16 - 31 octobre 1806


Weimar, 16 octobre 1806, 7 heures du matin

Au maréchal Davout

Mon Cousin, je vous fais mon compliment de tout mon cœur sur votre belle conduite. Je regrette les braves que vous avez perdus; mais ils sont morts au champ d'honneur. Témoignez ma satisfaction à tout votre corps d'armée et à vos généraux. Ils ont acquis à jamais des droits à mon estime et à ma reconnaissance. Donnez-moi de vos nouvelles, et faites reposer quelques moments votre corps d'armée à Naumburg.


Weimar, 16 octobre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, donnez l'ordre au général Songis de réunir toute l'artillerie prise à l'ennemi dans la place d'Erfurt; donnez l'ordre à l'intendant général de rassembler tous les magasins des vivres à Erfurt, qui désormais sera le pivot des opérations de l'armée.

Le général Songis enverra à Erfurt la compagnie d'artillerie qui est à Würzburg ; il rappellera à l'armée la demi-compagnie qui est à Kronach, et celle qui est à Forchheim.

Vous donnerez ordre au maréchal Mortier de venir, avec la première division de son corps d'armée, placer son quartier général à Fulde, et d'occuper toute la principauté de Fulde le plus tôt possible.

Chargez un commissaire des guerres d'organiser la route de l'armée sur Francfort et Erfurt. Le général qui commande à Würzburg se rendra à Erfurt pour commander la citadelle, la ville et la province. Le général qui est à Kronach se rapprochera également de la Saxe.

Toute la ligne d'étapes par Bamberg sera reployée et établie sur la ligne d'Erfurt, Fulde et Mayence.

Présentez-moi un rapport sur tous les pays qui ne sont pas de la Confédération du Rhin et qui se trouvent compris entre l'Elbe et le Rhin, et proposez-moi une organisation sur les mêmes bases que celle qui a été établie l'année dernière dans les provinces de Souabe, tant pour le militaire que pour l'administration. Donnez l'ordre que tous les prisonniers qui seront faits désormais soient dirigés sur Erfurt. Il est convenable d'avoir là un bureau d'état-major général pour correspondre. Faites établir à Erfurt un grand hôpital militaire.


Weimar, 16 octobre 1806

7e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Le grand-duc de Berg a cerné Erfurt le 15, dans la matinée. Le 16, la place a capitulé. Par ce moyen, 14,000 hommes, dont 8,000 blessés et 6,000 hommes bien portants, sont devenus prisonniers de guerre, parmi lesquels sont le prince d'Orange, le feld-maréchal Moellendorf, le lieutenant général Larisch, le lieutenant général Grawert, les généraux-majors Lossow et Zweiffel. Un parc de 120 pièces d'artillerie, approvisionné, est également tombé en notre pouvoir.

On ramasse tous les jours des prisonniers.

Le roi de Prusse a envoyé un aide de camp à l'Empereur avec une lettre en réponse à celle que l'Empereur lui avait écrite avant la bataille; mais le roi de Prusse n'a répondu qu'après. Cette démarche de l'empereur Napoléon était pareille à celle qu'il fit auprès de l'empereur de Russie avant la bataille d'Austerlitz; il dit au roi de Prusse : 

Le succès de mes armes n'est point incertain; vos troupes seront battues; mais il en coûtera le sang de mes enfants; s'il pouvait être épargné par quelque arrangement compatible avec l'honneur de ma couronne, il n'y a rien que je ne fisse pour épargner un sang si précieux. Il n'y a que l'honneur qui, à mes yeux, soit encore plus précieux que le sang de mes soldats.

Il paraît que les débris de l'armée prussienne se retirent sur Magdeburg. De toute cette immense et belle armée, il ne se réunira que des débris.


Weimar, 16 octobre 1806, 1 heure après midi

Au grand-duc de Berg

J'ai vu avec plaisir la capitulation d'Erfurt. J'aurais été bien fâché que les prisonniers n'eussent pas été envoyés en France. Faites-moi faire la reconnaissance de la ville et de la citadelle, et faites-m'en rendre compte par un officier du génie.

Les dernières nouvelles sont que deux colonnes ennemies, hier minuit, filaient par Nordhausen à Koelleda. Les maréchaux Soult et Bernadotte sont à leur poursuite. Il parait que le jeu est fort mêlé et que cela produira quelque chose. J'imagine que vous ne perdez pas un moment pour poursuivre l'ennemi, et que, lorsque vous le pourrez, vous vous placerez entre l'ennemi et Naumburg, et que vous vous mettrez en communication avec tous les corps d'armée et surtout avec les maréchaux Soult et Davout.


Weimar, 16 octobre 1806

A Joséphine

M. de Talleyrand t'aura montré les bulletins, ma bonne amie : tu y auras vu mes succès. Tout a été comme je l'avais calculé et jamais une armée n'a été plus battue et plus entièrement perdue. Il me reste à te dire que je me porte bien et que la fatigue, les bivouacs, les veilles m'ont engraissé.

Adieu, ma bonne amie, mille choses aimables à Hortense et à ce grand M. Napoléon.


Weimar, 16 octobre 1806, au soir

8e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Les différents corps d'armée qui sont à la poursuite de l'ennemi annoncent à chaque instant des prisonniers, la prise de bagages, de pièces de canon, de magasins, de munitions de toute espèces. Le maréchal Davout vient de prendre 30 pièces de canon; le maréchal Soult, un convoi de 3,000 tonneaux de farine; le maréchal Bernadotte, 1,500 prisonniers. L'armée ennemie est tellement dispersée et mêlée avec nos troupes qu'un de ses bataillons vint se placer dans un de nos bivouacs, se croyant dans le sien.

Le roi de Prusse tâche de gagner Magdeburg. Le maréchal Moellendorf est très-malade à Erfurt; le grand-duc de Berg lui a envoyé son médecin.

La reine de Prusse a été plusieurs fois en vue de nos postes; elle est dans des transes et dans des alarmes continuelles. La veille, elle avait passé son régiment en revue; elle excitait sans cesse le Roi et les généraux; elle voulait du sang. Le sang le plus précieux a coulé; les généraux les plus marquants sont ceux sur qui sont tombés les premiers coups.

Le général de brigade Durosnel a fait, avec les 7e et 20e de chasseurs, une charge hardie qui a eu le plus grand effet; le major du 20e régiment s'y est distingué. Le général de brigade Colbert, à la tête du 3e de hussards et du 10e de chasseurs, a fait sur l'infanterie ennemie plusieurs charges qui ont eu le plus grand succès.


Weimar, 17 octobre 1806

Au général Clarke

L'ennemi répand que je lui ai accordé un armistice de six semaines. Démentez ce bruit, et écrivez au prince de Berg et au maréchal  Ney que cela est faux.


Weimar, 17 octobre 1806, 9 heures du matin

Au général Clarke, gouverneur général du pays d'Erfurt

J'imagine que, dans la journée d'aujourd'hui, vous vous êtes défait de vos prisonniers. Il est important que vous preniez des mesures et que vous organisiez le service de manière que, si un corps d'infanterie légère se présentait devant Erfurt, vous puissez conserver non-seulement la citadelle, mais la ville, et que, si un corps considérable se présentait et enlevait la ville, vous fussiez à même de conserver la citadelle.

Mettez-vous sur-le-champ en correspondance avec le maréchal Mortier, qui doit être à Francfort et qui a ordre de se rendre à Fulde avec son corps d'armée.

Mettez-vous en correspondance avec le roi de Hollande, qui est à Wesel.

Écrivez à M. Bignon, à Cassel, que mon intention est qu'il parte sur-le-champ et qu'il vienne me joindre.

Écrivez souvent à Mayence, à Wesel, au maréchal Mortier, afin de leur faire passer et de me transmettre toutes les nouvelles importantes.

Écrivez au commandant de Würzburg.


Weimar, 17 octobre 1806, 11 heures du matin 

Au général Clarke

Je reçois votre lettre. Puisque la contribution a été frappée, il n'y a pas de mal de la faire payer; mais au lieu de la verser dans les mains du payeur du corps d'armée du maréchal Ney, elle sera versée dans la caisse de M. la Bouillerie, receveur général des contributions de la Grande Armée. Vous donnerez ordre au payeur du maréchal Ney de ne pas la percevoir, et vous lui ferez connaître que j'ai les yeux sur lui et que j'ai défendu expressément qu'il fit aucune recette sans une ordonnance du maréchal Berthier, major général.


Weimar, 17 octobre 1806

Au roi de Hollande

M. le prince de Bénévent vous aura envoyé les bulletins; vous y verrez que la fortune a favorisé la justice de ma cause: 60 à 80 drapeaux, 30 à 40,000 prisonniers, 300 pièces de canon, tous les généraux prussiens tués ou pris, le duc de Brunswick tué, le général Rüchel tué; tel est le résultat de la bataille d'Iena que j'ai livrée le 14 de ce mois. 

Il faut aujourd'hui que vous preniez possession du comté de la Marck, de Münster, de Paderborn. Faites enlever partout les aigles prussiennes, et déclarez que ces pays n'appartiennent plus à la Prusse. Laissez à Wesel les 3e bataillons du 21e et du 22e; faites réunir, si cela est nécessaire, deux autres 3e bataillons, de ceux qui sont dans la 25e division militaire, et formez six bataillons composés de deux bataillons du 22e, de deux bataillons du 72e et deux du 65e. Mon projet est que vous envoyiez ces 10,000 hommes à Paderborn. Le maréchal Mortier, avec son corps d'armée plus fort que le votre se rend à Fulde. Mon intention est qu'avec ces deux corps vous entriez dans Cassel, que vous fassiez prisonnier l'Électeur, que vous désarmiez ses troupes; mais, avant d'exécuter ce projet, il faut que vous soyez arrivé à Paderborn, et le maréchal Mortier à Fulde. Je suppose que le maréchal Mortier sera arrivé à Fulde avec son corps d'armée le 24 ou le 25 octobre. Si vous étiez arrivé le même jour, vous pourriez, dans les premiers jours de novembre, entrer à Cassel et vous emparer de ce territoire.

Je me suis emparé d'Erfurt, où j'ai nommé le général Clarke gouverneur général. Envoyez-lui demander des nouvelles de l'armée.

Tenez-vous toujours en situation d'amitié avec l'Électeur, sans cependant rien afficher. Je suppose que l'ennemi a retiré son camp de Minden. Faites prendre possession de la Frise, et ôtez-en les armes prussiennes. Emden fera désormais partie de votre territoire. Vous pouvez aussi prendre possession d'Osnabrück. Je suppose que la garnison de Hameln n'est point forte. Ainsi donc , d'ici à ce que vous receviez des nouvelles, prenez possession des pays au delà du Weser. Faites ôter partout les aigles prussiennes, changez les régences qui seraient trop attachées à la Prusse, prenez toutes les mesures et mettez-vous en situation de pouvoir exécuter votre seconde mission, qui est de chasser l'Électeur de Cassel.


Weimar, 17 octobre 1806

Au maréchal Mortier

Mon Cousin, les deux régiments italiens doivent être bien près d'arriver à Mayence. Avec les trois régiments que vous avez, cela doit vous former 10,000 hommes ou deux divisions de 5,000 hommes chacune. J'ai donné au général Lacombe-Saint-Ilichel le commandement de votre artillerie; il trouvera bien vite les moyens de donner six pièces d'artillerie à chacune de vos divisions.

Vous devez avoir reçu l'ordre de réunir ces troupes à Fulde, où il est convenable que vous portiez votre quartier général. Vous devez faire ôter les armes du prince d'Orange; s'il y a des soldats du pays, vous en servir; si ce sont des soldats du prince, les casser; le prince d'Orange ne régnera plus à Fulde.

Vous aurez soin d'avoir des postes aux débouchés des montagnes, du côté d'Eisenach. Ayez vous-même votre avant-garde à Eisenach. Mettez-vous en correspondance avec le général Clarke, gouverneur à Erfurt. S'il en était besoin, vous iriez au secours de ce général.

Vous ne devez pas vous mêler du matériel de votre artillerie; il y a à Erfurt plus de 400 pièces de canon; le général Lacombe-Saint- Michel y enverra un officier prendre les pièces dont vous aurez besoin. Il suffit que vous meniez votre personnel.


Weimar, 17 octobre 1806

Au maréchal Berthier

Envoyez par un aide de camp du prince Jérôme l'ordre à la seconde brigade bavaroise de presser sa marche de Forchheim, ou de Bayreuth où elle doit être, pour se rendre à Plauen, afin d'y rejoindre la première.

Envoyez l'ordre à la division du général Grouchy, qui doit être à Auma, de se diriger sur Gera et de Gera sur Leipzig. 

Envoyez l'ordre aux troupes badoises, qui doivent être rendue Bayreuth, de se diriger sur Plauen. Même ordre aux Wurtembergeois Réitérez l'ordre au commandant de Bamberg de faire partir tous les détachements et de ne rien retenir, et d'accélérer la marche du 28e d'infanterie légère; aux troupes de Hesse-Darmstadt et d'Usingen, qui n'auraient pas encore dépassé Würzburg, de se diriger sur Erfurt. Même ordre à la seconde brigade badoise, et écrivez à Bade pour
qu'on presse le départ de cette seconde brigade.


Weimar, 17 octobre 1806

A M. POrtalis

Je vous envoie une lettre aux évêques, que vous voudrez bien expédier à tous. Vous y joindrez le 5e bulletin pour leur faire connaître l'étendue des succès que nous avons remportés.

CIRCULAIRE AUX ÉVÊQUES

Weimar, 15 octobre 1806

Monsieur l'Évêque, les succès que nous venons de remporter sur nos ennemis, avec l'aide de la divine Providence, imposent à nous et à notre peuple l'obligation d'en rendre au Dieu des armées de solennelles actions de grâces. Vous avez vu, par la dernière note du roi de Prusse, la nécessité où nous nous sommes trouvé de tirer pour défendre le bien le plus précieux de notre peuple, l'honneur. Quelque répugnance que nous ayons eue, nous avons été poussé à bout par nos ennemis. Ils ont été battus et confondus. Au reçu de la présente, veuillez donc réunir nos peuples dans les temples, chanter un Te Deum et ordonner des prières pour remercier Dieu de la prospérité qu'il a accordée à nos armes.

Cette lettre n'étant à autre fin, je prie Dieu, Monsieur l'Évêque, qu'il vous ait en sa sainte garde.


Weimar, 17 Octobre 1806

9e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

La garnison d'Erfurt a défilé. On y a trouvé beaucoup plus de monde qu'on ne croyait. Il y a une grande quantité de magasins.  L'Empereur a nommé le général Clarke gouverneur de la ville et citadelle d'Erfurt et du pays environnant. La citadelle d'Erfurt est un bel octogone bastionné, avec casemates, et bien armé. C'est une acquisition précieuse, qui nous servira de point d'appui au milieu de nos opérations.

On a dit dans le 5e bulletin qu'on avait pris 25 à 30 drapeaux : il y en a jusqu'ici 45 au quartier général ; il est probable qu'il y en aura plus de 60. Ce sont des drapeaux donnés par le grand Frédéric à ses soldats; celui du régiment des Gardes, celui du régiment de la Reine, brodé, des mains de cette princesse, se trouvent au nombre. Il parait que l'ennemi veut tâcher de se rallier sur Magdeburg. Mais pendant ce temps-là on marche de tous côtés. Les différents corps de l'armée sont à sa poursuite par différents chemins. A chaque instant arrivent des courriers annonçant que des bataillons entiers sont coupés, des pièces de canon prises, des bagages, etc.

L'Empereur est logé au palais de Weimar, où logeait quelques jours avant la reine de Prusse. Il parait que ce qu'on a dit d'elle est vrai; elle était ici pour souffler le feu de la guerre; c'est une femme d'une jolie figure, mais de peu d'esprit, incapable de présager les conséquences de ce qu'elle faisait. Il faut aujourd'hui, au lieu de l'accuser, la plaindre; car elle doit avoir bien des remords des maux qu'elle a faits à sa patrie et de l'ascendant qu'elle a exercé sur le Roi son mari, qu'on s'accorde à représenter comme parfaitement honnête homme, qui voulait la paix et le bien de ses peuples.


Naumburg, 18 octobre 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, M. Lacuée me mande que trente jeunes gens de l'école polytechnique veulent entrer dans des corps. Envoyez-les droit ici. Nous avons besoin d'officiers, nous les placerons dans les corps. Envoyez-en aussi en Italie. Le vice-roi m'écrit qu'il lui arrive beaucoup de conscrits et qu'il n'y a pas d'officiers, si ce n'est un tas d'officiers infirmes qui demandent leur retraite.


Naumburg, 18 Octobre 1806

10e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Parmi les 60 drapeaux qui ont été pris à la bataille d'Iena, il s'en trouve plusieurs des Gardes du roi de Prusse, et un des Gardes du corps sur lequel la légende est écrite en français.

Le roi de Prusse a fait demander un armistice de six semaines. L'Empereur a répondu qu'il était impossible après une victoire de donner à l'ennemi le temps de se rallier.

Cependant les Prussiens ont fait tellement courir ce bruit que, plusieurs de nos généraux les ayant rencontrés, on leur a fait croire que cet armistice était conclu.

Le maréchal Soult est arrivé le 16 à Greussen, poursuivant devant lui la colonne où était le Roi, qu'on estimait forte de 10 ou 12,000 hommes. Le général Kalkreuth, qui la commandait, fit dire au maréchal Soult qu'un armistice avait été conclu. Le maréchal répondit qu'il était impossible que l'Empereur eût fait cette faute; qu'il croirait à cet armistice lorsqu'il lui aurait été notifié officiellement. Le général Kalkreuth témoigna le désir de voir le maréchal Soult, qui se rendit aux avant-postes : 

"Que voulez-vous de nous ? lui dit le général prussien ; le duc de Brunswick est mort; tous nos généraux sont tués, blessés ou pris; la plus grande partie de notre armée est en fuite; vos succès sont assez grands. Le roi a demandé une suspension d'armes : il est impossible que votre Empereur ne l'accorde pas. " 

"Monsieur le général, répondit le maréchal Soult, il y a longtemps qu'on en agit ainsi avec nous; on en appel à notre générosité quand on est vaincu, et l'on oublie un instant la magnanimité que nous avons coutume de montrer. Après la bataille d'Austerlitz, l'Empereur accorda un armistice à l'armée russe armistice sauva l'armée : voyez la manière indigne dont agissent aujourd'hui les Russes. On dit qu'ils veulent revenir; nous brûlons du désir de les revoir. S'il y avait eu chez eux autant de générosité que chez nous, on nous aurait laissés tranquilles enfin , après la modération que nous avons montrée dans la victoire. Nous n'avons en rien provoqué la guerre injuste que vous nous faites; vous l'avez déclarée de gaieté de cœur. La bataille d'Iéna a décidé du sort de la campagne. Notre métier est de vous faire le plus de mal que nous pouvons. Posez les armes, et j'attendrai dans cette situation les ordres de l'Empereur. 

Le vieux général Kalkreuth vit bien qu'il n'y avait rien à répondre. Les deux généraux se séparèrent, et les hostilités recommencèrent un instant après. Le village de Greussen fut enlevé, l'ennemi culbuté et poursuivi l'épée dans les reins.

Le grand-duc de Berg et les maréchaux Soult et Ney doivent les journées des 17 et 18, se réunir par des marches combinées et écraser l'ennemi. Ils auront sans doute cerné un bon nombre de fuyards; les campagnes en sont couvertes, et les routes sont encombrées de caissons et de bagages de toute espèce.

Jamais plus grande victoire ne fut signalée par de plus grands désastres.

La réserve que commande le prince Eugène de Wurtemberg est arrivée à Halle. Ainsi nous ne sommes qu'au neuvième jour de la campagne, et déjà l'ennemi est obligé de mettre en avant sa dernière ressource. L'Empereur marche à elle. Elle sera attaquée demain , si elle tient dans la position de Halle.

Le maréchal Davout est parti aujourd'hui pour prendre possession de Leipzig et jeter un pont sur l'Elbe. La Garde impériale à cheval vient enfin nous joindre.

Indépendamment des magasins considérables trouvés à Naumburg, on en a trouvé un grand nombre à Weissenfels.

Le général en chef Rüchel a été trouvé dans un village, mortellement blessé; le maréchal Soult lui a envoyé son chirurgien. il semble que ce soit un décret de la Providence, que tous ceux qui ont poussé à cette guerre aient été frappés par ses premiers coups.


Merseburg, 19 octobre 1806

11e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Le nombre des prisonniers qui ont été faits à Erfurt est plus considérable qu'on ne le croyait. Les passe-ports accordés aux officiers, qui doivent retourner chez eux sur parole, en vertu d'un des articles de la capitulation, se sont montés à 600.

Le corps du maréchal Davout a pris possession, le 18, de Leipzig. Le prince de Ponte-Corvo, qui se trouvait le 17 à Eisleben pour couper des colonnes prussiennes, ayant appris que la réserve de S. M. le roi de Prusse, commandée par le prince Eugène de Wurtemberg, était arrivée à Halle, s'y porta. Après avoir fait ses dispositions, le prince de Ponte-Corvo fit attaquer Halle par le général Dupont et laissa la division Drouet en réserve sur sa gauche. Le 32e de ligne et le 9e d'infanterie légère passèrent les trois ponts au pas de charge et entrèrent dans la ville, soutenus par le 96e; en moins d'une heure tout fut culbuté. Les 2e et 4e régiments de hussards et toute la division du général Rivaud traversèrent la ville et chassèrent l'ennemi de Diemitz, de Peissen et de Rabatz. La cavalerie prussienne voulut charger le 8e et le 96e d'infanterie; mais elle fut vivement reçue et repoussée. La réserve du prince de Wurtemberg fut mise dans plus complète déroute et poursuivie l'espace de quatre lieues.

Les résultats de ce combat, qui mérite une relation particulièrement soignée, sont 5,000 prisonniers, dont 2 généraux et 3 colonels, 4 drapeaux et 34 pièces de canon.

Le général Dupont s'est conduit avec beaucoup de distinction général de division Rouyer a eu un cheval tué sous lui.

Le général de division Drouet a pris en entier le régiment Treskow.

De notre côté, la perte ne se monte qu'à 40 hommes tués et 200 blessés. Le colonel du 9e régiment d'infanterie légère a été blessé.

Le général Léopold Berthier, chef de l'état-major du prince de Ponte-Corvo, s'est comporté avec distinction.

Par le résultat du combat de Halle, il n'est plus de troupes ennemies qui n'aient été entamées.

Le général prussien Blücher, avec 5,000 hommes, a traversé division de dragons du général Klein, qui l'avait coupé. Ayant ]llégué au général Klein qu'il y avait un armistice de six semaines, ce général a eu la simplicité de le croire.

L'officier d'ordonnance près de l'Empereur, Montesquiou, qui été envoyé en parlementaire auprès du roi de Prusse l'avant-veille de la bataille, est de retour; il a été entraîné pendant plusieurs jours avec les fuyards ennemis; il dépeint le désordre de l'armée prussienne comme inexprimable. Cependant, la veille de la bataille leur jactance était sans égale; il n'était question de rien moins que de couper l'armée française et d'enlever des colonnes de 40,000 hommes. Les généraux prussiens singeaient autant qu'ils pouvaient les manières du grand Frédéric.

Quoique nous fussions dans leur pays, les généraux paraissaient être dans l'ignorance la plus absolue de nos mouvements; ils croyaient qu'il n'y avait sur le petit plateau d'Iena que 4,000 hommes, et cependant la plus grande partie de l'armée a débouché sur ce plateau.

L'armée ennemie se retire à force sur Magdeburg. Il est probable que plusieurs colonnes seront coupées avant d'y arriver. On n'a point de nouvelles depuis plusieurs jours du maréchal Soult, qui a été détaché avec 40,000 hommes pour poursuivre l'armée ennemie.

L'Empereur a traversé le champ de bataille de Rosbach. Il a oronné que la colonne qui y avait été élevée fût transportée à Paris.

Le quartier général de l'Empereur a été le 18 à Merseburg, et il sera le 19 à Halle. On a trouvé dans cette dernière ville des magasins de toute espèce très-considérables.


Balle, 19 octobre 1806

12e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Le maréchal Soult a poursuivi l'ennemi jusqu'aux portes de .Magdeburg. Plusieurs fois les Prussiens ont voulu prendre position, et toujours ils ont été culbutés.

On a trouvé à Nordhausen des magasins considérables et même une caisse du roi de Prusse remplie d'argent.

Pendant les cinq jours que le maréchal Soult a employés à la poursuite de l'ennemi, il a fait 1,200 prisonniers et pris 30 pièces de canon et 2 ou 300 caissons.

Le premier objet de la campagne se trouve rempli. La Saxe, la Westphalie et tous les pays situés sur la rive gauche de l'Elbe sont délivrés de la présence de l'armée prussienne. Cette armée, battue et poursuivie l'épée dans les reins pendant plus de cinquante lieues, est aujourd'hui sans artillerie, sans bagages, sans officiers, réduite au-dessous du tiers de ce qu'elle était il y a huit jours, et, ce qui est encore pis que cela, elle a perdu son moral et toute confiance en elle-même.

Deux corps de l'armée française sont sur l'Elbe, occupés à construire des ponts.

Le quartier général est à Halle.

La lettre suivante, qui a été interceptée, contient un tableau fort détaillé de la situation des Prussiens après la bataille d'Iena.


Camp impérial de Halle, 19 octobre 1806

Au roi de Prusse

Monsieur mon Frère, j'ai reçu la lettre de Votre Majesté. Je regrette beaucoup que la lettre que je lui ai envoyée par un de mes officiers d'ordonnance, qui est arrivé à son camp le 13, n'ait pu empêcher la bataille du 14. Toute suspension d'armes qui donnerait le temps d'arriver aux armées russes, qu'elle parait avoir appelées dans l'hiver, serait trop contraire à mes intérêts pour que, quel soit le désir que j'ai d'épargner des maux et des victimes à l'humanité, je puisse y souscrire. Je ne crains point les armées russes, ce n'est plus un nuage; je les ai vues la campagne passée. Mais Votre Majesté aura à s'en plaindre plus que moi. Là moitié de ses États sera le théâtre de la guerre, et dès lors en éprouvera toutes les calamités; l'autre partie sera ravagée par ses alliés et souffrira davantage. Ce sera un éternel sujet de regret pour moi que deux nations qui, par tant de raisons, devaient être amies, aient été entraînées dans une lutte aussi peu motivée. Les principaux instigateurs de cette guerre en ont été les premières victimes. Toutefois je dois réitérer à Votre Majesté que je verrai avec satisfaction les moyens de rétablir, si cela est possible, l'ancienne confiance qui régnait entre nous, et de concilier les sentiments que je lui porte avec mon devoir et la sûreté de mes peuples compromise encore de nouveau depuis quinze ans par la quatrième coalition.


Halle, 19 octobre 1806, 5 heures et demie du soir

Au maréchal Lannes, à Dessau

Mon Cousin, votre aide de camp arrive; vous ne me faites pas connaître si le pont sur la Mulde a été coupé, si vous avez passé la Mulde. Il se trouve sur la Mulde des bateaux; faites courir pour les réunir tous. Faites placer des postes le long de l'Elbe, afin de choisir les emplacements les plus favorables pour le passage. Il doit y avoir une grande quantité de bois propres à faire des radeaux; faites-y travailler. Je fais partir sur-le-champ une nouvelle compagnie de pontonniers avec les marins de la Garde pour faire ce travail. Faites remonter l'Elbe par vos patrouilles; il doit y avoir aussi des bateaux; on ne brûle jamais tout. La Mulde forme des îles en se jetant dans l'Elbe; c'est dans ces îles que je voudrais jeter un pont. Si la rive domine, je pourrais en faire une bonne tête de pont.


Halle, 20 octobre 1806, 3 heures du matin

Au maréchal Davout

Mon Cousin, je vous ai expédié hier des ordres. Il est bien important d'avoir un pont sur l'Elbe. Je fais essayer par trois corps d'armée différents; mais, comme, le vôtre est le seul qui ait des bateaux, je ne doute point que ce pont ne soit jeté dans la journée, ou la nuit du 20 ou 21. Le pont une fois jeté, faites tracer une bonne tête de pont, et faites-y travailler. Emparez-vous de Wittenberg; si cette place est aussi bonne qu'on me l'assure, faites-la mettre sur-le-champ en bon état de défense. Nous sommes sous Magdeburg. Le maréchal Soult a suivi dans sa retraite, pendant cinq jours, une colonne où était le Roi, et lui a pris la moitié de son monde.


Halle, 20 octobre 1806, 11 heures et demie du matin

Au maréchal Lannes

Mon Cousin, le grand-duc de Berg et les maréchaux Soult et Ney bloquent Magdeburg du côté de la rive gauche. On a pris un régiment des Gardes, encore des canons, des bagages et un régiment de hussards. On compte prendre beaucoup de choses qui gagnent Magdeburg pour entrer dans la place. J'attends avec impatience de vos nouvelles pour savoir où nous en sommes. Davout, de son côté, transporte aujourd'hui son quartier général à Wittenberg, pour tâcher de jeter un pont entre Dessau et Bernburg.


Halle, 20 octobre 1806, midi et demi

Au maréchal Soult

Mon Cousin, je suis content de votre conduite. La position que vous avez prise est bonne. Ayez des patrouilles qui ne laissent pas reposer l'ennemi. Magdeburg est une souricière. Du reste, ne vous laissez point aveugler par la bonne fortune, et tenez-vous toujours en mesure.

Songez que 8,000 hommes ne sont rien; tenez votre corps d'armée réuni. Prenez du repos. J'essaye de faire jeter des ponts sur l'Elbe; du moment que j'aurai réussi, je vous dirai ce que vous devez faire.


Halle, 20 octobre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, donnez des ordres pour que l'université de Halle soit fermée, et que sous vingt-quatre heures les écoliers soient partis pour leur demeure. S'il s'en trouve demain en ville, ils seront mis en prison, pour prévenir le résultat du mauvais esprit qu'on a inculqué à cette jeunesse.


Halle, 20 octobre 1806

Au roi de Hollande

Mon Frère, je vous expédie deux aides de camp par deux routes différentes. Je vous ai déjà donné les mêmes ordres par la voie de Mayence. Vous aurez sans doute appris la bataille d'Iena. Nous sommes sur Magdeburg et sur l'Elbe. Prenez possession du comté de la Marck, des pays de Münster, d'Osnabriick, de l'évêché de Paderborn, de l'Ost-Frise, sans toucher au pays danois.

Par l'état de situation que vous m'avez envoyé, votre avant-garde est de 9,000 hommes. Joignez-y 2,000 hommes du 22e de ligne; laissez le 3e bataillon à Wesel. Joignez-y aussi les 1,500 hommes du grand-duc de Berg. Quand je verrai toutes ces forces à Goettingen et sur le Weser, et que j'aurai votre rapport sur le Hanovre, je verrai s'il me convient de vous faire prendre possession du Hanovre. Je donne ordre que le corps qui est à Paris se rende sur-le-champ à Nimègue, tant pour défendre la Hollande, si les circonstances l'exigeaient, que pour renforcer votre corps. Formez, de votre corps, deux divisions. Si vous n'avez pas de général de division, je vous en enverrai un. Attachez à chaque division douze pièces d'artillerie. Vous placerez un poste d'observation devant Hamein. Vos troupes peuvent hardiment attaquer les Prussiens; nous sommes plus braves qu'eux. Vous laisserez à Wesel les 3e bataillons, et vous y ferez venir quelques autres 3e bataillons de la 25e division militaire. La grande quantité de conscrits qui arrivent garnira suffisamment cette place.

Votre corps à peine arrivé sur Goettingen et Alfeld, votre cavalerie enverra des partis sur Magdeburg pour se lier avec le corps que je laisserai devant cette place. Vous enverrez également des partis sur Erfurt et sur le Hanovre. Le but de ces partis sera de ramasser les hommes égarés et de mettre la police dans les villes. Vous ôterez partout les armes du roi de Prusse, auquel ces pays ne doivent plus appartenir. Mettez la plus grande rapidité dans tous ces mouvements.


Camp impérial de Halle, 20 octobre 1806

Au roi de Wurtemberg

Monsieur mon Frère, je suis sur l'Elbe devant Magdeburg. L'armée prussienne a existé; de 160,000 hommes, plus de 100,000 hommes sont détruits; artillerie, bagages, munitions, magasins, tout a été pris. J'ai plus de 40,000 hommes prisonniers, 400 pièces de canon, 1,200 caissons, 60 à 80 drapeaux; les trois quarts des généraux sont pris ou tués. Le duc de Brunswick est blessé dangereusement d'un coup de mitraille dans la figure. Rüchel est mort dans nos mains; Schmettau est mort dans nos mains; plusieurs princes et frères dit Roi sont dangereusement blessés. Le prince Louis-Ferdinand a été tué le premier. La Reine a erré de poste en poste, poursuivie par nos hussards; j'ignore le lieu où elle s'est retirée. La cavalerie prussienne, dont vous m'aviez tant parlé, est détestable; elle est bien au-dessous de la cavalerie autrichienne. Les troupes prussiennes se sont médiocrement battues. Leurs généraux n'entendent rien à la guerre. Moellendorf, le prince d'Orange et dix-huit autres généraux sont prisonniers sur parole. Moellendorf, blessé, est resté malade à Erfurt, dont je suis maître. Je n'ai fait aucune perte de marque; un simple général de brigade a été tué. Dites toutes ces nouvelles à la princesse Catherine; comme je la considère de la famille, j'espère qu'elle y prendra part à double titre. Le corps de réserve que commande votre frère le prince Eugène a été battu à Halle; il a perdu 5,000 hommes, 4 drapeaux et 30 pièces de canon. Le prince de sa personne n'a pas eu de mal.


Halle, 20 octobre 1806

Au maréchal Berthier

Donnez l'ordre au capitaine Lamarche de partit, avec 60 chevaux du 1e de hussards, de se rendre en partisan partout où il croira pouvoir ramasser des hommes ennemis. Il dirigera tous les prisonniers qu'il fera sur Erfurt, Naumburg, selon le lieu où il se trouvera. Il fera passer aussi toutes les nouvelles qui viendraient à sa connaissance.

Faites partir deux autres détachements de 60 chevaux du 9e de hussards pour battre, en patrouilles, tout le local compris entre la Saale, Magdeburg et la Saxe ducale. Ces patrouilles doivent ramasser un grand nombre de prisonniers. Donnez-leur pour commandants deux hommes intelligents et qui aient envie de se distinguer.

Quand les commandants de ces détachements auront voltigé ainsi pendant huit jours, et qu'ils s'apercevront que les routes deviennent libres et qu'il n'y a plus d'hommes isolés, ils se rapprocheront du quartier général.

Ils auront soin de vous tenir informé des lieux où ils seront, en ayant des correspondances avec les commandants des places qui reçoivent l'ordre du jour, ou par des officiers des autres troupes qui vont au quartier général.


Halle, 20 octobre 1806

13e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Le général Macon, commandant à Leipzig, a fait aux banquiers, négociants et marchands de cette ville la notification ci-jointe. Puisque les oppresseurs des mers ne respectent aucun pavillon, l'intention de l'Empereur est de saisir partout leurs marchand et de les bloquer véritablement dans leur île.

On a trouvé dans les magasins militaires de Leipzig 15,000 taux de farine et beaucoup d'autres denrées d'approvisionnement.

Le grand-duc de Berg est arrivé à Halberstadt le 19. Le 20, il a inondé toute la plaine de Magdeburg par sa cavalerie, jusqu'à portée du canon. Les troupes ennemies, les détachements isolés, les hommes perdus seront pris au moment où ils se présenteront pour entrer dans la place.

Un régiment de hussards ennemis croyait que Halberstadt était encore occupée par les Prussiens; il a été chargé par le 25e de dragons et a éprouvé une perte de 300 hommes.

Le général Beaumont s'est emparé de 600 hommes de la Garde du Roi et de tous les équipages de ce corps. Deux heures auparavant deux compagnies de la Garde royale à pied avaient été prises par le maréchal Soult.

Le lieutenant général comte de Schmettau, qui avait été fait prisonnier, vient de mourir à Weimar.

Ainsi, de cette belle et superbe armée qui, il y a peu de jours, menaçait d'envahir la Confédération du Rhin, et qui inspirait à son souverain une telle confiance qu'il osait ordonner à l'empereur Napoléon de sortir de l'Allemagne avant le 8 octobre, s'il ne voulait pas y être contraint par la force, de cette belle et superbe armée, disons- nous, il ne reste que des débris, chaos informe qui mérite plutôt le nom de rassemblement que celui d'armée. De 160,000 hommes qu'avait le roi de Prusse, il serait difficile d'en réunir plus de 50,000; encore sont-ils sans artillerie et sans bagages, armés en partie, en partie désarmés.

Tous ces événements justifient ce que l'Empereur a dit dans sa première proclamation, lorsqu'il s'est exprimé ainsi :

"Qu'ils apprennent que, s'il est facile d'acquérir un accroissement de domaines et de puissance avec l'amitié du grand peuple, son inimitié est plus terrible que les tempêtes de l'Océan. "

Rien ne ressemble, en effet, davantage à l'état actuel de l'armée prussienne que les débris d'un naufrage. C'était une belle et nombreuse flotte qui ne prétendait pas moins qu'asservir les mers : les vents impétueux du nord ont soulevé l'Océan contre elle; il ne rentre au port qu'une petite partie des équipages, qui n'ont trouvé de salut qu'en se sauvant sur des débris.

Les lettres ci-jointes peignent au vrai la situation des choses.

Une autre lettre, également ci-jointe, montre à quel point le cabinet prussien a été dupe de fausses apparences. Il a pris la modération de l'empereur Napoléon pour de la faiblesse. De ce que ce monarque ne voulait pas la guerre et faisait tout ce qui pouvait être convenable pour l'éviter, on a conclu qu'il n'était pas en mesure, et qu'il avait besoin de 200,000 conscrits pour recruter son armée.

Cependant l'armée française n'était plus claquemurée dans les camps de Boulogne; elle était en Allemagne. M. Charles-Louis de Hesse et M. de Haugwitz auraient pu la compter. Reconnaissons donc ici la volonté de cette Providence, qui ne laisse pas à nos ennemis des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, du jugement et de la raison pour raisonner.

Il paraît que M. Charles-Louis de Hesse convoitait seulement Mayence; pourquoi pas Metz ? pourquoi pas les autres places de l'est de la France ? Ne dites donc plus que l'ambition des Français vous a fait prendre les armes; convenez que c'est votre ambition mal raisonnée qui vous a excités à la guerre. Parce qu'il y avait une armée française à Naples, une autre en Dalmatie, vous avez projeté de tomber sur le grand peuple ! Mais en sept jours vos projets ont été confondus. Vous vouliez attaquer la France sans courir aucun danger, et déjà vous avez cessé d'exister !

On rapporte que l'empereur Napoléon ayant, avant de quitter Paris, rassemblé ses ministres, leur dit : 

"Je suis innocent de cette guerre; je ne l'ai provoquée en rien ; elle n'est point entrée mes calculs. Que je sois battu si elle est de mon fait ! Un des principaux motifs de la confiance dans laquelle je suis que mes ennemis seront détruits, c'est que je vois dans leur conduite le doigt de la Providence qui, voulant que les traîtres soient punis, a tellement éloigné toute sagesse de leurs conseils, que, lorsqu'ils pensent m'attaquer dans un moment de faiblesse, ils choisissent l'instant où je suis le plus fort."


Halle , 21 octobre 1806

Au maréchal Bernadotte

L'Empereur, Monsieur le Maréchal, me charge de vous écrire qu'il est très-mécontent de ce que vous n'avez pas exécuté l'ordre que vous avez reçu de vous porter hier à Kalbe, pour jeter un pont à l'embouchure de la Saale, à Barby. Cependant vous deviez sentir que toutes les dispositions de l'Empereur étaient combinées.

Sa Majesté, qui est très-fâchée que vous n'ayez pas exécuté ses ordres, vous rappelle à ce sujet que vous ne vous êtes point trouvé à la bataille d'Iena; que cela aurait pu compromettre le sort de l'armée et déjouer les grandes combinaisons de Sa Majesté, et a rendu douteuse et très-sanglante cette bataille, qui l'aurait été beaucoup moins. Quelque profondément affecté qu'ait été l'Empereur, il n'avait pas voulu vous en parler, parce qu'en se rappelant vos anciens services il craignait de vous affliger, et que la considération qu'il a pour vous l'avait porté à se taire. Mais, dans cette circonstance où vous ne vous êtes pas porté à Kalbe, et où vous n'avez pas tenté le passage de l'Elbe, soit à Barby, soit à l'embouchure de la Saale, l'Empereur s'est décidé à vous dire sa façon de penser, parce qu'il n'est point accoutumé à voir sacrifier ses opérations à de vaines étiquettes de commandement.

L'Empereur, Monsieur le Maréchal, me charge encore de vous parler d'une chose moins grave : c'est que, malgré l'ordre que vous avez reçu hier, vous n'avez pas encore envoyé ici trois compagnies pour conduire vos prisonniers. Il en reste à Halle 3,500 sans aucune escorte. L'Empereur, Monsieur le Maréchal, vous ordonne d'envoyer sur-le-champ un officier d'état-major à la tête de trois compagnies complètes, formant 300 hommes, pour prendre tous les prisonniers qui sont à Halle et les conduire à Erfurt. Il ne reste ici que la Garde impériale, et l'Empereur ne veut pas qu'elle escorte les prisonniers faits par votre corps d'armée.

Il est neuf heures, et il n'est pas question des trois compagnies que je vous ai demandées hier.


Camp impérial de Halle, 21 octobre 1806

A l'Électeur de Saxe

Mon Frère, je reçois la lettre de Votre Altesse Sérénissime Électorale. L'estime que je lui porte est égale au désir que j'ai de voir le plus tôt possible les relations de paix rétablies et consolidées entre nous. Dans deux ou trois jours, je nommerai un ministre à cet effet, pour s'entendre avec la personne que Votre Altesse aura désignée. J'ai ordonné, toutefois, que les hostilités cessassent, et je la prie, en conséquence, de vouloir bien ordonner, de son côté, que toutes ces troupes soient rappelées de l'armée prussienne. Votre Altesse ne peut douter du plaisir que j'aurai de la voir et de faire sa connaissance, ainsi que celle de l'Électrice.


Dessau, 22 octobre 1806

A M. Cambacérès

Mon Cousin, j'ai passé l'Elbe. Toutes mes affaires vont au mieux. Le roi de Prusse, toute son armée et la nation prussienne demandent à grands cris la paix. Je serai probablement à Berlin dans quelques jours. J'ai remarqué que, le même jour où vous faisiez votre publication au Sénat, je remportais la grande bataille d'Iena.


Dessau, 21 octobre 1806

Au grand-duc de Berg

Si vous ne pouvez pas passer à Barby, venez passer l'Elbe au pont de Dessau; le pont a été brûlé, mais il a été raccommodé. Je me rends cette nuit à Wittenberg. Le corps du maréchal Davout a passé là; le pont était en bon état. Le corps du maréchal Lannes a passé à Dessau.


Dessau, 22 octobre 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, je pense que, du moment vous serez assuré que le maréchal Mortier est arrivé à Fulde avec son corps d'armée, il n'y a pas d'inconvénient que vous vous dirigiez sur Erfurt, et de là sur Wittenberg et Berlin.

Immédiatement après la bataille, le roi de Prusse m'a envoyé son aide de camp avec une lettre. Aujourd'hui il m'envoie le marquis Lucchesini. Je l'ai fait rester aux avant-postes, et j'ai envoyé Duroc voir ce qu'il veut. J'attends son retour. Le Roi me paraît tout à fait décidé à s'arranger; je le ferai; mais cela ne m'empêchera pas d'aller à Berlin, où je pense que je serai dans quatre ou cinq jours.


Dessau, 22 octobre 1806

Au maréchal Berthier

Il sera envoyé un sous-inspecteur dans le pays de Brunswick, avec une patrouille de dragons, pour en prendre possession. Les armes du Duc seront ôtées partout, et ses soldats désarmés. Le scellé sera mis sur les caisses, et ce pays sera en tout traité comme pays de conquête. Si le Duc s'y trouve, il sera fait prisonnier, ainsi que tous les officiers, et on les acheminera sur la France, hormis le Duc, s'il est malade, lequel sera traité avec tous les égards dus à un général blessé.


Dessau, 22 octobre 1806

Au grand-duc de Berg

Dans quelque endroit que vous passiez l'Elbe, dirigez-vous en toute hâte sur Treuenbrietzen pour marcher sur Berlin. Je suppose qu'aujourd'hui vous serez à Dessau ou à la hauteur de Dessau; que le 23 au soir vous ne serez pas éloigné du point que je vous désigne. Cependant ne crevez point vos chevaux. J'ai ordonné que toute la cavalerie saxonne mettrait pied à terre. J'ai laissé 1,000 hommes à pied ici à Oudinot pour les prendre; s'il y a plus de 1,000 chevaux, chaque homme en prendra 2 ou 3. Mon intention est que cela marche sur Wittenberg, où cela s'organisera.


Dessau, 22 octobre 1806

Au roi de Hollande

Je reçois votre lettre du 14; c'était le jour de la bataille d'Iena. Le prince de Wurtemberg n'est point devant vous; il a été attaqué et défait à Halle; la moitié de son corps a été prise. Je vous ai envoyé, par un officier et par la voie de Mayence, des instructions pour votre direction sur Goettingen et pour l'occupation de tous les pays prussiens du nord. Envoyez-moi la formation de votre corps d'armée, auquel je joins un corps de près de 12,000 hommes. Je vous ai fait connaître qu'il fallait le partager en deux divisions; faites-moi connaître son organisation et le jour où il arrivera sur le Weser. Les Prussiens n'ont pas 1,500 hommes de garnison à Nienburg sur le Weser. J'ai lieu de penser qu'ils n'ont à Hameln que juste ce qui est nécessaire pour la garnison.

Le corps qui est à Paris ne mettra pas douze jours pour se rendre en Hollande; si cela était nécessaire, il ne mettra que quatre jours et s'y rendra en position. J'ai fait venir de Paris à Mayence, et cela est beaucoup plus loin, un corps de 8,000 hommes en quatre jours.

Ma position ici est on ne peut pas meilleure : la Prusse demande la paix à force; son armée est détruite; j'ai passé l'Elbe; je serai dans trois jours à Berlin.


Dessau, 22 octobre 1806

Au maréchal Mortier

Mon Cousin, vos trois régiments d'infanterie légère et les deux régiments italiens doivent, à l'heure qu'il est, être arrivés; , vous devez avoir également vos douze ou dix-huit pièces d'artillerie, et être en position à Fulde. Aussitôt que vous serez arrivés là, envoyez-moi votre état de situation par un de vos aides de camp, afin que je vous fasse passer des instructions sur vos opérations ultérieures.


Dessau, 22 octobre 1806

Au général Junot

Je reçois votre lettre du 14. Je vois avec plaisir que vous vous occupez de l'instruction et de l'administration des régiments que je vous ai laissés. Le 15e offre 2,400 hommes ; c'est un beau résultat; ils sont instruits. Je vous ai recommandé, je crois, de les faire tirer à la cible, de veiller à ce qu'ils aient deux paires de souliers dans le sac et une paire aux pieds, et à ce qu'ils aient leurs capotes. Complétez donc vos régiments de Paris en prenant des conscrits de la réserve de Paris et des départements environnants. Je dois avoir donné un grand nombre de recrues au 58e et au 15e. J'ai donné la retraite aux vieux officiers du le régiment de Paris dont m'avez envoyé l'état. Vous ne m'avez pas envoyé l'état de situation des 2e, 4e et 12e régiments d'infanterie légère.


Dessau, 22 octobre 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, donnez ordre aux généraux italiens Teulié, Bonfanti et à l'adjudant commandant Mazzuchelli de se rendre à l'armée. Si je n'ai pas donné ordre au régiment italien qui est à Bordeaux de se rendre à l'armée, donnez-le-lui; la route est longue, faites-la-lui faire à petites journées.

Vous ne me parlez pas de l'organisation des régiments suisses. Les officiers des le et 2e bataillons sont-ils nommés ? Je désire que me fassiez connaître où en est l'organisation des deux légion du Nord, et si vous avez nommé des officiers pour les 3e bataillons et dépôts qui sont en Italie, en accordant la retraite aux officiers à qui elle est due, et qui, par leur âge ou leurs infirmités, sont hors d'état de rendre aucun service.


Dessau, 22 octobre 1806

Au général Clarke, à Erfurt

Je désire que vous m'envoyiez l'état des prisonniers qui ont été faits et de ceux qui ont été délivrés par les partis ennemis. Instruisez- moi exactement du moment où le corps du maréchal Mortier commencera à arriver à Fulde. Je lui ai ordonné de porter une avant-garde sur Eisenach. Donnez tous les ordres et prenez toutes les mesures pour que les canons, armes et munitions de la place de Weimar, et tous ceux qui sont épars sur les champs de bataille, soient concentrés à Erfurt. Je vous ai envoyé le 14e de ligne pour renforcer votre garnison; mais vous devez sentir le besoin que j'ai de ce régiment. Du moment donc que le maréchal Mortier sera arrivé, que mes derrières seront tranquilles, et que ce régiment ne vous sera plus nécessaire, renvoyez-le en toute diligence sur Wittenberg. J'ai ordonné que plusieurs patrouilles de chasseurs et de hussards parcourussent vos environs. Il est convenable que, lorsqu'ils ne seront plus nécessaires, vous les dirigiez également sur Wittenberg. Écrivez-moi tous les jours pour m'instruire de ce qui se passe sur mes derrières.


Dessau, 22 octobre 1806

Au prince Eugène

Mon fils, les 5 régiments italiens sont à l'armée; faites partir 200 conscrits bien armés et bien habillés pour recruter chacun de ces 3 régiments, ce qui fera 600, afin de les tenir toujours à un certain complet.

(Mémoires du prince Eugène)


Dessau, 22 octobre 1806

14e BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE

Le maréchal Davout est arrivé le 20 à Wittenberg et a surpris le pont sur l'Elbe au moment où l'ennemi y mettait le feu.

Le maréchal Lannes est arrivé à Dessau; le pont était brûlé; il a fait travailler sur-le-champ à le réparer.

Le marquis de Lucchesini s'est présenté aux avant-postes avec une lettre du roi de Prusse. L'Empereur a envoyé le grand maréchal de son palais, Duroc, pour conférer avec lui.

Magdeburg est bloqué. Le général de division Legrand, dans sa marche sur Magdeburg, a fait quelques prisonniers. Le maréchal Soult a ses postes autour de la ville. Le grand-duc de Berg y a envoyé son chef d'état-major, le général Belliard. Ce général y a vu le prince de Hohenlohe. Le langage des officiers prussiens était bien changé; ils demandent la paix à grands cris : 

"Que veut votre Empereur, nous disent-ils, nous poursuivra-t-il toujours l'épée les reins ? Nous n'avons pas un moment de repos depuis la bataille."

Ces messieurs étaient sans doute accoutumés aux manœuvres de la guerre de Sept Ans. Ils voulaient demander trois jours pour enterrer les morts. 

"Songez aux vivants, a répondu l'Empereur, et laissez-nous le soin d'enterrer les morts; il n'y a pas besoin de trêve pour cela"

La confusion est extrême dans Berlin; tous les bons citoyens gémissaient de la fausse direction donnée à la politique de leur pays, reprochent avec raison aux boute-feux excités par l'Angleterre les tristes effets de leurs menées. Il n'y a qu'un cri contre la la Reine dans tout le pays.

Il parait que l'ennemi cherche à se rallier derrière l'Oder.

Le souverain de Saxe a remercié l'Empereur de la générosité avec laquelle il l'a traité, et qui va l'arracher à l'influence prussienne. Cependant bon nombre de ses soldats ont péri dans toute cette bagarre.

Le quartier général était le 21 à Dessau.


Wittenberg, 23 octobre 1806, à midi

J'ai reçu plusieurs lettres de toi. Je ne t'écris qu'un mot. Mes affaires vont bien. Je serai demain à Postdam et le 25 à Berlin. Je me porte au mieux : la fatigue me réussit. Je suis bien aise de te savoir avec Hortense et Stéphanie et en grande compagnie. Le temps a été beau jusqu'à présent.

Mille amitiés à Stéphanie et a tout le monde, sans oublier M. Napoléon.

Adieu, mon amie. Tout a toi.


Quartier impérial, Wittenberg, 23 octobre 1806

DÉCRET

TITRE 1

ARTICLE 1. - Il sera pris possession, en notre nom, de tous les États prussiens situés entre le Rhin et l'Elbe.
ART. 2. - Les aigles prussiennes seront ôtées partout; le séquestre sera apposé sur les palais, magasins et caisses publiques, les revenus perçus pour notre compte.
ART. 3. - Il sera pris possession des Etats du duc de Brunswick, du prince d'Orange. Les armes de ces princes seront ôtées, les scellés apposés sur les palais, caisses, magasins, et les revenus perçus pour notre compte.
Les canons, fusils et tous les arsenaux seront remis à la disposition du général commandant l'artillerie française. Les généraux, officiers et les troupes de ces princes seront faits prisonniers de guerre et envoyés en France.
Déclaration sera faite que ces pays ne devront plus rentrer dans la possession desdits princes.
ART. 4. - Il sera pris possession des pays de Hanovre et d'Osnabrück de la même manière que ci-dessus.
ART. 5. - Le roi de Hollande fera prendre possession, pour son compte, du pays d'Ost-Frise et de l'enclave du pays appartenant à la Russie, située à l'embouchure de la rivière.

TITRE II.
DE L'ADMINISTRATION MILITAIRE ET CIVILE

ARTICLE ler. - Premier gouvernement. Le général de division Loison est nommé gouverneur des pays de la Marck, Münster, Tecklenburg et Osnabrück. Il résidera à Münster; il veillera à l'exécution des dispositions du présent décret. Il y aura pour ces pays un inspecteur ou sous-inspecteur aux revues, intendant, que nommera M. Daru, intendant général de l'armée, et qui sera chargé de tout ce qui est relatif à l'administration des finances. Cet inspecteur ou sous-inspecteur aux revues correspondra avec l'inspecteur en chef Villemanzy, et aura un receveur préposé de M. de la Bouillerie, receveur général des contributions de la Grande Armée.
ART. 2. - Deuxième gouvernement. Le général de division Gobert est nommé gouverneur du pays de Minden, Ravensberg, la Lippe, de l'évêché de Paderborn; il résidera à Minden. Il y aura un intendant et un receveur, comme il est dit ci-dessus, article 1er.
ART. 3. - Troisième gouvernement. Le général de division Bisson est nommé gouverneur des pays de Brunswick, Hildesheim, de la principauté d'Halberstadt, de la ville de Goslar, des pays d'Eichsfeld, de Mühlhausen; il se tiendra à Brunswick. Ce gouvernement sera organisé comme il est dit article ler.
ART. 4. - Quatrième gouvernement. Le général Thiebault est nommé gouverneur des pays de Fulde. Ce gouvernement sera organisé comme ci-dessus.
ART. 5, - Cinquième gouvernement. Le général de division Clarke est nommé gouverneur du pays d'Erfurt et de toutes les autres enclaves appartenant à la Prusse, situées dans le pays de Saxe. Ce gouvernement aura la même organisation que les précédents. Le général Clarke résidera à Erfurt.

TITRE III.
FORCE MILITAIRE

ARTICLE ler. - Premier gouvernement. Une compagnie du 3e bataillon du 22e régiment d'infanterie de ligne, qui sera complétée à 100 hommes, se rendra à Münster pour la garde du gouverneur; une compagnie du 5e régiment de chasseurs, de 90 hommes à pied, se rendra également à Münster. Le général et l'intendant prendront les mesures pour monter et équiper rapidement ces 90 hommes; ils se procureront également les attelages pour deux pièces de canon de 8 et leurs caissons qu'ils enverront prendre au parc à Erfurt.
ART. 2. - Deuxième gouvernement. Une compagnie du 3e bataillon du 21e régiment d'infanterie de ligne, complétée à 100 hommes, et une compagnie du 12e régiment de chasseurs, de 90 hommes à pied, se rendront à Minden pour la garde du gouverneur.
ART. 3. - Troisième gouvernement. Une compagnie du 3e bataillon du 88e régiment d'infanterie, complétée à 100 hommes, et une compagnie du le régiment de hussards, de 90 hommes à pied, se rendront à Brunswick pour la garde du gouverneur.
ART. 4. - Quatrième gouvernement. Une compagnie du 3e bataillon du 18e d'infanterie de ligne, complétée à 100 hommes, et une compagnie du 3e régiment de hussards se rendront à Fulde pour la garde du gouverneur.
ART. 5. - Cinquième gouvernement. Une compagnie du 3e bataillon du 64e régiment d'infanterie, complétée à 100 hommes, et une compagnie du 2e régiment de hussards de 90 hommes, montés, se rendront à Erfurt pour la garde du gouverneur.
ART. 6. - Les dispositions portées dans l'article ler sont applicables aux articles 2, 3, 4 et 5 ci-dessus. Il sera fourni, des troupes du duc de Clèves, 200 hommes à Münster, 300 à Minden et 500 à Brunswick, également pour la garde des gouverneurs.
ART. 7. - Le maréchal Moncey, inspecteur général de la gendarmerie, nommera cinq chefs d'escadron de notre gendarmerie, pour être chargés de la police dans chacun de ces cinq gouvernement. Il les fera accompagner : celui du premier gouvernement, de quatre brigades de gendarmerie à cheval; celui du deuxième, de six; celui du troisième, de huit; celui du quatrième, de deux, et celui cinquième, de deux brigades de gendarmerie à cheval, composée de 6 hommes pris dans les compagnies de réserve des départements de l'intérieur.
ART. 8. - Les gouverneurs rendront compte, tous les jours, au major général de ce qui intéresse la partie militaire et de police générale.
L'intendant de chaque gouvernement rendra compte, tous les jours, à M. Villemanzy, inspecteur en chef aux revues, de tout qui regarde l'administration des finances.
ART. 9. - Notre ministre de la guerre, major général de l'armée, est chargé de l'exécution dit présent décret.


Camp impérial de Wittenberg, 23 octobre 1806

DÉCRET

ARTICLE 1er. - Les provinces conquises dans l'électorat de Saxe seront divisées en quatre arrondissements, dont chacun sera confié à l'administration d'un intendant français, sous les ordres de l'intendant général.
ART. 2. - Le premier arrondissement comprendra le landgraviat de Thuringe, les comtés de Schwarzburg, Stolberg et Mansfield, la principauté de Querfurt, les évêchés de Merseburg et de Zeitz-Naum burg, le cercle de Voitgland et celui de Neustadt, et les duchés de Weimar, Saxe-Gotha, Saxe-Cobourg, Hildburghausen et Meiningen. Le chef-lieu de cet arrondissement sera Naumburg.
Le deuxième arrondissement comprendra le cercle de Leipzig; la ville de Leipzig en sera le chef-lieu.
Le troisième arrondissement comprendra le cercle électoral la ville de Wittenberg en sera le chef-lieu.
Le quatrième comprendra le cercle de Misnie, et celui d'Erz-gebirge ou des montagnes : la ville de Dresde en sera le chef-lieu.
ART. 3. - Sont nommés intendants de ces arrondissements :
  Du ler, M. Villain, sous-inspecteur aux revues;
  Du 2e, M. Treilhard, auditeur au conseil d'État;
  Du 3e, M. Coutelle, sous-inspecteur aux revues;
  Du 4e, M. Dumolart, auditeur au conseil d'État.
ART. 4. - Un intendant général est chargé de l'exécution du présent décret. 


Wittenberg, 23 octobre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, donnez l'ordre à M. de Thiard de prendre le commandement de la place de Dresde. Il partira par la rive gauche de l'Elbe, joindra la tête de la division bavaroise et entrera avec elle dans la ville. Il aura soin de maintenir dans la ville de Dresde une bonne discipline. Il ordonnera qu'on ait les plus grands égards pour l'Électeur et pour sa famille. Il prendra possession de l'arsenal et de tous les magasins à poudre et de guerre, en faisant connaître que cela nous est nécessaire comme moyens de guerre. Nous ne sommes point en paix avec l'Électeur; nous avons été en guerre, nous sommes en état d'armistice. Tous les magasins de sel, de souliers, de draps, de harnachements, de munitions de guerre, de remontes, appartiendront à l'armée comme moyens de guerre dont 1'État n'a pas besoin. Le général Songis enverra un officier d'artillerie prendre possession de l'artillerie et lui donner une direction convenable aux intérêts de l'armée. Le général Chasseloup enverra un officier du génie faire la reconnaissance de la place.

Mon intention est de réunir dans Dresde toutes les troupes alliées. La première division, qui y entrera demain, n'est composée que 6,000 hommes; la seconde, composée de 8,000 hommes, ne va pas tarder à arriver; la troisième, composée de 10,000 hommes de troupes wurtembergeoises, arrivera dans huit jours. On prendra des quartiers pour toutes ces troupes. On laissera la garde du palais aux Gardes du corps et aux Gardes de l'Électeur. Il ne faut pas que l'Électeur ait à Dresde plus de 400 hommes à cheval, et 1500 hommes d'infanterie; s'il y en avait davantage, le reste doit retourner dans ses garnisons ordinaires.

Si l'on s'aperçoit qu'il y a esprit de résistance à Dresde, on attendra l'arrivée de la seconde colonne pour agir plus absolument en maître. Ces instructions seront données au prince Jérôme, commandant de la place; l'un et l'autre correspondront le major général.

Beaucoup de formes, beaucoup de procédés, beaucoup d'honnêtetés; mais en réalité s'emparer de tout, surtout des moyens de guerre, sous prétexte que l'Électeur n'en a plus besoin.

Le prince Jérôme enverra au-devant de la seconde colonne, pour savoir le jour où elle arrivera ainsi que la colonne wurtembergeoise.


Wittenberg, 23 octobre 1806

Au maréchal Berthier

Le général Chasseloup désignera dans la journée de demain un emplacement dans l'enceinte de la ville, où l'on puisse construire dix fours. Cet emplacement devra être près des magasins de la manutention, qui doivent pouvoir contenir un million de rations de farine. L'intendant général fera sur-le-champ construire les fours, et nommera un garde-magasin pour l'organisation de la manutention et de ses voitures.

Le général Chasseloup désignera un magasin pour l'avoine, qui devra pouvoir contenir 600,000 boisseaux. Il désignera un emplacement pour l'arsenal, à portée d'un lieu où l'on puisse mettre les caissons t autres embarras du parc. Le général d'artillerie y fera sur-le-champ établir ses forges, déposer ses munitions et parquer ses voitures.

Le général Chasseloup désignera un emplacement pour le magasin à poudre ou pour une salle d'artifice; cet emplacement devra être dans l'intérieur de la ville. Le général d'artillerie y fera sur-le-champ conduire toutes les poudres.

Le général d'artillerie fera venir de Dresde trente à quarante pièces de canon de siège avec affûts, plates-formes, etc., pour armer la place. Les Bavarois seront après-demain à Dresde.

L'artillerie fera sur-le-champ confectionner des saucissons, gabions, pour construire des batteries dans l'enceinte de la place.

L'espace compris entre la ville et la rivière sera le plus tôt possible fermé par des palissades, indépendamment des fossés, parapets et autres ouvrages que le génie jugera à propos d'y faire. Le général du génie prendra ses mesures pour se procurer une grande quantité de palissades de sapin, ce qui doit être facile en retenant tous les trains de l'Elbe, et en faisant venir les trains qui se trouvent plus haut. Il sera construit dans le plus court délai des barrières en avant des portes. Au lieu de ponts-levis qui seraient trop longs à faire, on construira des ponts sur chevalets, qu'on pourra au besoin culbuter promptement.

Une somme de 100,000 francs sera mise sur-le-champ à la disposition du général du génie; il se procurera au moins 5 à 6,000 ouvriers pour travailler à ces ouvrages, pour faire passer de l'eau dans tous les fossés, rétablir tous les parapets, déchausser toutes les escarpes, etc.

Les ingénieurs géographes lèveront les environs de la place à 1,200 toises, et le terrain sur la rive gauche de l'Elbe à 1,200 toises du pont.

Le général Chasseloup désignera un emplacement pour le parc des voitures de la compagnie Breidt et un autre pour les bagages de l'armée, de manière que la place d'armes soit libre pour les mouvements des troupes. Ces deux emplacements pourront être pris dans l'espace compris entre la ville et la rivière.

Il désignera un emplacement capable de contenir 12 à 1500 prisonniers, de manière qu'on sache où les placer au moment où ils arriveront.

Les mesures seront prises pour mettre quatre réverbères sur le pont et des réverbères dans la ville, pour qu'elle soit parfaitement éclairée pendant la nuit, surtout sur la place d'armes; l'éclairage sera fait aux frais de la ville.

Le général Chasseloup désignera deux emplacements : un pour un hôpital capable de contenir 5 à 600 blessés, un autre pour autant de malades.

Il désignera six maisons pour servir aux dépôts de chacun des six corps d'armée. Chacun de ces emplacements devra contenir 200 hommes.

Le major général fera connaître à Paris, Mayence, Würzburg, Kronach, Erfurt, que tout ce qui sera envoyé à l'armée, n'importe pour quel corps, devra être dirigé sur Wittenberg, où les hommes isolés, venant des hôpitaux ou des détachements, se réuniront au dépôt de leur corps d'armée établi dans cette ville. Là ils seront inspectés par le gouverneur, armés s'ils ne le sont pas, pourvus de cartouches et dirigés sur leurs corps d'après les ordres du major général et en conséquence des états de situation qui seront envoyés.

Les ordres seront donnés sur-le-champ aux six maréchaux commandant les six corps d'armée, et au duc de Berg commandant la réserve, de diriger sur Wittenberg les hommes fatigués et ayant besoin de repos. Chaque corps d'armée nommera un officier d'état-major, qui logera avec le dépôt de chaque corps et s'occupera de l'entretien et de la discipline de son dépôt. Tous les soldats de l'armée légèrement blessés seront dirigés sur Wittenberg, où ils resteront le nombre de jours nécessaire pour leur parfait rétablissement. Sa Majesté s'attend donc qu'à dater de demain il n'y aura plus de traînards, et que tous les hommes boiteux ou fatigués seront envoyés aux dépôts de Wittenberg pour s'y reposer.

Il y aura à Wittenberg une imprimerie, et des protes français y resteront pour imprimer tout ce qui sera nécessaire pour le service de l'armée.

Le major général enverra copie de cet ordre aux généraux d'artillerie et du génie, à l'intendant général, au gouverneur de la place et mettra à l'ordre ce qui en est susceptible.


Wittenberg, 23 octobre 1806

Au maréchal Davout

Si les partis de troupes légères, Monsieur le Maréchal, que vous n'aurez pas manqué d'envoyer sur la route de Dresde et sur la Sprée, vous assurent que vous n'avez pas d'ennemis sur vos flancs, vous dirigerez votre marche de manière à pouvoir faire votre entrée à Berlin le 25 de ce mois à midi.

Vous ferez reconnaître le général de brigade Hullin pour commandant de la place de Berlin. Vous laisserez dans la ville un régiment à votre choix pour faire le service. Vous enverrez des partis de cavalerie légère sur la route de Küstrin, de Landsberg et de Francfort-sur-l'Oder.

Vous placerez votre corps d'armée à une lieue, une lieue et demie de Berlin, la droite appuyée à la Sprée, et la gauche à la route de Landsberg. Vous choisirez un quartier général dans une maison de campagne sur la route de Küstrin, en arrière de votre armée. Comme l'intention de l'EmpIreur est de laisser ses troupes quelques jours en repos, vous ferez faire des baraques avec de la paille et du bois. Généraux, officiers d'état-major, colonels et autres logeront en arrière de leurs divisions dans les villages; personne à Berlin. L'artillerie sera placée dans des positions qui protégent le camp; les chevaux d'artillerie aux piquets, et tout dans l'ordre le plus militaire.

Vous ferez couper, c'est-à-dire intercepter, le plus tôt qu'il vous sera possible, la navigation de la Sprée par un fort parti, afin d'arrêter tous les bateaux qui, de Berlin, évacueraient sur l'Oder.

Le quartier général sera demain à Potsdam ; envoyez un de vos aides de camp qui me fasse connaître où vous serez dans la nuit du 23 au 24 et dans celle du 24 au 25.

Si le prince Ferdinand se trouve à Berlin, faites-le complimenter et accordez-lui une garde avec une entière exemption de logement.

Faites publier sur-le-champ l'ordre de désarmement, laissant seulement 600 hommes de milice pour la police de la ville. On fera transporter les armes des bourgeois dans un lieu désigné, pour être à la disposition de l'armée.

Faites connaître à votre corps d'armée que l'Empereur, en le faisant entrer le premier à Berlin, lui donne une preuve de sa satisfaction pour la belle conduite qu'il a tenue à la bataille d'Iena.

Ayez soin que tous les bagages, et surtout cette queue si vilaine à voir à la suite des divisions, s'arrêtent à deux lieues de Berlin et rejoignent le camp sans traverser la capitale, mais en s'y rendant par un autre chemin sur la droite. Enfin, Monsieur le Maréchal, faites votre entrée dans le plus grand ordre et par divisions, chaque division ayant son artillerie et marchant à une heure de distance l'une de l'autre.

Les soldats ayant une fois formé leur camp, ayez soin qu'ils n'aillent en ville que par tiers, de manière qu'il y ait toujours deux tiers présents au camp. Comme Sa Majesté compte faire son entrée à Berlin, vous pouvez provisoirement recevoir les clefs, en faisan connaître aux magistrats qu'ils ne les remettront pas moins à l'Empereur, quand il fera son entrée. Mais vous devez toujours exiger que les magistrats et notables viennent vous recevoir à la porte de la ville avec toutes les formes convenables. Que tous vos officiers soient dans la meilleure tenue, autant que les circonstances peuvent le permettre. L'intention de L'Empereur est que votre entrée se fasse par la chaussée de Dresde.

L'Empereur ira vraisemblablement loger au palais de Charlottenburg ; donnez des ordres pour que tout y soit préparé.

Il y a un petit ruisseau qui se jette dans la Sprée, à une lieue et demie ou deux de Berlin, et qui coupe le chemin, aux villages de Marzahn et de Biesdorf; voyez si cela forme une position que l'on puisse occuper.

Si vous aviez, au contraire, des nouvelles de l'ennemi, vous en instruiriez sur-le-champ l'Empereur et vous ralentiriez vos mouvements.


Wittenberg, 23 octobre 1806

ORDRE

L'officier d'ordonnance Castille se rendra sans délai auprès du maréchal Davout. Il entrera à Berlin, se fera conduire à l'arsenal, à la salle d'armes, aux magasins, prendra connaissance de tout ce qu'il peut y avoir en artillerie et en munitions de guerre, ainsi que des époques où on les a évacués. Il viendra m'en rendre compte sur le chemin de Potsdam.


Wittenberg, 23 octobre 1806

Au maréchal Bernadotte

Je reçois votre lettre. Je n'ai point l'habitude de récriminer sur le passé, puisqu'il est sans remède. Votre corps d'armée ne s'est pas trouvé sur le champ de bataille, et cela eût pu m'être très-funeste. Cependant, après un ordre très-précis, vous deviez vous trouver à Dornburg, qui est un des principaux débouchés de la Saale, le même jour que le maréchal Lannes se trouvait à Iena, le maréchal Augereau à Kahla, et le maréchal Davout à Naumburg. Au défaut d'avoir exécuté ces dispositions, je vous avais fait connaître, dans la nuit, que, si vous étiez encore à Naumburg, vous deviez marcher sur le maréchal Davout et le soutenir. Vous étiez à Naumburg lorsque cet ordre est arrivé; il vous a été communiqué, et cependant vous avez préféré faire une fausse marche pour retourner à Dornburg, et, par là, vous ne vous êtes pas trouvé à la bataille, et le maréchal Davout a supporté les principaux efforts de l'armée ennemie. Tout cela est certainement très-malheureux. Les circonstances se sont offertes depuis de donner des preuves de votre zèle; il s'en offrira d'autres encore où vous pourrez donner des preuves de vos talents et de votre attachement à ma personne.


Wittenberg, 23 octobre 1806

Au maréchal Mortier

Mon Cousin, vous trouverez ci-joint une note que doit présenter mon ministre ou mon chargé d'affaires à Cassel. Vous la lui enverrez par un de vos aides de camp, avec ordre de la présenter quand vous vous trouverez à une petite marche de Cassel.

Arrivé à Cassel, vous ferez transporter toutes les armes et les canons à Mayence; vous désarmerez toutes les troupes, et vous prendrez les colonels, lieutenants-colonels, majors et capitaines comme otages, que vous enverrez, sous bonne et sûre escorte, dans la citadelle de Luxembourg.

Si le prince de Hesse-Cassel et le prince héréditaire restent, vous les ferez l'un et l'autre prisonniers de guerre, et vous les enverrez, sous bonne et sûre escorte, à  Metz, où ils seront logés au palais de cette ville. Vous laisserez la femme et les enfants maîtres de faire ce qu'ils voudront. Le prince de Hesse-Cassel et le prince héréditaire seront arrêtés comme généraux prussiens. Immédiatement après, vous ferez ôter les armes de Hesse-Cassel. Vous occuperez la place de Hanau. Vous ferez mettre les scellés sur les caisses et magasins. Vous nommerez le général de division Lagrange gouverneur du pays. Vous ferez percevoir les revenus et administrer la justice en mon nom. Secret et rapidité, ce sont vos grands moyens de réussite. Je vous laisse le maître de pénétrer par Fulde ou par Eisenach. C'est aujourd'hui le 23 : en calculant de manière à arriver le 28, le 29 ou le 30, vous devez avoir sous vos ordres deux divisions de 4,000 hommes chacune.

L'avant-garde de l'armée du Nord doit être en marche de Wesel pour se rendre à Goettingen, où elle doit être le 26 ou le 27. Cette avant-garde est composée de 10,000 hommes. Si vous croyez en avoir besoin, vous trouverez ci-joint l'ordre pour le général commandant. Elle entrerait par Paderborn ou Goettingen, selon l'endroit où elle serait arrivée. Les troupes désarmées, si la place de Hanau voulait faire résistance, vous ferez venir quelques pièces, quelques mortiers de Mayence, et vous en ferez sur-le-champ le siège.

Mon intention est que la Maison de Hesse-Cassel ait cesser de régner, et soit effacée du nombre des puissances.

Le 1e régiment de ligne italien, fort de 1,000 hommes, arrive le 26 à Mayence ; il pourra donc être à Fulde le 29. Le 10 novembre arrive le 1e d'infanterie légère italien ; il pourra servir pour le siège de Hanau.

S'il y a encore des troupes du contingent de Darmstadt et du u prince de Nassau à fournir, vous pouvez les demander pour en grossir vos colonnes. Je ne pense pas que Hesse-Cassel ait plus de 5 ou 600 hommes réunis; cependant, si vous croyez avoir besoin du secours de l'avant-garde de l'armée du Nord, il suffira, je pense, de faire entrer par Paderborn ou par Goettingen une division. Il y a à Mayence beaucoup de détachements de cavalerie à pied; organisez un millier d'hommes de chasseurs, hussards et dragons à pied avec leurs fusils; cela fera un renfort pour vos colonnes, et vous leur donnerez les chevaux de la cavalerie hessoise, ce qui me montera autant d'hommes.

Je compte sur de l'activité et de la célérité dans cette opération. Vous ferez une proclamation pour prescrire à tout le monde de rester tranquille; vous désarmerez tout le pays, et je désire beaucoup qu'avant le 5 novembre votre corps, hormis ce qui sera nécessaire pour assurer la police du pays, soit disponible pour se rendre en Hanovre; mais je vous ferai passer mes ordres d'ici à ce temps-là. Aussitôt que vous n'aurez plus besoin de la division de l'armée du Nord, vous la renverrez à Goettingen. Je suppose que le roi de Hollande est resté à Wesel; s'il avait marché avec l'avant-garde, vous vous concerteriez avec ce prince pour tous ces mouvements. Le principe de votre opération est de ne laisser organiser aucun corps de Hessois et de les désorganiser tous, parce que, si un ou deux régiments se formaient et se jetaient sur nos derrières, ce serait toujours un petit sujet d'inquiétude. Dans ce cas, vous les poursuivriez jusqu'à ce que vous les eussiez détruits. Vous ferez imprimer dans le pays la note de mon ministre en francais et en allemand.

Vous publierez aussi la proclamation ci-jointe.

Vous recommanderez au général Lagrange de correspondre tous les jours avec le major général. Un inspecteur aux revues sera envoyé avec le titre et les fonctions d'intendant. Ordonnez que tout homme qui gardera des armes après l'ordre du désarmement, soit fusillé.

NOTE

Le soussigné, chargé d'affaires de S. M. l'Empereur et Roi d'Italie, est chargé de déclarer à Son Altesse Sérénissime le prince de Hesse-Cassel, maréchal au service de Prusse, que S. M. l'Empereur a une parfaite connaissance de l'adhésion à la coalition de la Prusse de la part de la cour de Cassel; que c'est en conséquence de cette adhésion que les semestriers ont été appelés, des chevaux distribués à la cavalerie, la place de Hanau approvisionnée et abondamment pourvue de garnison;

Que c'est en vain que Sa Majesté a fait connaître à M. de Malsburg, ministre du prince de Hesse-Cassel à Paris, que tout armement de la part du prince de Hesse-Cassel serait regardé comme une hostilité ; que, pour toute réponse, la cour de Hesse-Cassel a ordonné à M. de Malsburg de demander des passe-ports à Paris et de retourner à Cassel;

Que, depuis, les troupes prussiennes sont entrées à Cassel; qu'elles y ont été accueillies avec enthousiasme par le prince héréditaire, général au service de Prusse, qui a même traversé la ville à leur tête;

Que ces troupes ont traversé tous les États de Hesse-Cassel pour attaquer l'armée française à Francfort;

Qu'immédiatement après, le plan de campagne de l'armée française étant venu à se développer, les généraux prussiens ont senti la nécessité de rappeler tous leurs détachements pour se concentrer à Weimar, afin de livrer bataille;

Que c'est donc par l'effet des circonstances militaires, et non de la neutralité de la Hesse, que les troupes prussiennes ont rétrogradé sur leurs lieux de rassemblement;

Que, pendant tout le temps que le sort des armes a été incertain, la cour de Cassel a continué ses armements, toujours en opposition aux déclarations de l'Empereur qu'il considérerait tout armement comme un acte d'hostilité;

Que, les armées prussiennes ayant été battues et rejetées au delà de l'Oder, il serait aussi imprudent qu'insensé de la part du général de l'armée française de laisser se former cette armée hessoise, qui serait prête à tomber sur les derrières de l'armée française si elle éprouvait un échec;

Que le soussigné a donc reçu l'ordre exprès de déclarer que la sûreté de l'armée française exige que la place de Hanau et tout le le pays de Hesse-Cassel soient occupés ; que les armes, canons, arsenaux, soient remis à l'armée française, et que tous les moyens soient pris pour assurer les derrières de l'armée contre l'inimitié constante qu'à montrée à l'égard de la France la Maison de Hesse-Cassel.

Il reste au prince de Hesse-Cassel à voir dans la situation des choses s'il veut repousser la force par la force et rendre son pays le théâtre des désastres de la guerre. Toutefois, cela étant incompatible avec une mission politique, le soussigné a reçu ordre de demander ses passe-ports et de se retirer de suite.

PROCLAMATION

Habitants de Hesse, je viens prendre possession de votre pays. C'est le seul moyen de vous éviter les horreurs de la guerre.

Vous avez été témoins de la violation de votre territoire par les troupes prussiennes. Vous avez été scandalisés de l'accueil que leur a fait le prince héréditaire. D'ailleurs, votre souverain et son fils, ayant des grades au service de Prusse, sont tenus à l'obéissance aux ordres du commandant en chef de l'armée prussienne. Sa qualité de souverain est incompatible avec celle d'officier au service d'une puissance et la dépendance des tribunaux étrangers.

Votre religion, vos lois, vos mœurs, vos privilèges seront respectés; la discipline sera maintenue. De votre côté, soyez tranquilles. Ayez confiance au grand souverain dont dépend votre sort. Vous ne pouvez éprouver que de l'amélioration.


Wittenberg, 23 octobre 1806

15e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Voici les renseignements qu'on a pu recueillir sur les causes de cette étrange guerre.

Le général Schmettau (mort prisonnier à Weimar) fit un mémoire écrit avec beaucoup de force, et dans lequel il établissait que l'armée prussienne devait se regarder comme déshonorée, qu'elle était cependant en état de battre les Français, et qu'il fallait faire la guerre. Les généraux Rüchel (tué) et Blücher (qui ne s'est sauvé que par un subterfuge, en abusant de la bonne foi française) souscrivirent ce mémoire, qui était rédigé en forme de pétition au Roi. Le prince Louis-Ferdinand de Prusse (tué) l'appuya de toutes sortes de sarcasmes. L'incendie gagna toutes les têtes. Le duc de Brunswick (blessé très-grièvement), homme connu pour être sans volonté et sans caractère, fut enrôlé dans la faction de la guerre. Enfin, le mémoire étant ainsi appuyé, on le présenta au Roi. La Reine se chargea de disposer l'esprit de ce prince et de lui faire connaître ce qu'on pensait de lui. Elle lui rapporta qu'on disait qu'il n'était pas brave, et que, s'il ne faisait pas la guerre, c'est qu'il n'osait pas se mettre à la tête de l'armée. Le Roi, réellement aussi brave qu'aucun prince de Prusse, se laissa entraîner, sans cesser de conserver l'opinion intime qu'il faisait une grande faute.

Il faut sigualer les hommes qui n'ont pas partagé les illusions des partisans de la guerre : ce sont le respectable feld-maréchal Moellendorf et le général Kalkreuth.

On assure qu'après la belle charge du 9e et du 10e régiment de hussards, à Saalfeld, le Roi dit :

"Vous prétendiez que la cavalerie francaise ne valait rien, voyez cependant ce que fait la cavalerie légère, et jugez ce que feront les cuirassiers. Ces troupes ont acquis leur supériorité par quinze ans de combats; il en faudrait autant afin de parvenir à les égaler; mais qui de nous serait assez ennemi de la Prusse pour désirer cette terrible épreuve ? "

L'Empereur, déjà maître de toutes les communications et des magasins de l'ennemi, écrivit, le 12 de ce mois, la lettre ci-joint qu'il envoya au roi de Prusse par l'officier d'ordonnance Montesquiou. (voir la lettre du 12 octobre, écrite de Gera)

Cet officier arriva le 13, à quatre heures après midi, au quartier du général Hohenlohe, qui le retint auprès de lui et qui prit la lettre dont il était porteur. Le camp du roi de Prusse était à deux lieues en arrière; ce prince devait donc recevoir la lettre de l'Empereur au plus tard à six heures du soir; on assure cependant qu'il ne la reçue que le 14, à neuf heures du matin, C'est-à-dire lorsque déjà l'on se battait.

On rapporte aussi que le roi de Prusse dit alors :

"Si cette le était arrivée plus tôt, peut-être aurait-on pu ne pas se battre; mais ces jeunes gens ont la tête tellement montée, que, s'il eût été question hier de paix, je n'aurais pas ramené le tiers de mon armée à Berlin. "

Le roi de Prusse a eu deux chevaux tués sous lui et a reçu un coup de fusil dans la manche.

Le duc de Brunswick a eu tous les torts dans cette guerre; il a mal conçu et mal dirigé les mouvements de l'armée; il croyait 1'Empereur à Paris, lorsqu'il se trouvait sur ses flancs; il pensait avoir l'initiative des mouvements, et il était déjà tourné.

Au reste, la veille de la bataille, la consternation était déjà dans les chefs. Ils reconnaissaient qu'on était mal posté, et qu'on allait jouer le va-tout de la monarchie. Ils disaient tous : 

"Eh bien, nous payerons de notre personne; "

ce qui est d'ordinaire le sentiment des hommes qui conservent peu d'espérance.

La Reine se trouvait toujours au quartier général à Weimar; il a bien fallu lui dire enfin que les circonstances étaient sérieuses, et que le lendemain il pouvait se passer de grands événements pour la monarchie prussienne. Elle voulait que le Roi lui dît de s'en aller et, en effet, elle fut mise dans le cas de partir.

Lord Morpeth, envoyé par la cour de Londres pour marchander le sang prussien, mission véritablement indigne d'un homme tel que lui, arriva le 11 à Weimar, chargé de faire des offres séduisantes et de proposer des subsides considérables. L'horizon s'était déjà obscurci. Le cabinet ne voulut pas voir cet envoyé; il lui fit dire qu'il y avait peut-être peu de sûreté pour sa personne, et il l'engagea à retourner à Hambourg pour y attendre l'événement. Qu'aurait dit la duchesse de Devonshire si elle avait vu son gendre chargé de Souffler le feu de la guerre, de venir offrir un or empoisonné, et obligé de revenir sur ses pas tristement et en grande hâte ? On ne peut que s'indigner de voir l'Angleterre compromettre ainsi des agents estimables et jouer un rôle aussi odieux.

On n'a point encore de nouvelles de la conclusion d'un traité entre la Prusse et la Russie, et il est certain qu'aucun Russe n'a paru jusqu'à ce jour sur le territoire prussien. Du reste l'armée désire fort les voir; ils trouveront Austerlitz en Prusse.

Le prince Louis-Ferdinand de Prusse et les autres généraux qui ont succombé sous les premiers coups des Français sont aujourd'hui désignés comme les principaux moteurs de cette incroyable frénésie. Le Roi, qui en a couru toutes les chances et qui supporte tous les malheurs qui en ont été le résultat, est, de tous les hommes entraînés par elle, celui qui y était demeuré le plus étranger.

Il y a à Leipzig une telle quantité de marchandises anglaises, qu'on a déjà offert soixante millions pour les racheter.

On se demande ce que l'Angleterre gagnera à tout ceci. Elle pouvait recouvrer le Hanovre, garder le cap de Bonne-Espérance, conserver Malte, faire une paix honorable et rendre la tranquillité au monde. Elle a voulu exciter la Prusse contre la France, pousser l'Empereur et la France à bout. Eh bien, elle a conduit la Prusse à sa ruine, procuré à l'Empereur une plus grande gloire, à la France une plus grande puissance, et le temps approche où l'on pourra déclarer l'Angleterre en état de blocus continental. Est-ce donc avec du sang que les Anglais ont espéré alimenter leur commerce et ranimer leur industrie ? De grands malheurs peuvent fondre sur l'Angleterre. L'Europe les attribuera à la perte de ce ministre, honnête homme, qui voulait gouverner par des idées grandes et libérales, et que le peuple anglais pleurera un jour avec des larmes de sang.

Les colonnes francaises sont déjà en marche sur Potsdam et Berlin. Les députés de Potsdam sont arrivés pour demander une sauvegarde.

Le quartier général est aujourd'hui à Wittenberg.


Wittenberg, 23 octobre 1806

Au prince Eugène

Mon fils, vous avez envoyé un bataillon de dragons à Ancone; vous avez ainsi organisé ces régiments de manière qu’ils n’ont pas d’hommes pour monter les chevaux que je leur envoie; cependant ce qui m’importe, c’est d’avoir de la cavalerie; faites donc rentrer ces détachements à leurs corps. Veillez à ce que les dépôts des régiments de cavalerie de l’armée de Naples aient chacun 200 chevaux sellés et exercés, ce qui vous ferait 12 ou 14 escadrons qui vous seraient d’une grande utilité. Il serait même convenable, s’ils ont des hommes, qu’on augmentât le nombre des chevaux.

(Mémoires du prince Eugène)


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