois, ordinairement mal exécutées. S'il est à craindre que les dimanches et les fêtes ne soient pas dignement observés, cette crainte se vérifie moins dans les campagnes que dans les villes. Les gens de la campagne sont plus religieux, et les travaux pénibles auxquels ils se livrent leur rendent le délassement et le repos plus nécessaires. Dans les villes, la religion n'a pas un égal empire sur tous les cœurs, et, dans le nombre même des hommes qui tiennent le plus à leurs devoirs de religion, il en est auxquels on ne pourrait interdire tout travail les dimanches et les fêtes sans compromettre leur existence et leur vie; l'expérience prouve d'ailleurs que, dans les grandes villes, tous les moments qui sont dérobés au travail sont donnés aux vices ou au crime.

L'essentiel est que les fonctionnaires publics et les citoyens éclairés donnent l'exemple à la multitude. Or, par les lois actuelles, tout travail extérieur et public est interdit aux fonctionnaires de tous les rangs et de toutes les classes. Il suffira d'avertir les administrations publiques de ne faire travailler à aucun ouvrage public et servile les jours de dimanches et fêtes, excepté dans les cas urgents qui ne comportent ni lenteur ni délai.

V

L'intention de Sa Majesté est qu'il ne soit employé dans l'éducation publique aucun prêtre ni aucun religieux mariés. Cette intention a été depuis longtemps manifestée. Sa Majesté donnera des ordres précis pour que l'éducation de la jeunesse ne soit jamais confiée à des prêtres qui ne seraient pas en communion avec leur évêque.

Sa Majesté n'entend pas non plus que l'éducation religieuse soit négligée dans les lycées; et, pour être assurée que ses intentions ne seront point éludées à cet égard, elle placera les évêques dans les administrations qui dirigent ces établissements.

VI

La réconciliation des évêques dits constitutionnels étant faite avec Votre Sainteté, Sa Majesté tiendra la main au maintien de la paix religieuse qui doit être l'heureux résultat de cette réconciliation.

VII

Sa Majesté rendra au culte le temple de Sainte-Geneviève, patronne de Paris.

Elle invitera les évêques à faire célébrer l'office quotidien dans leurs cathédrales. Il a toujours été dans son vœu de maintenir la dignité et la solennité du culte.

Quant au rétablissement des congrégations de prêtres, Sa Majesté se réserve d'examiner avec maturité cette importante question. Dans les premières années d'une nouvelle organisation ecclésiastique, il est nécessaire que le clergé puisse prendre une certaine consistance avant que d'élever à côté de lui des corporations qui pourraient bientôt devenir plus fortes et plus puissantes que le clergé même.

Néanmoins, Sa Majesté s'est empressée de rétablir toutes les corporations connues sous le nom de sœurs de la Charité ou de sœurs Hospitalières, consacrées par leur institution au service des malades et à l'éducation des pauvres filles. Elle a même, pour donner un signe particulier de protection à des établissements aussi utiles à l'humanité, nommé Madame, mère de l'Empereur, protectrice de ces établissements.

VIII

Votre Sainteté demande que la religion catholique soit déclarée dominante en France. Elle l'est de fait, puisque cette religion est celle de Sa Majesté, de tous les membres de la famille impériale et de la très-grande majorité des Français. Une loi qui déclarerait la religion catholique dominante n'aurait donc aucune utilité réelle, et elle aurait de grands dangers pour la religion même. Dans la disposition actuelle des esprits, une pareille loi réveillerait les haines anciennes, et elle préparerait de nouveaux ennemis au catholicisme.

IX

Les circonstances n'ont pas permis à Sa Majesté de maintenir les différents colléges ou séminaires fondés en France au profit des catholiques irlandais. Aucun de ces établissements n'aurait pu se soutenir seul, parce que, dans la révolution, tous avaient perdu des ressources considérables. Il a fallu réunir tous les biens et toutes les administrations pour former un collége ou un séminaire qui pût remplir dignement le but des premiers fondateurs.

Comme tous les colléges ou séminaires destinés à l'instruction des catholiques irlandais avaient le même objet, la réunion de tous les établissements en un seul a été possible, et même sage, ou pour mieux dire, nécessaire.

L'unité ne peut être un inconvénient dans des circonstances où il s'agit de donner et de recevoir la même instruction. Cette unité est, au contraire, un grand avantage, puisqu'elle garantit le même esprit et la même doctrine dans des hommes consacrés à suivre et à enseigner la même religion.

X

Il existait en France trois établissements consacrés aux missions : les prêtes Lazaristes, le séminaire dit des Missions étrangères, et celui de Saint-Esprit. Indépendamment de ces établissements, plusieurs ordres religieux, tels que les Récollets, les Capucins et autres, s'étaient voués aux missions.

Le décret impérial du 7 prairial an XII a rétabli la mission dite des Lazaristes. Ce décret leur donne une mission et leur assure une dotation annuelle de 15,000 francs. Il établit une cure pour augmenter les ressources des missionnaires. Cette mission, comme établissement ecclésiastique, se trouve sous la juridiction de M. l'archevêque de Paris pour tout ce qui regarde la discipline et le bon ordre du diocèse. Mais M. l'archevêque ne donne ni ne peut donner aucun pouvoir aux ecclésiastiques qui vont exercer leur ministère dans les autres diocèses ou chez l'étranger. Ce prélat n'est pas le directeur des missions.

Sa Majesté dotera volontiers les séminaires des Missions étrangères et pourvoira abondamment à tout ce que la propagande pourra désirer. Pour un objet si important, les plus grands sacrifices lui paraîtront légers.

XI

Sa Majesté remplacera par un revenu équivalent ce que le Gouvernement français acquittait autrefois en faveur de l'église et du chapitre de Saint Jean de Latran à Rome, sous la condition que Sa Majesté y jouira des droits, prérogatives et honneurs dont ont joui de tous temps les souverains de France.

Sa Majesté ne laissera échapper aucune occasion favorable de concourir, avec Votre Sainteté, au plus grand bien de la religion et de ses ministres.


La Malmaison, 21 mars 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, par le compte du port de Nice, je ne vois pas si on a allongé le môle ou réparé celui qui existait. Il me semble que, si ou avait réparé le môle qui existait, il n'y avait qu'à suivre ce qui était fait. Si l'on a fait de nouveaux môles, on s'est jeté dans une dépense que je n'ai pas autorisée.


La Malmaison, 21 mars 1805

Au maréchal Berthier

Il sera fait un appel de conscrits de la réserve de l'an XII, de 5,000 hommes, et répartis conformément à l'état coté A.

Il sera fait une levée sur la réserve de l'an XIII, savoir : 1,500 répartis conformément à l'état B; 1,000 hommes conformément à l'état C; 1,500 hommes conformément à l'état D; 3,000 hommes pour porter les régiments de dragons au grand complet de paix, et 8,000 hommes pour mettre les quarante-quatre régiments qui composent l'armée des trois camps dans le cas de porter les bataillons de guerre à un complet de 1,050 hommes présents sous les armes, tous les malades ou absents sous quelque prétexte que ce soit devant compter aux 3e bataillons,

On remarquera qu'il n'y a que quarante-quatre régiments, parce qu'on ne compte point le bataillon corse, destiné à se recruter de conscrits corses ; on ne compte pas le 19e, qui a ordre de se rendre en Hanovre, ni le 18e, qui reste à Paris; ce qui fait une différence de quatre bataillons avec le compte du ministre.

L'état à six colonnes que j'ai demandé au ministre n'était pas dans d'autre but que de me diriger moi-même dans ce travail; il peut donc servir d'élément.

On observera dans ce travail d'épargner les départements maritimes, et de faire le plus possible recruter les corps par les mêmes départements où ils ont recruté dans l'an XII pour l'an XII, et dans l'an XIII pour l'an XIII.

Faites-moi connaître, après avoir établi ce travail, quelle espèce de secours il sera nécessaire d'accorder aux quarante-quatre régiments des trois camps pour une augmentation si considérable.

Mon intention est que, cette année, tous les régiments se trouvent à leur complet de paix; et si, en parcourant les états que je vous envoie, le ministre s'apercevait que, malgré la conscription de l'an XIII et les deux appels que j'ordonnés, ils ne le fussent pas, il faudrait me proposer un troisième appel pour les compléter.

Je prévois, que les régiments qui reviennent des colonies et qui se réorganisent dans 11e division sont dans ce cas. Il faut faire le plus tôt possible, et dans la semaine, l'appel relatif des 5,000 hommes de l'an XII, et seulement en germinal l'appel de l'an XIII, et dans prairial le troisième appel, s'il y avait lieu. Mais, il n'en sera pas moins nécessaire que ces appels soient coordonnés dans un seul travail, de manière que, dès que j'en aurai donné l'ordre, on puisse le signer et le faire paraître.


La Malmaison, 21 mars 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je vois avec peine qu'on me propose, tous les jours des avancements rapides pour des officiers d'état-major, des lieutenants qui ne le sont que de deux, trois, quatre ans, et l'on se croit ancien lorsqu'on date de l'an VII. Cependant il n'y a pas de régiment où il n'y ait huit capitaines de 1792 ayant des blessures et fait toutes les campagnes. J'en compte sept dans le 1er régiment, dix dans le 2e, huit dans le 3e, quatorze dans le 4e, quatorze dans le 5e, quinze dans le 6e, six dans le 7e, quatre dans le 8e, dix dans le 9e, neuf dans le 10e, treize dans le 11e, six dans le 12e, quatre dans le 13e, et ainsi de suite. Mon intention est que vous me remettiez un état de tous les officiers qui ont été faits capitaines pendant l'an XIII et avant, un même état des lieutenants et sous-lieutenants, avec la note de leurs services, s'ils ont fait la guerre dans leur corps sans interruption, avec des notes sur chacun d'eux, et que vous ne me proposiez aucun officier pour être chef de bataillon que la liste de ceux qui sont sur cet état ne soit épuisée.


La Malmaison, 21 mars 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, il n'y a plus un moment à perdre pour faire travailler au nettoyage des ports de Boulogne et d'Ambleteuse; employez, s'il le faut, un fonds de 400,000 francs pour cet objet. On m'assure qu'il faudra trente ou quarante jours de travail pour rétablir ces ports dans l'état où ils étaient. Qu'on y travaille avec activité dès le 15 germinal, de manière qu'au 15 floréal ces ports soient aussi bien qu'ils l'ont jamais été, et mieux s'il est possible. Je vois avec peine qu'on ait mis cent trois bâtiments de transport à la disposition de commissaires pour des ambulances et autres services , ce qui annule leur activité. Les installations des bâtiments ont été détruites. Donnez ordre que l'ingénieur Guarrigues, qui dirigeait ces installations, soit chargé de les rétablir. Un grand nombre de barils sont cerclés en bois; les eaux se perdent; il y en a quatre cents à cercler en fer. Il manque une certaine quantité de barils pour compléter l'eau des transports et des bâtiments de guerre. Cet objet est extrêmement sérieux; pourvoyez-y sans délai. Il y a des bâtiments qui n'ont point de lisses de garde-corps; il faut en établir partout.


Paris, 21 mars 1805

Au roi de Prusse

Monsieur mon Frère, j'ai fondé une institution destinée à perpétuer dans mon Empire le sentiment des bonnes et des grande actions; je lui ai donné le nom de Légion d'honneur. Le bien que cette institution a déjà produit a excité en moi le désir de lier à elle les Ordres qui ont pour but d'encourager et de récompenser, dans tous les pays amis de la France, le dévouement à l'État et à la personne du prince, et c'est dans cette vue que je me détermine à offrir à Votre Majesté le grand cordon de ma Légion impériale, pour être uni aux décorations des Ordres dont elle est protecteur et chef suprême dans son royaume. Je charge en même temps mon ministre des relations extérieures de l'adresser à six des principaux et des plu recommandables sujets et serviteurs de Votre Majesté. Je suis assuré qu'elle ne verra dans cette démarche qu'une preuve nouvelle du cas particulier que je fais de ses sentiments, et un témoignage de l'estime et de l'attachement véritable avec lesquels je suis, Monsieur mon Frère, 

Votre bon Frère

(Des lettres identiques ont été adressées à la même époque au prince régent de Portugal et à l'électeur de Bavière.)


La Malmaison, 22 mars 1805

DÉCRET

ARTICLE Ier. - Il sera fait un code militaire pour l'armée de terre.
Ce code remplacera et annulera tout ce qui existe de lois, ordonnances, règlements, arrêtés et décisions relatifs à l'armée de terre.
ART. 2. - Ce code ne présentera qu'une seule série de livres, titres et articles.
Les titres pourront être subdivisés en chapitres, et les chapitres en sections.
ART. 3. - Les ministres de la guerre et de l'administration de la guerre détermineront de concert les moyens les plus prompts et les plus sûrs de faire rédiger ledit code.
Ils en présenteront la rédaction à S. M. l'Empereur, au plus tard dans le courant de pluviôse an XIV.
ART. 4. - Ce projet, après avoir été discuté par la section de la guerre, sera soumis au Conseil d'État. La discussion en sera commencée dès le mois de germinal an XIV.
ART. 5. - Les ministres de la guerre et de l'administration de la guerre sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.


La Malmaison, 22 mars 1805

Au maréchal Berthier

J'ai lu avec attention les bases que vous présentez pour la nouvelle organisation de l'armée. Je vois avec peine que cela présente une augmentation de sept millions. Il est vrai que cela me donnera une augmentation de 30,000 hommes. Je désire que vous me représentiez les mêmes bases en ôtant le deuxième sous-lieutenant, lequel ne sera nommé qu'en temps de guerre; et, effectivement, ce n'est qu'en temps de guerre que la compagnie, étant à 160 hommes, exige ce quatrième officier. Au lieu de deux vélites par compagnie, nombre que les prytanées ne pourraient fournir, vous ne mettrez qu'un vélite. Ces deux retranchements devront former une économie de quatre millions, ce qui ne ferait plus que trois millions en sus pour avoir 30,000 hommes de plus.

Il faudrait ajouter à ces renseignements l'économie. La compagnie étant de 100 sous-officiers ou soldats au pied de paix, il deviendrait possible d'avoir en semestre, neuf mois de l'année, 40 hommes, le tiers de tous les grades par compagnie, et, au lieu de 104 hommes, n'en avoir pendant neuf mois que 70; tandis que, dans la situation actuelle, la compagnie n'étant au pied de paix que de 70 hommes, il est difficile d'accorder des semestres, et cela n'est possible qu'à un huitième ou au plus à un sixième du corps. Il faut donc faire entrer ces avantages du nouveau système de n'avoir, en tout, la compagnie qu'à 70 hommes pendant neuf mois. 


La Malmaison, 22 mars 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, il ne doit y avoir une taille particulière que pour être admis dans l'artillerie, les carabiniers, les cuirassiers et la Garde. On ne peut exiger, dans les autres corps, que la taille de la conscription. Pour les hussards, les chasseurs et les dragons, la taille  est indifférente si les hommes sont bien formés. Dans la lettre vous écrirez à ce sujet aux généraux, aux colonels généraux, aux commandants des divisions de ces armes, vous ferez sentir l'impossibilité qu'il y aurait de recruter si on tenait à la taille, vu la nécessité d'accorder une taille supérieure à l'artillerie, aux carabiniers, aux cuirassiers et à la Garde.


La Malmaison, 22 mai 1805

Au général Morand, commandant la 23e division militaire à Ajaccio

Votre présence est nécessaire en Corse; vous y avez ma confiance. Vous y resterez pendant toute la guerre. Faites régner dans le pays une sévère police; traduisez devant des commissions militaires et faites des exemples sévères des lâches qui auraient des correspondances avec les Anglais. Allez visiter toutes les parties de l'île, spécialement les districts de la Rocca et de Bonifacio. Faites pousser, autant que possible, les travaux, la communication de la route d'Ajaccio à Bastia, que mon intention est de rendre propre à toutes les voitures. Faites finir les quais et canaux de la ville d'Ajaccio. Du moment que la saison sera favorable, réunissez deux bataillons, faites-les exercer aux manœuvres. Surtout je vous recommande de faire marcher la conscription. La frégate viendra prendre les conscrits. Pour ne pas exposer les bâtiments, écrivez, quand vous en aurez deux ou trois cents à Ajaccio, à Sartène, et on les enverra prendre. Il faut aussi prendre des mesures pour lever des marins, que la Corse fournisse son contingent à nos escadres.


La Malmaison, 22 mars 1805

Au vice-amiral Villeneuve

L'escadre dont je vous ai confié le commandement est destiné aux opérations d'une tout autre importance que celle à laquelle je l'avais d'abord destinée; mais un plus long retard rendrait difficile et votre sortie de la Méditerranée et l'exécution combinée de mes projets. J'attends avec impatience d'apprendre votre départ, et je désire beaucoup que le vent, le temps et les autres circonstances vous permettent de l'effectuer avant le 5 germinal.

J'espère qu'indépendamment du vaisseau français qui vous ralliera à Cadix, vous y trouverez plusieurs vaisseaux espagnols; réunion qui peut être utile à votre mission, sans y être indispensable. Je compte, dans une opération si importante et dont les résultats peuvent être si grands sur les destins futurs de la France, sur votre dévouement, votre zèle et votre attachement à ma personne.


La Malmaison, 22 mars 1805

Au général Lauriston

Monsieur le Général Lauriston, mon Aide de camp, on devait former depuis deux ans le 82e régiment à la Martinique, et le 66e à la Guadeloupe. Mon intention est que, dès votre arrivée, si vous avez le temps de débarquer, vous reformiez vous-même ces régiments, et que vous en rapportiez en France le contrôle. Tout ce qui se trouvera à la Martinique de détachements du 82e, du 15e et de troupes quelconques de ligne, soit arrivées avec le capitaine général Villaret-Joyeuse, soit portées par des frégates ou corsaires arrivés depuis, sera formé en deux bataillons sous le titre de 82e régiment. Je ne comprends pas dans ces détachements ce que vous trouverez à la Martinique d'arrivé avec le contre-amira1 Missiessy. Tout ce qui se trouvera à la Guadeloupe de détachements du 66e ou de toutes autres troupes arrivées avec le capitaine général Richepanse ou depuis, sera formé en deux bataillons sous le titre de 66e régiment. Vous ne formerez ces régiments qu'à deux bataillons, chacun portés au grand-complet de paix, c'est-à-dire à 100 hommes par compagnie , les 3e bataillons se formant en France.

Il y a à la Martinique et à la Guadeloupe des détachements de canonniers de la marine que j'y ai envoyés en l'an XII. Ils sont très-nécessaires à bord des vaisseaux : il faudra les faire distribuer sur l'escadre. Ces troupes seront bien remplacées par le bataillon du 67e que vous devrez y débarquer.

Par le dernier état de situation des troupes que j'ai reçu de la Martinique, j'avais dans cette île 1,600 hommes et autant à la Guadeloupe. J'y en ai envoyé 3,000 par le général Lagrange; j'en ai envoyé ultérieurement 600; vous êtes chargé d'en débarque 1,200; j'ai pris d'autres mesures pour y en faire passer 1,300; ce qui me ferait de 8 à 9,000 hommes. Ce corps de troupes serait évidemment trop fort et ne pourrait servir, si nous n'avions ni la Dominique ni Sainte-Lucie. Si donc, lorsque vous arriverez, vous trouvez à la Martinique plus de 3,000 hommes, et à la Guadeloupe plus de 3,000 hommes, vous ne débarquerez du 67e et des autres troupes que 30 hommes par compagnie, c'est-à-dire 3 ou 400 hommes, pour incorporer dans le 82e et porter ce corps au complet. Vous en ferez autant du 37e pour le 66e et vous ramènerez alors tout le reste en Europe, en laissant cependant présents sous les armes et bien portants 6,200 hommes entre les deux îles, et au moins 6,500 ou 6,600 hommes à l'effectif. Si vous ne trouviez pas ce nombre d'hommes à la Martinique et à la Guadeloupe, vous débarquerez le 67e et le 37e, conformément à mes instructions générales.


La Malmaison, 22 mars 1805

Au général Lauriston

Monsieur le Général Lauriston, mon Aide de camp, l'escadre de Toulon est destinée à se combiner avec d'autres escadres. Il est absolument indispensable qu'elle soit partie avant le 5 germinal. Cependant je sais très-bien que la volonté des hommes n'est rien dans cela, et qu'il faut le concours de bien des événements; mais accélérez le départ par tous les moyens qui sont possibles; que rien ne vous retarde. Encouragez l'amiral pour qu'il suive droit sa destination et n'hésite point dans des opérations dont les résultats seront si importants pour les destinées futures de la France. Nos amiraux ont besoin de hardiesse pour ne point prendre des frégates pour des vaisseaux de guerre, et des vaisseaux marchands pour des flottes. Il faut de la décision dans les délibérations, et, l'escadre une fois sortie, aller droit au but, et non relâcher dans des ports ou revenir.


La Malmaison, 23 mars 1805

A M. Talleyrand

Je désire que vous fassiez faire sur le droit d'épave un mémoire détaillé, et que l'on imprime une brochure qui récapitulera tout ce qui a été fait sur cet objet et les principes qui m'ont dirigé. On pourrait aussi traiter la question de l'Ordre équestre : ce sont, je crois, les deux principaux points qui divisent actuellement l'empire germanique. 


La Malmaison, 23 mars 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, l'école de Fontainebleau avait été organisée pour mille élèves. Il paraît que ni le local ni les circonstances ne permettront d'en placer plus de cinq cents. Il faudrait donc réduire l'état-major, soit pour l'administration, soit pour l'instruction, à raison de cette différence de cinq cents à mille.


La Malmaison, 23 mars 1805

Au général Lacuée, gouverneur de l'école polytechnique

Monsieur Lacuée, Conseiller d'État, je voudrais enfin m'occuper de l'organisation de l'École polytechnique. Vous m'avez présenté plusieurs projets séparés; je désire que vous me remettiez un projet qui offre l'ensemble de l'administration. Il convient de distinguer en deux titres séparés ce qui regarde, l° le logement des élèves, 2° leurs pensions. Mon intention n'est pas que la dépense soit payée par deux ministères différents. L'école sera considérée comme école spéciale de mathématiques, et payée par l'intérieur. La guerre a bien assez de ses dépenses. Vous vous rappellerez que mon désir est que cet établissement coûte peu. Il est dangereux pour des personnes qui n'ont pas de fortune de leur donner des connaissances en mathématiques trop étendues. Quant aux sujets ayant de grandes dispositions et peu de fortune, il sera facile de les placer au moyen de vingt ou trente bourses qui seront créées à cet effet; mais les pensions des autres élèves doivent être payées par les parents. Une dépense de 500,000 francs ne peut pas être maintenue. Il est bien entendu que ces dispositions ne s'appliqueront point aux jeunes gens qui sont à présent à l'école. L'organisation en bataillon et le conseil d'administration peuvent être établis à l'instar de l'école de Fontainebleau. L'école spéciale de mathématiques ou École polytechnique est destinée à réunir deux ou trois cents élèves. Les Ponts et chaussées, les ingénieurs géographes, les ingénieurs de la marine, l'artillerie et le génie, ne peuvent recevoir deux cents jeunes gens par an : il faut donc qu'une partie de ces élèves puisse entrer dans l'armée; mais comment y entreront-ils, ave quel grade ? Cela doit aussi être réglé. Je regrette de voir un aussi grand nombre de jeunes gens de cet âge réunis à Paris; je sens l'inconvénients qu'il y aurait à les éloigner trop; mais, si on pouvait les placer à deux ou trois lieues, il en résulterait un grand avantage J'ai peine à croire qu'il n'y ait pas à cette distance, aux environs de Paris, des séminaires ou d'autres bâtiments propres à ce service. Ne pourrait-on pas, par exemple, placer l'école au château de Saint-Germain ? Son éloignement ne serait pas assez grand pour que quelques bons professeurs ne pussent pas s'y rendre. Si cependant il faut absolument laisser l'école à Paris, de tous les quartiers celui que je préfère, c'est le quartier latin, et celui pour lequel j'ai le plus à répugnance c'est le quartier où elle est actuellement (c'est à dire au palais Bourbon).


La Malmaison, 23 mars 1805

Au maréchal Soult

Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre et votre rapport sur la flottille. J'ai donné des ordres au général Songis sur la manière dont l'artillerie doit être embarquée. Je n'ai pas besoin de l'équipage de siège; je l'ai toujours fait réunir, d'abord pour armer la flottille, et pour l'avoir à ma disposition surtout. Je n'ai pas besoin des voitures que l'artillerie traîne après elle; dans le pays où je vais aller, je ne manquerai point de voitures.

J'attache une grande importance aux manœuvres des péniches, surtout pour le débarquement. Une division de péniches peut porte 1,200 hommes; dix divisions peuvent donc porter 6,000 hommes; que ces 6,000 grenadiers, dans un débarquement, donnent à propos et dans l'endroit convenable, ils doivent balayer la place et donner lieu au débarquement. Attachez-vous donc avec Lacrosse à exercer les commandants des chaloupes; on doit tirer à canon et à mitraille en débarquant, et avoir des signaux pour parler à chaque division.

Je vous ai ôté le 19e de ligne, que je n'ai pas jugé propre à faire la guerre et que j'envoie en Hanovre. Je le fais remplacer par 100e régiment, composé de vieux soldats et fort de 1,900 hommes.

Ce que vous me dites du 72e n'est pas non plus très-rassurant. Cependant j'ai donné des ordres pour qu'il reçoive beaucoup de recrues cette année.

Je vais faire un appel de 5,000 hommes sur la réserve de l'an XII, et de 1,000 hommes sur la réserve de l'an XIII, tous destinés aux quarante-quatre régiments des trois camps; car, si cela est possible, je vais porter les bataillons an grand complet de guerre, c'est-à-dire à 1,050 hommes.

Vous devez avoir reçu l'ordre de faire passer la division Legrand à Boulogne. J'ai fait donner l'ordre à la première partie de la flottille batave de se rendre à Ambleteuse.


Palais des Tuileries, 24 mars 1805

RÉPONSE DE L'EMPEREUR AU CONSEIL D'ÉTAT VENANT LE FÉLICITER SUR SON AVÉNEMENT
AU TRÔNE D'ITALIE.

Je suis bien touché des sentiments que vient de m'exprimer, au nom du Conseil d'État, l'un de ses présidents. Je suis convaincu que ses membres s'occuperont toujours avec intérêt et avec zèle de tout ce qui pourra ajouter au bonheur de mes peuples et à l'éclat de ma couronne ; car j'ai toujours trouvé parmi eux de vrais amis.


Paris, 24 mars 1805

DÉCISION

L'électeur de Bade réclame le maintien de sa principauté en Allemagne

Renvoyé à M. Talleyrand. Je désire que M. Talleyrand écrive à M. Laforest pour faire faire des ouvertures à Berlin sur cet objet, qui doit être tenu très-secret à cause de la Russie.

DÉCISION

Le ministre de la guerre demande si les colonels ayant un service d'honneur auprès de l'Empereur, des princes
et des princesses, doivent rejoindre leurs corps, ainsi que le prescrit l'ordre de ce jour à l'égard des autres colonels
 de l'armée.

Oui. Le service de guerre marche avant tout.

DÉCISION

Le ministre de la guerre propose à l'Empereur d'accorder à l'ex-maréchal de camp Lameth le traitement de réforme.

Je ne sais ce que le ministre entend par le traitement de réforme à un général qui ne sert pas depuis vingt ans.

DÉCISION

Mouton, capitaine aide de camp, est proposé pour l'emploi de chef d'escadron. 

Il y a dans l'armée des capitaines de 92 qui sont très-bons. 

DÉCISION

Le ministre de la guerre soumet à l'Empereur un état des officiers proposés pour faire partie du 3e bataillon du 18e régiment d'infanterie légère.

Cette méthode de composer un bataillon par des officiers réformés  a bien des inconvénients. Le ministre ne peut les connaître, et l'on s'expose à avoir un bataillon mal composé. Il faudrait, au moins, avoir quelques garanties que ces officiers sont bons.


Paris, 24 mars 1805

Au vice-amiral Ganteaume

DÉPÊCHE TÉLÉGRAPHIQUE DE GANTEAUME A L'EMPEREUR.

L'armée navale est prête et peut mettre sous voile demain soir; mais il y a ans l'Iroise quinze vaisseaux anglais et il est impossible de sortir sans risquer un combat.

Le succès n'est pas douteux. 

J'attends les ordres de Votre Majesté

A TRANSMETTRE SUR-LE-CHAMP,
     PAR LE TÉLÉGRAPHE.

Une victoire navale dans cette circonstance ne conduirait à rien.

N'ayez qu'un seul but, celui de remplir votre mission.

Sortez sans combat.

Ce qui doit vous joindre est parti.


La Malmaison, 25 mars 1805

Au maréchal Davout

Mon Cousin, j'ai donné ordre que la troisième partie de la flottille batave se rendît d'Ostende à Dunkerque, et que la première se rendît de Dunkerque à Ambleteuse. Le ministre de la guerre a dû vous envoyer l'ordre pour le jour auquel la première division du camp Ostende doit se rendre à Ambleteuse pour occuper l'emplacement de la division du général Legrand.

Le projet de faire porter par des bâtiments de transport les bois qui ont servi à la construction des baraques pourrait être avantageux; car alors on pourrait construire à Ambleteuse pour une nouvelle division, mon intention étant de réunir là votre armée.

Faites-moi connaître, par le retour de mon courrier, la situation de votre armée, celle de la flottille batave, et surtout la situation des écuries et autres bâtiments de transport destinés à embarquer le matériel de votre artillerie et de vos chevaux. Il ne faut rien laisser à Ostende; tous les magasins de réserve, d'outils, d'artillerie, etc., doivent se replier d'Ostende sur Dunkerque.


La Malmaison, 26 mars 1805

Au vice-amiral Decrès

Les matelots français ont, dans différentes circonstances et dans différents pays, pris des engagements avec des capitaines de vaisseau américains. Ainsi naturalisés, ils se croient à l'abri de toute poursuite sur les bâtiments de cette nation. Faites arrêter tout matelot natif français enrôlé sur bâtiment américain dans nos ports. Faites faire une circulaire sur cet objet; ne pas nommer les Américains, mais dire, en général, toute nation neutre.


La Malmaison, 26 mars 1805

Au vice amiral Decrès

La caisse des Invalides est riche; elle fait constamment des économies très-considérables. Mon intention est, au lieu de 12, 000 francs, de mettre pour les ouvriers de Brest 50,000 francs. De tous côtés on porte plainte : à Saint-Malo, que les travaux ont cessé; à Brest, de même; au Havre, à Dunkerque, à Lorient, Nantes, sur tous les points de la côte enfin, on éprouve le même malheur; point de commerce et point la possibilité de la pêche; les familles des marins sont dans la désolation. Quel plus bel emploi puis-je faire des fonds des Invalides de la marine que de soulager, dans les moments les plus critiques, les habitants des côtes ? Mon intention est donc d'employer quatre millions provenant de la caisse des Invalides à exécuter des travaux sur la côte pendant la campagne, savoir :

Deux millions à des constructions de bâtiments de guerre et deux millions à des travaux qui améliorent les ports.

Les deux millions des bâtiments de guerre seront destinés à construire une frégate à Nantes, une à Saint-Malo, un vaisseau à Toulon, un vaisseau à Lorient, et 8 gabares ou flûtes dans les ports de l'Océan où il serait le plus nécessaire d'occuper les ouvriers, et conformément au rapport que vous me ferez. Par ce moyen, les ouvriers qui, à Brest, ne peuvent être employés faute de matériaux, en trouveront à Lorient, à Nantes et à Saint-Malo. Sans doute que deux millions ne suffiront pas pour faire 2 vaisseaux, 2 frégates et 8 bricks ou gabares ou flûtes; mais ils suffiront pour les porter, dès cette année, à dix ou douze vingt-quatrièmes. Mon intention est que, ces bâtiments une fois construits, l'État les rachète à la caisse des Invalides moyennant des arrangements faits dans le temps.

Ces deux millions, joints aux constructions ordinaires du budget et aux deux millions que j'ai ordonnés par mon décret de ce jour et fournis pour un supplément à votre budget, remettront de l'activité sur des points de la côte.

Les deux autres millions de la caisse des Invalides seront employés, savoir :

500,000 francs au bassin ou travaux de Brest; 500,000 francs au port de Cherbourg;
500,000 francs répandus sur les petits ports, selon le rapport fait, depuis la Loire jusqu'à Granville;
500,000 francs sur les petits ports depuis Granville jusqu'à la Somme.

Ce qui, joint, aux dépenses des ports portés à votre budget, à l'extraordinaire de l'intérieur que je veux augmenter, remettront de l'activité dans ce genre de service sur les ports.

Présentez-moi un rapport détaillé avec décret, et convenable. Ordonnez aux ingénieurs de présenter la répartition des fonds dans les petits ports; de se concerter avec Cretet.

Vous présenterez un rapport sur la manière de se procurer les quatre millions. Il s'agira de se procurer à peu près 400,000 francs par mois, qui, à dater du 1er germinal, feraient six mois pour l'an XIII et quatre mois pour l'an XIV; ce sera à peu près la manière dont ces fonds pourront être dépensés. Comme cet objet est à mes yeux d'une importance majeure, je désire un rapport au travail le mercredi.


Saint-Cloud, 27 mars 1805

A M. Regnier

Témoignez ma satisfaction à M. Évrard, juge instructeur de la cour criminelle de Bruxelles, pour le zèle qu'il met dans l'affaire des chauffeurs. Envoyez une somme de 4,000 francs prise sur les dépenses diverses de votre ministère, qui seront à sa disposition pour subvenir aux faux frais et autres dépenses que nécessiterait la recherche de cette affaire.  


Saint-Cloud, 27 mars 1805

DÉCISION

Vaugrigneuse, chef de bataillon d'artillerie, désirerait être à même de communiquer à l'Empereur des détails sur les pays qu'il a parcourus et de lui tonner les preuves de son dévouement.

Renvoyé à M. le maréchal Duroc, pour le voir. Je l'ai connu très-honnête homme. Je désire savoir ce qu'il a fait pendant la révolution; ce qu'il a acquis en talents et en expérience, et ce qu'il faut faire pour le rendre utile.

DÉCISION

Le ministre de l'intérieur propose de nommer M. Ferregeau au grade d'inspecteur général des ponts et chaussées.

Je lui accorderai ce grade lorsqu'il aura réussi à faire un projet ,pour l'Escaut, dont il est chargé.
Je jugerai par là de ses talents.

DÉCISION

Olivier, de l'Institut, chargé de parcourir l'empire ottoman ainsi que la Perse, demande le payement de 15,000 francs d'arriéré de traitement.

On accordera cette somme lorsqu'on verra le troisième volume de son voyage en Perse, la seule chose qui intéresse.

DÉCISION

Les habitants du quartier des Petits-Pères demandent que l'église de ce nom soit rendue au culte.

Renvoyé au ministre des finances. Je désire que cette église soit rendue au culte et que la Bourse soit placée dans une salle de spectacle. Il y en a plusieurs vacantes; tout le monde y gagnera.

DÉCISION

M. Thomas, ex-inspecteur des droits réunis, réclame contre sa destitution.

J'ai vu avec peine que le sieur Thomas, qui a arrêté Georges, fût déplacé. Je désire qu'on le place de nouveau, s'il n'y a rien à lui reprocher.


 Saint-Cloud, 27 mars 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

Le ministre de l'intérieur présentera un projet pour la convocation des assemblées de cantons, afin de compléter les colléges électoraux.

Les premières réunions n'ont complété aucun collége, parce que la majorité absolue était nécessaire.

Il faut persister dans ce principe : tous ceux qui sortiront avec la majorité seront membres des colléges.

Le ministre proposera la convocation de manière que les assemblées de deux départements qui se touchent ne soient pas convoquées en même temps.

Il choisira l'époque où la campagne demande le moins de travaux. Il s'assurera près du ministre des finances du moment où les listes des plus imposés seront définitivement arrêtées.

Il sera vraisemblablement impossible de compléter les colléges de la série qui opère cette année.

Dans le cas où le ministre verrait des inconvénients à la convocation des assemblées de toutes les séries, il faut, du moins, compléter de préférence les colléges qui s'assembleront l'année prochaine.

Le ministre fera un rapport sur l'esprit qui a animé l'année dernière les colléges qui viennent d'être convoqués, afin que l'on puisse, en usant de la prérogative qui appartient à l'Empereur , rétablir l'équilibre.


Saint-Cloud, 27 mars 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, vous ferez réunir, du ler au 10 floréal, dans la plaine de Marengo, les corps dont l'état est ci-joint :

Les quatre bataillons du 23e de ligne, les quatre du 56e léger, quatre du 60e; trois bataillons du 14e léger, quatre du 5e de ligne, trois du 102e.

Ils seront partagés en deux divisions; une tiendra garnison à Alexandrie, l'autre à Tortone et environs.

Vous réunirez sur le même champ de bataille les quatre régiments de chasseurs ou dragons qui se trouvent dans la 27e division militaire (Turin), le régiment d'artillerie légère avec le bataillon du train et vingt-quatre pièces de canon de campagne bien attelées.

Le maréchal Lannes se rendra à Alexandrie, où il sera rendu le 25 germinal (15 avril) pour y exercer les troupes avant mon arrivée.

Mon intention n'est point que ces troupes soient campées; elle seront baraquées dans les villages.

Comme les troupes du Piémont ont un traitement particulier, vous me ferez un rapport sur les gratifications qu'il faudra leur donner également.

Je passerai en revue dans les dix premiers jours de prairial, dans la plaine de Lonato , les 22e et 23e légers , les ler, 10e, 106e, 52e, 62e, 101e, 53e de ligne, et les trois régiments italiens. Le général Jourdan formera quatre divisions, chacune de trois régiments; on les cantonnera sur la Chiese et le Mincio. Je passerai en revue le 3e, 14e, 15e chasseurs, 24e et 29e régiments de dragons; ce qui formera une 5e division.

Les régiments de cuirassiers formeront une 6e division.

Vous me ferez connaître également ce qu'il sera nécessaire donner aux troupes pendant le temps qu'elles seront cantonnées.

Les trois régiments de cavalerie italiens formeront une division. Chacune aura six pièces de canon attelées, et sera commandée par un général de division et un ou deux généraux de brigade.

On aura cependant soin de laisser à Porto-Legnago le bataillon nécessaire pour sa garnison. On laissera aussi ce qui sera strictement nécessaire à la garde de Mantoue.

Vous recommanderez bien au maréchal Jourdan que ces mouvements n'aient point l'air de mouvements de guerre. Il ne dégarnira Vérone, Peschiera et Mantoue qu'au moment de la revue. Il donnera seulement l'ordre de se mettre en marche au 62e qui est à Livourne, au 53e qui est à Rimini , au 22e qui est à Novare, au 23e qui est à Parme, et aux autres corps qui ont besoin de se rapprocher. Le bataillon du 20e de ligne tiendra garnison à Livourne.


Saint-Cloud, 27 mars 1805

Au maréchal Moncey

Mon Cousin, faites-moi un rapport sur le lieutenant de gendarmerie qui commande à Bruxelles; c'est une tête trop jeune; les habitants s'en plaignent comme ayant donné une fausse direction à une chose toute simple. Je ne puis approuver le séjour du colonel à Paris, n'y ayant pas de capitaine`a Bruxelles, tandis qu'un simple lieutenant dirige des affaires de cette importance. Je désire savoir aussi pourquoi ce lieutenant de gendarmerie est parti de Bruxelles sans l'ordre du préfet.

(voir la lettre à Moncey, du 31 mars)


Saint-Cloud, 28 mars 1805

NOTE POUR LE SECRÉTAIRE D'ÉTAT

M. Haret fera faire autant de copies de ces instructions qu'il y a de sénatoreries. Comme c'est moi qui les signerai, il fera mettre, an lieu de Sa Majesté, Nous. Il me les présentera à signer.

INSTRUCTIONS POUR LES SÉNATEURS

Monsieur . . . . . . . . .Sa Majesté désire que vous vous rendiez dans votre sénatorerie avant le 1er prairial, que vous y résidiez pendant trois mois consécutifs, et que vous parcouriez tous les départements qui en forment l'arrondissement.

L'objet apparent de votre voyage et de votre séjour sera de connaître la situation, la nature, l'état et la valeur des biens dont votre sénatorerie a été dotée.

L'objet le plus important sera de nous fournir des renseignements sûrs et positifs sur tout ce qui peut intéresser le Gouvernement; et, à cet effet, vous nous adresserez directement un mémoire, tous les huit jours, de chaque chef-lieu de votre département.

Vous sentez que sur cette mission particulière le secret doit être inviolable. Si elle était connue, toutes les lumières vous fuiraient; les hommes honnêtes s'interdiraient toute communication avec vous, et vous ne rapporteriez que les dénonciations de l'intrigue et de la malveillance.

D'un autre côté, les fonctionnaires publics, qui sont généralement dignes de notre confiance, seraient avilis et découragés, et ces missions extraordinaires, qui doivent éclairer le Gouvernement, ne seraient plus que des inquisitions odieuses et des moyens de désorganisation.

1° Vous reconnaîtrez quels sont le caractère, la conduite, les talents des fonctionnaires publics, soit dans l'ordre administratif, soit dans l'ordre judiciaire.
2° Quels sont les principes et l'influence des ecclésiastiques.
3° Quels sont, dans toutes les parties de votre arrondissement, les hommes qui marquent par leur caractère, par leur fortune, par leurs opinions, par leur ascendant sur le peuple, à quel ordre de gens ils appartiennent.

Vous dresserez des états circonstanciés de toutes les informations relatives aux personnes; vous appuierez votre jugement sur des faits réels et bien constatés, et vous nous enverrez ces états.

4° Vous rechercherez quelles sont les dispositions des citoyens dans les différentes classes et dans les différents cantons, relativement, 1° au gouvernement, 2° à la religion, 3° à la conscription, 4° à la taxe d'entretien des routes, 5° à la perception des impôts indirects.
5° Vous observerez s'il y a des conscrits fugitifs ; quel peut en être le nombre; s'il y a quelque mouvement à en craindre;
Quel est le service de la gendarmerie; quels sujets s'y distinguent par leur zèle ou se font remarquer par leur négligence;
Quelle est la quantité et la nature des délits; si ce sont des délits isolés ou le résultat d'attroupements;
Quelle est l'opinion générale sur l'institution des jurés; quels sont ses effets sur les jugements criminels.
6° Vous examinerez quel est l'état de l'instruction publique, soit dans les écoles primaires, soit. dans les écoles secondaires, soit dans les lycées; à quelle cause tiennent ou les succès ou la langueur de ces établissements. Vous dresserez un état des hommes qui s'y distinguent par leurs talents, et de ceux qui n'ont point mérité la confiance publique.
7° Vous étudierez l'état de l'agriculture, du commerce et des fabriques; quels sont les hommes qui se distinguent par des lumières ou des succès dans ces différentes branches.
8° Quel est l'état des subsistances et quelle est l'espérance de la récolte prochaine.
9° Vous observerez l'état des routes; quelles sont les causes générales ou particulières de leur dégradation.
10° Où on en est pour l'éducation des chevaux, des bêtes à laine, des bestiaux de toute espèce; quels sont les encouragements, ou les mesures nécessaires pour les étendre et les faire prospérer.

Vous nous enverrez successivement, sur tous ces objets, des mémoires séparés et fondés sur des connaissances positives.


Saint-Cloud, 28 mars 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, tous les ouvrages neufs faits dans les ports, sur les rivières, les constructions des ponts, ne doivent être faits que sur mon approbation. Tous les travaux relatifs aux réparations d'ouvrages existants doivent être faits sur votre approbation seulement. On m'instruit cependant que plusieurs ouvrages neufs sont faits dans les ports sans que le projet m'en ait été soumis. Je vous prie d'y porter une attention scrupuleuse. Pour ma satisfaction personnelle, je désire, d'ailleurs, connaître les nouveaux travaux qui se font.


Saint-Cloud, 28 mars 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

SAINT-CYR. COMPTABILITÉ. L'Empereur désire que le ministre charge M. Malus de se rendre à Saint-Cyr, pour examiner la comptabilité, de cet établissement et les revenus de l'an XI et de l'an XII.

LYCÉES. GRATIFICATIONS. Le ministre de l'intérieur présentera un projet de décret pour l'autoriser à accorder des gratifications à chaque lycée pour l'an XII, à raison des besoins de chacun d'eux, mais seulement jusqu'à concurrence de la portion de la pension destinée dans chaque lycée à couvrir la dépense commune, multipliée par la différence qui s'est trouvée pendant l'an XII entre le nombre de 150 élèves, non compris les pensionnaires, et le nombre effectif.

Le ministre sera également autorisé à accorder des gratifications pour les six premiers mois de l'an XIII, en les réglant sur les mêmes bases.

Le même projet de décret établira pour les lycées des masses à l'instar de celles des troupes. Il y aura, en conséquence, masse de fourniture, masse d'entretien, masse d'habillement, masse commune et masse de menues dépenses. Le montant de la pension, divisée en cinq parties égales, formerait ces masses. Si, à la fin de l'année, une masse avait un excédant disponible, cet excédant ne pourrait être appliqué à une autre masse qu'avec l'autorisation du ministre de l'intérieur.

Enfin le même décret doit déterminer le nombre des places gratuites, et pour les autres les proportions dans lesquelles les parents contribueront à la dépense. On déterminerait, dans les places gratuites, le nombre de celles qui seraient conservées pour l'encouragement des écoles secondaires.

On pourrait faire une combinaison telle qu'en conservant pour élément nécessaire 50 places gratuites, il y eût 150 élèves, et que le trésor public ne payât réellement que le montant de cent pensions.

On pourrait peut-être aussi établir 75 places gratuites et 75 demi-bourses, en mettant à toutes les nominations aux places gratuites la condition que, si les parents jouissent d'un traitement de 3,000 francs ou sont portés au rôle des contributions pour une cote de 400 francs et au-dessus, ils payeront 150 francs pour l'habillement et les menues dépenses de leur élève.

Dans la situation actuelle des lycées, il convient de prendre immédiatement cette mesure. Elle sera annoncée par une circulaire des proviseurs aux parents de tous les élèves qui occupent des places gratuites ; ils ne pourront en être dispensés que sur un certificat du préfet, constatant qu'ils ne reçoivent point un traitement du trésor public montant à 3,000 francs et qu'ils ne payent pas 400 francs de contributions.

L'exécution de cette mesure datera du ler germinal. On verra en vendémiaire et en brumaire ce qu'elle aura produit.

MAISON DES MINIMES. Le prix de la maison des Minimes sera payé provisoirement sur les fonds du ministre et acquitté définitivement sur le produit des ventes des biens du Prytanée.

INSPECTION DE M. FOURCROY. Il paraît convenable que, dans l'inspection que M. Fourcroy va faire, il se fasse accompagner par un sous-inspecteur aux revues et un adjudant-major. Le capitaine donnera des instructions sur l'exercice, la tenue, etc. Le sous-inspecteur donnera des renseignements sur l'ordre à prescrire pour la tenue des registres et la comptabilité.


Saint-Cloud, 28 mars 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, il faut que les frégates partent pour le golfe de Perse. Je vous renvoie vos instructions nautiques; je vous enverrai incessamment les instructions politiques. Préparez tout pour que les frégates puissent partir sur-le-champ.


Saint-Cloud, 28 mars 1805

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, il n'y a à Anvers que 500,000 pieds cubes de bois; il aurait dû y en avoir un plus grand nombre, si l'on avait suivi ce que j'avais prescrit l'année passée. On m'assure qu'on laisse pourrir dans les canaux les coupes qui ont été faites. S'il existait à Anvers les deux millions de coupes extraordinaires que j'avais ordonnées, il y aurait plus de courbes. Toutefois, il faut que vous vous occupiez de faire rechercher des courbes sur le Rhin, ou même en Allemagne, aux débouchés du Mein et du Neckar.

Il y a à Anvers 6 vaisseaux sur les chantiers, et neuf cales; ne perdez point de vue qu'avant la fin de l'année il faut qu'il y ait 8 vaisseaux. Il paraît que les magasins de la citadelle d'Anvers sont nécessaires à la marine, ainsi que la concession du terrain de l'esplanade pour y mettre du bois; je désire que vous me fassiez un rapport sur cet objet. Si l'on est obligé de n'élever sur l'esplanade aucun bâtiment qui puisse offusquer ni gêner les fortifications, on peut le céder à la marine pour y construire des hangars. On peut lui céder aussi une portion des bâtiments de la citadelle.

Il y a à Anvers 8 chaloupes sans commandants ni équipages; organisez-les.


Saint-Cloud, 28 mars 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA MARINE

L'Empereur a lu avec attention le procès-verbal de la séance du 30 ventôse. Les questions lui ont paru bien posées. Il ne peut donc, pour la solution, que s'en rapporter à l'opinion des gens de l'art.

Il autorise, en conséquence, le projet tel qu'il a été imaginé, c'est-à-dire l'avant-port et le premier bassin. Son intention est que, sous aucun prétexte, il ne soit rien fait à l'arrière-bassin. Cependant il ne sera fait, sur le terrain destiné à l'arrière-bassin, aucun bâti-ment, aucun remblai de nature à gêner la construction. Ce local restera, en attendant, comme une sorte d'esplanade.

Si M. Cachin tient la parole qu'il a donnée, et si l'on a pour sept millions l'avant-port, le premier bassin et les trois formes, on sera arrivé à un résultat immense. Si l'on n'emploie pas l'argent en bâtiments, mais en déblais et en digues, avant la fin de l'an XV, on aura le plaisir de voir Cherbourg dans un état satisfaisant.

Mais, comme l'Empereur tient à ce que les fonds ne soient pas distraits par d'autres constructions, il désire qu'un rapport présente et fixe les détails du devis, de manière que, sous aucun prétexte, l'ingénieur ne puisse employer l'argent à autre-chose qu'au projet arrêté.

Et, s'il arrivait que cette année on ne pût dépenser tous les fonds, parce que tout le projet est basé sur la construction du batardeau et de la digue qui doivent permettre de travailler à sec, le surplus pourrait être employé à la rade. Il serait funeste de travailler l'avant-port et le premier bassin dans l'eau; il vaut mieux éprouver un retard de six mois et dépenser un million de moins. Si l'on a conservé un souvenir exact, M. Cachin a dit qu'il ne pouvait avancer la jetée parce qu'il fallait donner aux enrochements le temps de s'asseoir.

Au reste, l'affaire est en bonne position; il ne faut plus maintenant qu'exiger de M. Cachin un état positif et détaillé de l'emploi des fonds.


Saint-Cloud, 28 mars 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA MARINE

La rade de Cherbourg ne peut contenir, au plus, que 24 vaisseaux de guerre, et, quelques travaux qu'on y fasse, elle ne pourra être mise en comparaison avec Brest, Toulon et l'Escaut. Cette considération porte à abandonner entièrement et absolument le projet du second bassin; il faut s'en tenir, 1° à l'avant-port; 2° au bassin latéral à droite, prolongé jusqu'à l'endroit où on devait établir des cales.

Il y aura, à l'avant-port, une forme qui sera faite l'année prochaine, en même temps que l'avant-port.

On construira quatre cales de vaisseau, une de frégate, une de brick sur le côté ouest.

L'enceinte des fortifications sera sur la ligne C D, éloignée au maximum de 50 toises de la ligne de quai de l'avant-port. M. Cachin sera maître de se rapprocher jusqu'à cette ligne, mais il ne pourra la dépasser.

On a besoin de 50 toises pour l'épaisseur des fortifications et de 400 toises pour l'esplanade.

Du point A on prendra 400 toises de longueur sur '200 toises de largeur, et on construira dans l'espace A B E D, ayant 200 toises sur 200 toises, tous les bâtiments nécessaires pour la construction des vaisseaux, le magasin général, forges, etc.

Dans l'autre carré B 0 H E, qui aura également 200 toises sut 200 toises, on construira autour du bassin des magasins particuliers pour 18 vaisseaux.

Derrière ces magasins, on construira le magasin général, les logements des administrations et tous les établissements nécessaires à la marine.

On tâchera d'avoir un filet d'eau qui circulera tout autour des établissements et donnera de l'eau dans les fossés de la place; alors tous les établissements de Cherbourg, savoir : une forme, quatre cales de vaisseau, une cale de frégate, une cale de brick, tous les établissements nécessaires pour alimenter un arsenal de construction de 4 vaisseaux, une frégate et un brick, et tous les établissements nécessaires à l'armement de 18 vaisseaux, seront placés dans un espace de 400 toises sur 200 toises.

Le filet d'eau ou petit canal pourrait sortir à côté des chantiers, à droite on à gauche, à peu près dans l'emplacement 1 1.

La manutention et l'arsenal de terre seront également sur le canal; au delà de la ligne C D H S, tout serait cédé à la terre pour établir ses casernes, son arsenal d'artillerie, ses ateliers du génie et sa manutention.

50 toises seraient prises sur la ligne D H pour la guerre, ce qui ferait un rectangle de 400 toises sur 50 toises; casernes, établissements, tout peut se trouver là, y compris deux places qu'on pourra y établir.

Il sera nécessaire que le général Bertrand et M. Cachin se voient, afin que l'arsenal et la manutention de terre puissent profiter du canal, et pour que ce canal puisse aller dans les fossés et les remplir d'eau, et qu'il y ait deux places, chacune de 50 toises carrées, ce qui est indispensable dans une place de guerre.

Les fortifications seraient serrées à la place, de manière qu'elles n'eussent pas plus de 50 toises d'épaisseur, et que l'extrémité ne fût pas rapprochée de la ville de plus de 400 toises.

Sur l'autre côté, on serrera les fortifications, de manière qu'il n'y ait que 450 toises du quai à la crête intérieure des fortifications.

Par ce moyen on aura un carré de 8 à 900 toises de développement, qu'on doit pouvoir fermer avec cinq fronts.

Quand on aura tracé cette fortification sur le plan , on verra ce qui reste à faire pour mettre la ville et les établissements à l'abri d'un bombardement.


Saint-Cloud, 30 mars 1805

ORDRE DE SERVICE PENDANT L'ABSENCE DE LEMPEREUR

Les ministres de la justice, des finances, du trésor public, de la marine, de l'administration de la guerre et des cultes, se réuniront, le mercredi de chaque semaine, chez M. l'archichancelier de l'Empire (Cambacérès). Le travail de leurs départements respectifs sera transmis à l'Empereur, et, à cet effet, porté au secrétaire d'État par un auditeur, qui sera désigné par M. l'archichancelier, se rendra chez les princes et les ministres pour prendre leurs ordres, et partira dans la nuit du jeudi au vendredi suivant.

M. l'archichancelier fera une courte analyse de ce qu'il y aura de plus pressant à expédier dans le travail des ministres, ainsi que des observations sur les événements imprévus. Il signera les renvois des affaires qui seront de nature à être délibérées en Conseil d'État.

Le grand juge est autorisé à accorder des sursis sur les recours en grâce qu'il jugera de nature à être portés au conseil privé.

Les rapports journaliers de la police, ceux du colonel général de la Garde ou de l'officier en faisant les fonctions, et de l'officier général faisant les fonctions de premier inspecteur de la gendarmerie, seront remis chaque jour au grand amiral (le maréchal Murat), qui les fera parvenir à l'Empereur.

En cas de débarquement, de tout autre événement important et de circonstances imprévues, les ministres de la guerre et de la police se concerteront avec le grand amiral pour prendre les mesures qui seront jugées convenables.

Le directeur général des postes expédiera, tous les jours, à neuf heures du matin, un courrier qui sera chargé des dépêches des grands dignitaires et des ministres. Ces dépêches seront, à cet effet, remises à l'hôtel des postes avant huit heures.


Saint-Cloud, 30 mars 1805

DÉCISION

Hoffmann fait connaître qu'il a introduit en France la culture de la garance, et prie l'Empereur de lui accorder une pension réversible sur la tête de sa
femme.

Renvoyé au ministre de l'intérieur, pour savoir s'il est vrai qu'il ait apporté en France le secret de  la teinture rouge.


Paris, 30 mars 1805

Au roi de Perse

(La lettre expédiée porte en tête : Bonaparte, Empereur des Français, à Feth Ali, Chàh des Persans, salut !)

Je dois croire que les génies qui président à la destinée des États veulent que je seconde les efforts que tu fais pour assurer la puissance de ton empire, car, dans le même temps, nos esprits ont été frappés de la même pensée. Les agents porteurs de nos lettres se sont rencontrés à Constantinople; et, pendant que ton gouverneur de Tauris liait une correspondance avec mon commissaire d'Alep, celui-ci recevait de moi l'ordre d'établir des communications avec les vizirs des frontières de la Turquie.

Il faut se laisser aller aux inspirations du ciel, car il a établi les princes pour rendre les peuples heureux; et lorsque, de siècle en siècle, il fait apparaître quelques grands hommes, il leur impose la loi de s'entendre, pour que le bon accord de leurs desseins donne plus d'éclat à leur gloire et plus de force à la volonté qu'ils ont de bien faire.

Quelle autre vue pourrions-nous avoir ? La Perse est la plus noble contrée de l'Asie; la France est le premier empire de l'Occident. Régner sur des peuples et des pays que la nature se plaît à embellir, à enrichir des plus abondantes productions, commander aux hommes industrieux, spirituels et braves qui les habitent, West-ce pas la plus belle de toutes les destinées ?

Mais il y a sur la terre des empires où la nature ingrate et stérile ne produit qu'à regret ce qui est nécessaire à la subsistance des peuples. Dans ces pays les hommes naissent inquiets, avides, envieux; et malheur aux contrées que le ciel favorise, si, en les comblant de biens, il ne leur donne pas aussi des princes vigilants et courageux, qui puissent les défendre contre les entreprises de l'ambition, de la rapacité et de la misère ! 

Les Russes, ennuyés de leurs déserts, empiètent sur les plus belles parties de l'empire ottoman; les Anglais, relégués dans une île qui ne vaut pas la plus petite province de ton empire, excités par la soif des richesses, établissent dans l'Inde un pouvoir qui devient tous les jours plus redoutable. Voilà des États qu'il faut surveiller et craindre, non pas parce qu'ils sont puissants, mais parce qu'ils ont un besoin et une passion extrêmes de le devenir.

Un de mes serviteurs a dû te porter les premiers témoignages de mon amitié. Celui que je t'envoie aujourd'hui est particulièrement chargé de s'informer de tout ce qui intéresse ta gloire, ta puissance, tes besoins, tes intérêts, tes dangers. C'est un homme de courage et de jugement. Il verra ce qui manque à tes peuples, pour que leur intrépidité naturelle soit secondée par le secours de ces arts mal connus en Orient et dont l'état des nations du Nord et de l'Occident rend la connaissance indispensable à tous les peuples du monde.

Je connais le caractère des Persans, et je sais qu'ils apprendront avec joie et facilement tout ce qu'il importe à leur gloire et à leur sûreté qu'ils apprennent. Aujourd'hui une armée de 25,000 étrangers ravagerait et peut-être subjuguerait la Perse. Mais, quand tes sujets sauront fabriquer des armes, quand tes soldats seront formés à se diviser et se réunir dans un ensemble de mouvements rapides et bien ordonnés, quand ils auront appris à seconder une vigoureuse attaque par les foudres d'une artillerie mobile, quand enfin tes frontières seront garanties par des forteresses nombreuses, et que la mer Caspienne verra flotter sur ses vagues les pavillons d'une flottille persane, tu auras un empire inattaquable et des sujets invincibles.

Je désire toujours entretenir avec toi des liaisons utiles. Je te prie de bien accueillir le serviteur que je t'envoie. Je recevrai avec bienveillance ceux que tu enverras à ma cour impériale, et je te souhaite de nouveau les bénédictions du ciel, un règne long et prospère et une fin heureuse.

Écrit en mon palais des Tuileries, à Paris, le neuvième germinal an XIII (30 mars 1805), de mon règne le premier.


Saint-Cloud, 30 mars 1805

DÉCISION

Le général Ferrino sollicite de l'Empereur le traitement de demi-activité.

Renvoyé au ministre de la 8uerre pour lui donner le traite- ment de retraite. Les services rendus à l'État par cet officier peuvent le dispenser du nombre strict d'années de service.


Saint-Cloud, 30 mars 1805

Au vice-amiral Decrès

Une lettre de l'amiral Ver Huell m'assure que le port d'Ambleteuse ne peut pas contenir de chaloupes canonnières, parce qu'il prétend que, dans les mortes eaux, il n'y a que cinq pieds d'eau. Faites-moi un rapport là-dessus. Il y aurait donc eu un furieux ensablement cet hiver. Mon intention est qu'on travaille à creuser ce port. Faites- moi connaître de combien est cet ensablement. Il me semble qu'il y avait beaucoup plus d'eau que cela il y a six mois.


Saint-Cloud, 31 mars 1805

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

Il y a déjà dans les lycées plus de 3,000 élèves nationaux. Il est convenable de classer ceux qui sont proposés dans le travail en suspens, de manière que les uns payent une demi-pension et que les autres soient assujettis à acquitter la somme de 150 francs. On conservera cependant des places gratuites pour ceux de ces élèves pris par encouragement dans les écoles secondaires, et pour ceux dont les parents seraient absolument hors d'état de payer une somme quelconque. L'Empereur désire que les renseignements soient recueillis assez promptement pour que le travail puisse être représenté dans les premiers jours de messidor.


Saint-Cloud, 31 mars 1805

A M. Barbé-Marbois

Monsieur Barbé-Marbois, l'article 2 du projet de soumission des banquiers du trésor public porte qu'on ne pourra négocier au delà des cent vingt millions. Cette clause est tout à fait impraticable; il faut rétablir que la compagnie sera tenue de négocier tout ce que le trésor public voudra escompter. Je ne veux point de la rédaction des trois pour cent; je préfère celle de l'année passée. Je ne veux point de l'article 5. L'obligation de recevoir des bons de munitionnaires généraux de terre et de mer est contre la dignité du trésor public : ils doivent verser de l'argent pour l'escompte de leurs obligations. S'ils ont des arrangements de détail, le trésor n'y entre point. Je ne veux point voir à l'article 9 le mot trois quarts. A l'article 10, je ne vois pas pourquoi le trésor public engagerait à ne faire escompter par la banque que des obligations d'un mois; il peut être dans le cas d'en faire escompter de deux mois, et la banque ne peut les discréditer. C'est une obligation qu'on ne peut point s'imposer. Je ne veux point de recouvrement de bons à vue; cette versatilité dans l'administration, sans de profondes et mûres discussions, nous remet, après vingt ans, en doute sur les premiers éléments. Je ne veux point payer un pour cent pour frais de courtage sur les cent vingt millions. Je ne reconnais pas cette clause-là. J'ai vu l'année passée avec peine le service entre les mains d'hommes peu bien famés; je vois aujourd'hui avec autant de peine que, sans raison, on le leur ôte. Honorés de la confiance du trésor public, si le trésor public continuait à en être content, je leur aurais donné, dans quelques années, des preuves d'illustration qui auraient produit, de bons résultats. Cela vaudrait mieux que de se jeter à la tête d'hommes nouveaux qui, dans des circonstances difficiles, n'offrent point les mêmes garanties. Cependant je vous laisse le maître de faire là-dessus ce que vous jugerez à propos; mais je désirerais plus de fixité et une marche constante.


Saint-Cloud, 31 mars 1805

Au maréchal Moncey

Mon Cousin, je n'ai vu qu'avec peine votre ordre du jour du 5 germinal. Je suis fâché que vous n'ayez pas été satisfait de ce que j'ai fait et dit dans cette circonstance et que vous ayez voulu vous donner des torts à votre tour. Les soldats ne doivent jamais être témoins des discussions des chefs. Je ne puis que désavouer formellement votre ordre du jour.

La gendarmerie doit obéir à quelqu'un; si elle est à la fois dans la dépendance de l'armée et de l'administration, elle forme donc un État particulier. Elle doit être à la disposition des préfets, comme supérieurement chargés de la police des départements. Je ne saurais reconnaître dans la gendarmerie une autorité dans l'État. Si elle était immédiatement sous les ordres des militaires, tous les chefs de bataillon pourraient donc punir et disposer de la gendarmerie des départements.

Je n'ai pu être content de la conduite du lieutenant Rapin à Bruxelles. Il a convoqué 50 gendarmes dans la ville sans la permission du préfet ni du général commandant la division. Je n'entends pas que la gendarmerie prenne cette direction d'indépendance. Il est extraordinaire qu'un simple lieutenant puisse désorganiser le service d'un département, et réunir, sans l'autorisation du préfet ou du général commandant la division, 50 gendarmes dans une place. Si la gendarmerie reçoit ainsi une direction d'indépendance de l'autorité civile qui a la police, loin de la rendre avantageuse, on la rendra nuisible à l'État. Le général commandant la division s'est plaint qu'ayant défendu plusieurs fois au lieutenant Rapin de faire des éclats inutiles dans l'affaire des chauffeurs, et de faire monter ses 50 gendarmes à cheval, cet officier ait persisté et fait faire des patrouilles inutiles. Il est également étonnant qu'il ait quitté Bruxelles sans l'ordre du préfet. Il est plus avantageux pour le bien du service, même pour la considération de la gendarmerie, qu'elle soit sous l'autorité civile plutôt que sous l'autorité militaire, chez laquelle un capitaine est soumis aux chefs de bataillon, qui sont très-nombreux; au lieu qu'elle est d'un ordre qui conserve bien plus l'indépendance avec l'autorité civile.


1 - 15 mars 1805