16 - 30 juin 1806


Saint-Cloud, 17 juin 1806

A M. Fouché

Envoyez sur-le-champ un courrier extraordinaire à Strasbourg pour donner ordre que, si M. d'Oubril, envoyé de Russie, se présente pour continuer sa route sur Paris, on le retienne en lui faisant les plus grands honneurs, et qu'on lui observe qu'il faut des ordres de la police pour son passage et qu'on va expédier un courrier extraordinaire à Paris pour les demander. Faites en sorte que le courrier que vous enverrez ne soit pas connu, et que la difficulté qui sera faite à M. d'Oubril paraisse toute naturelle et l'effet d'ordres positifs donnés de ne laisser entrer dans l'intérieur de l'Empire aucun étranger, même muni de passe-port des relations extérieures, sans une permission émanée de la police et approuvée par l'Empereur.


Saint-Cloud, 18 juin 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, envoyez-moi la note des officiers et administrateurs autrichiens qui ont rendu des services à nos blessés à Braunau, afin que je vous envoie des présents que vous leur ferez en mon nom lorsqu'on évacuera cette place.

Je vous renvoie la note qui a été remise à M. de la Rochefoucauld. Répondez que l'armement de Palmanova n'est qu'une suite de l'occupation des bouches de Cattaro, et qu'on n'aurait pas pensé à palissader Palmanova sans cette circonstance.

Il me semble qu'après l'assurance que vous a donnée M. de la Rochefoucauld que les ordres sont partis pour la remise des bouches de Cattaro, vous pouvez mettre en mouvement les prisonniers autrichiens pour l'Autriche. Cependant faites que ce mouvement s'opère le plus lentement possible.

Lorsque mes troupes auront passé le Rhin, vous pourrez permettre aux maréchaux de se rendre à Paris.


Saint-Cloud, 18 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois votre lettre du 12 juin. Je suis bien aise que les Sages de Bologne soient revenus de leurs sottises. J'apprends aussi avec plaisir que Dandolo est enfin parti pour la Dalmatie. Quant à Lagarde, je ne sais ce qu'il veut; il est placé à Venise, qu'il y reste. C'est un homme d'un caractère inconstant et qui ne considère que ses intérêts, sans considérer le bien de la chose.


Saint-Cloud, 18 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, j'approuve votre idée de réparer la citadelle de Monfalcone. Donnez ordre au commandant du génie d'en faire prendre le plan; mais je ne veux pas que cela puisse coûter plus 1,200,000 francs ou au plus deux millions.

Je n'ai jamais entendu faire d'Osoppo un seul fort. Je veux y dépenser trois millions; mais il faut que le projet soit conçu de manière que 600 hommes puissent défendre cette place, et qu'elle puisse contenir 4 on 5,000 hommes. Je suis fâché que le général du génie ne m'en ait pas encore envoyé les plans. Je suis étonné qu'on y travaille, car j'avais demandé qu'avant tout on m'en soumît les projets et qu'on m'envoyât les devis. J'approuve vos idées, dont j'attends les plans.


Saint-Cloud, 18 juin 1806

Au roi de Naples

Mon Frère, je vous ai fait connaître la difficulté que j'aurais de vous procurer l'argent que vous m'avez demandé; mais envoyez vos pouvoirs à quelqu'un pour ouvrir un emprunt soit à Paris, soit Hollande. Les Hollandais ont beaucoup de capitaux. Je garantirai volontiers l'emprunt que vous ferez comme roi de Naples. Je ne doute pas que, moyennant cela, vous ne trouviez tout l'argent que vous voudrez. Les rois de Wurtemberg et de Bavière ont fait de pareils emprunts .

Je vous ai répondu au sujet de M. Roederer qu'il n'était guère possible qu'il fût ministre à Naples et sénateur ayant une sénatorerie en France; mais je vous répète que rien ne vous empêche de le garder tant que vous voudrez, sans lui donner aucun titre ostensible.


Saint-Cloud, 19 juin 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, faites connaître constamment à M. Alquier que je dois considérer le Pape sous le point de vue du temporel et du spirituel. Comme prince temporel, il fait partie de fait de ma confédération, qu'il le veuille ou non. S'il fait des arrangements avec moi, je lui laisserai la souveraineté de ses États actuels; s'il n'en fait pas, je m'emparerai de toutes ses côtes. Pour la partie spirituelle, on doit toujours faire connaître que, si l'on n'aplanit point les difficultés qui existent à l'occasion du royaume d'Italie , j'établirai dans ce royaume le concordat français; que, notre religion étant toute vraie et non de convention , tout ce qui peut sauver en France sauve en Italie, et ce qui ne peut sauver dans un pays ne sauve pas dans un autre; et que, puisqu'on est aussi bien sauvé en pratiquant le concordat français que le concordat d'Italie , le Pape fait de mauvaises chicanes quand il s'oppose à l'établissement de ce dernier; que, du reste, je ne reviendrai sur rien.


Saint-Cloud, 19 juin 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, voici la réponse à faire à la lettre d'Ali-Pacha : "Que ses bonnes dispositions me sont connues; que j'ai reçu avec plaisir son sabre; que je suis ami de la Sublime Porte, et que je le distingue; qu'il faut s'étudier à dompter les Serviens et à contenir les Grecs, qui sont les véritables auxiliaires de la Russie; qu'il peut compter sur ma protection; qu'ayant envoyé une partie de mes flottes dans les Grandes Indes, et ayant besoin des autres pour faire une descente en Angleterre, je ne puis envoyer devant Corfou une flotte égale à celle des Russes et des Anglais, mais qu'il ne faut rien précipiter; que la Russie s'est résolue à me remettre les bouches de Cattaro; que, par ce moyen , je serai à portée de lui fournir tous les secours possibles; que ses bâtiments seront toujours bien accueillis dans mes ports, et que j'ordonne que des présents soient faits à ceux qui ont bien traité mon corsaire l'Étoile-de-Bonaparte. " Il faudra s'entendre pour cet objet avec M. Marescalchi, à la disposition duquel j'ai mis 60,000 francs pour les présents à faire. Vous écrirez dans ce sens à M. Pouqueville, et vous lui ajouterez que, si jamais Corfou tombe en mon pouvoir, je ne pourrai le confier à une meilleure garde qu'à celle d'Ali-Pacha. Il faut que ma lettre et les instructions soient rédigées de manière que, si elles étaient soumises à la Porte, elle n'y trouvât rien à redire, car cela ne me paraît pas si clair qu'à mes agents, et je crois qu'Ali-Pacha communique beaucoup de choses à la Porte. J'ai envoyé la copie de ma lettre au sultan Selim à M. Maret, pour qu'il la fasse transcrire dans la forme usité. Vous la ferez traduire en turc.


Saint-Cloud, 19 juin 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, la note pour la Porte est bonne en soi, quoique un peu faible. Elle aurait pu être travaillée avec plus d'énergie et de force. Instruisez le général Lauriston à Raguse et le prince Eugène à Milan, des dispositions du nouveau pacha de Bosnie, et envoyez-leur copie de la lettre de mon vice-consul à Salonique.


Saint-Cloud, 19 juin 1806

DÉCISION

Le docteur Jenner demande pour ses deux amis, MM. Williams et Wickham, prisonniers de guerre, la permission de retourner en Angleterre.

Accordé, et renvoyé au ministre de la guerre.


Saint-Cloud, 20 juin 1806

A M. Mollien

Monsieur Mollien, j'ai lu votre note du 18 juin. Moyennant les trente-neuf millions d'obligations de coupes de bois que la Banque consent à prendre, le trésor public se trouve avoir vingt millions par mois. Pour les traites des douanes, il y a de la mauvaise grâce à la Banque de ne pas vouloir les escompter, dans un moment surtout ou elle n'a aucun papier; certainement il n'y a rien qui sait davantage un papier sûr et de commerce. Si elle persiste dans cette résolution, mon parti est pris, je me formerai une banque par les receveurs généraux, qui recevra ces billets. Il est extraordinaire que la Banque préfère garder des millions en caisse et ne pas se servir de son privilège, à réaliser le crédit du trésor public dans des papiers aussi bons. Quant au service de l'année prochaine, il faut proposer à M. Collin de rendre à la Banque toutes les traites des douanes payables à Paris, si la Banque consent à les prendre pour la dette publique. La situation des receveurs généraux sera toujours la même, et on me fera en janvier la même objection qu'on me fait aujourd'hui. Quant aux rescriptions des receveurs généraux, ou ils doivent au trésor, ou le trésor leur doit; si le trésor leur doit, il est tout simple que les rescriptions entrent en compte et soient d'abord payées dans chaque caisse de receveur; s'ils doivent au trésor, il est encore tout simple qu'ils remboursent. C'est un mauvais système que celui de ne pas vouloir tirer le meilleur parti possible de ses recettes.


Saint-Cloud, 20 juin 1806

Au sultan Selim

Nous avons reçu, de la main de votre envoyé extraordinaire, la lettre que vous avez voulu nous écrire. Nous l'avons entretenu longuement et secrètement sur les vrais intérêts de votre Empire; nous lui avons fait connaître que nous étions résolu à employer toute notre puissance à mettre un obstacle aux desseins des ennemis de la Sublime Porte. Par celle-ci, nous voulons lui en donner à sa propre personne de nouvelles assurances. Nous espérons que Votre Hautesse voudra que nos sujets soient traités dans ses États comme les sujets d'une puissance son alliée depuis trois cents ans , et de la nation la plus favorisée. Et si Votre Hautesse veut nous permettre de finir par un conseil , nous lui dirons que les vrais intérêts de son Empire veulent qu'elle ne laisse intervenir aucune puissance étrangère dans ses discussions avec les Serviens ; qu'elle doit employer les moyens les plus vigoureux pour soumettre ces rebelles, qui sont excités et encouragés par la Russie ; la demande qu'elle a faite de leur accorder l'indépendance le prouve assez.

Quant à la Moldavie et à la Valachie, si Votre Hautesse veut que ces provinces ne lui échappent pas, elle doit saisir toutes les occasions favorables d'y rappeler les anciennes maisons; les princes grecs qui les gouvernent actuellement sont les agents des Russes. A ces mesures elle doit ajouter celles d'empêcher les bâtiments russes de passer le Bosphore, et de ne point permettre qu'aucun bâtiment ne navigue sous pavillon russe. Que Votre Hautesse méprise les menaces de ses ennemis, qui ne sont point si redoutables qu'ils veulent faire croire, et qu'elle compte , dans toutes les circonstances, sur notre assistance. C'est le seul prix que nous attachons à la possession de la Dalmatie et de l'Albanie.

Nous avons donné ordre à notre ambassadeur, en qui nous avons pleine confiance, d'employer ses talents et son éloquence à convaincre Votre Hautesse des sentiments d'amitié et d'estime qui nous animent pour elle.


Saint-Cloud, 20 juin 1806

DÉCISION

Le ministre de la guerre met sous les yeux de l'Empereur une lettre de la classe d'histoire de l'Institut demandant le retour sur parole en Angleterre d'Alexandre Hamilton, homme de lettres.

Accordé le renvoi.


Saint-Cloud, 20 juin 1806

A M. Fouché

La conduite que l'on tient avec le mameluk Ahmed, qui arrive de Smyrne, est absurde; il faut lui laisser toute liberté de venir à Paris, ne l'environner d'aucune défaveur, ne point faire d'éclat de son voyage. Il est envoyé ici par le bey. Un imbécile de commissaire à Alexandrie s'est imaginé que tous les mameluks étaient des assassins; cela est ridicule. Écrivez pour que ce mameluk soit bien traité et qu'on lui donne tous les moyens de venir à Paris aussitôt que sa quarantaine sera finie. Qu'on le protège, mais sans rien d'ostensible.


Saint-Cloud, 20 juin 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean , écrivez aux différents préfets qu'ils peuvent accorder des congés à la moitié de leurs compagnies de réserve pou le temps de la moisson, en tenant bien la main à ce que les hommes auxquels ils auront accordé des congés rejoignent leurs compagnies lorsque les travaux de la moisson seront finis. Ils feront connaître le nombre d'hommes auxquels ils ont accordé des permissions et le temps auquel ils doivent rejoindre.


Saint-Cloud, 20 juin 1806

Au général Lemarois

Monsieur le Général Lemarois, je reçois votre lettre du 12 juin. Si les soldats du Pape n'obéissent pas à vos ordres, faites-leur évacuer le duché d'Urbin et la province de Macerata jusqu'aux Apennins. Faites-en la déclaration positive, et dites qu'il ne peut pas y avoir deux commandants de la force armée. Vous les chasserez effectivement, et vous ferez connaître dans ce cas aux magistrats que vous vous chargez de la police.


 Saint-Cloud, 20 juin 1806

Au général Lauriston

Monsieur le Général Lauriston, j'ai appris avec plaisir votre entrée à Raguse. Vous aurez reçu mes ordres par lesquels je vous ai nommé commandant général de Raguse et de l'Albanie, et prescrit les dispositions nécessaires pour l'armement et l'organisation militaire de ces provinces. Le général de division Barbou est parti pour s'y rendre. Je désire que vous m'envoyiez des mémoires sur Raguse et sur l'Albanie. J'ai été satisfait de ceux que vous m'avez envoyés sur l'Istrie et la Dalmatie. Faites faire une description exacte de ses routes, depuis Spalatro jusqu'à Raguse, et depuis Raguse jusqu'à l'extrémité des Bouches. Je vous fais envoyer une lettre de mon consul de Salonique sur les dispositions du nouveau pacha de Bosnie; ce pacha est de nos amis. Maintenez la meilleure intelligence avec les Turcs, et recommandez cela parmi les soldats. Je suis très-bien avec le Grand Seigneur, et je veux bien vivre avec lui.


Saint-Cloud, 20 juin 1806

Au vice-amiral Decrès

Je reçois votre rapport. Il doit y avoir des péniches et des canons au Havre. Comment ne prend-on pas des mesures pour intercepter les chaloupes ennemies ?  J'en rends responsable le commandant d'armes. Tenez de petits bâtiments au Havre et à Honfleur, et lorsque les canots ennemis entrent en Seine, qu'on leur coupe le chemin.


Saint-Cloud , 20 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, à votre lettre du 13 juin était jointe une note des lieux appartenant aux comtés de Goritz et de Gradisca sur la rive droite de l'Isonzo, et qui sont de la domination de l'Autriche. Faites mettre dans ces différents endroits des garnisons françaises; incorporez-les dans les départements. Faites-leur payer des contributions, et traitez-les comme pays vénitiens. La république de Venise a dû avoir des droits sur tous ces biens. Ne faites cependant l'incorporation parfaite que des endroits enclavés. Quant à ceux qui bordent l'Isonzo il sera, je crois, difficile que l'empereur consente à les abandonner puisque cela n'a pas été mis dans le traité. Quant aux autres, cela sera plus facile, surtout en y mettant sur-le-champ des troupe françaises, et en ayant soin de n'y pas laisser entrer des troupe autrichiennes.


Saint-Cloud, 21 juin 1806

Au général Lauriston

Monsieur le Général Lauriston, j'ai reçu votre lettre du 31 mai . J'ai fait chef de bataillon et membre de la Légion d'honneur le capitaine Serrant. J'ai vu avec grand plaisir que vous aviez déjà quarante pièces de 36 et de 18. J'ai ordonné qu'on vous envoyât de la poudre d'Ancône. Le général Lemarois commande dans cette ville; équipez quelques petits bâtiments pour correspondre avec lui. Il a ordre de vous faire passer tout ce qui est nécessaire. J'attends avec impatience une carte du pays, une description des ports; et j'imagine que, dès que cela sera possible, vous ferez en sorte que mes vaisseaux de guerre et mes frégates puissent avoir une entrée à l'abri des forces supérieures. S'il vous est possible de vous procurer une carte des provinces turques voisines de Raguse , envoyez-la-moi. Expédiez un courrier à Constantinople pour informer de tout ce qui se passe. Correspondez également avec mes agents auprès d'Ali- Pacha et du pacha de Scutari. Mettez-vous aux aguets pour avoir des nouvelles de tout ce qui se passe en Servie et dans les provinces voisines. Je vous ai fait connaître que j'étais bien avec la Porte et que je désirais fortement entretenir cette bonne harmonie. Le vice-roi a dû vous envoyer des instructions pour la reprise de Curzola et l'armement de la presqu'île de Sabioncello. Le général Barbou est parti depuis plusieurs jours. J'espère qu'il arrivera en même temps que cette lettre. C'est un homme sage auquel vous donnerez le commandement des bouches de Cattaro, sous vos ordres.


Saint-Cloud, 21 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, il faut imprimer peu. On a imprimé le décret sur la cession de Guastalla; je ne l'avais pas publié, parce que je ne l'avais pas jugé nécessaire. On a imprimé, de même inutilement, la proclamation du général Lauriston. En général, le moins que vous ferez imprimer sera le mieux.


Saint-Cloud, 21 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je vous envoie une lettre du général Duhesme; l'arrivée de votre aide de camp le tirera d'embarras. Il faut qu'il prenne possession d'Ostie; cela est extrêmement important, afin d'empêcher toute marchandise anglaise d'entrer dans le Tibre. Donnez ordre qu'on confisque à Ancône et à Cività-Vecchia toutes les marchandises anglaises. Il faut beaucoup plus surveiller la partie de la côte de Cività-Vecchia à Gaète que celle de Cività-Vecchia à Orbitello. Je vous ai fait connaître que les généraux Lemarois et Duhesme doivent faire nourrir leurs troupes par le Pape et par les revenus du pays. Donnez aussi ordre qu'on arrête partout les agents anglais et les anciens agents napolitains.


Saint-Cloud, 21 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, le 7e régiment de dragons français, les dragons de Reine, la légion hanovrienne, le 4e régiment de ligne italien, les uhlans polonais, les chasseurs royaux et le 30e régiment de dragons français, ont quitté l'armée de Naples pour entrer dans le royaume d'Italie. Voici quelles sont mes intentions à l'égard de ces régiment : Vous laisserez la légion hanovrienne à cheval, le 4e régiment de ligne italien et les uhlans polonais, sous les ordres du général Duhesme pour occuper la côte d'Ostie et de Cività-Vecchia; s'il n'a point d'artillerie; vous lui enverrez une compagnie de canonniers italiens, que vous compléterez à 100 hommes; vous laisserez les 7e et 30e régiments de dragons à Ancône, et vous ferez revenir dans le royaume d'Italie les dragons de la Reine et les chasseurs royaux. Vous placerez ces régiments dans un lieu où ils puissent se réorganiser, et où vous puissiez veiller à leur instruction. Le roi de Naples a gardé les dragons Napoléon, probablement parce qu'il les a jugés les plus instruit.

Je ne réponds point à votre lettre du 14 juin relative aux prévenus dans l'affaire de Bologne; on doit poursuivre tous ceux qu'il y a poursuivre.


Saint-Cloud, 21 juin 1806

Au roi de Naples

Je reçois votre lettre du 12 juin. Je ne puis accorder aucun avancement aux officiers du génie que Gaète ne soit prise. Le général Campredon n'aurait pas dû faire cette demande.


Saint-Cloud, 21 juin 1806

Au roi de Naples

Les affaires du continent paraissent arrangées. Mes troupes ne vont pas tarder à entrer dans les bouches de Cattaro. Deux ou trois affaires ont eu lieu avec les Russes, et ils ont été culbutés. L'empereur de Russie veut faire sa paix. Il a envoyé des agents chargés de ses pouvoirs. Elle serait même faite avec l'Angleterre si vous étiez maître de la Sicile. Il ne doit pas y avoir plus de 2,000 toises de trajet à faire pour passer le détroit, et vous devez avoir une grande quantité de spéronares et de bateaux de toute espèce. Avec cela, vous devriez bientôt être maître de cette île.


Saint-Cloud, 21 juin 1806

Au roi de Naples

Lord Yarmouth est arrivé à Paris avec les pouvoirs du roi d'Angleterre pour signer la paix. Nous serions assez d'accord sans la Sicile. Les Anglais vous reconnaîtraient roi de Naples; mais, n'ayant pas la Sicile, ils ne peuvent vous reconnaître. De mon côté, il ne me convient pas de rien conclure que vous ne soyez en possession des deux parties de votre royaume. Ils ont laissé entrevoir dans les négociations que, prévoyant que la Sicile serait une difficulté, ils avaient laissé passer six semaines sans la secourir, pensant que vous vous en empareriez dans cet intervalle; mais qu'enfin il avait bien fallu, par pudeur, finir par y envoyer du monde.


Saint-Cloud, 22 juin 1806

Au roi de Naples

Je reçois vos lettres du 13 juin. Je suis fâché que vous vous soyez privé des talents du capitaine Jacob. Vous avez confiance en M. de Lostanges, qui n'est pas brave, qui intriguera tant que vous voudrez et qui vous servira mal. Jacob, au contraire, est brave; il a prouvé du talent sur la côte de la Manche. Après cela je vous laisse maître de faire ce que vous voudrez. En donnant des ordres positifs au capitaine Jacob, il fera tout ce que vous voudrez. Mais, tant que vous n'aurez pas une armée nationale, et cela ne pourra être avant dix ans, attendez-vous à quelque répugnance de la part des Français à reconnaître la suprématie napolitaine. Le Français s'est distingué dans tous les temps par cet esprit d'opposition, qui est devenu plus prononcé aujourd'hui que la guerre et la révolution ont exalté le caractère.


Saint-Cloud, 21 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je vous ai écrit l'année passée de faire placer sur les champs de bataille de Rivoli et d'Arcole de petits monuments. Faites-en mettre de pareils au Tagliamento, à Lodi, à Castiglione et près Saint-Georges.


Saint-Cloud, 22 juin 1806

Au roi de Naples

La cour de Rome est tout à fait devenue folle. Elle refuse de vous reconnaître, et je ne sais quelle espèce de traité elle veut faire avec moi. Elle croit que je ne peux pas allier un grand respect pour l'autorité spirituelle du Pape et réprimer ses prétentions temporelles. Elle oublie que saint Louis, dont la piété est connue, a été presque toujours en guerre avec le Pape, et que Charles-Quint, qui était un prince très-chrétien, tint Rome assiégée pendant longtemps et s'en empara, ainsi que de tout l'État romain.


Saint-Cloud, 22 juin 1806

Au roi de Naples

Il y a dans le Journal de Paris beaucoup d'articles ridicules sur Naples. Par exemple, il est déplacé de dire que l'impôt du sel a été aboli dans le royaume de Naples, quand je l'établis en France. Dites donc à Roederer de ne se mêler de rien; il n'y a rien de plus gauche et de plus maladroit que ses articles. Sans doute qu'il faut ménager le royaume de Naples, mais il y a une manière moins gauche de le faire; ne faites point sentir aux Français que le royaume de Naples ne leur est d'aucun avantage. De quoi se mêle Roederer de parler du royaume de Naples dans les journaux ? Si vous avez aboli l'impôt du sel, vous avez mal fait. Avec ces ménagements vous perdrez votre royaume; avec ces ménagements, vous ne prenez ni la Sicile ni Gaète, et vous manquez des choses les plus nécessaires. Comment aurez-vous une armée, une marine, si vous accoutumez vos peuples à ne rien payer ? Il faut qu'ils payent autant qu'en France, où il y a gabelle, enregistrement, timbre, sel, etc. J'ai peine à croire que vous ayez fait la sottise d'abolir l'impôt du sel; seulement, vous aurez apporté quelques modifications à la gabelle. Mais à quoi cela était-il bon à mettre dans le Journal de Paris ?


Saint-Cloud, 22 juin 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je vous envoie un état de tous les jeunes gens que vous m'avez fait mettre dans la Légion d'honneur; il y en a beaucoup qui sont trop jeunes. Je vous envoie copie de l'ordre que je donne au ministre Dejean. Vous pouvez expédier cet ordre et faire partir ces jeunes gens. Il est nécessaire de les employer, afin qu'ils gagnent véritablement la distinction qu'ils ont, obtenue.


Saint-Cloud, 22 juin 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, je vous envoie un travail sur l'emplacement que doit occuper la Grande Armée au moment de sa rentrée en France. Vous me proposerez une meilleure répartition, à peu près dans les mêmes divisions, si vous y entrevoyez quelque économie pour le service, soit pour les lits, soit pour le fourrage, soit pour le casernement. Le premier corps qui passera le Rhin sera celui du maréchal Davout : il le passera à Mayence. Le second corps sera celui du maréchal Mortier : il passera également le Rhin à Mayence. Le troisième sera celui du maréchal Bernadotte : il passera le Rhin aussi à Mayence. Le quatrième corps sera celui du maréchal Ney : il passera le Rhin à Huningue, le même jour que le corps du maréchal Davout passera le Rhin à Mayence. Le corps du maréchal Ney sera suivi par celui du maréchal Soult, qui passera le Rhin à Strasbourg. Le corps du maréchal Lefebvre passera le Rhin le premier de tous. Après leur passage, tous les régiments se dirigeront sur les garnisons qu'ils doivent occuper. Tous les 3e, et 4e bataillons et les dépôts qui sont dans l'Est se mettront en marche pour les lieux où se rendent leurs corps, hormis les bataillons et dépôts qui sont à  Boulogne, Anvers, Ostende, et en général sur les côtes de l'Océan. Ces bataillons et dépôts ne quitteront les lieux où ils se trouvent que quand ils en recevront ordre.

Remettez-moi le plus tôt possible l'ordre de route de chaque dépôt et de chaque détachement du corps du maréchal Lefebvre, afin que je voie s'il n'y a aucun faux mouvement contraire à mes intention et que j'indique les dates précises auxquelles devra commencer chaque mouvement.

Vous me soumettrez aussi l'ordre de mouvement de chaque régiment d'artillerie et de chaque bataillon du train, selon le travail qu'en feront les bureaux. Je pense qu'ils font réunir les bataillons du train et leurs dépôts à Strasbourg et à Metz, afin d'en faire le dédoublement et de les mettre sur le pied de paix.

J'ai donné l'ordre au 15e d'infanterie légère et au 58e de ligne de se rendre à Spire. Envoyez-leur l'ordre de se rendre à Paris.


Saint-Cloud, 23 juin 1806

A M. Lavalette

Vous ne faites pas faire le service des estafettes comme il devra être fait. Vous devriez avoir le nom du principal postillon de chaque relais et le breveter pour ce service. Vous lui feriez faire son décompte de trente sous par course, de manière que le maître de poste ne pût lui en rien retenir.


Saint-Cloud, 23 juin 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, je pense que vous devez répondre à peu près dans ces termes à M. de Wintzingerode : 

"Monsieur, j'ai mis sous les yeux de Sa Majesté la note relative à la protection spéciale que le général Gauthier a accordée à la principauté de Hohenlohe. Sa Majesté a vu avec peine la marche qu'ont prise depuis quelque temps les affaires en Allemagne. Des discussions et des voies de fait ont eu lieu entre les agents du roi de Wurtemberg et ceux du roi de Bavière et de l'électeur de Bade; des contestations ont eu lieu entre les agents du roi de Wurtemberg et des officiers français, entre les officiers du roi de Wurtemberg et ceux de Fürstenberg et de Hohenlohe. Avec une marche plus lente et plus légale, ces inconvénients eussent été évités. Le traité de Presbourg donne au roi de Wurtemberg une portion des possessions de la Maison d'Autriche en Souabe; mais ces possessions étant entre les mains des Français, c'était aux agents francais à les remettre à la Maison de Wurtemberg. Si l'on avait attendu cela, il n'y aurait eu aucun sujet de difficulté et aucune voie de fait.

Le traité de Presbourg et les différentes conventions qui ont eu lieu entre S. M. l'empereur Napoléon et le roi de Wurtemberg ont donné à celui-ci l'occupation d'une partie des biens de la Noblesse immédiate et de l'Ordre teutonique, mais non ceux de Fürstenberg et de Hohenlohe ni de tout autre prince souverain. Dans cet état de choses, si la cour de Wurtemberg a donné des ordres pour la prise de possession de ces biens, les princes de Fürstenberg et de Hohenlohe étaient autorisés à s'y opposer, et les généraux français, pour éviter toute voie de fait, ont dû maintenir le statu quo jusqu'à ce qu'ils aient reçu des ordres de leur cour. Il y a dans cette marche un peu trop de précipitation, pas assez de maturité, et un peu trop de promptitude à finir les arrangements relatifs à ces affaires. Les mêmes discussions n'ont pas eu lieu entre la Bavière et Bade, qui ont gardé plus de ménagement et marché avec plus de précaution à l'exécution de leur convention. Quoi qu'il en soit de ces petits inconvénients, que la cour de Stuttgart doit s'attribuer à elle-même, les sentiments de Sa Majesté pour le roi de Wurtemberg sont toujours les mêmes, et elle me charge spécialement de vous en transmettre l'assurance.

Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte et digne garde."


Saint-Cloud, 24 juin 1806

DÉCISION

Picard, directeur du théâtre de l'Impératrice, demande à l'Empereur à s'établir provisoirement dans la salle de la rue Favart, en attendant que l'Odéon soit reconstruit.

Renvoyé à M. de Lucay, pour arranger cette affaire à la satisfaction de Picard.


Saint-Cloud, 23 juin 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, j'ai lu avec attention les notes de M. de Masserano sur les affaires de Miranda. Il me semble qu'il faut lui répondre que j'ai vu avec peine la conduite des États-Unis, mais qu'il paraît qu'ils ont donné des satisfactions; que l'objet le plus pressant est de s'occuper de faire passer des renforts aux possessions espagnoles; que, quelque supérieur que soit l'ennemi sur la mer, il n'est cependant pas impossible de faire parvenir dans ces possessions quelques régiments; qu'il faudrait choisir, pour y diriger ces régiments, les possessions espagnoles où il est probable qu'ils ne trouveront pas l'ennemi; que la cour d'Espagne n'a donc pas un moment à perdre pour expédier quelques frégates d'abord, avec de bons officiers porteurs d'ordres du roi, pour encourager à une bonne et vigoureuse défense, et préparer pour l'équinoxe des expéditions plus considérables.


Saint-Cloud, 24 juin 1806

A M. Fouché

Ceux des jeunes gens qui ont fait tapage au spectacle de Rouen qui ne sont pas mariés et ont moins de vingt-cinq ans, seront envoyés au 5e régiment de ligne qui est en Italie. Faites-les mettre sur-le-champ en marche. En vivant avec les militaires, ils apprendront à les connaître et verront que ce ne sont pas des sbires. Faites-moi un rapport sur Lemoine, employé de l'octroi. Je le destituerai s'il est vrai qu'il ait tenu des propos contre la troupe.


Saint-Cloud, 24 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, continuez à m'envoyer les lettres de l'archevêque de Séleucie, envoyé de Rome à Dresde; on en a trouvé ici le chiffre, de manière qu'on les lit ici comme une écriture courante; mais il faudrait les laisser continuer leur route en les copiant exactement.


Saint-Cloud, 24 juin 1806

Au roi de Naples

J'ai reçu votre lettre du 15 juin. Je vous prie de bien croire que, toutes les fois que je critique ce que vous faites, je n'en apprécie pas moins tout ce que vous avez déjà fait.

Je vois avec un grand plaisir la confiance que vous avez inspirée à toute la saine partie de la nation.

Je ne sais s'il y a beaucoup de poudre à Ancône et à Cività-Vecchia, mais j'ai ordonné que, s'il y en avait, on vous en envoyât sur-le-champ.

Le roi de Hollande est arrivé à la Haye; il a été accueilli avec un grand enthousiasme.

Je vous ai déjà écrit, pour l'expédition de Sicile, qu'il fallait débarquer la première fois en force.

Je vous prie de mettre l'heure du départ de vos lettres, afin que je voie si l'estafette fait son devoir.

La prise de Gaète vous coûtera moins de 300,000 livres de poudre, si toutefois les officiers d'artillerie veillent à ce qu'on ne tire pas inutilement, à ce qu'on place les batteries très-près de la place, à ce qu'on ne mette que demi-charge lorsque cela peut faire autant d'effet que la charge entière.


Saint-Cloud, 24 juin 1806

Au roi de Naples

Cette mauvaise tête de Roederer fait des siennes de toutes les manières; il veut enlever à mes ministres les employés de leurs bureaux. Voici la lettre qu'il écrit au chef de la Liquidation de la guerre. Cette démarche ne m'étonne pas de Roederer, qui n'a aucun sentiment des convenances, mais elle m'étonne de la part de Dumas; je charge Dejean de le tancer. Roederer veut aussi nous enlever nos comédiens; et qui croyez-vous qu'il veuille nous enlever ? Ce n'est rien moins que Fleury, Talma. Je ne vous en parle que parce qu ont déclaré qu'ils n'écouteraient aucune insinuation sans y être autorisés. M. Roederer ne sait donc pas qu'aucun de mes sujets sortira de France que par mon ordre, et ce n'est pas en les débauchant qu'on les résoudra à venir.


Saint-Cloud, 25 juin 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR (Une lettre analogue concernant la cour d'appel de Turin a été adressée grand juge)

Sa Majesté désire que le ministre, de l'intérieur témoigne son mécontentement au préfet du département du Pô de ce qu'il n'est point allé à la procession de la Fête-Dieu.

Le général Menou, qui a arrêté le programme et fixé les places, en avait le droit comme exerçant les fonctions de gouverneur général et étant investi de la haute police.

Il résulte de l'organisation particulière aux départements au-delà des Alpes qu'un préfet a, dans ce pays, moins d'autorité qu'en France. C'est d'ailleurs une chose fâcheuse que de laisser apercevoir au public des discussions entre les chefs des autorités. On doit toujours obéir à l'autorité supérieure, sauf à faire parvenir au Gouvernement les réclamations qu'on jugerait à propos de former.

Ainsi, quand bien même le commandant général, dans l'exercice de ses fonctions de gouverneur, aurait arrêté des mesures encore plus irrégulières, le préfet aurait dû y adhérer provisoirement, sauf à faire ensuite les représentations convenables. Si, comme on dit, le préfet est protestant, il est nécessaire de lui faire connaître que c'est une raison pour se montrer plus facile en matières qui touchent la religion.


Saint-Cloud, 25 juin 1806

DÉCRET

NAPOLÉON, Empereur des Français, Roi d'Italie,

Vu la délibération, en date du 11 juin, du conseil d'administration du Corps législatif, assemblé en la forme prescrite par le sénatus-consulte organique du 28 frimaire au XII, et contenant le vœu qu'il soit élevé, du côté de la Seine, une façade au palais du Corps législatif, destinée à rappeler les campagnes d'Austerlitz et les sentiments que nous a exprimés à notre retour le Corps législatif, et que la dépense en soit faite sur les réserves provenant des vacances de ce Corps,

Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur, 

Avons décrété et décrétons ce qui suit :

ARTICLE ler. - Conformément au vœu exprimé dans la délibération du 11 juin du conseil d'administration du Corps législatif, il sera élevé au palais du Corps législatif, du côté du pont de la Concorde, une façade correspondante et parallèle à celle de la Madeleine, et en harmonie avec elle. Les ornements auront le caractère énoncé dans cette délibération.

ART. 2. - Les fonds nécessaires à cette reconstruction seront pris sur les réserves provenant des vacances du Corps législatif et restées au trésor public.

ART. 3. - Les plans et devis de cette reconstruction seront soumis à l'examen de notre ministre de l'intérieur et par lui arrêtés.

ART. 4. - Nos ministres de l'intérieur des finances, et du trésor public, sont chargés de l'exécution du présent décret.


Saint-Cloud, 25 juin 1806

A M. Gaudin

Faites demander à M. Fravega le vase précieux d'émeraude qu'il a pris au trésor de Gènes en 1798, et dont il est encore en possession.


Saint-Cloud, 25 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, j'ai lu votre longue lettre relative aux bons de M. Bignami. Toutes les raisons que donne M. Bignami sont mauvaises. Il sait bien qu'Ardant est un fripon et que les bons ont été volés. Le trésor auquel ils appartiennent en réclame le payement, la justice les annule; ils sont couverts par des contre-bons du trésor : il n'y a pas de doute que M. Bignami doit payer. Quant à la raison que M. Ardant est un fripon et qu'il conserve les bons qu'on devrait lui faire rendre, M. Ardant est en fuite et on ne le trouve pas. Je suis fâché que mes ministres et les négociants soient assez peu éclairés pour croire que M. Bignami a raison; quand il perdrait son crédit, il l'a mérité; un bon négociant ne fait jamais d'affaires suspectes. Le grand-juge doit dire que M. Ardant est en fuite, et qu'il est poursuivi; que, quand même les bons arriveraient, si M. Bignami les payait, il me répondrait de la somme. Ne croyez pas que M. Bignami soit innocent de tout cela; il savait bien ce qu'il faisait. En un mot la question se réduit à ceci : un nommé Ardant, homme sans crédit sur la place, aventurier, a volé 800,000 francs au trésor; il les a portés chez un négociant quelconque; il est en fuite; on le cherche sans pouvoir le trouver; ses billets sont nuls, et le trésor prend son argent où il le trouve.


Saint-Cloud, 25 juin 1806

Au roi de Hollande

Je reçois votre lettre du 21 juin. Vous devez commencer aujourd'hui à être établi depuis longtemps dans le pays. Aussitôt que cela sera possible, faites placer un trône dans une salle de votre palais.

Faites-moi connaître ce que rendait le cap de Bonne Espérance, ce que rendent Batavia et Surinam. J'ai ordonné qu'on envoyât à l'île de France une frégate pour y annoncer votre élévation au trône. Faites-moi connaître comment cette nouvelle a été envoyée par votre ministre de la marine à Curaçao, à Batavia, etc.


Saint-Cloud, 26 juin 1806

Au roi de Naples

Je vois, par votre lettre du 17, que vous avez reçu du biscuit et 12,000 paires de souliers. Ayez soin de m'instruire, au fur et mesure de l'arrivée du biscuit et des souliers, afin que, dans mes conseils d'administration, je m'assure qu'on ne me trompe point. Faites compter le biscuit un à un.; il doit être de bonne qualité. Les souliers me coûtent 5 francs 50 centimes; ce doit être de bonne marchandise et non du carton ; s'il en était autrement, faites-le-moi connaître; je retiendrai sur la liquidation générale.

Le général Saint-Cyr demande des troupes parce qu'il aura quelques frégates russes. Mais les généraux ne sont point content s'ils n'ont une armée. Vous lui avez sans doute répondu qu'on a toujours assez de troupes quand on sait les employer, et lorsque les généraux ne couchent point dans les villes, mais bivouaquent avec leurs troupes. S'il faut une armée pour garder chaque quartier général, toutes les troupes de France ne suffiraient pas pour garder les côtes de Naples. Qu'au moindre événement le général Saint-Cyr se mette en campagne avec quelques colonnes mobiles de 5 à 600 hommes chacune, infanterie, cavalerie, artillerie, tout compris, et il soumettra les rebelles, arrêtera les brigands, et sera partout où l'ennemi voudra débarquer.

Je vous prie de me dire si vous avez renvoyé les 3e, et 4e bataillons et 4e escadrons; cela diminuera votre solde et me mettra à même de vous envoyer un bon corps de troupes de vos dépôts pour maintenir toujours vos bataillons à une certaine force.

Ne ralentissez point l'expédition de Sicile. Croyez-moi, la poudre ne vous manquera point. Pour peu qu'on apporte de l'économie devant Gaète, ce siège ne vous mangera pas plus de trois à quatre cents milliers.

Vous regretterez d'avoir renvoyé les officiers de marine; vous en sentirez le besoin au moment où vous commencerez votre expédition de Sicile.

Deux batteries de trois pièces de 24 ne sont pas suffisantes à Cannetello et à Seilla. Si, comme le dit votre écuyer, vous comptez faire le rassemblement de vos troupes à Seilla, il faut là un plus grand nombre de pièces; il vous faut une trentaine de pièces de 18, de 24 et de 36.


Saint-Cloud, 26 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, les troupes italiennes sont réduites à rien; il est cependant temps de s'en occuper. Faites-moi connaître où en est la conscription.

Les trois régiments italiens que j'ai en France vont être réunis à Bayonne. Dirigez sur ce point un millier de conscrits pour compléter les bataillons. Je vois que tous les corps italiens qui sont dans le royaume de Naples sont presque réduits à rien.


Saint-Cloud, 26 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois les lettres du général Lauriston. Il est bien fâcheux que le 23e ne soit pas arrivé en même temps que les autres troupes. J'imagine qu'il sera arrivé à cette heure. Le général Molitor serait bien coupable d'avoir mis le moindre délai dans le départ ce régiment.

J'ai peine à croire que, si le général Lauriston a réuni tous les détachements de ses régiments, ils restent aussi faibles qu'il le dit, c'est-à-dire que les deux ne forment que 3,000 hommes. Je vois par votre correspondance que le bataillon brescian est parti; mais, avant son arrivée, il sera réduit à peu de monde; également, le nouveau bataillon du 3e et du 4e que vous formez. J'estime qu'il est nécessaire que vous fassiez des levées de conscrits, et que vous fassiez plus tôt possible partir 500 hommes pour compléter ces deux bataillons, savoir : 200 le 15 juillet et 300 le 15 août.

Je vois avec peine que le 8e d'infanterie légère occupe toujours l'île de Cherso. Donnez donc l'ordre qu'il soit envoyé à Zara, et faites occuper l'île de Cherso, par 1100 hommes du 60e de ligne, qui est en Istrie; mettez la plus grande rapidité dans ces mouvements. La garde de Sabioncello et du poste de Stagno appartiendra au général Molitor, de manière que le général Lauriston n'aura que Raguse à garder. Si le général Lauriston était sérieusement attaqué, le général Molitor devrait le secourir avec toute sa réserve. D'ailleurs, je ne doute pas que, lorsque le général Lauriston aura reçu ses renforts, les Monténégrins ne soient obligés d'évacuer le vieux Raguse et ne finissent par rester tranquilles.

De l'état de situation que vous m'avez remis, il résulterait que le 5e de ligne aurait 2,400 hommes présents, et que le 23e en aurait 2,100, ce qui ferait 4,500 hommes, et 1,300 aux hôpitaux. Il vous est encore arrivé des recrues de Strasbourg; c'est sur ces deux régiments qu'il faut les diriger; mais ayez soin qu'ils soient habillés bien armés lorsqu'ils partent.

Du moment que le 3e régiment italien sera arrivé à Ancône, donnez ordre qu'il se rende à Padoue. Vous compléterez ce régiment à trois bataillons et à 3,000 hommes, pour pouvoir l'employer contre les Monténégrins. Faites-moi un rapport sur le bataillon dalmate. Y aurait-il sûreté de l'envoyer aux bouches de Cattaro ? Vous ne me parlez point de ce que vous espérez pour la légion dalmate.

Donnez ordre à l'adjudant commandant Plauzonne, qui est employé au corps du général Marmont, de se rendre en toute diligence à Raguse, où il sera sous les ordres du général Lauriston.


Saint-Cloud, 27 juin 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, voici quelques observations sur le projet de Peschiera. En supposant les ouvrages UX et SR achevés et perfectionnés, Peschiera n'offre pas une résistance assez considérable pour qu'on puisse y confier une garnison de 3,000 hommes. Ainsi on se propose d'employer 2,400 000 francs, qui ne seront que la moitié de la dépense, puisqu'il faudra des casernes et des établissements militaires qui iront à pareille somme, et cela pour avoir une place qui sera toujours une très-mauvaise place. Si on met dans Peschiera 3,000 hommes de bonnes troupes, ce sont 3,000 hommes qu'on donne à l'ennemi, après un mois de résistance.

Il faut ici fixer les idées sur l'utilité des places fortes. Il est des places fortes qui défendent une gorge et qui, par cela seul, ont un caractère déterminé; il est des places fortes de dépôt et qui, pouvant contenir de grandes garnisons et résister longtemps, donnent moyen à une armée inférieure d'être renforcée, de se réorganiser et de tenter de nouveaux hasards. Dans le premier cas, un fort ou une petite place peuvent être indiqués; dans le second cas, une grande place où il ne faut épargner ni argent ni ouvrages.

Hors ces deux cas, il en est un troisième, c'est la fortification entière d'une frontière. Ainsi la frontière depuis Dunkerque jusqu'à Maubeuge présente un grand nombre de places de différentes grandeurs et de différentes valeurs, placées en échiquier sur trois lignes, de manière qu'il est physiquement impossible de passer sans en avoir pris plusieurs. Dans ce cas, une petite place a pour but de soutenir l'inondation qui va d'une place à l'autre, ou de boucher un rentrant. Il s'établit alors, au milieu de toutes ces places, un autre genre, de guerre. L'enlèvement d'un convoi, la surprise d'un magasin, donnent à une armée très-inférieure l'avantage, sans se mesurer ni courir aucune chance, de faire lever un siége, de faire manquer une opération. C'est, en peu de mots, l'affaire de Denain, affaire de peu de valeur en elle-même, et qui cependant sauva bien évidemment la France des plus grandes catastrophes.

Voyons dans lequel de ces cas se trouve Peschiera.

Elle n'est et ne peut être une place de dépôt, dominée de tous côtés, n'ayant que la capacité d'une place de quatre ou cinq bastions, étant enfin voisine de Mantoue, qui a évidemment cette destination. Une place de dépôt suffit pour une frontière. Sous ce point de vue on ferait donc mieux de renfermer à Mantoue l'artillerie, les vivres et la garnison, et d'y dépenser tout l'argent que coûterait Peschiera soit en faisant un fort à Saint-Georges, soit en fortifiant les divers points d'attaque.

Par sa capacité, Peschiera serait dans le cas d'être considérée comme ayant une destination spéciale, celle de donner un pont sur le Mincio; mais le Mincio est une si petite rivière que cela ne mérite aucune considération.

Comme frontière, la ligne de l'Adige n'est point fortifiée. Si on proposait de faire une place de Peschiera, une à Valeggio, une à Goito, une à Governolo, et qu'on en proposât autant sur l'Adige, qu'en troisième ligne on en proposât à Lonato, Montechiaro,,Castiglione, Solferino, on aurait alors, en Italie, une frontière pareille à celle de Flandre; l'ennemi, eût-il une armée quadruple, ne pourrait passer sans avoir pris deux ou trois places.

Mais ici, au contraire, l'ennemi laisserait devant Peschiera un corps de troupes, en laisserait un autre devant Mantoue, passerait à Valeggio et Goito, ou par tout autre point, et continuerait ses opérations sur le Mincio et sur l'Adda, si, d'ailleurs, sa supériorité était bien décidée. En masquant ces deux places, il se serait affaiblit de peu de chose, peut-être pas de 14,000 hommes, ce qui, dans l'hypothèse de supériorité où nous l'avons placé, serait beaucoup moins considérable que l'affaiblissement qu'auraient occasionné à l'armée française les garnisons de Mantoue et de Peschiera, en supposant 3,000 hommes dans Peschiera et 7,000 dans Mantoue, total 10,000 hommes. On conviendra que l'ennemi n'aurait pas besoin d'en laisser plus de 14,000, et même, si une bataille devait avoir lieu dans les environs de Castiglione ou dans les plaines de Montechiaro, l'ennemi, s'il est habile, fera en sorte, au moment décisif de la bataille, de retirer 8,000 hommes de son corps d'observation, tandis que les garnisons ne feront rien que des sorties devant des corps légers qui fuiront devant elles. C'est ainsi que nous avons vu dans les dernières guerres d'Allemagne que les grandes garnisons que l'Autriche avait laissées à Philippsburg , Mayence, Mannheim , n'avaient jamais exigé un nombre égal de troupes pour les observer.

Cependant l'ennemi assiégera Peschiera; il la prendra en douze ou quinze jours de tranchée ouverte : on perdra beaucoup d'artillerie, de munitions, 3,000 hommes et l'argent qu'on aura employé pour défendre cette place.

La place de Peschiera est-elle donc sans utilité ? Faut-il donc n'avoir pas de place à Peschiera ? Dans ce cas, toutes les fortifications qu'on doit y faire seraient superflues. C'est ici une autre question., que nous allons examiner.

Si on pouvait me proposer de placer Peschiera à Saint-Georges, ou dans tout autre point de la sphère de Mantoue, c'est-à-dire que, dans toute autre position telle qu'on ne pût pas en couper la communication avec Mantoue, on pût trouver une place de la valeur de Peschiera, il n'y aurait pas à hésiter un moment. On donnerait un nouveau degré de force à l'artillerie, à la garnison de la grande place de dépôt, qui doit donner le temps à une armée de revenir, de se reformer et de ressaisir la supériorité.

Mais Peschiera existe où elle est; elle est de la plus grande utilité sous le point de vue offensif. Son enceinte met à l'abri des courses de l'ennemi des dépôts, des hôpitaux, des munitions de guerre, une flottille qui transporte à Torbole, dans tous les points du lac, des troupes et des munitions, et qui favorise singulièrement une armée qui est à Trente; elle barre la route directe de Vérone à Brescia, sert de point d'appui à l'armée qui défend le Monte-Baldo et le haut Adige; elle appuie la gauche d'une armée qui agit sur le Mincio, lui facilite les moyens de porter toutes ses forces sur Mantoue, ou de faire toute autre opération, en offrant un refuge assuré aux troupes qu'on laisserait derrière le Mincio, pendant deux ou trois fois vingt-quatre heures, pour tromper l'ennemi. Quoique place de fortification permanente, Peschiera est une place que j'appelle une place de campagne, qu'un général habile fera beaucoup valoir, qui ne sera d'aucune utilité à un général malhabile.

Lors des affaires de Castiglione, Peschiera fut laissée avec 500 hommes et la plupart estropiés, et abandonnée à ses propres forces pendant sept à huit jours; elle fut d'un grand avantage à l'armée française, parce qu'au lieu de 500 hommes l'ennemi dut supposer qu'il y en avait 1,500, et laissa 4,000 hommes devant Peschiera, parce que cela masquait les opérations de l'armée, et qu'enfin, lorsque après Castiglione une division française retourna à Peschiera, l'ennemi, qui ne pouvait pas retarder d'une heure le passage du Mincio, craignit pour sa retraite et manqua effectivement d'être coupé.

Le général francais y laissa 500 hommes; un général pusillanime aurait pu en laisser 1,000; mais un général habile n'y aurait laissé de garnison qu'autant que l'ennemi n'aurait pas pris de supériorité décidée, que l'on se battrait encore, et que dès lors il y aurait des chances pour que l'armée revînt.

Mais dans ces événements, où Peschiera a joué un si grand rôle, supposons que le général français se fût résolu à réunir toutes ses troupes à Rivoli, à livrer là une bataille décisive; qu'il y eût perdu en tués ou prisonniers, une portion de son armée; qu'il n'y eût plus eu aucun espoir de recevoir des renforts qui n'existaient pas au-delà des Alpes et de repasser le Mincio, croit-on qu'il eût donné des prisonniers à l'ennemi ? Il eût fait sauter deux ou trois bastions de Peschiera, ou tout au moins l'aurait évacuée, s'il eût été impossible de la faire sauter; il n'eût pas diminué d'un homme son armée.

Si on demande ce que veut dire une place de campagne en fortification permanente, qu'on jette un coup d'œil sur les événements qui se sont passés en vendémiaire dernier; que l'on voie de quelle utilité a été ce mauvais château de Vérone : peut-être a-t-il eu dans les événements une influence incalculable. Ce mauvais château a rendu maître de l'Adige, ce qui a tout de suite donné une autre physionomie à toutes les affaires de la campagne. Cette mauvaise place de Legnano n'est aussi qu'une place de campagne.

Si, au lieu de cela, le prince Charles eût passé l'Adige à Ronco ou sur tout autre point, qu'il eût battu l'armée française, à peu près comme Scherer fut battu en l'an VII, le château de Vérone et Legnano seraient tombés tout d'abord.

Or, pendant tout le temps qu'une armée manœuvre, évacue une aile pour se porter sur une autre aile, fait quelques marches en arrière pour se réunir à des secours ou renforts qui sont restés sur le Tessin ou l'Adda, ou qui arrivent d'Alexandrie, peut-être même à Bologne, pendant toutes ces manœuvres, l'ennemi n'a ni le temps ni les moyens de faire un siège; il bloque toutes les places, tire quelques obus, quelques salves d'artillerie de campagne; c'est juste le degré de force que doit avoir une place de campagne.

Peschiera doit être une place de campagne et avoir le degré de force suffisant; mais elle n'a pas les qualités d'une place de cette nature; ces qualités doivent être de pouvoir donner protection à une division qui arriverait de Vérone et serait poursuivie : elle sera obligée d'évacuer les hauteurs, les feux de la place ne pouvant pas découvrir là et l'y protéger.

Peschiera n'est pas une place de campagne, parce qu'elle n'a pas le degré de force convenable pour donner quelque sûreté à un commandant d'un courage ordinaire. Le bastion C est tout d'abord découvert des hauteurs, mis en brèche; de sorte qu'on n'est pas certain qu'un ennemi entreprenant, et ayant quelques pièces de 18 ou de 24, n'ait pas la possibilité de l'enlever pendant les douze ou quinze jours de manœuvres. Ce sont là seulement les qualités et le degré de force qu'il faut donner à Peschiera; point, ou très-peu d'accroissement de garnison, car une place de campagne doit pouvoir être gardée par la moindre garnison possible.

Quel est le parti à prendre aujourd'hui ? L'ouvrage X existe; il faut le finir, mais de la manière la plus économique. Il donne assez de force à tout le front ED, même DC; il n'est pas situé à plus de deux cents toises du point N, et seulement à trois cents toises de l'extrémité 1. L'ouvrage R doit également être fini de la manière la plus simple. Ce sera une redoute intermédiaire, car il faut occuper la hauteur en avant de la Mandella par une autre redoute. Ces deux ouvrages nous paraissent suffisants. Le chemin couvert ou une contre-garde au bastion C nous paraît surtout indispensable.

Quant à l'inondation de l'ouvrage 0, cela dépend des ouvrages qui sont faits. Le mémoire ne fait pas assez connaître l'état actuel des ouvrages d'eau, écluses, etc., et ce qu'il en coûterait pour les faire, pour qu'on puisse décider. Il faut donc que l'officier du génie fasse bien connaître le système des ouvrages d'eau et écluses, leur situation au ler juin 1806; et, quand on saura ce que tout cela coûtera, on décidera. Il ne faut pas outre-passer les fonds faits pour cette année.

Moins on proposera de dépenses pour Peschiera, mieux cela vaudra, car, la somme d'argent qu'on peut dépenser aux fortifications étant déterminée, c'est autant de moins qu'on pourra employer à Legnago, Mantoue; et c'est surtout à Mantoue, comme on le sent bien, qu'il serait plus nécessaire de dépenser de l'argent. Il faudrait, avec un million réparti en trois années, sans compter ce qui a été accordé pour l'année courante, qu'on pût parfaitement, achever Peschiera.

Il faut rendre les ouvrages X et R le plus petits qu'on pourra.


Saint-Cloud, 27 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, écrivez au général, Molitor d'envoyer de la poudre au pacha de Bosnie, par Spalatro, et, de lui faire connaître qu'il a l'ordre de tenir à sa disposition l'artillerie, les fusils et la poudre dont il aura besoin, en prévenant quelques jours d'avance; qu'on a été obligé de se servir de la poudre du Grand Seigneur, qui était à Raguse, parce que la nôtre n'était pas arrivée, mais qu'il y en a une grande quantité à Spalatro, qu'il peut la faire prendre, et que le transport en sera plus facile de cette place que de Raguse.


Saint-Cloud, 28 juin 1806

DÉCISION

M. Oberkampf, de Jouy, prie l'Empereur de permettre à un Anglais, employé dans sa manufacture, de se rendre en Angleterre pour y étudier des procédés de fabrication et rapporter en France le résultat de ses observations.

Renvoyé au ministre de la guerre, pour lui donner une permission d'aller en Angleterre.


Saint-Cloud, 27 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, envoyez vos jeunes aides de camp, qui n'ont point fait la guerre, faire la campagne sous Lauriston, avec le bataillon de ma garde royale; envoyez des jeunes gens qui auraient du courage et qui auraient envie de se distinguer.


 Saint-Cloud, 28 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, voici mes dispositions générales pour Raguse et les bouches de Cattaro. Le général Molitor, ayant sous ses ordres le 8e d'infanterie légère, les 7e et 81e, occupera toute la Dalmatie. Il tiendra à Stagno deux bataillons du 8e, forts de 1,500 hommes, un bataillon du 79e complété à 800 hommes, et une compagnie d'artillerie complétée à 100 hommes., Cette colonne, forte de 2,400 hommes, avec un officier du génie pour faire tous les plans, croquis et reconnaissances, sera sous les ordres du général Guillet. C'est une réserve qui, suivant les événements, pourra ou retourner en Dalmatie ou se porter sur Raguse, et venir ainsi au secours des points attaqués. Une seconde colonne, composée d'un bataillon du 81e et d'un bataillon du 79e, tous deux complétés à 700 hommes chacun, se tiendra du côté de Macarsca, toujours prête à partir et à marcher au secours, soit de Raguse, soit de tout autre point attaqué. Un général de brigade avec deux bataillons du 5e de ligne et deux bataillons du 23e de ligne, trois compagnies d'artillerie et des officiers du génie, occupera Raguse. Les deux premiers bataillons du 23e et deux bataillons du 5e, le bataillon brescian, le 3e bataillon du 4e régiment italien, le bataillon de ma garde italienne, que vous expédierez, trois compagnies d'artillerie, une de sapeurs, commandés par les généraux Delegorgue et Delzons, prendront possession des bouches de Cattaro, sous les ordres du général Lauriston. Une fois maîtres des bouches de Cattaro, Raguse ne peut plus être attaquée, puisqu'elle confine avec la Turquie, la Dalmatie et les bouches de Cattaro, et ne confine point avec les Monténégrins. Les bouches de Cattaro ainsi occupées avec 4 ou 5,000 hommes, les Monténégrins seront réduits à se cacher dans leurs montagnes; ou ils viendront traiter, et alors on leur accordera une trêve pendant laquelle on se mettra bien en possession des bouches de Cattaro; ou ils voudront continuer les hostilités, et alors, maîtres de Risano, il sera facile de les contenir. Mon intention est de m'emparer des Monténégrins. Leur population n'est pas de plus de 30,000 âmes; ils ne peuvent pas avoir plus de 4 ou 5,000 hommes sous les armes. On pourra s'entendre avec le pacha de Scutari. Lorsque le général Lauriston jugera le moment propice pour les attaquer, il fera venir la colonne du général Guillet et formera une nouvelle colonne de ce qui sera disponible à Raguse, de manière à réunir 4 ou 5,000 hommes, entrera de tous les côtés sur le territoire des Monténégrins, les désarmera, enlèvera le couvent de Cettigne, fera construire un fortin sur le point le plus important des routes de communication, enrégimentera même des hommes pour nous, ou, selon les événements, fera garder le territoire par le pacha de Scutari.

Ainsi donc on doit distinguer deux choses, l'état défensif et l'état offensif.

ÉTAT DÉFENSIF

Une réserve de 2,400 hommes de Dalmatie à Stagno, une autre de 1,500 hommes, également des corps de Dalmatie, entre Spalatro et la Narenta; les îles de Cherso, Osero, Veglia, Pago, défendues par le général Seras et la division d'Istrie; Raguse fortifiée pour soutenir un siège; quatre bataillons au moins, trois compagnies d'artillerie occupant cette place, et ayant toujours une réserve d'un millier d'hommes prêts à se porter par Incanali au secours de Castelnovo.

Le général Lauriston, avec deux bataillons de chacun des 5e et 23e régiments de ligne formant au moins 2,400 hommes, trois compagnies d'artillerie formant 300 hommes, les chasseurs d'Orient, une compagnie de sapeurs italiens de 100 hommes, le bataillon brescian, le 3e bataillon du 4e régiment italien, et un bataillon de ma garde royale, le tout composant une force de plus de 5,000 hommes, et deux généraux de brigade, occupera les places et se tiendra en force sur les débouchés des Monténégrins, prêt à les attaquer. Il faut qu'il fasse construire, aux moulins de Raguse, une redoute armée de six pièces de petit calibre; à la pointe de Santa-Croce, une redoute de huit pièces de gros calibre, et à Raguse-le-Vieux, des redoutes fraisées et palissadées, armées de six pièces de gros calibre du côté de la mer, et de huit pièces de petit calibre du côté de la terre.

Quand le général Lauriston aura réuni tous ses approvisionnements, connaîtra bien le pays et sera bien en mesure, il commencera l'offensive.

ÉTAT OFFENSIF

La réserve de 1,500 hommes placée entre Spalatro et la Narenta se mettra en marche sur Stagno. La réserve de Stagno, de 2,400 hommes, se portera sur Castelnovo. La réserve de 900 à 1,000 hommes de Raguse se portera également sur Castelnovo.

Ainsi, un corps de 7,000 hommes de troupes entrera par plusieurs colonnes sur le territoire des Monténégrins, préviendra le pacha de Scutari, arrivera à Cettigne, et s'emparera du pays. On lèvera parmi les catholiques un bataillon, et on complétera, autant qu'il sera possible, le bataillon des chasseurs d'Orient; on aura soin que chaque soldat ait une bonne paire de souliers dans le sac; qu'on ait quelques rations de biscuit, de manière qu'en partant pour l'attaque on en ait pour quatre jours, et en réserve pour quatre autres jours; on trouvera d'ailleurs dans le pays des Monténégrins des bestiaux et toutes sortes de ressources.

Du moment que les Monténégrins seront soumis, et qu'ils connaîtront le danger qu'il y a de se révolter contre la France, la réserve du général Guillet retournera à Stagno, celle de Raguse retournera à Raguse, et le général Lauriston enverra une réserve considérable à Castelnovo, qui puisse se porter au secours de Raguse, si elle était attaquée.

Le général Molitor ne doit avoir aucune inquiétude; il doit savoir que la Dalmatie n'a point de frontières étrangères, et que les Français peuvent y faire passer tous les secours qui seraient nécessaires. Il faudrait 10,000 Russes pour l'attaquer; mais les Russes n'ont pas 6,000 hommes à Corfou.  Ils pourraient faire un débarquement à Raguse; mais la réserve de Stagno s'y porterait dans ce cas; la division de Spalatro s'y porterait également, celle de Castelnovo y serait aussi dirigée, et le général Lauriston aurait bientôt, pour débloquer Raguse, 4 ou 5,000 hommes. Il n'y aurait plus que la supposition que l'on attaquât Raguse pendant l'offensive; mais cette expédition ne durerait que quinze jours, et, en la tenant secrète , l'ennemi ne pourra faire ses dispositions pour profiter de l'absence des troupes; ainsi toute opération de sa part est impossible.

Le général Lauriston voit les choses un peu en noir, lorsqu'il pense que Raguse peut être attaquée. Maître de Castelnovo, les Monténégrins, qui sont les seuls ennemis que nous ayons de ce côté, n'ont aucune communication avec Raguse. L'esprit des Monténégrins est comme celui de toutes les peuplades barbares; toute paix avec eux est impossible, si on ne les a sévèrement réprimés et si on ne leur a porté la terreur dans l'âme. Il faut ravager leur territoire, brûler leurs maisons, et leur imprimer, par de terribles exemples, une terreur salutaire; cela est nécessaire pour obtenir d'eux la tranquillité.

Ordonnez au général Molitor, auquel vous ferez connaître confidentiellement les dispositions que je prescris pour la défense et pour l'attaque, de faire passer du biscuit et des souliers à Stagno. Faites partir des convois de Venise, et chargez un officier de les suivre et de s'assurer de leur arrivée. Mais, indépendamment des secours dont je vous ai ordonné l'envoi, il faut qu'il y ait suffisamment d'artillerie.

Je vois que la 3e compagnie du le bataillon de sapeurs italiens, partie de Venise, n'est que de 68 hommes : faites-la compléter à 100 hommes; que les 13e et 15e compagnies du le régiment d'artillerie italien ne sont que de 121 hommes : faites compléter ces deux compagnies à 200 hommes, en y envoyant 80 hommes. Quatre compagnies d'artillerie ne suffisent pas pour l'Albanie et les bouches de Cattaro : faites-y passer deux autres compagnies, une française et une italienne, et faites en sorte qu'elles soient complétées à 100 hommes. Par ce moyen, le général Lauriston aura six compagnies d'artillerie. Donnez ordre au général Molitor d'envoyer la 6e compagnie du 3e bataillon de sapeurs francais à Raguse.

Quant à la place de Dalmatie qu'il faut approvisionner et mettre en état de soutenir un siège, c'est Zara. C'est dans cette place qu'on doit réunir tous les moyens d'artillerie et les vivres; c'est la seule place de siége, et celle qui devrait servir de refuge à ma division de Dalmatie, s'il arrivait quelque grand événement qui obligeât mes troupes à se replier. Il faut tenir la main à ce que tout l'argent que vous donnez pour les fortifications ne soit pas jeté à droite et à gauche. La dépense de tant de places serait impossible à soutenir dans le cas d'une attaque générale en Dalmatie, c'est Zara qu'on doit défendre, et cette place doit pouvoir tenir quatre mois. Je vous répète ce que je vous ai déjà dit, mettez tous vos soins à tenir au complet les 5e et 23e régiments de ligne et les troupes italiennes qui se trouvent en Albanie. Il est dans mon intention d'avoir au mois de septembre en Albanie 6,000 hommes de troupes italiennes, indépendamment des troupes françaises. L'importance que j'attache à avoir une contenance respectable en Albanie a moins pour objet le pays que de donner aux Turcs et à tout ce continent une haute idée de ce que je puis. Le général Barbon, qui est indisposé, ne pourra partir pour Raguse que dans sept à huit jours.

Que le général Lauriston forme bien son état-major; qu'il ait quatre ou cinq aides de camp. Il doit être tantôt à Raguse, tantôt en Albanie. C'est une campagne qu'il va faire pendant que chacun restera tranquille. Vous lui ferez aisément comprendre quelle gloire il acquerra. Si vous jugez à propos de laisser le bataillon dalmate en Albanie, vous en êtes le maître.


Saint-Cloud, 28 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, les deux bataillons de ma garde royale qui ont été à Vienne forment un assez beau corps; mais, à la Grande Armée, ils n'ont pas eu l'occasion de tirer un coup de fusil. Il serait peut-être convenable de profiter de la guerre des Monténégrins pour les aguerrir. Je vous laisse donc le maître, si vous n'y voyez point d'objections, de faire partir un de ces bataillons, complété à 800 hommes, pour l'Albanie. Vous aurez soin qu'il y ait autant de jeunes gens que de vieux soldats. Ce serait un renfort que je prévois pouvoir être utile en Albanie, où il y aurait alors 22,400 Italiens, sans comprendre les canonniers et les sapeurs. Ce devra être votre affaire d'expédier, au moins tous les quinze jours, un détachement d'une centaine d'hommes pour les recruter, de manière à les tenir toujours au complet. Envoyez un général italien pour commander ces deux bataillons sous les ordres du général Lauriston. Si le général Pino ne peut pas marcher avec cette colonne italienne, envoyez-y le général Lechi, que le roi de Naples a renvoyé, et qui est plus accoutumé à la guerre que les autres généraux italiens. Je suis obligé de garnir beaucoup de postes; il faut donc augmenter mon armée italienne pour que je puisse employer quelques bataillons italiens dans la Dalmatie et dans l'Albanie. Ils s'aguerriront dans les affaires journalières qu'ils auront avec les Monténégrins. Dans tout le pays de Venise, il doit être facile de lever des bataillons, car je prévois que je vais faire revenir en Italie les quatre corps italiens que j'ai à l'armée de Naples, afin de les compléter; et, avec eux et les nouvelles troupes que vous lèverez, je veux soutenir la Dalmatie et l'Albanie, et faire la guerre aux Monténégrins.


Saint-Cloud, 28 juin 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, donnez ordre au sous-lieutenant Choiseul de se rendre en Dalmatie. Cet officier, quoique très-jeune, ayant obtenu la décoration de la Légion d'honneur, il faut qu'il la gagne en servant où l'on se bat. S'il se trouve dans l'armée de jeunes officiers qui aient obtenu dernièrement cette distinction, envoyez-les également en Dalmatie et en Albanie.


Saint-Cloud, 29 juin 1806

Au roi de Naples

M. Celerier débauche les acteurs et actrices de Paris pour Naples. Déjà une ou deux artistes de l'Opéra ont fait connaître qu'elles voulaient se rendre à Naples. Vous sentez tout ce que cette conduite a de ridicule. Si vous voulez des acteurs de l'Opéra, pardieu, je vous en enverrai tant que vous voudrez; mais il n'est pas convenable de les débaucher. C'est ainsi qu'en a agi la Russie, et je fus tellement choqué dans le temps de cette conduite, que je fis écrire à l'empereur de Russie que je lui enverrais toutes les danseuses de l'Opéra, s'il voulait, hormis cependant Mlle Gardel.

J'aurais fait arrêter Celerier s'il n'était pas connu pour vous être attaché comme architecte.


Saint-Cloud, 29 juin 1806

A la reine de Hollande

Ma Fille, j'ai reçu votre lettre de jeudi. Je vois avec plaisir que vous êtes contente des Hollandais. Il aurait fallu m'envoyer la demande du directeur des postes d'Anvers. Dès que vous me l'aurez envoyée, je m'en ferai rendre compte, et je tâcherai, pour l'amour de vous, d'accorder à son frère une commutation de peine.


 Saint-Cloud, 30 juin 1806

Au roi de Hollande

Je reçois votre lettre. Je vois avec plaisir que vous êtes content des Hollandais. Les prétentions que votre ministre des finances fait sur mon trésor sont surannées. Mes dépenses sont fortes, et je ne suis point en mesure de vous aider comme je le voudrais. Tant que la guerre durera, il faut bien que je garde mes corps de troupes. Il serait cependant possible de les diminuer. Il est possible de conclure un traité de commerce; mais il faut que les intérêts des peuples s'y trouvent réunis. Je crois qu'il est nécessaire de mettre une imposition sur vos rentes; il y aurait peu d'inconvénient à imiter ce que fait l'Angleterre; ce serait un petit revenu, mais c'en serait un,


Saint-Cloud, 30 juin 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, les places de Peschiera, Legnago, Mantoue, etc., doivent rester armées pendant tout le temps que mes armées seront en Allemagne.


Saint-Cloud, 30 juin 1806

Au maréchal Berthier

On a fait demander au grand maître des forêts du roi de Wurtemberg, par les généraux Trelliard et Suchet, des cerfs pour moi. Je désapprouve tout à fait cela; je ne veux point de ces cerfs. Si cela était vrai, il faudrait sur-le-champ les contremander.


1 - 15 Juin 1806