1 - 15 juillet 1806


Saint-Cloud, ler juillet 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, j'ai reçu la lettre du roi de Bavière du.. . juin. Il ne faut pas qu'il accorde ainsi ses ordres à des jeunes gens.


Saint-Cloud, 2 juillet 1806

A M. Daru

Monsieur Daru, je viens de voir le portrait qu'a fait de moi David. C'est un portrait si mauvais, tellement rempli de défauts, que je ne l'accepte point et ne veux l'envoyer dans aucune ville, surtout en Italie, où ce serait donner une bien mauvaise idée de notre école.


Saint-Cloud, 2 juillet 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

Vouloir faire d'un pont un monument, c'est une idée bizarre. La première idée que présente le mot monument est celle d'une chose indestructible. Ainsi les Pyramides, construites de masses de pierres grossièrement taillées, sont des monuments. Mais il n'en est pas de même d'un pont, dont la durée, est nécessairement bornée, et qui est sujet à de nombreuses causes de destruction. Un pont est un ouvrage d'art dont la construction exige des combinaisons difficiles; il peut être un objet de décoration, mais il ne sera jamais un monument. Ces idées s'excluent nécessairement. Sa Majesté a demandé un pont vis-à-vis l'École militaire, afin d'avoir une communication, utile dans tous les temps, à portée d'un lieu d'exercices militaires, de rassemblement et de fêtes; le projet le plus économique est celui qu'elle choisira. Ainsi elle préfère un pont en fer, parce qu'il y aura une économie de 30 ou 40 pour 100. Ce pont doit être placé dans l'axe du Champ-de-Mars. Quant aux travaux pour le redressement entier du quai des Bons-Hommes, c'est un ouvrage qui peut se faire avec le temps.


Saint-Cloud, 2 juillet 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, il faudrait bien finir l'affaire d'Anspach. Je désire savoir si le maréchal Bernadotte a renvoyé ou non le conseiller prussien; s'il ne l'a pas fait, envoyez-lui un courrier extraordinaire pour lui faire connaître qu'il ait à le faire partir et mettre la Bavière en possession de tout le territoire d'Anspach et des pays qu'occupent mes troupes.

Il n'y a point de difficulté que les ministres, de Naples s'adresse à mes ministres pour les affaires de leur souverain; le roi de Naples est maître d'envoyer un chargé d'affaires à Paris et des consuls dans mes ports, comme cela lui conviendra. Donnez des ordres en conséquence à tous mes ministres et agents.

J'ai fait connaître hier à M. le cardinal Caprara tout ce que pouvais lui dire. La nécessité de conserver mes communications intactes avec mes armées exige que les ports des États du Pape soient fermés à l'Angleterre, pendant la guerre présente et à venir avec l'Angleterre et avec toute autre puissance maritime. Si le Pape consent à ces conditions, alors tout peut s'arranger. S'il n'y consent point, je m'emparerai de toutes ses côtes comme je viens de le faire, hormis que je ne les occupe que provisoirement, et que j'en prendrai possession définitivement.


Saint-Cloud , 2 juillet 1806

NOTE

Sa Majesté, après avoir pris connaissance de la lettre que le préfet de Jemmapes a écrite au grand juge, le 24 juin dernier, prescrit dispositions suivantes :

Le grand juge ordonnera au tribunal de Tournay de cesser toute poursuite et de prononcer la suppression des mémoires publiés dans cette affaire scandaleuse. Son intention positive est qu'il n'existe plus de procès sur cet objet.

Les châsses ayant été transférées avec solennité dans la cathédrale, elles ne peuvent plus en sortir.

Cependant l'intention de Sa Majesté est que la propriété jouisse de tous ses droits; celle du sieur Dotez est suspecte, attendu que les objets consacrés par la vénération publique, existant dans une cathédrale, n'appartiennent à personne qu'à l'État. On est donc porté à penser que, s'ils ont été vendus, l'acquéreur est complice de spoliation et doit être poursuivi comme tel : néanmoins, si, par des motifs quelconques, il vient à prouver qu'il est légitime propriétaire de ces objets, il sera indemnisé.


Saint-Cloud, 3 juillet 1806

A M. de Montalivet, directeur général des Ponts et Chaussées

Monsieur Montalivet, par mon décret du 22 avril dernier, j'ai accordé 200,000 francs pour la route de Sestrières à Plaisance. Je ne sais point encore si les projets sont faits.

Je vous envoie différents projets de routes de Parme et Plaisance à la Méditerranée. Il s'en présente trois : l'un de Parme à la Spezzia, l'autre de Plaisance à Sestrières, l'autre de Plaisance à la Spezzia. Mais, comme Gènes doit être considérée comme le centre du commerce francais avec l'Italie, je préfère que l'on se rattache à l'idée de chemins qui conduiraient à cette ville. Ce ne sera que quand on m'aura présenté les devis que je me déciderai.


Saint-Cloud, 3 juillet 1806

A M. Fouché

Mon intention est de former au château de Compiano une prison d'État comme à Fenestrelle. Faites faire les réparations nécessaires pour contenir 200 prisonniers. Nommez-y un lieutenant de gendarmerie sévère, et organisez cette maison de manière qu'on ne puisse pas s'en sauver. Nous avons au Temple quelques anciens chefs de chouans couverts de crimes et que nous ne pourrons jamais mettre en liberté. Il en vient de Naples, etc. Comme ce fort n'est pas très-éloigné de Gênes , le commissaire général de police peut en avoir la surveillance. Mettez 30,000 francs à sa disposition, et établissez-y une sévère police.


Saint-Cloud, 3 juillet 1806

A M. Fouché

Envoyez copie de cette note au général Morand. Si, depuis leur amnistie, ces individus ont servi les Anglais, le général Morand les fera arrêter et juger par une commission militaire. Il est nécessaire de faire des exemples et de fixer l'inconstance et l'inquiétude des habitants du Golo et du Liamone.


Saint-Cloud, 3 juillet 1806

Au  général Dejean

Monsieur Dejean, je suis instruit que la manufacture de poudres de Monte-Chiarugolo n'a pas toute l'activité que j'avais ordonné qu'elle eût. Elle a peu travaillé pendant trois mois. Mon intention est que vous mettiez cette poudrière dans la plus grande activité, ainsi que celle que j'ai dans le royaume d'Italie. Cette poudrière est renfermée dans un fort que je veux qu'on entretienne en bon état, qu'on arme de quelques canons, pour être à l'abri de pouvoir être pillée par un rassemblement de paysans. On tiendra, pour commander ce fort, un officier du grade de lieutenant.

Mon intention est également que le fort de Bardi soit en bon état; il doit y avoir dans ce fort quelques pièces de canon approvisionnées et au moins 150,000 cartouches. Ce fort peut être très-utile, car indépendamment qu'il en impose aux montagnards, il peut défendre la crête de l'Apennin contre une armée qui se serait emparée de Parme.

J'ai ordonné que l'on mît la citadelle de Plaisance à l'abri d'un coup de main. Je n'ai eu aucun rapport à cet égard. Je n'attache aucun prix à celle de Parme. Donnez les ordres les plus précis pour qu'il n'y ait ni pièces de canon ni poudre à Parme; la poudre doit être transportée directement de Monte-Chiarugolo à Plaisance et de là à Alexandrie. Et comme il peut être nécessaire d'envoyer de la poudre à Mantoue ou à Palmanova, il est indispensable que vous indiquiez, tous les ans, le lieu où il faut adresser la poudre.

Faites-moi connaître dans quel état est l'arme du génie et de l'artillerie dans les États de Parme. Envoyez une compagnie de vétérans de la 27e ou de la 28e division militaire au fort de Bardi; elle aura des détachements à Compiano et à la poudrière. Envoyez une autre compagnie de vétérans pour garder la citadelle de Plaisance.

Mon intention est qu'il y ait toujours 2,000 rations de biscuit à Bardi, autant à Compiano et à Monte-Chiarugolo.


Saint-Cloud, 3 juillet 1806

Au vice-amiral Decrès

Je désire avoir une note sur cette question :

Quel est le procédé à suivre pour avoir, le trente-quatrième mois après la paix, quatre-vingt-cinq vaisseaux de guerre, en comprenant ce que nous avons dans ce moment-ci ?

Je désirerais qu'à Anvers on put mettre en construction, cette année, deux autres vaisseaux, quand on n'en ferait que 4 vingt-quatrièmes.

Je désirerais qu'à Lorient on mît en construction deux autres vaisseaux, outre l'Inflexible, l'Alcide, le Glorieux et le Saturne. J'imagine que le Saturne doit être à l'eau à l'heure qu'il est.

L'Ajax doit être à l'eau à Rochefort. Je désirerais qu'il fût immédiatement remplacé par un autre, et qu'indépendamment de celui-là on en mît un autre en construction, de manière qu'il y ait cinq vaisseaux sur le chantier à Rochefort.

Il n'y a à Toulon que deux vaisseaux sur le chantier; je désirerais qu'on en mit deux autres, de manière que, sur les vingt et un vaisseaux qui sont sur le chantier, un à Lorient et un à Rochefort étant mis à l'eau seraient remplacés par deux autres; ce qui ferait vingt-trois. Six autres, dont un à Lorient, un à Rochefort, deux à Toulon, deux à Anvers, seraient mis en construction; ce qui ferait vingt-neuf vaisseaux, y compris ceux qui sont à l'eau, qui pourraient être lancés, si on le voulait, dans le courant de 1807.

Il faudrait mettre dix autres frégates en construction à Dunkerque, au Havre, à Saint-Malo, à Nantes, etc.

Faites-moi connaître à quelle époque le Robuste sera mis à l'eau à Toulon. Il serait bien important que ce pût être le plus promptement possible, afin de commencer à avoir une petite escadre à Toulon.

Prenez de nouvelles mesures pour que le Génois se rende à Toulon.


Saint-Cloud, 3 juillet 1806

DÉCRET

ARTICLE ler. - L'ordre des Jésuites est supprimé dans les États de Parme.

ART. 2. - Tous les individus de cet ordre qui ne sont pas nés dans lesdits États seront obligés de les évacuer; ceux qui y sont seront mis à la pension, et il leur sera défendu de porter un autre habit que celui des ecclésiastiques séculiers.

ART. 3. - Notre ministre des cultes est chargé de l'exécution du présent décret.


Saint-Cloud, 3 juillet 1806.

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois vos lettres du 28 juin. La mesure que vous avez prise, de charger l'ordonnateur de fournir aux corps qui sont en Dalmatie 12,000 paires de souliers et 12,000 chemises, est bonne en théorie, mais mauvaise dans la pratique. On vous fera de mauvaises chemises, de mauvais souliers; les commissaires des guerres feront de mauvais procès-verbaux, et rien n'arrivera aux corps, ou il n'y arrivera que du mauvais. Que sont devenus tous les souliers que j'avais en Italie ? Une grande partie a dû être envoyée en Dalmatie. Pour bien remplir votre but, il faut qu'un officier de chaque corps de Dalmatie se rende en Italie pour faire confectionner les effets dont ils ont besoin ; voilà le véritable parti à prendre. Lorsque vous voudrez faire des gratifications en Dalmatie, vous pourrez les faire au nom du roi d'Italie; mais ici on porte une scrupuleuse attention à la comptabilité. Le ministre a remis au conseil d'administration d'hier les comptes de l'armée d'Italie pour les quinze mois; tout le monde les a trouvés trop forts d'un tiers; on s'occupe de les examiner. Il y a en Italie des dilapidations, et dans l'ordonnateur peu de soin et de force, car tout coûte un tiers de plus qu'il ne devrait coûter. C'est à vous à y mettre ordre. Mais il vous faut un homme qui vous donne les bases de ce que doit coûter un soldat, ce qui n'est pas une chose très-difficile.

Ainsi donc exigez qu'un officier de chacun des corps qui sont en Istrie et en Dalmatie se rende à Venise pour faire fabriquer tout ce qui est nécessaire à leurs corps sur la masse de linge et de chaussure.


Saint-Cloud, 3 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, il paraît que le général Lauriston se laisse bêtement enfermer par 3 ou 4,000 Monténégrins; s'il avait marché à eux avec toutes ses troupes, il les aurait culbutés et leur aurait donné une bonne leçon. Ses lettres ne montrent point un caractère bien décidé. De qui peut-il se plaindre si ses forces ne sont pas réunies ? Pourquoi n'a-t-il pas marché avec toutes ses troupes ? Recommandez au général Molitor de marcher à son secours et de lui faire passer tous les moyens possibles. Désormais il n'a plus rien à craindre pour la Dalmatie.  Le ministre de la guerre rend compte que le maréchal Lefebvre a formé, de divers détachements, huit régiments complètement armés et équipés, auxquels on pourrait assigner un numéro pour les faire entrer dans l'effectif de l'armée.


Saint-Cloud, 3 juillet 1806

Au roi de Hollande

Je reçois votre exposé des réclamations du royaume de Hollande. Ce sont des réclamations qui datent de la conquête. Il faut ôter à votre conseil tout espoir que je lui envoie de l'argent, sans quoi il ne vous donnera pas les moyens de vous mettre au niveau de vos affaires. Je n'ai point d'argent et j'ai peine à suffire à mes immenses dépenses. Vous pouvez employer beaucoup de moyens; c'est à Leurs Hautes Puissances à délibérer sur les meilleures mesures à prendre pour se tirer d'affaire. La première chose à faire est de mettre une forte retenue sur les rentes, à peu près comme a commencé de faire l'Angleterre. Que le moyen qu'on vous propose, d'avoir recours à la France, est commode ! Mais il ne faut y compter d'aucune manière, parce que j'y suis dans la plus absolue impossibilité. 


Saint-Cloud, 3 juillet 1806.

DÉCISION

Le ministre de la guerre rend compte que le maréchal Lefebvre a formé, de divers détachements, huit régiments complètement armés et équipés, auxquels on pourrait assigner un numéro pour les faire entrer dans l'effectif de l'armée.

Je suis bien loin de vouloir augmenter le nombre de mes régiments; j'en ai plus que je n'en puis tenir au complet.


Saint-Cloud, 3 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, le général Lechi est accusé d'avoir commis des dilapidations dans le royaume de Naples, principalement du côté de Chieti; c'est pour cela que le roi l'a renvoyé. Il faudrait cependant éclaircir cela; il est difficile de penser qu'un officier aussi élevé en grade se porte à de pareils excès.


Saint-Cloud, 3 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, on a la rage de publier dans vos journaux tous les mouvements que vous faites faire à vos vaisseaux. On donne par là l'éveil aux croisières ennemies, et on leur indique les lieux où elles peuvent les prendre. Quelle nécessité, par exemple, de dire que l'on envoie des bâtiments à Sinigaglia et à Manfredonia ? Empêchez que ces abus se renouvellent.


Saint-Cloud, 4 juillet 18061

NOTE POUR LE MINISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES

Je négocie en ce moment avec un envoyé d'Angleterre, avec un envoyé de Russie, puissances avec lesquelles je suis en guerre.

Je négocie avec les princes du Corps germanique.

J'ai des négociations avec l'Autriche et la Prusse.

Toutes ces négociations ont des liens communs et des parties séparées; elles influent les unes sur les autres.

1- NÉGOCIATIONS AVEC L'ANGLETERRE

Je traite avec l'Angleterre. Je n'ai point voulu admettre que l'Angleterre traitât avec la Russie; et, après avoir longtemps discuté, l'Angleterre a enfin adhéré et a ouvert ses négociations avec moi. Il ne faut pas s'y tromper; elle a été engagée par la cour de Pétersbourg à entamer ces négociations.

Jusqu'à cette heure la négociation avec l'Angleterre n'a point fait de progrès. Il paraît que les propositions de l'Angleterre sont celles-ci : ravoir le Hanovre, reconnaître la situation actuelle de l'Europe, garder Malte et le cap de Bonne-Espérance, et garantir la Sicile à l'ancienne dynastie de Naples.

Par l'acquisition du cap de Bonne-Espérance, l'Angleterre sera sûre à jamais de la souveraineté des Indes; mais une possession éloignée de plus ou de moins ne peut être la pierre d'achoppement d'une négociation de cette nature. Mais, si l'Angleterre avait Malte et la Sicile, elle aurait comme une barrière infranchissable qui s'opposerait à la communication avec l'Adriatique et Constantinople. Il serait difficile de jamais souscrire à cette proposition, d'autant plus que la Sicile ne tardera pas six mois à être en notre pouvoir.

Il faudrait donc, ou que l'Angleterre renonçât à exiger la garantie de la Sicile à l'ancienne Maison de Naples, ou qu'elle renonçât à Malte. Si elle renonçait à Malte, on pourrait consentir à en raser les fortifications, ce qui rendrait Malte sans intérêt, ou la remettre telle qu'elle est à une puissance neutre, comme le Danemark. Il faudrait encore que l'ancien roi et l'ancienne reine abdiquassent et que le jeune prince régnât en Sicile; qu'il ne pût jamais avoir aucune force anglaise dans son île, ni donner refuge ou avoir à sa solde aucun bâtiment ennemi, vivant sur la foi des traités, sur la fidélité même des troupes qu'il pourra se former, mais non garanti par aucune force étrangère. Dans cette position, la Sicile serait conquise le jour où on le voudrait, ou bien au premier signe d'hostilité entre les deux puissances.

Ainsi donc un grand amour de la paix pourrait porter à garantir le prince royal de Naples roi de Sicile, si l'Angleterre voulait ne pas conserver Malte. Dans ce cas, je ne m'étendrais pas trop sur la question du Hanovre; ce serait alors une question à arranger avec la Prusse. Jamais je ne pourrais m'engager à autre chose qu'à interposer mon influence. La remise de Malte devrait avoir lieu le jour de celle du Hanovre. Mon influence dans la négociation ferait le reste.

Je serai, par ce système, conséquent dans mon dire de tous temps, de ne point laisser Malte à l'Angleterre.

Cette nouvelle tournure à donner à la négociation a l'avantage de placer la question d'une manière différente, et qui fait que les autres puissances n'y ont plus le même intérêt. La Russie et l'Angleterre ont le même intérêt pour la dynastie de la Sicile; elles n'ont pas le même pour Malte. Cela donne ainsi lieu à beaucoup de raisonnements. Vouloir le Hanovre contre rien, ce n'est point juste; ici au moins on l'a contre Malte.

2- NÉGOCIATIONS AVEC LA RUSSIE

Je traite avec la Russie. La lettre de M. Czartoryski du ler mai est aussi bonne et franche qu'on puisse s'y attendre. Mes intérêts avec la Russie sont relatifs à la Porte. M. Talleyrand connaît dessus mes intentions, de manière que je crois inutile de m'étendre sur cet article.

Je verrais avec peine que la Russie gardât Corfou; mais enfin s'il fallait y consentir, il faudrait stipuler qu'elle n'aura aucune communication par le Bosphore, et que le nombre de ses troupes pourra être trop considérable.

Quant au roi de Naples, il faut tâcher que la Russie n'en parle pas, puisque cela ne la regarde point. Il faut beaucoup dire que la garantie de la Sicile est un nouveau moyen de paix avec l'Angleterre et qu'il n'est pas juste qu'elle nous ôte ce nouveau moyen de paix. Mais enfin je serai prêt à contracter avec la Russie l'obligation  de garantir la Sicile à la dynastie actuelle de Naples, quand l'Angleterre fera la remise de Malte, soit à l'Ordre dans sa parfaite indépendance, soit à une puissance neutre quelconque. Il faudra ne se porter à cette concession que lorsqu'il n'y aura pas moyen de faire autrement. Ce sera en forme de déclaration de ma part, puisqu'il ne peut y avoir de contractants, vu que c'est une clause qui doit être remises par l'Angleterre. Il faudra que ce soit rédigé de manière que le cas où je m'emparerais de la Sicile avant la paix conclue avec l'Angleterre ne soit pas prévu.

La paix avec les Russes paraît ainsi une chose possible; cette condition, qui sauvera leur honneur pour Naples, peut contribuer à l'accélérer.

Quant au Hanovre, il faut éviter d'en parler avec la Russie. Cela est simple : le Hanovre ne leur appartient pas. C'est à eux de s'en expliquer avec la Prusse. C'est d'ailleurs, dira le négociateur français, un article qu'il serait inutile de discuter, puisque cela regarde l'Angleterre, qui a beaucoup de moyens de compensation dans les mains et ne veut en donner aucun.

Il y aurait ici de l'adresse à obtenir que la proposition de garantir la Sicile pour Malte vînt de la Russie, et qu'elle fût faite par le ministre russe à lord Yarmouth.

3- NÉGOCIATIONS AVEC LA PRUSSE

Le but de toute négociation et de toute communication avec la Prusse doit être: 1° de lui persuader que je ne l'abandonnerai jamais dans l'affaire du Hanovre, et que je seconderai toujours sa volonté sur cet objet; 2° de lui faire reconnaître positivement les rois de Naples et de Hollande, mais surtout le roi de Naples; 3° de lui faire adopter un système de guerre plus actif pour fermer les ports du Nord à l'Angleterre, et même le Sund, coup de vigueur qui terrifierait l'Angleterre, parce qu'il lui serait porté au même moment où on lui fermerait le Portugal. ll faut donc, en même temps qu'on négocie avec les ministres d'Angleterre et de Russie, négocier ici avec M. Lucchesini, et à Berlin par M. Laforest, sur les trois objets ci-dessus.

4- NÉGOCIATIONS AVEC L'AUTRICHE ET L'ALLEMAGNE

Elles sont relatives aux bouches de Cattaro; mais, pour ces deux ou trois jours, il est inutile d'en parler. Ces négociations sont d'ailleurs d'une telle nature qu'on doit pouvoir signer dans une nuit et au moment où l'on s'y attendra le moins.


Saint-Cloud, 5 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, vous trouverez ci-joint copie d'un décret que vous enverra M. Aldini, sur les plans de Mantoue et de Legnago; vous verrez que je destine aux travaux de ces places les 500,000 francs que j''avais réservés pour Venise; mais j'entends que tout ce qui sera dépensé pour Mantoue le soit à Pietole. Tant que cette position sera en mauvais état, la fortification de Mantoue sera manquée. Je veux également que tout ce qui sera dépensé pour Legnago le soit à Porto. Il serait ridicule que tout l'argent fût dépensé soit au camp retranché, soit à la gorge de Legnago. Quant à Peshiera, je n'approuve rien de ce que fait le général Chasseloup; je ne veux point jeter tant d'argent dans une si mauvaise place, mais l'y dépenser dans le sens d'un long mémoire qu'il recevra du ministre Dejean à ce sujet. Envoyez-moi un mémoire sur la Rocca d'Anfo, afin de connaître le parti qui devra être pris. Quant aux dépenses à faire l'année prochaine, j'attends un rapport du général Chasseloup. Je désire achever entièrement, en 1807, tous les travaux de la ligne magistrale de Pietole, achever entièrement Porto. Je ne veux dépenser que peu de chose à la Rocca d'Anfo; tout au plus 100.000 francs à Peschiera; et, lorsqu'on m'aura fait connaître ce qu'il faut pour Pietole et pour Porto, j'arrêterai les fonds à y dépenser en 1807. J'attends toujours les projets des autres places; pressez-en l'envoi le plus possible; je ne veux point m'engager dans des ouvrages que je ne voudrais pas aire. Faites-moi connaître si les trois millions destinés aux îles de Venise, la Rocca d'Anfo, Palmanova, seront employés cette année.


Saint-Cloud, 5 juillet 1806

Au roi de Naples

Votre gouvernement n'est pas assez vigoureux, n'est pas assez fortement organisé. Vous craignez trop d'indisposer les gens. Vous êtes trop bon et vous avez trop de confiance dans les Napolitains en moments-ci. Ce système de douceur, définitivement, ne vous réussira pas, soyez-en certain; c'est là l'opinion de tous les hommes de l'armée à Naples. Prenez donc plus d'énergie et des mesures pour vous procurer de l'argent.


Saint-Cloud, 5 juillet 1806

Au roi de Naples

Vous nous avez envoyé assez de galériens. On ne sait plus qu'en faire, ni comment les nourrir; ils sont d'une dépense énorme. Dans la route, ils ont empoisonné les hôpitaux; plusieurs se sont sauvés et l'on aura beaucoup de peine à les reprendre dans les montagnes. D'ailleurs, il y a en France tant de galériens, qu'il est impossible que j'en reçoive d'autres. Ne m'en envoyez donc pas davantage.


Saint-Cloud, 5 juillet 1806

DÉCISION

Le ministre de l'intérieur propose d'accorder la décoration de la Légion d'honneur à M. Baader, qui a fait l'hommage à l'Empereur de quelques découvertes dont on pourra faire usage dans les établissements hydrauliques.

Il me semble que je ne puis donner la décoration de la Légion d'honneur pour cet objet; mais j'autorise le ministre à lui faire un présent.


Saint-Cloud, 6 juillet 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur de Talleyrand, vous ayant nommé à la principauté de Bénévent, et le roi de Naples en ayant fait prendre possession par mes troupes, il est convenable que vous y envoyiez un ministre pour régir cette principauté en vôtre nom. Mon intention est que vous en preniez possession, même avant d'avoir prêté serment.


Saint-Cloud , 6 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, vous pouvez prendre possession de Guastalla; c'est une affaire terminée. La princesse doit envoyer quelqu'un pour recevoir en son nom la remise des biens allodiaux qui lui restent. J'ai autorisé la réunion de cette principauté à mon royaume d'Italie à cette condition.

Je vous laisse le maître de faire pour Monti tout ce que vous voudrez. J'ai signé le décret relatif au placement des préfets italiens et des magistrats vénitiens; M. Aldini vous l'enverra.


Saint-Cloud, 6 juillet 1806

Au roi de Naples

Je ne vois pas d'inconvénient à ce que le général Mathieu accepte la place d'un des commandants de votre garde.

Les ennemis ne feront pas de descente sérieuse; ils ravageront tout au plus quelques villages. Les Anglais ne sont pas assez bêtes pour compromettre leur monde.

Il n'y a pas d'inconvénient à ce que vous renvoyiez le général Saint-Cyr en France.

Puisque vous organisez des régiments napolitains, je ne vois pourquoi vous n'y mettez pas vos recrues. J'ai bien de la répugnance à mettre des Napolitains dans les cadres français; je m'y suis toujours refusé en Italie.

Vous avez le 20e régiment de ligne; complétez les deux bataillons de ce régiment qui sont à votre armée à 2,400 hommes, c'est-à-dire à 150 hommes par compagnie. Il n'y a au corps que 1,500 Français; vous pouvez donc employer ainsi 900 Napolitains. Si cela réussit, je vous ferai passer les cadres des 3e et 4e bataillons, qui pourront être également complétés par des Napolitains. Par ce moyen, votre but sera atteint et mon armée ne sera pas dénaturée.


Saint-Cloud, 6 juillet 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, j'apprends que le colonel Darricau a fait sans ordre une convention avec un colonel prussien, dans laquelle il a compromis mes intérêts. Donnez-lui l'ordre de se rendre aux arrêts forcés à Wesel, et envoyez, par un courrier extraordinaire, l'ordre au 32e régiment de retourner à son poste et de replacer les chose à Werden comme elles l'étaient avant ladite convention.


Saint-Cloud, 6 juillet 1806

Au roi de Naples

Mon Frère, je verrais avec plaisir que vous nommiez M. Arrighi, vicaire général de l'île d'Elbe, à un évêché de votre royaume de Naples.


Saint-Cloud, 7 juillet 1806

DÉCISION

Le ministre de la guerre demande si l'on doit rétablir le pont de Vieux-Brisach, enlevé en partie par un débordement du Rhin.

Il sera plus convenable de le rétablir à Huningue, mais pour le passage de la Grande Armée.

DÉCISION

Le ministre des finances propose de nommer M. Dubarret à la place de conservateur du ler arrondissement des forêts, vacante par la démission de M. Perrache-Franqueville.

Avant de nommer à cette place, savoir pourquoi le titulaire se démet. Lui faire connaître que, parce que j'ai séparé mes domaines, ce n'est pas une disgrâce ni une preuve de mécontentement, et que je désire qu'il reste.


Saint-Cloud, 7 juillet 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, il sera convenable, lorsque vous quitterez l'Allemagne, que vous envoyiez quelques gratifications aux officiers et administrateurs autrichiens qui ont bien traité nos malades à Brünn, à Vienne et à Braunau; et, s'il se trouve parmi eux quelques officiers généraux, faites-leur remettre des boîtes avec mon chiffre.


Saint-Cloud, 7 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, le ministre Dejean ne peut ordonnancer le payement des 10, 000 quintaux de blé qui ont été expédiés à Zara et à Spalatro dans le courant d'avril. L'ordonnateur, qui a des fonds pour mai et juin, fait fort bien de ne pas payer ces 170,000 francs, parce qu'ils ne doivent point figurer dans le compte de la masse de boulangerie de ces mois. S'il ne pouvait les avancer que sur la masse de retenue de mai et juin, avancez-les sur les fonds de mon trésor d'Italie. Vous comprenez bien que, pour ces 10,000 quintaux de blé, je dois avoir une économie de 170,000 francs sur la masse de boulangerie de mai et de juin du corps de Dalmatie.


Saint-Cloud, 7 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, donnez ordre au général Marmont de se rendre en Dalmatie. Il prendra le titre de commandant en chef de mon armée en Dalmatie. Son premier soin sera de dégager le général Lauriston. Il partira vingt-quatre heures au plus tard après en avoir reçu l'ordre afin d'être rendu à Zara le plus tôt possible. J'ai vu avec peine que le général Molitor n'a fait aucune des choses que j'avais ordonnées. Faites-moi connaître pourquoi, au lieu de réunir 4,000 hommes à la Narenta pour soutenir le général Lauriston, il a laissé ses troupes disséminées. Quel que soit le nombre des malades dans mes troupes qui sont en Dalmatie, je ne puis concevoir que le 8e d'infanterie légère, ayant les 5e, 23e, 79e et 8le régiments d'infanterie de ligne, ayant ensemble un effectif de plus de 15,000 hommes en Dalmatie, ne puissent pas offrir 8 à 9,000 hommes en ligne. Indépendamment de ces forces, le général Marmont aura avec lui les deux bataillons du 18e régiment d'infanterie légère, le bataillon brescian, celui de ma Garde italienne et le 60e régiment de ligne. Il suffit de tenir en Istrie le 13e régiment. Cependant il est important de ne pas envoyer en Dalmatie les quatre bataillons du 60e, mais seulement ses deux
premiers, complétés à raison de 1,000 hommes par bataillon; les cadres des 3e et 4e bataillons pourront rester où ils sont, afin de rassembler tout ce qui sortira de l'hôpital et les conscrits. Laissez le général Marmont maître d'emmener quatre autres bataillons de sa division, en ayant soin qu'ils soient pris parmi les premiers bataillons des corps et complétés à raison de 1,000 hommes chacun. Cependant mon intention est que, si au moment où ces corps seront arrivés à mi-chemin de leur destination, on était instruit que Raguse a été dégagée, le général Marmont renvoie ce qui serait inutile, pour ne pas avoir trop de troupes en Dalmatie.


Saint-Cloud, 7 juillet 1806

Au général Marmont

Monsieur le Général Marmont, je vous donne le commandement de mon armée de Dalmatie. Les circonstances vous fourniront l'occasion de vous distinguer. Partez sans délai, et réunissez mes troupes, qu'on laisse disséminées dans un tas de places peu importantes. La seule place vraiment importante de la Dalmatie, c'est Zara; c'est la seule qui soit en état de soutenir un siège; elle est armée et approvisionnée. Concentrez-y aussi tous vos approvisionnements. Le premier objet que vous devez avoir en vue, c'est de dégager Raguse et le général Lauriston. Votre second objet sera d'occuper les bouches de Cattaro, que les Autrichiens doivent vous remettre. Une fois maître des bouches de Cattaro, vous n'aurez rien à craindre pour Raguse, puisque les seuls ennemis qui pourraient l'attaquer sont les Monténégrins, qui ne pourront plus alors communiquer avec Raguse ni avec la Dalmatie. Indépendamment de la voie de mer qui conduit à Stagno , il y a la vallée de Trebigne qui conduit par terre à Raguse, et où les Turcs vous laisseront passer, parce qu'ils savent que cette cause est commune à la Bosnie.


Saint-Cloud, 8 juillet 1806

DÉCRET

TITRE 1

ARTICLE ler. - Le Prytanée militaire est placé, à dater du 1er janvier 1807, dans les attributions du ministre de la guerre.

TITRE II

DE L'ADMINISTRATION ÉCONOMIQUE

ART. 2. - L'administration des masses est confiée à un conseil d'administration.

ART. 3. - Le conseil d'administration est composé,

Du commandant militaire, président;

Du directeur des études,

Du chef de bataillon attaché au Prytanée,

Et d'un quartier-maître secrétaire.

ART. 4. - Le conseil rend chaque année compte de sa gestion. 

ART. 5. - Tous les actes de l'administration sont écrits et consignés dans des registres à ce destinés.

ART. 6. Le procureur gérant fait les fonctions d'économe.

TITRE III

DU COMMANDANT MILITAIRE

ART. 7. Le commandant militaire commande en chef le Prytanée.

Il correspond seul avec le ministre de la guerre et lui rend compte de la situation de l'établissement.

ART. 8. - Sa surveillance en embrasse toutes les parties et il est spécialement chargé du maintien de l'ordre, de la police
discipline dans l'intérieur.

ART. 9. - Il reçoit les élèves, les fait enregistrer et classer par le directeur des études, et entretient la correspondance avec les parents.

ART. 10.- Il nomme aux différents grades parmi les élèves d'après les notes qui lui sont remises par le directeur des études.

ART. 11. - Il a la nomination et la révocation de tous les employés et servants qui ne sont pas comptables directs.

ART. 12. - Il donne les ordres pour la marche de l'administration, d'après les règlements et les délibérations du conseil.

TITRE IV

DU DIRECTEUR DES ÉTUDES

ART. 13. - Le directeur des études est chef de l'enseignement. Il a sous ses ordres le sous-directeur des études, les professeurs, et maîtres de quartiers.

ART. 14. - Sa surveillance embrasse toutes les parties de l'enseignement, et il est spécialement chargé du maintien de l'ordre, de la police et de la discipline dans l'intérieur des classes et salles d'étude.

ART. 15. - Il rend compte au commandant militaire des fautes commises par les élèves, les professeurs et maîtres de quartiers.

ART. 16. - Il lui présente les sujets susceptibles d'être dans les régiments ou envoyés à l'école de Fontainebleau ou de Metz.

TITRE V

ART. 17. - Les dispositions de notre décret du 13 fructidor an XIII, qui ne sont pas contraires au présent décret, sont maintenues.

ART. 18. - Notre ministre de la guerre est chargé de l'exécution du présent décret.


Saint-Cloud, 8 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, rendez-vous à Venise, restez-y cinq ou six jours. Passez en revue l'arsenal; entrez dans tous les détails; activez tous les travaux. Tenez un conseil de marine, auquel vous appellerez tous les officiers de marine et les administrateurs les plus expérimentés, pour aviser aux moyens de faire passer des secours à Raguse. Vous ferez distribuer sur quatre petits bâtiments 600,000 rations, moitié de farine, moitié de biscuit, 600,000 cartouches, 600 fusils et quelques barils de poudre. Vous ferez partir sur-le-champ ces quatre bâtiments, qui saisiront les moments favorables pour éviter les croisières et filer sur Raguse. Vous ordonnerez qu'on arme ainsi un petit bâtiment toutes les semaines, jusqu'à ce que Raguse soit débloquée. Il y a plusieurs bricks, appartenant à ma marine italienne, qu'on assure être bons marcheurs : s'ils sont réellement propres à des expéditions de ce genre, confiez-en le commandement aux meilleurs officiers; chargez-les de biscuit, de farine, de cartouches, de poudre, autant qu'ils en pourront porter, et faites-les partir pour s'introduire dans Raguse en évitant les croisières.

Vous devez trouver à Venise beaucoup de marins expérimentés qui, connaissant parfaitement ces parages, pourront soustraire vos bâtiments aux croisières et les conduire de nuit dans le port.

Si vos frégates étaient bonnes marcheuses, je ne verrais pas de difficulté à les charger de toutes sortes de munitions de guerre et de bouche et à les faire servir à ces expéditions; mais je les crois tellement mauvaises marcheuses qu'elles ne pourraient que se compromettre.

Donnez ordre que tous les petits bâtiments que vous avez à Venise prennent la mer, pour aller croiser sur les derrières de l'ennemi, protéger les canaux de la Dalmatie et la communication intérieure de toutes ces îles.

Ordonnez au général Lemarois d'armer à Ancône quatre petits bâtiments, qu'il fera approvisionner de la même manière que ceux qui partiront de Venise. Il pourra y faire mettre pour lest des boulets. Il prendra la poudre et les cartouches dans l'arsenal d'Ancône. Ces quatre bâtiments partis, vous lui prescrirez d'en faire partir un pareil toutes les semaines.

Toutes ces expéditions se feront aux frais de mon trésor d'Italie, sauf à les régler ensuite définitivement. Accordez tout l'argent qui sera convenable pour que rien n'éprouve de retard. Vous pouvez mettre aussi sur chaque bâtiment un approvisionnement de riz.

Pendant le temps que vous resterez à Venise, faites vérifier tout ce qui sera parti en souliers, effets d'habillement, vivres et munitions; et tout ce qui serait en magasin , faites-le partir; il paraît qu'il y a très-peu de chose d'arrivé en Dalmatie.

Enfin prenez toutes les mesures de prudence pour faire passe secours et ravitailler Raguse.


Saint-Cloud, 8 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, envoyez-moi le mouvement des hôpitaux d'Istrie dans les mois de mai et juin, afin que je connaisse le nombre d'hommes qui y sont entrés et sortis, et qui sont morts pendant chaque mois.


Saint-Cloud, 8 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, faites-moi connaître si les divisions de réserve de chasseurs et de dragons de l'armée de Naples qui sont en Italie vont au manége tous les jours, et si les dragons sont déjà à l'école de bataillon. Recommandez aux généraux Pouchin et Valory de faire exercer l'une et l'autre de ces divisions au détail, de manière qu'au mois de septembre elles puissent manœuvrer en ligne et commencer les grandes manœuvres.


Saint-Cloud, 8 juillet 1806

Au roi de Naples

J'ai fait ce que vous désiriez pour le chef de bataillon Thomas; vous pouvez lui annoncer qu'il est officier de la Légion d'honneur.

Vous pouvez renvoyer tous les officiers que vous ne voulez point garder. Je vous ai déjà écrit que vous étiez le maître de renvoyer Saint-Cyr ou Masséna, comme cela vous conviendra. Si vous avez des plaintes plus particulières sur le général Rusca, qu'on les envoie au ministre de la guerre pour qu'il soit puni en conséquence.

Tout ce qui appartient à la masse de linge et chaussure de vos bataillons de guerre va partir pour l'armée de Naples. Vous ne devez point être surpris des soins que je prends : il faut que je considère l'ensemble et ne sois pas un moment au dépourvu. Le royaume de Naples m'emploie quatorze régiments; l'lstrie et la Dalmatie m'en emploient huit; voilà donc vingt-deux régiments hors de mon système de guerre. Il faut donc que je remplace les uns et les autres, et que j'aie, dans mes dépôts d'Italie, de quoi habiller dans un hiver une trentaine de milliers de conscrits.

Est-il bien prudent de mettre les armes à la main aux personnes qui étaient hier dans le parti contraire ? N'avez-vous point trop de sécurité ?

Mes négociations avec l'Angleterre continuent; tout serait déjà conclu sans la Sicile.

Je vois avec peine que vous employez vos chaloupes canonnières, qui sont vos moyens de passage, devant Gaète , où non-seulement elles ne vous sont d'aucune utilité, mais où elles courent même quelques dangers par l'immense supériorité des ennemis.

Je désire que vous m'envoyiez exactement la situation de votre armée napolitaine, tant en généraux qu'en troupes. Allez doucement sur ce point. Ce sont des moyens jetés dans l'eau que de solder des corps sans officiers, peu attachés et qui, dans des occasions importantes, pourraient vous manquer. Votre étoile polaire doit être ceci : si une nouvelle coalition se formait et si l'on perdait une bataille sur l'Adige, quelle conduite tiendraient ces gens-là ? Je sais que cela n'arrivera pas; mais enfin cela peut arriver, et c'est dans les temps ordinaires et pendant la paix qu'il faut montrer de la sagesse et de la prévoyance.


Saint-Cloud, 8 juillet 1806

Au roi de Hollande

Je ne pense pas qu'aucune escadre puisse partir du Texel avant la fin d'octobre ou le commencement de novembre. Je ne vois pas d'inconvénient à envoyer un bataillon à Curaçao; mais voyez de quelle manière;  vos marins pensent qu'il pourra sortir. Je vous ai demandé des mémoires et des plans de Surinam et du cap de Bonne-Espérance. Qu'est-ce que vos marins pensent qu'il faudrait faire pour reprendre l'une ou l'autre de ces colonies avec une de mes escadres combinées ? Une expédition de 4,000 hommes pourrait-elle doubler l'Écosse pour se rendre à Surinam ou au cap de Bonne-Espérance ? Quel est le danger attaché à cette navigation si l'on est bloqué, et quel moyen d'arriver ? Quelle est la saison du voyage ?


Saint-Cloud, 9 juillet 1806

DÉCISION

Le ministre de la justice présente un rapport et un projet de décret impérial tendant à faire publier, dans les 27e et 28e divisions militaires, la loi du 10 vendémiaire an IV, sur la responsabilité civile des communes pour les délits commis sur leur territoire.

Ces sortes de lois supposent l'absence de gouvernement, et c'est en effet lorsqu'il n'y point de gouvernement qu'on peut faire aux citoyens une obligation de veiller eux-mêmes. Hors de ces circonstances, ils ne sont responsables que de leurs faits personnels. Un gouvernement doit veiller pour eux comme pour lui-même. Répondre dans ce sens au général Menou.


Saint-Cloud, 9 juillet 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DU TRÉSOR PUBLIC

Sa Majesté tiendra lundi prochain un conseil des finances. 

Le ministre fera connaître dans ce conseil ce qu'il a reçu de l'Italie française depuis le 1er vendémiaire an XIV jusqu'au 1er juillet 1806, département par département, administration par administration, et il aura soin de porter comme reçu ce qui ne serait pas rentré dans les écritures du trésor public et qui serait cependant connu comme effectivement rentré.

Il distinguera dans ces recettes les fonds généraux et les spéciaux.

Il présentera en même temps un état de ce qui a été reçu de l'Italie française, pendant l'an XIII , par département et par nature de recettes.

Il apportera également l'état, par département et par nature de recettes, des dépenses qui se font régulièrement dans l'Italie française et il le dressera, ou d'après les dépenses de l'exercice courant, ou d'après celles de l'an XIII. Il ne comprendra pas dans cet état les dépenses de la guerre, qui sont variables, mais seulement celle des états-majors, des commandements des places, etc., qui sont dépenses fixes; l'objet qu'on se propose étant de connaître ce qui restera disponible pour les dépenses variables de la guerre. Il présentera, dans un état à part, ce que coûtent les dépenses variables de la guerre, au ler juillet, dans l'Italie française.

Le ministre de l'administration de la guerre doit lui envoyer un mémoire faisant connaître quelle est la portion de la dépense des régiments stationnés dans l'Italie française qui se payerait en France, telle que l'habillement, les remontes, etc.

Enfin le ministre du trésor public proposera l'établissement d'un intendant des finances et d'un caissier central pour l'Italie française. Le caissier central ne serait qu'une machine qui recevrait tout l'argent des receveurs et le verserait au fur et à mesure dans les mains du payeur. Par l'organisation de cette machine, on arriverait à ne tirer jamais un écu de l'Italie française, qui ne ferait autre chose que de payer tant de troupes et de fournir tant de conscrits.


Saint-Cloud, 9 juillet 1806

DÉCISION

L'administrateur, préfet des États de Parme et de Plaisance, fait un rapport sur l'évasion des forçats napolitains à Pontremoli.

Sa Majesté désire que le ministre de l'intérieur écrive à l'administrateur, préfet des États de 'Parme et de Plaisance, que le rapport relatif à l'évasion des forçats napolitains n'est point satisfaisant, attendu qu'il ne fait connaître ni le nombre de ceux qui ont été tués ou pris, ni la nature des mauvais traitements qui ont été faits aux troupes françaises à Pontremoli. Si ces mauvais traitements sont graves et constants, il faut brûler ce village, afin que l'on soit bien convaincu du respect qui est dû aux troupes françaises, qui ont le droit d'aller partout en Italie, ainsi qu'elles l'ont toujours fait.

DÉCISION

Les jeunes gens de Rouen, arrêtés pour les troubles qui ont eu lieu au théâtre de cette ville et pour la distribution de quelques pamphlets, demandent leur mise en liberté.

Il me semble que ces jeunes gens sont suffisamment punis. Le ministre de la police les fera mettre en liberté, puisque les plus coupables n'y sont pas, et leur fera recommander par le maire plus de sagesse à l'avenir et  surtout plus de respect pour la force armée.


Saint-Cloud, 9 juillet 1806

NOTE CONCERNANT L'ORGANISATION DES RÉGIMENTS D'ÉCLAIREURS

Présenter un projet d'organisation de quatre régiments d'éclaireurs, composés chacun de quatre escadrons et de 200 hommes par escadron.

La taille des éclaireurs sera au plus de 5 pieds.

La taille des chevaux sera de 14 pieds à 4 pieds et 3 pouce 1/2 au plus.

Les chevaux ne seront ferrés que des deux pieds de devant. La bride sera la plus simple possible.

Ils auront un coussin au lieu et place de selle; bien entendu qu'on adaptera à ce coussin des étriers et les autres accessoires indispensables.

Les éclaireurs auront un habit, une veste et une culotte ou pantalon, et, en outre, une veste d'écurie. Ils auront aussi une capote pour leur servir et tenir lieu de manteau. Le porte-manteau sera le plus petit possible, et les effets à y renfermer ne pourront peser plus de 4 livres.

Les bottes seront approchant celles des hussards, mais sans aucun ornement.

Dans cette nouvelle institution, l'intention de l'Empereur est d' utiliser les petits chevaux et de diminuer la consommation des grandes espèces.

Ces corps pourront rendre les mêmes services comme éclaireurs que l'ont fait jusqu'à ce jour les hussards et les chasseurs. On pourra partout les multiplier avec la plus grande facilité, parce qu'on trouvera à se procurer en tout temps et presque partout des chevaux de cette taille, et qu'en campagne ces corps pourront se remonter avec toute espèce de chevaux.

Pour suite de cette institution, les hommes au-dessous de la taille de 5 pieds, trop petits pour servir dans les dragons, pourront être utilisés dans la cavalerie, ainsi qu'ils le sont déjà dans l'infanterie par la création des compagnies de voltigeurs, et néanmoins ces régiments seraient en proportion beaucoup moins chers.

Il importe, pour répondre aux ordres de l'Empereur, d'évaluer leur dépense pour la partie afférente à chacun des deux ministères.

L'intention de l'Empereur serait que les chevaux des éclaireurs fussent tenus en tout temps en plein air et nourris à la prairie, sans avoine. C'est un essai qui mérite d'être tenté; il ne présente en France aucun inconvénient pendant huit ou neuf mois de l'année; mais, pendant trois ou quatre mois d'hiver, cet essai devra être modifié dans presque toute la France à raison des fortes gelées et des neiges, et, à mon avis, il deviendra indispensable d'avoir des hangars fermés sur deux ou trois de leurs côtés dans les lieux de pacage, et d'y nourrir les chevaux au fourrage sec pendant la durée du grand froid ou des neiges.

L'île de la Camargue est le seul-endroit que je sache, en France, qui fasse exception à ce que je viens de dire; les moutons et les chevaux y paissent tout l'hiver en plein air et sans abri. 

L'intention de l'Empereur serait d'avoir pour chacun de ces corps une garnison fixe, où l'on achèterait, avec le temps, le terrain nécessaire pour fournir les herbages.

L'île de la Camargue serait un de ces quatre dépôts.

Tous les six ou huit ans, ces corps changeraient entre eux de garnison.

En route, les chevaux seraient placés dans des écuries ou des granges.

Sa Majesté Impériale a été déterminée au projet proposé par les considérations ci-dessus détaillées et, en outre, par ce qu'elle a vu à l'armée d'Italie et à celle d'Égypte. Le 22e régiment de chasseurs a amené à l'armée d'Italie 200 chevaux de la Camargue, achetés à raison de 150 francs l'un; la taille de ces chevaux n'excédait pas il pieds 2 pouces, et ils n'étaient ferrés que des deux pieds de devant. Par suite de leur éducation ils ont résisté, dans la campagne d'Italie, à toute la misère des montagnes; passés depuis en Égypte, ils y plus résisté que les autres chevaux.

Le général Dejean, par ordre de l'Empereur.


Saint-Cloud, 9 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, j'ai nommé le général Marmont commandant de mon armée de Dalmatie. Il sera sans doute parti pour Zara. Il est bien nécessaire que les 3e et 4 bataillons du 60e, le 3e du 18e d'infanterie légère, et les 3e et 4e bataillons des régiments que le général Marmont aura emmenés soient formés en une division de réserve qui portera le nom de division de réserve de Dalmatie. Vous réunirez les dépôts du 8e d'infanterie légère, des 5e, 23e, 79e et 81e de ligne. Tous ces détachements seront divisés en trois brigades à Padoue, Vicence et Trévise, sous les ordres des majors et si l'inspection d'un général de brigade, qui s'occupera sans relâche former et d'organiser ces dépôts, et de tout préparer pour l'arrivée des conscrits. Par ce moyen, vous pourrez exercer une grande surveillance sur l'administration et l'instruction de ces dépôts. Faites diriger tous les malades et tout ce qu'il y aurait en arrière appartenant à ces corps. Lorsque les circonstances le permettront, faites venir les cadres des 3e et 4e bataillons des 5e et 23e de ligne, et ceux du 8e léger et des 79e et 81e de ligne. Je n'ai pas besoin vous faire sentir l'importance de ces mesures, car il faut tout préparer pour que ces huit ou neuf corps aient des moyens de se refaire des pertes qu'ils éprouveront par les maladies et par l'ennemi.


Palais de Saint-Cloud, 10 juillet 1806

DÉCRET

ARTICLE ler. - Il sera formé, pour l'Italie, deux troupes d'éclaireurs francais qui représenteront les chefs-d'œuvre, tant dans la tragédie que dans la comédie , du théâtre français.

ART. 2. - L'une de ces troupes sera chargée du service des principales villes de la partie de l'Italie qui est réunie à notre empire de France; l'autre troupe devra parcourir les principales villes de notre royaume d'Italie.

ART. 3. - La première de ces troupes séjournera trois mois à Turin, trois mois à Alexandrie, trois mois à Gênes et deux mois à Parme; un mois sera employé en voyages.

ART. 4. - La seconde troupe passera quatre mois à Milan, trois mois à Venise, deux mois à Bologne et deux mois à Brescia, et emploiera pareillement un mois en voyages.

ART. 5. - Chaque troupe jouera quatre fois par semaine.

ART. 6. - La demoiselle Raucourt, artiste du Théâtre-Francais, est, chargée, aux conditions suivantes, de l'organisation et de la direction de ces deux troupes, pendant l'espace de trois années, qui commenceront au 1er avril de l'année prochaine 1807.

ART. 7. - La demoiselle Raucourt n'admettra, dans la composition de ces troupes, que des acteurs francais d'un talent reconnu et parfaitement en état de rendre les beautés de la tragédie et de la comédie françaises.

ART. 8. - Les avances et les appointements, les frais de voyage, de vêtements et de décorations, le loyer des salles de spectacle et toutes autres dépenses, soit ordinaires, soit accidentelles, qui auront pour objet la formation et l'entretien des deux troupes, seront entièrement à la charge de la demoiselle Raucourt.

ART. 9. - En considération des dépenses qu'occasionnera cet établissement et de l'insuffisance présumée des recettes qu'il produira, il est accordé à la demoiselle Raucourt une somme de 30,000 francs pour chaque troupe, et ce pour subvenir aux premières dépenses. Un tiers de cette somme lui sera payé à Paris, lorsqu'elle justifiera de l'organisation de chaque troupe conformément au mode qui vient d'être prescrit. Le second tiers lui sera remis à Lyon, quand les acteurs y seront arrivés. Enfin elle recevra le dernier tiers à Turin ou, à Milan, aussitôt que chaque troupe sera rendue à sa destination.

ART. 10. - Pour les mêmes motifs, il est en outre accordé à la demoiselle Raucourt un secours annuel de 50.000 francs pour troupe. Cette somme lui sera payée de mois en mois, à partir du jour où les deux troupes auront fait l'ouverture de leur théâtre, et continuera de lui être comptée jusqu'à l'expiration des trois années réglées par l'article 6.

ART. 11. - Dans le cas où l'une de ces troupes, ou les deux ensemble, ouvriraient leur théâtre avant le 1er avril 1807, le secours annuel porté dans l'article précédent sera également devancé et courra du même jour.

ART. 12. - Pendant le terme de trois années, accordé à la demoiselle Raucourt, aucun autre spectacle français ne pourra s'établir dans les villes désignées aux articles 3 et 4.

ART. 13. - Le trésor de France et celui d'Italie acquitteront, par portion égale, les sommes comprises aux articles 9 et 10.

ART. 14. - Nos ministres de l'intérieur et du trésor de notre empire français, et notre ministre du trésor de notre royaume d'Italie, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution présent décret.


Saint-Cloud, 10 juillet 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin , je vous autorise à faire payer six semaines de solde aux troupes et deux mois aux officiers, de manière que cela complétera deux mois aux soldats et trois mois aux officiers.

Vous pouvez prendre ce que vous voudrez sur le payeur général Strasbourg, si vous n'avez pas suffisamment d'argent; mais occupez vous surtout de faire payer tout ce qui est au delà du Lech.

Je vous autorise également à faire distribuer de l'argent aux habitants des bords de l'Inn et de l'Isar qui ont le plus souffert et qui sont les plus mécontents. Entendez-vous pour cela avec les ministres du Roi. Je dépenserai volontiers un million pour cet objet et pour que les pays qui ont le plus souffert se trouvent indemnisés.


Saint-Cloud, 11 juillet 1806

DÉCISION

Le grand juge soumet un rapport à l'Empereur pour décider si un prêtre qui a renoncé depuis plus de douze ans à ses fonctions et qui en a rempli d'autres, peut être admis au mariage.

S'il n'a pas été reconnu comme prêtre depuis le concordat, il peut se marier, en s'exposant néanmoins au blâme, puisqu'il manque aux engagements qu'il avait contractés.


Saint-Cloud, 11 juillet 1806.

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, M. le maréchal Lefebvre a 2,300 chevaux appartenant à tous les régiments de cavalerie de l'armée: donnez ordre que cette réserve se dissolve et que chaque détachement rejoigne son régiment à l'armée par la route la plus courte et sans séjour. La division du général Broussier est composée de 9,000 hommes qui se composent de détachements des 6e, 9e, 15e et 25e d'infanterie légère, 76e, 21e, 27e, 30e, 33e, 39e, 51e, 59e, 61,e 69e, 121, 85e et 111e de ligne : ordonnez que cette division soit dissoute et que ces détachements se dirigent à l'heure même, du lieu où ils se trouvent, par la route la plus courte, pour se rendre à leurs bataillons de guerre de l'armée. Le 9e d'infanterie légère se dirigera sur Wesel, et le 15e d'infanterie légère sur Paris.

La division du général Leval est composée de détachements des 10e et 12e, d'infanterie légère, 3e, 40e, 58e, 4e et 34e de ligne, 17e et 24e d'infanterie légère, 18e, 64e, 57e et 88e de ligne : donnez ordre que cette division soit dissoute, et qu'elle se dirige, sans aucun séjour, par la route la plus courte, sur les bataillons de guerre. Donnez l'ordre que toute l'artillerie se rende an parc à Augsbourg, tant au personnel qu'au matériel.

Quand toutes ces opérations seront terminées, et les États de Darmstadt entièrement évacués, le maréchal Lefebvre se rendra à Augsbourg avec son état-major; là il recevra une destination ultérieure. Lorsque ces 15 on 18,000 hommes du maréchal Lefebvre auront rejoint leurs corps, vous ordonnerez aux maréchaux qui commandent les corps d'armée d'incorporer les soldats dans les deux premiers bataillons de guerre, de manière à porter les compagnies à 140 hommes effectifs, officiers compris, ce qui fera, pour deux bataillons de guerre, 2,320 hommes.

Les officiers, sous-officiers et tambours des détachements qui arriveront du corps du maréchal Lefebvre, inutiles audit complément, seront renvoyés sans délai aux dépôts, et vous ferez connaître l'importance de cette mesure aux maréchaux, en leur faisant connaître que je viens d'ordonner une levée de 80,000 hpmmes, de manière qu'avant la fin de l'année les 3e bataillons seront portés à la même force.

Vous donnerez l'ordre au général Broussier de se rendre, par le plus court chemin, à Udine, où il prendra le commandement d'une des divisions du 2e corps de la Grande Armée; tous les autres généraux et adjudants généraux du corps du maréchal Lefebvre se rendront à Augsbourg, où ils recevront des ordres. Vous accorderez une permission de deux mois au général Vandamme, et vous le ferez remplacer à sa division par le général Leval.

Il faut soulager la Bavière. Réunissez la division Nansouty, cavalerie, dans le duché de Würzburg. La division Gazan, du maréchal Mortier, s'étendra également dans le duché de Würzburg, et Mergentheim sera occupé par le maréchal Davout, qui aura soin de tenir aucun poste sur le territoire de la Bavière.


Saint-Cloud, 11 juillet 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, vous verrez, par les deux lettres que je vous adressées aujourd'hui, les différentes dispositions que j'ai prescrites pour compléter mon armée et la mettre en situation de tout entreprendre.

Vous ordonnerez au bataillon corse de rejoindre le corps d'armée du maréchal Soult. S'il est convenable de faire garder le parc à Augsbourg, il faut le faire garder par d'autres troupes que par des troupes légères. On peut y destiner le 3e bataillon du 76e du corps du maréchal Ney.

Après que tous les mouvements ordonnés par mes deux dépêches seront effectués, j'ai calculé que je devais avoir, sans comprendre le 2e ni le 8e corps de la Grande Armée, pour lesquels j'ai envoyé des ordres directement au prince Eugène , mais en comprenant qui sera sur le Danube et au delà du Rhin, 140,000 hommes d'infanterie, 32,000 hommes de cavalerie bien montés et en bon état et 20,000 hommes d'artillerie à pied et à cheval, des bataillons du train , sapeurs, mineurs, ouvriers, parmi lesquels il y a 1,500 chevaux d'artillerie légère et 12,000 chevaux du train : ce qui me fera un total de 192,000 hommes. Le 2e et le 8e corps doivent former 40,000 hommes. J'aurais donc en ligne, et presque sur Vienne, 232,000 hommes. Faites-moi connaître si je me suis trompé dans quelqu'un de ces calculs.

Je suis dans l'idée que j'ai 3,000 chevaux de la compagnie Breidt, c'est-à-dire 600 voitures; que j'ai à Braunau 12 à 1500,000 rations de biscuit; que chaque soldat de mon armée a trois paires de souliers, un aux pieds et deux dans le sac. Donnez ordre aux dépôts d'envoyer tout ce qui est nécessaire pour les corps.

Prescrivez que l'on suive deux routes, toutes deux aboutissant sur Augsbourg, qui sera le dépôt général, et de là sur Braunau. Il faut qu'avec le moindre bruit possible ces mouvements s'opèrent, en les attribuant à des affaires d'ordre intérieur des corps, et que je sois cependant en mesure, au 15 août, de me trouver à Linz. Comme c'est le maréchal Soult qui forme l'avant-garde, il faut que son corps d'armée soit le plus tôt prêt et le mieux organisé en tout. Le génie, j'espère, ne sera point pris au dépourvu, et aura ses outils, ses pontonniers, etc., pour réparer les ponts et les chemins rapidement. Que tout ce qui serait évacué sur Strasbourg se rende à Augsbourg, où doit être le quartier général.

Il serait cependant inutile que les corps s'embarrassassent de tous leurs bagages. En retournant à Vienne, on ne manquera pas d'effets d'habillement; il suffit de se munir de souliers. Les dépôts seront Augsbourg et Braunau.

J'ai à Strasbourg douze millions : faites-les venir à Augsbourg, et faîtes payer quatre mois de solde, en veillant à ce que ceux qui l'ont reçue ne la reçoivent pas double; je suppose qu'ils sont dus au corps du maréchal Soult. Je crois que le maréchal Augereau s'est fait solder à Francfort , et que le maréchal Lefebvre a toujours été au courant. Je suppose que le matériel de l'artillerie est parfaitement en règle. Je donne ordre au 21e léger et au 22e de ligne, qui sont en Hollande, de se rendre à Wesel. Mon intention est de les diriger sur Würzburg, pour y faire partie de la division Gazan et remplacer les 12e et 58e de ligne. Vous pouvez dire au maréchal Mortier que cette division sera de 9,000 hommes.


Saint-Cloud, 11 juillet 1806

Au roi de Hollande

Le traitement de mes troupes en Hollande ne peut être changé; ainsi elles n'ont point droit à la masse d'ordinaire que je fais payer pour mes autres troupes; mais on ne doit rien leur diminuer de ce qu'elles avaient avant.

Flessingue n'appartient pas à la Hollande; c'est une possession indivise, comme il résulte par le traité de la Haye.

Si le général Monnet prend dix pour cent, il faut le faire traduire devant une commission militaire; et en cela vous ne devez pas agir comme roi de Hollande, mais comme général en chef de l'armée; mais il faut être circonspect. Le général Monnet a rendu des services; il connaît bien l'île de Walcheren.

Vous devez distinguer les actes que vous faites comme roi de Hollande de ceux que vous devez prendre comme général en chef, en faisant écrire les uns par vos ministres hollandais et les autres par le chef d'état-major de votre armée.

Il ne faut pas diminuer vos contributions, ni désarmer vos vaisseaux, ni licencier vos régiments. Les temps ne sont pas calmes. Si votre conseil se portait à cette démarche, vous devez lui déclarer que je ne consentirais pas à garantir vos colonies. Je ne verrai aucune difficulté à réduire le nombre des troupes françaises. Faites dresser un état des officiers d'état-major, d'artillerie et du génie que vous voulez pas garder.

Je ne vois pas non plus d'inconvénient à vous accorder quelques officiers pour votre Garde.

Il ne faut pas être trop bon ni vous laisser affecter. Soyez ferme. Ce n'est pas de vous qu'il doit dépendre d'augmenter les ressources du pays, vous ne les connaissez pas assez. Moi-même, je n'ai améliorer la situation de la France qu'au bout de quelques années. C'est à votre conseil de ministres à arranger toutes les affaires. Faites-leur connaître qu'ils doivent supporter cet état de choses encore un peu de temps. Peut-être ne sommes-nous pas éloignés du port.


 Saint-Cloud, 12 juillet 1806

A M. de Champagny

Monsieur Champagny, le budget de Parme me paraît bien fort. Il restera tel qu'il est pour cette année, mais il doit être réduit à moitié pour l'année prochaine. Je désire que vous chargiez le conseiller d'État Dauchy de se rendre à Parme. Il ne doit point s'immiscer dans l'administration. Il doit y rester seulement une quinzaine de jours pour faire faire sous ses yeux le budget des États de Parme et de Plaisane, jeter un coup d'œil sur l'administration et sur les différentes parties de la comptabilité, pour être à même de me rapporter des lumières sur cette partie importante.


Saint-Cloud, 12 juillet 1806. 

A M. Fouché

J'apprends que l'empereur d'Allemagne envoie différents agent en Italie, en Piémont et dans l'intérieur de la France, sous prétexte de rechercher des fabricateurs(sic) de faux billets de la banque de Vienne. Je ne puis que vous exprimer ma surprise de laisser ainsi violer mon territoire et de ne pas faire arrêter ces agents. Expliquez-vous-en avec M. de la Rochefoucauld, auquel vous ferez connaître mon mécontentement de la facilité avec laquelle il donne des passe-ports. S'il y a en France des individus qui font ce qu'ils ne doivent pas faire vis-à-vis de l'Autriche , ce gouvernement doit s'adresser à mon ministre des relations extérieures, qui vous en référera , et ne pas exercer un acte de souveraineté sur mon territoire. Prenez des mesures pour cela. Je vous rends responsable. Prenez aussi des mesures pour qu'aucun agent diplomatique n'entre dans mes États sans mon agrément, surtout ni Russe, ni Autrichien. Ces nations n'étant plus voisines, leurs passe-ports ne peuvent valoir que jusqu'à mes frontières. Faites de cela l'objet d'une circulaire à tous les commissaires de police et préfets, et tenez la main à ce que ces dispositions soient sévèrement exécutées. Telle est mon intention formelle, et, si je vois arriver à Paris quelque personnage de marque sans que je l'aie agréé, c'est à vous que je m'en prendrai.


Saint-Cloud, 11 juillet 1806

A M. de Talleyrand

Il faut faire une note à M. de Vincent pour les affaires de Fiume, qui appartiennent au roi de Naples.

Faites mettre dans le Moniteur les nouvelles de Constantinople et des Serviens, pour faire voir que la Russie ne garde plus de mesure et veut attaquer Constantinople.

Communiquez la note de M. de Lucchesini au duc de Berg, et faites connaître à M. Lucchesini que cette mesure sera sévèrement exécutée. Écrivez au duc de Berg que j'entends qu'on s'en tienne à cette notification de la Prusse, et donnez-en l'assurance à la Prusse.

Portez de nouveau des plaintes à M. de Lucchesini sur la Gazette de Baireuth.


Saint-Cloud, 12 juillet 1806

Au général Dejean

Je vous fais passer copie de deux lettres que je viens d'adresser au maréchal Berthier. Donnez directement tous les ordres pour les mouvements de troupes en deçà du Rhin; le maréchal Berthier les donnera pour ceux au delà du Rhin.

Le mouvement des détachements des corps de l'Est se fera sur-le-champ. Le mouvement des détachements des corps qui sont à Ostende, Anvers, Paris, Versailles, Saint-Germain et au camp de Boulogne, sera seulement préparé et ne commencera à s'exécuter le ler août. Vous leur donnerez seulement l'ordre de se tenir prêts.


Saint-Cloud, 12 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois votre lettre du 6 juillet. Il n'est pas possible que vous alliez en Dalmatie. Maintenez toujours le 2e corps de la Grande Armée dans le même état de mobilité. Du moment que je saurai quels corps le général Marmont en aura retirés, je vous ferai connaître ceux par lesquels je veux les remplacer. Ce corps doit être composé de deux divisions de quatre régiments d'infanterie chacune, formant au moins 13,000 hommes d'infanterie présents sous les armes, d'une division de cavalerie légère de quatre régiments formant 2,000 chevaux, et de l'artillerie attachée au corps du général Marmont. Maintenez tout cela dans le même état d'organisation et de mobilité. J'attends avec impatience la nouvelle de la remise des bouches de Cattaro; mais, si elles ne m'étaient pas remises, et que les Autrichiens n'attaquassent pas les Monténégrins, mon intention est de les y contraindre. Il faut donc que vos quatre régiments cuirassiers soient toujours en position de former la première division de la réserve de cavalerie de l'armée. Il faut qu'ils soient en mesure d'avoir 500 chevaux en campagne. Éperonnez-les, et faites-leur acheter de bons chevaux, et le plus promptement possible.

J'ai donné ordre qu'après la prise de Gaète toutes les troupes italiennes qui sont à l'armée de Naples rentrassent dans le royaume afin de procéder à leur organisation. Mon intention est aussi de former, du moment que je le croirai nécessaire, le 8e corps de Grande Armée, qui serait composé de six régiments, qui sont aujourd'hui en Italie, soit à Gênes, soit dans le Piémont. Il faudrait que ce corps eût aussi quatre régiments de chasseurs. Les garnisons Palmanova et de Venise, d'Osoppo, de Mantoue, de Legnago, Peschiera, seraient formées par les brigades de réserve de l'armée de Dalmatie et de l'armée de Naples. Vous devez, à l'heure qu'il être à Venise. Jetez un coup d'œil sur la situation de cette place, et faites-moi faire, par Sorbier ou d'Anthouard, un mémoire très-détaillé, qui fasse connaître sur quoi était fondée la défense des Autrichiens, le nombre de troupes qu'il faudrait pour la défendre aujourd'hui. On joindra à ce mémoire une des cartes gravées qui se trouvent à Venise, avec des notes qui me donnent des idées claires là-dessus.


Saint-Cloud, 12 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, écrivez au général Duhesme que, s'il éprouve la moindre opposition de la part du gouverneur romain, il lui fasse connaître qu'il a ordre de déclarer Cività-Vecchia en état de siège, de le chasser sur-le-champ de la place, et de n'y pas souffrir d'autre autorité que la sienne. Dites à ce général que j'ai les yeux sur Cività-Vecchia, que je suis instruit de tout; que, si la légion hanovrienne continue à se mal conduire, je la casserai; que le roi de Naples et les généraux m'en ont écrit beaucoup de mal; qu'il doit faire saisir toutes les marchandises anglaises qui se trouveraient dans la place, et faire arrêter tout ce qui correspondrait avec l'ancien roi de Naples ou ses agents, avec l'archiduchesse de Sicile, et avec les agents anglais; et qu'il fasse en sorte d'intercepter, autant qu'il lui sera possible, toute correspondance de Sicile avec l'Italie, aussi bien qu'avec l'escadre anglaise.   


Saint-Cloud, 12 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, le royaume de Naples est si pauvre et a tant de charges et de troupes qu'il faut l'aider. Mon intention est que mes troupes italiennes qui sont dans ce royaume reviennent, et que les quatre régiments d'infanterie soient mis dans le meilleur état et complétés chacun à trois bataillons et à 3,000 hommes. C'est vers ce but que vous devez tendre, soit dans la direction de la conscription , soit autrement.

Si vous pouviez construire un camp dans la plaine de Montechiaro, on pourrait y exercer les troupes dans les mois d'octobre et de novembre, ce qui serait assez utile. Les Polonais doivent rester dans le royaume de Naples et y être entretenus aux frais du roi de Naples.


Saint-Cloud, 12 juillet 1806

Au roi de Naples

J'ai reçu l'état de situation de votre armée. Cet état n'est pas fait avec soin; j'y trouve des choses inexactes. La force de vos régiments de cavalerie est confondue avec celle des dépôts. Il faut que votre ministre de la guerre y porte ses soins. Quand vous serez maître de Gaète, je désire que vous renvoyiez les cadres de vos 4e escadrons. Il y a encore des régiments à votre armée qui ont leur 4e escadron. Renvoyez aussi alors tous vos dragons, de même que les grenadiers et éclaireurs qui appartiennent aux 3e et 4e bataillons, car c'est un véritable corps d'armée que j'ai besoin de former de vos dépôts, et sur lequel je compte pour n'être pas pris au dépourvu.

Ma situation est belle et brillante; mais l'étendue de mes relations est telle qu'il faut que je porte la plus grande attention à réunir mes troupes et à en tirer tout le parti possible. Je sens bien qu'il serait beaucoup plus convenable que les régiments entiers fussent à Naples, mais alors je ne puis point, outre les Polonais, les Corses et les Suisses, vous laisser quatorze régiments d'infanterie. Il a fallu vous les envoyer, parce qu'ils étaient les plus près. Avant trois mois, vos 3e et 4e bataillons me formeront un corps de 20,000 hommes bien formés et bien instruits. Alors il sera tout simple que, si vous continuez à avoir besoin d'une grande quantité de troupes, je retire cinq régiments à deux bataillons de votre armée et que je vous envoie les 3e bataillons bien complets, ce qui vous ferait neuf régiment  à 3,000 ou 3,500 hommes chacun. Vous y auriez de la simplification et de l'économie; c'est là où je veux arriver. Mais, en attendant, les événements m'entraînent, et j'ai besoin d'avoir sous la main une force dont je puisse disposer au premier mouvement pour défendre l'Isonzo. Vous êtes si loin et les événements se passent avec une telle rapidité, que vous n'auriez pas le temps d'arriver avec votre armée que tout serait décidé. Portez donc tous vos soins à faire renvoyer tous les majors, les 3e bataillons, officiers et soldats, et les grenadiers et les voltigeurs. Je vous ai autorisé à compléter le 20e avec des Napolitains; si vous pensez que cet amalgame puisse réussir, gardez le cadre du 3e bataillon. Il paraît que vous avez renvoyé le cadre du 2e bataillon du 62e. Envoyez en Corse pour recruter la légion corse, mais n'y admettez pas de Napolitains; il faut qu'elle soit composée tout entière de Corses.

Je désire que, quand Gaète sera prise, vous renvoyiez le 3e bataillon du 32e; c'est un corps qui se forme et qui a besoin d'être réuni.

Les Polonais resteront dans votre royaume; ils peuvent même entrer à votre service, si vous le voulez. Mais, dans tout état de choses, tant qu'ils feront partie de votre armée, ils seront entretenus et soldés par votre trésor. Après la prise de Gaète, renvoyez toutes les troupes italiennes que vous avez, infanterie, cavalerie et sapeurs. J'en ai besoin pour faire la guerre en Dalmatie, où je soutiens une guerre très-âpre contre les Russes et les Monténégrins, et je veux que les deux nations en partagent les périls.


Saint-Cloud, 13 juillet 1806

A M. Gaudin

Je vous prie de lire avec attention cette note, qui est pour vous seul. Il serait temps enfin de prendre des mesures pour arrêter la contrebande qui se fait à Gènes. Il y a trop longtemps que cela dure. Je pense aussi qu'il faudrait y envoyer un directeur ferme, et que les douanes aidassent la surveillance de la police de quelques sommes sur leurs fonds et eussent un plus grand nombre de bâtiments pour poursuivre cette contrebande et y mettre un terme. Sans communiquer cette note à M. Collin, causez-en avec lui, et qu'on renouvelle un grand nombre d'employés.


Saint-Cloud, 13 juillet 1806

Au prince électoral de Bade

Je reçois votre lettre de 7 juillet. J'ai vu avec plaisir que vous aviez fait un bon voyage et que vous aviez été satisfait de votre arrivée à Carlsruhe. Le rétablissement de la santé de l'Électeur aura contribué à votre satisfaction. Je vois qu'il y a eu beaucoup de petites intrigues; la margrave a effectivement écrit à la princesse, et sa lettre a été remise à M. de Reizenstein, qui a jugé à propos de la supprimer. C'est ce que M. Dalberg a dit à M. de Talleyrand. Si cela est, il faut avouer que c'est bien laid et bien vilain, et que les hommes qui se permettent de pareils manques de délicatesse sont bien coupables; s'ils se croient permis de s'immiscer dans les affaires de particuliers, le respect que l'on doit à ses souverains doit rendre sacré tout ce qui vient d'eux. Il faut, quand la margrave arrivera, punir ceux qui s'oublient à ce point. J'avais peine à croire à cette malhonnêteté gratuite de la part d'une princesse qui jouit d'une considération aussi méritée que la margrave. Ne doutez jamais de l'amitié que je vous porte et de l'intérêt que je porte à votre bonheur.


Saint-Cloud, 13 juillet 1806

A la princesse Stéphanie de Bade

J'ai reçu votre lettre. Je vois avec plaisir que vous vous portez bien. Aimez votre mari, qui le mérite par tout l'attachement qu'il vous porte. Soyez agréable à l'Électeur, c'est votre premier devoir et il est votre père. C'est d'ailleurs un prince qui, constamment, a mérité de l'estime. Traitez bien vos peuples, car les souverains ne sont faits que pour leur bonheur. Accommodez-vous du pays et trouvez tout bien, car rien n'est plus impertinent que de parler toujours de Paris et des grandeurs qu'on sait qu'on ne peut avoir; c'est le défaut des Français; n'y tombez pas. Carlsruhe est un beau séjour. On ne vous aimera et estimera qu'autant que vous aimerez et estimerez le pays où vous êtes; c'est la chose à laquelle les hommes sont le plus sensibles.


Saint-Cloud, 13 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, votre état des dépôts des corps du général Marmont ne répond pas à toutes mes questions. Il ne me fait point connaître le nombre d'hommes des dépôts qui sont à l'école de bataillon.

Les troupes qui sont à Parme ne doivent point faire partie  de l'armée d'Italie.

Le ministre Dejean fera payer les 8,000 francs que le général Molitor a avancés pour les 3e et 24e de chasseurs. Les 120 chevaux que ces régiments ont achetés en Dalmatie doivent faire partie des 700 chevaux que doit avoir chaque régiment de chasseurs. Il eût été  préférable de ne pas avoir dans l'armée d'Istrie et de Dalmatie deux régiments, et, au lieu de 120 hommes de chaque régiment, d'avoir 240 hommes du même régiment.

Faites-moi connaître combien coûtent les chevaux en Dalmatie, de quelle taille ils sont, s'ils sont ferrés des quatre pieds, et quel est leur harnachement. Pourrait-on en tirer beaucoup de la Dalmatie ? Ce serait très-heureux, parce que ce serait de l'argent qui resterait dans le pays. Une taille un peu plus grande ou un peu plus petite est indifférente pour les hussards, lorsque d'ailleurs les chevaux sont bien constitués. Je lève en France des régiments d'éclaireurs de la taille de 5 pieds, dont les chevaux ont 4 pieds 2 pouces, ne sont ferrés que des deux pieds de devant, portent, au lieu de selles de hussards, de simples coussinets, portent des portemanteaux du poids de 4 livres, n'ont point de rations et sont toujours au vert. Il me semble qu'on pourrait lever de pareils régiments en Italie; il faudrait destiner à leur nourriture quelques milliers d'arpents; on ne leur donnerait pas de rations, et l'on aurait ainsi un régiment de 800 hommes qui coûterait peu de chose.


Saint-Cloud, 13 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je vois dans le dernier état de situation un second bataillon de chasseurs brescians fort de 780 hommes, qui se trouve être à Pizzighettone. Ce bataillon n'est pas le même que celui qui est en Dalmatie. Dans les autres états de situation il n'a jamais été question de ce deuxième bataillon brescian. Dans votre dernier état il n'est pas question du bataillon dalmate qui est Bergame.


Saint-Cloud, 13 juillet 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je crois que la vice-reine se soucie fort peu d'avoir un grand nombre de ses dames auprès d'elle. Elle a sa petite cour qu'elle a amenée de Munich. Lorsque le tour d'une des dames vient, on doit la prévenir; mais, lorsque ses affaires ou sa santé l'emepêchent de venir, il faut y suppléer par d'autres. C'est ainsi nous faisons ici.


Saint-Cloud, 13 juillet 1806

OBSERVATIONS SUR LE GRAND PROJET DE WESEL

Après avoir vu le nouveau projet de Wesel, on donne de beaucoup la préférence au projet de l'hexagone; seulement on voudrait que l'ouvrage D fût tracé de manière qu'il dépendît de l'île de Büderich ou de l'hexagone; mais on n'approuve pas qu'il dépende des deux, c'est-à-dire, si on veut l'attacher à l'île de Büderich, il faut que, l'hexagone pris, l'ouvrage D ne soit pas pris; si on veut l'attacher à l'hexagone, il faut que, l'île étant prise, l'ouvrage ne soit pas pris à revers et hors de toute défense.

Quant à la lunette qu'on voulait à la tête de pont, on n'a pas compris ce que nous désirions. C'est une espèce de place d'arme intermédiaire entre l'île et l'hexagone, qui donne une nouvelle force à tous les fronts en terre de l'hexagone, et donne le temps à tout ce qu'on aurait dans l'hexagone de repasser dans l'île ou même à Wesel si l'hexagone était pris. On ne voit là qu'un but très-utile et un objet de dépense médiocre. Puisqu'on croit qu'une caponnière du bastion P au pont est convenable, c'est un flanc donné à la caponnière en lui faisant faire un crochet.

Il peut y avoir telle circonstance où l'ennemi juge à propos de prendre l'hexagone : si cela est, la garnison peut vouloir le défendre avec toutes ses forces et même soutenir l'assaut. On sent que la lunette que l'on propose est un réduit où la garnison se retirera pendant que le gros de la garnison passera sur le pont. Elle peut contenir le matériel pour le passage du pont. Voilà donc un but bien constant qui tient à la singularité de la place. Il n'y a pas d'hérésie à tout ce qui est soumis au raisonnement et qui a un but.

En effet, si on suppose que l'île de Büderich soit prise, la lunette ne sera pas prise pour cela; il faudra passer le Rhin; dès lors elle devient nulle et ne fait aucun tort à la place, quoique l'île soit prise. Elle est très-utile à l'île, si l'hexagone est pris; elle en protége la garnison et sa retraite au delà du Rhin.

Qu'on se rappelle toutes les circonstances, et on verra qu'il est des temps où le Rhin charrie des glaçons, où le passage peut être intercepté par des batteries et n'avoir lieu que la nuit et successivement.

Indépendamment de tous ces avantages, cet ouvrage a celui de retarder l'ennemi de cinq à six jours; car certainement il voudra être maître de la rive gauche du Rhin et prendre la lunette, ce qui lui consommera des munitions et le retardera de quelques jours.

Comme il est probable que l'île tiendra plus longtemps que l'hexagone, il est bon de disposer cet ouvrage de manière qu'il ait du commandement sur l'hexagone.

La nécessité de cheminer cent toises sur cette lunette et sous le feu de l'île de Büderich est bien quelque chose. Au moyen de cette lunette, l'artillerie, la garnison, les magasins de l'hexagone pourront être retirés dans l'île, et tout cela serait pris sans cet ouvrage. Enfin l'ennemi sera très-inquiété pendant huit jours, et si, pendant ce temps, l'armée française arrive, cette petite lunette aura rendu des services de campagne incalculables.

On ne s'oppose point à ce que les ingénieurs tracent l'hexagone de manière que la lunette devienne un réduit, et qu'il n'y ait pas d'enceinte vis-à-vis, à peu près comme on le fait à la jonction des places et des citadelles. Quand on devrait mettre un front de plus en terre, et qu'on devrait y relier les ouvrages E, D, on n'y verrait pas d'inconvénient; et, dans le cas où les ingénieurs décideraient ainsi le problème, on ne s'opposerait pas à ce qu'on fit un triangle bastionné ou toute autre chose, au lieu d'une simple lunette.

En un mot, on considère l'hexagone comme une seconde place. L'emplacement m'en plaît assez, parce qu'on y voit l'arrière-pensée que, si dans les siècles à venir on nous enlevait Wesel, l'hexagone resterait toujours avec l'île de Büderich et formerait une petite place. Mais je regarderais comme un grand malheur que l'ennemi pût nous chasser de la rive gauche. Ainsi, outre l'hexagone, on désire une citadelle ou réduit. On demande un tracé de ces ouvrages. On s'occuperait d'abord de ce réduit. Avec le temps un million de plus n'est rien, et on achèverait la place de la rive gauche.


Saint-Cloud, 13 juillet 1806

Au général Dejean

Je suis fâché qu'on ait fait passer de l'artillerie de Fenestrelle et d'Alexandrie à Ancône. Des mouvements de cette importance ne doivent pas être faits sans m'être soumis. C'est un moyen de dépenser beaucoup d'argent et de gaspiller nos moyens artillerie. Le bureau de l'artillerie est coupable de les avoir faits sans connaître mes intentions. Il y avait dans l'État romain et à Ancône assez de pièces pour armer cette place, si j'y avais attaché cette importance. Le bureau de l'artillerie ignore qu'Ancône n'a pas même d'enceinte. Désormais aucun mouvement d'artillerie ne doit être fait sans mon ordre. On ne remue pas une escouade d'infanterie sans que je l'aie ordonné; cela est cependant de moins d'importance que le matériel.


 Saint-Cloud, 13 juillet 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, vous donnerez l'ordre au général Dupont de se rendre à Cologne, vu qu'incessamment toute sa division doit s'y réunir pour reprendre son rang au corps d'armée du maréchal Ney. Ce général aura soin que son artillerie, ses caissons et tous les objets nécessaires à sa division soient parfaitement en règle.


Saint-Cloud, 13 juillet 1806

DÉCISION

On soumet à l'Empereur les extraits ci-après des demandes de la princesse de Lucques.

Légion d'honneur. J'ai demandé à Sa Majesté d'avoir la bonté de mettre à ma disposition six décorations, ou de la Légion d'honneur ou de la Couronne de fer, pour mes ministres et mes grands officiers.

Les récompenses et les honneurs accordés au mérite sont les plus puissants moyens d'encouragement; j'insiste beaucoup sur cette marque de confiance et de bonté de Sa Majesté.


Relations extérieures. Il est impossible d'organiser les impôts indirects et l'administration, si Pictra-Santa et Barga ne sont pas réunies à la principauté.

Finances. Les anciens princes étaient propriétaires de la pêche du thon dans le canal de Piombino; ces droits et cet apanage de ma principauté étaient affermés par mes prédécesseurs. Je demande que cette propriété me soit conservée.

Travaux d'embellissement. J'ai fait suspendre les travaux du palais de Paris et continuer ceux de Piombino. Je désirerais connaître si ces dispositions s'accordent avec les projets ou les intentions de Sa Majesté.

Mines de l'île d'Elbe. Les mines de l'île d'Elbe ne sont pas affermées, ainsi que Sa Majesté le pensait. Je demande une autorisation pour l'extraction gratuite de 300 cents de minerai pour mes forges.

M'envoyer les noms des personnes auxquelles vous les destinez , et je les nommerai.

 

 

 

 

Des ordres ont été donnés, l'on négocie en ce moment avec la cour d'Étrurie.


Si cette pêche est dans le même cas que la madrague de l'île d'Elbe, c'est impossible.

 

C'est de l'argent jeté dans l'eau. Vous n'avez pas besoin de palais à Paris, ni de faire tant de dépenses à Piombino, où vous ne résidez pas.



Accordé.


Saint-Cloud, 15 juillet 1806

Au roi de Naples

J'ai donné ordre que tout ce qui revient à vos bataillons de guerre sur la masse de linge et chaussure leur fût envoyé des bataillons de dépôt.

Je crois que les négociations commencées avec l'Angleterre n'iront pas à bien. Elle s'est mis dans la tête de conserver la Sicile à l'ancien roi de Naples. Cette clause ne peut pas me convenir.

Au moment où le feu commencera à Gaète, réunissez le plus de troupes fraîches que vous pourrez. Arrangez-vous de manière à avoir une colonne de 4 à 5,000 hommes, que vous tiendrez en réserve et que vous ne laisserez pas approcher du feu avant le quatrième ou le cinquième jour, et que vous ne ferez donner que pour une occasion importante et pour couronner quelque ouvrage. J'ai peine à comprendre quel parti vous pouvez tirer de vos chaloupes canonnières. Il serait plus utile qu'elles fussent du côté de la Sicile; la supériorité de l'ennemi sera telle devant Gaète qu'il ne les laissera pas dehors, ou vous en fera perdre un bon nombre.

C'est la Sicile qu'il faut prendre. Quant à Gaète, il me semble que votre équipage de siège est très-beau et que vos munitions sont suffisantes. Recommandez à l'artillerie de ne pas tirer à toute charge lorsque demi-charge suffira. Je suis fâché que vous n'ayez pas de petits mortiers. Des mortiers de 8 pouces placés à 100 ou 150 toises font un mal affreux. Il ne s'agit pas de tirer beaucoup, mais de bien tirer. Pourquoi l'officier du génie Chambarlhiac n'est-il pas au siége ? C'est un bon officier de guerre. Il ne saurait y avoir là trop d'officiers du génie et d'artillerie.


16 - 31 juillet 1806