15 - 31 août 1806


 Saint-Cloud, 16 août 1806.

Au général Dejean

Monsieur Dejean, je vous envoie des notes sur quelques places d'Italie. Envoyez-les au premier inspecteur du génie, pour joindre  aux autres plans. J'imagine que le premier inspecteur veille à ce qu'on suive le décret que j'ai pris pour les travaux. Il faut que de bonne heure le génie me présente un projet pour les ouvrages qui devront être faits la campagne prochaine. Quant à Osoppo, je ne veux pour le moment qu'une forteresse. Il me semble que je n'

encore adopté aucun projet pour cela; je désire que le génie m'en présente un. La position d'Osoppo me paraît si avantageuse que je crois que cette forteresse serait à peu-près imprenable. Mon intention est donc d'y dépenser peu de chose, et, avec ce peu de dépense, d'avoir à la fin de cette campagne une localité où les magasins, les dépôts se trouveraient à couvert et à l'abri de tout événement. Mais il n'est pas suffisant de fortifier simplement les hauteurs; il faut faire des lunettes dans le bas pour flanquer le pied de ces hauteurs et pour servir d'appui à un camp protégé par un chemin couvert. Le plus important est qu'on me présente, dès cette année, un projet pour que 5 ou 600 hommes, les magasins de toute une division, et enfin les hauteurs d'Osoppo, se trouvent à l'abri de tout événement et en état de soutenir un siége.


Saint-Cloud, 16 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, le mémoire de votre aide de camp sur Venise ne comprend pas assez de détails. J'ai ordonné au général Bertrand de correspondre avec le général Sorbier. Quand je viendrai à Venise, j'aurai besoin de quelqu'un qui connaisse parfaitement les localités; renvoyez Sorbier les parcourir toutes. Il faut qu'il visite avec attention, et prenne des notes détaillées sur toutes les localités de la plage, des bouches du Pô à Chioggia et de Malamocco à l'embouchure du Tagliamento et même de l'Isonzo. Il faut qu'il ait tout vu, tout sondé. Vous savez que je ne me contente pas de notions légères. Avec les projets de constructions que j'ai pour Venise, il serait malheureux que, par la plus petite faute militaire, mes établissements se trouvassent perdus. Je ferai un voyage en Italie, ne fût-ce que pour cela. Il faut que tous les bastions, batteries en bois, canaux, enfin toutes les positions, Sorbier les ait vues. Indépendamment du travail de cet officier, chargez trois ou quatre ingénieurs de s'occuper chacun d'une localité, afin qu'à mon arrivée je puisse décider. Si la présence du général Lery n'est point nécessaire à Palmanova, je verrai avec plaisir qu'il aille passer une quinzaine de jours à Venise pour rectifier ces idées. Mais il faut concevoir un projet assez sérieux pour pouvoir défendre Venise par terre et par mer.


Saint-Cloud, 16 août 1806

Au roi de Naples

Vous trouverez ci-joint le travail du général Charpentier sur la formation du corps du général Lemarois. Je viens d'envoyer l'ordre que la 1e brigade que commande le général Tisson se rende à Pescara. Je compte qu'elle y sera rendue avant le ler septembre. Je ne pense pas que vous ayez un besoin pressant de ces troupes. Dans ce cas, laissez-les se reposer quelque temps à Pescara, et ne leur faites rejoindre leurs corps, surtout ceux qui sont en Calabre, qu'au milieu d'octobre, sans quoi tout cela ira à l'hôpital. J'ai pensé, en les mettant à Pescara, que leur présence ferait un effet sur le pays. Si vous en avez besoin cependant, comme ce corps est bien organisé et en bon état, vous pouvez le faire venir d'abord à Naples, mais à très petites journées; et vous ne devez l'incorporer dans les régiments, surtout pour ceux qui sont en Calabre, que dans le mois d'octobre. Dès que cette incorporation sera faite, vous aurez soin de renvoyer les officiers et sous-officiers à leurs dépôts dans le royaume d'Italie, afin qu'ils puissent s'occuper de l'organisation et de l'habillement des conscrits que je leur envoie. Ce n'est pas avec un grand nombre de troupes, mais avec des troupes bien organisées et bien disciplinées qu'on obtient des succès à la guerre. Vous pouvez apprécier la différence qu'il y a à vous envoyer ainsi en masse un secours de 5,000 hommes, qui est une réserve avant d'être incorporée, à vous avoir envoyé des hommes isolés qui n'auraient fait que remplir les hôpitaux. Je ne mets pas encore à votre disposition la 2e demi-brigade, parce qu'il faut que je tienne en respect l'État romain et que je n'ai pas d'autres troupes à y envoyer; car les dépôts, comme vous le verrez par la situation que je vous envoie, ne contiennent plus que des hommes hors d'état de servir. Je vous recommande surtout de renvoyer aux dépôts les officiers et sous-officiers; car je veux que vos quatorze dépôts me forment une réserve de 14,000 hommes, qui sera probablement destinée à renforcer vos cadres, on à servir ailleurs, selon les événements. Par ce moyen, votre armée se trouvera, tous vos corps étant portés au complet de guerre, à l'effectif de 45,000 hommes. Vous sentez bien que, si je ne portais pas ce soin à l'entretien de mon armée, quelque grande qu'elle soit, je ne pourrais jamais suffire à tous mes besoins. Vous avez aujourd'hui beaucoup de malades; en octobre tout va sortir des hôpitaux.

Je vous recommande de bien ménager vos armes; songez que cela est rare, même en France.

Organisez lentement vos troupes napolitaines. Ce sont de bons soldats qu'il vous faut, et non des soldats infidèles ou qui lâchent pied. Vous voyez que je ne me presse pas pour mon armée italienne; je n'en ai encore jeté que le noyau. Il est vrai que j'ai en France trois régiments italiens qui sont beaux et instruits, mais j'en fais de la différence d'avec mes vieux cadres français.


Rambouillet, 17 août 1806

Au roi de Naples

Personne ne m'a dit du mal du général Dumas; et, puisque vous ne le croyez pas un grand guerrier, pour la probité et la moralité je pense tout comme vous sur son compte. Toute ma peur était que vous ne vous fissiez une trop grande idée de ses talents militaires. Vous m'avez donc d'un seul mot réconcilié avec lui.

Je désirerais bien que la canaille de Naples se révoltât. Tant que vous n'en aurez pas fait un exemple, vous n'en serez pas maître. A tout peuple conquis il faut une révolte, et je regarderai une révolte à Naples comme un père de famille voit une petite vérole à ses enfants, pourvu qu'elle n'affaiblisse pas trop le malade. C'est une crise salutaire. C'est donc dans cette vue que les châteaux doivent être armés et approvisionnés.. La partie de votre royaume la plus près d'être tranquille, c'est la Calabre, si l'on en fait une sévère justice.

Je suis venu passer ces huit jours à Rambouillet.

Je fais lever partout la conscription, et j'en fais diriger près de la moitié sur mes dépôts des armées de Naples et d'Italie. Ménagez vos fusils : 4 ou 5,000 hommes, avant la fin de novembre, vont vous sortir des hôpitaux, et, si les corps n'ont pas eu soin de leurs fusils, vous en aurez une grande pénurie.

Les négociations avec l'Angleterre continuent à se traîner. Je ne puis vous en dire plus que vous n'en aurez vu dans le Moniteur. Lord Yarmouth est rappelé. Lord Lauderdale reste seul chargé de la négociation; mais les négociations sont au delà de la Sicile, car je n'ai voulu entendre à aucun mezzo termine. Paix ou guerre, vous aurez Naples et la Sicile.


Rambouillet, 17 août 1806

A M. Daru, intendant général de la maison de l'empereur

Monsieur Daru, Ies travaux qui se font et qui se feront encore à Rambouillet sont assez considérables pour nécessiter un architecte particulier. Celui de Versailles n'y est jamais ou est quatre mois sans y venir, et tout s'y fait mal. Je pense que la meilleure manière est d'avoir un architecte, jeune homme qui débuterait dans la carrière, qui résiderait à Rambouillet et qui travaillerait sous M. Fontaine, mon premier architecte, qui reverrait tous les plans. Il faudrait que ce fût un homme d'un mérite à devenir un jour premier architecte Présentez-moi un homme pour cette place. Présentez-moi aussi un architecte pour Compiègne, qui sera sur le même rang que celui de Saint-Cloud. Il faut que cet architecte soit nommé promptement et se rende sur-le-champ à Compiègne, pour y dresser les devis qu'il y a à faire pour commencer les travaux avant le mois d'octobre M. Villesurarce n'a encore rien fait à Rambouillet. Donnez-lui des ordres pour l'arrangement du jardin anglais , et pour planter des arbres partout où cela est nécessaire pour rétablir les allées dans le même ordre où elles étaient. 

Donnez les mêmes ordres à l'administrateur de mes forêts pour que les allées du petit parc soient replantées comme elles étaient.

Ordonnez les mêmes travaux à Compiègne. C'est en octobre que se font les plantations; Villesurarce n'a pas un moment à perdre. Faites cultiver Saint-Cloud; rien n'est plus contraire à l'agrément que de voir de belles plaines stériles, quand elles pourraient produire soit du blé, soit toute autre chose, soit former des prairies.

Comme j'irai dans les premiers jours de septembre à Fontainebleau, donnez ordre que tout soit prêt. Prévenez aussi M. Desmasis.

Il est important que M. Trepzat ne soit plus chargé de Rambouillet, et qu'un architecte particulier y surveille les ouvriers.


Rambouillet, 17 août 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, répondez à M. de Metternich que vous m'avez mis sous les yeux sa note du 16 août; que j'ai sur le champ donné des ordres pour la rentrée de l'armée française en France, et pour que les prisonniers autrichiens soient reconduits aux frontières d'Autriche; qu'il peut en donner l'assurance la plus parfaite à sa cour.


Rambouillet, 17 août 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je suis venu passer quelques jours à Rambouillet. Il faut songer sérieusement au retour de la Grande Armée, puisqu'il me parait que tous les doutes d'Allemagne sont levés. Je crois qu'il n'y a pas d'inconvénient à ce que vous fassiez continuer leur marche aux prisonniers autrichiens; cela débarrassera d'autant le territoire de nos alliés. Vous pouvez annoncer que l'armée va se mettre en marche; mais, dans le fait, je ne veux rendre Braunau que quand je saurai si le traité avec la Russie a été ratifié. Il a dû l'être le 15 août; ainsi dans dix jours j'en aurai la nouvelle. Cependant il faut cesser tout préparatif de guerre et ne faire passer le Rhin à aucun autre détachement, et que tout le monde se tienne prêt à repasser en France.

Je ne sais pas encore comment l'amiral russe qui croise devant Cattaro a reçu la nouvelle de la paix, et s'il a cessé les hostilités. Cependant, le 25 juillet, la nouvelle de la paix est partie de Vienne, et le 27, d'Ancône. Il me semble donc que je ne devrais pas tarder à en avoir des nouvelles. En général, vous pouvez annoncer que dans les premiers jours de septembre on se mettra en marche pour rentrer en France.


Rambouillet, 17 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, j'ai désiré que tous les chefs-d'œuvre d'art restassent à Venise, pour ne pas humilier cette ville. Il n'y a pas d'inconvénient à ce que vous fassiez mettre ceux qui appartiennent au Domaine dans le palais royal de Venise; et par la suite, vous pourrez les faire venir au palais de la Brenta ou à Monza. Quant aux livres, faites-en faire le dépôt à Padoue d'où vous les distribuerez ensuite comme vous l'entendrez. Le principe de traiter Venise comme Brescia et Bologne est juste; mais il ne faut rien précipiter, surtout dans un temps où Venise souffre dans son commerce par la présence des croisières ennemies. Ce n'est que de la prudence que je demande. Tous les chefs-d'œuvre qui ne sont point propriété particulière, faites-les prendre par l'intendant général de la couronne, et alors vous serez le maître de les faire porter où vous voudrez.


Rambouillet, 18 août 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, je suis surpris qu'on nous ai communiqué officiellement la nomination de M. Goddard. Il me semble que cela n'est pas d'usage. Les secrétaires de légation ne montrent point leur nomination, hors les cas particuliers où cette nomination est renfermée dans les lettres mêmes des plénipotentiaires. Faites-moi un rapport sur cet objet. Faites-moi connaître comment il en a été agi à Campo-Formio, à Lunéville, à Amiens, et lors de la mission de lord Malmesbury. Ce n'est qu'après ce rapport que je prendrai un parti. Je ne sais que penser de l'assimilation de M. Goddard à M. Merry. Veut-on me faire conclure des préliminaires, ou rompre la négociation en laissant ce fil pour pouvoir renouer à volonté ? Cela ne peut me convenir. Je ne veux point conserver de liaisons avec l'Angleterre si elle ne fait pas la paix. Je sais fort bien que Londres est un coin du monde et que Paris en est le centre, qu'il serait avantageux pour l'Angleterre d'y avoir un agent, même en temps de guerre. Je compte rester toute la semaine à Rambouillet.

"L'Empereur chasse, il ne reviendra qu'à la fin de la semaine; voilà toute la réponse à faire."

Il faut même marquer cette allure lente et pesante jusque dans les passe-ports à donner à lord Yarmouth. Il faut mon autorisation et je n'ai pas encore répondu. Cependant, s'il était très-pressé de partir, vous pourriez les lui donner, mais pas avant jeudi ou vendredi.


Rambouillet, 18 août 1806

Au général Lemarois

Je reçois votre lettre du 10 août. Je ne suis pas content du rapport que vous me faites sur Pescara et sur les Abruzzes. Je ne le suis pas davantage du rapport sur Lauriston et même de celui de l'officier que vous avez envoyé. Je ne sais point la date des nouvelles de Lauriston. Vous n'écrivez pas assez en détail. Donnez-moi des renseignements détaillés sur la situation des corps, sur l'état des hôpitaux, sur la nature des routes, leur largeur, sur les ponts, etc., depuis Ancône jusqu'à Pescara. Vous savez que j'aime les détails. Parlez aussi de la population des villes et villages de la route.

Vous devez avoir reçu l'ordre de départ de la brigade du général Tisson et l'avis de l'arrivée à Ancône de celle du général Laplanche-Mortière, qui était à Rimini. Faites-moi connaître sa situation à son arrivée. Les bataillons qui la composent sont formés de détachements de différents corps, mais seulement pour la police. Ces détachements sont destinés à être envoyés à leurs corps, auxquels ils se confondront dès le moment qu'ils rejoindront.

Vous me donnez si peu de détails sur l'amiral russe, que vous ne me dites pas s'il suspend les hostilités, oui ou non.


Rambouillet, 18 août 1806

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, je vous envoie des notes d'un homme qui arrive de Saint-Domingue. Ce que j'y vois de plus important, c'est l'idée de faire un port, à Samana. Je désire que vous recueilliez tous les renseignements possibles sur cette baie et sur tout le local environnant, afin de connaître la facilité qu'elle offre à être fortifiée.


Rambouillet, 18 août 1806

Au roi de Naples

Le ler régiment de ligne, qui est un des meilleurs régiments de l'armée, est à Pescara, où il ne fait rien. Appelez-le à Naples sans délai. Comme il est déjà acclimaté, il vaut mieux que ce soit ce régiment qui fasse le chemin de Pescara à Naples que les quatre bataillons du général Tisson. D'ailleurs, si les circonstances vous obligeaient à appeler la brigade du général Tisson, celle du général Laplanche-Mortière, composée de quatre bataillons, qui se rend à Ancône, recevrait l'ordre de se rendre en ce cas à Pescara. Voyez ce que c'est que le placement des troupes et ce qu'aurait fait ce régiment de plus du côté de Cosenza. Certainement il n'est à Pescara que d'une utilité bien hypothétique.

La division des Abruzzes n'a point de solde depuis cinq mois.


Rambouillet, 19 août 1806

DÉCISION

Il est soumis à l'Empereur une note relative à la manière dont on a forcé le palais Negreto à Gênes, pour y loger le colonel du génie Morlaincourt.

Renvoyé au ministre de la guerre, pour rappeler cet officier et pour me faire un rapport sur les logements militaires de Gênes. Mon intention est que cette ville soit traitée, à cet égard, comme les autres villes de France. Je désire que le ministre me fasse connaître ce que les règlements prescrivent pour cela. Des vexations aussi étranges auraient pu à peine être tolérées lorsque Gênes était étrangère et avait une armée pour la défendre.


Rambouillet, 20 août 1806

A M. Fouché

Je vois beaucoup de déclamations du département de la Loire Inférieure contre la gendarmerie. Il y a de l'ingratitude à ce département, qui a eu plusieurs cantons chouannés, à déclamer contre cet arme. Pourquoi ne pas citer devant les tribunaux les gendarmes auteurs des délits ? Quant à l'idée qu'ils sont tellement redoutés dans les campagnes qu'on ne trouve pas de preuves contre eux, je n'y ajoute aucune foi, cela est trop ridicule. D'ailleurs, ils ont des capitaines, des lieutenants, etc. Je suis fâché pour ce département qui cherche à me donner des préventions contre une partie aussi importante de la force publique.


Rambouillet, 2o août 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE

Il faut penser à défendre le chantier d'Anvers; à mesure qu'il devient considérable, la nécessité de relever les fortifications de celle ville s'accroît.

La citadelle défend la gauche de cette place; mais les chantiers qu'on projette ont l'inconvénient de dépasser la citadelle, et ils sont en danger, en supposant même la place fortifiée.

Il serait donc préférable de continuer à construire les cales le long du front de la citadelle qui regarde l'Escaut, et cela sans dépasser l'écluse B. Par ce moyen, la citadelle défendrait le chantier.

Le front de la citadelle qui regarde l'Escaut n'est pas susceptible d'attaque, pourvu qu'on ne touche pas à la contrescarpe.

La première chose à laquelle il convient de s'arrêter, c'est de détruire le chemin RR, et de le faire passer près de la citadelle. Il n'y aurait pas de sûreté, surtout en cas de fermentation dans les esprits, tant que l'arsenal serait ainsi ouvert.

On peut construire trois ou quatre cales, depuis le chantier actuel jusqu'à l'écluse B.

On désignerait pour l'arsenal l'espace demandé, jusqu'au point C. Le mur serait remis au génie, afin qu'il fût fortifié, pour tirer sa défense de la demi-lune. 

Il convient aussi de construire, à deux cents toises en avant du bastion K, une lunette qui éloignerait d'autant l'ennemi qui voudrait attaquer sur la rive droite; plus elle sera en avant, plus elle tiendra l'ennemi loin du chantier, mieux cela vaudra.

Mais ces objets, concernant tout à fait le ministre de la guerre, seront la matière du rapport demandé sur la fortification d'Anvers.

Sa Majesté désire que les anciens plans, faits il y a deux ans, soient remis sous ses yeux.

Il est absurde que la ville d'Anvers soit exposée à être enlevée d'un coup de main, et que les 5 à 6,000 hommes de la marine qui s'y trouvent aujourd'hui, et les dépôts des corps qui sont dans le cas d'y être, ne puissent pas la défendre. 


Rambouillet, 20 août 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, je verrai avec plaisir le dépôt d'artillerie; mais je désire que tous les trophées pris par la Grande Armé soient exposés au Musée Napoléon; nous verrons ensuite quelle est la destination définitive qu'il conviendra de leur donner. Je désire connaître la nature des armures, l'époque et la circonstance où elles ont été prises, car il faut bien établir une différence entre les armures qui auraient été conquises et celles que l'on aurait eues ici.


Rambouillet, 20 août 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, donnez ordre au prince Borghèse, colonel du ler régiment de carabiniers, de se rendre au camp sous Meudon, pour y faire les fonctions de colonel chargé des détails. Il y campe et vous ordonnerez au gouverneur de Paris de lui faire faire le service avec toute l'exactitude militaire.


Rambouillet, 20 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je vous autorise à faire passer une des deux divisions sur la rive gauche du Pô. Codogno est un bon pays et qui me plait. Crémone n'est pas sain; tant qu'il n'aura pas plu, ne mettez point de monde là. Mais ne perdez pas un moment pour faire aller vos chevaux dans des lieux où les fourrages sont à bon marché. Recomandez bien aux généraux Scalfort et Duprés de faire exercer leurs troupes à pied. L'un et l'autre ont été à la Grande Armée et savent comment j'entends que les troupes manœuvrent. Il y a près de 2,000 dragons; sont-ils aux manœuvres de ligne ? Annoncez que vous irez les voir manœuvrer à pied et à cheval à la fin de septembre, pour les tenir en haleine. Vous pouvez dire aussi que je pourrais bien y aller. Les chasseurs doivent savoir aussi manœuvrer à pied. Je pense qu'il vaut mieux faire revenir sur la rive gauche les chasseurs, et laisser les dragons sur la rive droite; ils sont les plus nombreux, surtout en hommes, et, s'il était convenable de faire marcher quelque chose sur Rome, ce serait toujours autant de chemin de fait.

Je suis fâché que vous ne me donniez aucune nouvelle de Laurston ni de Marmont. Je n'entends pas plus parler de la Dalmatie que si elle n'existait pas. Je ne sais pas encore comment l'amiral russe a reçu l'avis de la paix, et si la navigation est libre.


Rambouillet, 20 août 1806

Au roi de Naples

Mon Frère, je reçois votre lettre du 9 août, avec un état par lequel je vois que le 10e de ligne est porté comme ayant 58 hommes hors du gouvernement de Naples; le 52e, 145; le 101e, 15; le ler régiment napolitain, 668. Il faut faire rejoindre ces détachements, et porter le plus grand soin à tenir vos corps réunis. Dans un pays comme Naples, ils se dissémineraient selon la fantaisie des commandants de place, et vous n'auriez plus d'armée. Il y a trop d'infanterie à Naples et pas assez d'un régiment de cavalerie. Que faites-vous donc de toute votre cavalerie ?

Je pense qu'il est très-possible que les Anglais aient pris Reggio et Scilla, et se soient fortifiés dans une de ces deux places. Il serait possible aussi que, lorsqu'ils connaîtront la force du maréchal Masséna, ils réunissent leurs forces; de sorte que je désire que vous ayez des échelons suffisants pour aller à son secours, si cela est nécessaire. Quand je vois que vous gardez un aussi beau régiment que le ler de ligne à Pescara, je pense qu'il est possible que vous en ayez du côté de Tarente qui ne font rien. Quelque chose que vous disiez, vous avez près de 40,000 hommes en comptant les Napolitains. Vous avez 6,000 hommes de cavalerie; mais elle est disséminée et désorganisée, elle n'est point où elle doit être. Il est d'une importance majeure, pour le succès des négociations, que les Anglais soient chassés de Reggio et de Scilla, et que les apprêts du débarquement soient recommencés. Toute entreprise de l'ennemi sur la côte de Pescara ou de Tarente ne peut aboutir à rien; il ne peut faire que des opérations ayant pour but de défendre l'extrémité de la Calabre. Il faut donc avoir vos forces entre Naples et la Calabre. C'est désormais la grande affaire.

Je n'ai pas encore reçu un rapport sur Gaète ni un plan entier qui me fasse connaître la nature de son port.

Du reste, tout va changer en votre faveur. L'automne va donner de la vigueur et de la gaieté à vos soldats; vos malades vont guérir; l'agitation de la mer rendra les Anglais plus circonspects et leurs opérations plus difficiles.

Enfin je vous envoie un renfort assez considérable, puisque vos différents corps vont recevoir près de 5,000 hommes. Si vous ne partez pas du principe que tout point qui n'a pas de but l'ennemi ne l'attaquera pas en force; si vous gardez tous les points, vous n'arriverez à rien. Réunissez tous vos dragons et faites-en une réserve.

Je vous recommande de vous plaire à lire vos états de situation.

La bonne situation de mes armées vient de ce que je m'en occupe tous les jours une heure ou deux, et, lorsqu'on m'envoie chaque mois les états de mes troupes et de mes flottes, ce qui forme une vingtaine de gros livrets, je quitte toute autre occupation pour les lire en détail, pour voir la différence qu'il y a entre un mois et l'autre. Je prends plus de plaisir à cette lecture qu'une jeune fille n'en prend à lire un roman. C'est pour moi une chose horrible de voir dans vos états vos corps n'être pas réunis dans une même province. Les 3e et 4e bataillons sont en Italie et organisés; les deux premiers bataillons doivent être bien réunis ensemble. Il faut promptement donner l'ordre que tel ou tel détachement rejoigne son corps.

J'attends avec impatience d'apprendre que Reggio et Scilla aient pu résister si longtemps.

Je vous ai envoyé de vos dépôts près de 5,000 hommes. Il m'est impossible de vous en envoyer autant avant le mois de février, si toutefois cela devient nécessaire. Je vous recommande de nouveau d'avoir bien soin de renvoyer les officiers et les sous-officiers des huit bataillons provisoires que je vous ai envoyés. Beaucoup de vos dépôts en Italie n'ont pas leurs chefs de bataillon; je ne sais d'où cela provient.

Vous avez quatorze régiments francais; mettez-en quatre de ceux qui ont le meilleur esprit et le plus de moral depuis Sainte-Euphémie jusqu'à Reggio; quatre également de bonnes troupes entre Cosenza et Cassano; et de ces huit régiments formez deux divisions. Appelez la première l'avant-garde de l'armée de Sicile. Des six autres régiments francais formez deux divisions, chacune de trois, savoir : une division à une demi-journée de Naples, et l'autre à deux journées de Naples sur le chemin de Calabre. Donnez à chacune de ces deux divisions un régiment de cavalerie et de l'artillerie. Ensuite réunissez tous mes régiments de dragons, formant 2 on 3,000 hommes; placez-les de Lagonegro à Naples, en en composant trois brigades de deux régiments, chacune à une journée l'une de l'autre. Ayez soin que ces hommes s'exercent souvent à pied. Quant aux garnisons de Naples, des îles, de Pescara, de Gaète, de Capoue, de Tarente, mettez-y vos Polonais, Italiens, Napolitains, Corses, Suisses. Voyez de plus que ce que vous avez de troupes auxiliaires peut garder Tarente et se porter sur Cassano, si cela devenait nécessaire, et, de même, ce qui serait à Cassano, se porter sur Tarente.

Vos troupes ne seraient pas plutôt réunies ensemble pour se refaire et évoluer à la fin de septembre, qu'elles auraient une grande opinion de leurs forces, qui se répandrait dans le royaume, opinion qui se maintiendrait davantage que par l'aspect même des forces. Ce qui est nécessaire pour la politique générale, c'est d'être maître de Reggio et de Scilla le plus tôt possible, et de s'occuper de la Sicile. Je pense que les le et 42e régiments doivent revenir du côté de Naples.


Rambouillet, 20 août 1806.

Au roi de Naples

Le ministre me transmet un état de la nouvelle organisation de l'armée, de Naples, que lui a envoyé votre chef d'état-major. Je vois qu'il n'y a qu'un bataillon du 14e léger en Calabre, tant pis; réunissez les deux. Il ne faut point séparer les bataillons sans une grande nécessité. Réunissez donc ce régiment.

Je vois que vous conservez dans la Calabre le 1e et le 42e; c'est un mal; il faut les faire revenir du côté de Naples, les encourager par votre présence et en avoir soin. L'infanterie polonaise est peu propre à des expéditions de montagne aussi fortes; faites-la revenir pour Naples, Tarente et les Abruzzes.

Je vois avec peine que la cavalerie légère et les dragons soient mêlés; ce sont deux armes bien différentes. Un régiment de dragons ainsi isolé ne peut rien faire; quatre ou cinq réunis, forts de 2,000 hommes, manœuvrant parfaitement à pied, vous seront très- utiles. Le le de ligne dans les Abruzzes est une chose qui jure; c'est un de vos meilleurs régiments. Le 24e de dragons est inutile là. Le 1e bataillon du 3e de ligne italien et les chasseurs royaux italiens sont plus que suffisants sur ce point. Le 5e de ligne italien et les dragons Napoléon sont suffisants dans la Pouille. Vous pouvez retirer du côté de Naples le 6e de chasseurs à cheval.

Vous trouverez ci-joint la distribution que je voudrais faire de votre armée, afin que vous menaciez la Sicile et que vous soyez en mesure contre tout. Indépendamment des 5,000 hommes de vos dépôts qui sont en marche, du bataillon de la Tour d'Auvergne qui est en marche pour Gaète, des uhlans polonais et du bataillon suisse qui, d'Ancône, doit être arrivé à Pescara , vous ne tarderez pas à recevoir les 2e et 3e bataillons du régiment de la Tour d'Auvergne, forts de 1 ,000 hommes chacun , qui sont à Gênes, ainsi que le bataillon suisse qui, de Corse, doit débarquer à Piombino, pour de là se rendre à Cività-Vecchia.

L'armée une fois placée ainsi, pas un homme ne débarquera en Calabre, et on pourra punir sévèrement les brigands; cela est plus nécessaire que tout le reste. En mettant les Polonais à Naples, il sera convenable d'y placer le général Dombrowski; d'ailleurs, vous en serez plus sûr quand ce général sera là. Il ne vous manque pas de généraux; mais un général de brigade suffit dans les Abruzzes. Son premier soin est de garder Pescara, de l'approvisionner de vivres et de munitions pour un mois. On serait d'ailleurs presque aussi près de le secourir d'Anc6ne et de Rimini que de Naples. J'ai donné des ordres en conséquence à Lemarois. Il faut que le général qui sera à Pescara s'entende avec lui pour le placement des signaux et petits postes de cavalerie qui maintiennent une correspondance ouverte et fréquente.

Aujourd'hui la question est tout entière dans la Calabre. Il faut que tout le monde soit dans la conscience qu'on y est assis de manière à ne pouvoir être ébranlé. Cela encouragera l'armée et commencera à influer sur la Sicile, et même sur les négociations.

Pour commander la légion corse, nommez un Corse.


ANNEXE

PROJET DE PLACEMENT DE L'ARMÉE DE NAPLES. 

Avant-garde de l'armée de Sicile. - !ère division. - Reynier, général de division. Les 14e et 23e légers, 29e et 52e de ligne, 6e de chasseurs.

2e division. - Verdier, général de division. La légion corse, le 22e léger, les 10e et 20e de ligne, le 4e de chasseurs.

3e division. - Réserve. - Gardanne, général de division.  ler léger napolitain, les 101e et 102e, le 14e de chasseurs.

Ces trois divisions seraient sous les ordres d'un maréchal.

 La 1e serait placée à Reggio et depuis Sainte-Euphémie jusqu'à Marina di Catanzaro.

La 2e , depuis Cotrone, ayant son quartier général à Cosenza.

La 3e, à Cassano jusqu'aux confins de la Calabre.

Réserve de dragons. - Mermet, général de division, commandant. Les 7e, 23e, 24e, 28e, 29e et 30e régiments de dragons formeraient trois brigades, chacune commandée par un général de division, qui seraient placées selon le détail des localités, depuis Auletta jusqu'aux confins de la Calabre. Chacune de ces brigades aurait deux pièces de canon et un détachement d'infanterie légère; et, à cet effet, le bataillon du 32e d'infanterie légère serait mis à la disposition du général commandant la réserve de dragons.

Tous les dragons à pied, qui sont à Naples ou ailleurs, rejoindraient là. On aurait soin qu'ils fussent tous armés, que les maréchaux des logis eussent leurs armes et cinquante cartouches. On les ferait manœuvrer plusieurs fois par semaine à pied.

Par ce moyen, la tête de ces 2 ou 3,000 dragons pourrait être, en un jour et demi de marche forcée, sur Cassano, et les brigades en échelons arriveraient en huit heures d'intervalle, et, en mouvement inverse, marcheraient sur Salerne et Naples, ou se porteraient par un à-droite sur la côte, et de là seraient opposées contre tout débarquement; enfin, par une marche de gauche, elles pourraient se porter sur Matera et la Pouille, si les circonstances le voulaient.

A Salerne serait placée une division sous les ordres du général Girardon, qui serait composée de la Garde royale à cheval et à pied, du 6e et 62e de ligne et du 2e régiment d'infanterie italienne. Ce corps serait cantonné de manière à pouvoir se réunir et manœuvrer. Une autre division, commandée par le général Espagne, et composée du 1e de ligne, du 42e et du le d'infanterie légère, serait placée dans une bonne position, à deux heures de distance de Naples. S'il y a des bois et une localité favorable, on la ferait camper.

Dans Naples on placerait les Polonais, un régiment napolitain , le bataillon suisse qui est en Calabre, celui qui arrive d'Ancône, celui qui va arriver de Corse afin de reformer tout ce régiment, et les 9e et 25e de chasseurs.

A Gaète, on placerait les pionniers noirs, le régiment de la Tour d'Auvergne, et dans les environs les uhlans polonais.

A Pescara et dans les Abruzzes, le 3e italien de ligne et les chasseurs royaux italiens.

Dans la Pouille, le 5e de ligne italien, les dragons Napoléon et le le de chasseurs napolitains.

Il y aurait une correspondance établie entre Tarente et Cassano, de manière que de Cassano on puisse se porter à Tarente, et, vice versa, de Tarente à Cassano.

A Capoue, dépôt général de l'armée. A cet effet, chaque régiment d'infanterie enverra un capitaine, deux lieutenants et trois sergents.

Tous les hommes malades sortant des hôpitaux s'y réuniront. Il sera désigné quatorze locaux pour les quatorze régiments. On réarmera là les hommes des hôpitaux, après les avoir laissés reposer une quinzaine de jours. Ils ne rejoindront que quand il y aura 100 hommes en état de partir, de manière qu'aucun homme isolé n'errera sur les routes, et qu'aux extrémités de la Calabre il n'en arrivera pas sans armes, mal habillés ni à demi malades. Chaque détachement de 100 hommes marchera sous la conduite d'un officier, sur une route qui sera tracée par l'état-major général. On leur donnera du pain blanc, du vin, et on imitera ce que j'ai fait su, l'Adda dans mes campagnes d'Italie. Par là il n'y aura pas d'homme assassinés ni compromis. La correspondance des corps avec les dépôts qui sont en Italie se fera par Capoue, de manière qu'il n'arrivera rien à Capoue que par l'ordre de l'état-major général, qu saisira des circonstances opportunes et des événements favorables.

DEUXIÈME ANNEXE

Par le placement qu'on vient de faire de l'armée de Naples, on peut voir que l'on a le tiers de troupes de trop, plutôt que pas assez. L'ennemi, débarquât-il avec 30,000 hommes, ne débarquera nulle part impunément.

Le roi ne doit jamais coucher dans Naples jusqu'à la paix. La raie position paraît être Salerne; enfin, demeurât-il à Caserta ou à Portici, la ville serait tenue dans le devoir, parce que, avec deux pièces de canon et un régiment de cavalerie, on pourrait rétablir partout la tranquillité. Il faut que le général qui commande la division de Labour ait des piquets de correspondance avec le général Duhesme, afin que ce général puisse se porter à son secours si cela était nécessaire; le général qui commandera dans les Abruzzes et à Pescara doit en avoir avec Ancône pour le même objet.

Une escadre anglaise se présentât-elle devant Naples pour tenter un bombardement, voulût-elle insurger la populace : les forts, les Suisses, les Napolitains sont sur-le-champ soutenus par la division campée à deux heures de Naples; vingt-quatre heures après, tout le camp de Salerne peut y être rendu, et la réserve des dragons y arrive dans la nuit. Au même moment, toute la cavalerie de Gaète se met en marche et y arrive aussi, ainsi que tout ce qui est disponible dans Capoue. On se trouve donc sur-le-champ avoir 3,000 hommes de cavalerie, les 4,000 hommes de diverses troupes qui sont dans la ville, et les six régiments français de bonne infanterie, c'est- à-dire plus de 15,000 hommes de toutes armes. Enfin, si le mouvement de l'ennemi était caractérisé, la réserve elle-même de l'armée de Sicile se met en mouvement de Cassano, et, en six ou sept jours de bonne marche, renforce l'armée de Naples. Mais cette hypothèse paraît folle : comment l'ennemi serait-il assez insensé pour faire un débarquement dans la capitale, n'ayant pas les forts, ou entre Salerne et Gaète, n'ayant pas Capoue ? Ira-t-il à Tarente ? la division de Cassano y est sur-le-champ portée; et, sur toutes les côtes de Naples, il y a de petites places où 200 hommes peuvent se maintenir, témoin Scilla et Reggio, où il paraît qu'un petit nombre d'hommes se sont maintenus plus d'un mois.

Quant à Gaète, il faut prendre un parti. Cette place a l'inconvénient, une fois prise par l'ennemi, d'empêcher les communications avec Rome. Si le port de Gaète ne contient pas de vaisseaux de guerre, il faut en démolir les fortifications, en transporter l'artillerie à Capoue. Mais il faut laisser la citadelle, de manière que 4 ou 500 hommes l'occupant ôtent l'envie à l'ennemi de venir s'emparer de cet isthme.
Moyennant les 5,000 hommes qui, à l'heure de cette lettre, arriveront à Pescara, chaque bataillon de guerre qui est à Naples doit avoir un effectif de plus de 1,000 hommes.

Les dépôts de dragons qui sont en Italie sont très-forts, les 24e et 22e ont 400 hommes chacun. Le roi de Naples pourrait garder ces deux régiments, et, dans l'hiver, il serait convenable de renvoyer les deux escadrons de guerre, pour les remplacer par les deux escadrons du dépôt et qui seront forts de 800 hommes. Mais, dans la position actuelle des choses, ce n'est pas le plus pressant. On regarde ces dispositions comme avantageuses pour le pays et pour l'armée. Leur seule connaissance les rendra redoutables à l'ennemi, qui concevra qu'on pense sérieusement à la Sicile, et produira de l'ardeur et de la joie parmi les troupes, parce qu'elles se sentiront en force et réunies. Quant aux petites insurrections partielles, il faut employer les Napolitains, les Corses, les Italiens, etc. On perd, dans ces escarmouches, beaucoup de braves qu'il faut garder pour des affaires plus importantes. Faites rétablir les batteries de Reggio et de Scilla et fortifiez ces deux points, afin que, dans le cas où l'armée fût obligée de se replier sur Naples, ils puissent défendre longtemps les batteries qu'on y aurait construites.


Rambouillet, 20 août 1806

Au roi de Naples

J'autorise les généraux Dedon et Campredon à passer à votre service. Ce sont de bons choix que ceux-là. Quant à Roederer, je crois que vous lui accordez une confiance beaucoup trop grande. Il a la tête trop active pour être bon administrateur, je dirai plus, pour être constant dans ses affections. Prenez-le, mais souvenez-vous de ceci : je crois que vous vous en repentirez. Vous êtes un jeune homme; la nature vous a fait trop bon. Il ne faut pas se guider uniquement par la manière dont nous sommes frappés, mais aussi par les souvenirs du passé. Je ne puis vous en dire davantage, parce qu'il m'est revenu que mes lettres n'étaient pas lues par vous seul, et qu'on les voyait à Paris. Puisque vous écrivez vous-même vos lettres, il faut également que vous lisiez mes lettres vous-même. Cela est certain, j'ai reconnu mes propres expressions. On vous reproche de parler trop de vos affaires à trop de monde. Dedon est honnête homme, ainsi que Campredon. J'imagine que vous êtes sûr du consentement de ces deux officiers. Vous pouvez déclarer que je verrai avec plaisir mes officiers prendre du service chez vous, et qu'ils reprendront leurs places en France, s'ils étaient obligés de quitter votre service par force majeure, ou s'ils le quittaient avec votre permission sans force majeure. Si vous pouviez vous attacher Masséna, ce serait un bien. Sans avoir de grands talents militaires, c'est un homme vigoureux dont vous pouvez avoir besoin.


Rambouillet, 21 août 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, il est indispensable, pour éviter toute difficulté avec la cour de Vienne, de déterminer nos limites en Italie. Ce qu'il y a de plus simple, c'est de prendre le thalweq de l'Isonzo, de manière que toute la rive droite appartienne au royaume d'Italie, et la rive gauche à l'empereur d'Autriche. Je crois qu'il y gagnera quelque chose et qu'il sera bien aise de cette démarcation de territoire. Parlez-en à M. de Metternich. M. de la Rochefoucauld pourrait être chargé de la signature. Cela finirait toutes les difficultés. Il y a une infinité de petites enclaves qui seraient une occasion de dispute de part et d'autre.


Rambouillet, 21 août 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le prince de Bénévent, il est essentiel d'écrire à mon chargé d'affaires à Florence et de parler ici au ministre d'Espagne, pour exiger que trente individus des plus coupables, et connus pour les auteurs de l'insurrection d'Arezzo, soient exilés à trente lieues de la ville, et que quelques-uns soient sévèrement punis. Le chargé d'affaires dira que voilà plusieurs fois que la ville d'Arezzo donne des exemples de mauvais sentiments, et que, si cela continue, l'Empereur enverra 10,000 hommes la saccager et la brûler. 


Rambouillet, 21 août 1806

A M. Mollien

Monsieur Mollien, il est convenable que vous joigniez au livret que vous me remettrez le 15 septembre un état particulier qui suivra celui des dépenses, et qui relatera l'état des dépenses faites, pendant les mois de janvier, février, mars et avril et jusqu'au 1er mai, à l'armée d'Italie, sur les fonds provenant de l'extraordinaire. Cet état sera classé par ministères et par articles du budget. Vous joindrez également au livret un état qui constate ce qui a été dépensé à la Grande Armée sur les fonds provenant des contributions d'Allemagne, en faisant connaître en quelle monnaie, et en la réduisant en monnaie de France, comme elle a été abonnée aux troupes. Vous ferez dresser un semblable état, pour l'armée d'Italie, des dépenses faites sur les ressources du pays, depuis le moment où elle a passé l'Adige jusqu'en janvier.

Vous me ferez faire un autre état des recettes, en établissant les recettes avec lesquelles on a fait le service en Italie avant janvier et dans les mois de janvier, février, mars et avril, et de même en Allemagne pour la Grande Armée.

Vous sentez que les recettes et les dépenses doivent se balancer; mais il n'en est pas moins important d'avoir ces états, pour que les ministres sachent ce qui a été payé et que les fournisseurs ne fassent pas comme ils ont toujours fait. Vous intitulerez les états de recettes : Recettes en pays ennemis; et ceux des dépenses : Dépenses en pays ennemis.

Une fois ce travail fait, je verrai s'il convient de faire entrer les recettes au trésor sous un titre quelconque et de les imputer aux budget des ministres; car, enfin, une partie de la solde qui a été payée en Italie et en Allemagne, provenant de l'étranger, devait l'être sur les fonds provenant du trésor et des contributions de la France. 


Rambouillet, 21 août 1806

DÉCISION

Le ministre de la guerre demande où il faut prendre les 800 chevaux du train qui doivent être envoyés à Alexandrie pour les travaux de cette place.

Il y a, au second corps de la Grande Armée, le 7e bataillon bis du train qui a 1,000 chevaux, et dont on pourra se servir lorsque la Grande Armée sera rentrée, et que ce corps sera mis toutefois sur le pied de paix.


Rambouillet, 21 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, vous me parlez de mouvements des Autrichiens du côté de Laybach : ce ne peut être que de très-peu d'importance. Il faut bien vous garder de faire faire aucun mouvement à mes troupes de ce côté. Il suffit que Palmanova soit bien armée, bien approvisionnée et que le service s'y fasse bien; il n'y a pas d'autre précaution à prendre. Il serait très-malheureux de faire des dispositions qui seraient évidemment ridicules, puisque nous sommes en paix avec l'Autriche, et que cela montrerait de la faiblesse et de l'inquiétude.

Deux mois après que l'ennemi aurait commencé à faire des préparatifs, nous serions encore à même de nous y opposer.

Vous avez toute la vivacité du jeune âge. Quand les Anglais ont voulu débarqué à Naples, vous avez cru qu'ils viendraient à Milan, et vous avez levé avec beaucoup de précipitation des gardes nationales, ce qui a fait une dépense d'argent sans utilité. Il faut être lent dans la délibération et vif dans l'exécution.

Quant au 2e corps de la Grande Armée, je n'ai rien compris à ce que vous voulez dire, et je n'ai vu là qu'une abondance de susceptibilité qui n'a pas de sens. Que savez-vous que je veuille faire de ce corps ? Votre premier devoir, comme votre premier métier, est de garder l'Italie, de pourvoir à l'entretien de vos places, et peut-être, lorsque vous acquerrez plus d'âge et d'expérience, de commander le corps de troupes destiné à la défense de ce royaume.

Il faut donc que vous portiez un soin particulier à faire armer, approvisionner et garantir Osoppo et Palmanova. Quant à Osoppo, je ne veux qu'une forteresse; je désapprouve entièrement le plan du général Lery de placer en bas une ligne magistrale, en forme d'enveloppe pour les hauteurs. Si je fortifie Venise, comme je serai obligé de le faire pour garantir mon arsenal, je me contenterai du simple fort d'Osoppo.

Les occasions de faire la guerre et de vous distinguer ne vous manqueront pas. Ne perdez pas de vue vos manœuvres d'infanterie et de cavalerie, et tout le détail des troupes; mais-nous n'aurons pas de guerre de tout ce temps-ci.


Rambouillet, 21 août 1806

Au roi de Hollande

Vous avez donné ordre aux officiers d'artillerie de quitter la Hol lande. Vous agissez toujours avec une précipitation qui n'est pas convenable. Il est indispensable qu'il reste constamment en Hollande trois officiers d'artillerie et trois du génie, pour inspecter les places de Berg-op-Zoom, Breda, et me garantir qu'elles sont en bon état et ont les moyens d'artillerie nécessaires pour les armer d'un moment à l'autre. Cela est pour moi d'une importance particulière et excite tout mon intérêt.

J'ai chargé le général Drouas d'inspecter les places qui bordent  ces frontières, depuis Nimègue jusqu'à Berg-op-Zoom; de constater l'armement de ces places et leur approvisionnement en poudre et munitions de guerre, et les maintenir en état d'être promptement armées. J'ai chargé également trois officiers du génie de s'occuper du même objet, de bien étudier le système d'inondation et la défense de vos places.

Vous êtes animé par de trop petites vues. Vous croyez avoir tout fait quand vous avez économisé 100,000 francs. Par ce moyen, votre pays se trouvera dépourvu de moyens de défense. Ne désorganisez pas votre armée, je vous le répète, puisque, si les événements arrivent, vous vous trouverez sans ressources pour défendre votre pays; d'ailleurs l'armée de terre sera la partie de vos forces qui vous sera le plus attachée.

Vous avez de même désorganisé plusieurs de mes régiments. Vous avez retiré du 65e et du 72e plusieurs soldats pour votre Garde. Ce n'est pas ainsi que cela se fait. Il fallait un ordre du ministre de la guerre; il fallait ne tirer qu'un petit nombre d'hommes de ces corps qui n'ont que très-peu de monde. Il faudrait aussi savoir les conditions que vous leur faites, et si vous avez leur agrément. Mais vous agissez toujours sans avoir délibéré.


Rambouillet, 21 août 1806

Au prince Eugène

Mon fils, je reçois votre rapport du 20 août sur les poudrières d’Italie. Je comptais qu’en y comprenant Venise, le royaume d’Italie devait vous fournir une grande quantité de salpêtre, et que vous deviez avoir plus de 600 milliers de poudre par an. Vous m’avez envoyé un mémoire sur Raguse où toutes les hauteurs et toutes les distances sont en blanc, de manière qu’il est impossible d’y rien comprendre.


Rambouillet, 22 août 1806

A M. Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, la lettre de M. Laforest, du 12 août, me paraît une folie. C'est un excès de peur qui fait pitié. Il faut rester tranquille jusqu'à ce que l'on sache positivement à quoi s'en tenir. Ne dites rien à M. Lucchesini; s'il vient vous parler, faites-lui des reproches sur sa conduite personnelle, sur ce qu'il va prendre des renseignements chez des agioteurs, et qu'il écrit à sa Cour des choses absurdes et bêtes qui lui font faire des folies. S'il vous parle de la Saxe et de la Hesse, vous lui direz que vous ne connaissez pas mes intentions; s'il vous parle de Hambourg, Brème et Lubeck, vous lui direz que ma résolution est qu'elles restent villes hanséatiques. Vous écrirez dans ce sens à M. Bourrienne, et vous en parlerez aux députés de ces villes à Paris. Vous enverrez un courrier à M. Laforest pour lui faire connaître qu'il doit rester tranquille, observer tout en me mandant tout; battre en froid; que, si on lui parle de la confédération du Nord , il dise qu'il n'a pas d'instructions; que, s'il question des villes hanséatiques, il déclare que je ne souffrirai pas qu'il soit rien changé à leur état actuel , vu que le commerce de la France y est trop intéressé; que, du reste, il porte une grande attention à m'instruire exactement et en détail des progrès de l'armement.

Quant à la confédération du Rhin, il faut écrire à M. Hédouville que les bases que m'a envoyées le prince Primat me paraissent bonnes; mais qu'il faut les faire goûter aux autres princes de la Confédération, et faire en sorte qu'ils soient lésés le moins possible dans leur indépendance; qu'il faut donc attendre encore un peu que tout se débrouille; que le premier acte qu'il parait convenable de faire est un acte d'inviolabilité du territoire de la Confédération, pour en interdire le passage à qui que ce soit, et convenir de se secourir mutuellement s'il était violé. Je désirerais n'être point chargé seul de l'initiative des décrets, mais qu'ils me fussent demandés par la Confédération, et que, lorsqu'ils me seraient adressés, je fisse une espèce de dictature à peu près dans le sens de votre rapport. Mon intention est qu'aucun Prussien, ni autre, ne puisse passer sur le territoire de la Confédération, et qu'aucun confédéré n'accorde le passage sans le consentement de tous. Préparez-moi tout ce que je dois faire pour la prochaine réunion.

Il parait que lord Lauderdale n'est pas bien pressé. Je crois, dans le fait, qu'il n'est possible de rien faire avant qu'on ne connaisse la ratification de la Russie. Cependant je ne verrais pas d'inconvénient que lundi prochain les ministres répondissent pour demander une conférence, et qu'il s'en établît une sur les moyens d'arriver à un résultat.


Rambouillet, 22 août 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, l'ordre de Malte peut-être considéré comme détruit. Il n'a pas aujourd'hui de grand maître; il ne possède plus de biens ni dans l'Empire ni dans mon royaume d'Italie; les Anglais ont l'île et ne la veulent point lâcher; le roi de Naples s'emparera incessamment de toutes les commanderies. Dans cet état de choses, je désirerais que vous écrivissiez à M. Otto et au prince Primat. Du moment que je serai d'accord avec la Bavière, je déclarerai, par un acte authentique, l'ordre de Malte dissous, et je conférerai le droit de donner la décoration de l'ordre au roi de Naples; je motiverai cela sur ce que, par la possession de la Sicile et des côtes, le roi de Naples est le vrai défenseur de l'Italie contre toute espèce de piraterie. On dira, pour ôter toute difficulté, que ceux qui portent la décoration auront le droit de continuer à la porter. Il faudrait cependant que la Bavière, en faisant réunir le biens de l'ordre de Malte à quelqu'un de ses ordres, en fit remplacer la décoration par celle de cet ordre. Je le ferai comme protecteur mais aussi comme ayant toutes les Langues dans mes États. Il sera facile d'avoir l'agrément de l'Espagne, qui ne demanderait pas mieux. Peut-être vaudrait-il mieux faire un traité entre l'Espagne, la Bavière et moi comme représentant les Langues de France, d'Auvergne, de Provence, l'Espagne représentant celles d'Aragon et de Catalogne et la Bavière, les Langues d'Allemagne. Ainsi l'ordre se trouvera détruit, et la décoration ne pourrait se porter que conférée par le roi de Naples.


Rambouillet, 22 août 1806

Au roi de Naples

Je reçois votre lettre du 12 août avec le détail de la prise de la ville de Lauria et son saccage. Il faut surtout ordonner que les villages du côté de Sainte-Euphémie éprouvent le même sort; mais faut qu'on s'attache à prendre les chefs. Par le détail officiel que les Anglais répandent sur le continent, ils prétendent qu'ils n'étaient que 5,000 contre le général Reynier. Si cela est vrai, cela est une chose bien extraordinaire et qui prouve ce que c'est que les troupes françaises, combien elles ont besoin d'être bien menées, soutenues et encouragées.

Tous les dépôts qui sont en Italie envoient aux corps tout ce qu'il ont de disponible en habillement. Je vous ai écrit de faire un dépôt à Capoue. Faites envoyer dans cette place tous ces effets, dont beaucoup ont besoin d'être confectionnés. Vous trouverez ci-joint les deux états de situation des effets expédiés.

Pescara paraît être dans le plus mauvais état de situation. Envoyez-y un officier d'artillerie et quelques petites sommes pour réparer les affûts et mettre un nombre suffisant de batteries pour armer les bastions et mettre cette place à l'abri d'un coup de main.

Il paraît que Reggio s'est rendu le 10 juillet. Le combat de Saint-Euphémie a eu lieu le 4; ainsi cette place s'est rendue six jours après. Je ne conçois pas qu'on ait pu laisser des troupes dans un poste si peu défendu, que l'ennemi n'a fait aucune batterie contre.


Rambouillet, 23 août 1806

A M. de Champagny

Monsieur Champagny, je vous envoie des notes qui vous feront connaître la direction que je désire donner à l'assemblée des Juifs, et ce que les commissaires près cette assemblée ont à faire en ce moment.

NOTES

Depuis la prise de Jérusalem par Titus, un aussi grand nombre d'hommes éclairés, appartenant à la religion de Moïse, n'avaient pu se réunir; on avait exigé des Juifs dispersés et persécutés, soit des rétributions, soit des abjurations , soit enfin des engagements ou des concessions également contraires à leurs intérêts et à leur foi. Les circonstances actuelles ne ressemblent à aucune des époques qui ont précédé. On n'exige des Juifs ni l'abandon de leur religion, ni aucune modification qui répugne à sa lettre ou à son esprit.

Lorsqu'ils étaient persécutés, ou cachés pour se soustraire à la persécution, diverses sortes de doctrines et d'usages se sont introduits. Les rabbins se sont arrogé le droit d'expliquer les principes de la foi, toutes les fois qu'il y a eu lieu à explication. Mais le droit de la législation religieuse ne peut appartenir à un individu; il doit être exercé par une assemblée générale de Juifs légalement et librement réunie et renfermant dans son sein des Juifs espagnols et portugais, italiens , allemands et français, représentant les Juifs de plus des trois quarts de l'Europe.

On pense, en conséquence, que la première chose à faire est de constituer l'assemblée actuellement réunie à Paris  en un grand sanhédrin dont les actes seront placés à côté du Talmud, pour être articles de foi et principes de législation religieuse.

Cette première chose ainsi établie, tous les Juifs, de quelque nation qu'ils soient, seront invités à envoyer des députés à Paris et à concourir par leurs lumières aux opérations du grand sanhédrin. En conséquence, il sera fait, par une sorte de proclamation, une notification à toutes les synagogues de l'Europe. Cette notification sera adressée officiellement aux synagogues de France. Les représentations qui seront faites aux questions proposées seront alors converties en décisions théologiques réglementaires ou préceptes, de manière à avoir force de loi ecclésiastique et religieuse et à former une seconde législation, des Juifs, qui, conservant le caractère essentiel de celle de Moïse, s'adapte à la situation présente des Juifs, à nos mœurs et à nos usages.

Les questions ci-après ont été proposées, savoir :

1e Question. Est-il licite aux Juifs d'épouser plusieurs femmes ? Il faut que la réponse négative soit positivement énoncée, et que l'assemblée actuelle ou le grand sanhédrin défende en Europe la polygamie.

2e Question. Le divorce est-il permis par la religion juive ? Le divorce est-il valable sans qu'il soit prononcé par les tribunaux et en vertu de lois contradictoires à celles du peuple français ? - Il faut que l'assemblée constituée en grand sanhédrin défende le divorce, hors les cas permis par la loi civile ou Code Napoléon, et qu'il ne puisse avoir lieu qu'après avoir été prononcé par l'autorité civile.

3e Question. Une Juive peut-elle se marier avec un Chrétien ? une Chrétienne avec-un Juif ? Ou la loi veut-elle que les Juifs ne se marient qu'entre eux ? - Il faut que le grand sanhédrin déclare que le mariage religieux ne peut avoir lieu qu'après avoir été prononcé par l'autorité civile, et que des Juifs ou Juives peuvent épouser des Français ou des Françaises. Il faut même que le grand sanhédrin recommande ces unions comme moyen de protection et de convenance pour le peuple juif.

4e Question. Aux yeux des Juifs, les Français sont-ils leurs frère ou des étrangers ? - Le sanhédrin reconnaissant, comme l'a fait l'assemblée, que les Français et les Juifs sont frères, établira en principe que les Juifs sont frères des habitants de tous les pays où on leur accorde non-seulement tolérance, mais protection , et où ils sont admis à jouir de tous les privilèges attachés à l'existence politique et civile. Il fera, à cet égard , la différence qui existe entre législation française et l'italienne, et celle des autres pays.

5e Question. Dans l'un et l'autre cas, quels sont les devoirs que la loi leur prescrit avec les Français qui ne sont pas de leur religion ? - La réponse à cette question est une conséquence de ce qui est ci-dessus.

6e Question. Les Juifs nés en France et traités par la loi comme citoyens français regardent-ils la France comme leur patrie; ont-ils l'obligation de la défendre, d'obéir aux lois et de suivre toutes les dispositions du Code civil ? - Il faut que le sanhédrin déclare que les Juifs doivent défendre la France comme ils défendraient Jérusalem, puisqu'ils sont traités en France comme ils le seraient dans la cité sainte; que le rachat de la conscription ne pourra avoir lieu que pour la moitié des conscrits de chaque année, et que les autres devront servir personnellement.

7e Question. Qui nomme les rabbins ? - Il faut que le sanhédrin décide par qui seront nommés les rabbins, comment ils seront organisés et payés, et qu'il établisse à Paris un conseil de rabbins dont les membres seront réputés les supérieurs, les surveillants des Juifs. Ce comité, résidant à Paris, pourra être nommé Comité des rabbins ou appelé de tout autre nom.

8e Question. Quelle juridiction de police exercent les rabbins parmi les Juifs ? Quelle police judiciaire exercent-ils parmi eux ?

9e Question. Les formes d'élection et la juridiction de police judiciaire sont-elles voulues par la loi des Juifs, ou seulement consacrées par l'usage ? Le sanhédrin fera les règlements nécessaires pour déterminer les formes d'élection des rabbins, leurs fonctions et leur juridiction, etc.

10e Question. Est-il des professions que la loi des Juifs leur défende ? 

11e Question. La loi des Juifs leur défend-elle de faire l'usure à leurs frères ?

12e Question. Leur défend-elle ou leur permet-elle de faire l'usure aux étrangers ? - Le sanhédrin défendra l'usure envers les Français et envers les habitants de tous les pays où les Juifs sont admis à jouir de la loi civile. Il expliquera ainsi la loi de Moïse, en établissant que les Juifs doivent considérer, comme s'ils étaient à Jérusalem, tous les lieux où ils sont citoyens; qu'ils ne sont étrangers que là où ils sont maltraités et vexés en vertu de la loi du pays, et que c'est dans ces lieux seulement que des gains illicites peuvent être tolérés par la législation religieuse. Lorsque ce point aura ainsi été réglé par le sanhédrin, on verra à rechercher encore s'il y a des moyens efficaces pour retenir et comprimer cette habitude d'agiotage, cette organisation de fraude et d'usure.

Tout ceci ne doit servir que d'instruction aux commissaires; ils reconnaîtront ce qu'on désire, et chercheront d'abord les moyens d'y parvenir, en conférant particulièrement avec les membres les plus influents de l'assemblée. Lorsque leurs idées seront assises, ils se rendront à l'assemblée; ils diront que je suis content du zèle qui l'anime; ils feront sentir que les circonstances sont extraordinaires; que je désire prendre tous les moyens pour que les droits qui ont été restitués au peuple juif ne soient pas illusoires, et, enfin , pour leur faire trouver Jérusalem dans la France. Ils demanderont qu'il soit formé un comité de neuf membres choisis parmi les plus éclairés de l'assemblée, avec lesquels ils puissent travailler et amener de grands résultats. Ce comité fera ses rapports à l'assemblée. Le premier aura pour objet la formation du grand sanhédrin.


Rambouillet, 23 août 1806

A M. Fouché

Écrivez au général Menou que, lorsqu'il arrive qu'un homme soit arrêté pour avoir tenu des propos contre le Gouvernement ou tenté de troubler la tranquillité générale, est acquitté par les tribunaux, il  le fasse sur-le-champ écrouer de nouveau et vous en rende compte;

Qu'il prenne des mesures pour faire arrêter tous les individus ayant des correspondances avec le roi de l'île de Sardaigne, et mettre le séquestre sur les biens des individus qui sont avec le roi de l'île de Sardaigne;

Que M. Cosmo Pazzi fils étant âgé de vingt-huit ans, il doit laisser toute liberté de venir en France et partout où il voudra.


Rambouillet, 23 août 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, je désirerais que le premier inspecteur du génie remît sous les yeux les plans de Brest, Toulon, Lorient, Cherbourg, avec les devis, et en me faisant connaître le temps nécessaire pour les exécuter; car il est convenable de penser, dans les moments de paix et de prospérité où nous nous trouvons, à l'avenir et d'améliorer notre système défensif. Une ligue de plusieurs puissances est toujours formée par l'Angleterre; elle exige de notre part un grand déploiement de forces sur le continent, et expose nos côtes aux entreprises de nos ennemis. Il faut calculer notre système de manière que, dans un mois ou six semaines qui suivraient un débarquement, il ne pût rien être entrepris qui nous produise un tort irréparable. De toutes les opérations que peut avoir pour but un débarquement , la prise de nos ports et de nos chantiers de construction est la plus attrayante pour les Anglais, et celle qui nous causerait le plus de dommages. Nos chantiers et arsenaux les plus importants sont Anvers, Rochefort, Brest, Toulon, Cherbourg, Lorient. Je vous ai déjà donné des ordres pour les deux premiers, et je suis bien aise d'avoir des plans et des mémoires raisonnés sur les quatre derniers.

Je désire également avoir sur le Havre, Nantes, Marseille et Bordeaux des mémoires qui me fassent connaître les fortifications intermédiaires et directes de ces quatre points. Je crois que, depuis la révolution, la défense de ces quatre ports a été dérangée et culbutée.

Il est convenable de s'occuper aussi des îles Saint-Marcouf, d'Ouessant, de l'île d'Aix, de l'île d'Yeu , des îles d'Hyères; ce sont des points importants; je désire connaître les fortifications actuelles de ces îles et les projets du génie. Je désire aussi que le premier inspecteur appelle mon attention sur les îles et les points destinés à protéger notre cabotage et les mouillages, soit sur l'Océan, soit sur la Méditerranée.

Mettez-moi sous les yeux le projet de défense de la rade de Vado et du golfe de la Spezzia, où des escadres peuvent, d'un moment à l'autre, chercher un refuge contre des forces supérieures. Quand le premier inspecteur m'aura soumis ces plans, je désirerais qu'il s'occupât de dresser des plans et de rédiger un mémoire sur la frontière du bas Rhin, depuis la Moselle jusqu'à la Hollande, dont la défense se lierait aux places frontières de la Hollande qui défendent la Belgique, et sur lesquelles je désire également des plans et des mémoires, et sur les places de la Hollande du côté de l'Allemagne , afin de pouvoir conseiller le roi de Hollande dans une guerre suscitée par une nouvelle coalition , ou de s'aider des moyens des places fortes pour la conjurer.

Je lirai aussi avec plaisir tout ce que le premier inspecteur aura à me proposer soit sur la frontière du haut Rhin, soit sur celle de la Suisse, mon intention étant de profiter de la situation prospère de mes finances et des moments de paix que je pourrai avoir pour employer les moyens de l'art à m'assurer de nouvelles chances de succès dans les circonstances à venir.

Comme tout ce que je demande par la présente lettre est un ouvrage de très-longue haleine, je désire que vous me remettiez chaque travail à mesure qu'il sera rédigé, place par place, frontière par frontière, à peu près comme il a été fait jusqu'à cette heure pour les nouveaux travaux.


Rambouillet, 23 août 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, donnez ordre au général Chasseloup de se rendre à Venise, d'y séjourner quinze jours et de faire un projet pour fortifier cette place, de voir lui-même tous les forts qui y existent, afin de pouvoir m'en rendre un compte détaillé. Il aura besoin de parcourir lui-même le pays, depuis Chioggia jusqu'à l'embouchure du Pô, et depuis la Piave jusqu'au Tagliamento, et de déterminer de quelle manière on peut s'opposer à l'attaque de l'ennemi tant de ce côté que de l'autre. Maîtres de la mer, la défense de Venise serait facile; mais il faut supposer qu'elle est bloquée par douze vaisseaux de ligne et deux cents chaloupes canonnières et, 30 ou 40,000 Autrichiens. Lorsque le général Chasseloup aura passé quinze jours à Venise et aura terminé son travail, il se rendra à Paris, où il portera les projets pour Peschiera, Mantoue, Legnano et la Rocca d'Anfo, avec la note des ouvrages et des fonds à faire l'année prochaine. Vous donnerez ordre au général Lery de se rendre à Venise, immédiatement après que le général Chasseloup en sera parti, pour y faire un plan sur les mêmes données, et vous me soumettrez, afin que je choisisse et que j'assoie la défense de cette ville, avant le mois de novembre.


Rambouillet, 23 août 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, répondez au roi de Hollande que je n'approuve point que 159 hommes du 21e d'infanterie légère entrent dans sa Garde, que 300 hommes sont suffisants; que, s'il prend ainsi les sous-officiers et les grenadiers de chaque corps, c'est le moyen de rendre nuls 9,000 hommes; que d'ailleurs, s'il traite sa Garde comme les miennes, c'est une très-grande folie, que c'est dépenser l'argent sans raison; qu'il lui faut une Garde peu nombreuse et quelques hommes à cheval; qu'en ayant une Garde de 6,000 hommes et leur donnant une paye si considérable, j'ai eu pour but de récompenser l'armée; que le roi de Hollande ne peut avoir ce but, puisqu'il prend des troupes françaises et les premiers venus; que, si ce n'était cette considération de récompenser l'armée , je n'aurait pas eu plus de 1100 hommes de Garde, ou du moins j'aurais eu des régiments un peu plus soignés que les autres, mais qui n'auraient pas été payés davantage.


Rambouillet, 23 août 1806

Au vice-amiral Decrès

Je vous renvoie l'état des transports qui existent dans mes ports. Si l'on pouvait transporter 300,000 pieds cubes de bois à la fois, en faisant dix voyages par an, on rassemblerait trois millions de pieds cubes; ce qui nous permettrait d'avoir, en deux années, quatre millions de bois d'approvisionnement à Brest et à Toulon. Il paraît que cela emploierait 5 ou 6,000 hommes d'équipage. Je ne pense pas que votre état soit exact. Les corvettes de pêche de Calais sont très-propres à transporter des bois à Anvers et à Brest, et presque toutes les écuries sont dans le même cas. Le Calcutta, de vieilles frégates , de vieilles corvettes de construction originale, telles que le Vulcain, etc., peuvent également être dans le même cas , et je ne sais jusqu'à quel point il ne conviendrait pas d'envoyer trois vieilles carcasses de 74, de Brest à Copenhague, se charger de bois. J'y verrais l'avantage d'exercer mes équipages, d'utiliser de vieilles carcasses qui pourrissent dans le port, ne feraient-elles que trois voyages par an. J'ai vu ainsi des bâtiments espagnols venir chercher à Trieste du vif-argent. Je ne sais pourquoi on n'enverrait pas ces carcasses de 74, armées en flûte, à Flessingue. On emploierait tous les petits bâtiments de la flottille à porter des bois d'Anvers à Flessingue, où les gros bâtiments se chargeraient pour Brest et Toulon; et, comme nous devons calculer de nous approvisionner en peu d'années, et que la France ne nous fournirait pas assez de bois , nous serons obligés de nous approvisionner à Hambourg, en Albanie, à Naples, etc. On peut employer à ces transports des frégates et des bâtiments de guerre. Quant aux bois qu'on fera venir de Venise à Toulon , on les fera venir sur des bâtiments du pays. Mais il faut adopter des moyens plus larges, voir les choses plus en grand , et faire ressource de tout, et, s'il est nécessaire, construire en six mois un nombre de flûtes convenable.


Rambouillet, 23 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, dans l'état de situation que vous m'envoyez de la réserve de Dalmatie, en date du ler, je remarque qu'il n'y est porté que 480 hommes et un officier aux hôpitaux. Il est possible qu'il n'y ai que 480 hommes aux hôpitaux appartenant aux 3e et 4e bataillons mais il doit y en avoir un bien plus grand nombre appartenant tous les corps existant au delà de l'lsonzo. Il est convenable que tous ces hommes, en sortant des hôpitaux, rejoignent leurs dépôts. La division de réserve de l'armée de Dalmatie, placée à Vicence et à Trévise , se trouve donc être composée de treize bataillons; avec les conscrits qu'ils vont recevoir, ils seront bientôt portés à 13,000 hommes, présents sous les armes et à 18,000 hommes effectifs. Ces treize bataillons seront une des grandes ressources de votre armée et une partie assez considérable des forces qui doivent défendre et contenir l'Italie. C'est à l'organisation de cette réserve et à l'habillement des conscrits qu'il faut porter tous vos soins et occuper la surveillance du général Charpentier. Ne laissez partir aucun homme pour la Dalmatie; tout doit rester aux dépôts pour s'y organiser et se reposer.

Vous avez quatorze bataillons de l'armée de Naples. Ces quatorze bataillons, qui forment déjà un effectif assez considérable , auront bientôt, par les conscrits, 14,000 hommes sous les armes. La bonne organisation de ces bataillons vous donnera une autre réserve bien importante pour dominer l'Italie. Veillez à ce que les majors et officiers et sous-officiers des 3e et 4e bataillons restent aux dépôts.

L'espèce de guerre de brigandage que l'on fait au roi de Naples rend nécessaire l'envoi à Naples de la brigade du général Laplanche-Mortière, qui est à Ancône. Le bataillon suisse doit y être rendu. Le général Lemarois resterait donc sans infanterie ; il est cependant très-important qu'il en ait. Envoyez-lui sans délai un bataillon 800 hommes d'infanterie italienne; vous pouvez lui envoyer soit le bataillon dalmate, soit le bataillon italien que je destine pour la Dalmatie, soit le bataillon brescian. Pourvu que Lemarois ait 800 hommes à Ancône, c'est tout ce qui m'intéresse.

Faites partir sur-le-champ la seconde brigade , commandée le général Laplanche-Mortière, pour Naples. Jusqu'à ce que le bataillon italien que vous enverrez à Ancône y soit arrivé, un bataillon de la brigade du général Laplanche-Mortière y restera, le général Lemarois gardera le 22e d'infanterie légère, qu'il fera partir au moment même où les 800 Italiens que vous allez lui envoyer seront arrivés.

Il faut que le général Lemarois vous envoie fréquemment des nouvelles de Cattaro et de Raguse, en grand détail. Il parait qu'il est le mieux placé pour avoir tous les renseignements possibles. Il sera convenable que vous lui envoyiez de Venise quatre ou cinq avisos ou trabacchi, qui seront employés à faire les traversées d'Ancône à Raguse et à Cattaro.


Rambouillet, 23 août 1806

Au roi de Naples

J'ai reçu votre lettre du 13 août. Je suis fâché que vous croyiez ne pouvoir retrouver votre frère qu'aux Champs-Élysées. Il est tout simple qu'à quarante ans il n'ait pas pour vous les mêmes sentiments qu'à douze. Mais il a pour vous des sentiments plus réels et plus forts : son amitié a les traits de son âme.

Tous ces débarquements de troupes napolitaines dans les Calabres ont peu d'inconvénient; ce sont de faibles ressources, et la saison, qui va devenir fraîche, vous mettra à même d'en faire bonne justice et de les poursuivre dans tous les points.

La brigade du général Tisson doit être arrivée à Pescara et se trouver sur le territoire de votre armée. Vous êtes le maître d'en faire ce qui vous conviendra. Vous pouvez renvoyer le général Tisson ou le garder; mais renvoyez tous les officiers et sous-officiers du moment que l'incorporation aura eu lieu avec les régiments.

La brigade du général Laplanche-Mortière est en marche aussi pour Naples. Vous avez dû recevoir le bataillon suisse qui était à Ancône, et celui de la Tour d'Auvergne, qui était à Cività-Vecchia. Le 2e bataillon de la Tour d'Auvergne est en marche, et un autre bataillon suisse, qui est en Corse, est également en marche; ce qui, en septembre et en octobre, doit porter vos présents sous les armes
à l'armée à plus de 45,000 hommes.

J'ai levé en France 50,000 hommes, et j'en envoie près de la moitié tant à vos dépôts qu'à ceux de Dalmatie.


Rambouillet, le 23 août 1806

Au roi de Hollande

Votre couronnement ne peut avoir lieu qu'à la paix maritime. Vous devez donc dire qu'il n'aura lieu que dans un an; ce qui ne vous empêche pas d'aller à Amsterdam, quand vous le jugerez convenable.


Rambouillet, le 23 août 1806

Au prince Eugène

Mon fils, la lettre du secrétaire de la princesse Pauline est du radotage d’homme d’affaires auquel il ne faut donner aucune attention. La princesse a pour vous les sentiments qu’ellc doit avoir. 


 Rambouillet, 24 août 1806

DÉCISION

Le ministre de la guerre rend compte des arrêts ordonnés par le général Durutte au directeur de l'artillerie de l'île d'Elbe, pour refus de délivrer des objets d'artillerie qu'il n'était point autorisé à fournir.

L'on doit blâmer le général de disposer ainsi de l'artillerie des destinée à la défense de la place; mais l'officier d'artillerie est blâmable d'avoir désobéi. Il devait faire des remontrances, obéir et rendre compte au ministre. L'île d'Elbe est en état de siège et bloquée fréquemment par l'ennemi.


Rambouillet, 26 août 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, j'imagine que vous n'avez pas perdu un moment à mettre en possession les princes de la Confédération du Rhin. Si vous ne l'avez pas fait, faites-le sans délai. Placez les troupes bavaroises dans Nuremberg et dans le territoire. Faites planter sur les limites les poteaux portant d'un côté les armes de Bavière, de l'autre Confédération du Rhin. Cela fait, vous ferez éloigner mes troupes de Nuremberg, ayant l'air de se rapprocher du Rhin, et vous laisserez les Bavarois en contact avec Bayreuth. Vous conseillerez au roi de Bavière de placer un bon corps de troupes à Nuremberg et environs.

Vous engagerez le roi de Wurtemberg à faire de même, de manière que mes troupes soient le moins possible en contact avec le territoire prussien. Enfin vous ferez courir, de toutes manières le bruit que toutes les troupes rentrent. Vous ferez effectivement mettre en marche quelques charrois d'artillerie, et vous donnerez à tous les gros bagages un mouvement sur le Rhin. Donnez ordre que rien de ce qui est à Strasbourg et Mayence ne passe le Rhin , et que tout ce qui serait sur le Rhin , venant de l'intérieur, attende à Strasbourg et à Mayence.

Le cabinet de Berlin s'est pris d'une peur panique. Il s'est imaginé que, dans le traité avec la Russie, il y avait des clauses qui lui enlevaient plusieurs provinces. C'est à cela qu'il faut attribuer les ridicules armements qu'il fait, et auxquels il ne faut donner aucune attention, mon intention étant effectivement de faire rentrer mes troupes en France. J'espère enfin que le moment n'est pas éloigné où vous allez revenir à Paris, et je n'ai pas moins d'impatience que vous et l'armée de vous revoir tous en France.


Rambouillet, 26 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, vous voyez les choses avec trop de vivacité;  personne n'a envie de vous déplaire, moins le secrétaire d'État que tout autre. J'ai désiré connaître la législation des jeux; vous dites que vous ne vous en êtes pas occupé; tant pis; vous devez vous mêler de tout et surveiller toutes les branches de l'administration. Vous ne vous faites pas assez d'idée de la confiance que j'ai en vous. Vous vous placez comme un particulier, vous êtes plus que cela. On a toujours en vue, dans les rapports avec vous, le bien du service et le désir de vous être agréable, et jamais l'idée de vous donner ombrage.


Rambouillet, 26 août 1806

Au prince Eugène

Mon fils, je reçois votre lettre du 22 août. La conscription  se lève dans toute la France. Veillez à ce que tous les hommes marqués pour la retraite et pour la réforme soient renvoyés chez eux, et faites écrire de temps en temps au ministre de la guerre, par votre chef d’état-major, pour presser l’expédition (ici une tache d'encre rend illisible le reste de la phrase.) Toutes les difficultés avec l’Autriche sont levées. II faut vous préparer à placer les troupes du Frioul sur le pied de paix; faites-moi connaître la distribution la plus convenable à en faire. Il me semble qu’il faut au moins un régiment de trois bataillons à Palmanova, indépendamment de quatre ou cinq compagnies d’artillerie, et un régiment de trois bataillons à Udine. Faites-moi connaître ce qu’il en faut à Cradisca et Cividale; on pourrait répartir entre ces deux points et Osopo un régiment, un bataillon à chaque endroit. Ce qui ferait trois régiments pour le Frioul; deus régiments de cavalerie légère devraient être suffisants. Un régiment pourrait continuer à rester dans l’Istrie. Il n’y aurait donc plus que deux ou trois régiments à faire repasser le Tagliamento.

Je fais négocier un traité avec l’empereur d’Autriche, par lequel le thalweg de l’Isonzo sera la limite des deux Etats en Italie. Par cet arrangement, Montfalcone et ce que je possède sur la rive gauche appartiendra à l’Autriche, et toute la rive droite m’appartiendra; ce qui est un moyen de finir toutes les difficultés. Bien loin de faire aucun mouvement qui inquiète les Autrichiens, témoignez-leur dans toutes les occasions toutes sortes de prévenances : faites publier dans les journaux que la meilleure harmonie règne entre les deux souverains, et que les troupes du Frioul vont être mises sur le pied de paix.

(Mémoires du prince Eugène)


Saint-Cloud, 27 août 1806

OBSERVATIONS SUR LE PROJET DE WESEL

Les bastions L, M, N, qui sont les trois points d'attaque les plus naturels de la place, ne sont pas assez forts. S'il était possible de pratiquer une inondation, de manière que l'argent employé à revêtir les ouvrages pût être économisé , on l'emploierait à pratiquer cette inondation. Si elle n'est pas possible, il faut, dans le projet général, établir ce qui est nécessaire pour rendre les points d'attaque plus forts. On exécuterait plus tard ce qui aurait pour but de donner un plus grand degré de force.  L'ouvrage E étant pris, l'ouvrage K me parait trop faible. La place prise, la citadelle doit pouvoir se défendre.

On croit qu'il faudrait un front du côté de l'ouvrage D; qu'il faudrait fortifier le point K en le rapprochant davantage de la citadelle et en lui donnant plus de saillie sur la citadelle. Peut-être serait-il plus simple de les réunir par un cinquième front. Le côté de la citadelle ferait un sixième front. Les demi-lunes qui seraient placées sur ces cinquième et sixième fronts seraient placées en D et en E. La bonne position des ouvrages E et D, qu'il faudrait d'abord prendre, la difficulté de cheminer sur la citadelle à 150 toises de l'île de Buderich, quelque autre ouvrage, s'il est nécessaire, donneront une force suffisante à laquelle on peut ajouter un front. Pour ne pas augmenter la dépense, on pense qu'il serait suffisant de porter le point 0 à 50 ou 60 toises plus sur la droite, en faisant converser toute la place de 50 à 60 toises.

Le plan, qui devra être soumis à mon approbation, sera levé en trois couleurs, rouge, jaune et vert. Le rouge indiquera ce qui doit être fait cette année et l'année prochaine, c'est-à-dire spécialement la citadelle et quelques masses en forme de camp retranché et quelques déblais nécessaires pour avoir des terres; le jaune, ce qui est nécessaire pour donner à la nouvelle place sa défense; enfin le vert, les ouvrages qu'on fera insensiblement tous les ans, mais qui ne sont pas nécessaires à une bonne et vigoureuse défense de la place, mais qui l'augmentent cependant.

On sent ainsi qu'il est impossible de commencer à maçonner sérieusement les ouvrages de la citadelle sans être certain de l'exécution de ceux de l'île de Büderich. On suppose que, pendant cette discussion , le premier inspecteur a donné des ordres en conséquence; car, si ces ouvrages étaient d'une exécution impossible ou trop dispendieuse, et qu'on prit le parti de détruire l'île de Büderich , tout ce système s'écroulerait.

Lorsque le premier inspecteur aura fait un plan qui renferme toutes mes idées, il pourra ensuite le modifier sur les lieux.


Saint-Cloud, 27 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois votre lettre du 22 août. La conscription se lève dans toute la France. Veillez à ce que tous les hommes marqués pour la retraite et pour la réforme soient renvoyés chez eux, et faites écrire de temps en temps au ministre de la guerre par votre chef d'état-major pour presser l'expédition des congés.

Toutes les difficultés avec l'Autriche sont levées. Il faut vous préparer à placer les troupes du Frioul sur le pied de paix. Faites-moi connaître la distribution la plus convenable à en faire. Il me semble qu'il faut au moins un régiment de trois bataillons à Palmanova, indépendamment de quatre ou cinq compagnies d'artillerie, et un régiment de trois bataillons à Udine. Faites-moi connaître ce qu'il en faut à Gradisca et à Cividale. On pourrait répartir entre ces deux points et Osoppo un régiment, un bataillon à chaque endroit; ce qui ferait trois régiments pour le Frioul. Deux régiments de cavalerie légère devraient être suffisants. Un régiment pourrait continuer à rester dans l'Istrie. Il n'y aurait donc plus que deux ou trois régiments à faire repasser le Tagliamento.

Je fais négocier un traité avec l'empereur d'Autriche par lequel le thalweg de l'Isonzo sera la limite des deux États en Italie. Par cet arrangement, Monfalcone et ce que je possède sur la rive gauche appartiendra à l'Autriche , et toute la rive droite m'appartiendra; ce qui est un moyen de finir toutes les difficultés. Bien loin de faire aucun mouvement qui inquiète les Autrichiens, témoignez-leur, dans toutes les occasions, toutes sortes de prévenances; faites publier dans les journaux que la meilleure harmonie règne entre les deux souverains, et que les troupes du Frioul vont être mises sur le pied de paix.


Saint-Cloud, 27 août 1806

Au roi de Naples

Je reçois votre lettre du 18 août. Je n'ai point envoyé de généraux à votre armée. Je ne sais ce que vous voulez me dire en me parlant du général Marchand. Vous pouvez renvoyer les généraux et officiers qu'il ne vous conviendra pas de garder; cela diminuera votre dépense, et je le verrai avec plaisir.

Les ratifications de la Russie ont dû être échangées le 15, et je reçois des avis qu'on procédait à l'échange. Je vous dis cela parce qu'on a voulu jeter des doutes sur cette ratification. Il ne faut pas non plus faire de cela une nouvelle. Les Anglais paraissent très-divisés sur la paix. Ils ont montré beaucoup de mépris pour le roi Ferdinand et la reine Caroline. La Sicile paraissait déjà accordée; mais d'autres obstacles rendent douteuse l'issue de la négociation.


Saint-Cloud, 27 août 1806, 6 heures et demie du soir

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, la nouvelle que je viens de recevoir par le télégraphe de l'arrivée près de Brest du Vétéran, vaisseau que monte Jérôme, sans autre nouvelle, me fait désirer de connaître les nouvelles qu'il apporte avant qu'il se passe rien de décisif avec les plénipotentiaire anglais. Et, comme il est possible que vous lui ayez donné rendez-vous, je pense qu'il vaut mieux que je vous écrive qui de vous faire venir à Saint-Cloud. Si vous avez une entrevue, profitez-en pour avancer la négociation et voir en quoi consiste la difficulté, sans arriver à rien de décisif. D'un autre côté, il est probable que, dans la journée de demain, je saurai à quoi m'en tenir sur mon escadre qui, rentrant dans ce moment, me donne six vaisseaux de plus disponibles, pouvant agir dans un mois; ce qui, avec l'arrangement des affaires du continent, qui me laissent libres toutes mes troupes de terre, ne laisse pas d'être de quelque considération.


Saint-Cloud , 28 août 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, faites-moi connaître où est le général Schauenburg; s'il est en Italie, envoyez-lui l'ordre de passer la revue des régiments qui s'y trouvent. Envoyez l'ordre aux colonels des corps de l'armée de Naples d'envoyer exactement leurs états de situation et témoignez au chef d'état-major de cette armée mon mécontentement de ce qu'il n'envoie pas régulièrement ses états de situation, sorte que je ne sais point le nombre d'hommes que le roi a pour sa Garde, etc., et que je suis à l'obscur sur la situation de ces régiments. Prescrivez de la manière la plus impérieuse au chef d'état-major de vous envoyer toutes les semaines un état très-détaillé des corps.


 Saint-Cloud, 29 août 1806, 10 heures et demie du matin

Au vice-amiral Decrès

Je désire que vous me fassiez connaître de quelle manière il me serait possible de faire transporter 2,600 hommes à la Martinique et à la Guadeloupe, sans y employer des vaisseaux de ligne, mais seulement des frégates, corvettes et bricks. Je désire que la plus grande partie de ces troupes puisse partir dans le courant de septembre, si les vents le permettent, et que les frégates soient en rade, chargées et prêtes à partir. Je juge au moins cette force nécessaire à la Martinique. Je voudrais même pouvoir y envoyer jusqu'à 3,000 hommes, mais toujours sans y employer mes vaisseaux de guerre.

Je désire également qu'à la saison favorable vous prépariez une expédition de deux frégates pour l'île de France, pour y porter des secours dont pourrait avoir besoin cette colonie, porter des nouvelles aux trois qui y sont, et augmenter la croisière.

Apportez-moi cette note ce soir à neuf heures.


Saint-Cloud, 29 août 1806

Au général Dejean

On m'assure qu'un nommé Denis, capitaine, jouissant d'une pension de retraite de 1,500 francs, demeurant à Paris, rue du Martrois, vit d'une manière honteuse et propre à déshonorer l'habit militaire. Envoyez-le dans une petite ville de province où il vive avec sa pension en honnête homme.


Saint-Cloud, 29 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois votre lettre du 24 août. Je crois qu'il ne faudrait souffrir à Milan aucune maison attachée à la Maison d'Autriche, et qu'il faudrait prendre le parti de les éloigner à vingt lieues de Milan.

Je reçois une lettre de votre femme; il parait que sa grossesse est bien avancée et qu'elle aura bien de la peine à faire le voyage de Paris. Au reste, le Prince de Bavière, son frère, est parti hier, et je crois que son projet est de vous surprendre à Milan.


Saint-Cloud, 29 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, la conduite de l'amiral russe est certainement fort bizarre; mais enfin il est toujours fort heureux qu'il ait cessé les hostilités et qu'il laisse la mer libre. J'espère que vous en avez bien profité et que vous en profitez encore pour envoyer à Zara tout qui y est nécessaire. Écrivez au général Marmont de profiter de ce moment pour construire une batterie à l'extrémité de la presqu'île Sabioncello, batterie qui défendra les îles de Lesina et de Curzo. Je ne doute pas qu'il ait employé ce temps à fortifier Raguse, Stagno et le vieux Raguse. Je désire bien avoir un plan détaillé de Raguse et des environs, avec les côtes. Celui que vous m'avez envoyé Lauriston dit moins que rien, parce que tous les chiffres des hauteurs et des distances sont en blanc.


Saint-Cloud, 29 août 1806

Au roi de Naples

Je reçois votre lettre du 17 août. Il est très-important que fassiez envoyer à mon ministre de la guerre l'état des officiers, sous-officiers et soldats que vous avez pris dans les différents corps de l'armée de Naples pour former votre Garde. Il ne faut pas payer votre Garde aussi chèrement que la mienne; c'est une dépense inutile. Je n'ai eu en vue que de récompenser l'armée, et, dans une armée nombreuse, de fournir des récompenses à 5 ou 6,000 hommes Vous qui n'avez pas le même objet, traitez votre Garde un peu mieux que les troupes de ligne, mais pas beaucoup mieux.

Il n'y a pas de doute que je préfère que vous n'ayez que 12 à 15,000 hommes armés de la milice de Naples à ce que vous en ayez 50,000. C'est à vous à juger vos affaires; mais ne perdez jamais de vue ceci : si l'on était battu sur l'lsonzo et que l'ennemi fût à Milan, quel parti prendraient ces individus ? Une grande quantité de recrues vont arriver à votre régiment suisse. Placez-en le dépôt à Capoue; le bataillon qui est en Corse va s'y rendre; le bataillon qui est à l'île d'Elbe rejoindra aussi incessamment. Au moyen des précautions qui ont été prises, ce corps va bientôt être à 4,000 hommes. Je vois avec plaisir arriver la bonne saison où vos troupes acquerront de la vigueur et où vos malades guériront.

Les négociations traînent; l'issue en est très-douteuse.


Saint-Cloud, 30 août 1806

A M. Fouché

Il est assez ridicule que le Journal de l'Empire nous parle sans cesse de Henri IV et des Bourbons. Faites donc comprendre à M. Fiévée qu'il est impossible que je ne voie pas qu'on veut donner une fausse direction à l'opinion. Défendez que, ni dans les annonces de livres, ni dans aucun article de journal, on cherche à occuper le public de choses auxquelles il ne pense plus.


Saint-Cloud , 30 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, l'organisation. de l'artillerie s'arrangera comme vous le désirez; mon intention n'est pas d'humilier l'artillerie italienne. Je sais que les officiers d'artillerie italiens ont beaucoup appris; mais ils ont beaucoup à apprendre encore.

J'ai lu avec intérêt l'état de situation de l'armée au 15 août. Les dépôts ont deux bataillons; ils doivent contenir les cadres des 3e et 4e bataillons, et ils doivent aussi être des dépôts de convalescence. Tous les conscrits doivent être dirigés sur les dépôts, pour y être habillés et formés. Les dépôts me paraissent bien répartis : trois à Trévise, trois à Padoue et à Vicence.

Il faut faire faire dans les hôpitaux un dépouillement des malades appartenant aux corps qui sont en Dalmatie. Les 5e, 23e, 60e, 79e, 81e, etc., sont portés comme ayant 500 malades; ils en ont, je crois, dans le pays, plus de 15 ou 1800, sans compter ce qu'ils ont en Dalmatie.

Je ne vois que les 3e et 4e bataillons des 5e, 23e, 60e et 79e. Ceux des 8e, 18e et 81e ne vont pas tarder d'arriver à Vicence. Mais il est très-nécessaire que vous écriviez au général Marmont que tous les malades appartenant aux 3e et 4e bataillons des 5e et 23e, qui sont en Dalmatie, ne doivent pas rejoindre les dépôts de leurs régiments en Italie (ce que je déteste le plus, c'est cette navette de troupe) mais rejoindre les bataillons de guerre à Raguse, par eau et jamais par terre. A cet effet, le général Marmont doit établir, comme je l'avais fait à l'armée d'Italie, et il doit s'en souvenir, des petits dépôts de convalescence, aérés et sains, où il dirigera tout ce qui sortira des hôpitaux de Dalmatie, pour, de là, les envoyer par détachements d'une centaine d'hommes à Cattaro et à Raguse, par eau. Si je déteste ces mouvements d'hommes isolés dans l'intérieur, à plus forte raison lorsqu'il faut passer sur le territoire autrichien. Ce n'est qu'en s'occupant sans cesse de ces petits soins qu'on empêche la destruction d'une armée.

La conscription marche en France avec activité; dans quelques préfectures on a même avancé l'époque du départ. Attendez-vous donc à recevoir beaucoup de monde. Les dépôts de l'armée de Dalmatie, qui ne sont aujourd'hui que de 2,000 hommes, seront bien de 8 à 9,000 hommes. Ce sera alors trop pour Vicence. Il faudra diviser ces dépôts en deux brigades de quatre dépôts chacune, qu'il faudra placer dans quelque autre ville. Choisissez pour cela le bon air et vos convenances.

Informez-vous bien si les dépôts de Dalmatie ont leurs majors, leurs trois chefs de bataillon, leurs ouvriers, leurs draps, etc. Je désire que cette division des dépôts de Dalmatie en deux brigades se fasse sans délai, afin qu'il n'y ait point de contre-mouvement. Lorsque les conscrits seront arrivés, si Vérone n'est point trop occupée par l'artillerie, vous pourrez les mettre dans cette ville. Bassano est aussi un endroit fort sain.

Ordonnez au général Charpentier de correspondre avec les majors, pour s'assurer que tout est préparé pour l'habillement; qu'il écrive aussi au ministre Dejean pour les draps. Je crois que tout cela doit partir d'Alexandrie, où il y a un grand dépôt. Il faut que tout le matériel arrive avant les hommes, afin qu'ils puissent être tous habillés immédiatement après leur arrivée.

Quand vous recevrez les généraux de brigade que je vous fais envoyer, vous en placerez un à la tête de chaque brigade de dépôt et vous aurez soin qu'ils veillent à l'organisation et à l'instruction de ces dépôts. Là moitié de l'art de la guerre consiste dans l'art de reformer rapidement son armée, d'épargner des courses inutiles et, par contre-coup, la santé du soldat.

Les dépôts de l'armée de Naples vont recevoir bien du monde. Je vous ai envoyé les tableaux de la conscription. Je crois que près de 20,000 hommes vont vous arriver.

J'entends dire que de vieux sergents-majors volent les conscrits et les traitent mal. C'est aux généraux à veiller sur cet abus et à ce qu'on traite les conscrits de manière à leur rendre facile le premier pas dans la carrière militaire.

Je m'aperçois que dans l'état des dépôts de l'armée de Naples le 28e de dragons n'y est pas; je crois que c'est une erreur. Ce régiment doit être à Modène. Faites-moi connaître où en est l'instruction des dépôts de dragons. Pourrais-je en former un bataillon de 600 hommes, à raison de 100 hommes par dépôt ? Ces 600 hommes pourraient-ils être armés, équipés à la dragonne, à l'école du bataillon et déjà formés à monter à cheval ? Si cela est ainsi, formez ce bataillon et tenez-le prêt à partir le 15 septembre, à pied, pour se diriger d'abord sur Ancône, où il tiendra garnison, et être destiné à renforcer les régiments de l'armée de Naples; mais je ne veux pas que ce soit un ramassis d'hommes nuls. Chaque régiment formerait une compagnie de 100 hommes commandée par trois officiers, et vous mettriez le tout sous les ordres d'un chef d'escadron ou d'un major. Je crois que le nombre de chevaux qui est aux dépôts de dragons ne souffrirait point de ce détachement, et qu'il restera encore assez de monde pour les panser. Préparez tout pour former le corps, sans cependant le mettre en mouvement.

Les régiments de dragons de l'armée de Naples ont beaucoup de malades, et ce secours parait leur être nécessaire.

Recommandez au général Charpentier de faire mettre sur une colonne séparée, en écriture jaune, dans les états de situation qu'il m'enverra, le nombre d'hommes que chaque régiment doit recevoir de la conscription de 1806, et, au fur et à mesure qu'il arrivera du monde dans le courant d'octobre, ce qui reste aux corps à recevoir.

Je ne sais pourquoi vous appelez bataillons d'élite les bataillons formés des dépôts; appelez-les bataillons de la réserve. Il ne faut pas prodiguer le mot élite de cette manière.

Il faut aussi que le général Marmont vous envoie régulièrement l'état de situation de son armée, afin que vous me le transmettiez exactement. Il faudrait, indépendamment de cela, que chaque colonel envoyât l'état de situation de son régiment à l'état-major général à Milan. Sur les états des corps de l'armée de Dalmatie faites mettre l'époque de leur situation. 


Saint-Cloud, 30 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, faites-moi connaître de quel régiment est le lieutenant italien Neri qui a défendu les îles de Tremiti, et qui s'y est couvert de gloire. Je l'ai fait capitaine et membre de la Légion d'honneur mettez cela à l'ordre de mon armée italienne.


Saint-Cloud, 30 août 1806

Au roi de Naples

Je reçois votre lettre. Je n'ai pas besoin de vous dire de quelle importance il est de s'emparer rapidement de Reggio et de Scilla; chaque jour de retard est un mal , parce que l'ennemi en fera des forteresses qu'on aura ensuite beaucoup de peine à reprendre.

Les chaleurs vont diminuer, la canicule finit, et vos malades vont guérir. Toutefois, je viens d'ordonner la formation d'un corps de 600 dragons, que vous recevrez à la fin de septembre, composé de détachements de 100 hommes des dépôts de vos six régiments. J'ai ordonné qu'ils soient équipés de tout. Cela réparera les pertes vos régiments de dragons. Quoiqu'ils soient faibles, n'en exécutez pas moins l'idée que je vous ai donnée. Cela vous servira de réserve de cavalerie dans votre main , et de réserve d'infanterie.

Qu'on ne perde point de temps; que Reynier retourne s'emparer de Reggio et de Scilla.

Envoyez-moi donc vos états de situation tous les quinze jours. Jusqu'à cette heure tous les états que j'ai reçus ont été bien faits. Il est cependant bien important que je sois toujours au courant de la situation de votre armée.

Je vous ai écrit d'établir un grand dépôt de convalescents où vous enverrez tous les dépôts de vos corps. Cela est bien important et vous épargnera bien du monde.

Ne permettez pas qu'aucun homme isolé se rende en Calabre. Ordonnez que tout homme sortant des hôpitaux se rende au grand dépôt, et qu'après un séjour de quinze ou vingt jours ils soient armés et habillés, et qu'on les fasse partir par détachements de 100 hommes pour rejoindre leurs corps.

J'ai fait capitaine, et de la Légion d'honneur, l'officier italien qui commandait aux îles de Tremiti.


Saint-Cloud, 31 août 1806

A M. Portalis

J'ai vu avec peine l'événement de Vannes. La conduite du préfet dans cette circonstance est inconcevable. Quant à l'évêque, on me dit qu'il a renvoyé l'anneau que je lui avais donné et la décoration de la Légion d'honneur aux brigands qui l'ont arrêté. Je ne puis croire une telle lâcheté. Toutefois je désire que vous me fassiez un rapport là-dessus. L'évêque comme un autre homme devait savoir mourir plutôt que de commettre une bassesse. J'attends le rapport que vous me ferez pour fixer mes idées.


Saint-Cloud, 31 août 1806

A M. de Champagny

Monsieur Champagny, témoignez mon extrême mécontentement au Préfet du Morbihan de ce qu'il a ainsi compromis et déshonoré l'autorité. Il a donné là un exemple funeste et dont d'autres individus seront les victimes. Je n'avais pas le droit d'attendre d'un homme qui a servi dans les armées avec distinction un pareil oubli de ses devoirs et du premier intérêt de l'ordre public. Bien loin de relâcher les brigands, il devait faire courir la gendarmerie et mettre tous les moyens en oeuvre pour les arrêter par la force. Ce qui pouvait arriver ensuite ne pouvait être prévu par personne, et quelque précieuse que soit la vie d'un évêque, d'un citoyen, d'un magistrat, quand c'eût été le fonctionnaire le plus élevé en dignité et le plus précieux à l'État, il n'avait pas le droit de compromettre l'autorité et de déshonorer ainsi la loi.


Saint-Cloud, 31 août 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, j'ai deux régiments allemands, Isembourg et la Tour d'Auvergne. Mon intention est que ces deux régiments soient recrutés tous d'Allemands nés dans les limites de la Confédération du Rhin.

Le régiment d'Isembourg pourrait recruter dans les États de Nassau, d'Isembourg, du prince Primat et de Hesse-Darmstadt; celui de la Tour d'Auvergne, dans les États de Bade, Wurtemberg et Bavière. Entendez-vous sur cet objet avec le ministre des relations extérieures pour faire faire les démarches convenables, car mon intention est que ces régiments soient toujours tenus au complet. Il est nécessaire que les conseils d'administration des régiment de la Tour d'Auvergne et d'Isembourg organisent leur recrutement de manière à tenir ces corps dans un état respectable. Suivez l'affaire du recrutement de ces régiments avec la plus grande activité.


Saint-Cloud, 31 août 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, donnez ordre au général commandant la 13e division militaire de se rendre avec le directeur de l'artillerie dans la baie de la Forêt pour passer une revue particulière des batteries qui s'y trouvent et en faire construire de nouvelles, s'il est nécessaire, pour mettre en sûreté le vaisseau le Vétéran qui est mouillé dans cette rade. Il y laissera un officier d'état-major pour veiller à la défense de cette côte, et cantonnera un bataillon aux environs et une compagnie d'artillerie de ligne pour assurer la défense de telle manière que le service des batteries et de la terre soit parfaitement fait pour répondre à ce que pourrait tenter l'ennemi.


Saint-Cloud, 31 août 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je vous prie de m'envoyer un mémoire très-détaillé sur Salzburg, qui me fasse connaître la situation actuelle de ses fortifications, la nature du terrain à 1,500 toises autour de la place, et combien de temps et d'argent il faudrait pour en faire une place forte. Ramassez tous les plans, toutes les reconnaissances, tous les renseignements, et faites-moi faire un mémoire que nous puissions consulter souvent.


Saint-Cloud, 31 août 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, les jeux d'Italie rendent 1,600,000 francs. Je désire connaître la destination que vous donnez à cette somme. Voici celle que je désire que vous lui donniez désormais : 200,000 francs pour frais de police secrète; 400,000 francs pour une cassette qui vous servira à faire des aumônes, et à distribuer des secours, surtout à des femmes ou veuves de militaires francais, à de pauvres prêtres; sur cette somme, vous laisserez à la princesse la disposition de 5,000 francs par mois, dont elle se fera une petite cassette de 60,000 francs par an, qu'elle distribuera également en aumônes bien appliquées, pour s'entretenir dans des exercices de bienfaisance. Sur le million restant, vous emploierez 600,000 francs à des travaux d'embellissement dans la ville de Milan , et 400,000 pour des embellissements dans la ville de Venise. Ces projets seront soumis à mon approbation.



Saint-Cloud, 31 août 1806

A la princesse Auguste

Ma Fille, j'ai lu avec plaisir votre lettre du 10 août. Je vous remercie de tout ce que vous me dites d'aimable. Vous avez raison de compter entièrement sur tous mes sentiments. Ménagez-vous bien dans votre état actuel, et tâchez de ne pas nous donner une fille. Je vous dirai la recette pour cela, mais vous n'y croirez pas : c'est de boire tous les jours un peu de vin pur.

Enfin toutes les affaires du continent s'arrangent, et j'espère vous envoyer avant peu de jours des instructions pour votre voyage avec Eugène, qu'il faut faire bien lentement pour ne point vous fatiguer. L'impératrice m'a remis la lettre que vous lui avez écrite pour votre grand-mère. J'ai donné les ordres les plus positifs, et j'espère qu'à l'heure qu'il est elle est satisfaite. Vous avez appris aussi que nous avons bien traité votre tante. Le prince votre frère se comporte fort bien : il travaille beaucoup. Je crois qu'il veut faire un voyage dans le midi de la France pour voir les ports de la Méditerranée. J'espère que votre arrivée le fera revenir plus tôt qu'il ne pense.


Saint-Cloud, 31 août 1806

Au roi de Hollande

Je reçois votre lettre du 24. L'amiral Dewinter parait s'être bien conduit dans la révolte qui a eu lieu sur votre escadre. Cette révolte a été fomentée par les partisans de l'Angleterre, encore n'est-ce que quelque canaille ameutée. Vous êtes bien bon de croire que c'était contre la royauté; qu'est-ce qu'un matelot peut entendre à matières-là ?

Je crois que l'Ordre que vous voulez établir ne doit l'être qu'à votre couronnement. Il ne faut rien précipiter. Allez lentement. Ce à quoi vous devez vous attacher, c'est à rétablir vos finances. L'économie est bonne, mais il ne faut point désorganiser vos forces. Consultez Ver Huell et Dewinter pour savoir s'il serait possible de sortir votre escadre avec 3 ou 4,000 hommes et reprendre Surinam, où les Anglais sont très-faibles.


1 - 15 août 1806