1 - 15 Février 1806


Paris, 1er février 1806.

A M. Champagny

Monsieur Champagny, la commune de Paris, par l'importance de ses finances, mérite une attention particulière. Je désire que vous preniez une connaissance un peu approfondie de l'état des finances de cette commune, tant en recettes qu'en dépenses, et que, mercredi prochain, vous puissiez m'apporter la situation en l'an XIII, dans les trois mois de l'an XIV, et au ler janvier.


Paris, 1er février 1806

A M. Champagny

Monsieur Champagny, faites-moi connaître pourquoi les travaux du quai Napoléon sont arrêtés. Soumettez-moi dans la semaine an projet pour commencer sans délai la gare de l'arsenal, telle que je l'avais arrêtée il y a deux ans. Mon intention est que cette dépense soit faite sur les fonds de la commune de Paris. Je désire également savoir où en est la vente du terrain des Capucines, ainsi que le percement de la rue de Tournon; enfin l'état de tous les travaux relatifs à l'embellissement de Paris.


Paris, 1er février 1806

A M. Champagny

Monsieur Champagny, je désire que vous fassiez faire l'état de situation des compagnies départementales qui sont sous les ordres des préfets, et que vous m'en remettiez, tous les quinze jours, l'état de l'effectif et des présents sous les armes. J'apprends que la plupart de ces réserves ne s'instruisent pas et n'en sont pas encore à l'école de bataillon. Stimulez à cet égard le zèle des préfets.


Paris, 1er février 1806

A M. Champagny

Je suis instruit qu'un grand nombre d'ouvriers sont sans travail : je désire connaître quelle classe d'ouvriers et quel genre de travail. Faites-moi connaître aussi quelles sont les principales manufactures et les ateliers qui auraient suspendu leurs travaux par suite des circonstances.


Paris, 2 février 1806

A M. Fouché

Pour l'exil des personnes qui ont émigré et que le bien de l'État veut qu'on éloigne de Paris, il faudrait adopter des formes plus douces que celles de la police ordinaire. Voyez à imaginer là-dessus quelque chose qui soit plus analogue à la mesure elle-même.


Paris, 2 février 1806

Au roi de Bavière

Je suis arrivé depuis plusieurs jours dans ma capitale. Je ne veux pas tarder davantage à remercier Votre Majesté de toutes les choses aimables qu"elle a faites pour moi pendant le temps que j'ai demeuré dans ses États. Elle doit être persuadée du plaisir que j'aurai, lorsqu'elle viendra en France, à la payer de retour.


Paris, 2 février 1806

A la reine de Bavière

Madame ma Sœur, arrivé depuis plusieurs jours à Paris, j'éprouve un véritable besoin d'exprimer à Votre Majesté tous les sentiment qu'elle m'a inspirés, et de l'assurer de ma parfaite estime, de ma tendre amitié et du bonheur que j'aurai de trouver des occasions de lui être agréable. 


Paris, 1er février 1806.

Au roi de Wurtemberg

Je reçois la lettre de Votre Majesté, du 21 janvier, au moment même où j'allais lui écrire pour la remercier des choses aimables qu'elle a faites pour moi pendant mon séjour dans ses États, la prier de me rappeler aux souvenirs de la Reine et l'assurer de mon désir de trouver les circonstances qu'elle a eues, pour pouvoir m'acquitter envers elle et la convaincre de ma parfaite estime et de ma constante amitié.


Paris, 1er février 1806

Au roi de Wurtemberg

J'ai lu avec attention les notes que vous avez mises en marge du projet de traité que vous a remis mon ministre. Au fond, j'y vois peu de différence; je crois qu'il est conforme à vos intérêts de terminer promptement, et que ce système de médiation est utile au moins quelques années; on pourrait en exclure, s'il est nécessaire, les petits princes, ou n'y admettre de nouveaux alliés que de consentement commun.

Munich et Bade ont signé. Je pense que nos intérêts communs, et surtout les vôtres, demandent que vous donniez des ordres à votre ministre pour terminer ici.


Paris, 2 février 1806

Au prince de la Paix

Rien ne m'étonne de la part de la reine de Naples; j'ai cependant frémi à la seule lecture de votre lettre.

J'éprouve une véritable consolation d'apprendre que Leurs Majestés sont en bonne santé. Ne doutez jamais de l'intérêt que je vous porte et du désir que j'ai de vous donner des preuves de ma protection, non plus que de l'estime et de l'amitié que j'ai pour le Roi.


Paris, 2 février 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 24. M. de Haugwitz est arrivé hier au soir à Paris. J'espère qu'à l'heure qu'il est vous êtes à Munich. Votre correspondance en deviendra plus rapide. Envoyez des officiers d'état-major dans la Silésie prussienne et dans la partie des États du roi de Prusse où sont les Russes, afin de savoir dans quelle situation ils sont. Ils peuvent même aller dans la Pologne prussienne. J'ai besoin d'être exactement et promptement informé, mon intention étant de ne point évacuer l'Allemagne ni faire passer le Rhin à mon armée, que les Russes ne soient rentrés chez eux n'aient évacué toute la Pologne. 


Paris, 2 février 1806

Au prince Joseph

J'ai reçu votre lettre du 24. Le général Saint-Cyr s'est présenté à mon lever; devant tout le monde, je lui ai témoigné mon mécontentement, et je lui ai ordonné de partir sur-le-champ pour rejoindre son poste. Je vous envoie un travail sur Naples, qui est au moins une note géographique. Ce mémoire est fait par M. Vintimille, qui a resté (sic) à Naples et qui désire beaucoup s'attacher à mon service. Je le fais partir pour Naples, où il pourra vous servir.

L'état de situation que vous avez joint à votre lettre du 24 est trop sommaire.

Du moment que vous serez entré à Naples, vous ne manquerez point d'argent, si vous tenez la main à ce qu'on ne prenne pas tout. Le maréchal Masséna a tout pris dans les pays vénitiens.

A la réception de cette lettre, vous serez en marche. J'attends avec impatience de savoir que vous avez conquis Naples.

Vous avez cinq divisions d'infanterie; tenez-les toujours réunies. Croyez à mon amitié. N'écoutez pas ceux qui voudraient vous tenir loin du feu; vous avez besoin de faire vos preuves. S'il y a des occasions, exposez-vous ostensiblement. Quant au vrai danger, il est partout à la guerre.


Paris, 3 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, vous avez très-mal arrangé vos affaires à Paris; on me présente un compte de 1,500,000 francs pour votre maison; cette somme est énorme. M. Calmelet, Bataille et ce petit intendant que vous avez nommé sont des fripons; et je vois qu'ils ont tout embarrassé de manière qu'il sera impossible de ne pas payer beaucoup. Je vois cela avec peine; je vous croyais plus d'ordre. On ne doit rien faire faire sans un devis, avec engagement de ne pas le dépasser. Vous avez fait tout le contraire; l'architecte s'en est donné tant qu'il a voulu, et voilà des sommes immenses jetées dans la rivière. J'ai chargé Bessières de veiller lui-même à ces affaires. Portez plus d'attention et de savoir que cela aux affaires de ma liste civile d'Italie; les architectes sont partout les mêmes.

(voir la lettre à Fouché du 31 janvier)


Palais des Tuileries, 3 février 1806

DÉCRET

ARTICLE ler. Le service du cabinet de l'Empereur est fait par un secrétaire du portefeuille, un rapporteur des pétitions et un archiviste.

DU SECRÉTAIRE DU PORTEFEUILLE

ART. 2. - M. Meneval est secrétaire du portefeuille. Il présente seul à la signature de l'Empereur toute lettre ou note que Sa Majesté aurait dictée; toutes les expéditions sont faites par lui; il expédie tous les courriers.
ART. 3. - Il entre seul dans le cabinet de l'Empereur; il a seul les clefs du bureau et du portefeuille de l'Empereur.
ART. 4. - Le traitement de secrétaire du portefeuille est fixé à 24,000 francs par an.

DU RAPPORTEUR DES PÉTITIONS

ART. 5. - M. Deschamps, secrétaire des commandements de l'Impératrice, est rapporteur des pétitions et chargé de la mise en ordre et rédaction des matériaux relatifs à l'histoire des campagnes de l'Empereur. Il écrit aussi sous sa dictée.

Il conserve le titre et les fonctions qui l'attachent à l'Impératrice. 

ART. 6. - Lorsque les pétitions dont il a fait le rapport ont été vues par l'Empereur, il les renvoie à la secrétairerie d'État, où les décisions qui peuvent être intervenues sont expédiées.
ART. 7. - Il a 12,000 francs de traitement.

DE L'ARCHIVISTE DU CABINET

ART. 8. - M. Fain est archiviste du cabinet.
ART. 9. - L'archiviste du cabinet reçoit des mains du secrétaire du portefeuille toutes les pièces du travail de l'Empereur qui ont été répondues; il les classe et les met en ordre.

Il met au net les minutes dont il est dépositaire.

Tous les papiers, minutes, copies, etc., ne peuvent être remises à l'archiviste que par le secrétaire du portefeuille.
ART. 10. - Il y a aux archives du cabinet un carton où affaires secrètes sont renfermées sous une clef particulière. La seconde clef de ce carton est déposée dans un tiroir du cabinet l'Empereur; et le secrétaire du portefeuille lui-même ne peut s'en servir sans l'autorisation de I'Empereur.
ART. 11. - A la fin de chaque année, l'archiviste fait le relevé de ce qui peut être extrait des archives du cabinet pour être déposé dans les archives impériales, à la secrétairerie d'État. Il reçoit à ce sujet les ordres de l'Empereur.
ART. 12. - Le traitement de l'archiviste est fixé à 18,000 francs par an.

DES GARDES DU PORTEFEUILLE

ART. 13. - Il y a deux gardes du portefeuille qui sont de service tous les quinze jours.
ART. 14. - Il leur est défendu de laisser entrer dans le cabinet de l'Empereur, que le secrétaire du portefeuille; dans le cabinet rapporteur des pétitions, que ce rapporteur et le secrétaire du portefeuille; dans le cabinet des archives, que l'archiviste et le secrétaire du portefeuille.
ART. 15. - Le garde du portefeuille, de service, couche dans la pièce qui précède immédiatement le cabinet où travaille l'Empereur.
ART. 16. - Ils portent un uniforme et un sabre avec une bandoulière d'un modèle particulier.
ART. 17. - Leur traitement est de 4,000 francs chacun par an.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

ART. 18. - Le secrétaire du portefeuille ne peut s'absenter qu'avec la permission de l'Empereur; et alors il laisse sur le bureau de l'Empereur une note indiquant l'heure de son retour, et remet la clef du bureau au garde du portefeuille qui est de service. Mais, lorsqu'il s'absente, n'importe à quelque heure du jour ou de la nuit que soit, il pourvoit à ce que, soit le rapporteur des pétitions, soit l'archiviste, reste et soit en état de répondre à l'Empereur. 

Dans ce cas, celui qui reste de garde se tient dans la pièce la plus voisine du cabinet de l'Empereur.
ART. 19. - Si, en l'absence du secrétaire du portefeuille, l'Empereur dicte quelque lettre ou note, ou fait expédier quelque travail, la minute, si ce travail a été expédié avant son retour, et la minute et la copie, si le travail n'a pas encore été expédié, sont remises au secrétaire du portefeuille aussitôt son arrivée.
ART. 20. - Le secrétaire du portefeuille, l'archiviste du cabinet et le rapporteur des pétitions sont logés dans le palais, le plus près possible de leur service.Ils ont une table commune.
ART. 21. - L'appartement consacré au cabinet sera, autant que le local le permettra, distribué dans les divers palais impériaux de la manière suivante :

1° Le cabinet de ]'Empereur;
2° Près de ce cabinet une pièce servant de supplément;
3° Un cabinet pour le rapporteur des pétitions;
4° Les archives, où seront établies des armoires solides pour la sûreté des papiers;
5° Le cabinet topographique.

On ne doit pénétrer dans ces pièces que par une seule entrée, près de laquelle doit être la salle du garde du portefeuille.

Notre grand maréchal du palais est chargé de surveiller l'exécution des articles 20 et 21.
ART. 22. - Il n'est dérogé en rien par la présente organisation aux droits et devoirs du secrétaire du cabinet.


Paris, 4 février 1806

PREMIÈRE NOTE.


J'ai besoin. d'une somme de soixante millions pour solder les exercices arriérés jusqu'au ler vendémiaire an XIV. Ces soixante millions, je les ai en domaines nationaux actuellement existant entre les mains de la caisse d'amortissement.

Je rachèterai ces domaines à la caisse d'amortissement, en lui donnant des inscriptions égales à celles que cette caisse a données au Sénat et à la Légion d'honneur pour équivalent desdits biens.

Je laisserai la caisse d'amortissement continuer à percevoir lesdites obligations pour solder mes exercices arriérés.

A cet effet, la caisse versera au trésor trois mille rescriptions, chacune de 20,000 francs, et payables 500 en 1806, et ainsi de suite chaque année. 

La caisse d'amortissement ne payera pas l'intérêt pour 1806; mais, à dater de 1807, elle payera les intérêts, pour toutes les années , à sept pour cent.

Le trésor payera les ordonnances des services liquidés jusqu'en vendémiaire, avec ces rescriptions. Par ce moyen, les rescriptions données par la caisse d'amortissement en payement des fournisseurs ne seront autre chose qu'un emprunt remboursable en six ans, avec hypothèque, et portant intérêt de sept pour cent.

Quant à la caisse d'amortissement, elle sera remboursée par la vente des domaines, et il faut faire les calculs pour voir ce qu'elle aura à payer et ce qu'elle retrouvera.

Ces rescriptions jouiront aussi d'un autre privilège : c'est d'être admises comme argent comptant à l'achat de tous les domaines nationaux appartenant à la caisse d'amortissement.

Et si la caisse d'amortissement n'avait pas les soixante millions qu'il lui faut, je ferai le complément avec ce qui m'appartient.

Ceci a deux buts :

1° De faire fonction de signes pour la vente des domaines nationaux, et d'en accélérer la vente;

2° D'avoir un signe pour réaliser de suite le crédit des fournisseurs. Cette valeur ne peut pas trop se détériorer, parce qu'elle a remboursement sûr, intérêt honnête et hypothèque connue.

Cela est beaucoup meilleur que tous les projets présentés.

En effet, les simples rescriptions payables en domaines nationaux ne sont que des assignats. Quand l'hypothèque est déterminée d'une valeur égale à celle des rescriptions, ce ne sont plus des assignats, sans doute, mais on risque que, par l'enchère, cela n'en devienne. Il ne faut donc que l'imprudence des porteurs pour anéantir le gage, qui n'a de valeur que pour achat de domaines.

Ici, au contraire, si l'enchère d'un bien monte trop haut, on n'est pas alarmé, parce que le remboursement et l'échéance sont assurés.

Ces effets ne peuvent pas trop tomber, parce que, les biens nationaux se vendant, tous les individus qui ont à payer sentiront le profit des effets pour payer à la caisse d'amortissement; dès qu'il y aurait deux on trois pour cent à gagner, il ne rentrerait plus rien à la caisse d'amortissement, et tout rentrerait dans ces effets.

Enfin cela vaut mieux qu'une consolidation sur le grand-livre, parce qu'il n'y a que deux moyens : ou au taux de la place, et de là à 60 francs, perte énorme; ou à cinq pour cent, banqueroute de moitié. Et enfin cela augmente la dette publique évidemment, tandis que l'extinction de la dette de la caisse avec les biens nationaux saute moins aux yeux, et que d'ailleurs l'extinction avec les soixante millions de la caisse est progressive et lente, et l'émission de papier, brusque, pour ainsi dire instantanée.

Il n'y aurait qu'une précaution à prendre : c'est de désigner que les rescriptions, qui ne sont exigibles qu'en 1808 et 1809, etc., ne pourraient être reçues dans la vente des domaines que comme troisième, quatrième et cinquième payement , dans la crainte qu'il ne rentrât à la caisse que des dernières échéances, que les premières ne fussent gardées, et que par là elle ne se trouvât gênée dans le remboursement.

DEUXIÈME NOTE.

Dans les soixante millions qui ont été portés comme dus sur les services arriérés, la plus grande partie doit être considérée comme portée dans le budget des différentes années que la trésorerie n'a pu payer, soit parce que les rentrées des fonds du budget ne se sont point opérées, soit parce que le ministre du trésor a affecté aux services courants les fonds des exercices arriérés.

Ainsi donc, au commencement de l'an IX, le budget de l'an était de cinq cent quarante-cinq millions; au ler vendémiaire an XI il avait été payé cinq cent vingt-huit millions; il restait dû dix-sept millions, mais, sur ces dix-sept millions, une partie était à régulariser. Je désire donc qu'on ajoute à l'état C une quatrième colonne où on distinguera ce qui est à régulariser de ce qui est dû; et le montant de ce qui sera dû formera le premier article de la dette. Il faudrait joindre une cinquième colonne pour établir la situation au ler janvier 1806. On y joindrait ce qui a été ordonnancé pour l'an IX pour janvier et février, parce que le compte sera arrêté au ler mai et tout ce qui restera dû pour remplir le budget au ler mars sera payé par les soixante millions dont il est question dans la première note. Mais alors l'an 1806 héritera de toutes les ressources de l'an IX, ce qui sera porté à son budget comme ressource. Ici il faudra que le ministre des finances fasse attention, en disant que les régies ont rendu cinq cent quarante-huit millions, d'ôter tout ce qui serait non-valeur, afin que véritablement les ressources que l'on donnerait en l'an 1806 soient réelles.

Même observation pour l'an X; même travail pour l'an XI; même travail pour l'an XII. Toutes les ressources de ces trois exercices seraient affectées à l'an 1806. Le complément de leur budget serait payé par les fonds extraordinaires, et par ce moyen tout l'arriéré trouverait payé aussi vite que les ministres pourraient l'ordonnancer.

L'an XIII est encore trop près de nous pour être susceptible d'une pareille opération.

Je suis bien loin de penser qu'il y ait une insuffisance de crédits aussi considérable que le pense le ministre des finances. Sous le rapport des ministères, la différence de ce qu'il faudrait pour solder le budget des trois exercices, soixante millions, formerait un fonds commun qui serait distribué aux ministères, à mesure que les besoins viendraient à être prouvés.

Dans tous les comptes des ministres, il manque une colonne pour le mois de janvier 1806 : si le crédit qu'ils demandent est pour leur insuffisance ou bien simplement pour satisfaire au budget.


Paris, 4 février 1806

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, le ministère, en Angleterre, a été entièrement changé après la mort de M. Pitt; Fox a le portefeuille des relations extérieures.

Je désire que vous me présentiez, ce soir, une note rédigée d'après cette idée :

Le soussigné, ministre des relations extérieures, a reçu l'ordre exprès de S. M. l'Empereur de faire connaître à M. le comte de Haugwitz, à sa première entrevue, que Sa Majesté ne saurait regarder le traité conclu à Vienne comme existant, par défaut de ratification dans le temps prescrit; que Sa Majesté ne reconnaîtra à aucune puissance, et moins à la Prusse qu'à toute autre, parce que l'expérience a prouvé qu'il faut parler clairement et sans détour, le droit de modifier et d'interpréter selon son intérêt les différents articles d'un traité; que ce n'est pas échanger des ratifications que d'avoir deux textes différents d'un même traité, et que l'irrégularité paraît encore plus considérable si l'on considère les trois ou quatre pages de mémoire ajoutées aux ratifications de la Prusse; que M. Laforest, ministre de S. M. l'Empereur, chargé de l'échange des ratifications, serait coupable si lui-même n'eût fait observer toute l'irrégularité des procédés de la cour de Prusse; mais qu'il n'a accepté l'échange qu'avec la condition de l'approbation de l'Empereur. Le soussigné est donc chargé de déclarer que Sa Majesté ne l'approuve pas, par la considération due à la sainteté des traités. Mais en même temps le soussigné est chargé d'ajouter que S. M. l'Empereur désire toujours que les différends survenus, dans ces dernières circonstances, entre la France et la Prusse, se terminent à l'amiable, et que l'ancienne amitié qui avait existé entre elles continue à subsister comme par le passé. Sa Majesté désire même que le traité d'alliance offensif et défensif, s'il est compatible avec les autres arrangements de la Prusse, soit maintenu et assure les liaisons des deux Etats. 

Cette note, que vous me présenterez ce soir, sera remise demain dans la conférence, et, sous quelque prétexte que ce soit, je ne vous laisse point le maître de ne la pas remettre. Vous comprendrez vous-même que ceci a deux buts : de me laisser le maître de faire ma paix avec l'Angleterre, si d'ici à quelques jours les nouvelles que je reçois se confirment, et de conclure avec la Prusse un traité sur une base plus large. La rédaction de cette note sera sévère et nette; mais vous y ajouterez de vive voix tous les adoucissements, les modifications, les illusions qui puissent faire croire à M. de Haugwitz que cela est une suite de mon caractère; qu'on est piqué de la forme, mais qu'au fond on est dans les mêmes sentiments pour la Prusse. Mon opinion est que, dans les circonstances actuelles, si véritablement M. Fox est à la tête des affaires étrangères d'Angleterre, nous ne pouvons céder le Hanovre à la Prusse que par suite d'un grand système, tel qu'il puisse nous garantir de la crainte d'une continuation d'hostilités.


Paris, 4 février 1806

Au maréchal Lefebvre, à Mayence

Je reçois, par votre aide de camp, votre lettre du 31 janvier. J'approuve que vous ayez placé une partie de la division Lorge la rive droite, et que vous la fassiez nourrir par les habitants. Avec les moyens que vous avez, attelez le plus de pièces possible; mais ne me constituez pas dans de nouvelles dépenses. J'imagine que vous avez envoyé à la division Dupont tout ce qui est nécessaire pour porter les trois corps qui la composent au complet de guerre.


Paris, 4 février 1806

Au général Junot

Je vous fais passer différentes pièces sur les affaires de Parme. Je ne conçois plus rien à tout ceci. Que le prince Eugène vous envoie des troupes. Faites brûler cinq ou six villages; faites fusiller soixantaine de personnes; faites des exemples extrêmement sévères car les conséquences de ce qui se passe à Parme depuis un mois sont incalculables pour la sûreté de l'Italie. Je vois un tas d'administrateurs bavards et ne prenant que de fausses mesures. Je suis étonné que le général Menou n'ait pas donné signe de vie dans tout ceci.

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Souvenez-vous de Binasco : il m'a valu la tranquillité dont a toujours joui depuis l'Italie, et a épargné le sang de bien des milliers d'hommes. Rien n'est plus salutaire que des exemples terribles donnés à propos.


Paris, 4 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, il n'y a point encore de troupes à Parme; faites-y-en passer promptement pour écraser ces rebelles et délivrer promptement l'Italie de ce germe d'insurrection. Vous avez dissous mon camp d'Alexandrie et fait des levées de gardes nationales avec tant de précipitation que vous avez allumé le feu dans toute l'Italie. Ayez plus de prudence et marchez plus posément.


Paris, 4 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois votre lettre du 28 janvier; elle ne m'instruit absolument en rien de ce que j'ai intérêt d'apprendre. Il est nécessaire que vous m'envoyiez l'état de situation de l'armée, l'état de ce que coûte la nourriture, de ce que rend le pays vénitien; l'état de tous les services, habillement, solde, etc.

Il ne faut point confondre les impôts ordinaires avec la contribution de guerre, qui doit être au profit de l'armée, et qui doit être versée dans la caisse de M. la Bouillerie. Vous ne m'apprenez pas non plus si l'on peut communiquer par terre depuis Monfalcone jusqu'à la Dalmatie, et si les Vénitiens avaient ce droit.


Paris, 4 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, les adresses que vous font les Italiens ne sont point convenables; ils ne pèsent point les mots, et les mots doivent être pesés.  Le remède à cela est de ne jamais imprimer leurs adresses. Mon intention est que vous preniez cela pour règle.


Paris, 4 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je suis surpris que vous ne me disiez pas un mot de votre voyage, ni de ce qui s'est passé dans le Tirol. Votre femme a été plus aimable que vous. Je désire cependant que vous m'en écriviez assez pour que je sache toujours où vous vous trouvez, où vous allez, et ce que vous faites; comment vous êtes ensemble, et quelle portion d'estime vous avez pour elle.


Paris, 4 février 1806

Au prince Joseph

Mon Frère, j'espère qu'à l'heure qu'il est vous êtes en marche sur Naples. Je n'ai pas besoin de vous dire que vous ne devez faire aucun bulletin ni aucune communication quelconque au public de ce passe à l'armée de Naples;  adressez-m'en les détails, pour que je voie ce qui doit en être publié. Il est même convenable que tout ce qui est relation officielle soit adressé directement au ministre de la guerre.


Paris, 5 février 1806

NOTES POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

I. Le ministre ayant présenté la question de savoir si les dépenses allouées aux préfectures par abonnement doivent être justifiées par pièces, l'Empereur a fait connaître l'opinion où il est que, l'abonnement étant un véritable forfait, les préfets ne sont point assujettis à cet égard aux règles ordinaires de la comptabilité.

II. Sa Majesté désire que le ministre présente le travail pour la nomination aux places d'agents de change vacantes.   Il y aura toujours pour chaque place plusieurs candidats, à moins que la place ne soit demandée par le fils ou le beau-fils du titulaire. Bien entendu que, dans ce cas, le candidat unique se trouvera d'ailleurs sur la liste du jury, et que le ministre le jugera digne du choix de Sa Majesté.

III. Le ministre fera connaître combien de centimes sont nécessaires pour les dépenses des départements de Montenotte et des Apennins. Il remarquera que, ces départements ayant très-peu de contributions, on ne peut les assujettir au maximum des 16 centimes.


Paris, 5 février 1806

NOTE POUR LE GRAND JUGE

Sa Majesté désire que les procureurs généraux de ses cours criminelles à Parme soient choisis parmi les procureurs généraux les plus distingués de France.

Elle désire, en même temps, que le procureur général qui va être nommé pour la cour d'appel de Gènes se rende sur-le-champ à Parme, afin d'y organiser toutes les parties de l'ordre judiciaire.

Ce procureur général correspondra chaque jour avec le ministre.

Il lui sera donné, pour cette mission extraordinaire, une indemnité suffisante.


Paris, 5 février 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

Sa Majesté désire que le ministre fasse mercredi un rapport sur l'ordre politique dans les départements de Gènes, des Apennins et de Montenotte. Si, pour la session actuelle du Corps législatif, les formes pour la nomination des députés ne peuvent pas être remplies, il convient de présenter un projet de sénatus-consulte qui statue qu'ils seront nommés par l'Empereur. Leurs fonctions ne dureront qu'un an.

Le ministre demandera à M. l'architrésorier et aux trois préfets une liste de candidats dignes du choix de Sa Majesté.


Paris, 5 février 1806

DÉCISION

Le ministre directeur de l'administration de la guerre rend compte à l'Empereur des différentes consommations de poudre qui ont en lieu sans autorisation, pour la célébration de la bataille d'Austerlitz et de la signature de la paix. Il prie Sa Majesté de décider si, contrairement à des ordres précédents, les généraux peuvent faire consommer des poudres pour des fêtes. Approuvé le passé. Quant à l'avenir, l'Empire est trop grand, les circonstances imprévues se renouvellent trop souvent, pour qu'il ne faille pas laisser une certaine latitude aux généraux de division et aux directeurs d'artillerie. Il convient de leur donner une latitude de cent coups de canon. Ainsi le directeur pourra, sur la demande du commandant ou de tout autre officier, autoriser à tirer des coups de canon dans la limite de ce nombre. Ce crédit de
cent coups épuisé, il en demandera un nouveau.

Paris, 5 février 1806

NOTES POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE

I. L'État de Parme et de Plaisance formera provisoirement un État militaire à part. Le général Junot en sera le commandant militaire. Le ministre nommera un commissaire ordonnateur. L'État de Parme et de Plaisance formant aussi provisoirement une direction du génie et une direction d'artillerie, les directeurs seront incessamment nommés. Cette situation provisoire ne durera pas plus de trois ans.

Il sera défendu de faire aucuns nouveaux travaux à l'arsenal et au polygone de Plaisance. Tous ces établissements doivent être transportés à Alexandrie.

II. Le ministre est invité à demander au général commandant actuellement la division si tous les commandants de place nommés pour les États de Parme et de Plaisance sont à leurs postes.

III. Indépendamment de Bardi, il y a sur les Apennins plusieurs châteaux, qu'il faut comprendre dans les places fortes. Le ministre est invité à en présenter promptement la nomenclature.

IV. Parmi les individus compris dans l'état des militaires des États de Parme, Plaisance et Guastalla, ceux qui ont moins de quarante ans seront admis à servir dans leur grade ; ceux de cet âge qui n'auraient pas pris de service, et ceux en général qui se trouveraient avoir moins de cinquante ans, seront classés dans les forts et auprès des commandants de place, avec jouissance du traitement pour lequel ils sont portés dans l'état. Parmi ceux qui ont plus de cinquante ans, les officiers conserveront leurs traitements, et les sous-officiers et portiers auront un traitement réglé conformément aux lois françaises.


Paris, 5 février 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE

Sa Majesté désire que le ministre de la guerre fasse connaître son mécontentement au général Montchoisy. Parme fait partie de la 28e division militaire; le général Montchoisy avait donc dans ces États l'autorité nécessaire. Si au premier mouvement il s'y était porté, l'ordre aurait été rétabli sur-le-champ. Le quart des forces dont on s'est servi aurait suffi, si on l'eût employé avec ordre et méthode. Mais, au contraire, le général commandant la division n'a rien fait : il n'a pas même écrit au ministre de la guerre.


Paris, 5 février 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DE LA GUERRE

On se trouve, à l'égard des prisonniers de guerre, dans une position tout à fait différente de celle où l'on a été dans les guerres précédentes. Il n'y a pas d'échange à espérer, puisque l'Autriche n'a pas plus de 400 prisonniers français. Il convient donc de disposer les choses de manière qu'il retourne le moins possible de soldats autrichiens en Autriche.

En conséquence, on préviendra les prisonniers qu'à dater du ler de mars ils ne seront plus payés, mais que l'on donnera des feuilles de route à ceux qui voudront se rendre au delà de la frontière. On les réunira douze par douze, et la gendarmerie les escortera. Arrivés au delà du Rhin, ils iront où ils voudront.

Le ministre écrira aux généraux commandant les divisions, les départements, aux préfets et à la gendarmerie, pour leur faire connaître que les prisonniers de guerre sont libres de rester ou de s'en aller. Les prisonniers qui seront malades seront soignés jusqu'à parfaite guérison.

Le ministre écrira aussi aux colonels d'Isembourg et de la Tour d'Auvergne, pour les engager à recruter les prisonniers le plus promptement et dans le plus grand nombre possible.

Il instruira les gouvernements de Bade, de Wurtemberg et de Bavière, de la mesure prise de laisser aller où ils voudront les prisonniers parvenus au delà du Rhin, et il fera connaître que, plus ils en retiendront à leur service, plus l'Empereur sera satisfait.

Le ministre présentera demain un projet de décret pour l'organisation de deux régiments de pionniers composés de prisonniers et de déserteurs. Chaque compagnie sera composée de 200 hommes chaque bataillon de cinq compagnies, et chaque régiment de quatre bataillons. Ces bataillons seront employés aux travaux des marais de Rochefort, à ceux du fort Boyard, etc.


Paris, 5 février 1806

DÉCISION

Le ministre directeur de l'administration de la guerre prie l'Empereur de décider si les consommations faites par les troupes campées ou cantonnées doivent être soumises au droit d'octroi rural établi dans le département du Pas-de- Calais en faveur des communes, dont les revenus seraient ainsi élevés hors de toute proportion, aux dépens du gouvernement. Le directeur de l'administration de la guerre et le ministre de la marine feront un rapport pour faire sentir les avantages que le payement par les communes aura d'abord pour la comptabilité des villes, ensuite pour le bien des troupes. Une ville a une recette considérable: puis les troupe partent, et elle n'a plus moyen de faire face aux dépenses dont elle a pris l'habitude. Il convient donc de statuer que les villes rembourseront sur l'état des revues. Citer Boulogne, etc.

DÉCISION

Le ministre des cultes rend compte à l'Empereur de la démission de M. de Nicolai, ancien évêque de Béziers, annoncée par le ministre de France à Florence. Cette démission ne mérite aucune sorte d'attention. Elle pouvait être de quelque intérêt avant que le Pape eût prononcé; mais, depuis que Sa Sainteté a déclaré les sièges vacants, l'Empereur reconnaissant au Pape toute la puissance des conciles, les anciens évêques n'ont plus de siéges dont ils puissent se démettre. Si la démarche de M. de Nicolai est une affaire de conscience, elle ne concerne et n'intéresse aucunement Sa Majesté.

Paris, 5 février 1806

A la princesse Auguste

Ma Fille, j'ai appris avec plaisir que vous êtes arrivée en Italie et assez bien portante pour pouvoir encore faire le voyage de Venise; mais ce qui m'a été tout à fait sensible, c'est de voir dans votre lettre les assurances du bonheur dont vous jouissez. Je prends un intérêt bien grand à toute votre vie, vous en êtes persuadée, et je ne me suis point trompé en espérant que vous seriez heureuse avec Eugène. Croyez bien que, si je n'avais pas eu cette opinion, j'aurais, dès le moment que je vous aurais connue, sacrifié mon intérêt politique à vos convenances. Votre lettre, ma bonne et aimable Auguste, est pleine de ces sentiments délicats qui vous sont propres. J'ai ordonné qu'on vous arrangeât une petite bibliothèque. Perfectionnez votre éducation en lisant beaucoup de bons livres, afin d'être tout à fait parfaite. J'imagine que madame de Wurmb est avec vous. J'espère que l'Impératrice vous envoie des modes, et que vous me direz aussi ce que je puis vous envoyer qui vous assure que je m'occupe de vous, et de tout ce qui peut vous être agréable à vous et à Eugène.

Reposez-vous. Il y a ici beaucoup de maladies; je ne sais pas s'il y en a autant en Italie.

Je finis, ma Fille, en vous recommandant mon peuple et mes soldats; que votre bourse soit toujours ouverte aux femmes et aux enfants de ces derniers; vous ne pouvez rien faire qui aille plus à mon cœur.


Paris, 5 février 1806

A M. Lavalette

Dites à M. Fiévée que je suis peu content de la manière dont est rédigé le Journal de l'Empire. Tout ce que les gouvernements étrangers font mettre pour masquer leur situation, le Journal de lEmpire ne manque pas de le copier et même de l'exagérer. Tout ce qu'il dit de l'entrée de l'empereur à Vienne est quarante fois plus que cela ne l'est réellement. Ce qui regarde la France, au contraire, est opposé. Parlez-lui-en; il faut que cela finisse. Un journal a une importance quelconque. 


Paris, 5 février 1806

Au général Dejean

Monsieur le Général Dejean, donnez ordre à la division du général Dupont, qui doit être depuis le 3 février à Darmstadt, de se rendre à Francfort, où elle fera momentanément partie du 7e corps de la Grande Armée, sans que le maréchal Augereau puisse déranger en rien l'organisation de cette division, qui devra rejoindre bientôt le 6e corps d'armée, auquel elle appartient.

Donnez ordre au maréchal Kellermann de faire partir la division Leval pour se rendre à Darmstadt, où elle cantonnera et sera sous les ordres du maréchal Lefebvre.

Donnez ordre au maréchal Lefebvre de porter son quartier général à Darmstadt.

La division de réserve du maréchal Lefebvre sera commandée par le général Broussier, qui partira de Paris aujourd'hui avant minuit. Le maréchal Lefebvre placera la gauche de cette division de manière à couvrir Mayence.

Tous ces corps vivront sur les pays de la rive droite. Le maréchal Augereau pourra s'étendre en avant de Francfort, en épargnant plus possible les petits princes amis de la France, mais en se faisant fournir par la ville de Francfort tout ce qui sera nécessaire à son corps d'armée.

Le général Lorge restera à Mayence, pour commander la 26e division militaire.

Si les compagnies de grenadiers du corps du maréchal Kellermann ne font pas partie de la division Leval, ce maréchal pourra les réunir toutes à Strasbourg pour faire le service de Kehl.

Écrivez au maréchal Berthier que je désire qu'il donne ordre à deux colonels de cavalerie, que j'ai dernièrement faits généraux, de se rendre, l'un à la division Leval, l'autre à la division Broussier, pour y prendre le commandement de la cavalerie. Ces officiers seront remplacés par les nouveaux colonels qui succèdent à leurs régiments.

Recommandez au maréchal Lefebvre de faire exercer tous les jours ses troupes dans leurs cantonnements, et de leur faire faire l'exercice à feu trois ou quatre fois par semaine.

Faites partir à minuit un aide de camp porteur de vos ordres.

Il ira à Strasbourg, ensuite à Mayence, de là à Darmstadt auprès du général Dupont. Il passera quelques jours à Francfort, afin d'y recueillir des renseignements sur la situation des choses et sur la manière dont les troupes y sont.


Paris, 5 février 1806

Au général Gazan

Monsieur le Général Gazan, j'ai reçu votre lettre du 20 janvier.

Votre réclamation est très-juste. Vous avez servi avec distinction. Vous êtes fait grand officier de la Légion d'honneur. C'est par erreur que vous n'avez pas été porté dans l'état des promotions faites à Schoenbrunn. Je ne regrette point cette erreur, puisqu'elle me fournit l'occasion de vous assurer de l'estime que je vous porte et de ma satisfaction de votre bonne conduite militaire au combat de Dürrenstein.


Paris, 5 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois vos lettres du 29 janvier. Vous m'instruisez que 15,160 conscrits sont entrés depuis le ler messidor jusqu'au 11 janvier, dans mon royaume d'Italie. Si vous le savez, faites-moi connaître combien il en est entré dans la 27e division militaire. Je lirai avec intérêt l'état de situation des corps qui composent votre armée, ainsi que des 3e et 4e bataillons et des dépôts.

J'ai reçu le budget. Je m'en fais rendre compte, et je vous le renverrai , dans la huitaine, approuvé, avec les changements que je croirai convenable d'y faire. Je l'ai trouvé beaucoup trop fort; il ne faut pas qu'il passe trois millions. Si on laisse subsister le budget comme vous l'avez arrêté, il montera à dix millions, puisqu'il n'y a pas là les dépenses extraordinaires et imprévues.


Palais des Tuileries, 6 février 1806

DÉCRET

ARTICLE ler. - Les sieurs Ouvrard, Vanlerberghe, Michel aîné,  entrepreneurs du service du trésor public pour l'an XIV, et Desprez, agent des négociations, sont déclarés rétentionnaires, sur les sommes qu'ils ont reçues pour ce service depuis le premier fructidor dernier, de la somme de quatre-vingt-sept millions de francs, qu'ils ont détournée pour des spéculations particulières et pour des opérations, avec l'Espagne, qui leur sont personnelles.

ART. 2. - Ils sont tenus de verser au trésor, dans le plus court délai :

1° En obligations de la maison Hope, payables par portions égales, dans les dix derniers mois de 1806, la somme de 8,500,000 francs, à valoir à l'emprunt dont la maison Hope a été chargée pour l'Espagne et qui a été délégué à la compagnie;
2° Sur les traites d'Espagne, qui existent entre les mains de la maison Hope pour garantie de celles qui sont déposées au trésor public et n'ont pas été acceptées, 3,802,006 piastres, qui seront prises en compte par le trésor à 3 francs 75 centimes, d'après lequel versement les quatorze millions de traites Power et Tourton et les dix-sept millions de traites non acceptées seront remis à la compagnie;
3° Six millions de piastres, également à 3 francs 75 centimes, qui existent entre les mains de ladite maison Hope pour le compte de l'Espagne;
4° Vingt-quatre millions de traites Spinosa existant au trésor; les six millions restant desdites traites Spinosa seront rendus à la compagnie;
5° Dix-huit millions en bons signés de la compagnie, dont le trésor se remboursera par une retenue de moitié sur les ordonnances qu'elle recevra des ministres de la guerre et de la marine.

ART. 3. - Le ministre du trésor public enverra dans le jour un homme de confiance à Amsterdam, pour se faire remettre les valeurs étant entre les mains de la maison Hope.

ART. 4. - A défaut d'exécution des versements prescrits par les articles ci-dessus, lesdits sieurs Ouvrard, Vanlerberghe, Michel aîné et Desprez seront arrêtés. Le séquestre sera mis sur leurs bien ainsi que sur ceux qu'ils auraient vendus depuis le ler vendémiaire an XII, sans avoir aucun égard aux hypothèques légales, et il subsistera jusqu'à ce que le Corps législatif ait prononcé sur les mesures extraordinaires qu'autorisent les circonstances extraordinaires de cette affaire.

ART. 5. - Notre ministre du trésor public est chargé de l'exécution du présent décret.


Paris, 6 février 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES

L'Empereur envoie à M. de Talleyrand un extrait de la Gazette de Bayreuth. On nous y menace de l'arrivée de 200,000 Russes. Les Prussiens sont fous, en vérité. Que M. de Talleyrand dise à M. de Haugwitz qu'il faut enfin que cela finisse.


Paris, 6 février 1806

NOTE POUR M. LACÉPÈDE

Sa Majesté a vu avec plaisir que le prince de la Paix a réglé le subside à onze millions. Il compte également que le prince de la Paix voudra bien prendre des mesures pour que l'arrêté de compte d'Ouvrard soit exécuté et le traité de Spinosa soldé à ses échéances.

M. lzquierdo fera connaître que le service d'Espagne a été fait aux dépens du trésor de France; qu'il en est résulté un déficit qui a produit la disgrâce de Barbé-Marbois, et qui ne peut être comblé que par le payement de ces effets et la réalisation de l'arrêté de compte.

L'Empereur appuiera de toute son influence, et, s'il le faut, de ses armes, tout ce que le prince de la Paix voudra faire relativement au Portugal. Il est prêt à signer et à prendre tous les engagements que le prince de la Paix jugera nécessaires pour cet objet.

Quant aux opérations de l'Irlande, tout ce qui intéresse cette partie si importante de la catholicité est fort à cœur à Sa Majesté; mais il faut prendre garde de se laisser tromper par des aventuriers. Cependant l'Empereur va reporter son attention sur sa marine, sur sa flottille, et prendre toutes les mesures pour réduire l'Angleterre, si elle ne fait pas la paix.


Paris, 6 février 1806

Au vice-amiral Decrès

Le 3e bataillon de la légion du Midi, qui est à l'île d'Oléron, est le corps désigné pour s'embarquer pour la Martinique. Envoyez les bombes. Si les onze mortiers de 10 pouces qui sont à Rochefort sont à grande portée, faites-les partir, avec quelques cordages et toiles, pour la Martinique.


Paris, 6 février 1806

A M. de Portalis, ministre des Cultes, à Paris

Faîtes-moi connaître si M. l'abbé de Lezay, ancien chanoine de Lyon, est capable d'être évêque

(Brotone)


Paris, 7 février 1806

A M. Fouché

Le sieur Signeul, ci-devant agent des relations commerciales en Suède, a écrit à des Français la lettre impertinente que vous trouverez ci-jointe. Il ne convient pas d'ailleurs qu'un agent suédois reste plus longtemps en France. Vous ferez connaître au sieur Signeul qu'il doit se retirer sans aucun délai, et vous tiendrez la main à ce qu'il exécute sur-le-champ l'ordre que vous lui aurez donné.


Paris, 7 février 1806

A M. Fouché

M. Portalis m'a fait connaître l'existence de plusieurs journaux ecclésiastiques et les inconvénients qui peuvent résulter de l'esprit dans lequel ils sont rédigés, et surtout de la diversité des opinions en matière religieuse. Mon intention est, en conséquence, que les journaux ecclésiastiques cessent de paraître, et qu'ils soient réunis en un seul journal qui se chargera de tous leurs abonnés. Ce journal devant servir spécialement à l'instruction des ecclésiastiques, s'appellera Journal des Curés. Les rédacteurs en seront nommés par le cardinal-archevêque de Paris.


Paris, 7 février 1806

Au prince Eugène de Wurtemberg

Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 25 janvier. Je saisirai avec plaisir les occasions qui se présenteront de vous donner des preuves de l'estime que je vous porte et de l'attachement que j'ai pour votre Maison; mais, dans les affaires de la nature de celles dont vous me parlez, ce sont les événements, plus que la volonté, qu'il faut rencontrer.


Paris, 7 février 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, un de vos courriers a perdu ses dépêches; envoyez-m'en la copie; j'espère qu'elles ne sont pas très-importantes.

J'imagine que vous avez pris des mesures pour que les détachements que le corps de Bernadotte a du côté d'Ulm rejoignent à Eichstaedt. Prévenez ce maréchal de se tenir en mesure de guerre.

Faites-moi connaître le nombre de troupes que la Prusse a du côté d'Anspach, car mon intention est de l'occuper aussitôt que je saurai que les Prussiens sont entrés en Hanovre.


Paris, 7 février 1806

Au général Junot, commandant militaire de l'État de Parme et de Plaisance

Monsieur le Général Junot, je reçois votre lettre de Parme, du 30 janvier, et celle de Plaisance, du ler février. Je ne suis pas satisfait de l'esprit qui y règne. Je veux que M. Moreau ait mal administré, et vous verrez que je l'ai rappelé et remplacé par un préfet; mais cela ne justifie point la rébellion. Le rapport du major du 42e est d'un homme qui ne connaît pas les Italiens, qui sont faux. Séditieux sous un gouvernement faible, ils ne redoutent et ne respectent qu'un gouvernement fort et vigoureux. Mon intention est que le village qui s'est insurgé pour se rendre à Bobbio soit brûlé, que le prêtre qui est entre les mains de l'évêque à Plaisance soit fusillé, et que trois ou quatre cents des coupables soient envoyés aux galères. Je n'ai pas les mêmes idées que vous de la clémence. Vous ne sauriez être clément qu'en étant sévère, sans quoi ce malheureux pays et le Piémont sont perdus, et il faudra des flots de sang pour assurer la tranquillité de l'Italie. On a connu la rébellion; il faut qu'on connaisse la vengeance et la punition. Je réitère l'ordre au prince Eugène de faire partir le 3e régiment d'infanterie légère et le 67e de ligne. Faites partir pour Naples le bataillon suisse. Dirigez les dépôts de tous les corps sur Mantoue; j'ai ordonné au prince de les envoyer à leurs corps. J'ai fait de l'État de Parme un État à part, dans l'indépendance la plus absolue de la 27e et de la 28e division militaire et j'ai ordonné qu'un ordonnateur et un payeur vous fussent envoyés. Pour les contributions, ne vous éloignez pas du système établi pour les chefs de ce service qui correspondent avec le trésor. Vous n'avez rien à faire avec l'architrésorier. Du reste, je ne partage point votre opinion sur l'innocence des paysans de Parme. Ce sont de grands coquins, qui se sont portés aux plus grands excès; et je m'étonne qu'un de mes plus anciens soldats trouve que ce soit un médiocre délit que de résister à mes armes, de méconnaître le respect dû à mes drapeaux. Ma volonté est qu'ils soient révérés avec des sentiments religieux. Marchez vous-même dans tous les villages; soyez toujours à cheval, et apprenez-moi chaque jour ce que vous aurez vu et ce que vous aurez fait. Je ne désapprouverai point les récompenses que vous donnerez, mais que les punitions soient nombreuses et sévères; n'épargnez personne. Ne croupissez pas dans les villes. Ne parlez qu'à moi des abus de l'administration. Tous les abus, les excès de tyrannie même de mes agents, seraient-ils aussi nombreux que ceux de Carrier, sont excusés à mes yeux le jour où les rebelle comme ceux de Parme, courent aux armes et se font justice eux mêmes. Croyez à ma vieille expérience des Italiens. Votre conduite, d'ici à un mois, influera beaucoup sur le respect de mes peuples d'Italie pour mon gouvernement. Brûlez un ou deux gros villages, qu'il n'en reste point de traces. Dites que c'est par mon ordre. Quand on a de grands États, on ne les maintient que par des actes de sévérité. Rien n'absout les habitants des États de Parme. Secondez la gendarmerie et purgez le pays de ces brigands.


Paris, 7 février 1806

Au prince Joseph

Mon Frère, je reçois votre lettre du 9-8 janvier. J'approuve fort la réponse que vous avez faite au prince royal de Naples. Ce sont de mauvaises plaisanteries qu'il faut enfin finir. Tous les mandats qu vous tirerez sur Paris seront exactement payés. Je suis surpris du mauvais état de votre artillerie et de la pénurie de vos services; voila le résultat de la conduite des généraux qui ne pensent qu'à voler. Tenez-y bien la main. Je ne vous demande qu'une chose : soyez bien le maître. Il me tarde d'apprendre que vous êtes à Naples.

J'approuve votre retard de quelques jours; il faut le temps à tout, et je suis fort de votre opinion qu'il vaut mieux commencer quelques jours plus tard et aller droit au but. Marchez hardiment. Tout ce que vous ferez pour améliorer les services de votre armée, jusqu'à votre entrée à Naples, sera dans mon sens. Envoyez-moi l'état des emprunts que vous avez faits et des traites que vous avez tirées, en distinguant ce qui est emprunt particulier de ce qui est traite, afin que je fasse payer les uns par ma caisse et les autres par le trésor public. Vous ne sauriez avoir trop d'officiers d'état-major. A votre entrée à Naples, faites une proclamation pour déclarer que vous ne souffrirez pas qu'aucune contribution particulière soit levée; que l'armée en général sera récompensée, et qu'il n'est point juste que quelques individus s'enrichissent des travaux de tous. Je ne vois pas que vous ayez encore choisi des aides de camp d'un mérite sûr; prenez un officier d'artillerie et un du génie.

Fox est aux relations extérieures, Grenville à l'intérieur, Spencer à l'amirauté, Addington à l'échiquier, Hawkesbury à la trésorerie, Windham à la guerre, Sheridan receveur. Vous connaissez assez l'Angleterre pour pouvoir vous former une idée de ce que cela peut produire.

Je suis fort content de mes affaires ici. Il m'a fallu beaucoup de peine pour les arranger et pour faire rendre gorge à une douzaine de fripons, à la tête desquels est Ouvrard, qui ont dupé Barbé-Marbois à peu près comme le cardinal de Rohan l'a été dans l'affaire du collier, avec cette différence qu'ici il ne s'agissait pas de moins que quatre-vingt-dix millions. J'étais bien résolu à les faire fusiller sans procès. Grâce à Dieu, je suis remboursé. Cela n'a pas laissé que de me donner beaucoup d'humeur. Je vous dis cela pour vous faire voir combien les hommes sont coquins. Vous avez besoin de savoir cela, vous qui êtes à la tête d'une grande armée, et bientôt d'une grande administration. Les malheurs de la France sont toujours venus de ces misérables.

J'ai ici M. de Haugwitz ; nous ne sommes pas encore arrangés ensemble. Cette cour de Prusse est bien fausse et bien bête. Toute mon armée est encore en Allemagne.

Si cela est possible, je serais fort aise d'apprendre votre entrée à Naples avant mars, tant parce que c'est l'époque où j'ouvre la session du Corps législatif, que parce que c'est celle où mes troupes repassent l'Inn. Ce sera déjà une vieille affaire. Il n'y a pas de tergiversation, pas d'hésitation à avoir. Les Bourbons ont cessé de régner à Naples. Ce qui est dit dans ma proclamation est immuable.

Envoyez-moi les états de situation de tout ce qui compose vos corps.

Schimmelpenninck ne voit plus clair; il a perdu entièrement la vue.

Ayez soin, dans tout ce que vous direz de Naples, de vous souvenir que la Maison d'Espagne est la même Maison que celle Naples, et de ne rien dire qui puisse l'offenser.

Je prends le plus grand intérêt à votre prospérité, et surtout votre gloire; c'est, dans votre position, le premier besoin; sans elle la vie ne peut avoir aucune douceur.

J'avais primitivement envoyé Mathieu Dumas dans la Dalmatie. J'espère qu'il vous aura rejoint. Je ne crois pas du reste qu'il vous soit aussi utile que vous le pensez; il n'a pas l'expérience de la guerre. Cependant j'apprendrai avec plaisir qu'il vous est arrivé.

Le marquis de Gallo partira dans peu de jours pour se rend reprès de vous, et, le premier, vous prêtera serment d'obéissance.


Paris, 8 février 1806

DÉCISION

On propose à l'Empereur de faire exécuter en marbre les six bustes des grands dignitaires, qui ne coûteraient que 24,000 francs, au lieu que la dépense des statues serait de 114,000 francs.   Je ne veux point de bustes ; on fera faire en marbre leurs statues dans le plus court délai.

Paris 8 février 1806

DÉCISION

On demande à l'Empereur si la statue de la Paix, exécutée en plâtre par Chaudet, sera coulée en bronze avec la matière des canons enlevés à l'ennemi, et quelle sera sa dimension ? Si c'est la statue décrétée par le Sénat, elle doit être de grandeur à être mise dans un salon de l'Empereur. Mais je pensais que l' intention du Sénat était qu'elle fût en argent.

Paris, 8 février 1806

A M. Fouché

Je suis bien surpris que vous m'entreteniez de choses aussi ridicules sur M. de Haugwitz, que de le faire dîner chez un restaurateur et de le faire aller au théâtre de la Montansier. Il ne faudrait pas mettre des choses aussi ridicules dans vos rapports.


Paris, 8 février 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, M. de Haugwitz est arrivé. Je crois nécessaire de vous faire connaître en peu de mots ma situation avec la Prusse. Vous connaissez le traité que j'ai conclu à Vienne avec ce ministre. Le Roi a jugé à propos de le ratifier avec des modifications, des corrections , des additions. Cela péchait par la forme, et aussi par le fond, car cela dénaturait tout à fait le traité. M. Laforest s'est refusé longtemps à accepter cette ratification; enfin il l'a acceptée à condition que j'approuverais. Je l'ai reçue à Munich. Comme on m'annonçait en même temps M. de Haugwitz, je n'ai rien dit. M. de Haugwitz; est arrivé; je l'ai vu; je lui ai déclaré que je n'approuvais pas la ratification, que je regardais le traité comme non avenu, et je lui ai témoigné tout mon mécontentement. Voilà notre situation.

Les Prussiens n'ont pas désarmé. Une quinzaine de milliers de Russes sont encore à l'extrémité de la Silésie. J'ai donc jugé à propos de vous instruire de cette situation des choses, pour que vous préveniez le maréchal Bernadotte de se tenir sur ses gardes et en mesure militaire, quoique les Prussiens se soient en grande partie retirés de la Saxe. Faites-lui connaître qu'il serait possible que je lui donnasse bientôt l'ordre d'entrer dans le marquisat d'Anspach.

Le maréchal Augereau est à Francfort avec son corps d'armée, la division Dupont et les Bataves. J'ai envoyé le maréchal Lefebvre à Darmstadt avec deux divisions de la réserve qu'il commande, faisant à peu près 14 à 15,000 hommes. J'imagine que le maréchal Mortier est déjà arrivé à Eichstaedt.

Le roi et la reine de Naples sont embarqués; les Russes et les Anglais sont embarqués. Le prince Joseph compte entrer à Naples le 15 février.

Je ne sais ce que vous voulez me dire pour la remise du Tyrol, puisque le Tyrol n'appartenait pas à l'Autriche. Il m'appartient par droit de conquête; c'est à moi à le remettre au roi de Bavière.

Chassez le commissaire d'Autriche; l'Autriche n'a rien à y faire.

Quant à Salzburg (D'après deux rapports de Berthier, en date du 14 et du 18 février 1806, faut lire ici Würzburg au lieu de Salzburg, écrit par erreur) si le roi de Bavière ne l'a pas remis, qu'il le garde encore; on peut y rester encore deux mois, et, en attendant vivre dans le pays : parlez-lui-en dans ce sens; on est toujours à temps de céder.

J'imagine que les maréchaux Ney, Soult, Davout ont leurs corps réunis, approvisionnés de tout et en état de faire campagne. Vous pouvez même leur écrire une petite lettre confidentielle pour leur dire que tout n'est pas fini avec la Prusse; que le maréchal Augereau est à Francfort, Lefebvre à Darmstadt; qu'ils se tiennent toujours en mesure; que tout se réorganise, et que rien ne leur échappe. Vous-même ayez l'œil que tout, dans ce sens, se maintienne en règle.

J'ai laissé à Strasbourg un piquet de mes chevaux et 300 hommes de ma Garde; au moindre événement, j'y arriverai comme l'éclair; mais ayez la plus grande prudence, car il ne faut pas donner une alarme inutile.

A l'heure qu'il est, vous savez que Pitt est mort; mais vous ignorez peut-être que Cornwallis est mort aussi; cette mort met les Anglais dans un grand embarras aux Indes; ils comptaient beaucoup sur le caractère sage de cet homme estimable pour rétablir leurs affaires dans ce pays. Ils n'ont plus que des subalternes pour gouverner; ilsi sont là dans une situation assez critique.

On dit que Fox est aux affaires étrangères, Windham à la guerre, Spencer à l'amirauté, le célèbre Addington à la trésorerie; mais tout cela n'est pas très-certain.

Vous pouvez autoriser le maréchal Bernadotte à s'étendre surles1 possessions de l'Ordre teutonique et des petits princes qui avoisine Eichstaedt.


Paris, 8 février 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, j'ai envoyé les états de situation des armées de Naples et d'Italie aux bureaux de la guerre, comme vous le demandez. J'ai appris avec plaisir que l'artillerie autrichienne était toute arrivée à Braunau. Il faut faire évacuer de préférence toute l'artillerie russe. Je regarde comme très-important de faire évacuer cette artillerie derrière le Lech. Il doit y avoir à Augsbourg 1,200 ou 1,500 chevaux dernièrement arrivés de Strasbourg, qui pourront servir à cette évacuation. Il sera important qu'au 1er avril, terme où nous devons évacuer Braunau , il ne s'y trouve point d'artillerie et qu'elle soit toute an delà d'Augsbourg. Mon intention est que la division qui restera à Braunau n'évacue la rive gauche de l'Inn que lorsque toute cette artillerie en sera enlevée.

Cependant je ne puis concevoir qu'il faille tant de temps : deux mille pièces d'artillerie ne font jamais que les charrois de 12,000 chevaux. Le pays peut fournir des moyens; en huit jours, on peut aller de Braunau à Augsbourg; ainsi, au 1er avril, on aura pu faire quatre voyages, et toute l'artillerie peut se trouver évacuée. Je ne m'oppose point d'ailleurs à ce qu'on embarque sur l'Inn pour faire filer le long du Danube tout ce qu'on pourra; mais on doit laisser à Passau un bon corps de troupes, jusqu'au moment où ce que l'on doit évacuer par le Danube ait dépassé Ingolstadt.


Paris, 8 février 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, donnez ordre au général Donzelot de se rendre sans délai à l'armée de Naples, pour être employé dans cette armée à l'expédition de Sicile. Donnez le même ordre au général Lamarque. Faites remplacer le général Lamarque par un des nouveaux généraux de brigade que j'ai faits, et le général Donzelot par un général propre au service de l'état-major, qui ait particulièrement votre confiance, et qui porte dans le corps où il passera l'esprit des autres corps de la Grande Armée.


 Paris , 8 février 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean , il est indispensable que j'aie un état qui me fasse connaître la situation des travaux du génie au delà des Alpes, ce qu'on a dépensé en l'an XIII, et en l'an XIV jusqu'au ler janvier 1806, et la situation des travaux à cette époque. Faites-moi également connaître quels sont les projets pour la campagne prochaine. Mou intention est surtout qu'on me soumette les projets de Venise, Palmanova, Osoppo et Porto-Legnago. Je pense que l'argent que l'on emploierait à la Rocca d'Anfo serait une dépensé inutile; également à Peschiera; également à Pizzighettone. Il faut travailler à Mantoue, mais lentement, n'ayant que très-peu de fonds à y mettre. Sur mes finances d'Italie, je dépenserai volontiers, en 1806, 500,000 livres de Milan à Legnago, 1,500,000 livres à Palmanova, et un million à Osoppo. Quant à Venise, je n'ai pas assez d'idées là-dessus; mais si, après le rapport qui me sera fait, j'adopte le principe de garder cette ville, j'y ferai volontiers les dépenses convenables. A Mantoue, il me paraîtrait suffisant, pour cette campagne, de faire les demi-lunes avec les contrescarpes; je ne voudrais pas y dépenser plus de 200 à 300,000 francs.


Paris , 8 février 1806.

Au vice-amiral Decrès

J'aurais besoin, à Naples, de forces navales pour aider au passage du détroit de Messine. Présentez-moi demain la note de tous les bricks, tartanes armées de 24, felouques, demi-galères, goélettes, chaloupes canonnières, qui pourront partir de mes ports de la Méditerranée pour se rendre à Cività-Vecchia, d'où ils seraient envoyés à Naples du moment que mon armée y sera arrivée. Je compte qu'elle y sera le 20 février. Faites-moi connaître aussi le nom de deux ou trois officiers capables de commander cette expédition. Vous mettrez en note, à côté de chaque bâtiment, le nombre d'hommes qu'il pourra porter, ainsi que son armement en canons. Vous m'apporterez cela demain, à la messe.


Paris , 8 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois votre lettre du 29 janvier, avec les deux projets de décrets qui y étaient joints. Il ne faut jamais parler de réunion du pays de Venise au royaume d'Italie, puisque je n'ai pas encore fait connaître mes intentions là-dessus. C'est dans ce sens que je n'approuve pas le considérant d'un de vos décrets ; j'en approuve du reste le contenu. J'imagine que les deux millions de monnaie de Milan ne sont qu'un à-compte. Vous ne parlez pas des contributions de guerre. Voilà huit jours que vous êtes arrivé dans le pays vénitien, et je n'ai encore ni la situation de votre armée, ni la situation de l'imposition de guerre qu'a payée le pays vénitien, ni l'aperçu des moyens qu'il y a de communiquer avec l'Istrie et la Dalmatie. Tous ces renseignements me sont utiles; ne tardez pas à me les envoyer.


Paris, 8 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, j'ai reçu votre lettre du 31 janvier avec le résumé de la situation des finances de mon royaume d'Italie. J'ai vu avec plaisir que les recettes étaient considérables, et que les finances des différents ministères étaient en bon état. Vous trouverez ci-joint le budget de ma Maison; tenez la main à ce qu'il soit ponctuellement exécuté, et qu'aucun ordonnateur de dépenses ne le dépasse, sous quelque prétexte que ce soit.

A dater du ler janvier 1806, le fonds que vous touchiez comme archichancelier d'État doit rester en réserve; ne comptez donc plus dessus. Vous donnerez ordre qu'on ne le touche plus et qu'on le laisse au trésor. Dans six mois, je vous ferai connaître la destination que je donne à ce fonds.

Je désire beaucoup que vous me fassiez connaître le véritable état des dépenses des différents ministères pour 1805 , ainsi que le budget de 1806 en recettes et en dépenses. Tout ce qui est relatif au port de Volano est devenu désormais inutile. Je vous ai demandé des renseignements sur la situation des domaines nationaux de Venise; je n'ai encore rien reçu; cependant il devient urgent que je sache à quoi m'en tenir. J'ai nommé administrateur des finances dans le pays de Venise le conseiller d'État Dauchy (Luc-Jacques-Édoaurd Dauchy. 1757-1817. Conseiller d'État, nommé intendant général des provinces Illyriennes), pensant que M. Rostagny n'est point dans le cas de remplir cette place en chef. Je lui ai laissé la direction des finances de Venise. Avant de réunir ce pays à mon royaume d'Italie, je veux savoir les ressources que j'en aurai tirées pour mon armée; je veux aussi attendre que la paix soit bien assurée. M. Dauchy sera sous vos ordres et correspondra aussi avec le ministre des finances de Paris.


Paris, 9 février 1806

Au cardinal Fesch

Mon Cousin, j'ai reçu vos lettres du 31 janvier; j'attends que vous m'appreniez que vous avez pris possession des palais Farnèse de Venise en mon nom. Faites-moi connaître ce que je puis en faire, afin que je n'aie plus à y revenir.


Paris, 9 février 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, l'empereur d'Autriche a fait demander, il y a quelque temps, qu'il lui fut permis de retirer d'un des châteaux du Tyrol des armes qui s'y trouvaient;  j'espère que tout ce qu'il y a de curieux, et surtout l'armure de François Ier, ne lui aura pas été donné ; j'attache surtout une grande importance à conserver cette armure.


Paris, 9 février 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin , je reçois votre lettre du 1er février. Ce qu'il y a de plus simple, pour les affaires de Munich, c'est ce que vous axez fait. Votre note répond à tout.

Quand vous serez d'accord avec M. Otto, je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous mettiez en possession les rois de Bavière et de Wurtemberg, et Bade, de ce qui leur revient, excepté lorsqu'il s'agira d'affaires contentieuses qui ne seront pas exprimées dans le traité, lesquelles vous soumettrez à ma décision. Je vous ai écrit d'envoyer l'ordre au maréchal Bernadotte de s'étendre dans les pays où il y a des petits princes. Donnez les ordres pour qu'on guérisse la gale. Du reste on traite avec M. de Haugwitz; dans deux ou trois jours tout sera terminé , et je saurai le parti que j'aurai à prendre.

Je vous autorise à faire partir la division de dragons qui est à Eichstaedt pour Francfort, et à faire passer à Eichstaedt une autre division de dragons. Je vous ai déjà fait connaître que le maréchal Mortier devait se rendre du côté d'Eichstaedt. Il me tarde aussi d'avoir mon armée chez moi ; mais il faut que chaque chose se fasse en son temps.


Paris, 9 février 1906

Au prince Joseph

Mon Frère, le capitaine de vaisseau Jacob (Louis-Léon, comte Jacob, 1768-1854, vice-amiral. Il va être nommé par Joseph, en mars, préfet maritime) doit être arrivé à Naples pour commander votre marine. Je fais mettre à sa disposition les frégates et tous les bâtiments légers dont je puis disposer. Le ministre de la marine, qui lui écrit, lui fait part des ordres que je lui ai donnés pour cet objet. J'ai ordonné qu'on vous envoyât un bon comptable pour vous servir de receveur général.

Vous pouvez nommer un Napolitain pour ministre des finances. Nommez ministre de la guerre M. Miot, s'il a votre confiance, comme je le suppose. Je vous enverrai aussi deux ou trois auditeurs, jeunes gens sûrs, et qui pourront vous être utiles.


Paris, 9 février 1806

Au prince Joseph

Mon Frère, s'il y a un ministre de Russie près la cour de Sardaigne, on quelque ministre de Sardaigne à Rome, chassez-les de Rome.

Arrivé à Naples, la première chose que vous devez faire, c'est de conserver les places à tout le monde; immédiatement après, opérer un désarmement général; enfin établir un bon ministre de la police; chasser de Naples tous les étrangers; faire saisir toutes les marchandises anglaises qui se trouveraient dans le royaume, ce qui vous procurera beaucoup de ressources. Faites arrêter les trois ou quatre Toscans qui ont toujours été les plus forcenés agents d'Acton , et dirigez-les sur Fenestrelle, où vous enverrez tous les individus que vous ferez arrêter qui vous embarrasseront .

Surtout ne perdez pas un moment, une heure, pour tâcher d'enlever la Sicile. Beaucoup de choses seront faciles dans ce premier moment qui seront plus difficiles après. J'ai ordonné qu'on fit passer beaucoup de bâtiments à Cività-Vecchia pour de là être envoyés à Naples; mais je crains qu'ils ne tardent à arriver.

Je pense que vous pourrez nommer, si vous le jugez convenable, Saliceti votre ministre de la police. Prenez le titre de gouverneur général, et faites précéder tous vos actes de cette formule : " Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions de l'empire, Empereur des Français, Roi d'Italie : Joseph, grand électeur, gouverneur général des royaumes de Naples et de Sicile, en vertu des pouvoirs qui nous ont été délégués par notre auguste frère et souverain, avons ordonné et ordonnons ce qui suit. "

Quand vous aurez pris Naples et que tout aura pris une physionomie, je vous ferai connaître mes dispositions pour vous faire reconnaître roi de Naples.


Paris, 9 février 1806

Au prince Joseph

Mon Frère, je reçois votre lettre du 31 janvier. Je vous le répète, concentrez toutes vos forces, de manière qu'elles ne soient pas assez éloignées pour ne pouvoir se réunir dans un jour. Le principal est de prendre Naples. Naples pris, tout tombera, et la province qui n'aurait pas été soumise par deux régiments le sera par une compagnie. Tenez donc le corps du général Lechi à portée de votre centre. Mais, puisque les Anglais et les Russes sont embarqués, il n'y a plus aucun obstacle qui vous arrête. Marchez donc droit sur Naples. Le général Saint-Cyr doit, à l'heure qu'il est, être rendu à votre armée. A peine l'ai-je entrevu à mon lever, que je lui ai donné l'ordre partir. Je n'ai voulu rien entendre de lui. Tenez tout le monde un peu roide.

L'état de situation que vous m'avez envoyé n'est pas clair. Je ne vois pas l'état de situation de la division du général Gardanne, ni sa force. Que M. César Berthier se donne la peine de faire des état en règle, avec l'artillerie, les chevaux, etc. , etc. , et ne m'envoie pas des résumés qui ne disent rien. Les états de situation des armées sont pour moi les livres de littérature les plus agréables de ma bibliothèque, et ceux que je lis avec le plus de plaisir dans mes moments de délassement.

Je vois déjà, dans ceux que vous m'envoyez, des traces du désordre que Masséna met partout ; j'y vois des compagnies qui ne sont pas de l'armée de Naples; cette inattention finira par mettre dans l'administration de l'armée un désordre destructif de l'ordre et de la discipline.

Envoyez-moi des états bien exacts. Je vais m'occuper de vous envoyer de l'artillerie et du personnel ; vous allez avoir beaucoup de places fortes à faire commander. 


Paris, 10 février 1806

DÉCISION

On fait connaître à l'Empereur la situation actuelle de l'Opéra-Comique, et on demande des secours pour ce théâtre. Renvoyé à M. Auguste Talleyrand. Je donnerai volontiers 100,000 francs d'encouragement au théâtre, mais à condition que les premiers acteurs y rentreront, et qu'il sera digne de son ancienne réputation; sans quoi, je cesserai de lui donner aucun secours.

 Paris, 11 février 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DICTÉ EN CONSEIL D'ADMINISTRATION

Les différents projets avant pour objet l'embellissement de la ville de Paris, et l'état de situation des travaux ordonnés dans le même but, sont mis sous les yeux de Sa Majesté, qui prescrit les dispositions suivantes :

Le ministre de l'intérieur apportera au conseil relatif à l'administration de la ville de Paris, qui se tiendra jeudi prochain :

1° Un compte rendu de l'exécution des divers décrets pris jusqu'à ce jour pour l'embellissement de la ville , ou des obstacles qui s'y sont opposés;
2° Les plans et projets des opérations à faire sur le terrain des Capucines; 
3° Les projets de décrets pour ordonner le prolongement du boulevard sur le terrain de l'Arsenal et l'établissement de la gare, la construction du quai Saint-Paul jusqu'au nouveau pont du Jardin des plantes , la formation d'une place aux abords de ce pont, l'ouverture d'une rue dans la direction de ce pont jusqu'à la rue de Charenton.

Le ministre présentera, avant le mois de mars, un rapport s l'amélioration de la navigation de la Seine, dans l'intérieur de Paris, par le moyen de la suppression de la Samaritaine, de la pompe Notre-Dame et des moulins qui embarrassent le cours de la rivière.

Le ministre présentera à la même époque un rapport sur les démolitions à faire, soit au pont Saint-Michel, soit sur les bords de la rivière pour la découvrir dans les divers points où il y a des inconvénients, pour la sûreté des habitants et pour la facilité des communications, à laisser subsister les constructions existantes. Les projets une fois arrêtés, on pourra fixer pour leur exécution, des délais d'une ou plusieurs années.


Paris, 11 février 1806.

A M. Champagny

Monsieur Champagny, il faudrait s'occuper de rédiger l'exposé de la situation de l'empire depuis l'an XII. Vous pouvez suivre les mêmes principes que pour les exposés des années dernières; mais on pourrait rendre celui-ci fort utile en ce qu'il contiendrait des tableaux et différentes notes, soit sur les travaux faits, soit sur les autres objets relatifs à l'intérieur, soit sur l'extérieur.


Paris, 11 février 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je suis fort surpris que l'empereur d'Allemagne a pris possession, pour son frère, de la principauté de Würzburg.

Faites connaître à M. de Liechtenstein que je n'entends pas que des troupes autrichiennes entrent à Würzburg; que je tiens cet prise de possession nulle, et que je la regarderai comme telle tant qu'elle ne sera pas faite par l'électeur de Salzburg; que M. de Hugel, ni aucun ministre autrichien n'ont rien à y faire.

Vous ferez connaître également à M. de Liechtenstein qu'il faut que l'armée autrichienne se mette sur le pied de paix; qu'on dit que les Russes font de nouvelles levées. Vous lui communiquerez également le Moniteur d'aujourd'hui, pour lui faire voir que ce n'étaient ni Gènes ni Lucques qui étaient le motif de la guerre, mais l'indigne corruption des ministres, dont M. de Stadion est le principal agent. Mettez, dans toutes ces communications, des ménagements et de la décence.


Paris, 11 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, le général Marmont, avec son corps d'armée, est sous vos ordres. Mon intention est que vous ne changiez pas la destination de l'infanterie. Le général Marmont doit avoir son quartier général à Udine. Tout son corps doit être réparti entre les différentes villes du Frioul, Palmanova, etc. L'artillerie et la cavalerie peuvent être placées entre le Tagliamento et la Piave, hormis ce qu'il sera nécessaire de cantonner le long de l'Isonzo , et les deux régiments de cavalerie du corps du général Marmont ne sont pas trop pour cet objet. Il y a le long de l'Isonzo des villages appartenant aux Autrichiens; il y en a même qui avoisinent Passariano. Mon intention bien positive est qu'il ne puisse y avoir aucune troupe autrichienne, aucun soldat ni officier ne doit passer l'Isonzo. Faites prendre possession de ces villages avant qu'aucune troupe autrichienne arrive; je n'entends rien céder, et je vous rends responsables, vous et le général Marmont, si quelques troupes y passent sous ce prétexte. Ce serait une source de chicane qu'on aurait là. Si l'on réclame, dites que j'en ai donné l'ordre, et que je m'en entendrai avec l'empereur. En attendant, tenez dans ces villages des détachements de cavalerie française , et ne les évacuez pas. Répondez-moi positivement que vous avez reçu ma lettre et que les détachements ont pris poste ; faites-moi passer l'état des villages sur lesquels l'Autriche a des prétentions. Quant à Monfalcone, je n'ai pas besoin de vous dire que vous devez y tenir des détachements de cavalerie et au moins un bataillon. Le général Marmont doit conserver le commandement de son corps d'armée; c'est un corps d'observation que mon intention est de laisser réuni jusqu'à nouvel ordre. J'ai nommé le colonel d'Anthouard général de brigade d'artillerie.


Paris, 11 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, vous trouverez ci-joint le budget de ma Maison royale d'Italie arrêté. Mon intention est que vous vous y conformiez en tout et pour tout. Si vous administrez bien ce fonds et que vous vous fassiez rendre compte de sa situation mois par mois, vous aurez 4 ou 500,000 francs à votre disposition à la fin de l'année; mais, si vous n'établissez pas une bonne et sage économie, ce fonds ne vous suffira pas.


Paris, 11 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, j'ai signé ce matin le décret sur l'impôt de l'enregistrement, tel que l'a présenté le ministre des finances. M. Aldini (Antonio Aldini, 1755-1826) va vous l'expédier. J'ai également signé des dispositions relatives aux pensions hypothéquées sur l'économat. J'ai demandé à M. Aldini des renseignements précis sur tous les objets relatifs au budget de 1806, pour connaître positivement les affaires de mon royaume d'Italie, et le compte en détail de mon ministre des finances.


Paris, 12 février 1806

A M. Champagny

Aperçu de ce qu'on pourrait faire du Panthéon :

1° Le rendre à sa destination première et en faire une église. Le maître-autel serait dédié à sainte Geneviève. Un chanoine de Paris y ferait les fonctions du culte dans les cérémonies qui seront désignées. Il serait assisté par d'autres chanoines.

2° Placer dans cette église les tombeaux qui sont aujourd'hui au Muséum des monuments français; les y ranger, comme aux Augustins, par ordre de siècles. Ils sortent des temples; il serait convenable de les y faire enfin rentrer. Il y a là une sorte de profanation qui afflige les gens religieux. Ils attireraient, d'ailleurs, les curieux vers ce monument, le plus beau de la capitale. L'inauguration de l'église serait faite, le jour des Morts, par le chanoine, par un service solennel pour ceux dont les tombeaux y auraient été replacés.

3° Consacrer cette église à la sépulture des sénateurs, des grands officiers de la Légion d'honneur et des généraux et autres fonctionnaires publics ayant bien servi l'État.

Dans le même décret qui établirait ces dispositions, on déclarerait l'église de Saint-Denis sépulture des Empereurs. On ordonnerait que trois autels expiatoires y fussent dressés en mémoire des trois races dont les mânes ont été dispersés.

Le ministre de l'intérieur est invité à se concerter avec le ministre des cultes pour la rédaction de ces projets.


Paris, 12 février 1806

DÉCISION

Le ministre de l'intérieur soumet à l'Empereur le vœu de l'Institut national pour l'érection d'une statue de Sa Majesté dans le nouveau local de ses séances. Sa Majesté accepte. Le ministre répondra que Sa Majesté, étant de l'Institut, en connaissant et en appréciant les membres, veut bien en agréer leur hommage.

Paris, 12 février 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DU TRÉSOR PUBLIC

Sa Majesté désire savoir :

1° Pourquoi on ne présente rien de consommé sur les valeurs des salines;
2° Pourquoi on porte en entier, dans les recettes extérieures, la contribution du royaume d'Italie, tandis qu'il est presque certain que les mois de vendémiaire, brumaire, frimaire, janvier et février ont été consommés;
3° Si le subside espagnol est véritablement disponible, et s'il n'est pas entré en recette en l'an XII pour l'an XIII;
4° Si , dans l'évaluation des revenus, les bois sont portés à leur valeur. Cette colonne est à revoir.

Pour connaître ensuite la situation précise du trésor public, il faudrait mentionner la portion du service de février qui se trouve faite par des valeurs sorties au ler de ce mois. Cela s'applique, par exemple, à la solde, dont la payement se fait d'avance. En déduisant de la somme des payements faits d'avance les sommes dues au 1er février sur les ordonnances délivrées par les ministres dans les quatre mois précédents, on aurait pour résultat une somme due par le trésor. La soustraction de cette dernière somme sur la somme totale des objets restant disponibles pour 1806 donnerait la somme réelle à appliquer au service des onze autres mois de l'année.


Paris, 12 février 1806

DÉCISION

Le ministre de la guerre rend compte à l'Empereur de la demande du prince Eugène pour qu'il soit envoyé en Italie des fusils d'infanterie et de dragons, des pistolets, des sabres de dragons et de chasseurs. Répondre que les fusils français ne peuvent pas armer les Italiens. Il faut faire en Italie comme faisaient le roi de Sardaigne, l'État de Venise, le duc de Modène, et encourager la fabrication d'armes ; qu'à l'armée française même on refuse des fusils neufs et l'on ne donne que des fusils réparés; que les fusils que l'on envoie en Italie sont les fusils corrigés du modèle de 1777; qu'ils sont extrêmement précieux, et que les dispositions sont sans exception.

Le ministre écrira aux officiers d'artillerie que ces dispositions sont sur leur responsabilité.


Paris, 12 février 1806

DÉCISION

Le ministre de la guerre prie l'Empereur de faire connaître ses intention sur le dépôt d'armes demandé  pour Ancône par le général Dulauloy, et sur le nombre d'armes à réunir à ce dépôt.  On en trouvera dans le royaume de Naples.

Ordonner qu'on ne fasse pas sortir de fusils du royaume d'Italie et de la France, sans mon ordre.

Sa Majesté autorise de faire passer 2,000 fusils sur Ancône.

Le ministre ordonnera au général Dulauloy, aussitôt arrivé à Naples, de rassembler des armuriers.

Tous les conscrits s'armeront au fort Barraux. Écrire en conséquence. Ceux qui ne l'auront pas été au fort Barraux le seront à Plaisance.

Le ministre fera faire une vérification de tous les fusils qui doivent être en Italie, afin de s'assurer qu'ils s'y trouvent.


Paris, 12 février 1806

DÉCISION

Le ministre directeur de l'administration de la guerre soumet à l'Empereur une réclamation du landamman de la Suisse, pour que les Suisses, habitants du canton de Thurgovie , qui possèdent des propriétés foncières sur la rive droite du Rhin, ne soient pas, comme des sujets autrichiens, assujettis à l'imposition de guerre mise sur le pays. S'il y avait dans ce pays des propriétaires français, ils seraient soumis à l'imposition, qui n'est pas personnelle, mais qui porte sur la propriété.

Paris, 12 février 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DES CULTES

On peut, en rappelant la nécessité de consacrer les époques solennelles et de diminuer cependant le nombre de fêtes qui distraient le peuple de ses travaux, proposer deux fêtes :

1° Pour le 15 août, celle de saint Napoléon, qui consacrerait à la fois l'époque de la naissance de l'Empereur et celle de la ratification du Concordat : à cette fête se joindraient les actions de grâce pour la prospérité de l'Empire; on chercherait à donner à la procession, qui continuerait à se faire ce jour là, un caractère propre á effacer les anciens souvenirs;

2° Le premier dimanche qui suivra le jour correspondant au 11 frimaire, on célébrerait en même temps les succès de la Grande Armée et l'époque du couronnement; dans les discours que ferait un membre du clergé, on parlerait particulièrement des citoyens de la commune qui seraient morts à la bataille d'Austerlitz.


Paris, 13 février 1806

OBSERVATIONS ET DÉCISIONS RELATIVES AU BUDGET DE LA VILLE DE PARIS

Un budget se compose de la recette et de la dépense : l'une mérite autant d'attention que l'autre. S'il s'agissait de la simple comptabilité d'un payeur, un état sommaire de la recette ne serait pas même suffisant : or il s'agit ici d'un ordonnateur et d'un administrateur, d'une administration et d'une comptabilité. Il y a un résultat moral à tirer de l'examen de la recette comme de celui de la dépense. Ce résultat doit être, par exemple, quant à l'octroi, que cette branche capitale de recette a été bien ou mal administrée : elle l'a été bien, si elle a beaucoup rendu et peu coûté; elle l'a été mal, si elle a peu rendu et coûté beaucoup. Il convient donc de donner un bordereau détaillé de la recette de l'octroi depuis l'an VIII. Il faut mentionner dans ce tableau et dans des colonnes distinctes la recette brute de chaque année, les frais de perception de chaque année, le produit net de chaque année. Dans les années où le tarif a changé, il faut avoir soin d'établir pour la recette brute deux colonnes : 1e colonne, ce qu'aurait été la recette d'après l'ancien tarif; 2e colonne, l'augmentation produite par le nouveau tarif. Il ne faut point oublier le compte de caisse, et il faut y joindre l'historique de l'entrée en caisse, mois par mois.

La ville de Paris fera distribuer, cet hiver, une somme de 150,000 francs pour secours à domicile et autres secours à donner aux indigents. Cette somme, jointe à pareilles sommes qui seront payées par la police et par la cassette de Sa Majesté, portera à 450,000 francs les secours extraordinaires à distribuer, cette saison, aux pauvres.

On portera au budget de 1806 une somme de 500,000 francs pour le pavé des endroits dont il est le plus urgent de s'occuper, tels que la rue de Castiglione, qui va des Tuileries à la place Vendôme; l'allée de Beauvau, et l'allée des Veuves, aux Champs-Elysées.

On portera également une somme de 400,000 francs pour exécuter, sans aucun délai, le prolongement du boulevard, la construction du quai du Mail et de la communication du pont du Jardin des plantes, les places qui doivent être à l'entrée de ce pont, et le percement de la rue qui conduira du pont à la rue Saint-Antoine.

M. Lacuée fera un projet pour le remplacement de la garde municipale par une augmentation des compagnies de réserve et par un corps de gendarmes appelés des départements.

Les conseillers d'État présents au conseil examineront la proposition de mettre le pavé à la charge de la ville de Paris, en lui affectant une somme de 400,000 francs sur le produit de la taxe de circulation qui se perçoit aux barrières. Ils proposeront des vues sur le mode à prendre pour l'apurement successif de la comptabilité de la ville de Paris.

Tous ces objets seront présentés dans le conseil de jeudi prochain. Le ministre de l'intérieur présentera ses vues, 1° sur rétablissement d'un passage à travers les nouvelles cours de l'Institut, pour la communication directe de la rue Mazarine avec le pont des Arts; 2° sur les modifications à faire au plan arrêté pour le marché des Jacobins; 3° sur l'élargissement de la place des Trois-Maries, à l'entrée du Pont-Neuf, et de la nouvelle place à l'entrée du Pont-au-Change; 4° sur le dégagement du portail de Saint-Gervais, pour rendre plus facile la communication directe des quais à la rue Saint-Antoine.


Paris, 13 février 1806

A S. S. le Pape

Très-saint Père, j'ai reçu la lettre de Votre Sainteté, du 29 janvier. Je partage toute sa peine; je conçois qu'elle doit avoir des embarras. Elle peut tout éviter en marchant dans une route droite, et en n'entrant pas dans le dédale de la politique et des considérations pour des puissances qui, sous le point de vue de la religion, sont hérétiques et hors de l'Église, et, sous celui de la politique, sont éloignées de ses États, incapables de la protéger, et ne peuvent lui faire que du mal. Toute l'Italie sera soumise sous ma loi. Je ne toucherai rien à l'indépendance du Saint-Siège; je lui ferai même payer les dépenses que lui occasionneraient les mouvements de mon armée; mais nos conditions doivent être que Votre Sainteté aura pour moi, dans le temporel, les mêmes égards que je lui porte pour le spirituel, et qu'elle cessera des ménagements inutiles envers des hérétiques ennemis de l'Église, et envers des puissances qui ne peuvent lui faire aucun bien. Votre Sainteté est souveraine de Rome, mais j'en suis l'empereur. Tous mes ennemis doivent être les siens. Il n'est donc pas convenable qu'aucun agent du roi de Sardaigne, aucun Anglais, Russe ni Suédois réside à Rome ou dans vos États, ni qu'aucun bâtiment appartenant à ces puissances entre dans vos  ports.

Comme chef de notre religion, j'aurai toujours pour Votre Sainteté la déférence filiale que je lui ai montrée dans toutes les circonstances, mais je suis comptable envers Dieu, qui a bien voulu se servir de mon bras pour rétablir la religion. Et comment puis-je, sans gémir, la voir compromise par les lenteurs de la cour de Rome ? On ne finit rien, et pour des intérêts mondains, pour de vaines prérogatives de la tiare, on laisse périr des âmes, le vrai fondement de la religion. Ils en répondront devant Dieu, ceux qui laissent l'Allemagne dans l'anarchie, ils en répondront devant Dieu, ceux qui retardent l'expédition des bulles de mes évêques et qui livrent mes diocèse à l'anarchie. Il faut six mois pour que les évêques puissent entrer en exercice, et cela peut être fait en huit jours. Quant aux affaires d'Italie, j'ai tout fait pour les évêques; j'ai consolidé les intérêts de l'Église; je n'ai touché en rien au spirituel. Ce que j'ai fait à Milan, je le ferai à Naples, et partout où mon pouvoir s'étendra. Je ne refuse pas d'accepter le concours d'hommes doués d'un vrai zèle pour la religion et de m'entendre avec eux; mais si, à Rome, on passe les journées à ne rien faire et dans une coupable inertie, moi que Dieu a commis, après de si grands bouleversements, pour veiller au maintien de la religion, je ne puis devenir, je ne puis rester indifférent à tout ce qui peut nuire au bien et au salut de mes peuples.

Très-saint Père, je sais que Votre Sainteté veut le bien; mais elle est environnée d'hommes qui ne le veulent pas, qui ont de mauvais principes, et qui, au lieu de travailler dans ces moments critiques à remédier aux maux qui se sont introduits, ne travaillent qu'à les aggraver. Si Votre Sainteté voulait se souvenir de ce que je lui ai dit à Paris, la religion de l'Allemagne serait organisée et non dans le mauvais état où elle est. Dans ce pays et en Italie, tout se serait fait de concert avec Votre Sainteté et convenablement. Mais je ne puis laisser languir un an ce qui doit être fait en quinze jours. Ce n'est pas en dormant que j'ai porté si haut l'état du clergé, la publicité du culte et réorganisé la religion en France, de telle sorte qu'il n'est pas de pays où elle fasse tant de bien, où elle soit plus respectée et où elle jouisse de plus de considération. Ceux qui parlent à Votre Sainteté un autre langage la trompent, et sont ses ennemis; ils attireront des malheurs qui finiront par leur être funestes.

Sur ce, je prie Dieu, Très-saint Père, qu'il vous conserve longues années au régime et au gouvernement de notre mère Sainte Église.

Votre dévot fils,

Napoléon.


Paris, 13 février 1806

Au cardinal Fesch

Je ne suis point content de votre conduite. Vous ne montrez aucune fermeté pour mon service. Vous voudrez bien requérir l'expulsion des États du Pape de tous les Anglais, Russes et Suédois, et de toutes les personnes attachées à la cour de Sardaigne. Il est fort ridicule qu'on ait voulu maintenir M. Jackson à Rome; s'il y est encore, requérez-en l'arrestation : c'est un agent des Russes. Aucun bâtiment suédois, anglais ni russe ne doit entrer dans les États du Pape; sans quoi je les ferai confisquer. Je n'entends plus que la cour de Rome se mêle de politique. Je protégerai ses États contre tout le monde. Il est inutile qu'elle ait tant de ménagements pour les ennemis de la religion. Faites expédier les bulles pour mes évêques. On met un mois pour faire un travail de vingt-quatre heures. Ce n'est pas là de la religion. En Allemagne, il n'y a qu'un cri contre la cour de Rome. Sa conduite est révoltante, et cette partie si importante de la chrétienté est dans l'anarchie. Je donne ordre au prince Joseph de vous prêter main-forte, et je vous rends responsable de l'exécution de ces deux points : 1° l'expulsion des Anglais, Russes, Suédois et Sardes de Rome et de l'État romain; 2° l'interdiction des ports aux navires de ces puissances. Dites bien que j'ai les yeux ouverts; que je ne suis trompé qu'autant que je le veux bien; que je suis Charlemagne, l'épée de l'Église, leur empereur; que je dois être traité de même; qu'ils ne doivent pas savoir s'il y a un empire de Russie. Je fais connaître au Pape mes intentions en peu de mots. S'il n'y acquiesce pas, je le réduirai à la même condition qu'il était avant Charlemagne.


Paris, 13 février 1806

A M. de Bouillé

Monsieur de Bouillé, Adjoint à l'état-major de Naples, vous visiterez avec attention la nouvelle route que j'ai fait faire au mont Cenis. J'avais ordonné qu'on établit des casernes au bas de la montagne à Lans-le-Bourg; vous remarquerez si l'on a fait quelques dispositions pour cet objet, et, dès votre arrivée à Turin, vous m'enverrez un rapport sur la situation du mont Cenis. Vous visiterez la citadelle de Turin; vous verrez le général Menou, et vous vous ferez remettre l'état de tous les conscrits qui ont passé les Alpes depuis le ler vendémiaire : ce sera l'objet de votre deuxième dépêche de Turin. Vous irez à Alexandrie; vous y verrez la situation des travaux : ce sera l'objet de votre troisième rapport. Vous vous rendrez à Parme auprès du général Junot; vous y resterez assez de temps pour me faire connaître ce qui sera venu à votre connaissance sur la tranquillité de ce pays; vous irez à Plaisance voir ce qu'on fait à la citadelle. Cette mission étant toute de confiance, vous n'aurez été que pour votre instruction et sans ostentation. Vous vous informerez où il y
aura des 3e et 4e bataillons qui ont reçu des conscrits, s'il y a quoi les habiller. Vous prendrez votre route par Ancône, et me direz ce que vous aurez appris sur votre route depuis Plaisance jusque-là; ce qui s'y trouve. De là vous vous rendrez en hâte au quartier général de Naples.


Paris, 14 février 1806

Au prince Joseph

Mon Frère, je donne ordre au cardinal Fesch de requérir l'éloignement des Russes, des Anglais, des Suédois et des Sardes, de Rome et des États du Pape. Prêtez-lui main-forte, si cela est nécessaire; car mon intention est de les chasser de l'Italie. Il est ridicule que, dans ces derniers temps, le Saint-Siège ait voulu garder Jackson à Rome.

J'espère que vous êtes à Naples à l'heure qu'il est. Cela tarde trop longtemps; il est temps enfin que cela finisse. Quant à votre plan de campagne, votre marche sur Naples n'a point d'inconvénient dans l'état actuel des choses, où les Anglais et les Russes sont partis. Ce serait différent si leur armée était égale à la vôtre. Votre armée est trop disséminée; elle doit toujours marcher de manière à pouvoir se réunir en un seul jour sur un champ de bataille. Avec 15,000 hommes, je voudrais battre vos 36,000, et être partout supérieur le jour d'une bataille; mais la disposition de votre armée n'a point d'inconvénient dans l'état où sont les choses. Il me tarde d'apprendre que vous êtes à Naples.


Paris, 14 février 1806

A M. Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je vois dans votre bulletin du 13 février, article Deux-Sèvres, que les demoiselles La Rochajaquelain, Gibot et autres donnent refuge à des prêtres dissidents. Donnez des ordres pour qu'elles soient envoyées en exil dans les villes du Dauiphiné, comme Vienne, et que diligence soit faîte pour arrêter ces prêtres.

(Lecestre)


Paris, 14 février 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DICTÉE EN CONSEIL D'ADMINISTRATION

Le ministre de l'intérieur examinera s'il ne conviendrait pas de faire rentrer la ville de Paris dans la possession des magasins de Corbeil.

Si, dans l'espace de huit jours, le magasin de 300,000 quintaux de l'approvisionnement de Paris n'est pas complété, il le sera, sans aucun délai, aux frais du sieur Vanlerberghe. Les magasins doivent contenir, au 1er mars, la totalité de l'approvisionnement; et, de ce moment à la récolte, le ministre n'en laissera plus rien sortir.


Paris, 14 février 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, j'apprends que des bataillons autrichiens sont entrés à Würzburg. Vous voudrez bien faire connaître sur-le-champ à M. de Liechtenstein que je ne veux point de troupes autrichiennes à Würzburg. L'Électeur formera ses premières troupes dans la Westphalie; sans cela Würzburg deviendra ce qu'était la Souabe. Les troupes autrichiennes ne doivent pas sortir de leurs limites. Vous expédierez un courrier au général Andréossy pour lui ordonner de s'en expliquer clairement. Il faut parler haut; il est temps que l'Autriche me laisse tranquille et reste chez elle. Vous ferez connaître au prince Liechtenstein mon mécontentement à l'occasion de la publication des pièces des traités conclus avec l'Angleterre, où M. de Stadion joue un si mauvais rôle. Cela n'est point propre à me donner de la confiance pour les relations futures. Si les troupes autrichiennes s'obstinent à rester à Würzburg, vous les ferez enlever, et vous direz à M. de Liechtenstein que vous en avez reçu l'ordre; je ne veux point de troupes autrichiennes au delà de leurs limites héréditaires.

Faites sur cet objet une note officielle, dont vous m'enverrez copie pour être déposée aux archives, dans laquelle vous établirez pour principe que je n'entends point que les troupes autrichiennes passent jamais leurs frontières.

Vous donnerez ordre au maréchal Bernadotte d'occuper Anspach avec son corps d'armée. Vous donnerez le même ordre au maréchal Mortier, qui sera sous ses ordres. Il prendra possession du pays au nom du roi de Bavière. Il fera connaître par une proclamation qu'en conséquence d'un traité conclu entre la France et la Prusse, S. M. Prussienne a consenti à céder Anspach au roi de Bavière, et que l'occupation de ce pays doit être faite par les troupes françaises au même moment que les troupes prussiennes occuperont le Hanovre; que, les Prussiens occupant cet électorat, il a ordre de son souverain de procéder à l'occupation d'Anspach; que ses troupes y maintiendront une bonne discipline, et que les revenus et ressources du pays seront mis en séquestre pour l'entretien des troupes qui l'occuperont pendant le temps qui sera jugé nécessaire. Avant de publier cette proclamation, le maréchal Bernadotte fera marcher ses divisions, entrera dans le pays d'Anspach et en occupera tous les points. Il fera connaître au commandant des troupes prussiennes qu'elles doivent se retirer; qu'il doit en avoir reçu l'ordre, puisque les Prussiens sont en Hanovre.

Du reste, vous recommanderez au maréchal Bernadotte d'y mettre toutes les formes, de parler avec un grand éloge du roi de Prusse, et de faire tous les compliments usités en ces circonstances. Il ne correspondra pas avec le roi de Bavière, ni avec ses ministres. Il prendra toutes les mesures nécessaires pour pourvoir à la nourriture et à l'entretien de ses troupes, et les cantonnera là jusqu'à nouvel ordre. Comme son corps d'armée est trop considérable pour pouvoir vivre dans le pays d'Anspach, il pourra s'étendre sur le territoire des petits princes voisins, sans cependant toucher à Bayreuth. Je n'ai pas besoin de dire qu'il doit rester sur ses gardes et avoir l'œil ouvert sur les mouvements des Prussiens, s'il y en avait à portée de lui.

Indépendamment du corps du maréchal Mortier, le maréchal Bernadotte aura sous ses ordres une division de dragons et une division de grosse cavalerie. Quand vous le jugerez convenable, vous donnerez ordre au maréchal Davout de se porter sur Eichstaedt, pour appuyer le maréchal Bernadotte et s'étendre derrière lui. Vous donnerez ordre à la division de dragons qui est arrivée à Augsbourg de se rendre à Francfort, où elle sera sous les ordres du maréchal Augereau.

Quand le jour de rigueur d'évacuer Salzburg sera arrivé, et pas un jour avant, vous ferez filer le maréchal Ney sur Augsbourg, où il attendra de nouveaux ordres.

Le maréchal Soult occupera avec son corps d'armée les villes suivantes jusqu'à nouvel ordre, savoir : une division à Braunau, une division à Passau, et une Landshut. Ayez soin que toute l'artillerie soit évacuée.

Parlez au roi de Bavière pour qu'il y ait dans le Tyrol, principalement du côté de Salzburg, une grande quantité de ses troupes, surtout dans le premier moment. Si vous le jugez nécessaire, vous pourrez y placer une brigade du corps du maréchal Soult.

M. de Haugwitz a signé hier un autre traité; nous verrons si les Prussiens seront plus fidèles à celui-ci qu'à celui de Vienne; il faut donc se tenir en mesure.

Ayez soin que tous les détachements qui sont à Augsbourg et à Ulm rejoignent leurs corps. Faites-moi connaître le jour où le maréchal Bernadotte prendra possession d'Anspach, où le maréchal Mortier sera derrière lui pour le soutenir, où le maréchal Davout sera à Eichstaedt, et où le maréchal Ney se dirigera sur Augsbourg. Voici mes dispositions pour la cavalerie de la réserve : une division de dragons et une de grosse cavalerie avec le corps du maréchal Bernadotte; une division de dragons, celle qui a été à Augsbourg, avec le corps du maréchal Augereau; une division de dragons et une de grosse cavalerie avec le corps du maréchal Soult; l'autre division de dragons à Augsbourg.

Donnez ordre au général Oudinot de se rendre avec ses grenadiers à Strasbourg. Vous ferez connaître au maréchal Kellermann que mon intention est qu'il donne 150 des plus beaux hommes des 3,000 conscrits habillés du dépôt général à chacun des bataillons du général Oudinot.

Je vous ai écrit de faire remplacer le général Caffarelli, dans le commandement de sa division, par le général Morand, et le général Loison par le général Marchand.

Tenez-vous-en strictement aux ordres que je vous donne; exécutez ponctuellement vos instructions; que tout le monde se tienne sur ses gardes et reste à son poste; moi seul, je sais ce que je dois faire. Si le ministre de Prusse vient vous voir à Munich et vous parle de l'occupation d'Anspach, répondez-lui que c'est par mon ordre : les Prussiens n'ont-ils pas occupé le Hanovre ? Du reste, dites beaucoup de belles paroles pour la Prusse. J'apprends avec déplaisir que votre santé est mauvaise; mais nous nous verrons bientôt; il me tarde autant qu'à vous que vous reveniez; mais vous voyez comme je suis maîtrisé par les circonstances.

Voyez le roi de Bavière et remettez-lui la lettre ci-jointe, mais quarante-huit heures après que les ordres seront partis pour le maréchal Bernadotte. Vous causerez avec lui, vous lui direz que l'ordre pour l'occupation d'Anspach est parti, qu'il ne faut rien dire; que, quant à la prise de possession par les troupes françaises, il ne doit se mêler de rien, afin de ne pas irriter majeurement (sic) la Prusse; que le traité de Vienne n'a été ratifié par le roi de Prusse qu'avec beaucoup de changements que je n'ai pas approuvés; que j'ai en conséquence malmené M. de Haugwitz; qu'un autre traité a été signé hier par M. de Haugwitz; qu'on ne sait point s'il en sera de celui-ci de même que du premier; mais que, puisque les Prussiens sont entrés en Hanovre avant que rien fût fini, je prends possession d'Anspach; que ces messieurs prétendaient occuper le Hanovre et ne nous livrer Anspach que lorsque les Anglais consentiraient sans doute à la perte du Hanovre, c'est-à-dire jamais; qu'on ne va pas manquer à Anspach de s'adresser à lui lorsque les troupes françaises y entreront; mais qu'il doit dire qu'il va répondre, qu'il va m'en écrire, et des choses vagues.


Paris, 14 février 1806

Au roi de Bavière

Monsieur mon Frère et Cousin, le maréchal Berthier vous fera connaître les ordres que j'ai donnés pour l'occupation d'Anspach. Le roi de Prusse a été assez mal conseillé pour ne ratifier le traité de Vienne qu'avec des conditions, des mais, des si et des car.

M. Laforest, mon ministre, n'a accepté l'échange des ratifications que sous mon approbation. Je ne l'ai pas approuvé, et, dès ce moment, ce traité est devenu nul. Cependant l'armée prussienne a occupé le Hanovre. J'ai, en conséquence, ordonné qu'on occupât Anspach.

La Prusse avait la prétention de prendre possession du Hanovre et de ne nous donner ni Anspach ni Clèves. M. de Haugwitz a signé hier un traité dans lequel il est stipulé qu'Anspach sera occupé par les troupes françaises le même jour que le Hanovre le sera par les troupes prussiennes; et, comme elles sont entrées en Hanovre, je suis donc autorisé à faire occuper Anspach. Les Prussiens voulaient les villes hanséatiques. Je leur ai fait connaître catégoriquement que je n'y consentirais jamais, à moins qu'ils ne cédassent Bayreuth à la Bavière, et je prévois qu'un jour ou l'autre cela finira de cette manière. J'attache quelque prix à jeter la Prusse dans le Nord.

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Cette lettre est pour vous seul.


Paris, 14 février 1806

Au roi de Bavière

Je reçois votre lettre du 4 février. Les différends survenus entre Votre Majesté et le roi de Wurtemberg et l'électeur de Bade m'ont fait penser qu'il était nécessaire que je chargeasse quelqu'un de veiller de ma part à l'exécution du traité de Presbourg en ce qui regarde la prise de possession des pays échus à Votre Majesté et à ces princes. M.M. Otto et Berthier sont autorisés à faire ce que vous désirez. Le maréchal Berthier m'a mandé que Votre Majesté, depuis sa lettre écrite, s'était mise en possession des pays où il n'y avait pas sujet à contestation. J'ai donné ordre à M. Otto de se hâter de me présenter tout ce qui pouvait être objet de discussion, afin d'éviter les événements qui ont manqué d'arriver entre vos troupes et celles de Wurtemberg.


Paris, 14 février 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, vous donnerez l'ordre à M. Récamier, qui a jugé à propos de donner sa démission d'auditeur au Conseil d'État en conséquence des circonstances malheureuses où se trouve son oncle, de se rendre au quartier général de l'armée de Naples. Vous le recommanderez au prince Joseph pour qu'il l'emploie de la manière qu'il jugera la plus utile. Ce jeune homme n'a démérité en rien. 


Paris, 14 février 1806

Au vice-amiral Decrès

J'ai l'honneur, Monsieur, d'annoncer à Votre Excellence que l'Empereur da point encore signé le projet de décret que vous aviez présenté pour élever le capitaine Cosmao(Julien-Marie Cosmao-Kerjulien, 1781-1825. Il sera nommé contre-amiral le 29 mai 1806, et fait baron de l'Empire en 1810. Commandant de l'escadre de Méditerranée en avril 1814) au grade de contre-amiral. Sa Majesté désire que cet officier sorte avec un ou deux vaisseaux de Cadix, et que, dans le cas où cela ne serait pas possible, il aille prendre à Lorient le commandement du Courageux. On lui ferait avec ce vaisseau, une division avec laquelle il mettrait à la mer, et à son retour, il serait nommé contre-amiral. Sa Majesté considère le capitaine Cosmao comme un officier d'un grand mérite, et c'est pour cela qu'elle pense que cet officier mérite de n'être avancé qu'après une croisière périlleuse.


Paris, 14 février 1806

Au maréchal Jourdan

J'ai reçu votre lettre du 10 février. Ne doutez pas que je ne fasse dans toutes les circonstances, tout ce qui vous sera convenable; et dans les dispositions que je vais prendre incessamment, vous y serez compris, ce qui vous assurera des moyens de fortune conformes à votre rang et aux services que vous avez rendus.


Paris, 15 février 1806

A M. Gaudin

Monsieur Gaudin, le trésor qui arrive de Vienne, sous l'escorte du général Margaron, passera à Strasbourg le 28 février. Mon intention est que, lundi à dix heures, vous m'apportiez un travail, que vous concerterez avec MM. Mollien et Bérenger, contenant les trois objets suivants :

1° Céder à la caisse d'amortissement des obligations tout l'argent qui appartient à la Grande Armée et qui peut faciliter le service du trésor;
2° Faire revenir à Paris et dans les lieux qui auraient le plus besoin d'argent tout ce qui est et sera en stagnation à Strasbourg;
3° Prendre toutes les mesures pour que les travaux du monnayage se fassent avec activité à Paris et à Strasbourg et dans d'autres hôtel des monnaies, selon que cela vous paraîtra plus convenable à mes intérêts. Recommandez bien à M. Bérenger de ne pas avoir dans la caisse des billets de banque, car ils ne serviront qu'à produire une crise, puisqu'il sera possible que je dispose de tous les fonds qu'il aura, du soir au matin , et pour des caisses extérieures à Paris.


Paris, 15 février 1806

A M. Gaudin

Je renonce aux camps de vétérans. Je laisse cependant organiser les deux qui sont commencés. Faites-moi connaître l'état des biens qui ont été affectés à ces deux camps, et celui des biens qui, ayant d'abord reçu la même destination spéciale pour les autres camps, vont rester à la disposition du domaine.


Paris, 15 février 1806

A M. Mollien

Monsieur Mollien, vous avez onze millions à Strasbourg dans la caisse du payeur de la Grande Armée. Il doit en arriver dix autres à Strasbourg le 28 février; ce sont les dix millions de la contribution de Vienne. Il y aura aussi à recevoir à la même époque trois millions d'Augsbourg, trois de Francfort, et deux autres millions provenant de la contribution de cette dernière ville; cela fait dix-huit millions que la caisse d'amortissement aura en argent sur le Rhin, ce qui forme, avec les onze millions appartenant au trésor, vingt-neuf millions en stagnation. Voici mon intention : traitez avec la caisse d'amortissement, et acquérez pour le trésor les dix-huit millions qu'elle aura sur le Rhin ; donnez en échange des obligations à votre convenance, avec l'escompte ordinaire. Écrivez sans délai pour que les six millions tant d'Augsbourg que de Francfort soient dirigés sur Mayence et sur Strasbourg; les dix millions en argent envoyés de Vienne arriveront à Strasbourg sur quatre-vingts voitures; ordonnez qu'il en reste à Strasbourg six millions pour être convertis en monnaie, et que le reste, ainsi que les lingots venant d'Augsbourg et de Francfort, soit transporté à Paris et envoyé à la Monnaie. Écrivez sur-le-champ à Strasbourg, par un courrier, pour que le payeur de la Grande Armée dirige sur Paris tous les fonds qu'il a en caisse, excepté trois millions, qu'il gardera pour n'être pas à découvert. Prenez des mesures pour mettre ces mêmes fonds en activité, hors les neuf millions dont j'aurai besoin au mois de mars pour la distribution, au retour de la Grande Armée. La caisse d'amortissement a cinq millions de traites sur Paris : prenez-les et donnez-lui des obligations à votre convenance. Voyez également avec M. Bérenger s'il y a des objets dont vous puissiez vous aider en les échangeant contre des obligations. Il peut être aussi de quelque intérêt de faire diriger sur Lyon quelques lingots, tant pour le bien de cette ville que pour rendre de l'activité à son hôtel des 'monnaies. Concertez-vous avec M. Bérenger pour me présenter sur tout cela des mesures générales, et rédigez un projet que vous apporterez mardi à dix heures.


 Paris, 15 février 1806

A M. Mollien

Monsieur Mollien, je vous ai fait connaître par ma lettre de ce jour l'arrivée prochaine et la destination de dix-huit millions en lingots appartenant à la Grande Armée, et que la caisse d'amortissement fait venir tant de Vienne que d'Augsbourg et de Francfort. Mon intention est que vous profitiez de cette circonstance pour avoir au trésor une réserve de plusieurs millions comme base et fondement du crédit,. En y mettant du secret, la plupart des hommes qui cherchent, pour en profiter, à deviner la vraie situation du trésor, seraient déjoués, et même, avec un peu de prudence, on pourrait l'élever dans l'opinion générale, et laisser croire au public de Paris que l'on a en réserve plus de trente millions. Je voudrais qu'il restât en caisse environ cinq millions, qui ne se renouvelleraient pas et qui passeraient comme fonds morts en réserve.


Paris, 15 février 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, je reçois votre lettre ainsi que celle du général Chasseloup du 23 janvier. Je désire que les projets de Palmanova, d'Osoppo et de Venise me soient envoyés. Vous lui répondrez que je ne l'autoriserai à venir que lorsque j'aurai pensé que ces projets sont assez mûrs, et qu'il aura pu, sur les lieux, répondre aux objections qui lui seront faites. Quant à Alexandrie, je désire avoir l'état des travaux à faire cette année. Je veux achever Alexandrie, mais je ne veux y dépenser que deux millions en 1806. Je désire qu'il me présente un plan et un mémoire dans lequel il me détaillera l'état des travaux au 1er février, ouvrage par ouvrage, et son projet de distribution de la somme ci-dessus également ouvrage par ouvrage. Ces deux millions doivent être employés de manière que la ville soit mise le plus tôt possible en état de défense, ce qui ne pourra avoir lieu que lorsque les demi-lunes seront terminées. Je désire qu'on porte les travaux de Legnago et de Mantoue au point que je vous ai indiqué en vous faisant connaître les fonds que je veux y mettre. Je ne vois pas d'inconvénient à employer 100,000 francs aux travaux de Plaisance et 100,000 francs à ceux de Gênes. Je vous prie aussi de vous occuper d'un rapport sur Juliers, sur Kehl et sur Cassel, afin qu'au commencement du printemps on puisse faire ces travaux dans l'ordre convenable. Je suis mécontent de ce que le corps du génie fasse aujourd'hui dans ses calculs abstraction de l'argent, qui devrait être la base de ses aperçus, et du temps, dont je ne suis pas maître. Je vous répéterai ici mon adage : chaque fois qu'on dépense 100,000 écus dans les travaux d'une place, on doit lui donner un degré de force de plus. C'est ceci n'est pas arrivé en dernier lieu, car, après avoir dépensé huit ou dix millions en Italie, ces places n'étaient pas plus fortes. Quand un ingénieur demande plusieurs années, son plan est mal rédigé; ce qu'on peut lui accorder, c'est une campagne, encore n'en est-on pas toujours le maître.


Paris, 15 février 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, il résulte de l'état de l'armée que vous m'avez remis qu'il y a, au ler janvier, 420,000 hommes sous les armes de troupes régulières, et 449,000 hommes avec les troupes irrégulières. Il ne faut pas compter les 31,000 conscrits, puisqu'ils n'avaient pas joint au 1er janvier et qu'il y a beaucoup de changements dans les corps par les pertes faites à la guerre et aux hôpitaux. Des 449,000 hommes qui, en nombre rond, forment 450,000, il faut d'abord ôter :

1° La gendarmerie portée pour . . . . . . . . 15,500 hommes.
2° Les compagnies de réserve départementale.. 6,800
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A reporter. . . 22,300

Report. . . . 222,300 hommes. 

3° Les 37,000 hommes qui sont aux hôpitaux......37,000
4° Les 3,000 prisonniers de guerre . . . . . . 3,000
°0 Les 9,500 hommes embarqués, lesquels sont aux colonies ou sont au compte de la marine, ou n'existent plus . . . . . . . . . . . . 9,500
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Total 71,800.

Ces 71,800 hommes ôtés de 450,000, reste 378,200.

Le budget peut donc être fait sur 380,000 hommes, desquels il faut retrancher l'armée de Naples, 40,000 hommes, et l'armée de Hollande, 15,000 hommes; total 55,000 hommes. Il reste donc 395,000 hommes. C'est sur cette base qu'il faut faire le budget. Quant aux chevaux, il ne faut compter que sur la moitié des chevaux de la compagnie Breidt, en ôtant de la moitié actuelle ce qui existe aux armées de Naples et de Hollande; et encore vous ne porterez ces chevaux que pour six mois, parce que, jusqu'au 1er mars, la moitié ne me coûte rien, puisqu'elle est en Allemagne, et qu'au 1er  juin plus de la moitié sera réformée. Voilà les bases les plus approximatives du budget. Il est inutile de parler des dépenses des prisonniers de guerre, vu que le séjour de l'armée pendant trois ou quatre mois en Allemagne compensera et au delà toutes les petites dépenses extraordinaires de la guerre. Quant à la cavalerie, voyez ce qui est aux armées de Naples et de Hollande; ôtez ces chevaux et faites le budget pour le reste. Ne comptez cependant ce qui est à la Grande Armée que pour huit mois.


Paris, 15 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je ne puis concevoir que la marine de Venise puisse coûter 300,000 francs par mois. Mon intention est qu'elle soit organisée comme elle l'était sous les Autrichiens, et qu'elle ne coûte pas un sou de plus.

Vous allez beaucoup trop vite, et vos mesures sont souvent précipitées. Tout ce qui appartient à la Grande Armée, vous ne devez pas y toucher. Il ne s'agit pas de faire des chemins et des canaux; il faut d'abord nourrir mon armée; ne faites là-dessus que ce que j'ordonnerai. J'ai envoyé un conseiller d'État pour administrer les finances, et un receveur. Vos rapports ne me font point connaître la situation de mes finances. Je n'ai point l'état de l'impôt de guerre qui a été mis sur le pays vénitien. Cet impôt peut être porté à quinze ou vingt millions, indépendamment des contributions ordinaires. Je vais augmenter mes forces; je suis obligé de me tenir dans une situation très-forte; il me faut donc beaucoup d'argent.


Paris, l5 février 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, il faut de l'ordre. Le duché de Parme est un gouvernement à part; mais, comme en ce moment il appartient à la 28e division militaire, c'est à cette division à fournir à ses dépenses. Envoyez à Parme le 3e d'infanterie légère et retirez-en tous les dépôts. Vous n'exécutez pas les ordres que je vous donne, et vous croyez pouvoir les remplacer par d'autres; ce n'est pas ma méthode. Écrivez-moi plus en détail ce que vous faites. J'attends depuis longtemps le compte des ministres, exercice 1805; la note abrégée que vous m'avez envoyée ne me suffit pas. J'ignore si la place de Palmanovi est approvisionnée. Chacun de mes ordres doit être suivi exactement. Envoyez-moi, tous les sept jours, l'état de situation, indépendamment de celui que l'état-major envoie à la guerre.


16 - 28 février 1806