1 - 15 octobre 1806


Mayence, ler octobre 1806, 2 heures du matin. 

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, le maréchal Lefebvre choisira une bonne position avant de Schweinfurt, telle que 40,000 hommes puissent s'y battre. Je préfère qu'il reste près de Schweinfurt à aller à Neustadt. Il tiendra un avant-poste sur les collines, en avant de Neustadt et de Koenigshofen. La division du général Dupont doit être à Würzburg, ma Garde doit y arriver demain. Le maréchal Augereau y sera le 4; je lui en donnerai l'ordre. Le maréchal Davout restera aux environs de Bamberg; le maréchal Bernadotte aux environs de Lichtenfels, ayant des avant-postes en avant de Kronach et au débouché de Cobourg.

Würzburg, Kronach et Forchheim seront armés et approvisionnés; hôpital, dépôts, parc, tout sera renfermé dans ces trois places. Les petits dépôts de la cavalerie seront réunis à Forchheim. On doit calculer que l'ennemi viendra à Würzburg. Je demande à la Hesse 600 hommes, qui seront le 6 octobre à Würzburg, pour y tenir garnison. Tous les convalescents de l'armée, à raison de douze ou quinze par régiment, seront placés, ceux des corps des maréchaux Augereau, Lefebvre et Davout à Würzburg, ceux du corps du maréchal Bernadotte à Kronach, ceux des corps des maréchaux Ney et Soult à Forchheim. Tous les prisonniers et les malades seront évacués sur Forchheim et Würzburg.

Que le général Songis soit le 3 octobre à Würzburg.

Envoyez un courrier pour savoir où est le maréchal Ney et où il sera le 3 octobre. Que les Bavarois s'avancent d'Eichstaedt sur Nuremberg et Forchheim.


Mayence, ler octobre 1806

Au maréchal Augereau

Mon Cousin, vous partirez avec votre corps d'armée, celui de Hesse-Darmstadt et ce que vous pourrez réunir des troupes de Nassau et du prince Primat, de manière à être arrivé le 4 au soir à Würzburg. Vous ferez distribuer pour quatre jours de vivres et vous vous ferez suivre par des vivres pour quatre autres jours, parce qu'il y a beaucoup de monde à Würzburg. Si les troupes de Hesse-Darmstadt et du prince Primat ont encore besoin de quelques jours, elles pourront n'arriver que le 8 au soir à Würzburg, hormis 6 ou 800 hommes de Hesse-Darmstadt, qui doivent tenir garnison à Würzburg et y être arrivés, au plus tard, le 5 ou le 6 à midi.


Mayence, 1er octobre 1806

Au maréchal Mortier

Mon Cousin, je vous ai nommé au commandement du 8e corps de la Grande Armée. Vous correspondrez chaque jour avec le major général, et vous lui enverrez en même temps l'état journalier de votre situation. Vous aurez toujours près de lui des officiers d'état-major, qui pourront vous porter ses ordres. Le 8e corps de la Grande Armée doit être composé de deux divisions, commandées l'une par le général Dupas et l'autre par le général Lagrange. Six généraux de brigade et deux adjudants commandants ont eu l'ordre de se rendre à Mayence. Les régiments composant le 8e corps d'armée sont le 2e, le 4e et le 12e d'infanterie légère. Le 2e et le 4e arriveront à Worms le 8 et le 9 octobre. Prenez les mesures nécessaires pour qu'ils y trouvent des bateaux qui les transportent à Mayence. Le 12e régiment arrivera le 8 octobre par la route de Bingen. Les deux régiments italiens sont partis depuis deux jours, l'un de Paris et l'autre d'Orléans, pour se rendre à Mayence. Vous devez avoir dix-huit pièces d'artillerie, une compagnie, de sapeurs, avec l'état-major nécessaire pour l'une et l'autre de ces armes. Le 26e régiment de chasseurs et le 4e régiment de dragons feront partie de votre corps d'armée. J'ai aussi donné l'ordre au 58e régiment d'infanterie de ligne d'être rendu à Mayence avant le 20 octobre. Aussitôt que vous aurez plus de 5,000 hommes et neuf pièces de canon attelées, vous pourrez vous porter à Francfort. Vous trouverez ci-joint une instruction qui vous servira de guide en cas d'événement. Vous devez avoir vingt-quatre caissons des transports militaires. Il faut que vous ayez toujours huit jours de biscuit en réserve à Mayence, et que vous puissiez les porter à votre suite avec 2,000 outils de pionniers.


Mayence, ler octobre 1806

INSTRUCTIONS POUR LE MARÉCHAL MORTIER

Mon Cousin, le 4 ou le 5 octobre, vous enverrez des officiers au prince de Nassau, au prince Primat et au grand-duc de Hesse Darmstadt, afin qu'ils sachent que vous commandez un corps de 25,000 hommes, dont la tête arrive à Mayence, et qui est spécialement chargé de protéger leurs États et le territoire de la Confédération du Rhin. Vous ferez tout préparer à Francfort pour le placement de ce nombre de troupes. D'ici au 10 octobre, vous recevrez des ordres particuliers. Cependant je juge convenable de vous donner dès aujourd'hui et précautionnellement, un ordre général qui vous servira de guide. Aussitôt qu'une des divisions du 8e corps d'armé aura plus de 5,000 hommes, elle pourra occuper Francfort, et vous pourrez même y porter votre quartier général, en prenant bien soin toutefois de ne pas vous compromettre, ni de vous laisser couper d'avec Mayence; et même, à cet effet, dès que vous aurez réuni toutes les troupes qui doivent former votre corps d'armée, vous le placerez en échelon depuis Francfort jusqu'à Mayence. Vous surveillerez attentivement tous les mouvements de l'électeur de Hesse Cassel. Votre position lui donnera assez d'ombrage pour qu'il ne dégarnisse pas ses États, et pour qu'il soit forcé à rester neutre. Vous maintiendrez libre, autant qu'il pourra dépendre de vous et sans vous compromettre, la route de Mayence à Würzburg, et vous prendrez des mesures certaines pour recevoir chaque jour des nouvelles du commandant de la citadelle de Würzburg. Si jamais il arrivait qu'il fût cerné par des forces supérieures, vous en devrez être prévenu par un signal dont vous conviendrez préalablement avec ce commandant. Vous n'iriez à son secours qu'autant que les forces qui le cerneraient seraient très-inférieures à celles que vous pourriez leur opposer, et il faudrait toujours que le tiers de vos forces se rapprochât de Mayence, pour que cette place ne coure aucun danger. Si, par suite d'une bataille perdue par la France, l'ennemi se portait sur Mayence et sur Cologne, vous correspondriez avec le roi de Hollande, qui est à Wesel, sur tout ce qu'il faudrait entreprendre pour s'opposer aux progrès de l'ennemi. Vous repasserez le Rhin, si ses forces sont trop considérables, et vous appuierez votre droite à Mayence, en bordant le Rhin et en liant votre gauche avec la droite du roi de Hollande, et vous entendant avec Sa Majesté pour cet objet.

Dans des circonstances aussi improbables qu'imprévues, c'est de ces circonstances mêmes que vous prendrez conseil; et, s'il arrivait que Mayence dût craindre d'être cernée, vous vous y renfermeriez avec votre corps d'armée.


Mayence, ler octobre 1806, 1 heure après midi

Au maréchal Augereau

Mon Cousin, je pars ce soir à neuf heures pour Würzburg. Je ne passerai point à Francfort. Je m'arrêterai deux ou trois heures à Aschaffenburg, demain vers six ou sept heures du matin. Il est très-important que vous soyez arrivé le 4 à Würzburg avec tout votre corps d'armée; ceci est une manœuvre de guerre. Vous ne devez laisser ni dépôts ni hôpitaux à Francfort; tout ce qui n'est point destiné à vous suivre doit revenir à Mayence. Vous laisserez un commandant d'armes à Francfort pour correspondre avec le maréchal Kellermann. Demain, le 14e de ligne couchera à Francfort; après-demain, un autre régiment. Ces troupes fileront toutes sur Würzburg. Vous pourrez faire connaître dans la conversation au Prince et aux principaux de Francfort qu'une armée se réunit à Mayence, et qu'il est possible qu'elle pousse des avant-gardes jusqu'à Francfort. Comme dans mon projet général je refuse ma gauche, il se pourrait que les communications de l'armée prissent pendant la campagne différentes directions.

Ne laissez rien à Francfort.


Mayence, 1er octobre 1806

Au prince Murat

Mon Frère, si le prince de Cassel est sincère, et qu'il veuille rester vraiment neutre, je n'ai pas l'intention de l'en empêcher. Je prie Votre Altesse de lui envoyer un courrier qui lui en donne l'assurance, mais il faut qu'il soit vraiment neutre. Aucun de mes détachements ne passera sur son territoire, et je serai fort aise d'épargner les maux de la guerre à ce pauvre pays, puisque le malheur de l'Europe veut que je n'aie pas été le maître de faire jouir du même bienfait tous les autres peuples. Je n'ai, dans le fait, aucun sujet de me plaindre de Cassel. Je ne l'attaquerai jamais de mon plein gré.

J'espère voir Votre Altesse demain à Aschaffenburg, où je passerai à six heures du matin.


Mayence, ler octobre 1806, 2 heures après midi

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je partirai ce soir à neuf heures. Je serai à Aschaffenburg demain matin vers six ou sept heures, et probablement avant six heures du soir à Würzburg. J'ai nommé le maréchal Mortier commandant le 8e corps d'armée, qui sera composé des 2e, 4e et 12e régiments d'infanterie légère, du 58e de ligne, des deux régiments italiens, du 4e de dragons et du 26e de chasseurs, de dix-huit pièces d'artillerie attelées et de vingt-quatre caissons.

J'ai fait partir le 14e de ligne pour se rendre à Würzburg, ou sera arrivé le 5 ; j'ai ordonné que le 28e d'infanterie légère parte le 6 de Mayence; il sera donc le 9 ou le 10 à Würzburg; je verrai à quelle division je les attacherai.

Toutes ces troupes sont en mouvement, hormis le 58e; je ne donnerai des ordres qu'en partant de Bamberg; en six jours je ferai venir en poste de Paris à Mayence.

Je désire que vous gardiez à Würzburg les officiers du génie qui ont fait les reconnaissances des routes, pour que je puisse causer avec eux de la nature du pays. Voyez à faire un dictionnaire de la population des villes, bourgs et principaux endroits de la Saxe, surtout de ceux qu'on trouve sur la route de Leipzig à Dresde. Quelle est la population de Cobourg ? Il doit y avoir des Bavarois qui connaissent parfaitement la Saxe; il est important d'en avoir un avec nous.

Je n'ai aucun nouvel ordre à vous donner. Je pense que vous faites faire à Würzburg, Kronach et Forchheim tout ce qu'il vous est possible. Je viens de faire partir 2,000 outils; il sera bon de les faire filer sur Bamberg.

Vous m'avez dit que Bernadotte avait 950,000 rations de biscuit; envoyez-les à Kronach, d'où on les tirera pour approvisionner l'armée, si elle est obligée de rester quelques jours en position pour déboucher en sûreté. Faites faire dans la citadelle de Kronach, mais mystérieusement, huit fours où l'on puisse faire cuire pour l'armée, car il ne serait pas impossible, comme il y a là des montagnes, que les quatre jours de pain dont elle se serait munie en partant de Bamberg ne la menassent pas jusque dans le pays où elle trouvera de nouvelles provisions. Si vous avez 900,000 rations à Würzburg, faites-les partir pour Kronach. Ceci n'est pas pour approvisionnement de siége, mais pour subvenir, en cas de retard, au débouché. Faites diriger des farines également sur ce point.

J'imagine qu'il y a à Bamberg et dans les environs assez de moyens pour que 80,000 hommes puissent y prendre du pain pour quatre jours; il est nécessaire d'établir un magasin à Bamberg et d'y faire construire des fours, s'il n'y en a pas; mais tout cela en quatre ou cinq jours. J'ai demandé 22,000 quintaux de farine au prince Primat; il faut étendre ces réquisitions dans les environs de Bamberg, et faire filer. C'est Bamberg qui est le point central des grands mouvements de l'armée. Je désire beaucoup être en mesure de commencer les opérations avant le 10, si toutefois nous y sommes forcés.


Mayence, 1er octobre 1806

Au maréchal Kellermann

Le 4 octobre arrivent à Kaiserslautern des détachements de 14 à 1500 hommes venant de Boulogne, venant de l'armée. Ces détachements doivent, par ce calcul, être le 8 à Mayence; envoyez-leur l'ordre de se diriger de Kaiserslautern sur Mannheim, d'y passer le Rhin , et de se diriger en droite ligne sur Würzburg; ce qui abrégera la marche de ces détachements de quatre jours, et les fera arriver à Würzburg le même jour qu'ils devraient l'être à Mayence. Un autre détachement de 1,200 hommes, venant également de Boulogne, doit arriver le 6 à Kaiserslautern; donnez-lui l'ordre également de se diriger sur Manheim, et de là de se rendre à Würzburg.  Des détachements des 1er, 15e, 9e, 5e et 3e de dragons venant de Paris seront à Kaiserslautern le 5 octobre. Je désire que vous donniez l'ordre à ces détachements de passer le Rhin à Mannheim, et de se diriger sur Würzburg.


Mayence, 1er octobre 1806

Au prince Eugène

Mon fils, portez une grande attention à faire arrêter les brigands qui commettent des excès sur les routes. Formez, s’il le faut, des colonnes mobiles et des commissions militaires. Ces brigandages ne font pas d’honneur à la gendarmerie. Je pars dans une heure de Mayence pour Wurtzbourg.

(Cette recommandation était motivée par la nouvelle reçue à Paris de brigandages faits soit dans le royaume d’Italie, soit dans celui de Naples, soit dans celui des États pontificaux, par quelques bandes. Ainsi un nommé Sciaboloni, entre autres, avait dû, après le siège de Civilella del Tronlo, être poursuivi à outrance lui et sa bande, fort de 110 hommes. Dans une rencontre avec les gendarmes napolitains, neuf gendarmes avaient été pris par les brigands. Quelque temps après, Sciaboloni demanda et obtint sa grâce.)

(Mémoires du prince Eugène)


Würzburg, 3 octobre 1806. 

A M. Daru

Monsieur Daru, rendez-vous à Mayence. Voyez, avant, le ministre Dejean pour connaître les dispositions que j'ai prises pour l'approvisionnement de Mayence, afin qu'à votre arrivée dans cette place vous prescriviez des mesures efficaces à cet effet, car tout se fait au ministère de la guerre et chez l'ordonnateur avec une lenteur qui n'a pas de nom. Quand vous aurez assuré à Mayence le service de l'approvisionnement, de manière que ses magasins puissent alimenter Würzburg, si cela est nécessaire, et que, douze heures après que j'en aurai donné l'ordre, il soit possible de faire partir 10 ou 12,000 quintaux de farine pour Würzburg ou d'autres postes, vous vous rendrez en toute diligence à Bamberg, pour rejoindre mon quartier général.


Würzburg, 3 octobre 1806

A M. de la Rochefoucauld, ambassadeur de S.M. l'empereur d'Autriche

Je suis depuis hier à Würzburg, ce qui m' mis à même de m'entretenir longtemps avec Son Altesse Royale. Je lui ai fait connaître ma ferme résolution de rompre tous les liens d'alliance qui m'attachaient à la Prusse, quel que soit le résultat des affaires actuelles. Après mes dernières nouvelles de Berlin, il est possible que la guerre n'ait pas lieu; mais je suis résolu à n'être point l'allié d'une puissance si versatile et si méprisable. Je serai en paix avec elle sans doute parce que je n'ai point le droit de verser le sang de mes peuples sur de vains prétextes. Cependant le besoin de tourner mes efforts du côté de ma marine me rend nécessaire une alliance sur le continent. Les circonstances m'avaient conduit à l'alliance de la Prusse; mai cette puissance est aujourd'hui ce qu'elle a été en 1740 et dans tous les temps, sans conséquence et sans honneur. J'ai estimé l'empereur d'Autriche, même au milieu de ses revers et des événements qui nous ont divisés; je le crois constant et attaché à sa parole. Vous devez vous en expliquer dans ce sens, sans cependant y mettre un empressement trop déplacé. Ma position et mes forces sont telles, que je n'ai à redouter personne; mais enfin tous ces efforts chargent mes peuples. Des trois puissances, de la Russie, de la Prusse et de l'Autriche, il m'en faut une pour alliée. Dans aucun cas, on ne peut se fier à la Prusse; il ne reste que la Russie et l'Autriche. La marine a fleuri autrefois en France, par le bien que nous a fait l'alliance de l'Autriche. Cette puissance, d'ailleurs, a besoin de rester tranquille, sentiment que je partage aussi de cœur.

Une alliance fondée sur l'indépendance de l'empire ottoman, sur la garantie de nos États et sur des rapprochements qui consolideraient le repos de l'Europe et me mettraient à même de jeter mes efforts du côté de ma marine, me conviendrait. La Maison d'Autriche m'ayant fait faire souvent des insinuations, le moment actuel, si elle sait en profiter, est le plus favorable de tous.

Je ne vous en dis pas davantage; j'ai fait connaître plus en détail mes sentiments au prince de Bénévent, qui ne manquera pas de vous en instruire. Du reste, votre mission est remplie le jour où vous aurez fait connaître le plus légèrement possible que je ne suis pas éloigné d'adhérer à un système qui serrerait mes liens avec l'Autriche.

Ne manquez pas d'avoir l'œil sur la Moldavie et la Valachie, afin de me prévenir des mouvements des Russes contre l'empire ottoman.


Würzburg, 3 octobre 1806

Au général Clarke

L'aide de camp des généraux, de service, partira demain, deux heures avant le jour, pour se rendre à Hammelburg, route de Fulde; il prendra des informations s'il n'y a rien de nouveau à Fulde. Il aura avec lui un courrier que lui donnera le grand écuyer, intelligent, parlant allemand; il l'expédiera jusqu'à Cassel; lui, de sa personne, continuera jusqu'à Fulde, ayant soin de prendre des renseignements pour savoir si les Prussiens sont entrés dans la principauté. Arrivé à Fulde, il prendra des renseignements pour connaître tous les mouvements prussiens et ce qui se passe à Cassel. Dès le moment qu'il aura nouvelle des ennemis, il reviendra en toute hâte

Le général Clarke écrira une simple lettre à l'envoyé à Cassel pour lui dire qu'il a reçu sa dernière lettre


Würzburg, 3 octobre 1806

Au roi de Hollande

Je reçois votre lettre des 26 et 28 septembre. Le maréchal Augereau n'est plus à Francfort. Le 8e corps de la Grande Armée, qui se réunit à Mayence pour occuper Francfort et manœuvrer, selon les circonstances, sur la France, est commandé par le maréchal Mortier. Je vous renvoie votre aide de camp. Je suis depuis hier à Würzburg où je fais occuper une très-belle forteresse ; je l'approvisionne et l'arme. C'est un point central où vous pourrez envoyer demander des nouvelles toutes les fois que vous aurez quelque inquiétude.

Envoyez-moi souvent des officiers d'état-major qui connaissent le pays et la situation des choses. Ordonnez-leur de faire des mémoire sur la route qu'ils font, lieue par lieue, en rendant compte de l'état des chemins , de la nature des obstacles, des noms et de la force des villes et villages, etc., afin que, devant manœuvrer sur cette ligne vous la connaissiez parfaitement.


Würzburg, 5 octobre 1806

A la reine de Hollande

J'ai reçu votre lettre du 14 septembre. J'ai envoyé au grand juge un ordre pour que la grâce de l'individu auquel vous vous intéressez lui soit accordée. Je reçois toujours avec plaisir de vos nouvelles. Je désire que vous vous portiez bien et que vous ne doutiez jamais de la grande amitié que je vous porte.


Würzburg, 5 octobre 1806

A M. Cambacérès

Mon Cousin , je suis à Würzburg depuis deux jours; je suis logé dans le palais du grand-duc. Lui et sa principauté se comportent très- bien ; il fournit son contingent. Les armées sont en observation. On en viendra bientôt aux mains. Du reste, point d'explications diplomatique; j'ai tant d'affaires que je n'ai pas le temps d'écrire. Dites au général Dejean que le tableau du général Lacuée sur la levée de la réserve de la conscription me paraît bien; qu'il ne faut pas perdre un moment pour la mettre en activité.


Würzburg, 5 octobre 1806

DÉCISIONS

Questions sur lesquelles il serait à désirer que l'on pût répondre aux personnes qui viennent se faire inscrire pour entrer dans la gendarmerie d'ordonnance de Sa Majesté :

l° Quelle sera la durée de l'engagement que les volontaires contracteront ?

La campagne.

2° Seront-ils libres à la fin de la campagne ou de la guerre ?

Oui.

3° Recevront-ils une solde du Gouvernement ?

Oui, mais simple.

4° Ceux qui désireraient continuer la carrière militaire après le licenciement du corps pourront-ils espérer d'être placés comme officiers dans l'armée ?

Oui, s'ils le méritent.

5° Ceux qui désirent seulement prouver leur dévouement à Sa Majesté en faisant la campagne. pourront-ils , si le corps était conservé, se retirer à la fin de la guerre ?

Oui.

6° Doit-on exiger, pour les gendar mes à pied, la pension de 600 francs, comme pour les gendarmes à cheval ?

Non.

7° Quelle sera la couleur du pantalon des gendarmes à cheval et à pied ?

Détails que Lacuée réglera. 

8° Les chevaux à courte queue seront- ils admis ? On observe qu'il est impos sible de se procurer promptement des chevaux à tous crins, c'est-à-dire à longue queue. Il faudra les faire venir des pays d'herbages, et ils seraient hors d'état de faire la campagne.

Tout est bon.

9° Quand les volontaires pourront-ils se mettre en route ?

De suite.

10° Leur donnera-t-on une feuille de route ou un simple passe-port ?

Passe-port.

11° A leur arrivée à Mayence, auront-ils étape et logement pour eux et leurs chevaux ?

Oui


Würzburg, 5 octobre 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, le roi de Wurtemberg est ici depuis deux jours. Il ne comprend rien à tout ce qui se passe. Le duc de Brunswick lui a écrit une lettre très-mauvaise; elle est dan le sens de l'exaltation patriotique allemande; le Roi en est fort irrité. J'ai beaucoup causé avec le grand-duc de Würzburg des affaires actuelles. Il pense que l'empereur d'Autriche fera bien mal, s'il ne profite pas de cette circonstance pour serrer ses liens avec moi. Le temps nous apprendra ce qu'il faut en croire. Toutes les colonnes sont en mouvement. Je pars cette nuit pour Bamberg.


Würzburg, 5 octobre 1806

Au général Dejean

Il faudrait calculer un petit projet pour porter en poste sur Montreuil les 6,000 hommes que j'ai à Paris, si les Anglais faisaient quelque tentative sur Boulogne. Il faut suivre le même principe que pour ma Garde; elle est arrivée en six jours; cela a parfaitement réussi. Je pense qu'il serait facile d'arriver en soixante à Montreuil Ce n'est pas que je croie que les Anglais pensent à une descente, mais il est bon d'avoir un thème fait d'avance.


Würzburg, 5 octobre 1806

Au maréchal Berthier

Le commandant de Würzburg doit loger à la citadelle. Il doit avoir un adjoint dans la place, chargé des détails; mais de sa personne, il doit le moins possible sortir de la citadelle et de la basse ville, qui est une partie de la citadelle.

Le commandant de l'artillerie doit être prévenu que 500,000 cartouches, douze pièces de canon, dont six de 24, beaucoup de boulets et de poudre, arrivent de Mayence sur cinq bateaux : il les fera mettre sur-le-champ en batterie; que trente pièces de canon arrivent d'Ingolstadt; ce qui fait plus de quarante pièces pour la place, et c'est plus qu'il ne faut. Indépendamment de ce, le général d'artillerie laisse une partie des pièces de campagne de l'équipage, qu'il pourra redemander d'un moment à l'autre.

Il doit y avoir aujourd'hui deux bataillons de troupes de Bade; il va en arriver jusqu'à concurrence de 3,000 hommes.

Il arrive, aujourd'hui ou demain, 1,000 hussards, chasseurs ou dragons à pied. Le 8, toute la Garde à cheval arrive à Würzburg, par la route de Mannheim. Le 9, un grand nombre de détachements à pied et à cheval viennent par cette route. Le 10 ou le 11, le 28e d'infanterie légère arrivera par la route de Mayence, et un assez grand nombre de gros détachements.

Le 28e d'infanterie doit continuer sa marche pour Bamberg.

Tous les détachements à cheval de cavalerie doivent continuer leur marche sur Bamberg. Tous les gros détachements d'infanterie doivent continuer également; mais aucun moindre de 100 hommes n'ira isolé.

D'ici au 15 octobre, tous ces mouvements doivent être si nombreux, qu'il convient d'avoir ici un adjudant commandant, pour instruire le major général de l'arrivée de chaque détachement et de leur état de situation , ainsi que pour leur donner l'ordre de continuer leur route sur Bamberg.

Mon intention est que toute la place soit défendue contre des hussards et même contre un corps d'infanterie légère ennemi , sauf à se retirer dans la citadelle et dans la partie basse de la ville, sur la gauche du Mein, si un corps d'armée considérable se présentait sur Würzburg, et qu'on ne fût pas en force pour mettre toute la ville à l'abri d'un coup de main. Si véritablement un corps de cavalerie ennemi s'emparait de la campagne, il serait urgent que le commandant envoyât deux officiers sur les routes de Mannheim et de Mayence, pour que tout ce qui viendrait de Mannheim fit un détour pour se rendre à Bamberg, sans passer par Würzburg, et que tout ce qui viendrait de Mayence y retourne ou fasse un détour pour gagner Bamberg. Il faudrait avoir soin de prévenir pour les courriers.

Dans la journée du 7, le pays de Würzburg se trouve découvert du côté de Fulde et de Gotha. Il faut que, le 8, le commandant se trouve en mesure de lever les ponts-levis et de fermer ses portes, si, le 9 ou le 10, ce qui serait physiquement possible, des hussards se présentaient devant la ville. Il lui sera facile d'ailleurs d'éclairer les routes et de savoir, par des espions et par les gens du pays, tout ce qui se passe. Mais il est convenable que, tous les matins, en ouvrant les portes de la ville et de la citadelle, toutes les précautions soient prises pour éviter une surprise et être bien certain qu'il n'y a rien nouveau. Une heure avant le jour, une patrouille d'observation doit sortir, afin que, le jour venant, on puisse être bien certain qu'il n'y a pas d'ennemis.

Tout le parc d'artillerie doit être placé dans la ville basse tenant à la forteresse. On doit avoir des sacs à terre, des tonneaux, pour barrer la porte du pont en cas de nécessité. Mais il ne faut pas pour cela porter l'alarme chez les habitants.


Würzburg, 5 octobre 1806, 11 heures du matin

Au maréchal Soult

Mon Cousin, le major général rédige dans ce moment vos ordres que vous recevrez dans la journée. Mon intention est que vous soyez le 8 à Bayreuth. Vous me renverrez l'officier d'ordonnance que vous expédie, de Bayreuth, du moment que vous y serez arrivés avec tous les renseignements sur cette place que vous aurez recueillis. Cet officier me trouvera probablement à Bamberg ou à Lichienfels.

Le pays de Bayreuth à Hof est un pays peu propre à la cavalerie. Je crois convenable que vous connaissiez mes projets, afin que cette connaissance puisse vous guider dans les circonstances importantes.

J'ai fait occuper, armer et approvisionner les citadelles de Würzburg, de Forchheim et de Kronach, et je débouche avec toute mon armée sur la Saxe par trois débouchés. Vous êtes à la tête de ma droite, ayant à une demi-journée derrière vous le corps du maréchal Ney, et à une journée derrière 10,000 Bavarois; ce qui fait au delà de 50,000 hommes. Le maréchal Bernadotte est à la tête de mon centre. Il a derrière lui le corps du maréchal Davout, la plus grande partie de la réserve de la cavalerie et ma Garde; ce qui forme plus de 70,000. Il débouche par Kronach, Lobenstein et Schleiz. Le 5e corps est à la tête de ma gauche. Il a derrière lui le corps du maréchal Augereau. Il débouche par Cobourg, Grafenthal et Saalfeld. Cela forme plus de 40,000 hommes. Le même jour que vous arriverez à Hof, tout cela sera arrivé dans des positions à la même hauteur.

Je me tiendrai le plus constamment à la hauteur du centre.

Avec cette immense supériorité de forces réunies sur un espace si étroit, vous sentez que je suis dans la volonté de ne rien hasarder et d'attaquer l'ennemi, partout où il voudra tenir, avec des forces doubles.

Il paraît que ce qu'il y a le plus à redouter chez les Prussiens, c'est leur cavalerie; mais, avec l'infanterie que vous avez, et en vous tenant toujours en position de vous placer en carrés, vous avez peu à redouter. Cependant aucun moyen de guerre ne doit être négligé. Ayez soin que 3 ou 5,000 outils de pionniers marchent toujours à la hauteur de vos divisions, afin de faire dans la circonstance une redoute ou même un simple fossé.

Si l'ennemi se présentait contre vous avec des forces moindres cependant de 30,000 hommes, vous pouvez, en vous concertant avec le maréchal Ney, réunir vos troupes et l'attaquer; mais, s'il est dans une position qu'il occupe depuis longtemps, il aura eu soin de la reconnaître et de la retrancher; dans ce cas, conduisez-vous avec prudence.

Arrivé à Hof, votre premier soin doit être de lier des communications entre Lobenstein, Ebersdorf et Schleiz. Je serai ce jour-là à Ebersdorf. Les nouvelles que vous aurez de l'ennemi, à votre débouché de Hof, vous porteront à vous appuyer un peu plus sur mon centre ou à prendre une position en avant, pour pouvoir marcher sur Plauen.

Selon tous les renseignements que j'ai aujourd'hui, il parait que, si l'ennemi fait des mouvements, c'est sur ma gauche, puisque le gros de ses forces paraît être à Erfurt.

 Je ne saurais trop vous recommander de correspondre très-fréquemment avec moi et de m'instruire de tout ce que vous apprendrez sur la chaussée de Dresde.

Vous pensez bien que ce serait une belle affaire que de se porter autour de cette place en un bataillon carré de 200,000 hommes. Cependant tout cela demande un peu d'art et quelques événements.

Lorsque vous m'écrirez, ayez soin de me bien décrire les localités par où vous serez passé et celles qu'occuperait ou pourrait occuper l'ennemi. Faites-en faire un journal tenu exactement par un officier du génie. Ces renseignements sont très-importants.


Würzburg, 5 octobre 1806

Au maréchal Bernadotte

Je n'ai laissé votre corps d'armée qu'à deux divisions, parce je voulais vous donner l'armée bavaroise; mais, d'après le désir vous m'avez manifesté de ne plus avoir ce corps sous vos ordres, j'en ai disposé autrement, et j'ai ordonné que la division Dupont, forte de 7,500 hommes présents sous les armes, avec huit pièces de canon , passât sous votre commandement. Cette division sera le  6 à Bamberg. Vous lui ferez connaître la position qu'elle doit occuper en la cantonnant sans délai près Lichtenfels et Kronach. Tous les détachements du 1er de hussards qui sont avec cette division doivent rester à Bamberg, ayant pris ce régiment pour mon service jusqu'à l'arrivée de ma Garde à cheval.

Veillez à ce que le fort de Kronach soit armé et approvisionnés. C'est sur cette place que vos dépôts doivent être portés. Tous les convois de bouche doivent y être dirigés. Choisissez une bonne position au pendant des eaux, que l'on puisse occuper pendant que tout le centre de l'armée filera par Kronach sur le chemin de Leipzig.

Je serai, demain 6, à Bamberg. Mon intention est de commencer mes opérations incontinent.

Ménagez-vous quatre jours de pain; ayez dans vos caissons le plus de jours que vous pourrez vous procurer de pain et de biscuit qui puissent, sans se moisir, durer huit ou dix jours.

Vous devez trouver à Lichtenfels et Kronach des paysans qui connaissent suffisamment le pays pour vous donner des renseignements sur la nature des communications de Grafenthal à Lobenstein, et de  Lobenstein à Hof et Plauen. Cela est si près, que je suppose qu'il y a des hommes qui pourront vous donner des renseignements. Renvoyez-moi, par l'officier que je vous expédie, les éclaircissement que vous aurez recueillis.


Würzburg, 5 octobre 1806

Au maréchal Davout

 Je serai probablement demain à Bamberg. Il y a longtemps que j'ai ordonné qu'on réparât ou construisît les fours de Bamberg. Vous devez prendre le chemin de Lichtenfels; ainsi n'éloignez pas vos cantonnements de cette route.

Ma Garde à pied doit arriver demain à Bamberg. Ayez soin qu'elle soit bien placée dans la ville et le plus à portée possible du lieu où je logerai.

Faites faire du pain et du biscuit le plus possible.


Würzburg, 5 octobre. 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, j'ai reçu vos lettres et votre dernière du 25 septembre. Lisez et relisez l'instruction que je vous ai donnée, et exécutez-la insensiblement, mais constamment. Tout est ici en mouvement. Il serait possible que, sous quelques jours, on en vînt aux mains.


Würzburg, 5 octobre 1806

ORDRE POUR M. CUSTINE, AIDE DE CAMP DU GÉNÉRAL SAVARY

L'aide de camp des généraux qui est de service restera à Würzburg jusqu'au 8 octobre. Il en partira le 8, à huit heures du soir, afin d'arriver le 9 à Bamberg au quartier général. Il y apportera l'état de tous les corps et de tous les détachements qui seront arrivés à Würzburg depuis aujourd'hui jusqu'au 8, par les routes de Mannheim et de Mayence. Il apportera également à Bamberg la note des convois d'artillerie et de vivres qui seront arrivés à Würzburg le 7 et le 8 octobre. Le 8, à midi, l'aide de camp des généraux visitera la citadelle de Würzburg. Il comptera les pièces qui seront en batterie, et fera attention à la manière dont se fait le service, pour en rendre compte. Avant de partir, il prendra les lettres du commandant de la place, du commandant de l'artillerie et du commissaire des guerres, pour le quartier général. En se rendant à Bamberg, il s'informera de l'emplacement où se trouveront deux détachements du parc d'artillerie qui se rendent de Würzburg à Bamberg. Il comptera lui-même les voitures de ces détachements, et, le 9, il me fera un rapport exact sur tous les objets compris dans le présent ordre.


Würzburg, 5 octobre 1806

INSTRUCTION POUR M. DE MONTESQUIOU, OFFICIER D'ORDONNANCE DE L'EMPEREUR

Vous passerez toute la journée du 6 à Würzburg. Vous en partirez le 7, à quatre heures après midi. Vous irez, le 7 à midi, à la citadelle. Vous verrez le nombre de pièces en batterie et la quantité de munitions, la situation de la garnison et des magasins, enfin de quelle manière le service est monté. Vous prendrez note de tous les effets d'artillerie qui seraient arrivés le 6 on le 7 à Würzburg, ainsi que tous les convois de biscuit et farine qui seraient arrivés, dans journée du 6 et du 7, à Würzburg. Vous prendrez note de la 1e division du parc général de l'armée, qui sera partie; vous la rencontrerez probablement en route. Causez avec l'officier qui la commande. Comptez le nombre de voitures, de compagnies d'artillerie et de sapeurs qui s'y trouvent. Vous vous arrangerez de manière à arriver le 8 à Bamberg, en prenant note de tout ce que vous aurez vu.


Würzburg, 5 octobre 1806, 10 heures du soir

Au roi de Naples

Je pars pour Bamberg. Toutes nos armées sont ici en mouvement. Je me porte du reste fort bien, et j'ai bonne espérance de venir bientôt à bout de tout ceci. 


5 octobre 1806

A Joséphine

Il n'y a pas d'inconvénient que la princesse de Bade se rende à Mayence. Je ne sais pas pourquoi tu pleures, tu as tord de te faire mal. Hortense est un peu pédante, elle aime à donner des conseils; elle m'a écrit, je lui réponds. Il faut qu'elle soie gaie et heureuse; le courage et la gaieté, voilà la recette.

Adieu mon amie : le grand-duc m'a parlé de toi, il t'a vue à Florence, lors de la retraite.


 

Quartier impérial, Bamberg, 6 octobre 1806

PROCLAMATION

Soldats, l'ordre pour votre rentrée en France était parti; vous en étiez déjà rapprochés de plusieurs marches. Des fêtes triomphales vous attendaient, et les préparatifs pour vous recevoir étaient commencés dans la capitale.

Mais, lorsque nous nous abandonnions à cette trop confiante sécurité, de nouvelles trames s'ourdissaient sous le masque de l'amitié et de l'alliance. Des cris de guerre se sont fait entendre à Berlin. Depuis deux mois nous sommes provoqués tous les jours davantage.

La même faction, le même esprit de vertige qui, à la faveur de nos dissensions intestines, conduisit, il y a quatorze ans, les Prussiens au milieu des plaines de la Champagne, domine dans leurs conseils. Si ce n'est plus Paris qu'ils veulent brûler et renverser jusque dans ses fondements, c'est aujourd'hui leur drapeau qu'ils se vantent de planter dans les capitales de nos alliés; c'est la Saxe qu'ils veulent obliger à renoncer, par une transaction honteuse, à son indépendance, en la rangeant au nombre de leurs provinces; c'est, enfin, vos lauriers qu'ils veulent arracher de votre front. Ils veulent que nous évacuions l'Allemagne à l'aspect de leurs armes ! Les insensés! Qu'ils sachent donc qu'il serait mille fois plus facile de détruire la grande capitale que de flétrir l'honneur des enfants du grand peuple et de ses alliés ! Leurs projets furent confondus alors; ils trouvèrent dans les plaines de la Champagne la défaite, la mort et la honte. Mais les leçons de l'expérience s'effacent, et il est des hommes chez lesquels le sentiment de la haine et de la jalousie ne meurt jamais. 

Soldats, il n'est aucun de vous qui veuille retourner en France par un autre chemin que par celui de l'honneur. Nous ne devons y rentrer que sous des arcs de triomphe.

Eh quoi ! aurions-nous donc bravé les saisons, les mers, les déserts, vaincu l'Europe plusieurs fois coalisée contre nous, porté notre gloire de l'Orient à l'Occident, pour retourner aujourd'hui dans notre patrie comme des transfuges , après avoir abandonné nos alliés, et pour entendre dire que l'aigle française a fui épouvantée à l'aspect des armées prussiennes !

Mais déjà ils sont arrivés sur nos avant-postes. Marchons donc, puisque la modération n'a pu les faire sortir de cette étonnante ivresse. Que l'armée prussienne éprouve le même sort qu'elle éprouva il y a quatorze ans  ! Qu'ils apprennent que, s'il est facile d'acquérir un accroissement de domaines et de puissance avec l'amitié du grand peuple, son inimitié, qu'on ne peut provoquer que par l'abandon de tout esprit de sagesse et de raison , est plus terrible que les tempêtes de l'Océan !


Quartier impérial, Bamberg, 7 octobre 1806

MESSAGE AU SÉNAT

Sénateurs, nous avons quitté notre capitale pour nous rendre au milieu de notre armée d'Allemagne, dès l'instant que nous avons su avec certitude qu'elle était menacée sur ses flancs par des mouvements inopinés. A peine arrivé sur les frontières de nos États, nous avons eu lieu de reconnaître combien notre présence y était nécessaire, et de nous applaudir des mesures défensives que nous avions prises avant de quitter le centre de notre Empire. Déjà les armées prussiennes, portées au grand complet de guerre, s'étaient ébranlées de toutes parts; elles avaient dépassé leurs frontières; la Saxe était envahie, et le sage prince qui la gouverne était forcé d'agir contre sa volonté et contre l'intérêt de ses peuples. Les armées prussiennes étaient arrivées devant les cantonnements de nos troupes. Des provocations de toute espèce, et même des voies de fait, avaient signalé l'esprit de haine qui animait nos ennemis et la modération de nos soldats, qui, tranquilles à l'aspect de tous ces mouvements, étonnés de ne recevoir aucun ordre, se reposaient dans la double confiance que donnent le courage et le bon droit.

Notre premier devoir a été de passer le Rhin nous-même, de former nos camps et de faire entendre le cri de guerre. Il a retenti au cœur de tous nos guerriers. Des marches combinées et rapides les ont portés en un clin d'œil aux lieux que nous leur avions indiqués. Tous nos camps sont formés ; nous allons marcher contre les armées prussiennes et repousser la force par la force. Toutefois, nous devons le dire, notre cœur est péniblement affecté de cette prépondérance constante qu'obtient en Europe le génie du mal, occupé sans cesse à traverser les desseins que nous formons pour la tranquillité de l'Europe, le repos et le bonheur de la génération présente, assiégea tous les cabinets par tous les genres de séduction , égarant ceux qu'il n'a pu corrompre, les aveuglant sur leurs véritables intérêts, et les lançant au milieu des partis, sans autres guides que les passions qu'il a su leur inspirer.

Le cabinet de Berlin lui-même n'a point choisi avec délibération le parti qu'il prend; il y a été jeté avec art et avec une malicieuse adresse. Le Roi s'est trouvé tout à coup à cent lieues de sa capitale, aux frontières de la Confédération du Rhin, au milieu de son armée et vis-à-vis des troupes françaises dispersées dans leurs cantonnements, et qui croyaient devoir compter sur les liens qui unissaient les deux États et sur les protestations prodiguées en toutes circonstances par la cour de Berlin.

Dans une guerre aussi juste, où nous ne prenons les armes que pour nous défendre, que nous n'avons provoquée par aucun acte, par aucune prétention , et dont il nous serait impossible d'assigner la véritable cause, nous comptons entièrement sur l'appui des lois et sur celui de nos peuples, que les circonstances appellent à nous donner de nouvelles preuves de leur amour, de leur dévouement et de leur courage. De notre côté, aucun sacrifice personnel ne nous serai pénible, aucun danger ne nous arrêtera, toutes les fois qu'il s'agira d'assurer les droits, l'honneur et la prospérité de nos peuples.


Bamberg, 7 octobre 1806

A M. Fouché

Vous verrez l'état de la question actuelle dans les publications faites au Sénat. Donnez, dans ce sens, une direction à l'opinion. Ce n'est pas nous qui avons changé, c'est la Prusse qui a changé elle-même, qui, divisée en tout temps entre le parti de la guerre et celui de la paix, succombe aujourd'hui sous le parti de la guerre.


Bamberg, 7 octobre 1806

A l'Impératrice

Je pars ce soir, mon amie, pour Kronach. Toute mon armée est en mouvement. Tout marche bien , ma santé est parfaite. Je n'ai encore reçu qu'une lettre de toi ; j'en ai reçu d'Eugène et d'Hortense. Stéphanie doit être chez toi. Son mari vient faire la guerre; il est avec moi.

Adieu, mille baisers et bonne santé.


Bamberg, 7 octobre 1806

A M. Cambacérès

Mon Cousin, M. le prince de Bénévent vous enverra mes communications au Sénat; elles vous feront connaître l'état de la question. Vous y verrez les prétentions de la cour de Berlin. C'est un vrai délire. Les hostilités ont commencé le 7. J'ai fait entrer mes troupes dans le pays de Bayreuth. Immédiatement après les communications du Sénat, il est convenable que les ministres des cultes et de l'intérieur fassent les mêmes publications que l'an passé.


Bamberg, 7 octobre 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, vous trouverez ci-joint la lettre du roi de Prusse. Je ne l'ai lue que très-légèrement. C'est un mauvais libelle. Vous pourrez cependant préparer une réponse, si jamais je la faisait imprimer. Je vous envoie ma lettre au Sénat, signée; vous l'enverrez par un courrier extraordinaire, avec votre rapport, que vous modifierez selon les dernières circonstances. Puisque nous devons à la bonne politique de la cour de Berlin de nous avoir fourni une pièce aussi importante que sa dernière note, cela dit tout. Vous y joindrez copie des notes adressées à M. de Knobelsdorf au moment où je faisais partir mes troupes de Paris. Ce qu'il y a de plaisant dans tout ceci, c'est que les Prussiens me donnent leur ultimatum le 8, et que moi, sans le savoir, j'étais entré le 7 dans le pays de Bayreuth et que j'avais commencé mes mouvements. J'espère que de graves événements se passeront d'ici à un mois, et que le Roi s'apercevra que les conseils des femmes sont funestes. Le roi de Wurtemberg m'assure qu'un courrier est parti pour Saint-Pétersbourg avec un mémoire politique et une lettre de la reine de Prusse pour demander 100,000 hommes au Czar. Vous saurez que ce vieux fou de duc de Brunswick a écrit au roi de Wurtemberg une lettre où il le menace de planter l'aigle prussienne à Stuttgart. Cela ne fera pas mal le pendant de sa proclamation d'il y a quatorze ans.


Bamberg, 7 octobre 1806

A M. de Talleyrand

Voyez le grand-duc de Hesse-Darmstadt et le duc de Nassau, pour qu'ils se hâtent d'organiser leurs contingents. Parlez au maréchal Mortier, qui pourra leur donner toutes les directions et instructions nécessaires.


Bamberg, 7 octobre 1806

A M. Otto

Je vous envoie une lettre pour le roi de Bavière; je l'envoie cachet volant pour que vous en preniez connaissance. Envoyez un courrier au prince Eugène pour lui apprendre que je suis à Bamberg et que les hostilités ont commencé le 7. Je désire que lui et vous gardiez cela pour vous. Il est même assez convenable que le roi de Bavière ne fasse connaître le commencement des hostilités que dans quelques jours. Pressez les armements des Bavarois. L'Autriche paraissant être dans le système de ne rien porter sur l'Inn, il faut imiter ses mouvements. Je désire que le corps du général Deroy se sépare en deux, et que 8,000 hommes, se portant sur Ingolstadt, puissent être en peu de jours sur la Regnitz derrière Bamberg, si cela devenait nécessaire. Répondez-moi là-dessus et faites-moi connaître quel serait le général qui commanderait cette nouvelle division.


Bamberg, 7 octobre 1806

Au roi de Naples

Monsieur mon Frère, je reçois enfin une lettre du roi de Prusse. Je ne puis vous envoyer la lettre qu'il m'a écrite; c'est une rapsodie copiée des journaux anglais et qui a vingt pages; mais voici la note que M. de Knobelsdorf a remise et que je reçois à l'instant. Vous y trouverez ma réponse dans ma proclamation à l'armée. Le roi de Prusse a donc déclaré la guerre ! Il me menaçait donc de la commencer le 8 ! Sans doute il voulait empêcher la jonction des forces que je fais venir de France; il ne se doutait pas qu'elles étaient arrivées, et que ma Garde même, qui n'est partie de Paris que le 22 septembre, était à Bamberg dès le 5 octobre. Je ne puis cependant que me louer de ce soin qu'ils ont eu de bien constater mon bon droit aux yeux de l'Europe.


Bamberg, 7 octobre 1806

Au roi de Wurtemberg

Monsieur mon Frère, après ce que Votre Majesté m'a dit, je compte que son armée sera prête le 10 octobre à Mergentheim, je la prie de m'en envoyer un état de situation par un de ses officiers, afin que je puisse sans délai lui donner un ordre de marche.


Bamberg, 7 octobre 1806

Au général Junot, gouverneur de Paris

Je n'ai pas encore reçu une lettre de vous. Je désire cependant bien recevoir quelquefois de vos rapports. Faites-moi connaître la situation des 15e et 58e, l'état de l'arrivée des conscrits et les progrès des remontes des régiments de dragons qui sont sous vos ordres.


Bamberg, 7 octobre 1806

A M. de la Marche

Monsieur l'Officier d'ordonnance, vous vous rendrez sur les limite du pays de Bayreuth. Le maréchal Soult a dû y arriver aujourd'hui. Cependant vous n'entrerez dans ce pays que quand vous saurez que les Français y sont arrivés. Vous porterez la lettre ci-jointe au maréchal Soult, et vous reviendrez me joindre à Kronach, où je serai demain à la pointe du jour.


Bamberg, 7 octobre 1806.

Au roi de Naples

Mon Cousin, je vous ai expédié, le 5 octobre, de Würzburg, un de mes officiers d'ordonnance. Il n'est pas encore de retour, non plus que l'adjoint qui vous a porté les ordres d 'un major général. Je ne vous en suppose pas moins rendu aujourd'hui à Bayreuth. Mon quartier général sera aujourd'hui, à minuit, à Kronach, où je désire apprendre de vos nouvelles et savoir ce que vous aurez vous-même appris de nouveau. Je désire connaître en même temps, d'une manière positive, le nom du lieu où vous passerez la nuit du 8 au 9. Le cavalerie légère de la réserve débouchera le 8 par Lobenstein et poussera des partis du côté de Hof, afin d'avoir le 9 de vos nouvelles.

J'ai reçu ce matin l'ultimatum du roi de Prusse, en date du 1er octobre . C'est le comble de la déraison et de la folie. Il ne veut rien moins que nous faire évacuer l'Allemagne par journées d'étapes. Il me donne pour tout délai, pour répondre, jusqu'au 8 octobre. Vous devez être entré sur son territoire le 7 ; ainsi il n'aura pas à se plaindre de nous. Ils ont tiré quelques coups de carabine sur la gauche. Vous recevrez mon ordre du jour pour la guerre; il sera distribué demain matin.


Bamberg, 7 octobre 1806, 2 heures après midi

Au maréchal Lannes

Mon Cousin , j'avais donné au général Victor une division dans le corps du maréchal Augereau, composée de deux régiments d'élite. Grondez-le de ma part du mal qu'il a dit du 14e de ligne, qui est un des plus beaux régiments de l'armée. Toutefois je vois avec plaisir que vous le preniez pour chef d'état-major. Le maréchal Berthier expédie sa commission. C'est un homme solide et en qui j'ai confiance. Je lui en donnerai des preuves aussitôt que les événements me le permettront.

Vous arriverez demain à Cobourg. Prenez une bonne position en avant de cette ville. L'ennemi peut être de deux côtés contre vous; il peut venir par le chemin de Gotha, et par Eisfeld et Saalfeld. La cavalerie légère du centre, qui débouche le 8 au matin par Lobenstein, enverra des reconnaissances sur Grafenthal. Le maréchal Angereau dépassera demain Bamberg pour arriver demain soir près de Cobourg. Il est nécessaire, avant de vous porter trop en avant sur la route de Grafenthal, que vous ayez des nouvelles positives que le maréchal Augereau a passé le pont du Mein, à Oberndorf. D'après tous les renseignements que j'ai pu me procurer, il parait que les principales forces de l'ennemi sont sur Naumburg, Weimar, Erfurt et Gotha.

Je serai aujourd'hui, à deux heures après minuit, à Kronach.

Du moment que vous entrerez à Cobourg, vous m'enverrez tous vos rapports à Kronach. Il est fort urgent qu'ils m'arrivent vite, afin que je puisse comparer vos rapports avec ceux qui m'arrivent d'autres côtés et juger des projets de l'ennemi. Je pense que vous devez placer deux piquets, chacun de 5 chasseurs, entre Cobourg et Kronach, afin que vos rapports puissent arriver rapidement et être fréquents.

Dans tout événement, votre ligne de retraite est sur Bamberg. Il est possible que je fasse attaquer l'ennemi à Saalburg. Je le ferai attaquer le 9. Faites ouvrir les lettres à Cobourg et à la poste Neustadt; cela pourra vous donner quelques renseignements. Placez vous très-militairement. Je vois avec plaisir que vous arriverez demain de très-bonne heure à Cobourg; cela vous mettra à même de vous placer très- militairement et d'avoir déjà reconnu tous les débouchés de la route qui arrive de Saalfeld et de celle qui arrive d'Eisfeld.

Écrivez-moi très-fréquemment.

Arrivé à Cobourg ou à Neustadt, envoyez-moi tous les renseignements que vous pourrez vous procurer sur la route de Grafenthal, Lobenstein et à Saalburg. Arrangez vos affaires comme si, deux trois jours après avoir abandonné Cobourg, l'ennemi devait y venir. Il serait, en effet, possible que l'ennemi y vînt. Tous les embarras que vous avez, dirigez-les sur la citadelle de Kronach, car aujourd'hui vous êtes trop loin de Würzburg pour pouvoir les envoyer là.

En vous disant plus haut que votre retraite serait sur Bamberg, je dois ajouter que ce ne doit pas être sur la route que vous avez prise en venant, mais par la grande chaussée; et vous trouverez des positions intermédiaires derrière Cobourg, qui vous mettraient à même de couvrir la route de Lichtenfels et de Bamberg. Comme j'ai beaucoup de troupes à Lichtenfels et à Kronach, vous serez soutenu non seulement par le maréchal Augereau, mais encore par tout le corps du centre.

J'ai reçu ce matin une note de la Prusse du 1er octobre. Elle veut ne nous obliger à rien moins qu'à évacuer l'Allemagne par journées d'étapes. Quand la nation aura connaissance de cette note, elle frémira d'indignation.


Bamberg, 7 octobre 1806, 7 heures du soir

Au général Thouvenot, commandant à Würzburg

Monsieur le Général Thouvenot, il est nécessaire que vous portiez une grande attention à l'approvisionnement des magasins de Würzburg et à la confection du biscuit, et que vous fassiez partir tous les jours 30 ou 40,000 rations de biscuit pour Kronach. Cela est de la plus grande nécessité pour la nourriture de l'armée. Faites partir, par jour, 300 quintaux de farine pour Kronach. Ayez soin qu'on confectionne tous les jours une grande quantité de biscuit, car les consommations vont devenir considérables dans la position que va prendre l'armée.


Bamberg, 7 octobre 1806

Au général Lefranc, à Forchheim

Des ordres ont été donnés pour la confection des fours à Forchheim. Le commissaire des guerres a dû prendre des mesures pour l'approvisionnement des magasins de farine. Faites confectionner 30,000 rations de pain biscuité pour l'approvisionnement de Kronach; cela est nécessaire pour la nourriture de l'armée. Je vous recommande de bien veiller à l'armement de la ville. 400,000 rations de biscuit doivent se rendre de Passau à Forchheim. Écrivez et envoyez quelqu'un pour en avoir des renseignements. Les circonstances étant urgentes, prenez des mesures pour que 30,600 rations de biscuit partent dès le 9 au matin. Faites les réquisitions dans le pays prussien d'Erlangen et dans le bailliage de Nuremberg, pour votre approvisionnement et fournir aux besoins les plus pressants de l'armée.


Bamberg, 7 octobre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, les hostilités ont commencé aujourd'hui, ayant fait entrer mes troupes dans le pays de Bayreuth. Pour ne pas donner d'inquiétude au public, il est inutile d'en parler. Faites approcher, sous prétexte de les passer en revue, les neuf escadrons de cuirassiers sur Brescia, afin que, si j'en avais besoin, vous puissiez les faire passer par la Rocca d'Aufo et Innsbruck, pour me joindre. Vous ferez mettre ces escadrons sur le pied de guerre, au moyen de tous les hommes disponibles des 4e escadrons. Toutes les nouvelles que j'ai sont que l'Autriche ne fait aucun mouvement, et qu'elle envoie, au contraire, ses troupes du côté de la Galicie et de la Silésie. Vous devez être à même de voir ce qu'elle fait en Italie. Les conscrits doivent vous arriver.

J'ai envoyé à Gènes le 16e de ligne pour qu'il soit plus près, de sorte qu'il y a dans cette ville deux beaux régiments qui ne laisseraient pas de vous être fort utiles.

Envoyez-moi, par le Tyrol, de vos aides de camp, qui auront soin, en venant chercher des nouvelles de l'armée, de prendre des précautions. Ils iront prendre langue à Forchheim, petite place forte sur la Regnitz. Ils tiendront note de ce qu'ils auront vu sur mes derrières, pour pouvoir m'en rendre compte à leur arrivée.

Jusqu'au moment où l'on puisse apprendre la nouvelle de quelque événement majeur, faites courir indirectement le bruit que tout s'est arrangé avec la Prusse; cela diminuera beaucoup la sollicitude.


Bamberg, 7 octobre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je vous envoie une lettre qui me tombe dans les mains. J'y vois deux irrégularités : la première, que vos aides de camp ne doivent pas signer vos ordres; la seconde, que cette lettre est mauvaise et peut effaroucher les Français. Il est ridicule qu'on compare l'armée française, qui a conquis et défendu l'Italie, à l'armée italien qui est en France pour apprendre son métier. Ces questions-là sont d'une extrême délicatesse, et vous ne deviez pas prendre sur vous de les décider. Il serait trop ridicule qu'un général italien, qui n'a rien fait, passât devant un général français, qui a conquis le pays. Les  Italiens eux-mêmes ne demandent pas cela, ils en seraient même choqués. Il y a dans tout cela de la maladresse.

J'ai reçu vos lettres du 22 septembre. Il ne faut rien mettre à Rovigo, l'air y est trop malsain. Il vaut mieux mettre à Bologne le 52e régiment, que vous avez le projet de placer à Rovigo; 3 ou 4,000 hommes ne sont rien pour Bologne. Du reste, j'approuve ce projet.


Bamberg, 7 octobre 1806

Au roi de Naples

Je reçois votre lettre du 25 septembre. Je vois avec plaisir vous vous êtes défait de ce misérable Fra-Diavolo. La saison farable arrive. Les malades vont guérir. Du moment que les Français cesseront d'être accablés par la chaleur, ils reprendront de l'énergie.

Renvoyez les généraux dont vous n'avez que faire; cela vous consomme beaucoup d'argent.

Les hostilités ont commencé hier. Votre aide de camp, que j'ai vu aujourd'hui, partira dans deux jours. J'ai recommandé au prince Eugène et à M. l'archichancelier Cambacérès de vous écrire.

Jusqu'à ce que l'on apprenne la nouvelle des premiers événements, faites courir le bruit que la paix est faite et qu'une entrevue des deux souverains a tout arrangé. L'affaire de la Prusse est un véritable délire. C'est le parti de la guerre qui l'a emporté dans ce cabinet.


Bamberg, 8 octobre 1806

1er BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

La paix avec la Russie conclue et signée le 10 juillet, des négociations avec l'Angleterre entamées et presque conduites à leur maturité, avaient porté l'alarme à Berlin. Les bruits vagues qui se multiplièrent, et la conscience des torts de ce cabinet envers toutes les puissances, qu'il avait successivement trahies, le portèrent à ajouter croyance aux bruits répandus qu'un des articles secrets du traité conclu avec la Russie donnait la Pologne au prince Constantin avec le titre de roi, la Silésie à l'Autriche en échange de la portion autrichienne de la Pologne, et le Hanovre à l'Angleterre. Il se persuada enfin que ces trois puissances étaient d'accord avec la France, et que de cet accord résultait un danger imminent pour la Prusse.

Les torts de la Prusse envers la France remontaient à des époques fort éloignées. La première, elle avait armé pour profiter de nos dissensions intestines. On la vit ensuite courir aux armes au moment de l'invasion du duc d'York en Hollande; et lors des événements de la dernière guerre, quoiqu'elle n'eût aucun motif de mécontentement contre la France, elle arma de nouveau et signa, ler octobre 1805, ce fameux traité de Potsdam, qui fut, un mois après, remplacé par le traité de Vienne.

Elle avait des torts envers la Russie, qui ne peut oublier l'inexécution du traité de Potsdam et la conclusion subséquente du traité de Vienne.

Ses torts envers l'empereur d'Allemagne et le Corps germanique, plus nombreux et plus anciens, ont été connus de tous les temps. Elle se tint toujours en opposition avec la Diète. Quand le Corps germanique était en guerre, elle était en paix avec ses ennemis. Jamais ses traités avec l'Autriche ne recevaient d'exécution, et sa constante étude était d'exciter les puissances au combat, afin de pouvoir, au moment de la paix, venir recueillir les fruits de son adresse et de leurs succès.

Ceux qui supposeraient que tant de versatilité tient à un défaut de moralité de la part du prince seraient dans une grande erreur. Depuis quinze ans, la cour de Berlin est une arène où les partis se combattent et triomphent tour à tour. L'un veut la guerre et l'autre veut la paix. Le moindre événement politique, le plus léger incident donne l'avantage à l'un ou à l'autre, et le Roi, au milieu du mouvement des passions opposées, au sein de ce dédale d'intrigues, flotte incertain, sans cesser un moment d'être honnête homme.

Le 11 août, un courrier de M. le marquis de Lucchesini arriva à Berlin et y porta, dans les termes les plus positifs, l'assurance de ces prétendues dispositions par lesquelles la France et la Russie seraient convenues, par le traité du 20 juillet, de rétablir le royaume de Pologne et d'enlever la Silésie à la Prusse. Les partisans de la guerre s'enflammèrent aussitôt; ils firent violence aux sentiments personnels du Roi; quarante courriers partirent dans une seule nuit et l'on courut aux armes. La nouvelle de cette explosion soudaine parvint à Paris le 20 du même mois. On plaignit un allié si cruellement abusé; on lui donna sur-le-champ des explications, des assurances précises; et, comme une erreur manifeste était le seul motif de ces armements imprévus, on espérait que la réflexion calmerait une effervescence aussi peu motivée.

Cependant le traité signé à Paris ne fut pas ratifié à Saint-Pétersbourg, et des renseignements de toute espèce ne tardèrent pas à faire connaître à la Prusse que M. le marquis de Lucchesini avait ses renseignements dans les réunions les plus suspectes de la capitale et parmi les hommes d'intrigues qui composaient sa société habituelle. En conséquence il fut rappelé. On annonce pour lui succéder M. le baron de Knobelsdorf, homme d'un caractère plein de droiture et de franchise, d'une moralité parfaite.

Cet envoyé extraordinaire arriva bientôt à Paris, porteur d'une lettre du roi de Prusse datée du 23 août.

Cette lettre était remplie d'expressions obligeantes et de déclarations pacifiques, et l'Empereur y répondit d'une manière franche et rassurante. Le lendemain du jour où partit le courrier porteur de cette réponse, on apprit que des chansons outrageantes pour la France avaient été chantées sur le théâtre de Berlin; qu'aussitôt après le départ de M. de Knobelsdorf les armements avaient redoublé; et quoique les hommes demeurés de sang-froid eussent rougi de ces fausses alarmes, le parti de la guerre, soufflant la discorde de tous côtés, avait si bien exalté toutes les têtes, que le Roi se trouvait dans l'impuissance de résister au torrent.

On commença dès lors à comprendre à Paris que le parti de la paix, ayant lui-même été alarmé des assurances mensongères et des apparences trompeuses, avait perdu tous ses avantages, tandis que le parti de la guerre, mettant à profit l'erreur dans laquelle ses adversaires s'étaient laissé entraîner, avait ajouté provocation à provocation et accumulé insulte sur insulte, et que les choses étaient arrivées à un tel point qu'on ne pourrait sortir de cette situation que par la guerre.

L'Empereur vit alors que telle était la force des circonstances, qu'il ne pouvait éviter de prendre les armes contre son allié. Il ordonna des préparatifs.

Tout marchait à Berlin avec une grande rapidité; les troupes prussiennes entrèrent en Saxe, arrivèrent sur les frontières de la Confédération et insultèrent les avant-postes.

Le 24 septembre, la Garde impériale partit de Paris pour Bamberg, où elle est arrivée le 6 octobre. Les ordres furent expédiés pour l'armée, et tout se mit en mouvement.

Ce fut le 25 septembre que l'Empereur quitta Paris; le 28 il était à Mayence; le 2 octobre à Würzburg, et le 6 à Bamberg.

Le même jour, deux coups de carabine furent tirés par les hussards prussiens sur un officier de l'état-major francais. Les deux armées pouvaient se considérer comme en présence.

Le 7, Sa Majesté l'Empereur reçut un courrier de Mayence, dépêché par le prince de Bénévent, qui était porteur de deux dépêches importantes : l'une était une lettre du roi de Prusse, d'une vingtaine de pages, qui n'était réellement qu'un mauvais pamphlet contre la France, dans le genre de ceux que le cabinet anglais fait faire par ses écrivains à 500 livres sterling par an. L'Empereur n'en acheva point la lecture et dit aux personnes qui l'entouraient : "Je plains mon frère le roi de Prusse; il n'entend pas le français; il n'a pas sûrement lu cette rapsodie" A cette lettre était jointe la célèbre note de M. de Knobelsdorf. "Maréchal, dit l'Empereur au maréchal Berthier, on nous donne un rendez-vous d'honneur pour le 8 :  jamais un Français n'y a manqué; mais, comme on dit qu'il y a une belle reine qui veut être témoin du combat, soyons courtois, et marchons, sans nous coucher, pour la Saxe." L'Empereur avait raison de parler ainsi; car la reine de Prusse est à l'armée, habillée en amazone, portant l'uniforme de son régiment de dragons, écrivant vingt lettres par jour pour exciter de toutes parts l'incendie. Il semble voir Armide dans son égarement mettant le feu à son propre palais. Après elle, le prince Louis de Prusse, jeune prince plein de bravoure et de courage, excité par le parti, croit trouver une grande renommée dans les vicissitudes de la guerre. A l'exemple de ces deux grands personnages, toute la cour crie à la guerre. Mais quand la guerre sera présentée avec toutes ses horreurs, tout le monde s'excusera d'avoir été coupable et d'avoir attiré la foudre sur les provinces paisibles du Nord ; alors, par une suite naturelle de l'inconséquence des gens de cour, on verra les auteurs de la guerre non-seulement la trouver insensée, s'excuser de l'avoir provoquée, et dire qu'ils la voulaient mais dans un autre temps, même en faire retomber le blâme sur le Roi, honnête homme qu'ils ont rendu la dupe de leurs intrigues et de leurs artifices.

Voici la disposition de l'armée française :

L'armée doit se mettre en marche par trois débouchés : la droite composée des corps des maréchaux Soult et Ney et d'une division des Bavarois, part d'Amberg et de Nuremberg, se réunit à Bayreuth et doit se porter sur Hof, où elle arrivera le 9;

Le centre, composé de la réserve du grand-duc de Berg, des corps du maréchal prince de Ponte-Corvo et du maréchal Davout, et de la Garde impériale, débouche par Bamberg sur Kronach, arrivera le 8 à Saalburg, et de là se portera par Saalburg et Schleiz sur Gera;

La gauche, composée des corps des maréchaux Lannes et Augereau, doit se porter de Schweinfurt sur Cobourg, Grafenthal et Saalfeld.


Kronach, 8 octobre 1806

A M. Maret

Monsieur Maret, je suis arrivé ce matin à Kronach; j'en partirai dans la nuit. Toute l'armée est en grand mouvement. Donnez de mes nouvelles au prince de Bénévent, à M. l'archichancelier; un mot aussi à l'Impératrice.

Renvoyez-moi un des courriers que j'ai laissés à Bamberg, pour m'instruire de tout ce qui est passé par cette ville et de tous les détachements et troupes qui y sont arrivés. Voyez le commandant de la place, voyez la régence, voyez l'ordonnateur, pour qu'on fasse filer farine, biscuit, pain biscuité, sur Kronach. Passez toute la journée du 9 et du 10 à Bamberg pour cet objet. Si vous appreniez le plus léger bruit que des hussards ennemis aient paru du côté de Fulde ou de Cassel , dirigez alors mes courriers sur Mannheim.


Kronach, 8 octobre 1806

Au maréchal Berthier

Leprince Jérôme prendra le commandement de la division bavaroise qui doit se trouver demain à Bayreuth, cerner le fort de Culmbach et le faire rendre. Vous en préviendrez le général bavarois, afin qu'il envoie un escadron à la rencontre du prince. Le général Hédouville fera les fonctions de chef d'état-major de ce corps. Après que Culmbach sera rendu, le prince m'enverra un rapport qui me fasse connaître l'état de l'artillerie et des fortifications. A cet effet, il faut qu'un des deux officiers du génie qui sont à Kronach se rende à Culmbach, pour visiter lui-même ce fort, indépendamment du rapport que les officiers bavarois feront. Le prince m'enverra l'état exact de l'infanterie, cavalerie, artillerie, et passera la nuit de demain à Culmbach, où il attendra de nouveaux ordres.

 Il écrira, pour ses subsistances, au général Legrand , qui commande toute la province de Bayreuth.


Kronach, 8 octobre 1806, 3 heures et demie après midi

Au maréchal Soult

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 7 octobre, que m'apporte mon officier d'ordonnance. Je vous recommande de mettre désormais l'heure à laquelle vous écrirez.

Je pensais qu'il y avait 100,000 rations de biscuit qui vous suivaient; je ne pense pas qu'elles soient encore loin.

Je n'ai pas encore reçu de nouvelles des avant-postes du centre. Le prince Murat et le maréchal Bernadotte étaient, à huit heures du matin, à Lobenstein. Si Saalburg n'a pas tenu, il serait possible qu'on interceptât la communication du corps de Hof avec Schleiz.

Je serai demain , à deux heures du matin, près de Lobenstein. Tout le corps du maréchal Davout est à trois lieues derrière Lobenstein. Le maréchal Lannes est à Neustadt; il est entré à Cobourg ce matin, à la pointe du jour, et a pris quelques hussards. Si vous avez des nouvelles des Bavarois, donnez-m'en; je désire beaucoup qu'ils arrivent demain à Culmbach.

Donnez-moi plus fréquemment de vos nouvelles; dans une guerre combinée comme celle-ci, on ne peut arriver à de beaux résultats que par des communications très-fréquentes; mettez cela au rang de vos premiers soins. Ce moment est le plus important de la campagne; ils ne s'attendaient pas à ce que nous voulons faire; malheur à eux s'ils hésitent et s'ils perdent une journée !

Si vous avez des hommes malingres ou d'autres embarras qui vous gênent, et que vous trouviez que Forchheim soit trop éloigné, vous pouvez les envoyer à Kronach, où il y a une forteresse et des dépôts.

Il est certain que des régiments qui ont débouché de Dresde avec le prince de Hohenlohe, venant de Silésie, étaient lundi en position à Saalfeld.


Kronach, 8 octobre 1806, 4 heures après midi

Au maréchal Lannes

Mon Cousin, je n'ai point de vos nouvelles. Je suis fâché que vous soyez entré à Cobourg hier : vos instructions portaient d'y entrer ce matin et en masse. Si vous l'eussiez fait ainsi, il vous eût été facile de combiner vos opérations pour enlever, à la petite pointe du jour, tout ce qui était à Cobourg. La prise d'une cinquantaine de chevaux eût été agréable.

Le maréchal Bernadotte a passé Lobenstein. Son avant-garde trouve aujourd'hui à midi à Ebersdorf. Le maréchal Soult avait enlevé plusieurs postes ennemis; il était à Münchberg aujourd'hui; il sera ce soir à Hof. Marchez le plus rapidement que vous pourrez sur Grafenthal. Le maréchal Augereau vous suivra à une demi-journée. Je serai de ma personne à Lobenstein à deux heures après minuit.

Comme vous formez la gauche de l'armée, je pense qu'il sera fort utile , lorsque vous ferez bivouaquer vos divisions, que vous les fassiez bivouaquer chaque division en bataillon carré.

Faites en sorte que j'aie de vos nouvelles fréquemment; cela est important pour que je puisse connaître les mouvements de l'ennemi. Faites-moi aussi, à mesure que vous passez, la description des lieux.

Envoyez des postes pour vous lier avec le centre.

Le maréchal Davout, avec tout son corps d'armée, est à la porte de Steinwiesen. Il envoie des patrouilles sur Grafenthal, sur Neustadt et sur Judenbach pour se lier avec vous.


Kronach, 8 octobre 1806, 5 heures après midi

Au grand-duc de Berg, à Lobenstein

Mon Frère, je reçois votre lettre écrite à dix heures du matin. Vous n'avez pas mis des piquets de cavalerie comme je vous avais dit de le faire; je vous en témoigne mon mécontentement, parce que votre lettre écrite à dix heures ne m'est parvenue que vers quatre heures. Vous devez savoir que la poste n'est pas, en ce moment, un moyen sûr de correspondre. Le maréchal Soult est arrivé hier à Bayreuth. Il était aujourd'hui à minuit à Münchberg, et sera demain, de bonne heure, à Hof. Le maréchal Lannes est entré à Cobourg, à la pointe du jour, et couchera ce soir à Neustadt. Le maréchal Davout est à deux heures en avant de Kronach, du côté de Lobenstein. Je serai, à quatre heures du matin, à Nordhalben, où il est vraisemblable que je monterai à cheval pour me rendre à l'avant-garde. Faites-moi toujours passer à Nordhalben tous les renseignements que vous vous serez procurés.


Kronach, 8 octobre 1806, 6 heures après midi

A M. Scherb

M. Scherb, Officier d'ordonnance, se rendra à Cobourg, où il arrivera à neuf heures du soir. Si le maréchal Lannes était déjà rendu à Neustadt, il s'y rendra. Il me portera la réponse et tous les renseignements qu'il pourra se procurer dans l'armée ou dans le pays. Il viendra me joindre, avant cinq heures du matin, à Nordhalben, où il me trouvera.  


NOTE (Cette note, présumée du 10 octobre, est en entier de la main de l'Empereur)

Garde, 10 au soir, à Ramberg; - 11, à Lichtenfels; - 12, en avant de Kronach; - 13, Lobenstein.

D'Hautpoul, le 11, à deux lieues en avant de Kronach; - 14 Auma; - 15, Iena.

Klein, le 11 , à deux lieues en avant de Kronach; - 13, à Iena, le 14, à Iena, le 13, à Auma

Klein, le 12, à Lobenstein. 
Iena à Weimar, quatre lieues.
Naumburg à Weimar, sept lieues. 
Kahla à Weimar, cinq lieues. 
Neustadt à Iena, cinq lieues,
Gera à Iena, sept lieues.
De Zeitz à Iena, sept lieues.

Cavalerie de réserve, le 14, à Iena 
Garde, le 15, à Iena.
Parc, le 15, à Auma.
Davout, le 14, à Apolda. 
Lannes, le 15, à Weimar, 
Augereau, le 14, à Mellingen. 
Bernadotte, le 14, à Dornburg. 
Soult, le 14, à Iena.
Ney, le 14, à Kabla.


Ebersdorf, 10 octobre 1806, 5 heures du matin

A M. Maret

Monsieur Maret, envoyez-moi la proclamation aux Saxons en grand nombre d'exemplaires; il m'est très-important de l'avoir. Vous pouvez la faire mettre dans les journaux de Bamberg, de Nuremberg et de Würzburg, afin qu'elle pénètre de tous côtés.

Faites mettre dans ces journaux que, le 9, le général prussien Tauenzien, avec 6,000 Prussiens et 3,000 Saxons, a été attaqué par l'avant-garde de l'armée française, commandée par le grand-duc de Berg, et culbuté; que les hussards prussiens ont été écrasés et n'ont pas soutenu le choc des hussards français ; que les dragons saxons ont fait une perte notable; que le régiment des gardes a perdu son colonel, vieillard respectable âgé de soixante ans ; que les Français ont fait un grand nombre de prisonniers; que la conduite des Prussiens est indigne; qu'ils ont incorporé un bataillon saxon en deux bataillons prussiens, pour être ainsi sûrs d'eux; que, certes, une telle violation de l'indépendance et une telle violence contre la puissance plus faible ne peut que révolter toute l'Europe.


Quartier impérial d'Ebersdorf, 10 octobre 1806, 5 heures du matin.

Au grand-duc de Berg, à Schleiz

Le général Rapp m'a fait connaître l'heureux résultat de la soirée. Il m'a paru que vous n'aviez pas sous la main assez de cavalerie réunie; en l'éparpillant toute, il ne vous restera rien. Vous avez six régiments; je vous avais recommandé d'en avoir au moins quatre dans la main; je ne vous en ai vu hier que deux. Les reconnaissances sur la droite deviennent aujourd'hui beaucoup moins importantes. Le maréchal Soult arrivant à Plauen, c'est sur Poesnech et sur Saalfeld qu'il faut porter de fortes reconnaissances, pour savoir ce qui s'y passe. Le maréchal Lannes est arrivé le 9 au soir à Grafenthal; il attaquera demain Saalfeld. Vous savez combien il m'importe de connaître dans la journée le mouvement sur Saalfeld, afin que, si l'ennemi avait réuni là plus de 25,000 hommes, je puisse y faire marcher des renforts par Poesneck et les prendre en queue. J'ai donné l'ordre aux divisions Dupont et Beaumont de se porter sur Schleiz.
Il faut, à tout événement, reconnaître une belle position en avant de Schleiz qui puisse servir de champ de bataille à plus de 80,000 hommes. Cela ne doit pas vous empêcher de profiter de la pointe du jour pour pousser de fortes reconnaissances sur Auma et Poesneck, en les faisant même soutenir par la division de Drouet. La 1e division du maréchal Davout sera à Saalburg; les deux autres divisions seront en avant, près d'Ebersdorf, et la cavalerie légère en avant. Je donne ordre au maréchal Ney de se rendre à Tanna.

Votre grande affaire doit être aujourd'hui, d'abord de profiter de la journée d'hier pour ramasser le plus de prisonniers et recueillir le plus de renseignements possible ; 2° de reconnaître Auma et Saalfeld, afin de savoir positivement quels sont les mouvements de l'ennemi.


Ebersdorf, 10 octobre l806, 8 heures du matin

Au maréchal Soult

Mon Cousin, nous avons culbuté hier les 8,000 hommes qui, de Hof, s'étaient retirés à Schleiz, où ils attendaient des renforts dans la nuit. Leur cavalerie a été écharpée; un colonel a été pris; plus de 2,000 fusils et casquettes ont été trouvés sur le champ de bataille. L'infanterie prussienne n'a pas tenu. On n'a ramassé que 2 ou 300 prisonniers, parce que c'était la nuit et qu'ils se sont éparpillés dans les bois; je compte sur un bon nombre ce matin.

Voici ce qui me parait le plus clair : il paraît que les Prussiens avaient le projet d'attaquer; que leur gauche devait déboucher par Iena, Saalfeld et Cobourg; que le prince de Hohenlohe avait son quartier général à Iena et le prince Louis à Saalfeld; l'autre colonne a débouché par Meiningen sur Fulde; de sorte que je suis porté penser que vous n'avez personne devant vous, peut-être pas 10,000 hommes jusqu'à Dresde. Si vous pouvez leur écraser un corps, faites-le. Voici du reste mes projets pour aujourd'hui : je ne puis marcher, j'ai trop de choses en arrière; je pousserai mon avant-garde à Auma; j'ai reconnu un bon champ de bataille en avant Schleiz pour 80 ou 100,000 hommes. Je fais marcher le maréchal Ney à Tanna; il se trouvera à deux lieues de Schleiz; vous-même, de Plauen, n'êtes pas assez loin pour ne pas pouvoir dans vingt-quatre heures y venir.

Le 5, l'armée prussienne a encore fait un mouvement sur la Thuringe, de sorte que je la crois arriérée d'un grand nombre de jours. Ma jonction avec ma gauche n'est pas encore faite, ou du moins des postes de cavalerie qui ne signifient rien.

Le maréchal Lannes n'arrivera qu'aujourd'hui à Saalfeld, à moins que l'ennemi n'y soit en force considérable. Ainsi les journées du 10 et du 11 seront perdues. Si ma jonction est faite, je pousserai en avant jusqu'à Neustadt et Triptis ; après cela, quelque chose que fasse l'ennemi, s'il m'attaque, je serai enchanté; s'il se laisse attaquer, je ne le manquerai pas; s'il file par Magdeburg, vous serez avant lui à Dresde. Je désire beaucoup une bataille. S'il a voulu m'attaquer, c'est qu'il a une grande confiance dans ses forces; il n'y a point d'impossibilité alors qu'il ne m'attaque; c'est ce qu'il eut me faire de plus agréable. Après cette bataille, je serai à Dresde ou à Berlin avant lui.

J'attends avec impatience ma Garde à cheval; elle est aujourd'hui à Bamberg; quarante pièces d'artillerie et 3,000 hommes de cavalerie comme ceux-là ne sont pas à dédaigner. Vous voyez actuellement mes projets pour aujourd'hui et demain; vous êtes maître de vous conduire comme vous l'entendrez; mais procurez-vous du pain, afin que, si vous venez me joindre, vous en ayez pour quelques jours.

Si vous trouvez à faire quelque chose contre l'ennemi, à une marche de vous, vous pouvez le faire hardiment. Établissez de petits postes de cavalerie pour correspondre rapidement de Schleiz à Plauen.

Jusqu'à cette heure, il me semble que la campagne commence sous les plus heureux auspices.

J'imagine que vous êtes à Plauen; il est très-convenable que vous vous en empariez. Faites-moi donc connaître ce que vous avez devant vous. Rien de ce qui était à Hof ne s'est retiré sur Dresde.

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Je reçois à l'instant votre dépêche du 9, à six heures du soir; j'approuve les dispositions que vous avez faites. Les renseignements que vous me donnez, que 1,000 hommes de Plauen se sont retirés sur Gera, ne me laissent plus aucun doute que Gera ne soit le point de réunion de l'armée ennemie. Je doute qu'elle puisse s'y réunir avant que j'y sois. Au reste, dans la journée, je recevrai des renseignements et j'aurai des idées plus précises; vous-même à Plauen vous en aurez beaucoup. Les lettres interceptées à la poste vous en donneront. Dans cette incertitude ne fatiguez pas vos troupes.


Quartier impérial d'Ebersdorf, 10 octobre 1806

AUX PEUPLES DE LA SAXE

Saxons, les Prussiens ont envahi votre territoire. J'y entre pour vous délivrer. Ils ont dissous violemment le lien qui unissait vos troupes, et ils les ont réunies à leur armée. Vous devez répandre votre sang non-seulement pour des intérêts étrangers, mais même pour des intérêts qui vous sont contraires.

Mes armées étaient sur le point de quitter l'Allemagne lorsque votre territoire fut violé; elles retourneront en France lorsque la Prusse aura reconnu votre indépendance et renoncé au plan qu'elle a formé contre vous.

Saxons, votre prince avait refusé jusqu'à ce moment de former des engagements aussi opposés à ses devoirs; s'il y a consenti depuis, c'est qu'il y a été forcé par l'invasion des Prussiens.

Je fus sourd à la vaine provocation que la Prusse dirigea contre mon peuple; j'y fus sourd aussi longtemps qu'elle n'arma que dans ses Etats, et ce n'est qu'après qu'elle eut violé votre territoire que mon ministre quitta Berlin.

Saxons, votre sort est maintenant dans vos mains. Voulez-vous rester incertains entre ceux qui vous mettent sous le joug et ceux qui veulent vous protéger  ? Mes succès assureront l'existence et l'indépendance de votre prince, de votre nation. Les succès des Prussiens vous imposeraient d'éternelles chaînes. Demain ils demanderaient la Lusace , et après-demain la rive de l'Elbe. Mais que dis-je ? n'ont- pas tout demandé ? n'ont-ils pas tenté depuis longtemps de forcer votre souverain à reconnaître une souveraineté qui, vous étant imposée immédiatement, vous effacerait du rang des nations ?

Votre indépendance, votre constitution, votre liberté n'existerai plus alors qu'en souvenir, et les mânes de vos ancêtres, des braves Saxons, s'indigneraient de vous voir réduits sans résistance, par vos rivaux, à un esclavage préparé depuis si longtemps, et votre pays serait rabaissé jusqu'à devenir une province prussienne.


Schleiz, 10 octobre 1806, 5 heures et demie du soir

Au grand-duc de Berg

Comme j'ai cessé d'entendre la canonnade ce soir, je suis porté penser que l'ennemi ne s'est pas longtemps défendu à Saalfeld. Le maréchal Soult se rend à Weida. Il est possible que sa tête soit demain à Weinshach. Je lui ai donné l'ordre d'envoyer des partis sur Auma pour correspondre avec vous. Envoyez-en à sa rencontre.

Le maréchal Ney sera probablement demain à Schleiz. 

J'imagine que le général Dupont sera arrivé à Poesneck.


Schleiz, 10 octobre 1806, 6 heures du soir

Au maréchal Soult

Mon Cousin, je crois que le maréchal Lannes a attaqué aujourd'hui Saalfeld. La canonnade a été vive, mais n'a duré que deux heures; j'en ignore le résultat. J'ai fait couper le chemin de Saalfeld à Gera par des positions aux deux chemins de Poesneck et de Neustadt. Je vous ai envoyé l'ordre de vous porter sur Gera. Je serai bien aise de savoir quand votre tête se trouvera à Langen-Weitzendorf.

A Gera, les affaires s'éclairciront. Je crois être encore en mesure d'être à Dresde avant eux; mais une fois que je serai tranquille sur ma gauche, tout prendra une vive tournure. Le maréchal Bernadotte est à Auma, le prince Murat au delà; le maréchal Davout est en avant de Schleiz. J'espère que les maréchaux Lannes et Augereau sont à Saalfeld. Faites savoir de vos nouvelles à Auma. Arrivé à Langen-Weitzendorf, faites-moi connaître si j'aurai là une route qui mène à Zwickau.


Auma, 12 octobre 1806, 4 heures du matin

Au maréchal Berthier

Donnez ordre au maréchal Davout de partir de sa position pour se diriger sur Naumburg, où il arrivera le plus vite qu'il pourra, en tenant cependant toujours ses troupes en situation de combattre. Il se fera précéder par toute sa cavalerie légère, qui enverra des coureurs aussi loin que possible, tant pour avoir des nouvelles de l'ennemi que pour faire des prisonniers, arrêter les bagages et avoir des renseignements précis.

La division de dragons du général Saline sera sous ses ordres. Elle se rendra à Mittel, où elle prendra les ordres du maréchal Davout. Le prince Murat et le maréchal Bernadotte ont ordre également de se rendre à Naumburg, mais de suivre la route de Zeitz.

Le maréchal Lannes, de Neustadt, se rend sur Iena. Le maréchal Augereau se rend sur Kahla. Le maréchal Ney sera à Mittel. Le quartier général sera à Gera à midi.

Donnez ordre qu'on fasse filer les divisions de grosse cavalerie et les divisions de dragons qui seraient restées en arrière, ainsi que le parc, sur Gera.


Quartier impérial, Auma, 12 octobre 1806, 4 heures du matin

Au maréchal Lannes

Mon Cousin, j'ai reçu avec grand plaisir la nouvelle de votre affaire du 10 du courant. J'avais entendu la canonnade et j'avais envoyé une division pour vous soutenir. La mort du prince Louis de Prusse semble être une punition du ciel, car c'est le véritable auteur de la guerre. Réitérez les ordres que vous avez déjà donnés pour que les canons pris sur les ennemis soient évacués sur Kronach et ne soient pas volés par les paysans, comme il arrive souvent. J'étais hier au soir à Gera. Nous avons mis en déroute l'escorte des bagages  de l'ennemi et pris cinq cents voitures; le cavalerie est chargée d'or. Vous recevrez l'ordre du mouvement de la part du major général. Toutes les lettres interceptées font voir que l'ennemi a perdu la tête. Ils tiennent conseil jour et nuit, et ne savent quel parti prendre. Vous verrez que mon armée est réunie, que je leur barre le chemin de Dresde et de Berlin. L'art est aujourd'hui d'attaquer tout ce qu'on rencontre, afin de battre l'ennemi en détail et pendant qu'il se réuni. Quand je dis qu'il faut attaquer tout ce qu'on rencontre, je veux dire qu'il faut attaquer tout ce qui est en marche et non dans une position qui le rend trop supérieur. Les Prussiens avaient déjà lancé une colonne sur Francfort, qu'ils ont bientôt repliée. Jusqu'à ce heure, ils montrent bien leur ignorance de l'art de la guerre. Ne manquez pas d'envoyer beaucoup de coureurs devant vous pour intercepter les malles, les voyageurs, et recueillir le plus de renseignements possible. Si l'ennemi fait un mouvement d'Erfurt sur Saalfeld, ce qui serait absurde, mais dans sa position il faut s'attendre à toute sorte d'événements, vous vous réunirez au maréchal Augereau et vous tomberez sur le flanc des Prussiens.


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