Janvier 1806


Munich, 2 janvier 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je n'ai encore rien de nouveau à vous mander. J'attends ici de pied ferme que je voie clair à tout, et que les ratifications soient échangées.

Je n'ai point ici mes fusils, ce qui ne m'empêche pas d'aller à la chasse tout à l'heure.

L'Électeur est proclamé Roi hier.


Munich, 3 janvier 1806, 2 heures du matin

Au prince Eugène

Mon Cousin, douze heures au plus tard après la réception de la présente lettre, vous partirez en toute diligence pour vous rendre à Munich. Tâchez d'être arrivé le plus tôt possible, afin d'être certain de m'y trouver. Vous laisserez votre commandement entre les mains du général de division que vous croirez le plus capable et probe. Il est inutile que vous ameniez beaucoup de suite. Partez promptement et incognito, tant pour courir moins de danger que pour éprouver moins de retard.

Envoyez-moi un courrier qui m'annonce votre arrivée vingt-quatre heures avant.

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Une heure après la réception de cette lettre, envoyez-moi un courrier pour m'annoncer le jour que vous croyez arriver.


Munich, 3 janvier 1806, 3 heures du matin

ORDRE

Le général Duroc se rendra demain, à sept heures du matin, chez M. Otto. Il lui témoignera mon mécontentement que le contrat ne soit pas signé. Il fera mettre dans ce contrat que le mariage sera célébré à Munich, le 15 janvier. M. Duroc se portera lui-même M. Montgelas, si M. Otto le juge nécessaire. Il lui dira qu'il est convenable qu'il se présente chez moi demain à midi, et m'annonce que le contrat est signé.


Munich, 3 janvier 1806

A M. Cambacérès

Je vous remercie de ce que vous me dites à l'occasion du nouvel an. Je désire que vous m'en écriviez encore une vingtaine de pareilles, mais surtout sans faire usage d'ipécacuanha. 


 Munich, 3 janvier 1806

A M. Champagny

J'ai vu avec plaisir la promesse qu'a faite M. de Lalande et ce qui s'est passé à cette occasion.

Je vous remercie de ce que vous me dites à l'occasion du nouvel an. Cette nouvelle année augmentera, s'il est possible, vos droits à mon estime et à ma confiance.


Munich, 3 janvier 1806

Au maréchal Jourdan

J'ai reçu votre lettre du ler nivôse (22 décembre 1805). Je vous remercie de ce que vous me dites sur les dernières affaires. J'ai appris avec peine votre maladie, qui m'a empêché de vous employer en Hollande. C'était, dans ma pensée, l'armée du Nord que je vous destinais. Je ne vous la donne pas à présent, où l'on est au milieu des arrangements de la paix; mais, s'il survient quelques événements, je vous y nommerai.


Munich, 3 janvier 1806

A l'électeur de Salzburg

Mon Frère, M. Manfredini m'a remis la lettre de Votre Altesse Royale. J'ai regardé comme une circonstance heureuse pour moi l'occasion qui s'est présentée d'améliorer votre position et d'assurer votre indépendance dans les nouveaux arrangements de la paix. M. Manfredini vous dira combien je désire faire quelque chose qui soit agréable à Votre Altesse Royale et vous convaincre de l'estime et de l'amitié que je vous porte.


Munich, 3 janvier 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, faites passer sur l'Italie les premiers 6,000 hommes sur les 12,000 de la réserve qui ne sont pas répartis dans les corps.

Dirigez-les sur Innsbruck et Vérone, pour être à la disposition du prince Eugène, qui les distribuera dans les corps qui en ont le besoin.

Si les Autrichiens ont beaucoup de canons à Venise, on pourrait convenir d'un échange avec ceux de Vienne.


Munich, 3 janvier 1806

ORDRE

Le général Bertrand partira demain matin pour se rendre à Kufstein. Il continuera de là sa reconnaissance de l'Inn et de la Salza, pour servir en temps de guerre.

Il se rendra à Salzburg pour y connaître la conduite qu'on y a tenue, pour la levée des contributions, etc.

Il reconnaîtra les limites du Tyrol, avec Salzburg, et aura soin de voir le rapport qu'aurait sa droite avec l'armée d'Italie.

Quand cette reconnaissance sera parfaitement faite, et il y mettra le temps convenable, il viendra me joindre où je serai. Si j'ai dépassé Augsbourg, il s'y arrêtera pour bien déterminer le système de défense de cette place.


Munich, 3 janvier 1805

A M. de Brême, ministre de l'intérieur du royaume d'Italie

Je reçois votre lettre du 21 décembre. Ma confiance dans vos talents et dans votre attachement est entière. Vous avez un département à réformer; il exigera d'autant plus de soin que Venise vient d'y être réunie. Je compte sur l'emploi de toutes vos lumières; comptez sur mon estime et sur toute ma confiance.


Munich, 4 janvier 1805

A M. Fouché

Monsieur Fouché, je lis votre bulletin du 7 nivôse (28 décembre 1805). Je vous ai fait connaître que je ne désirais pas qu'on fit sortir les prêtres de leurs fonctions et qu'on leur donnât trop d'importance civile. En général, il ne faut point se fâcher ni discuter, surtout avec les prêtres, lorsque cela n'est point d'une nécessité absolue. Il faut les maintenir dans leurs limites. C'est un grand mal que de leur faire sentir qu'ils ont une importance politique. Il faut porter beaucoup d'attention aux prêtres comme hommes, les mettre à leur place sous ce point de vue, mais éviter de donner lieu à l'intérêt qu'ils attachent souvent à des enfantillages.


Munich, 4 janvier 1806

Au roi de Wurtemberg

Je reçois votre lettre du. . . Je remercie Votre Majesté de la notification qu'elle a bien voulu me faire de sa prise de possession de la dignité royale. Personne ne prendra jamais plus de part que moi et les princes de ma Maison à tout ce qui arrivera d'heureux à la Maison de Votre Majesté. Elle peut être convaincue que je n'hésiterai, dans aucune circonstance, à mettre en avant tous les moyens de ma couronne pour soutenir le trône où elle vient de monter.


Munich, 4 janvier 1806

A l'électeur de Bade

Mon Frère, j'ai été extrêmement touché de tout ce que m'a dit M. de Thiard. Votre Altesse peut être persuadée que je saisirai toutes les occasions de lui être agréable. La reine de Bavière m'a fait connaître que le prince Charles se trouvait contrarié et malheureux des liaisons que le désir de resserrer les liens qui nous unissent m'ont fait concevoir. Mon premier désir est de ne rien faire que ce qui pourra contribuer à la satisfaction du prince Charles, et les idées que j'ai conçues ne me seront chères que lorsqu'elles pourront se concilier avec ses inclinations et son bonheur.

Il me reste à vous recommander le prince Louis; j'avais désiré le comprendre nominativement dans un des articles du traité qui concernent votre Maison; mais j'ai voulu laisser à votre cœur paternel le soin de lui assurer un rang digne de sa naissance, et qui le mette ainsi dans une position à avoir une existence heureuse, qui est le but auquel tendent tous les efforts des princes comme des autres hommes. Je prie Votre Altesse de ne jamais douter de mon amitié, et du plaisir que j'aurai à vous en donner des preuves dans toutes les circonstances.


Munich, 5 janvier 1806

Au prince Clément-Wenceslas de Saxe, ci-devant électeur de Trèves

Mon Cousin, dans le doute si l'électeur de Hanovre acquittera ce qu'il doit payer à Votre Altesse, en conséquence du recès de l'Empire, pendant que mes troupes ont occupé l'électorat de Hanovre, j'ai trouvé convenable et juste de le lui payer moi-même, sans préjudice de l'acquit que le roi d'Angleterre pourrait lui faire de la somme qui lui est due. Votre Altesse peut donc ordonner à son ministre de tirer une lettre de change de 30,000 florins sur M. Estève, mon trésorier général à Paris; elle sera acquittée sur présentation. Votre Altesse petit être bien persuadée du désir que j'ai de saisir l'occasion de faire ce qu'elle demande pour assurer la juste et faible indemnité qui lui a été accordée.


Munich, 5 janvier 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, expédiez le général Berthier, votre frère, avec le décret qui nomme le prince Joseph commandant en chef de l'armée de Naples. Il restera au quartier général de cette armée, gardera le plus profond secret sur l'objet de sa mission, et ce ne sera que lorsque que le prince arrivera qu'il lui remettra le décret. Je dis qu'il doit garder le plus profond secret, parce que je ne suis pas sûr que le prince Joseph accepte, et, à cause de cela, il ne faut pas que rien soit connu.


Munich, 6 janvier 1806

Au roi de Bavière

Monsieur mon Frère, au moment où les troupes de Votre Majesté vont rentrer dans son royaume et cesser d'être sous mes ordres, je dois lui faire connaître la satisfaction que j'ai éprouvée de leurs services et de la bravoure qu'elles ont montrée dans les différentes affaires contre le corps de Kienmayer, avant le passage de l'Inn, et, depuis, aux combats de Lofer et d'Iglau. Désirant leur donner un témoignage de cette satisfaction , je vous prie, Monsieur mon Frère, de permettre que j'accorde au général Deroy une pension, au général de Wrede le rang de grand officier dans ma Légion d'honneur, et que je donne aux braves qui se sont le plus distingués quarante places dans madite Légion d'honneur, dont vingt aux officiers et vingt aux soldats, avec la jouissance de la pension qui y est attachée par les constitutions de la Légion. Ces récompenses ne sont point proportionnées aux services qu'ils ont rendus; mais qu'elles leur soient une preuve de mon estime et du cas que je fais de vos armées. Ils étaient animés par la justice de notre cause et par le sentiment qu'ils avaient à défendre leur souverain et leur patrie. Ils ont été en tout dignes de faire partie de la Grande Armée.


Munich, 7 janvier 1806

A M. Cambacérès

Mon Cousin, le mariage de mon fils le prince Eugène avec la la princesse Auguste de Bavière se fait le 15. Cela retarde mon départ de quelques jours. Je désire que vous portiez au Sénat la lettre ci-jointe, si le prince Joseph est parti; sans quoi, vous la lui remettriez pour qu'il la communique lui-même.

Je désire également que vous fassiez part de ce mariage à mes ministres et à mon Conseil d'État. Je sais la part qu'ils prennent à ce qui m'est agréable, et rien ne me l'est davantage que l'union d'une princesse aussi parfaite que la princesse Auguste avec un enfant pour qui tout le monde connaît mes tendres sentiments.

Vous laisserez aussi entrevoir que je n'ai pas été fâché de rester huit ou dix jours ici, pour m'assurer que tout ce qui a été convenu s'exécute. Je vous envoie les conditions de la paix; communiquez-les au Sénat, et après vous les ferez publier.


Munich, 7 janvier 1806

MESSAGE AU SÉNAT

Sénateurs, la paix a été conclue à Presbourg et ratifiée à Vienne entre moi et l'empereur d'Autriche. Je voulais, dans une séance solennelle, vous en faire connaître moi-même les conditions; mais, ayant depuis longtemps arrêté avec le roi de Bavière le mariage mon fils le prince Eugène avec la princesse Auguste sa fille, et trouvant à Munich au moment où la célébration dudit mariage doit avoir lieu , je n'ai pu résister au plaisir d'unir moi-même les jeunes époux, qui sont tous deux le modèle de leur sexe. Je suis d'ailleurs bien aise de donner à la Maison royale de Bavière et à ce brave peuple bavarois qui, dans cette circonstance, m'a rendu tant de services et montré tant d'amitié, et dont les ancêtres furent
constamment unis de politique et de cœur à la France, cette preuve de ma considération et de mon estime particulières.

Le mariage aura lieu le 15 janvier. Mon arrivée au milieu de mon peuple sera donc retardée de quelques jours. Ces jours paraîtront longs à mon cœur; mais, après avoir été sans cesse livré aux devoirs d'un soldat, j'éprouve un tendre délassement à m'occuper des détails et des devoirs d'un père de famille. Mais, ne voulant point retarder davantage la publication du traité de paix, j'ai ordonné en conséquence de nos statuts constitutionnels, qu'il vous soit communiqué sans délai, pour être ensuite publié comme loi de l'Empire.


Munich, 7 janvier 1806

A S. S. le Pape

Très-saint Père, je reçois une lettre de Votre Sainteté, sous la date du 13 novembre. Je n'ai pu qu'être vivement affecté de ce que, quand toutes les puissances à la solde de l'Angleterre s'étaient coalisées pour me faire une guerre injuste, Votre Sainteté ait prêté l'oreille aux mauvais conseils et se soit portée à m'écrire une lettre si peu ménagée. Elle est parfaitement maîtresse de garder mon ministre à Rome ou de le renvoyer. L'occupation d'Ancône est la suite immédiate et nécessaire de la mauvaise organisation de l'état militaire du Saint-Siège. Votre Sainteté avait intérêt à voir cette forteresse plutôt dans mes mains que dans celles des Anglais ou des Turcs. Votre Sainteté se plaint de ce que, depuis son retour à Paris, elle n'a eu que des sujets de peine; la raison en est que, depuis lors, tous ceux qui craignaient mon pouvoir et me témoignaient de l'amitié ont changé de sentiments, s'y croyant autorisés par la force de la coalition, et que, depuis le retour de Votre Sainteté à Rome, je n'ai éprouvé que des refus de sa part sur tous les objets, même sur ceux qui étaient d'un intérêt de premier ordre pour la religion, comme, par exemple, lorsqu'il s'agissait d'empêcher le protestantisme de lever la tête en France. Je me suis considéré comme le protecteur du Saint-Siège, et, à ce titre, j'ai occupé Ancône. Je me suis considéré, ainsi que mes prédécesseurs de la deuxième et de la troisième race, comme le fils aîné de l'Église, comme ayant seul l'épée pour la protéger et la mettre à l'abri d'être souillée par les Grecs et les musulmans. Je protégerai constamment le Saint-Siège, malgré les fausses démarches, l'ingratitude et les mauvaises dispositions des hommes qui se sont démasqués pendant ces trois mois. Ils me croyaient perdu : Dieu a fait éclater, par le succès dont il a favorisé mes armes, la protection qu'il a accordée à ma cause. Je serai l'ami de Votre Sainteté toutes les fois qu'elle ne consultera que son cœur et les vrais amis de la religion. Je le répète, si Votre Sainteté veut renvoyer mon ministre, elle est libre de le faire; elle est libre d'accueillir de préférence et les Anglais et le calife de Constantinople; mais, ne voulant pas exposer le cardinal Fesch à ces avanies, je le ferai remplacer par un séculier. Aussi bien la haine du cardinal Consalvi contre lui est telle, qu'il n'a constamment éprouvé que des refus, tandis que les préférences étaient pour mes ennemis. Dieu est juge qui a le plus fait pour la religion, de tous les princes qui règnent.

Sur ce, je prie Dieu, Très-saint Père, qu'il vous conserve longues années au régime et gouvernement de notre mère sainte Église.

Votre dévot fils, l'Empereur des Français, Roi d'Italie.


Munich, 7 janvier 1806

Au cardinal Fesch

Le Pape m'a écrit, en date du 13 novembre, la lettre la plus ridicule, la plus insensée: ces gens me croyaient mort. J'ai occupé la place d'Ancône parce que, malgré vos représentations, on n'avait rien fait pour la défendre, et que d'ailleurs on est si mal organisé , que, quoi qu'on eût fait, on aurait été hors d'état de la défendre contre personne. Faites bien connaître que je ne souffrirai plus tant de railleries; que je ne veux point à Rome de ministre de Russie ni de Sardaigne. Mon intention est de vous rappeler et de vous remplacer par un séculier. Puisque ces imbéciles ne trouvent pas d'inconvénient à ce qu'une protestante puisse occuper le trône de France, je leur enverrai un ambassadeur protestant. Dites à Consali que, s'il aime sa patrie, il faut qu'il quitte le ministère, ou qu'il fasse ce que je demande; que je suis religieux, mais ne suis point cagot; que Constantin a séparé le civil du militaire, et que je puis aussi nommer un sénateur pour commander en mon nom dans Rome. Il leur convient bien de parler de religion, eux qui ont admis les Russes et qui ont rejeté Malte, et qui veulent renvoyer mon ministre ! Ce sont eux qui prostituent la religion. Y a-t-il un exemple d'un nonce apostolique en Russie ? Dites à Consalvi, dites même au Pape que, puisqu'il veut chasser mon ministre de Rome, je pourrai bien aller l'y rétablir. On ne pourra donc rien faire de ces hommes-là que par la force ? Ils laissent périr la religion en Allemagne en ne voulant rien terminer pour le concordat; ils la laissent périr en Bavière, en Italie; ils deviennent la risée des cours et des peuples. Je leur ai donné des conseils qu'ils n'ont jamais voulu écouter. Ils croient donc que les Russes, les Anglais, les Napolitains auraient respecté la neutralité du Pape ! Pour le Pape , je suis Charlemagne, parce que, comme Charlemagne, je réunis la couronne de France à celle des Lombards, et que mon empire confine avec l'Orient. J'entends donc que l'on règle avec moi sa conduite sur ce point de vue. Je ne changerai rien aux apparences si l'on se conduit bien ; autrement, je réduirai le Pape à être évêque de Rome. Ils se plaignent que j'ai fait les affaires de l'Italie sans eux. Fallait-il donc qu'il en fût comme de l'Allemagne, où il n'y a plus de solennités, de sacrements, de religion ? Dites-leur que, s'ils ne finissent pas , je les montrerai à l'Europe comme des égoïstes, et que j'établirai les affaires de l'Église en Allemagne avec l'archichancelier et sans eux. Il n'y a rien, en vérité, d'aussi déraisonnable que la cour de Rome.


Munich, 7 jantier 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, j'approuve la réponse que vous avez faite à M. Gyulai; et je prendrai à mon service le bataillon de marine, infanterie et artillerie, et le bataillon dalmate, que l'empereur voudra me laisser. Vous avez bien fait de laisser pressentir que je laisserai à l'empereur les armures qui sont dans le Tyrol ; il peut donc envoyer quelqu'un pour prendre toutes celles qui lui conviendront.

Les pays de Salzburg et de Berchtesgaden seront occupés au même moment que le seront les bords de l'Inn, en y mettant tout au plus trois ou quatre jours de retard. Je vous recommande de ne point toucher au trésor de huit millions que vous emportez et de le faire filer en toute diligence sur Paris. Je vous recommande aussi beaucoup de ne faire faire aux troupes que de très-petites journées ; il faut qu'elles ne soient point fatiguées par de trop longues marches, qu'il n'y ait point de traînards et que leur retour n'ait pas l'air d'une déroute.

Les routes d'étapes que j'avais fait tracer pour accélérer la marche de l'armée sont trop fortes aujourd'hui. Réglez-les à quatre lieues par jour et un repos tous les trois jours. Enfin, je vous le répète, ménagez mon armée.

Dans deux ou trois jours, le mariage du prince Eugène aura lieu. La princesse est vraiment très belle, et, mieux que cela, extrêmement bonne. J'attends le prince demain.

J'attends l'ordre du jour sur toutes les récompenses accordées à l'armée. Ce sera un petit volume.

Vous devez avoir du papier en caisse; payez-en la solde de l'armée jusqu'au 1er février.

Donnez ordre au général Solignac de se rendre à Paris, pour rendre compte de toutes les opérations de finances des États de Venise.


Munich, 8 janvier 1806

A M. Champagny

Monsieur Champagny, M. Maret vous enverra un décret qui licencie toutes les gardes nationales qui ont été requises. Écrivez-en une circulaire à tous les préfets. Cela me coûte beaucoup d'argent et m'est inutile.


Munich, 8 janvier 1806

A M. Cretet

Le pont commencé sur le Rhin, à Strasbourg, est mal placé; mon intention est qu'il soit établi dans l'endroit où le génie militaire décidera qu'il doit être.


Munich, 8 janvier 1806

Au prince Eugène

Mon fils, mon intention est que les gardes nationales de mon royaume d'Italie soient licenciées, et qu'il n'en soit point envoyé à la suite de l'armée de Naples. Il faut mettre de la méthode et du discernement dans les nouvelles levées; ce n'est pas leur  nombre qui en fait la force, mais leur bonne composition. Je vous recommande d'avoir soin, le plus possible, de faire rentrer les fusils.

Par un des articles du traité, les cartes doive être rendues; ainsi envoyez un officier auprès du commandant autrichien de la ville où se trouvent les papiers, pour les recevoir. Il est faux que le général Solignac m'ait parlé d'aucune exaction; il est contre mon caractère de les approuver. Je lui ai fait donner ordre, par le ministre de la guerre, de se rendre à Paris, où je débrouillerai tout cela; en attendant, envoyez-moi tous les documents convenables.

Le pays de Monfalcone ne fait rien aux limites; mon intention est de n'y rien changer; mais on peut établir les douanes sans y comprendre ce pays.


Munich, 9 janvier 1806

Au roi de Wurtemberg

Monsieur mon Frère, j'ai reçu votre lettre du 3 janvier. Désirant assister au mariage du prince Eugène mon fils avec la princesse Auguste de Bavière, qui doit être conclu le 15, et désirant aussi voir opérer les premiers mouvements rétrogrades de l'armée, je serai retenu ici encore quelques jours. Votre Majesté sait le plaisir que j'aurai à la voir et à lui exprimer de vive voix tous mes sentiments et, quelque pressé que je sois de rentrer chez moi, je m'arrêterai un  jour chez vous pour faire ma cour à la Reine.


Munich, 11 janvier 1806

Au vice-amiral Decrès

Je reçois votre lettre relative au Calcutta. J'approuve que vous n'armiez point ce vaisseau, mais que vous le mainteniez dans une situation telle qu'il puisse être armé, soit en flûte, soit en guerre, pour être envoyé dans les colonies.

Il me paraît inutile d'envoyer deux frégates de Lorient au Sénégal : expédiez de quelque part un brick avec 40 hommes, quelques fusils et quelque poudre. J'approuve fort l'expédition de Cadix pour le Sénégal; que vos quatre frégates y portent 200 hommes, et de là mangent leurs vivres à la mer. Vous pouvez leur recommander de toucher à Cayenne, où ils pourraient jeter une centaine d'hommes. Envoyez une collection du Bulletin et du Moniteurdans chacune de ces colonies. Quant au colonel Beyrès, je ne le connais point assez pour lui confier une mission si importante. Il y a à Cadix assez d'hommes pour renforcer le Sénégal.

Envoyez des frégates de Lorient et d'autres frégates à la Martinique; c'est le moment d'y en envoyer. Mais faites marcher les frégates deux à deux; vous connaissez là-dessus mon opinion.


Munich, 12 janvier 1806

MESSAGE AU SÉNAT

Sénateurs, le sénatus-consulte organique du 28 floréal an XII a pourvu à tout ce qui était relatif à l'hérédité de la couronne impériale en France.

Le premier statut constitutionnel de notre royaume d'Italie, en date du 19 mars 1805, a fixé l'hérédité de cette couronne dans notre descendance directe et légitime, soit naturelle, soit adoptive.

Les dangers que nous avons courus au milieu de la guerre et que se sont encore exagérés nos peuples d'Italie, ceux que nous pouvons courir en combattant les ennemis qui restent encore à la France, leur font concevoir de vives inquiétudes. Ils ne jouissent pas de la sécurité que leur offrent la modération et la libéralité de nos lois, parce que leur avenir est encore incertain.

Nous avons considéré comme un de nos premiers devoirs de faire cesser ces inquiétudes.

Nous nous sommes, en conséquence, déterminé à adopter comme notre fils le prince Eugène, archichancelier d'État de notre Empire et vice-roi de notre royaume d'Italie. Nous l'avons appelé, après nous et nos enfants naturels et légitimes, au trône d'Italie; et nous avons statué qu'à défaut, soit de notre descendance directe, légitime et naturelle, soit de la descendance du prince Eugène notre fils, la couronne d'Italie sera dévolue au fils ou au parent le plus proche de celui des princes de notre sang qui, le cas arrivant, se trouvera alors régner en France.

Nous avons jugé de notre dignité que le prince Eugène jouisse de tous les honneurs attachés à notre adoption, quoiqu'elle ne lui donne des droits que sur la couronne d'Italie : entendant que, dans aucun cas, ni dans aucune circonstance, notre adoption ne puis autoriser, ni lui, ni ses descendants, à élever des prétentions sur la couronne de France, dont la succession est irrévocablement réglée par les constitutions de l'Empire. L'histoire de tous les siècles nous apprend que l'uniformité des lois nuit essentiellement à la force et à la bonne organisation des empires, lorsqu'elle s'étend au delà de ce que permettent, soit les mœurs des nations, soit les considérations géographiques.

Nous nous réservons, d'ailleurs, de faire connaître par des dispositions ultérieures les liaisons que nous entendons qui existe après nous entre tous les États fédératifs de l'Empire français. Les différentes parties indépendantes entre elles, ayant un intérêt commun, doivent avoir un lien commun.

Nos peuples d'Italie accueilleront avec des transports de joie les nouveaux témoignages de notre sollicitude. Ils verront un garant de la félicité dont ils jouissent dans la permanence du gouvernement de ce jeune prince, qui, dans des circonstances si orageuses, et surtout dans ces premiers moments si difficiles pour les hommes même expérimentés, a su gouverner par l'amour et faire chérir nos lois.

Il nous a offert un spectacle dont tous les instants nous ont vivement intéressé. Nous l'avons vu mettre en pratique, dans des circonstances nouvelles, les principes que nous nous étions étudié à inculquer dans son esprit et dans son cœur pendant tout le temps où il a été sous nos yeux. Lorsqu'il s'agira de défendre nos peuples d'Italie, il se montrera également digne d'imiter et de renouveler ce que nous pouvons avoir fait de bien dans l'art si difficile des batailles.

Au moment même où nous avons ordonné que notre quatrième statut constitutionnel fût communiqué aux trois collèges d'Italie, il nous a paru indispensable de ne pas différer un instant à vous instruire de dispositions qui assoient la prospérité et la durée de l'Empire sur l'amour et l'intérêt de toutes les nations qui le composent. Nous avons aussi été persuadé que tout ce qui est pour nous un sujet de bonheur et de joie ne saurait être indifférent ni à vous, ni à mon peuple.

Note : Statut constitutionnel du royaume d'Italie, du 19 mars 1805 - ART. 2. La couronne d'Italie est héréditaire dans sa descendance directe et légitime, soit naturelle , soit adoptive, de mâle en mâle, et à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance, sans néanmoins que son droit d'adoption puisse s'étendre sur une autre personne qu'un citoyen de l'Empire français ou du royaume d'Italie. 


Munich, 12 janvier 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, le prince Joseph est parti pour se rendre à l'armée de Naples le 9 janvier. J'imagine que le général Dumas est parti. Envoyez ordre aux colonels Cavaignac et Lafon-Blaniac, écuyers du prince, de se rendre en poste auprès de lui. Ils se dirigeront sur le quartier général de l'armée de Naples.

Je désire connaître la situation de l'armée de Naples, de tout ce qui est en marche pour s'y rendre, afin que je sache s'il y a suffisamment de troupes.

Faites partir de la Grande Armée, pour l'armée de Naples, deux généraux de brigade d'artillerie et un général de brigade du génie. Envoyez-y quelques-uns des jeunes généraux de cavalerie que j'ai nommés, entre autres le général Montbrun.

Voyez s'il y a assez d'officiers du génie à cette armée. Il en faut dans ce pays; il y aura peut-être des places à assiéger.


Munich, 12 janvier 1806

Au prince Joseph, lieutenant de l'Empereur, commandant en chef l'armée de Naples

Je reçois votre lettre du 7. Vous êtes parti le 9; vous devez être aujourd'hui à Chambéry. Vous serez le 15 ou le 16 dans le voisinage de Rome. Je vous ai envoyé le générai Dumas. Le maréchal Masséna doit se trouver à l'armée. Je compte qu'après quelques jours de repos vous aurez près de 40,000 hommes, que vous pourrez partager en trois corps : le maréchal Masséna aura le plus fort; le général Saint-Cyr, un autre; et le général Reynier, le plus petit, formant une division de 6,000 hommes de bonnes troupes, en réserve. Attachez-vous au générai Reynier; il est froid, mais c'est, des trois, le plus capable de faire un bon plan de campagne et de vous donner un bon conseil. Dans votre position, l'art consiste à faire croire à chacun des trois qu'il a également votre confiance.

Cette lettre vous sera présentée par mon aide de camp Lebrun, que vous pouvez garder près de vous. Vous pouvez employer Dumas dans votre état-major. Il entend peu de chose aux manœuvres militaires; il n'a pas assez fait la guerre. Votre grande étude est de tenir toutes vos forces réunies et d'arriver le plus promptement possible à Naples avec tout votre monde.

Une armée composée d'hommes de différentes nations ne tardera pas à faire des sottises. L'art serait de les attendre et d'en profiter. Mais il n'y a là personne capable de vous diriger dans cette manœuvre. Vous n'êtes point pressé, à huit jours de plus ou de moins. Indépendamment des trois corps dont je vous ai parlé ci-dessus, tenez un gros corps de cavalerie dans votre main, avec de l'artillerie légère, pour pouvoir le diriger où il sera convenable; mais il me paraît difficile que les Russes et les Anglais ne se retirent pas en mesure qu'ils verront votre armée s'organiser et devenir forte. Si au contraire, ce que je ne pense pas , l'ennemi se renforçait d'une manière considérable, au premier mot que vous m'en écririez, je me rendrais promptement à votre armée.

Parlez sérieusement à Masséna et à Saint-Cyr, et dites que vous ne voulez pas de voleries. Masséna a beaucoup volé dans le pays vénitien. J'ai fait appeler Solignac à Paris; c'est un mauvais sujet. Maintenez là-dessus une sévère discipline.

Prenez six aides de camp. Ne tenez point de conseil de guerre, mais prenez l'avis de chacun en particulier. Écrivez-moi souvent et longuement, afin que je vous fasse passer mon avis autant que cela sera possible. Quand vous serez entré dans le royaume de Naples, après la première bataille, faites connaître dans votre proclama aux Napolitains tout ce que j'ai fait pour éloigner la guerre de chez eux et tout ce qu'a fait la Reine pour l'attirer. Peu, très-peu de parlementaires. Le prince Eugène, qui commande dans le royaume d'Italie, tiendra une réserve pour pourvoir, si cela cela était nécessaire, aux événements imprévus.

Vous devez établir votre ligne de communication, c'est-à-dire vos routes de postes, d'étapes, enfin ce qui forme une ligne de communication, par la Toscane et point du tout par Ancône et les Abruzzes, parce que mon désir est que vous agissiez par Rome sur Naples. Autrement la guerre traînerait en longueur, si  vous étiez obligé de conquérir les Abruzzes, et l'ennemi aurait le temps de défendre Naples. Mais, encore une fois, quinze jours ne font rien. Réunissez bien tout votre monde. Je donne ordre au général Mathieu, qui connaît le pays et en qui vous avez de la confiance, de se rendre auprès de vous.

Envoyez-moi, je vous prie, tous les jours, votre état de situation.


Munich, 13 janvier 1806

Au roi de Bavière

Mon Frère, mes officiers dans le Tyrol me rendent compte que les états sont assemblés pour répartir les neuf millions de contributions imposés à cette province. Mon intention est que toutes les contributions et toutes autres ressources pécuniaires quelconques, que mes officiers auraient eu à tirer de ce pays, soient entièrement à votre disposition. Je pense qu'il est nécessaire, en conséquence, que vous y envoyiez quelqu'un pour agir, à l'égard des contributions et autres objets, de la manière que vous aurez jugée convenable.


Munich, 14 janvier 1806

A M. Fouché

Je vous envoie un bulletin où l'on me fait jouer un très-sot rôle. C'est le dixième de cette espèce qui me vient depuis trois mois. Il est ridicule que vous ne fassiez pas cesser ces bulletins. C'est ainsi qu'on empoisonne l'étranger d'un tas de sottises. Cela doit rouler du côté de Suard ou des rédacteurs du Publiciste.


Munich, 14 janvier 1806

Au prince Joseph

Mon Frère, je reçois votre lettre du 10 janvier. Je vous ai envoyé le colonel Lebrun, mon aide de camp; je vous envoie M. de Ségur, que vous pouvez également garder pour faire la campagne près de vous. Les jeunes Clary et Roederer se rendent à votre quartier général pour faire le service près de vous. Saliceti reçoit aussi l'ordre de s'y rendre. Hier se sont faits les fiançailles et le mariage du prince Eugène. Dans deux heures l'électeur de Ratisbonne les marie à l'église. Je vous envoie la copie du contrat de mariage, qui est secret et ne doit être connu de personne. Effectivement personne ne l'a vu n'en a copie que vous.


Munich , 14 janvier 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 10 janvier. J'approuve vous ayez évacué Vienne, et tout ce que vous avez fait pour recevoir l'argent à Saint-Poelten. Quand je vous ai dit la ligne de l'Encns, j'ai entendu la ligne militaire; mais vous pouvez garder tout ce qui est au delà de l'Enns, jusqu'au terme fixé par le traité. Pressez beaucoup M. de Liechtenstein pour qu'on me remette la Dalmatie et Venise; je ne sais pas encore que j'aie Venise. Faites vos calculs justes pour savoir le temps où vous serez instruit de l'occupation de cette ville.

J'ai lu la lettre du maréchal Kellermann. Il est ridicule qu'il ait employé l'argent qu'il a à faire payer huit cohortes de la garde nationale; témoignez-lui-en votre mécontentement. Mon intention est qu'il licencie ces gardes nationales vingt-quatre heures après avoir reçu votre lettre.

Quant aux chevaux d'artillerie, je pense qu'il a raison ; qu'il les fasse diriger sur Augsbourg, où ils serviront à prendre toutes les pièces d'artillerie. Donnez-lui-en l'ordre, et prévenez-en le général Songis.

Je désire bien que vous m'envoyiez un état de situation de l'armée de Naples et de celle d'Italie, en conséquence des ordres que j'ai donnés.

Je vous ai écrit de faire mettre à l'ordre non-seulement les promotions dans la Légion d'honneur, mais encore les promotions dans l'armée : cela est très-nécessaire. Pressez les généraux des corps d'armée de vous envoyer la liste des individus qu'ils doivent présenter pour la Légion d'honneur, et déclarez que ceux qui viendront après le travail général perdront leurs droits; ces retards ne font que favoriser les intrigues. Ne quittez pas Linz que vous n'ayez ce travail bien en règle.

L'électorat de Salzburg peut nourrir beaucoup de monde. Vous pouvez y envoyer tout le corps du maréchal Ney et une bonne division de dragons.

La garde royale italienne se rend à Milan; j'en ai donné l'ordre au maréchal Bessières.

Je vous ai recommandé de diminuer les journées d'étapes; vous faites faire de trop grandes journées à l'armée.

Ne faites point passer la division du général Dupont par Munich, cela est inutile; dirigez-la droit sur Augsbourg. Donnez ordre à la division batave de continuer son mouvement sur la Hollande, en lui traçant d'Ingolstadt à Mayence une route convenable, et qu'elle ne passe point sur le territoire neutre.

Faites monter les divisions Friant et Gudin, et la cavalerie légère du général Vialannes, c'est-à-dire le corps du maréchal Davout, du côté de Lambach, ce qui fera place au maréchal Soult.

Mettez à Wels la division Caffarelli, et entre Lambach, les montagnes et l'Inn, le corps du maréchal Davout pourra s'étendre; car enfin il ne faut point évacuer que je n'aie la Dalmatie et que mon terme ne soit expiré.

Ainsi donc le corps du maréchal Bernadotte et celui du maréchal Mortier occuperont la rive gauche du Danube, et s'étendront dans les pays que l'article du traité permet d'occuper sur ladite rive gauche. Le corps du maréchal Ney occupera le pays de Salzburg. Le corps du maréchal Davout occupera Lambach et Wels et les pays qui sont derrière. Le corps du maréchal Soult occupera Linz, Enns et les autres pays.

Du moment que ces différents corps seront arrivés dans ces stations, faites-en faire l'état de situation. Faites-moi connaître aussi l'état de l'évacuation des hôpitaux.

Donnez ordre à MM. Marins Clary, aide de camp du général Bernadotte, et Roederer, aide de camp du général Saint-Hilaire, de se rendre au quartier général de l'armée de Naples pour faire le service auprès du prince Joseph.


Munich, 15 janvier 1806

A M. Fouché

Je lis dans le Journal de l'Empire du 9 janvier qu'au bas d'une comédie de Collin d'Harleville on a mis : Vu et permis l'impression et la mise en vente d'après décision de S. Exc. le sénateur ministre de la police générale, en date du 9 de ce mois (prairial au XIII).
Par ordre de Son Excellence, le chef de la division de la liberté de la presse, P. Lagarde.

J'ai lieu d'être étonné de ces nouvelles formes que la loi seule pouvait autoriser. S'il était convenable d'établir une censure, elle ne pouvait l'être sans ma permission. Lorsque ma volonté est que la censure n'existe pas, j'ai lieu d'être surpris de voir, dans mon empire, des formes qui peuvent être bonnes à Vienne et à Berlin. S'il existe sur cela un usage que je ne connais point, faites-m'en un rapport. J'ai longtemps calculé et veillé pour parvenir à rétablir l'édifice social; aujourd'hui je suis obligé de veiller pour maintenir la liberté publique. Je n'entends pas que les Français deviennent des serfs. En France, tout ce qui n'est pas défendu est permis, et ne peut être défendu que par les lois, par les tribunaux ou par des mesures de haute police lorsqu'il s'agit des mœurs et de l'ordre public. Je le dis encore une fois, je ne veux pas de censure, parce que tout libraire répond de l'ouvrage qu'il débite, parce que je ne veux pas être responsable des sottises qu'on peut imprimer, parce que je ne veux pas enfin qu'un commis tyrannise l'esprit et mutile le génie.


Munich, 16 janvier 1806

Au landgrave de Hesse-Darmstadt

Mon Cousin, vous avez prévu avec raison que j'ai beaucoup à me plaindre de votre conduite politique. Vous avez laissé influencer votre politique par la fantaisie des femmes; vous êtes sur le point d'éprouver ce qu'ont éprouvé tous les princes qui se sont laissé influencés par elles. Vos États sont dévorés par deux armées. Si vous aviez voulu cependant lire l'histoire de votre Maison et marcher sur les traces de vos ancêtres, vous vous trouveriez non-seulement avec la qualité d'électeur que vous avez paru ambitionner, mais avec un accroissement de puissance tel que celui que j'ai fait obtenir au roi de Bavière, de Wurtemberg et à l'électeur de Bade.

En montant sur le trône de France après l'expulsion de la troisième dynastie, je m'étais regardé comme solidaire de tous ses engagements, et je vous en ai donné une preuve bien spéciale dans les arrangements qui ont suivi la paix de Lunéville. Vous avez donc un tort peut-être plus grave encore que ceux que peut vous reprocher la politique, celui d'avoir manqué à la reconnaissance. Ceux de vos sujets connus par leur attachement au vrai système de votre Maison, c'est-à-dire à son union avec moi, vous les avez éloignés; et aujourd'hui vos affaires sont conduites par un Hollandais, qui dirige tout chez vous par l'influence qu'il s'est acquise sur la landgrave. Au milieu de tous ces torts graves et réels, ne croyez pas, mon Cousin, que je ne sache pas distinguer ce qui vous est propre de ce qui est l'effet d'une influence dont vous n'avez pas su vous défendre. Le sang de vos ancêtres, qui coule dans vos veines, vous a toujours maintenu intérieurement, malgré toutes les intrigues qui vous entourent, ami de la France. J'aime donc à m'arrêter à cette idée, et je n'ai pu me défendre de quelque satisfaction de tout ce que m'a dit de votre part votre adjudant Moranville. Rappelez vos bons serviteurs, chassez surtout ce misérable Hollandais, et replacez-vous, d'une manière simple et nette, dans votre vraie situation politique; et vous me trouverez en tout disposé à oublier le passé et à être pour vous ce qu'ont toujours été les souverains de la France.


Munich, 17 janvier 1806

Au cardinal Fesch

Mon Cousin, je suis fort surpris que vous ayez pris sur vous d'écrire au général Saint-Cyr sur une communication diplomatique que vous a faite le Pape. Vous deviez l'envoyer au ministre des relations extérieures et vous en tenir là. Ne vous mêlez que de ce qui vous regarde; votre manière d'agir est sans mesure. Vous ne devez donner ni conseil ni insinuation quelconque aux généraux, qui les éloigne des instructions qu'ils ont reçues et qui puisse leur servir d'autorisation pour se conduire d'une autre manière.


Munich, 17 janvier 1806

Le prince régnant de Hohenzollern-Hechingen expose à l'Empereur qu'il est d'un intérêt majeur pour la liberté de son suffrage à la Diète que sa Maison soit maintenue dans l'intégrité de ses droits et possessions.

Renvoyé au ministre des relations extérieures. Mon intention est que la Maison de Hohenzollern-Hechingen possède en entier, sans aucune entrave, la totalité de l'indemnité qui lui a été accordée par le paragraphe 10 du plan général.


Munich, 17 janvier 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je vous ai écrit de diriger la division Dupont sur Augsbourg; faites-la partir de là pour Fribourg en Brisgau. Je vous ai également donné l'ordre de faire continuer aux Bataves leur marche sur la Hollande.

Dirigez la grosse cavalerie du général Nansouty sur Eichstaedt.

Dirigez sur le même point une des divisions de dragons qui sont sur la rive gauche du Danube. Par ce moyen, vous aurez deux divisions de cavalerie de moins. Mais n'établissez rien sur la rive gauche de l'Inn, ce serait manger la Bavière, et cela n'est pas juste; elle a déjà assez fourni pour notre passage.

Faites partir la division Oudinot, pour se rendre à Heilbronn. Tous les autres corps de l'armée resteront dans leurs positions jusqu'au moment où les blessés, l'artillerie, les dépôts, les hôpitaux seront évacués, et jusqu'à ce que l'on gagne février et que l'on ait des nouvelles de l'occupation de Venise et de la Dalmatie. Écrivez au général Marmont sur cet objet.

Envoyez-moi un projet qui me fasse connaître quand vous pesez qu'on pourra continuer le mouvement, et la route que tiendra chaque corps d'armée. Je désire qu'il ne passe aucun corps à Munich. Les journées d'étapes que l'on avait tracées pour l'armée sont beaucoup trop fortes; ma Garde, qui les a suivies, a perdu beaucoup de chevaux, surtout de trait. Tracez trois routes, une qui aboutisse à Landsberg, l'autre à Augsbourg, et la troisième à Rain, derrière le Lech; après cela, prolongez ces trois routes, la première sur Neuf-Brisach, la seconde sur Strasbourg et la troisième sur Mannheim. Faites marcher tout cela à très-petites journées. On doit mettre deux journées à faire une de nos étapes de guerre. 

Quand vous m'aurez envoyé ce travail et que j'en aurai arrêté toute l'exécution, je vous enverrai l'ordre de retourner à Paris.

J'attends avec impatience l'ordre du jour sur les promotions de Légion d'honneur faites dans les corps.

M. Daru me mande qu'il y a trois millions de florins signés sur Trieste et qu'il craint qu'ils ne soient pas bons. Pendant que nous sommes encore à Trieste, donnez l'ordre qu'on ne l'évacue point que tout ne soit en règle. La ville de Trieste ne doit pas être embarrassée de payer plusieurs millions.

J'apprends qu'on travaille encore aux fortifications de Braunau.

Faites tenir, au contraire, tout prêt pour enlever les palissades et les envoyer par la rivière à Passau.

Je pars dans une heure pour me rendre à Paris. Je m'arrêterai à Stuttgart, à Karlsruhe et à Strasbourg.

Je ne vois cependant pas d'inconvénient que vous fassiez passer par Munich une colonne de charrois.


Stuttgart, 19 janvier 1806. 

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je pars demain de Stuttgart. Je resterai un jour à Karlsruhe; je resterai aussi un ou deux jours à Strasbourg. J'ai une grande impatience de me retrouver à Paris. J'imagine que le prince Joseph vous a prévenu qu'il allait à Naples pour y prendre le commandement de mon armée.


Stuttgart, 19 janvier 1806

A M. Mollien

Je vous envoie le procès-verbal de la remise des trente-deux millions qui doivent être versés dans votre caisse. Nous voilà bientôt à la fin de janvier, où les six premiers millions doivent être remis; vous les tiendrez dans une caisse particulière et vous n'en disposerez que sur mon ordre, puisqu'ils doivent appartenir à la Grande Armée.


Stuttgart, 19 janvier 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je passe aujourd'hui la journée à Stuttgart. Dirigez le maréchal Bernadotte, avec son corps d'armée, sur l'évêché d'Eichstaedt; ce qui, joint aux deux divisions de cavalerie que j'y ai déjà envoyées, formera un corps assez considérable qui pourra vivre là, et ne sera pas d'ailleurs mal placé pour beaucoup de circonstances. Cela dégagera d'autant la rive gauche du Danube et vous placera dans une situation convenable, en ayant aussi l'avantage qu'il sera
plus facile de laisser le commandement de tout au maréchal Soult, quand vous devrez partir.

Il y a beaucoup de détachements du corps du maréchal Bernadotte à Augsbourg et Ulm; donnez-leur l'ordre de rejoindre à Eichstaedt.

Il y a aussi à Augsbourg des détachements du 4e régiment d'infanterie légère; envoyez-les à Strasbourg, où vous ferez réunir ce régiment.


Stuttgart, 19janvier 1806

Au général Junot, gouverneur général des états de parme et de Plaisance

Vous partirez dans la journée; vous courrez jour et nuit jusqu'à Parme; vous communiquerez sur-le-champ le décret ci-joint à M. Moreau Saint-Méry, et, dans les deux heures, vous ferez imprimer, publier et répandre dans tout le duché une proclamation courte et ferme.

Vous réunirez la force armée; vous vous rendrez sur le lieu qui a été le principal théâtre de l'insurrection. L'architrésorier n'a rien à faire à Parme. Ce n'est pas avec des phrases qu'on maintient la tranquillité dans l'Italie. Faites comme j'ai fait à Binasco : qu'un village soit brûlé; faites fusiller une douzaine d'insurgés, et formez des colonnes mobiles afin de saisir partout les brigands et de donner un exemple au peuple de ces pays.

Faites-vous faire de suite un rapport sur les causes de l'insurrection et sur la situation des cantons, sous-préfectures et préfectures. J'attendrai votre rapport pour connaître le parti que j'aurai à prendre et être bien remis au fait de l'administration de ces pays. Mon intention est de vous rappeler au bout d'un ou deux ans si votre présence n'est plus nécessaire dans les États de Parme.

Vous ferez aussi dresser un état de tous les biens nationaux qui existent dans le pays.


Stuttgart, 19 janvier 1806 

Au général Dejean

Je ne suis point en guerre avec la Prusse; vous avez bien fait de suspendre tout approvisionnement extraordinaire; mais tenez tout prêt pour l'entretien de mes troupes, qui doivent rentrer en France en février. Le service s'est bien mal fait à mon passage; si j'avais dû rester huit jours en Alsace, tout aurait été sens dessus dessous.


Stuttgart, 19 janvier 1806

Au maréchal Augereau

Mon Cousin, vous devez rester jusqu'à nouvel ordre dans le pays de Darmstadt. Vous devez le traiter en ami, mais vous faire donner le nécessaire pour bien entretenir votre corps d'armée. Ne tirez rien de France.

Faites-moi connaître la situation des Prussiens, avec lesquels du reste je suis en parfaite intelligence et que vous devez traiter avec toutes sortes d'égards, en vous tenant, comme de raison, sur vos gardes. Envoyez-moi à Strasbourg votre état de situation; qu'il y soit rendu le 22.


Stuttgart, 19 janvier 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je suis arrivé à Stuttgart hier au soir, à six heures. J'y resterai la journée d'aujourd'hui et j'en partirai demain. Je vous envoie un Moniteur où vous verrez des choses relatives à vous.

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Deux baisers à la princesse Auguste, l'un pour moi, l'autre pour l'Impératrice.


Stuttgart, 19 janvier 1806

Au prince Eugène

Mon Cousin, j'ai reçu votre dépêche du 17 janvier avec les médailles de Milan. Peu de moments après avoir reçu cette lettre, j'imagine que vous partez pour l'Italie. Écrivez-moi d'Innsbruck, et, aussitôt que vous le pourrez, envoyez-moi l'état de situation de votre armée. Le prince de Liechtenstein a proposé de mettre mes troupes en possession de l'Istrie et de la Dalmatie avant le terme fixé par le traité; cela me convient beaucoup. Ne perdez point de vue ce que je vous ai dicté avant de partir. Nommez un receveur pour les finances de l'État de Venise, et ne les confondez jamais avec les finances du royaume d'Italie.

Je pars demain pour Karlsruhe. J'ai fait connaître dans le temps au roi de Bavière que je désirais établir nos limites, du côté de Trente, au lac Garda et à la ligne de Torbole, jusqu'à Mori, que je voudrais prendre pour la limite du royaume d'Italie. Cependant mon, intention ne serait pas d'affaiblir considérablement le roi de Bavière. Il faudrait peut-être prendre aussi la vallée de Lodrone; mais je ne désire pas qu'il perde plus de 6,000 âmes. S'il devait perdre davantage, je chercherais des moyens de l'indemniser ailleurs. Faites-moi, du reste, un mémoire sur l'établissement de ces limites.

J'ai oublié de vous recommander de faire peu de proclamation et d'éviter de faire mettre dans les journaux ceux de vos actes qui sont de pure administration. Cette grande publicité, dont les journaux de l'Europe s'emparent, a plus d'inconvénients que d'avantages.

Vous remettrez cette lettre à la princesse; je verrai avec plaisir qu'elle m'écrive souvent.


Stuttgart, 19 janvier 1806

A la princesse Auguste

Ma Fille, la lettre que vous m'avez écrite est aussi aimable que vous. Les sentiments que je vous ai voués ne feront que s'augmenter tous les jours; je le sens au plaisir que j'ai de me ressouvenir de toutes vos belles qualités, et au besoin que j'éprouve d'être fréquemment assuré par vous-même que vous êtes contente, de tout le monde, et heureuse par votre mari. Au milieu de toutes mes affaires, il n'y en aura jamais pour moi de plus chères que celles qui pourront assurer le bonheur de mes enfants. Croyez, Auguste, que je vous aime comme un père, et que je compte que vous aurez pour moi toute la tendresse d'une fille. Ménagez-vous dans votre voyage, ainsi que dans le nouveau climat où vous arrivez, en prenant tout le repos convenable. Vous avez éprouvé bien du mouvement depuis un mois. Songez bien que je ne veux pas que vous soyez malade.

Je finis, ma Fille, en vous donnant ma bénédiction paternelle.


Stuttgart, 19 janvier 1806.

Au prince Eugène

Mon Fils, les 27e et 28e divisions militaires sont sans troupes. Renvoyez le 3e d'infanterie légère à Parme et le 67e à Alexandrie. Si la cavalerie hanovrienne est sous vos ordres, envoyez-la également à Parme, et enfin toute la force qui serait nécessaire, en mettant toutes ces troupes sous le commandement du général Junot, qui part aujourd'hui pour se rendre à Parme avec des pouvoirs extraordinaires. Expédiez vos ordres par un courrier extraordinaire. J'imagine que vous avez déjà licencié toutes les gardes nationales.


Stuttgart, 19 janvier 1806

Au prince Joseph

Mon intention est que, dans les premiers jours de février, vous entriez dans le royaume de Naples, et que je sois instruit, dans le courant de février, que mes aigles flottent sur cette capitale. Vous ne ferez aucune suspension d'armes ni capitulation. Mon intention est que les Bourbons aient cessé de régner à Naples; et je veux sur ce trône asseoir un prince de ma Maison, vous d'abord, si cela vous convient; un autre, si cela ne vous convient point.

Je vous réitère de ne point diviser vos forces; que toute votre armée passe l'Apennin, et que vos trois corps d'armée soient dirigés droit sur Naples, et disposés de manière à se réunir en un jour sur un même champ de bataille.

Laissez un général, des dépôts, des approvisionnements, et quelques canonniers à Ancône, pour défendre la place. Naples pris, les extrémités tomberont d'elles-mêmes ; tout ce qui sera dans les Abruzzes sera pris à revers, et vous enverrez une division à Tarente et une du côté de la Sicile, pour achever la conquête du royaume.

Mon intention est de laisser sous vos ordres, dans le royaume de Naples, pendant l'année, jusqu'à ce que j'aie fait de nouvelles dispositions, quatorze régiments d'infanterie française, complétés au grand complet de guerre, et douze de cavalerie française, aussi au grand complet.

Le pays doit vous fournir les vivres, l'habillement, les remontes et tout ce qui est nécessaire, de manière qu'il ne m'en coûte pas un sou. Mes troupes du royaume d'Italie n'y resteront qu'au temps que vous le jugerez nécessaire; après quoi, elles retourneront chez elles. 

Vous lèverez une légion napolitaine, où vous ne laisserez entrer que des officiers et soldats napolitains et gens du pays qui voudront s'attacher à ma cause.


Stuttgart, 19 janvier 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, le courrier de Paris continue pour vous porter vos paquets.

Je vous ai écrit ce matin pour vous faire connaître que mon intention était que le pays d'Eichstaedt fût occupé par le corps du maréchal Bernadotte.

Chargez des ingénieurs de bien reconnaître tous les chemin depuis l'Inn jusqu'au pays d'Eichstaedt, en suivant la rive gauche du Danube. Une reconnaissance bien faite de cette vallée, depuis le Danube jusqu'à la Bohème, peut devenir très-utile. En rendant Braunau, mon intention est qu'il soit dégradé le plus possible; ce qqui peut facilement être fait en faisant sauter les écluses.


Stuttgart, 19 janvier 1806

Au vice-amiral Decrès

Je reçois votre lettre du 14 janvier. J'approuve les dispositions que vous avez prises pour le Jemmapes.

Arrangez tout pour que l'escadre puisse partir avant l'équinoxe et passer tout l'été à la mer. Pour cela faire, il faut que tous les vaisseaux soient remis en très-bon état.

Faites faire des presses à Marseille et partout, pour que l'Annibal, le Borée et la Muiron puissent débloquer Toulon. Les trois frégates qui sont à Gènes et le Génois doivent aussi faire une petite escadre; ce qui réuni nous ferait trois vaisseaux à Toulon. Surtout que sur tous les bâtiments, il y ait un grand nombre de caronades. Il faut expédier à Cayenne des nouvelles plus souvent, des avisos et goélettes. Il faut expédier les plus forts bâtiments possible, assez forts pour qu'ils puissent entrer à Cayenne. Il s'en servira pour des croisières. 


Stuttgart, 19 janvier 1806

Au vice-amiral Decrès

J'apprends qu'un bâtiment de commerce a été pris dans la rade de Toulon; cela est par trop honteux. Faites-moi un rapport.


 Stuttgart, 20 janvier 1806

DÉCISION

Badelart, valet de chambre de la reine de Wurtemberg, expose à l'Empereur qu'il possède en France, sur la route de Ville-d'Avray, une maison dont le préfet de Versailles a ordonné la démolition.

Renvoyé au ministre de l'intérieur, pour ordonner que, si le service public exige la démolition de cette maison, il n'y soit procédé qu'après que le propriétaire aura été entièrement indemnisé.


Stuttgart, 20 janvier 1806

A M. Lebrun

Mon Cousin, le prince Joseph, mon lieutenant, commande en chef mon armée de Naples. Le prince Eugène, que j'ai adopté pour mon fils, et que j'ai marié avec la princesse Auguste de Bavière, part le 20 de Munich pour retourner en Italie. Outre sa qualité de vice- roi, qui lui donne le commandement dans mon royaume d'Italie, il a le commandement des États de Venise et le commandement en chef de mon armée dans ces États et dans mon royaume d'Italie.

Le général Junot part cette nuit pour se rendre à Parme avec le titre de gouverneur général ayant l'administration civile et militaire des duchés de Parme et de Plaisance. Je lui ai donné des instructions pour faire de sévères exemples.   

Faites-moi connaître les bâtiments de guerre qui sont à Gênes, et pourquoi le Gênois n'est pas encore armé. Procurez-moi donc des matelots.


Karlsruhe, 21 janvier 11806

Je pars demain matin pour Strasbourg. J'ai reçu les lettres du Sénat et du Tribunat. J'ai convoqué le Corps législatif pour le 11 mars. On me dit que le prince Louis a donné l'ordre de dissoudre l'armée du Nord. Je ne sais où il a pris cela. Je serai, comme vous le voyez, dans peu de jours à Paris; il me tarde fort d'y être arrivé.


Karlsruhe, 21 janvier 1806

A M. Barbé-Marbois

J'arriverai à Paris sous peu de jours. J'espère, à mon arrivée trouver mon portefeuille d'obligations garni , et il doit l'être. Il est de règle fondamentale que rien n'a dû en sortir sans mon autorisation , et qu'aucun payement n'a dû se faire à la trésorerie que sur ordonnances de mes ministres.


Karlsruhe, 21 janvier 1806

A M. Otto

Monsieur Otto, il se commet des abus de toute espèce en Souabe; le plus fort victime le plus faible. Je désire qu'après vous être concerté avec les ministres de Bavière, de Wurtemberg et de Bade, et avoir mûrement pesé les expressions du traité de paix et de mes différents traités avec ces trois princes, vous m'envoyiez un projet de décret pour la mise de chacun en possession du pays qu'il doit occuper. Partez du principe que, jusqu'à cette heure, c'est moi qui occupe tout, puisque ces pays sont tous conquis sur l'Autriche. Dans ce projet de décret, mettez un second titre pour la noblesse immédiate. Envoyez-moi ce travail le plus tôt que vous pourrez, mais faites-le avec soin ; cela mettra fin à tout.

Je vous envoie une note que m'a remise le roi de Wurtemberg, qui pourra vous servir dans votre travail.


Karlsruhe, 21 janvier 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, le général Songis a tort de se plaindre; il devait organiser l'artillerie des divisions Dupont et Gazan; du reste, cela ne doit point influer sur l'opinion que j'ai de lui.

Je suis surpris que le corps du maréchal Ney n'ait pas sa solde au courant; on a dû cependant lever de fortes contributions dans le Tyrol et dans le pays de Salzburg. Écrivez au payeur de ce corps, car certainement sa solde doit être plus avancée qu'il n'est dit.

Je vous prie de me faire remettre par M. la Bouillerie le compte général de toutes les contributions rentrées. On en a levé à Salzburg, en Italie, à Trieste. Il faut aussi que les contributions imposées en Souabe, dans l'évêché d'Eichstaedt soient levées avant l'évacuation du pays; il n'y a que les neuf millions du Tyrol dont j'ai fait présent au roi de Bavière pour lui tenir lieu de sa part de contributions. Je suis donc fondé à penser que tout cela réuni formera une somme de plus de soixante millions. Faites-moi un rapport là-dessus.

Moyennant que le corps du maréchal Bernadotte se rendra dans le pays d'Eichstaedt, celui du maréchal Mortier se trouvera à l'aise sur la rive gauche. Cependant, malgré la diminution d'une division de grosse cavalerie et d'une division de dragons, s'il y avait encore de la difficulté, envoyez encore une division de dragons du côté d'Eichstaedt. Je verrai avec plaisir que l'Istrie et la Dalmatie soient remises à mes troupes le plus tôt possible. Mon intention est que l'on n'évacue la ligne de l'Enns que lorsque j'en aurai donné l'ordre.

Quant à vous, à mon arrivée à Paris, je vous expédierai un courrier avec les dispositions dont vous laisserez l'exécution au maréchal Soult, et je vous enjoindrai de revenir à Paris.

Envoyez-moi l'état des cantonnements de l'armée. Tâchez aussi de m'envoyer un état de situation de l'armée d'Italie et de celle de Naples.

L'insurrection de Parme continue. Menou ne se rem pas et a rendu nulles toutes les mesures que j'avais prises pour la tranquillité de l'Italie , en désorganisant mon camp volant d'Alexandrie.

Faites partir un de vos officiers pour se rendre près du corps du général Marmont et des différents corps qui sont en Italie, excepté Naples; il me rapportera à Paris l'état de situation de chaque corps et le lieu où il se trouve; envoyez-en également un à Naples, qui me rapportera des nouvelles de la situation de cette armée.

Je ne sais pourquoi plusieurs intendants civils et commandants militaires ont laissé plusieurs princes prendre possession des pays qui leur reviennent; cependant ils ne devaient le faire que sur mon ordre. Mon intention est de regarder ce qui a été fait comme non avenu.

Faites mettre à l'ordre du jour que les intendants des provinces de la Souabe et les commandants militaires doivent maintenir ces pays sous les mêmes lois qui les régissaient, jusqu'à ce que les princes auxquels ils reviennent en aient été mis en possession. Faites imprimer cet ordre, et envoyez-le partout. Faites mettre aussi à l'ordre du jour que le roi de Bavière sera mis sans délai en possession du Tyrol allemand et italien.

Faites que toutes les troupes de Bavière évacuent Salzburg pour se rendre dans le Tyrol.


Karlsruhe, 21 janvier 1806, 4 heures du matin

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, M. de Talleyrand vous expédie un courrier pour régler tout ce qui est relatif à la prise de possession par mes alliés de tout ce qui leur revient en Souabe.

Je pense que, quand le maréchal Bernadotte aura commencer à filer par Eichstaedt, vous devez portez votre quartier général à Munich, afin d'être plus près de moi. J'imagine que votre quartier général doit être dans cette ville avant le ler février.

La Grande Armée existe toujours; vous aurez donc soin que le maréchal Augereau continue de correspondre avec vous et que chacun vous envoie son état de situation, personne ne devant préjuger quels sont mes projets ultérieurs. Vous devez nommer des inspecteurs aux revues ou des officiers, mais d'une probité sûre, pour commissaires pour la prise de possession, laquelle ne doit avoir lieu qu'après des ordres ultérieurs.


Karlsruhe, 21 janvier 1806

DÉCISION

Le ministre de la guerre demande à l'Empereur si l'on doit continuer ou suspendre la partie des travaux des fortifications de la tête de pont de Cassel qui avaient été ajournés momentanément.

Mon intention est de faire à Cassel des fortifications permanentes. Je désire que les travaux ne soient pas discontinués, afin qu'en les reprenant au printemps ce ne soit pas une nouvelle en Europe. Je désire que l'on concilie ce but avec l'économie. Il n'y a du reste pas d'urgence.


Strasbourg, 23 janvier 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je suis arrivé hier au soir à Strasbourg. J'ai reçu votre lettre du 17 janvier. M. Petiet a annoncé une grande quantité de malades sur Strasbourg; mon intention est qu'on n'évacue les hôpitaux de Munich et d'Augsbourg qu'au printemps, ainsi que tous ceux qui sont dans les pays amis en deçà de l'Inn; on y laissera des chirurgiens, et les malades seront soignés dans les pays où ils se trouvent. Cette disposition est de rigueur; je ne veux point exposer une partie de ces malheureux à périr. Les hôpitaux qui sont à Passau et en deçà de l'Inn doivent donc y rester, et avec eux les chirurgiens, administrateurs et commissaires des guerres nécessaires ; on leur laissera, s'il le faut, des fonds pour que les malades ne manquent de rien. Par ce moyen, il ne rentrera que peu de malades dans la 5e division militaire. Il faut aussi que M. Petiet fasse des dispositions pour les hôpitaux dans la 26e division militaire, car une partie assez considérable de l'armée rentrera par là.

Je n'ai jamais eu de renseignements que les 600 prisonniers que les Autrichiens nous ont faits dans les différentes affaires qui ont eu lieu en Allemagne, non plus que les 8 ou 900 qu'ils nous ont faits en Italie, fassent rentrés. Faites-en la demande au plus tôt, et vous soient renvoyés sans délai. Vous m'en ferez un rapport a vous joindrez leur état de situation par corps. Je ne vois pas d'inconvénient à rendre les prisonniers où le demande le prince de Lichtenstein. Il faudrait cependant y comprendre le côté d'Eger, parce que tous ceux qui seraient dans la 26e division militaire auraient plus court de se rendre dans cette direction.

Des 6,000 conscrits du dépôt général dont j'ai ordonné l'envoi en Italie, 1,000 sont déjà partis, et je les ai rencontrés à Rastadt; ils sont nus et habillés en paysans; ils doivent arriver à Vérone. Écrivez au prince Eugène qu'il les distribue entre les six régiments qui sont en Dalmatie et en Istrie et les six régiments du général Marmont; qu'il en prévienne ces corps, pour qu'ils préparent les moyens d'habillement. Le général Marmont, avec son corps d'armée, doit toujours se tenir dans le Frioul, ayant une avant-garde à Monfalcone, tenant son quartier général à Udine et favorisant ainsi la communication avec l'Istrie et la Dalmatie. Les généraux Molitor et Duhesme, qui occupent avec leurs divisions l'Istrie et la Dalmatie, doivent avoir leurs dépôts à portée d'eux.

Le 3e régiment d'infanterie légère doit retourner à Parme, où tout ce corps doit se réunir; le 56e retournera à Alexandrie; le 9e de ligne tiendra garnison à Vérone; le 67e retournera à Gènes. 'Transmettez ces ordres au prince Eugène pour qu'il les fasse exécuter sur-le-champ, parce que partout il faut un peu de troupes.


Strasbourg, 23 jantier 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, mon intention est que vous envoyiez à Gênes le 67e régiment de ligne, le 3e d'infanterie légère à Parme, et le 56e à Alexandrie. Tenez la division de cuirassiers et de dragons à portée de l'Isonzo pour pouvoir soutenir le général Marmont s'il\'5cen besoin, et jusqu'à ce que ce général repasse l'Isonzo et que la Dalmatie et l'Istrie soient occupées.

Je vous envoie les états de situation des armées d'Italie  et de Naples, tels que je les reçois du ministre de la guerre; je crois qu'il y a des erreurs. Je vous prie de me renvoyer les états de ces armées, telles qu'elles se trouvent dans ce moment-ci; adressez-les-moi directement par courrier, car j'ai un grand besoin de savoir net où sont tous les corps. J'ai rencontré hier à Rastadt 1,200 hommes de conscrits du dépôt général de Strasbourg qui ne sont attachés à aucun corps; ils sont dirigés sur l'Italie par Innsbruck; ils sont entièrement nus et habillés en paysans. Ayez à Vérone deux mille vestes, culottes et souliers à leur donner, et, dès le moment de leur arrivée, distribuez- les aux corps qui sont en Istrie et dans la Dalmatie. J'ai ordonné qu'on vous envoyât 6,000 conscrits extraordinaires du dépôt général, n'étant affectés à aucun corps; il va vous en arriver certainement 3,000. J'ai donné ordre que les autres soient habillés en partant de Strasbourg. Ayez soin que tous les conscrits d'un même département soient mis dans les corps qui ont recruté dans ce département, afin que les conscrits du même département soient ensemble. Faites-en faire un état de répartition en règle et adressez-le au ministre de la guerre, afin qu'on sache toujours ce que sont devenus les conscrits.

Dandolo est un homme d'esprit qui a de l'énergie et de la probité; il n'y a point d'inconvénient à l'employer dans Venise.

Faites-moi connaître la force de la légion corse et l'endroit où elle se trouve. Veillez bien à ce que Palmanova soit armée, palissadée et approvisionnée; faites-y transporter une partie du biscuit que vous avez à Mantoue, sans cependant déranger encore les approvisionnements de siège de cette place. Vous pourriez nommer, pour commander à Palmanova, le général de brigade qui est à Peschiera. Assurez-vous que les citernes et les eaux sont en abondance à Palmanova, et organisez tous les magasins.

Faites approcher du Frioul tous les dépôts appartenant aux corps qui sont en Istrie et en Dalmatie. Le général Sorbier commandera en chef votre artillerie.


Strasbourg, 24 janvier 1806

A M. Fouché

Veillez à ce qu'on ne mette point dans les journaux le ridicule bulletin de M. Lebrun sur les affaires de Parme, tant pour l'honneur d'un grand dignitaire que pour l'inconvénient d'un pareil bulletin. Bon Dieu ! que les hommes de lettres sont bêtes ! Ce n'est que d'aujourd'hui que je suis convaincu de l'incapacité d'un homme qui a d'ailleurs de si beaux talents et une si belle plume.


Strasbourg. 24 janvier 1806

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je vous envoie un bulletin de M. Lebrun. Dites-moi, en confidence, s'il a perdu la tête : je commence à le croire. Bon Dieu ! que les hommes de lettres sont bêtes ! Tel qui est propre à traduire un poème n'est pas propre à conduire 15 hommes. Rien ne m'étonne, depuis que je suis né, comme la conduite de M. Lebrun depuis qu'il est à Gênes.


Strasbourg, 24 janvier 1806

A M. Lebrun

Je viens de lire un bulletin signé de vous, intitulé, Insurrection du Plaisantin. Je ne puis que vous témoigner mon extrême mécontentement du peu de jugement qu'il y a dans cet écrit; il est aussi ridicule que déplacé. Vous n'avez point le droit de rendre compte au public, mais à moi seul. En vérité, je ne vous reconnais plus, permettez-moi de vous le dire avec franchise. Vous n'êtes point à Gênes pour écrire, mais pour administrer. Quant à Parme, c'est dans la 28e division militaire : c'était à M. Montchoisy à s'y porter et à réprimer les germes de rébellion, ce qui eût bien mieux valu que tout ce vain bavardage. Vous avez l'art de faire d'une babiole une chose qui réjouira beaucoup tous mes ennemis en Europe. Je vous défends expressément de rien imprimer, de faire aucune espèce de proclamation; tout cela n'est que ridicule. Toute cette affaire du duché de Parme était tout au plus digne d'un rapport de capitaine de gendarmerie.


Strasbourg, 24 janvier1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je vous envoie la copie des ordres que j'expédie pour que vous soyez au fait de tous mes mouvements. Mes affaires avec la Prusse ne sont pas entièrement terminées, et mon intention est de tenir 40,000 hommes à Francfort, jusqu'à ce que les Russes aient évacué la Silésie et les pays qu'ils occupent.

Je donnerai des ordres aux régiments de cavalerie et au corps d'1armée qui sont à Eichstaedt, dès que je serai instruit de leurs mouvements. Faites-moi connaître la direction que j'ai donnée à la division batave, et le jour où elle arrivera à la hauteur de Mayence ou de Francfort. Tracez une route d'Ingolstadt à Mayence. Vous sentez que, jusqu'à ce que j'aie vu à Paris M. de Haugwitz, il est nécessaire que vous restiez à Munich et que vous soyez à portée de faire exécuter tous les ordres que je vous adresserai.

Je désire donc que vous renvoyiez à Paris votre bureau du mouvement, et tout ce qui appartient aux bureaux de la guerre, pour que le ministère reste entier; et j'eu confierai la signature probablement à Gassendi du moment que j'arriverai à Paris. Comme c'est surtout des états de situation que j'ai besoin, renvoyez dès aujourd'hui en poste tout ce qui est inutile à l'armée.

Faites connaître aux commandants des troupes de Wurtemberg, de Bavière et de Bade, que, jusqu'à ce que l'armée française ait évacué l'Allemagne, et que les conditions de la paix soient entièrement accomplies, il est nécessaire qu'ils tiennent leurs troupes mobiles, de manière qu'on pût en ordonner la réunion sur-le-champ, si cela devenait nécessaire.


Strasbourg, 24 janvier 1806

Au maréchal Kellermann

Mon Cousin, faites partir sur-le-champ pour Darmstadt 200 hommes de chacun des 7e et 16e régiments d'infanterie légère, 300 hommes du 44e, 300 hommes du 63e et 200 hommes du 105e et du 24e de ligne. Ces hommes sont destinés à renforcer les bataillons de guerre du 7e corps de la Grande Armée. Vous n'avez pas reçu ordre de dissoudre la division du général Leval, et cela n'était pas dans mon intention. Reformez cette division le plus promptement possible. N'y mettez personne des 100e, 103e, 105e, 63e et 44e de ligne, ni les des 16e et 7e d'infanterie légère. Tâchez de porter cette division à 8,000 hommes; joignez-y 1,000 hommes de cavalerie et douze pièces d'artillerie approvisionnées. Cette division, du moment qu'elle sera formée, recevra des ordres de moi. Faites-moi connaître quand elle sera prête, à Strasbourg.


Strasbourg, 24 janvier 1806

Au maréchal Augereau

Mon Cousin, le 28 janvier, vous ferez occuper Francfort avec une division de votre armée. Le 2 février, vous y concentrerez tout votre corps d'armée, afin de faire place, à Darmstadt, à la division Dupont, qui va prendre ses cantonnements dans ce pays. Vous ne mettrez d'abord aucune contribution sur la ville. Ce ne sera que lorsque tout votre corps d'armée sera réuni que vous demanderez à la ville une contribution de quatre millions, qui sera versée dans les caisses au profit de la Grande Armée.

La division batave du général Dumonceau doit être en marche pour se rendre à Mayence. Envoyez sur sa route un officier, et rangez-la sous votre commandement jusqu'à nouvel ordre. Je n'ai pas besoin de vous recommander la plus grande prudence. Vous pouvez laisser entendre que ce mouvement est un mouvement combiné avec la Prusse.


Strasbourg, 24 janvier 1806

Au maréchal Lefebvre

Mon Cousin, la division Dupont, composée du 9e d'infanterie légère, des 32e et 96e de ligne, va se rendre à Darmstadt. Mon intention est que, du moment qu'elle sera arrivée, elle y reçoive, des 3e bataillons des régiments qui la composent, le nombre de conscrits nécessaire pour la porter au grand complet de guerre, c'est-à-dire à 2,000 hommes par régiment; je suppose qu'il manque au complet de chacun 400 hommes. Donnez donc des ordres en conséquence. Écrivez à ce général pour qu'il vous envoie son état de situation, et faites que les conscrits que vous lui enverrez arrivent à Darmstadt en même temps que lui. Cependant tenez secrète le plus possible la marche du général Dupont sur Darmstadt. Reformez la division du général Lorge; portez-la de 6 à 8,000 hommes; joignez-y 1,000 hommes de cavalerie et douze pièces d'artillerie. Instruisez-moi lorsqu'elle sera prête à partir, pour que je lui envoie des ordres.


Strasbourg, 24 janvier 1806

Au général Dupont, à Augsbourg

Partez aussitôt que possible avec votre division, et rendez-vous dans le pays de Darmstadt, où vous cantonnerez. Marchez en marche de guerre, avec votre artillerie et tout ce qui vous est nécessaire pour faire campagne. Arrivé à Darmstadt, vous tirerez, du dépôt du ler de hussards et des 3e bataillons des régiments qui composent votre division, de quoi vous mettre au grand complet de guerre, de sorte que votre division soit de 6,000 hommes. Vous ne ferez point partie du corps du maréchal Augereau, mais vous serez sous ses ordres, excepté pour les mouvements militaires, et vous attendrez là un ordre ultérieur. Ne fatiguez point vos troupes par des marches forcées, mais ne vous arrêtez point que vous ne soyez arrivé, et prenez le chemin le plus court.


Strasbourg, 24 janvier 1806

Au général Dejean

Vous avez ordonné l'introduction de troupes espagnoles en France ; je vous prie de me dire par quelle autorité. Qui vous y a autorisé ? En vertu de quel acte du gouvernement ?


Paris, 27 janvier 1806

A M. de Champagny

Monsieur de Champaany, m'étant déterminé à ôter le portefeuille du ministère du trésor public à M. Barbé-Marbois, je désire que vous vous transportiez dans la journée chez ce ministre, auquel vous annoncerez mes intentions. Vous aurez soin de lui faire connaître que je suis porté à ce changement par des considérations relatives au bien de mon service. Vous vous transporterez en même temps chez M. le conseiller d'État Mollien, auquel vous remettrez le portefeuille du ministère du trésor public. Vous ferez en même temps connaître à M. l'archichancelier que j'admettrai ce soir M. Mollien au serment qu'il doit prêter entre mes mains, afin qu'il puisse, dès demain, prendre possession de son ministère.


Paris, 27 janvier 1806

A M. Lebrun

Mon Cousin, je vous ai témoigné, par ma précédente lettre, mon mécontentement du bulletin que vous avez fait imprimer sur l'insurrection de Plaisance. Je serais cependant fâché que vous lui donnassiez une interprétation différente. Je veux, par celle-ci, vous témoigner toute ma satisfaction des mesures que vous avez prises pour détruire cette insurrection. J'ai blâmé vos paroles, mais je loue beaucoup votre zèle. Je vous ai écrit le 20 de ce mois pour vous annoncer que j'avais fait partir le général Junot pour se rendre a Parme, avec le titre de Lieutenant Général, ayant l'administration civil et militaire des duchés; je lui ai donne des instructions pour faire de sévères exemples.

J'ai ôté le portefeuille à Marbois; il m'a fait des choses qui ne peuvent  se concevoir; je le crois toujours honnête homme, mais influencé par des fripons.


Paris, 27 janvier 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je suis arrivé hier à Paris, à minuit, incognito. Je vous ai écrit de Strasbourg. J'attends de vos nouvelles. Je ne désire pas qu'on accélère d'aucune manière l'évacuation. J'espère que mon armée sera le 15 février à Naples, ce qui terminera absolument cette querelle.

J'ai ôté le portefeuille à Marbois, qui n'a fait que des folies pendant mon absence; je l'ai remplacé par Mollien. Toutes les ordonnances que les corps ont sur le payeur de l'armée , pour les souliers et les capotes, seront payées sans délai. J'ai demain un travail avec M. Dejean, et j'expédierai des ordres à Strasbourg. J'ai laissé une portion de mes chevaux à Strasbourg; laissez-y aussi une portion des vôtres et de ceux de votre état-major. Ce courrier vous trouvera,  je pense, bien près de Munich.


Paris, 27 janvier 1806

A M. Roguin, payeur général de la Grande Armée

Faites payer à ma  Garde quinze jours de solde. Si elle a passé Strasbourg, envoyez-la-lui en argent, en quelque endroit qu'elle se trouve.


Paris, 27 janvier 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je suis arrivé hier à minuit, bien portant. J'imagine que vous êtes rendu, à l'heure qu'il est, à Vérone. Il me tarde de recevoir de vos nouvelles. J'espère que Junot sera arrivé à temps à Parme pour mettre fin à ce ridicule soulèvement.

Arrangez-vous donc pour intercepter les courriers que la reine de Naples envoie, soit en Allemagne, soit ailleurs.

J"approuve que M. Bentivoglio porte l'ordre du Lion de Bavière.

Mille choses aimables à la princesse; il me tarde d'apprendre qu'elle a bien soutenu la route et qu'elle se trouve bien des premiers combats de l'hyménée. Dites-lui combien je l'aime.


Paris, 27 janvier 1806

Au prince Joseph

Je suis arrivé hier soir à Paris. J'ai présidé ce matin mon conseil. J'ai été indigné de la mauvaise direction que M. Barbé-Marbois a donnée à mes finances. Je lui ai ôté le portefeuille. J'ai nommé le conseiller d'État Mollien pour le remplacer. Je n'ai qu'à me louer de tout ce que vous avez fait pendant le temps que vous êtes resté à Paris; recevez-en mes remerciements, et, comme un gage de ma satisfaction, mon portrait, que je vous enverrai par le premier officier que je vous expédierai.

Prenez le ton convenable à l'armée. Ne souffrez pas de voleurs. J'espère que vous serez content de Masséna; si vous ne l'étiez pas, renvoyez-le. Il parait que la reine de Naples a envoyé de l'argent ici pour tâcher de corrompre. Ne vous laissez amuser par rien. Je compte que, dans la première semaine de février, vous entrerez dans le royaume de Naples. Ne laissez point Saliceti voler.

J'ai aujourd'hui à dîner la princesse Julie et ses enfants. Ne doutez jamais de mon amitié.

Je vous ai, je crois, déjà dit que mon intention est de mettre le royaume de Naples dans ma famille. Ce sera, ainsi que l'Italie, la Suisse, la Hollande et les trois royaumes d'Allemagne, mes États fédératifs, ou véritablement l'Empire français.

Je reçois, au moment même, une lettre de la reine de Naples du 8 janvier, où elle demande quartier. Je n'y réponds pas; ne répondez pas à celles qu'elle vous écrira. Si elle vous envoie quelqu'un, faites-lui dire que vous avez ordre d'occuper Naples; qu'après la violation du traité je ne puis plus me fier à ses promesses.


Paris, 27 janvier 1806

Au prince Joseph

Mon Frère, je reçois la nouvelle que la cour de Naples m'envoie le cardinal Ruffo avec des propositions de paix. Je donne des ordres pour qu'on l'empêche de venir à Paris. Vous devez attaquer sans délai et faire toutes vos dispositions pour vous emparer du royaume de Naples, sans écouter aucune des propositions de paix, d'armistice ou de suspension d'armes qui pourraient vous être faites; vous devez, au contraire, les rejeter toutes, quelles qu'elles soient.


Paris, 29 janvier 1806

NOTES.
                                                  
Au travail de mercredi prochain, chaque ministre apportera ce qui concerne son département, un rapport sur la situation de l'État de Parme. Ce rapport fera connaître l'organisation de la législation actuelle et les mesures à prendre pour que le pays de Parme soit administré comme les diverses parties de la France.

Sa Majesté désire que désormais les ministres l'entretiennent, surtout dans le conseil de mercredi, des détails de finances concernant leur département respectif, et des discussions que chacun d'eux aurait eues avec le trésor public.

Ils apporteront en même temps à ce conseil l'état des ordonnances qu'ils auront et le tableau de la situation de leur service.

Sa Majesté recevra les ministres à son lever et à son coucher, toutes les fois qu'ils jugeront à propos de s'y trouver. Il leur donnera ensuite audience s'ils désirent l'entretenir des affaires de leur département.

Lundi prochain, à neuf heures du matin, il y aura conseil général des finances.

Les ministres apporteront à ce conseil :

1° Les comptes de leurs dépenses de l'an XIII;
2° L'état de ce qu'ils ont dépensé et ordonnancé pendant les trois mois et dix jours de l'an XIV;
3° Les budgets séparés de leur ministère pour les trois mois et dix jours de l'an XIV, et pour les douze mois de l'an 1806.

Le ministre de l'intérieur présentera, dans un tableau séparé, l'état des fonds spéciaux de son ministère et des payements qui lui ont été faits sur ces fonds.


Paris, 30 janvier 1806

A M. Talleyrand

J'ai l'honneur d'adresser à Son Excellence le ministre des relations extérieures une note que l'Empereur a dictée et sur laquelle il désire un rapport. Je prie Son Excellence d'agréer l'hommage de mon respect.

NOTE

Je ne désire pas que la Prusse prenne un accroissement considérable de territoire. Cet accroissement la rendrait plus redoutable à la Russie, mais la rendrait aussi plus redoutable à la France. La Prusse peut être décidée par des relations particulières ou par des relations générales : par ces dernières, comme partageant les plaintes de monarchie universelle; par des relations particulières, par son contact avec la Hollande et le bas Rhin. Telle qu'elle est aujourd'hui, la Prusse est une grande puissance, et, sous le point de vue de rapports généraux, ce serait une grande faute de la laisser s'augmenter. Mais, si des considérations particulières portaient à tolérer cette augmentation, le remède serait de créer en Allemagne un État tout nouveau qui obtiendrait un accroissement égal à celui de la Prusse, et qui serait, par des relations de famille ou géographiques, dans le système de la France. Le siège de cette puissance parait être naturellement Wesel et Düsseldorf. Le noyau en serait formé : 1° du duché de Berg; 2° du duché de Clèves; cela fait 300,000 hommes. Il faudrait chercher dans ses autres positions au moins 500,000 hommes, ce qui formerait une puissance de 800,000 et fournirait un nombre de troupes égal à celui de l'augmentation prussienne. Si à cela on ajoute ce que l'on a dit ci-dessus de détacher la Prusse de la Hollande et du bas Rhin, l'on pourrait étendre les États du nouveau prince, lui donner Münster, Hesse-Darmstadt et tout ce qui pourrait y être joint, s'il était question de Hambourg ou autres villes hanséatiques ou intermédiaires; s'il l'était d'annuler les petits princes, et par là l'empire germanique, il faudrait faire connaître ce qu'y gagneraient les princes sous l'influence de la France : ceux sous l'influence de l'Autriche ou de la Russie. Tous les princes en Souabe accroîtraient les trois grands alliés de la France; ceux qui seraient à la convenance de Darmstadt et du nouveau prince de Düsseldorf pourraient être censés accroître l'influence de la France. Il ne resterait plus à voir que ce qu'y gagneraient la Prusse, la Saxe, Hesse-Cassel, lesquels, avec l'Autriche, formeraient en Allemagne les seules neuf grandes puissances. Je désire un rapport qui me fasse bien connaître les noms, la population, la richesse des pays qui pourraient former un nouvel État, ainsi que les convenances territoriales de tous les princes existants entre ces neuf puissances, avec une carte à l'appui partageant l'Allemagne entre ces nouveaux neuf princes.


Paris, 30 janvier 1806

Au cardinal Fesch

Mon Cousin, je trouve bien petites et bien puériles toutes vos réflexions sur le cardinal Ruffo. Vous êtes à Rome comme une femme. Vous avez eu tort de conseiller à ce cardinal de se rendre à Paris. Ne vous mêlez point de choses que vous n'entendez pas.

Faites prendre possession du palais de Venise à Rome. J'ai écrit au prince Joseph de vous donner main-forte, si cela est nécessaire. N'écoutez point tout ce qu'on pourra dire. Ce palais est compris dans les dépendances des États de Venise. Faites-en prendre possession au nom du roi d'Italie.


Paris, 30 janvier 1806

Au maréchal Berthier

Monsieur le Maréchal Berthier, j'ai reçu vos lettres des 19 et 20. Je présume qu'à l'heure qu'il est vous êtes à Munich. M. Haugwitz n'étant pas encore arrivé, veillez à ce que mon armée reste en mesure de faire la guerre et d'agir avec la rapidité de la pensée, afin que, si le cas arrivait, mes projets ne fussent pas démasqués. Le 7e corps de l'armée est à Francfort. La division Dupont sera bientôt à Darmstadt. J'ai écrit qu'il n'y avait pas d'inconvénient à ce que le corps de M. le maréchal Mortier se dirigeât sur l'évêché d'Eichstaedt. Je vous laisse le maître de faire exécuter ce mouvement.

Par ce moyen, MM. les maréchaux Bernadotte et Mortier, avec une division de cavalerie, des dragons et de l'artillerie, seront prêts à partir d'Eichstaedt pour Francfort.

Écrivez à tous les généraux qu'ils doivent rappeler les corps qui auraient repassé le Rhin, et se tenir en mesure d'exécuter mes ordres. J'attends avec impatience que je puisse connaître le jour où ces corps d'armée se seront rendus à Eichstaedt.

J'ai donné ordre que les différents piquets que M. le maréchal Kellerruann envoyait à Metz fussent dirigés sur Ulm, d'où vous les enverrez à leurs corps respectifs.

Du moment où j'aurai décidé si mon armée doit repasser le Rhin ou rester en Allemagne, je vous enverrai des ordres ou j'irai moi-même vous rejoindre.


Paris, 30 janvier 1806

Au prince Joseph

M. Miot part aujourd'hui pour se rendre près de vous. J'espère qu'il ne vous rejoindra qu'à Naples. Vous pouvez l'employer dans l'administration de la guerre. Mon intention est qu'on occupe sur-le-champ les palais appartenant au royaume de Naples et à l'État de Venise qui sont à Rome. Donnez main-forte au cardinal, et appuyez-le pour qu'on se mette sur-le-champ en possession palais. 


Paris, 30 janvier 1806

Au prince Joseph

Je suppose qu'à l'heure où vous recevrez cette lettre vous serez maître de Naples. Je ne puis que vous répéter que mon intention bien positive est de conquérir le royaume de Naples et la Sicile, et m'en rapporter à vos instructions antérieures. Maître de Naples, vous devez envoyer deux corps : l'un sur Tarente, et l'autre vis-à-vis la Sicile. Vous devez donner les assurances les plus formelles que le roi de Naples ne remontera plus sur son trône. Vous ferez entendre que cela est nécessaire au repos du continent, puisque deux fois il l'a troublé.


Paris, 31 janvier 1806

A M. Fouché

Monsieur Fouché, Ministre de la police, on soupçonne M. Calmelet et un nommé Bataille, dont il se sert comme architecte et tapissier, de s'entendre d'une manière contraire à mes intérêt, et je serais assez porté à ajouter foi aux différents renseignements qui me parviennent, quand je considère qu'ils ont présenté un compte d'un million de dépenses dans une maison du prince Eugène qu'ils ont arrangée, et où certainement ils n'ont pas dépensé 200,000 francs. Je désire que vous chargiez quelqu'un d'observer les changements survenus dans sa maison à Paris , et dans sa maison de campagne, qui est sur le chemin de Fontainebleau, depuis quatre ou cinq mois; de connaître le bruit public sur son compte, de savoir où sont ses papiers et le véritable état de ses affaires, afin que, si ces soupçons se confirmaient, j'en fasse un bon et sévère exemple . Depuis mon retour, la dilapidation qui se commet est telle qu'on doit connaître les dilapidateurs comme les ennemis de l'État. Calmelet pour ma Maison, Roger pour le trésor public, pour l'administration de la guerre un nommé Gau, qui est conseiller d'État, sont des hommes à surveiller.

Je vous prie de regarder comme une affaire importante d'environner ces individus d'une surveillance spéciale, pour, d'ici à quinze ours, me faire connaître l'opinion du public et tout ce qui peut asseoir une idée sur cet objet.


Paris, 31 janvier 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 23. Vous me demandez une décision sur les arsenaux du Tyrol. Si je n'ai rien statué là-dessus, il faut d'abord m'en envoyer l'état, afin que, sur le contenu, je juge ce que je dois faire. Vous ne me dites point, dans votre lettre, le jour où le corps du maréchal Bernadotte arrivera à Eichstaedt.

Vous portez, dans votre lettre du 23, un compte de quatre millions provenant du sel, de l'artillerie, etc., dont le payement a été fait en numéraire. Faites-moi connaître dans quelle caisse a été versé ce numéraire, et si vous l'avez joint aux huit millions; ce qui fait douze millions qui devraient arriver à Strasbourg.

Faites-moi connaître aussi en quelle monnaie sont les huit millions reçus le 22 à Saint-Poelten, afin que je désigne le lieu où ils doivent être portés, et ce qui doit en être fait.


Paris, 31 janvier 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je n'ai pas encore de nouvelles de vous depuis votre départ de Munich; cependant il me tarde d'apprendre que vous êtes arrivé à Vérone. A l'heure qu'il est, mon armée doit avoir envahi Naples. Les ressources du pays vénitien doivent vous suffire pour nourrir et habiller l'armée qui est sous vos ordres, et j'espère pouvoir économiser, pour les autres dépenses auxquelles je suis obligé, en France, et spécialement pour la marine, la contribution que me paye tous les ans mon royaume d'Italie. Je vous ai envoyé un commissaire de marine pour Venise. Je suis pressé d'avoir l'état exact, bataillon par bataillon, escadron par escadron, de tout ce qui compose votre armée, ainsi que de ce qu'elle coûtera. Prenez des précautions pour qu'il ne passe, de Naples à Vienne, aucun courrier qui ne soit intercepté. Établissez aussi un bureau pour intercepter la correspondance des Anglais.


Paris, 31 janvier 1806

Au prince Joseph

Le marquis de Gallo a quitté le service de Naples; il se rend près de vous pour vous servir de tous ses moyens. Il sera le premier Napolitain qui vous prêtera serment. On suppose que le prince royal est resté à Naples; si cela est, faites-le arrêter et conduire en France sous bonne escorte; c'est là mon ordre exprès; je ne vous laisse aucune latitude sur cet objet. Après ce qui me revient, il paraît que la Maison royale est embarquée, qu'on vous livrera tous les forts, qu'on ne fera aucune résistance. Dans ce cas, vous formerez sur-le-champ un corps de 22 à 23,000 hommes, que vous dirigerez sur Reggio pour passer sur-le-champ en Sicile. Dans ce premier moment d'épouvante et de confusion, le passage sera plus facile à franchir que dans toute autre circonstance.

Voici la proclamation que j'avais faite à Schönbrunn; j'avais tardé à la rendre publique parce que je ne voulais pas avancer que vous alliez à Naples sans en être sûr. Elle sera demain dans le Moniteur et communiquée à toutes les cours. C'est assez vous dire que la race des rois de Naples a cessé de régner.

J'attends avec impatience un état de situation exact de votre armée, ainsi que des lieux où se trouvent tous vos 3e ou 4e bataillons. Je vous enverrai des conscrits autant qu'il faudra pour porter vos corps au grand complet de guerre. Solde, habillement, entretien, vous devez suffire à tout.

Je n'ai pas besoin de vous dire qu'il faut faire traduire ma proclamation en italien et l'afficher dans toutes les villes et carrefours du royaume.

S'il est un certain nombre de grands ou d'individus qui vous gênent, envoyez-les en France et supposez que je vous ai envoyé des ordres pour cet effet. Point de demi-mesures, point de faiblesse. Je veux que mon sang règne à Naples aussi longtemps qu'en France. Le royaume de Naples m'est nécessaire.


Paris, 31 janvier 1806

Au vice-amiral Decrès

Je n'ai pas encore définitivement arrêté le plan de guerre pour la flottille; cela dépendra entièrement du moment où mon armée sera tout à fait disponible. Mon plan pour l'escadre, pour la campagne prochaine, est déjà adopté. Je veux inonder les mers de douze croisières. Une partie est sortie; il faut que vous me présentiez une instruction pour faire sortir l'autre partie. Celles qui sont sorties sont : 1° Linois, 2° Lhermitte, 3° Leissègues, 4° Willaumez, 5° la Piémontaise et la Canonnière.

Je désire faire sortir,

6° Allemand, pour bloquer la Baltique et ravager les côtes d'Irlande; 7° Missiessy avec 3 ou 4 vaisseaux de Brest, les frégates et bâtiments légers qu'on pourra avoir, pour ravager la pêche de Terre-Neuve; 8° 2 frégates de Cadix; 9° 2 autres frégates de Cadix; 10° 2 frégates de Rochefort; 11° La Guerrière, la Syrène ; 12° La Revanche, la Furieuse.

Ces douze croisières, qui couvriraient toutes les mers pendant tout l'été, produiraient une inquiétude réelle dans le commerce anglais, et leur rentrée aurait lieu vers la fin de la saison, en octobre ou novembre.

Les 6 frégates qui partent de Lorient et Rochefort pourraient porter 12 ou 1500 hommes à la Martinique.

Si la Topaze a été réparée à Lisbonne, on pourrait l'envoyer du côté du Brésil pour s'emparer de tous les bâtiments portant des marchandises anglaises, sous quelque pavillon que ce soit.

Il faudrait diriger plusieurs de ces frégates de manière à faire beaucoup de mal aux Suédois.

Enfin il faudrait donner un nouveau mouvement à l'escadre de Cadix, la réparer, la faire venir à Toulon, s'il est possible, et, si l'on ne peut rendre mobiles que 2 ou 3 vaisseaux, les envoyer dans la grande mer; enfin diriger les travaux de manière que le Courageux, à Lorient, et l'Ajax,à Rochefort, fussent mis à l'eau avant le mois de mars; que le Tonnant, à Rochefort, et le Glorieux et l'lnflexible, à Lorient, fussent mis à l'eau au 1er septembre, ainsi que le Commerce de Paris, à Lorient; ce qui ferait 6 vaisseaux cette année.

Quant à Anvers, 5 vaisseaux doivent être finis cette année. Je ne vois pas d'inconvénient de les porter, au lieu de 24 vingt-quatrièmes, à 16 vingt-quatrièmes, mais d'en mettre 1 ou 2 nouveaux sur les chantiers, si cela est possible, de sorte que, dans un an de paix et de grande activité, on pût, à Anvers, mettre 10 vaisseaux à la mer.

Si l'on avait à Brest des bois pour faire les 4 ou 5 vingt-quatrièmes d'un vaisseau à trois ponts, qu'on appellerait l'Austerlitz,cela paraîtrait convenable pour entretenir un peu d'activité à Brest, et vu d'ailleurs que des vaisseaux de cet échantillon ne peuvent pas se faire partout. A Lorient, Rochefort et Toulon, on pourrait mettre de nouveaux vaisseaux en construction.

Ne ferait-on que quelques vingt-quatrièmes chaque année à ces vaisseaux, ce seraient des matériaux tout préparés pour pouvoir, en douze ou quinze mois de paix, mettre à la voile 36 vaisseaux neufs.

Je désire également que vous me fassiez dresser le projet d'un vaisseau qui serait mis sur les chantiers de Venise et construit au du royaume d'Italie.

On s'arrangerait de manière à avoir à Venise une escadre de 6 vaisseaux et d'autant de frégates que peuvent armer les matelots du pays, et qui ne laisseraient pas de nous être utiles pour protéger le commerce du Levant, soit contre les Turcs et les Russes, soit pour sortir de la Méditerranée. Il faudrait que ces vaisseaux pussent facilement entrer à Alexandrie.

Je désire que le ministre m'apporte, dimanche après la messe, un rapport sur toute cette dépêche.

Il faudrait envoyer à Cayenne 2 bricks avec les fusils nécessaires à cette colonie. Ces bricks resteraient dans cette colonie et seraient seulement employés en corsaires.

Enfin, puisque notre système de guerre contre les Anglais est une guerre contre leur commerce, il faut se servir de toutes les goélettes, petits bâtiments, et tout mettre en mer.


Paris, 31 janvier 1806

Au vice-amiral Decrès

Monsieur Decrès, faites partir demain le capitaine de vaisseau Jacob, pour qu'il aille prendre le commandement de la marine à Naples. Il emmènera avec lui quatre officiers de marine, dont deux ayant le grade de lieutenant et deux d'enseigne. Il prendra les ordres du prince Joseph, qui l'emploiera de la manière la plus utile. Faites partir, dans la journée de demain, un capitaine de vaisseau pour Venise, et un officier attaché à votre ministère, pour visiter les ports de la Dalmatie.