16 - 31 octobre 1806


Wittenberg, 23 octobre 1806

16e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Le duc de Brunswick a envoyé son maréchal du palais à l'Empereur. Cet officier était chargé d'une lettre par laquelle le duc recommandait ses États à Sa Majesté.

L'Empereur lui a dit : 

"Si je faisais démolir la ville de Brunswick et si je n'y laissais pas pierre sur pierre, que dirait votre prince ? La loi du talion ne me permet-elle pas de faire à Brunswick ce qu'il voulait faire dans ma capitale ? Annoncer le projet de démolir des villes, cela peut être insensé; mais vouloir ôter l'honneur à toute une armée de braves gens, lui proposer de quitter l'Allemagne par journées d'étapes, à la seule sommation de l'armée prussienne, voilà ce que la postérité aura peine à croire. Le duc de Brunswick n'eût jamais dû se permettre un tel outrage. Lorsqu'on a blanchi sous les armes, on doit respecter l'honneur militaire; et ce n'est pas d'ailleurs dans les plaines de la Champagne que ce général a pu acquérir le droit de traiter les drapeaux français avec un tel mépris. Une pareille sommation ne déshonorera que le militaire qui l'a pu faire. Ce n'est pas au roi de Prusse que restera ce déshonneur; c'est au chef de son conseil militaire, c'est au général à qui, dans ces circonstances difficiles, il avait remis le soin des affaires; c'est enfin le duc de Brunswick, que la France et la Prusse peuvent accuser seul de la guerre. La frénésie dont ce vieux général a donné l'exemple a autorisé une jeunesse turbulente et entraîné le Roi contre sa propre pensée et son intime conviction. Toutefois, Monsieur, dites aux habitants du pays de Brunswick qu'ils trouveront dans les Français des ennemis généreux; que je désire adoucir à leur égard les rigueurs de la guerre, et que le mal que pourrait occasionner le passage des troupes serait contre mon gré. Dites au général Brunswick qu'il sera traité avec tous les égards dus à un officier prussien, mais que je ne puis reconnaître dans un général prussien un souverain. S'il arrive que la Maison de Brunswick perde la souveraineté de ses ancêtres, elle ne pourra s'en prendre qu'à l'auteur des deux guerres qui, dans l'une, voulut saper jusque dans ses fondements la grande capitale, qui, dans l'autre, prétendait déshonorer 200,000 braves qu'on parviendrait peut-être à vaincre, mais qu'on ne surprendra jamais hors du chemin de l'honneur et de la gloire. Beaucoup de sang a été versé en peu de jours; de grands désastres pèsent sur la monarchie prussienne. Qu'il est digne de blâme, cet homme qui, d'un mot, pouvait les prévenir, si, comme Nestor élevant la parole au milieu des conseils, il avait dit : Jeunesse inconsidérée, taisez-vous; femmes, retournez à vos fuseaux et rentrez dans l'intérieur de vos ménages ! Et vous, Sire, croyez-en le compagnon du plus illustre de vos prédécesseurs : puisque l'Empereur Napoléon ne veut pas la guerre, ne le placez pas entre la guerre et le déshonneur; ne vous engagez pas dans une lutte dangereuse avec une armée qui s'honore de quinze ans de travaux glorieux, et que la victoire a accoutumée à tout soumettre. Au lieu de tenir ce langage, qui convenait si bien à la prudence de son âge et à l'expérience de sa longue carrière, il a été le premier à crier aux armes ! il a méconnu jusqu'aux liens du sang, en armant un fils contre son père; il a menacé de planter ses drapeaux sur le palais de Stuttgart; et, accompagnant ces démarches d'imprécations contre la France, il s'est déclaré l'auteur de ce manifeste insensé qu'il avait désavoué pendant quatorze ans, quoiqu'il n'osât pas nier de l'avoir revêtu de sa signature."

On a remarqué que, pendant cette conversation, l'Empereur, avec cette chaleur dont il est quelquefois animé, a répété souvent : 

"Renverser et détruire les habitations des citoyens paisibles, c'est un crime qui se répare avec du temps et de l'argent; mais déshonorer une armée, vouloir qu'elle fuie hors de l'Allemagne devant l'aigle prussienne, c'est une bassesse que celui-là seul qui la conseille était capable de commettre."

M. de Lucchesini est toujours au quartier général. L'Empereur a refusé de le voir; mais on observe qu'il a de fréquentes conférences avec le grand maréchal du palais, Duroc.

L'Empereur a ordonné de faire présent, sur la grande quantité de draps anglais qui a été trouvée à Leipzig, d'un habillement complet à chaque officier, et d'une capote et d'un habit à chaque soldat.

Le quartier général est à Kropstaedt.


Camp impérial, Kropstaedt, 24 octobre 1806

A M. de Champagny

Monsieur Champagny, vous verrez que, par décret de ce jour, j'ai ordonné la mise en activité de 3,000 hommes de gardes nationales dans les départements des 11e et 12e divisions militaires. J'en ai donné le commandement et l'organisation au général Lamartillière. Cela sera un moyen de donner du pain à beaucoup d'hommes dans les départements de la Gironde, et un moyen de pourvoir à la sûreté de ces contrées. Concertez cela avec le ministre Dejean et le général Lamartillière, et que celui-ci parte sur-le-champ.


Postdam, 24 octobre 1806

A Joséphine

Je suis a Postdam, ma bonne amie, depuis hier. Je resterai aujourd'hui. Je continue à être satisfait de mes affaires. Ma santé est bonne, le temps est très beau. J'ai trouve Sans-Souci très agréable.

Adieu mon amie, bien des choses à Hortense et a M. Napoléon.


Potsdam. 24 octobre 1806

Au maréchal Davout

Mon Cousin, une colonne assez considérable est partie de Magdeburg pour Stettin; on manœuvre en ce moment pour la couper. Toute la cavalerie légère du maréchal Lannes et la réserve de cavalerie se dirigent sur Oranienburg, où il me paraît qu'il est à propos que vous dirigiez toute votre division de dragons. Envoyez de forts partis pour vous mettre en correspondance avec le général Milhaud, qui sera dans la matinée à Hennigstlorf, le général Lasalle qui sera à Oranienburg; de l'autre côté, envoyez des partis à huit ou dix lieues de Berlin chercher des renseignements, et faites-moi connaître tous les renseignements que vous pourrez avoir dans cette grande ville. Je resterai toute la journée d'aujourd'hui à Potsdam. Comme le fort de Spandau veut tenir, on le canonnera aujourd'hui. Envoyez savoir des renseignements, mais n'en prenez pas d'inquiétude.


Potsdam, 24 octobre 1806

Au général Bertrand

Rendez-vous au lieu où vous avez laissé le 10e régiment hussards. Soyez arrivé avant le jour avec ce régiment à Spandau; occupez la ville et le pont; cernez le fort, mais hors de portée, assez pour parfaitement le reconnaître; interrogez les habitants de Spandau sur ce qu'il y a eu de nouveau depuis trois ou quatre jours. Le régiment enverra un petit parti sur Wüstermark pour se réunir avec le général Savary, qui sera au jour dans ce village avec 100 chevaux. Envoyez également un petit parti à Hennigsdorf pour éclairer cette route et se réunir avec le général de brigade Milhaud, qui doit s'y rendre dans la matinée avec sa cavalerie.

A huit heures j'attendrai le premier rapport que vous me ferez sur Spandau et sur tout ce qui pourrait se passer à votre connaissance, de manière que je l'aie avant dix heures du matin.

Le prince Murat, la cavalerie de dragons arriveront avant neuf heures, l'infanterie avant dix, avec des pièces de 12. Vous aurez avec vous les officiers du génie du prince Murat et du maréchal Lannes. Si l'on peut concevoir l'espérance de s'emparer, par une canonnade, du fort, vous placerez les batteries et vous commencerez la canonnade. Vous m'enverrez un rapport à midi, un deuxième à trois heures, un troisième à six heures. Vous reviendrez lorsque Spandau sera pris. Vous m'enverrez une note sur sa position et sa population. 


Potsdam, 25 octobre 1806

17e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Le corps du maréchal Lannes est arrivé le 24 à Potsdam.

Le corps du maréchal Davout a fait son entrée le 25, à dix heures du matin, à Berlin.

Le corps du maréchal prince de Ponte-Corvo est à Brandeburg. Le corps du maréchal Augereau fera son entrée à Berlin demain 26. 

L'Empereur est arrivé hier à Potsdam et est descendu au palais; dans la soirée il est allé visiter le nouveau palais, Sans-Souci et toutes les positions qui environnent Potsdam. Il a trouvé la situation et la distribution du château de Sans-Souci agréables. Il est resté quelque temps dans la chambre du grand Frédéric, qui se trouve tendue et meublée telle qu'elle l'était à sa mort.

Le prince Ferdinand, frère du grand Frédéric, est demeuré à Berlin.

On a trouvé dans l'arsenal de Berlin cinq cents pièces de canon, plusieurs centaines de milliers de poudre et plusieurs milliers de fusils.

Le général Hulin est nommé commandant de Berlin.

Le général Bertrand, aide de camp de l'Empereur, s'est rendu à Spandau; la forteresse se défend; il en a fait l'investissement avec les dragons de la division Dupont.

Le grand-duc de Berg s'est rendu à Spandau pour se mettre à la poursuite d'une colonne qui file de Spandau sur Stettin, et qu'on espère couper.

Le maréchal Lefebvre, commandant la Garde impériale à pied, et le maréchal Bessières, commandant la Garde impériale à cheval, sont arrivés à Potsdam le 24, à neuf heures du soir. La Garde à pied a fait quatorze lieues dans un jour.

L'Empereur reste toute la journée du 26 à Potsdam.

Le corps du maréchal Ney bloque Magdeburg.

Le corps du maréchal Soult a passé l'Elbe à une journée de Magdeburg et poursuit l'ennemi sur Stettin.

Le temps continue à être superbe; c'est le plus bel automne l'on ait vu.

En route l'Empereur, étant à cheval pour se rendre de Wittenberg à Potsdam , a été surpris par un orage et a mis pied à terre dans la maison du grand veneur de Saxe. Sa Majesté a été fort surprise de s'entendre appeler par son nom par une jolie femme; c'était une Égyptienne, veuve d'un officier français de l'armée d'Égypte, et qui se trouvait en Saxe depuis trois mois; elle demeurait chez le gouverneur de Saxe, qui l'avait recueillie et honorablement traitée. L'Empereur lui a fait une pension de 1,200 francs et s'est chargé de placer son enfant. 

"C'est la première fois, a dit l'Empereur, que je mets pied à terre pour un orage; j'avais le pressentiment qu'une bonne action m'attendait là."

On a remarqué comme une singularité que l'Empereur Napoléon est arrivé à Potsdam et est descendu dans le même appartement, le même jour et presqu'à la même heure que l'empereur de Russie lors du voyage que fit ce prince, l'année passée, qui a été si funeste à la Prusse. C'est de ce moment que la Reine a quitté le soin de affaires intérieures et les graves occupations de la toilette pour se mêler des affaires d'État, influencer le Roi, et susciter partout ce dont elle était possédée.

La saine partie de la nation prussienne regarde ce voyage comme un des plus grands malheurs qui soit arrivé à la Prusse. On ne se fait point l'idée de l'activité de la faction prussienne pour porter Roi à la guerre malgré lui. Le résultat du célèbre serment fait sur le tombeau du grand Frédéric, le 4 novembre 1805, a été la bataille d'Austerlitz et l'évacuation de l'Allemagne par l'armée russe à journées d'étapes. On fit, quarante-huit heures après, sur ce sujet, une gravure qu'on voit dans toutes les boutiques, et qui excite le rire même des paysans. On y voit le bel empereur de Russie, près de la Reine, et de l'autre côté le Roi qui lève la main sur le tombeau du grand Frédéric; la Reine elle-même, drapée d'un châle, à peu près comme les gravures de Londres représentent lady Hamilton, appuie la main sur son cœur et a l'air de regarder l'empereur de Russie. On ne conçoit point que la police de Berlin ait laissé répandre une aussi pitoyable satire.

Toutefois l'ombre du grand Frédéric n'a pu que s'indigner de cette scène scandaleuse. Son génie, son esprit et ses vœux étaient avec la nation qu'il a tant estimée, et dont il disait que, s'il en était roi, il ne se tirerait point un coup de canon en Europe sans sa permission.


Potsdam, 25 octobre 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, vingt-quatre heures après la réception du présent ordre, faites partir soixante jeunes gens de l'école de Metz pour se rendre au parc de la Grande Armée comme sous-lieutenants. Le major général leur désignera les compagnies dans lesquelles ils doivent entrer. L'artillerie a besoin de sujets. Expédiez-en également dix pour servir comme adjoints du génie, et remplacez tous ces jeunes gens à l'école de Metz.

J'imagine que vous avez déjà expédié les jeunes gens de l'école de Fontainebleau et de l'école polytechnique que j'ai nommés. Rendez- vous vous-même à Fontainebleau, et choisissez-y deux cents jeunes gens que vous adresserez au major général, qui les attachera aux différents corps. Faites également une inspection à Saint-Cyr, et choisissez-y les jeunes gens au-dessus de dix-sept ans pour être employés dans des corps. Chargez le général Lacuée d'envoyer de l'école polytechnique à l'armée ce qu'il y a de trop. Cinq à six cents jeunes gens instruits ne feront que du bien aux corps et y acquerront plus en trois mois qu'ils ne pourront acquérir en deux ans dans les livres. Mais il faut que tout cela parte quatre ou cinq jours après cette lettre et arrive avant le 10 novembre à Berlin. Je vous ai fait connaître que je ne voulais point d'adjudants commandants ni d'adjoints dans les divisions de l'intérieur, excepté un pour Brest; et il faut donner la réforme à tous ceux qui ne pourraient pas servir activement. Il s'en trouve beaucoup de mauvais parmi ceux qui arrivent ici; je les réformerai à mesure. Il est ridicule d'avoir des officiers qui ne servent point et des restes des événements de la révolution qui ne soient d'aucune utilité. Je n'ai pas besoin davantage, dans l'intérieur, d'inspecteurs aux revues et de commissaires des guerres; cependant la Grande Armée en a besoin. Un général de brigade et un général de division sont suffisants par division militaire. Ainsi la France se trouve organisée avec une trentaine de généraux, autant de commissaires ordonnateurs et des guerres et la moitié d'inspecteurs aux revues. %Mon intention n'est pas d'avoir une organisation nombreuse sans troupes.

J'avais ordonné qu'on passât une inspection générale au 1er octobre pour réformer les hommes blessés ou infirmes; j'imagine qu'elle a eu lieu. Il est bien important de débarrasser nos cadres de ce tas d'hommes inutiles qui y sont encore.

Donnez ordre au général de division Legrand, qui est à Boulogne, de se rendre à Wesel pour y servir sous les ordres du roi de Hollande; le maréchal Brune a beaucoup de généraux; il le fera remplacer par un bon général de brigade.

Comme j'ai retiré de Bordeaux le ler régiment italien et le 112e, il est convenable de mettre en réquisition dans les Landes, dans la Gironde et les Pyrénées, 3,000 hommes de gardes nationales pour garder les côtes. Dans ce cas le sénateur Lamartillière pourra effectuer l'organisation et les commander. Vous trouverez ci-joint le décret que j'ai pris à ce sujet.

Faites connaître au sénateur Gouvion que je le verrai avec plaisir ici, où je l'emploierai utilement pour mon service; qu'il peut partir pour venir me joindre à Berlin.

Je n'entends pas dire qu'on ait organisé les légions du Nord. Vous ne me parlez pas des régiments suisses. Je reçois seulement un rapport sur les Grisons, où il me paraît qu'on a commencé à s' organiser. Présentez au conseil des ministres un projet de sénatus-consulte pour m'autoriser à appeler la conscription de 1807 avant le temps.

J'ai pris un décret pour dédoubler les trois bataillons du train de dernière formation; j'en ai besoin. Activez le plus possible leur organisation. Pour les chevaux et les harnais, je me les procurerai ici; il suffit qu'il me vienne des soldats du train. Ordonnez au 9e bataillon du train, qui est à Douai, de se diriger sur Erfurt. Avec les fonds que vous lui avez donnés, il se procurera des chevaux en Allemagne avec beaucoup plus de facilité.

 J'ai ordonné que les dépôts des cinq régiments de dragon qui sont à Versailles, celui qui est à Moulins et le 10e, qui est à Amiens, eussent chacun 200 chevaux ; mais ces dépôts ont plus de 200 hommes. Ordonnez que le surplus parte pour Berlin avec leurs bottes et leurs sabres; arrivés à Berlin, je les monterai.

Donnez ordre au général de brigade Labruyère, qui est au camp de Boulogne, de se rendre à la Grande Armée.

Donnez ordre à la 4e compagnie du 5e régiment d'artilleries qui est à Boulogne, de se rendre à l'armée. Cette compagnie sera complétée à 100 hommes. Donnez ordre à la 11e compagnie du 8-ed'artillerie, qui est à Boulogne, de se compléter à 100 hommes, pour se rendre également à la Grande Armée.


Potsdam, 25 octobre 1806

Au général Lamartillière

Monsieur le Sénateur Lamartillière, je vous donne une mission qui vous convaincra de l'estime que je vous porte et de ma confiance dans votre talent et dans votre zèle pour mon service.

Transportez-vous à Bordeaux. Réunissez 3,000 hommes de gardes nationales; instruisez-les pour la défense de mes côtes de la Gironde. En cas d'événements ayez même l'oeil sur Rochefort, pour pouvoir vous y porter.

Il me suffit que ces corps soient en état de servir au 1er décembre. Vous les ferez exercer pendant tous les mois d'hiver, afin qu'ils soient en état de servir au printemps, saison où les Anglais peuvent inquiéter mes côtes.


Potsdam, 25 octobre 1806

Au maréchal Kellermann

Mon Cousin, vous n'avez point compris le sens de l'organisation du corps de gendarmerie d'ordonnance. Cela n'a rien de commun avec les corps qu'on avait demandés. Mon intention a été que les officiers fussent pris parmi eux-mêmes. En organisant ce corps, j'ai été induit plus par des raisons politiques que militaires. Je vous envoie la liste que me fait parvenir le ministre de l'intérieur. Quand vous en aurez cent, vous les organiserez et vous les dirigerez sur Bertin, en nommant les officiers pris parmi eux-mêmes.


Potsdam, 25 octobre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, le roi de Naples renvoie deux régiments de dragons. Aussitôt que la tête sera arrivée à Ancône, vous ferez partir deux régiments de chasseurs que vous dirigerez sur Augsbourg. Les dépôts des cinq régiments de chasseurs et des sept de dragons de l'armée de Naples qui sont en Italie doivent avoir 200 chevaux, mais ils ont beaucoup plus d'hommes; envoyez-m'en l'état sans délai, et donnez-leur l'autorisation de passer un marché pour acheter un plus grand nombre de chevaux. Veillez à l'organisation de ces quatorze escadrons ; faites revenir le bataillon à pied d'Ancône, et portez une grande activité à les monter, afin qu'en mars prochain la cavalerie de Naples vous forme un corps de 4,000 chevaux, instruit et discipliné. Vous devez avoir déjà reçu en Italie plus de 15,000 conscrits. Je vois avec plaisir que leur habillement est prêt, et qu'on ne perd pas de temps à les discipliner. Écrivez-moi si le ministre Dejean a donné la retraite aux vieux officiers, et s'il a envoyé des jeunes pour les remplacer. Lisez et relisez l'instruction générale que je vous ai donnée avant mon départ, et exécutez-la constamment et insensiblement. En me renvoyant deux régiments de chasseurs, envoyez-moi les plus nombreux en hommes; leurs selles seront portées sur des chariots, et vous les dirigerez sur Augsbourg. Donnez ordres aux majors de partir devant pour acheter des chevaux à Augsbourg avec les fonds qu'ils ont; je fournirai le surplus. Comme les chevaux sont rares en Italie, les régiments qui partent pourraient laisser des chevaux aux régiments qui restent en Italie; ils se procureront des chevaux en Allemagne avec l'argent de ceux qu'ils auront vendu aux autres corps; par ce moyen on ne perdra rien en Italie en nombre de chevaux. Surtout ne touchez jamais aux deux régiments de cavalerie du corps du Frioul. Ce corps ainsi organisé formerait votre corps de retraite, comme vos dépôts formeraient vos garnisons. Les grands coups se porteront ici. Toutes ces dispositions ne sont que spéculatives. Il n'y a pas d'apparence que l'Autriche bouge, et aujourd'hui que la Prusse est anéantie.


Potsdam, 25 octobre 1806

Au roi de Naples

Je vois avec plaisir que vous avez renvoyé deux régiments de cavalerie; renvoyez-en deux autres. Les régiments de cavalerie vous sont  à ce que je vois, peu nécessaires à Naples. J'aurais bien quelque chose à dire à l'envoi de 2,000 galériens, dont je ne saurai que faire en France. Pourvu, au moins, qu'ils soient bien gardés et qu'ils n'empestent point le Piémont !

Prenez tous les moyens pour préserver vos troupes des maladies. Je vois avec peine que vous avez renvoyé, Verdier; c'est un excellent officier. Vous avez peu d'hommes qui, dans des événements, pourraient vous rendre les services que vous deviez attendre de cet officier. Toutefois renvoyez tous les généraux dont vous n'avez pas besoin, et gardez les bons, ceux qui ont l'habitude du feu et des chances.

J'ai écrasé la monarchie prussienne; j'écraserai les Russes, s'ils arrivent; je ne crains pas davantage les Autrichiens. Je ne vous demanderai pas de troupes; je n'en ai pas besoin. Si cependant vous pouvez m'envoyer de la cavalerie, faites-le ; car autant vous en enverrez, autant j'en retirerai d'Italie pour la Grande Armée. C'est ici le pays de la cavalerie, et elle ne peut rien à Naples contre des brigands, ni dans les rochers et dans les montagnes.

J'ai ordonné à mon ministre du trésor de vous envoyer encore 500,000 francs en or. Si les pertes que vous avez faites en Polonais rendaient leurs cadres incomplets, envoyez-les à Landau, où ils feront partie des légions du Nord. Ce sera un objet d'économie pour vous.


Potsdam, 25 octobre 1806

Au roi de Hollande

Vous avez eu tort de demander qu'on levât des gardes nationales dans les nouveaux départements. Le grand nombre de conscrits qui va arriver dans les 25e et 26, divisions militaires est tel, qu'on pourra mettre facilement 10,000 hommes dans Wesel, si cela était nécessaire. Vous avez eu également tort de demander que les corps qui sont à Paris se dirigeassent sur Wesel, puisque vous n'en avez aucun besoin , et que ces corps sont destinés à se porter en Bretagne, à Cherbourg ou à Boulogne, selon les circonstances. Vous vous décidez trop vite, vous vous alarmez pour peu de chose; il faut délibérer avec plus de sang-froid et mûrir vos instructions. Si ces corps étaient à Wesel, où ils sont inutiles, et que les Anglais fissent un débarquement à Brest, vous voyez combien mes mesures seraient dérangées. Je donne ordre qu'on envoie à votre armée le général Legrand, qui est à Boulogne. Que diable voulez-vous faire du général Desfourneaux, qui n'a jamais fait la guerre sur le continent ? Il ne l'a faite qu'à la Guadeloupe, et il serait bien embarrassé de commander un régiment en ligne.

Aucun événement imprévu ne vous mettait à même de faire ces demandes aux ministres. Qu'ils vous aient, après un conseil, refusé, ils ont eu raison. Votre tête va trop vite. Je n'ai donc pu qu'approuver la conduite des ministres, ce qui est fâcheux. Si vous aviez attendu, au contraire, que les Anglais fussent débarqués en Hanovre, ou en Hollande, ils eussent été au-devant de vos désirs, ou mieux, les eusse prévenus. Une réserve dans un point central doit garder la circonférence; je vous l'ai déjà expliqué dans mes instructions. Jusqu'à cette heure, rien n'est changé depuis mon départ de Mayence, ce qui n'a pas échappé aux ministres. Si j'avais pu penser qu'il fut utile de mettre des gardes nationales à Wesel, je n'y aurais pas manqué; mais là des gardes nationales ne valent rien. Quant au calcul que vous faites, qu'il fallait quinze jours pour porter en Hollande des troupes de Paris, je vous ai déjà fait connaître qu'au moyen des dispositions que j'ai faites elles y seront rendues en quatre jour et ces dispositions sont convenues avec le ministre Dejean, qui n'y manquera pas. J'espère qu'aujourd'hui votre avant-garde se trouve à Goettingen.


Potsdam, 25 octobre 1806, 5 heures du soir

Au maréchal Davout

Mon Cousin, je vous annonce la nouvelle que Spandau vient de se rendre. On y a trouvé quatre-vingts pièces de canon, beaucoup  de poudre, beaucoup de vivres et 300 prisonniers d'État. On y a fait 1,200 prisonniers.


Potsdam, 25 octobre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, donnez l'ordre que tous les bateaux qui sont à Neubrück soient envoyés à Spandau, et que les effets qu'ils ont à bord, soient remis dans les magasins de cette place. Envoyez à cet effet un adjoint qui parcourra la rivière jusqu'au lieu où sont nos troupes, et au fur et à mesure fera descendre les bateaux qui seraient pris, sur Spandau.


Potsdam, 25 octobre 1806

A M. Bignon

Monsieur Bignon , mon intention est que vous preniez les ordres du major général pour vous rendre à Spandau et y remplir la mission suivante : il y a 300 prisonniers d'État à Spandau; vous verrez leur écrou, les interrogerez l'un après l'autre et m'en rendrez compte, afin que ceux qui ne sont criminels qu'envers leur gouvernement puissent être relâchés, et que ceux qui ont commis des crimes réels puissent être transférés dans d'autres prisons, mon intention étant de n'avoir aucun prisonnier à Spandau.


Potsdam, 25 octobre 1806

A M. Fouché

Je vous envoie mon approuvé de la dépense relative à la mise en scène du ballet du Retour d'Ulysse. Faites-vous rendre compte en détail de ce ballet, et voyez-en la première représentation pour vous assurer qu'il n'y a rien de mauvais, vous comprenez dans quel sens. Ce sujet me paraît d'ailleurs beau; c'est moi qui l'ai donné à Gardel.


Potsdam, 25 octobre 1806  

A M. Mollien

Monsieur Mollien, je reçois votre lettre du 15. Je ne comprends pas qu'il n'y ait que 1,500,000 francs dans la caisse de réserve à Mayence. Quinze millions à la bonne heure, mais 1,500,000 francs me paraissent une somme bien insuffisante, puisqu'il devrait y avoir la solde de quatre mois de l'armée. Prenez donc vos mesures pour compléter à Mayence la solde de ces quatre mois, qui doit toujours y exister.

Le prince de Neufchâtel, par mes ordres, a fait venir deux millions ici, afin de n'être point pris au dépourvu et de les employer selon les circonstances.


Potsdam, 25 octobre 1806  

Au prince Eugène

Mon fils, des 2,000 forcats que vous envoie le roi de Naples, faites-en partir 500 pour Gênes, d’où on les fera passer en Corse. 500 seront envoyés en France, où ils seront employés au dessèchement des marais de Rochefort. Vous répartirez les 1,000 autres en Italie.

(Mémoires du prince Eugène)


Potsdam, 26 octobre 1806, 4 heures du matin

Au général Savary

Restez toute la journée dans votre position. Portez-vous partout où vos chevaux peuvent aller. Si vous pouvez aller jusqu'à Fehrbellin, il sera possible que vous y trouviez quelque chose. Si vous prenez des chevaux, envoyez-en à Spandau pour monter les dragons. Envoyez-moi des renseignements si vous en avez d'importance. Vous pourrez les envoyer directement au prince Murat, qui est à Oranienburg.


Potsdam, 26 octobre 1806, 4 heures du matin  

Au maréchal Davout

Mon Cousin, envoyez des partis le long du chemin de Francfort et du canal qui se jette dans l'Oder, près de Francfort, afin de prendre tous les bateaux partis de Berlin, il y a cinq ou six jours, portant des objets appartenant à la cour ou des objets d'artillerie. J'imagine que vous avez envoyé des partis sur Küstrin. Les deux divisions de cuirassiers de Nansouty et d'Hautpoul se rendent à Berlin. Je me rends aujourd'hui à Charlottenburg. J'attends des détails sur la situation de Berlin.

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Un parti de cavalerie qui se porterait sur le second canal arrêterait tout ce qui serait évacué de Berlin par là.


Potsdam, 26 octobre 1806, 10 heures du matin

Au grand-duc de Berg

Je reçois votre lettre de six heures du matin de Hennigsdorf. La direction que vous prenez est bonne. Couchez ce soir avec vos divisions à Zehdenick, ayant de fortes reconnaissances sur Gransee et Templin. L'avant-garde du maréchal Lannes couchera à Falkenthal, et son infanterie aussi près de Falkenthal qu'il pourra.

Le maréchal Bernadotte sera demain à Fehrbellin.

Il me tarde de connaître ce qu'ont rapporté vos reconnaissances de Ruppin. C'est derrière cette route que file l'ennemi; je pense qu'il file par Kyritz et Rheinsberg.

Au moment même je reçois une lettre du maréchal Soult, de Hohenwarsleben, le 24, à huit heures du soir. La colonne commandée par le duc de Weimar, forte de 5,000 hommes, s'était présentée à Magdeburg. Voyant le passage obstrué, elle avait tâché de filer sur Tangermünde, où l'ennemi a un pont de bateaux. Le maréchal Soult lui avait coupé le chemin , était en pleine marche pour tomber dessus et apercevait ses feux. Pas un homme de cette colonne n'échappera. Il parait que le 23 l'arrière-garde de Blücher a passé à Tangermünde; nous lui avons fait 120 prisonniers.


Potsdam, 26 octobre 1806, 11 heures du matin

Au maréchal Lannes

Mon Cousin, il n'y a pas qu'une colonne; toutes les troupes de l'ennemi sont depuis Tangermünde jusqu'à Stettin. Elles passent derrière Ruppin, en s'appuyant du côté du Mecklembourg. Vous ne sauriez arriver trop tôt à Zehdenik. Je vous ai écrit il y a une heure sur cet objet.


Potsdam, 26 octobre 1806

A M. Cambacérès

Mon Cousin, le roi de Naples envoie 2,000 galériens en Italie; j'ordonne que 1,000 restent en Italie, que 500 soient envoyés en Corse pour travailler aux chemins et être répartis chez les habitants, et que les 500 autres soient envoyés aux marais de Rochefort. Prévenez-en le ministre Dejean et les ministres de l'intérieur et de la marine, pour que des mesures soient prises pour l'exécution de ces dispositions.


Potsdam, 26 octobre 1806

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je vous envoie une pièce qui est de l'autre monde. Si les auteurs ne sont pas des fous, ce sont des scélérats qu'il faut sévèrement châtier. Suivez, je vous prie, cette affaire.


Potsdam, 26 octobre 1806

A M. Fouché

Un rapport du 16 octobre, du maréchal Moncey, que j'ai envoyé à M. l'archichancelier, me rend compte d'un plan d'insurrection de 93. Je sais qu'on peut faire des proclamations dans tous les sens et le peu d'attention que méritent ces sortes de proclamations. Mais un homme arrêté s'est ouvert les veines; il faudrait savoir quel cet homme. A-t-il figuré dans le parti révolutionnaire, ou est-il agent de l'étranger ? Si, comme le rapport dit, cet homme est connu pour ses relations avec ce parti, nul doute que ce ne soit un mouvement d'insurrection des frères et amis. C'est là qu'est la question. Si cet homme n'est pas un révolutionnaire, je serai porté à croire qu'il est un instrument du parti étranger, qui cherche tous les moyens propres à jeter de l'agitation dans les esprits.


Potsdam, 26 octobre 1806

A M. de la Rochefoucauld

J'ai reçu votre lettre du 20. J'ai fait donner l'ordre au général Andréossy de se porter à Prague, au quartier général du prince Charles, s'il est vrai que ce prince y soit à la tête d'une armée de 60 à 80,000 hommes. Si vos renseignements sont exacts, causez-en avec le ministère. Dites qu'il est ridicule de tenir une armée aussi considérable dans des provinces frontières, sous prétexte de maintenir sa neutralité que personne ne peut violer, ce qui peut tout au plus mériter 10 à 12,000 hommes; qu'il serait convenable de cesser des préparatifs qui ne sont propres qu'à inspirer la défiance; qu'on arme partout en Autriche, secrètement; qu'on fait rejoindre les semestriers; qu'on organise les remontes, etc. Si tout cela est vrai, ne vous contentez pas d'en parler au ministre, parlez-en à l'Empereur. Vous ne manquerez pas d'observer que c'est ainsi qu'on commence les guerres et qu'on entraîne les puissances où elles ne veulent pas aller. Je désire que vos représentations les portent à diminuer ces armements et à songer surtout à ce qu'ils font.

Je suis à Berlin depuis deux jours. L'armée prussienne est tout à fait détruite; j'en ai pris, dispersé, tué les deux tiers; ce qui reste est sans fusils, sans bagages, etc. Cependant la plus grande partie de mon armée n'a pas donné; de manière que j'ai plus de 100,000 hommes qui n'ont pas tiré un coup de fusil.


Potsdam, 26 octobre 1806

Au grand-duc de Berg

Du moment que vous aurez dépassé Zehdenik, jetez des partis sur Prenzlow et Strelitz. Vous aurez déjà eu les rapports de vos reconnaissances de Ruppin. J'imagine qu'aujourd'hui le maréchal Lannes, s'il n'a pas d'autres renseignements, ne sera pas loin de Zehdenick; il faut que vous vous trouviez à une demi-journée de lui, tant pour ne pas l'embarrasser que pour avoir des vivres. Jetez des partis de cavalerie légère pour avoir des renseignements. Je tiens pour impossible que vous ne finissiez pas par faire quelques bons coups, d'autant plus que le maréchal Bernadotte vous suit à une journée derrière. Selon tous les renseignements que je reçois, il y a des corps entiers, même des colonnes, qui se dirigeaient sur Berlin, et qui errent en suivant tantôt la direction de Küstrin, tantôt celle de Stettin. On m'assure que Stettin n'est pas approvisionné. Vos partis doivent se trouver le 28 sous les murs de Stettin; quelques prisonniers que vous ferez, quelques bourgmestres que vous ferez prendre près de Stettin, vous donneront des renseignements.


Potsdam, 26 octobre 1806

Au général Songis

Je vous ai fait connaître l'importance que j'attache à la place de Wittenberg. Il est donc nécessaire d'y expédier, sans délai, une trentaine de pièces de canon, de celles trouvées à Berlin, et des mortiers et obusiers. Je désire beaucoup que dans six ou sept jours cette place soit armée.


Charlottenburg, 26 octobre 1806

Au général Songis

Mon intention est d'armer le fort et la ville de Spandau; envoyez un général de brigade d'artillerie pour y organiser le service, et, qu'avant demain, à neuf heures du matin, il y ait une compagnie entière d'artillerie de 100 hommes, une escouade d'ouvriers, un chef de brigade ou de bataillon d'artillerie, un officier en résidence, un garde-magasin général, un artificier. Le général de brigade y restera jusqu'à ce que le service soit parfaitement monté.

Toutes les poudres qui se trouvent à Berlin et dans tous les parcs entre la Sprée et l'Oder seront sans délai transportées à Spandau, ainsi que les plombs et tous les matériaux pour faire des cartouches à balle et à boulet; également tous les matériaux propres aux travaux de l'arsenal. Je vous le répète, je ne veux rien à Berlin. Les transports de Berlin à Spandau sont très-faciles, puisqu'il y a la Spree.

On choisira à Spandau des souterrains pour qu'ils puissent contenir un million de poudre et des emplacements pour contenir quatre à cinq millions de cartouches; on établira une salle d'artifice, je n'en veux que là, un arsenal de construction, et on organisera tout ce que j'ai déjà ordonné pour Erfurt et Wittenberg. Erfurt, Wittenberg et Spandau, voilà mes trois places de dépôts. Quelle que soit celle de ces places où je me dirige, j'y dois trouver poudre, pierres à feu, fusils, cartouches à balle et à boulet, moyens de rechange et de réparations nécessaires après une bataille gagnée ou perdue. On doit constamment considérer le reste du pays comme pouvant être occupé d'un moment à l'autre par la cavalerie ou les colonnes ennemies. Ainsi l'artillerie à Spandau doit être considérée sous deux points de vue : artillerie nécessaire à la défense de la place, artillerie et munitions de guerre de toute espèce, de dépôt, pour réparer les consommations et les pertes. Il faut donc que, dans trois jours, si cette place était cernée, l'artillerie y fût en mesure pour défendre; que, pour cela, les plates-formes fussent établies; que le bois soit déjà coupé pour faire des saucissons et des gabions; enfin que la citadelle et la place soient armées. Il faut qu'avant six jours tout ce que j'ai à Berlin, qui peut m'être nécessaire, comme munitions, pièces de rechange, artillerie de campagne, se trouve emmagasiné dans le fort de Spandau. Je vous ai déjà ordonné de faire revenir tout ce que vous aviez en arrière, à Augsbourg, Ulm, Würzburg, Kronach, non pas en matériel, car je crois que vous avez ici plus qu'il ne vous faut, mais en personnel; enfin en tout ce qui vous est nécessaire. Répartissez ces moyens, sur Erfurt, Wittenberg et Spandau.


Charlottenburg, 26 octobre 1806

A M. Daru

Monsieur Daru, je vous ai fait connaître qu'Erfurt et Wittenberg étaient des dépôts de l'armée. Spandau est une place que l'ennemi ne prendra jamais; elle est située sur la Sprée, à deux lieues de Berlin. C'est dans cette place qu'on doit mettre tous les dépôts de l'armée, car mon intention n'est point de garder Berlin. Le payeur de l'armée sera rappelé de Wittenberg à Spandau; sous quelque prétexte que ce soit, il ne logera point à Berlin. Il y a dans ce moment-ci dans le fort de Spandau deux fours capables de confectionner 10,000 rations par jour. J'ai ordonné au génie de désigner l'emplacement pour construire les fours nécessaires à la confection de 60,000 rations par jour. Faites construire ces fours; faites aussi travailler à faire autant de biscuit qu'il sera possible, sans nuire au service journalier. Il y a à Spandau. des magasins très-considérables; à la visite que j'en ai faite, je pense qu'il y a au moins 60,000 quintaux de farine et autant de seigle ou de blé; cela suffit pour nourrir mon armée pendant deux mois. Mon intention est que ces magasins soient augmentés au lieu d'être diminués, que le seigle et le blé soient convertis en farines, les farines en biscuit. Il faut donc que demain, avant la pointe du jour, il y ait un commissaire des guerres dans le fort de Spandau; qu'il y reste sans que sous aucun prétexte il puisse en être retiré; qu'il y ait un garde-magasin et un inspecteur des vivres. Les inventaires seront faits sans délai, et vous nommerez un auditeur pour assister aux dits inventaires. Vous prendrez des mesures pour réunir dans la citadelle de Spandau 1,500,000 boisseaux d'avoine, des légumes, du riz et de l'eau-de-vie ou de la bière pour l'armée pendant deux mois. Je n'ai besoin à Berlin que du journalier de l'armée.

Tous les effets d'habillement qui seraient à Berlin ou ailleurs devront être réunis à Spandau; s'ils ne peuvent tenir dans la citadelle, on les mettra dans la ville. On réunira à Spandau mes moyens pour les hôpitaux. On retirera de Berlin ce qui sera nécessaire. On formera à la citadelle, dans le local que désignera le génie, un hôpital pour 1,200 blessés, et dans la ville trois hôpitaux, chacun de 2 ou 300 malades. J'autorise qu'on établisse à Berlin un hôpital pour 400 malades; je ne veux point de blessés à Berlin.


Camp impérial de Potsdam, 26 octobre 1806

PROCLAMATION A L'ARMÉE

Soldats, vous avez justifié mon attente et répondu dignement à confiance du peuple français.

Vous avez supporté les privations et les fatigues avec autant courage que vous avez montré d'intrépidité et de sang-froid au milieu des combats. Vous êtes les dignes défenseurs de l'honneur de la couronne et de la gloire du grand peuple. Tant que vous serez animés de cet esprit, rien ne pourra vous résister. La cavalerie a rivalisé avec l'infanterie et l'artillerie; je ne sais désormais à quelle arme je dois donner la préférence; vous êtes tous de bons soldats.

Voici les résultats de nos travaux : une des premières puissances militaires de l'Europe, qui osa naguère nous proposer une honte capitulation, est anéantie. Les forêts, les défilés de la Franconie, la Saale, l'Elbe, que nos pères n'eussent pas traversés en sept ans, nous les avons traversés en sept jours, et livré, dans l'intervalle quatre combats et une grande bataille. Nous avons précédé à Postdam, à Berlin, la renommée de vos victoires. Nous avons 60,000 prisonniers, pris 65 drapeaux, parmi lesquels ceux des Gardes du roi de Prusse, 600 pièces de canon, 3 forteresses, plus de 20 généraux. Cependant près de la moitié de vous regrettent de n'avoir pas encore tiré un coup de fusil. Toutes les provinces de la monarchie prussienne jusqu'à l'Oder sont en notre pouvoir.

Soldats, les Russes se vantent de venir à nous; nous marcherons à leur rencontre, nous leur épargnerons la moitié du chemin. Nous retrouveront Austerlitz au milieu de la Prusse. Une nation qui a aussi tôt oublié la générosité dont nous avons usé envers elle après cette bataille où son empereur, sa cour, les débris de son art n'ont dû leur salut qu'à la capitulation que nous leur avons accordée, est une nation qui ne saurait lutter avec succès contre nous.

Cependant, tandis que nous marchons au-devant des Russes, de nouvelles armées formées dans l'intérieur de l'empire viennent prendre notre place pour garder nos conquêtes. Mon peuple tout entier s'est levé, indigné de la honteuse capitulation que les ministres prussiens, dans leur délire, nous ont proposée.

Nos routes et nos villes frontières sont remplies de conscrits, qui brûlent de marcher sur vos traces. Nous ne serons plus désormais les jouets d'une paix traîtresse, et nous ne poserons plus les armes que nous n'ayons obligé les Anglais, ces éternels ennemis de notre nation, à renoncer au projet de troubler le continent et à la tyrannie des mers.

Soldats, je ne puis mieux vous exprimer les sentiments que j'ai pour vous qu'en vous disant que je vous porte dans mon cœur l'amour que vous me montrez tous les jours.


Potsdam, 26 octobre 1806

18e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

L'Empereur a passé à Potsdam la revue de la Garde à pied, composée de dix bataillons et de soixante pièces d'artillerie, servies par l'artillerie à cheval. Ces troupes, qui ont éprouvé tant de fatigues, avaient la même tenue qu'à la parade de Paris.

A la bataille d'Iena, le général de division Victor a reçu un biscaïen qui lui a fait une contusion; il a été obligé de garder le lit pendant quelques jours. Le général de brigade Gardane, aide de camp de l'Empereur, a eu un cheval tué et a été légèrement blessé. Quelques officiers supérieurs ont eu des blessures, d'autres des chevaux tués, et tous ont rivalisé de courage et de zèle.

L'Empereur a été voir le tombeau du grand Frédéric. Les restes de ce grand homme sont enfermés dans un cercueil de bois recouvert en cuivre, placé dans un caveau sans ornements, sans trophées, sans aucunes distinctions qui rappellent les grandes actions qu'il a faites.

L'Empereur a fait présent à l'hôtel des Invalides de Paris de l'épée de Frédéric, de son cordon de l'Aigle Noir, de sa ceinture de général, ainsi que des drapeaux que portait sa Garde dans la guerre de Sept Ans. Les vieux invalides de l'armée de Hanovre accueilleront avec un respect religieux tout ce qui a appartenu à un des premiers capitaines dont l'Histoire conservera le souvenir.

Lord Morpeth, envoyé d'Angleterre auprès du cabinet prussien, ne se trouvait, pendant la journée d'Iena, qu'à six lieues du champ de bataille; il a entendu le canon. Un courrier vint bientôt lui annoncer que la bataille était perdue, et en un moment il fut entouré de fuyards qui le poussaient de tous côtés. Il courait en criant : "Il ne faut pas que je sois pris". Il offrit jusqu'à soixante guinées pour obtenir un cheval; il en obtint un et se sauva.

La citadelle de Spandau, située à trois lieues de Berlin et à quatre lieues de Potsdam, forte par sa situation au milieu des eaux enfermant 1,200 hommes de garnison et une grande quantité de rations de guerre et de bouche, a été cernée le 24 dans la nuit. Le général Bertrand, aide de camp de l'Empereur, avait déjà reconnu la place. Les pièces étaient disposées pour jeter des obus et intimider la garnison. Le maréchal Lannes a fait signer par le commandant la capitulation ci-jointe.

On a trouvé à Berlin des magasins considérables d'effets de campagne et d'habillement. On en dresse les inventaires.

Une colonne commandée par le duc de Weimar est poursuivie par le maréchal Soult ; elle s'est présentée le 23 devant Magdeburg; nos troupes étaient là depuis le 20. Il est probable que cette colonne, forte de 15,000 hommes, sera coupée et prise. Magdeburg est le premier point de rendez-vous des troupes prussiennes. Beaucoup de corps s'y rendent. Les Français le bloquent.

Une lettre de Helmstaedt, récemment interceptée, contient des détails curieux. Elle est ci-jointe.

MM. le prince de Hatzfeld, Busching, président de la police, le président de Kircheisen, Formey, conseiller intime, Polzig, conseiller de la municipalité, MM. Ruck, Sieger et de Hermensdorf, conseillers députés de la ville de Berlin , ont remis ce matin à l'Empereur, à Potsdam , les clefs de la ville de Berlin. Ils étaient accompagnés de MM. Grote, conseiller intime des finances, le baron de Weilknitz et le baron d'Eckartstein. Ils ont dit que les bruits qu'on avait répandus sur l'esprit de cette ville étaient faux ; que les bourgeois et la masse du peuple avaient vu la guerre avec peine; qu'une poignée de femmes et de jeunes officiers avaient fait seuls ce tapage; qu'il n'y avait pas un seul homme sensé qui n'eût vu que ce qu'on avait à craindre et qui pût deviner ce qu'on avait à espérer. Comme tous les Prussiens, ils accusent le voyage de l'empereur Alexandre des malheurs de la Prusse. Le changement qui s'est dès lors opéré dans l'esprit de la Reine, qui, de femme timide et modeste s'occupait de son intérieur, est devenue turbulente et guerrière, a été une révolution subite. Elle a voulu tout à coup avoir un régiment, aller au conseil, et elle a si bien mené la monarchie qu'en peu de jours elle l'a conduite au bord du précipice.

Le quartier général est à Charlottenburg.


Berlin, 21 octobre 1806

DÉCRET

ARTICLE 1er. - Les mémoires, cartes, plans et vues relatifs à la partie nautique et géographique de l'expédition de découvertes qui avait été confiée au capitaine de vaisseau Baudin, seront publiés (voir)

ART. 2. - Une somme de 32,000 francs sera mise à la disposition de notre ministre de la marine et des colonies, pour subvenir aux frais d'impression et de gravure dudit ouvrage.

ART. 3. - Notre ministre de la marine et des colonies et notre ministre du trésor public sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.


Charlottenburg, 27 octobre 1806

Au général Chasseloup

Monsieur le Général Chasseloup, Erfurt, Wittenberg et Spandau, voilà les trois places qu'il faut mettre en état. J'ai déjà fait connaître mes intentions sur Wittenberg. Voici ce que j'entends qu'il soit fait pour Spandau. Il faut que, dans trois jours d'ici, il y ait des ponts-levis, ou du moins des ponts sur chevalets, à toutes les portes de la ville; que toutes les maisons qui sont sur la muraille qui ferme la place du côté de la rivière soient abattues; que deux ou trois points soient choisis sur cette rivière pour trois petites flèches palissadées, qui flanquent les murs et contiennent du canon pour s'opposer à une surprise par des bateaux; que toutes les demi-lunes soient palissadées, et que l'on travaille à creuser les fossés de manière à donner plus d'escarpe aux talus et rendre l'escalade plus difficile. Le projet général que vous me remettrez me fera connaître s'il convient d'approfondir tous ces fossés ou de chercher leur défense dans les manœuvres d'eaux. Mon intention est qu'on travaille à fraiser toute la place, à palissader tous les chemins couverts, et à établir une grosse palissade au milieu de tous les fossés; car les eaux, dans la saison où nous allons entrer, peuvent disparaître par la gelée, et, comme la Sprée n'est point rapide, la place ne pourra se trouver à l'abri d'un coup de main qu'en mettant en bon état le mur qui ferme la place du côté de la rivière et les trois flèches ci-dessus ordonnées. Je donne ordre à l'artillerie de construire sur-le-champ les batteries. Les terres que vous retirerez de la cunette ordonnée dans les fossés serviront à relever d'autant les parapets.   

Toutes les maisons qui masquent la citadelle seront abattues dans l'espace de trois jours; les moulins seuls resteront, mais se trouveront par là très-isolés.

Il sera aussi établi pour le canon de campagne, ou au moins pour les hommes à pied, une communication entre la citadelle et la place, le long de l'estacade qui existe; il est même nécessaire que le passage qu'on y établira, soit en sacs à terre ou en gros morceaux de bois, soit à l'abri de la mitraille. Cette première défense est indispensable, mais ne sera pas suffisante. On travaillera donc à palissader sur les démolitions ordonnées, sur lesquelles on fera un tracé qu'on palissadera. Ces deux moyens me paraissent suffisants sous le feu de la citadelle, dans le cas où le lac disparaîtrait par une forte gelée; car, sans cette circonstance, la première défense serait suffisante.

Vous désignerez sans délai, dans l'intérieur du fort, l'emplacement pour les fours nécessaires à la confection de 60,000 rations de pain par jour. Vous désignerez les souterrains capables de contenir un million de poudre et quatre millions de cartouches, un emplacement où l'on puisse établir un hôpital pour 1,200 blessés. Vous désignerez dans la ville sept locaux pour les dépôts de sept corps de la Grande Armée, devant chacun contenir 200 hommes convalescents de chacun des corps d'armée. Vous aiderez l'artillerie à relever les parapets des bastions par de bons épaulements en gabion ou saucissons.

Mon intention est qu'avant huit ou dix jours tout ce que je viens de prescrire soit terminé.

J'attends le rapport que vous me ferez pour adopter un plus grand plan relativement au système des eaux, et à un système de redoutes qui embrasserait le local et qui ferait que 8 à 10,000 hommes puissent résister à toute une armée, en supposant les eaux non gelées.

Par toutes ces flèches et redoutes, je n'entends point de simples redoutes de campagne, auxquelles je n'accorde aucune confiance, mais de bonnes redoutes revêtues en bois, ayant aussi des contrescarpes en bois. Il est prouvé qu'une pièce de bois de 8 pouces de diamètre n'est point brisée par un obus ni un coup de canon. La manière de les placer, en conciliant l'économie du temps avec une plus grande solidité, est absolument du ressort des officiers du génie. Si leurs idées ne sont point assises, il sera peut-être convenable que, dans les différentes redoutes, ils essayent de différentes méthodes. Vous ne manquerez point de renfermer dans la citadelle une grande quantité de bois, de manière que la garnison, en cas d'attaque, ait le moyen de se blinder rapidement le long des talus intérieurs. On pourrait même, sous ces blindages, mettre à couvert la farine et autres objets qui ne seraient plus en sûreté dans le magasin.

Il est convenable qu'il y ait au moins quatre officiers du génie chargés de cette place, dont un chargé du détail, et un commandant le génie, seront destinés à défendre Spandau. Vous soumettrez à ma signature l'ordre qui les placera dans Spandau, afin que, sous aucun prétexte, même celui de maladie, ils ne puissent sortir de la place. Le commandant doit avoir au moins le grade de colonel.


Charlottenburg , 27 octobre 1806

19e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

L'Empereur, parti de Potsdam aujourd'hui à midi, a été visiter la forteresse de Spandau. Il a donné ses ordres au général de division Chasseloup, commandant le génie de l'armée, sur les améliorations à faire aux fortifications de cette place. C'est un ouvrage superbe; les magasins sont magnifiques. On a trouvé à Spandau des farines, des grains, de l'avoine pour nourrir l'armée pendant deux mois, des munitions de guerre pour doubler l'approvisionnement de l'artillerie. Cette forteresse, située sur la Sprée, à deux lieues de Berlin, est une acquisition inestimable. Dans nos mains elle soutiendra deux mois de tranchée ouverte. Si les Prussiens ne l'ont pas défendue, c'est que le commandant n'avait pas reçu d'ordre, et que les Français y sont arrivés en même temps que la nouvelle de la bataille perdue. Les batteries n'étaient pas faites et la place était désarmée.

Pour donner une idée de l'extrême confusion qui règne dans cette monarchie, il suffit de dire que la Reine, à son retour de ses ridicules et tristes voyages d'Erfurt et de Weimar, a passé la nuit à Berlin sans voir personne; qu'on a été longtemps sans avoir de nouvelles du Roi; que personne n'a pourvu à la sûreté de la capitale, et que les bourgeois ont été obligés de se réunir pour former un gouvernement provisoire.

L'indignation est à son comble contre les auteurs de la guerre. Le manifeste, que l'on appelle à Berlin un indécent libelle où aucun grief n'a été articulé, a soulevé la nation contre son auteur, misérable scribe, nommé Gentz, un de ces hommes sans honneur qui se vendent pour de l'argent.

Toute le monde avoue que la Reine est l'auteur des maux que souffre la nation prussienne. On entend dire partout : 

"Elle était si bonne, si douce, il y a un an; mais depuis cette fatale entrevue avec l'empereur Alexandre, combien elle a changé ! "


Il n'y a eu aucun ordre donné dans les palais, de manière qu'on a trouvé à Potsdam l'épée du grand Frédéric, la ceinture du général qu'il portait à la guerre de Sept Ans et son cordon de l'Aigle Noir. L'Empereur s'est saisi de ces trophées avec empressement et a dit :

"J'aime mieux cela que vingt millions."

Puis, pensant un moment à qui il confierait ce précieux dépôt : 

"Je les enverrai, dit-il, à mes vieux soldats de la guerre de Hanovre, j'en ferai présent au Gouverneur des Invalides; cela restera à l'Hôtel."

On a trouvé dans l'appartement qu'occupait la Reine, à Potsdam, le portrait de l'empereur de Russie dont ce prince lui avait fait présent. On a trouvé à Charlottenburg sa correspondance avec le Roi pendant trois ans, et des mémoires rédigés par des écrivains anglais; pour prouver qu'on ne devait tenir aucun compte des traités conclus avec l'empereur Napoléon, mais se tourner tout à fait du côté de la Russie. Ces pièces surtout sont des pièces historiques; elles démontreraient, si cela avait besoin d'une démonstration, combien sont malheureux les princes qui laissent prendre aux femmes de l'influence sur les affaires politiques. Les notes, les rapports, les papiers d'État étaient musqués et se trouvaient mêlés avec des chiffons et d'autres objets de la toilette de la Reine. Cette princesse avait exalté les têtes de toutes les femmes de Berlin ; mais aujourd'hui elles ont bien changé. Les premiers fuyards ont été mal reçus; on leur a rappelé avec ironie le jour où ils aiguisaient leurs sabres sur les places de Berlin, voulant tout tuer et tout pourfendre.

Le général Savary, envoyé avec un détachement de cavalerie à la recherche de l'ennemi, mande que le prince de Hohenlohe, obligé de quitter Magdeburg, se trouvait le 25 entre Rathenow et Ruppin, se retirant sur Stettin.

Le maréchal Lannes était déjà à Zehdenick; il est probable que les débris de ce corps ne parviendront pas à se sauver sans être de nouveau entamés.

Le corps bavarois doit être entré ce matin à Dresde; on n'en a pas encore de nouvelles.

Le prince Louis-Ferdinand, qui a été tué dans la première affaire de la campagne, est appelé publiquement à Berlin le petit duc d'Orléans. Ce jeune homme abusait de la bonté du Roi au point de l'insulter. C'est lui qui, à la tête d'une troupe de jeunes officiers, se porta pendant une nuit à la maison de M. de Haugwitz, lorsque ce ministre revint de Paris, et cassa ses fenêtres. On ne sait si l'on doit le plus s'étonner de tant d'audace ou de tant de faiblesse.

Une grande partie de ce qui a été dirigé de Berlin sur Magdeburg et sur l'Oder a été intercepté par la cavalerie légère. On a déjà arrêté plus de 60 bateaux chargés d'effets d'habillement, de farine et d'artillerie. Il y a des régiments de hussards qui ont plus de 500,000 francs. On a rendu compte qu'ils achetaient de l'or pour de l'argent à cinquante pour cent de perte.

Le château de Charlottenburg, où loge l'Empereur, est situé à une lieue de Berlin, sur la Sprée.


Charlottenburg, 27 octobre 1806

20e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Si les événements militaires n'ont plus l'intérêt de l'incertitude du dénouement, ils ont toujours l'intérêt des combinaisons, des marches et des manœuvres. L'infatigable grand-duc de Berg se trouvait à Zehdenick le 26, à trois heures après midi, avec la brigade de cavalerie légère du général Lasalle, et les divisions de dragons des généraux Beaumont et Grouchy étaient en marche pour arriver sur ce point.

La brigade du général Lasalle contint l'ennemi, qui lui montra près de 6,000 hommes de cavalerie. C'était toute la cavalerie de l'armée prussienne, qui, ayant abandonné Magdeburg, formait l'avant-garde du corps du prince de Hohenlohe qui se dirigeait sur Stettin. A quatre heures après midi, les deux divisions de dragons étant arrivées, la brigade du général Lasalle chargea l'ennemi avec cette singulière intrépidité qui a caractérisé les hussards et les chasseurs français dans cette campagne. La ligne de l'ennemi, quoique triple, fut rompue, l'ennemi poursuivi dans le village de Zehdenick et culbuté dans les défilés. Le régiment des dragons de la Reine voulut se reformer; mais les dragons de la division Grouchy se présentèrent, chargèrent l'ennemi et en firent un horrible carnage. De ces 6,000 hommes de cavalerie, partie a été culbuté dans les marais, 300 hommes sont restés sur le champ de bataille, 700 ont été pris avec leurs chevaux : le colonel du régiment de la Reine et un grand nombre d'officiers sont de ce nombre. L'étendard de ce régiment a été pris. Le corps du maréchal Lannes est en pleine marche pour soutenir la cavalerie. Les cuirassiers se portent en colonne sur la droite, et un autre corps d'armée se porte sur Gransee. Nous arriverons à Stettin avant cette armée, qui, attaquée dans sa marche de flanc, est déjà débordée par sa tête. Démoralisée comme elle l'est, on a lieu d'espérer que rien n'en échappera, et que toute la partie de l'armée prussienne qui a inutilement perdu deux jours à Magdeburg pour se rallier n'arrivera pas sur l'Oder.

Ce combat de cavalerie de Zehdenick a son intérêt comme fait militaire; de part et d'autre, il n'y avait pas d'infanterie; mais la cavalerie prussienne est si loin de la nôtre, que les événements de la campagne ont prouvé qu'elle ne pouvait tenir vis-à-vis de forces moindres de la moitié.

Un adjoint de l'état-major, arrêté par un parti ennemi, du côté de la Thuringe, lorsqu'il portait des ordres au maréchal Mortier, a été conduit à Küstrin, et y a vu le Roi. Il rapporte qu'au delà de l'Oder il n'est arrivé que très-peu de fuyards. Soit à Stettin, soit Küstrin, il n'a presque point vu de troupes d'infanterie.


Berlin, 28 octobre 1806, midi

Au grand-duc de Berg

Le major général a dû vous écrire pour vous faire connaître mes intentions. Le maréchal Soult est entre l'Elbe et la colonne du duc de Weimar. Son intention est d'abord de l'empêcher de passer l'Elbe; si elle parvient à le passer, il la poursuivra et la mettra entre vous et lui. Suivez Hohenlohe partout. Si vous pouvez l'empêcher de passer l'Oder, cela sera heureux. S'il le passe, passez-le après lui. Faire du mal à l'ennemi, c'est le grand objet. Si vous étiez obligé de le poursuivre du côté de Stralsund, renvoyez-moi les cuirassiers. Il suffira que vous les envoyiez à mi-chemin entre vous et Berlin; je leur enverrai des ordres selon les circonstances. J'ai fait hier mon entrée à Berlin; elle a été belle. Vous avez les corps des maréchaux Lannes et Bernadotte; c'est tout ce qu'il vous faut. Dirigez-les sur deux directions parallèles, de manière qu'elles se trouvent à trois ou quatre lieues au plus de distance l'une de l'autre. J'attends de vos nouvelles avec la plus grande curiosité.


Berlin, 28 octobre 1806, midi

Au maréchal Lannes

Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre. Je vois avec plaisir l'activité que vous mettez dans vos mouvements. Poussez le prince de Hohenlohe.

Le maréchal Soult a la colonne du duc de Weimar entre l'Elbe et lui. J'espère qu'il ne pourra pas s'échapper avec ses 10 ou 12,000 hommes, et qu'ils tomberont dans les défilés de Soult. Dans des marches forcées, le parti qu'il faut prendre est de former tous les jours, des traîneurs, une arrière-garde de 400 hommes avec lesquels vous laisserez un bon officier d'état-major, qui sera chargé de la faire rejoindre. Par ce moyen, on empêchera qu'il ne se commette des désordres, et que les soldats ne fatiguent trop.


Berlin, 28 octobre 18W, midi

Au maréchal Bernadotte

Mon Cousin, je reçois votre lettre. Concertez-vous avec le grand-duc de Berg pour la direction à donner à vos mouvements. Ce que vous faites contre le prince de Hohenlohe, le maréchal Soult le fait contre le duc de Weimar au delà de l'Elbe. Point de repos qu'on n'ait vu le dernier homme de cette armée.


Berlin, 28 octobre 1806

21e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

L'Empereur a fait hier 27 une entrée solennelle à Berlin. Il était environné du prince de Neufchâtel, des maréchaux Davout et Augereau, de son grand maréchal du palais, de son grand écuyer et de ses aides de champ. Le maréchal Lefebvre ouvrait la marche à la tête de la Garde impériale à pied. Les cuirassiers de la division Nansouty étaient en bataille sur le chemin. L'Empereur marchait entre les grenadiers et les chasseurs à cheval de sa Garde. Il est descendu au palais à trois heures après midi; il y a été reçu par le grand maréchal du palais, Duroc. Une foule immense était accourue sur son passage. L'avenue de Charlottenburg à Berlin est très-belle; l'entrée par cette porte est magnifique. La journée était superbe. Tout le corps de la ville, présenté par le général Hulin, commandant de la place, est venu à la porte offrir les clefs de la ville à l'Empereur. Ce corps s'est rendu ensuite chez Sa Majesté. Le général prince de Hatzfeld était à la tête.

L'Empereur a ordonné que les deux mille bourgeois les plus riches se réunissent à l'hôtel de ville, pour nommer soixante d'entre eux, qui formeront le corps municipal. Les vingt cantons fourniront une garde de soixante hommes chacun, ce qui fera douze cents des plus riches bourgeois, pour garder la ville et en faire la police. LEmpereur a dit au prince de Hatzfeld; 

"Ne vous présentez pas devant moi; je n'ai pas besoin de vos services; retirez-vous dans vos terres."

Il a reçu le chancelier et les ministres du roi de Prusse.

Le 28, à neuf heures du matin, les ministres de Bavière, d'Espagne, de Portugal et de la Porte, qui étaient à Berlin, ont été admis à l'audience de l'Empereur. Il a dit au ministre de la Porte d'envoyer un courrier à Constantinople pour porter des nouvelles de ce qui se passait et annoncer que les Russes n'entreraient pas aujourd'hui en Moldavie, et qu'ils n'attenteraient rien contre l'empire Ottoman. Ensuite il a reçu tout le clergé protestant et calviniste. Il y a à Berlin plus de 10 ou 12,000 Français réfugiés par suite de la révocation de l'édit de Nantes. L'Empereur a causé avec les principaux d'entre eux ; il leur a dit qu'ils avaient de justes droits à sa protection, et que leurs privilèges et leur culte seraient maintenus. Il leur a recommandé de s'occuper de leurs affaires, de rester tranquilles, et de porter obéissance et respect à César.

Les cours de justice lui ont été présentées par le chancelier. Il s'est entretenu avec les membres de la division des cours d'appel et de première instance; il s'est informé de la manière dont se rendait la justice.

M. le comte de Neale s'étant présenté dans les salons de l'Empereur, Sa Majesté lui a dit : 

"Eh bien, Monsieur, vos femmes ont voulu la guerre; en voici le résultat. Vous devriez mieux contenir votre famille."

Des lettres de sa fille avaient été interceptées :

" Napoléon, disaient ces lettres, ne veut pas faire la guerre; il faut la lui faire."

"Non, dit Sa Majesté à M. de Neale; je ne veux pas la guerre; non pas que je me méfie de ma puissance, comme vous le pensez, mais parce que le sang de mon peuple m'est précieux, et que mon premier devoir est de ne le répandre que pour sa sûreté et sou honneur. Mais ce bon peuple de Berlin est victime de la guerre, tandis que ceux qui l'ont attirée se sont sauvés. Je rendrai cette noblesse de cour si petite, qu'elle sera obligée de mendier son."

En faisant connaître ses intentions au corps municipal : 

" J'entends, dit l'Empereur, qu'on ne casse les fenêtres de personne. Mon frère le roi de Prusse a cessé d'être roi le jour où il n'a pas fait pendre le prince Louis-Ferdinand, lorsqu'il a été assez osé pour aller casser les fenêtres de ses ministres."

Aujourd'hui 28, l'Empereur est monté à cheval pour passer en revue le corps du maréchal Davout; demain Sa Majesté passera en revue le corps du maréchal Augereau.

Le grand-duc de Berg et les maréchaux Lannes et prince de Ponte-Corvo sont à la poursuite du prince de Hohenlohe. Après le brillant combat de cavalerie de Zehdenick, le grand-duc de Berg s'est porté à Templin; il y a trouvé les vivres et le dîner préparé pour les généraux et les troupes prussiennes. A Gransee, le prince de Hohenlohe a changé de route et s'est dirigé sur Fürstenberg. Il est probable qu'il sera coupé de l'Oder et qu'il sera enveloppé et pris.

Le duc de Weimar est dans une position semblable vis-à-vis du maréchal Soult. Ce duc a montré l'intention de passer l'Elbe à Tangermünde pour gagner l'Oder. Le 25, le maréchal Soult l'a prévenu. S'il est joint, pas un homme n'échappera, s'il parvient à passer, il tombe dans les mains du grand-duc de Berg et des maréchaux Lannes et prince de Ponte-Corvo. Une partie de nos troupes borde l'Oder. Le roi de Prusse a passé la Vistule.

M. le comte de Zastrow a été présenté à l'Empereur le 27, à Chalottenburg, et lui a remis une lettre du roi de Prusse.

Au moment même l'Empereur reçoit un aide de camp du prince Eugène qui lui annonce une victoire remportée sur les Russes en Albanie. (Il doit s'agir ici de la prise de Raguse par le général Lauriston)


Camp impérial de Berlin, 28 octobre 1806

DÉCRET

ARTICLE 1er. - Le prince de Hatzfeld, qui s'est présenté à la tête de la députation de Berlin comme chargé du gouvernement civil de cette capitale, et qui, nonobstant ce titre et les devoirs qui y étaient attachés, a profité des connaissances que sa place lui donnait sur la situation de l'armée française pour en faire part à l'ennemi, sera traduit devant une commission militaire, pour y être jugé comme traître et espion.

Le maréchal Davout est chargé de l'exécution de cet ordre.

ART. 2. - La commission militaire sera composée de sept colonels du corps du maréchal Davout, où il sera jugé.

ART. 3. - Le major général est chargé de l'exécution du présent décret. 

(en savoir plus)


Berlin, 28 octobre 1806

A la princesse Ferdinand de Prusse

J'ai reçu la lettre de Votre Altesse Royale. J'ai été touché de la position de Mme de Hatzfeld. Je l'ai convaincue que son mari avait bien de torts, et que les lois de la guerre le condamnaient à des peines capitales. Toutefois je lui ai même évité les désagréments d'un jugement et lui ai remis sa peine et la pièce de conviction. Il est vrai que la douceur et la peine profonde de Mme de Hatzfeld m'ont forcé à ce que j'ai fait; mais je serais fâché que Votre Altesse Royale n'y vît pas aussi l'intention où j'ai été de lui être agréable.


Berlin, 28 Octobre 1806

A M. Daru

Monsieur Daru, il est nécessaire que vous fassiez verser dans caisse du payeur l'argent des différentes caisses de Berlin, afin que sans toucher à l'argent de France, le major général puisse en disposer pour les dépenses de l'artillerie, du génie, et autres dépenses extraordinaires, jusqu'à concurrence de ce que j'ai mis à sa disposition. Vous défendrez aux payeurs de payer avec de l'argent de France; ils payeront avec de l'argent de Berlin; on payera demain un mois de solde aux corps des maréchaux Davout et Augereau , à la division de cavalerie du général Nansouty et à ma Garde, et l'on tiendra l'argent prêt pour tous les corps de l'armée à mesure qu'ils passeront à Berlin.

Mon intention est que mon armée ait du vin, que vous fassiez faire l'inventaire des caves, et que vous en fassiez réunir une quantité nécessaire pour en distribuer à l'armée pendant deux mois. Vous ferez réunir d'abord à Spandau la quantité d'eau-de-vie nécessaire pour faire deux mois de distribution à l'armée. Vous ferez distribuer dès demain aux corps des maréchaux Davout et Augereau, à la division de cavalerie, une demi-bouteille de vin par jour pour chaque soldat.

Vous ferez prendre, dans les maisons des personnes de la Cour qui ont quitté Berlin, les matelas et effets de logement nécessaires pour les officiers, et vous les ferez transporter à Spandau. Vous prendrez des mesures pour lever le drap nécessaire pour faire 100,000 capotes et 100,000 pantalons, pour vous procurer 100,000 paires de souliers, 100,000 chapeaux et tous les objets nécessaires pour couvrir l'armée. Il faut aussi désigner pour le logement des officiers du corps d'armée les maisons des personnes de la Cour absentes de Berlin, afin de soulager le bourgeois autant que possible. Mon intention est que Berlin me fournisse abondamment tout ce qui est nécessaire pour mon armée, et de ne rien ménager pour que mes soldats soient dans l'abondance de tout.


Berlin, 28 octobre 1806

A M. de Thiard, gouverneur de la ville de Dresde

J'ai reçu votre lettre. Je désire que les Bavarois soient traités comme mes troupes; que des souliers, des armes leur soient fournis s'ils en ont besoin, et qu'on cherche les moyens de contenter les généraux et les officiers en réprimant tout ce qui est excès et pillage. Je désire beaucoup connaître en détail la situation de la ville et de la cour.


Berlin, 28 octobre 1806

Au général Clarke

Je reçois votre lettre du 24 octobre. Portez une grande attention à ce que les petits blessés ne soient pas évacués d'Erfurt du côté de France, parce qu'ils y rentreraient; dirigez-les sur Wittenberg et Spandau, par détachements de 100 hommes. Le maréchal Mortier m'écrit qu'il sera le 28 à Fulde; ainsi vous devez en avoir aujourd'hui les nouvelles. Le personnel de l'artillerie et les hommes à pied qui se trouvaient à Würzburg doivent être arrivés à Erfurt à l'heure qu'il est. Cela vous donnera les moyens convenables. Une brigade de Hesse-Darmstadt, un bataillon du grand-duc de Würzburg, un bataillon du prince Primat, un second bataillon de Nassau, troupes de Bade, doivent également arriver à Erfurt. Écrivez à mes ministres près de ces princes pour savoir pourquoi ces troupes n'arrivent pas. Un bataillon du grand-duc de Berg doit également venir à Erfurt pour prendre des fusils. J'ai donné des ordres pour que vous soit envoyé un officier du génie, des officiers de santé et un payeur. En attendant que M. la Bouillerie vous ait envoyé un payeur, nommez provisoirement quelqu'un. Vous aurez vu le décret qui constitue le pays d'Erfurt en gouvernement et qui y envoie un intendant.

Du moment que le 14e de ligne ne vous sera plus utile à Erfurt, non plus que le régiment de dragons que j'ai envoyé pour nettoyer les derrières de l'armée, ayez soin de diriger toutes ces troupes sur Berlin. J'imagine que, du moment que l'avant-garde de l'armée Nord sera arrivée à Goettingen, et le maréchal Mortier à Fulde, le 14e de ligne et le régiment de dragons seront inutiles à Erfurt, et vous les ferez repasser ici en toute diligence.


Berlin, 28 octobre 1806

Au maréchal Kellermann

Mon Cousin, j'approuve que vous donniez le commandement de la 1e compagnie des gendarmes d'ordonnance à M. Laval-Montmorency. J'approuve également le choix que vous avez fait de M. Bryas, de Bruxelles. Du moment que la 1e compagnie sera de 120 hommes, dirigez-la sur Berlin. Je n'approuve point que le prince d'lsembourg ait le commandement de ce corps; il n'est point convenable de mettre un étranger à la tête de Français. Je vous laisse maître du choix du commandant de la 2e compagnie.


Berlin, 29 octobre 1806

Au maréchal Davout, à Friedrichsfelde

Mon Cousin, vous aurez reçu du major général les ordres de votre mouvement de demain; mais je ne veux pas perdre un moment, pour vous instruire de la nouvelle du beau combat de cavalerie de Prenzlow (Prenzlau 28 octobre 1806). Le prince de Hohenlohe a mis bas les armes avec 16,000 hommes d'infanterie et 4,000 de cavalerie, 45 drapeaux, 84 pièces d'artillerie attelées; le prince Auguste de Prusse, le prince de Schwerin sont prisonniers, et d'autres généraux prussiens, tous les Gardes du Roi. Ces 4,000 hommes de cavalerie arrivent demain à Spandau; et, comme tous mes dragons à pied sont déjà montés, envoyez tous vos hommes de la cavalerie qui sont à pied pour y avoir des chevaux; les chevaux sont sellés et en état. La colonne de Blücher sera prise probablement demain; j'attends des nouvelles de Soult, qui aura aussi pu prendre celle du duc de Weimar. Communiquez cela au corps d'armée.


Berlin, 29 octobre 1806

Au grand-duc de Berg

Je reçois la nouvelle du combat de Prenzlow. Témoignez-en ma satisfaction aux dragons et à la cavalerie légère de Milhaud et Lasalle.


Berlin, 29 octobre 1806

22e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Les événements se succèdent avec rapidité. Le grand-duc de Berg est arrivé le 27 à Hasleben avec une division de dragons. Il avait envoyé à Boitzenburg le général Milhaud avec le 13e régiment de chasseurs, et la brigade de cavalerie légère du général Lasalle sur Prenzlow. Instruit que l'ennemi était en force à Boitzenburg, il s'est porté à Wichmansdorf. A peine arrivé là, il s'aperçut qu'une brigade de cavalerie ennemie s'était portée sur la gauche dans l'intention de couper le général Milhaud. Les voir, les charger, jeter le corps des gendarmes du Roi dans le lac fut l'affaire d'un moment. Ce régiment, se voyant perdu, demanda à capituler. Le prince, toujours généreux, le lui accorda; 500 hommes mirent pied à terre et remirent leurs chevaux. Les officiers se retirent chez eux sur parole. Quatre étendards de la Garde, tous d'or, furent le trophée du petit combat de Wichmansdorf, qui n'était que le prélude de la belle affaire de Prenzlow.

Ces célèbres gendarmes, qui ont trouvé tant de commisération après la défaite, sont les mêmes qui, pendant trois mois, ont révolté la ville de Berlin par toutes sortes de provocations. Ils allaient sous les fenêtres de M. Laforest, ministre de France, aiguiser leurs sabres; les gens de bon sens haussaient les épaules, mais la jeunesse sang expérience et les femmes passionnées, à l'exemple de la Reine, voyaient dans cette ridicule fanfaronnade un pronostic sûr des grandes destinées qui attendaient l'armée prussienne.

Le prince de Hohenlohe, avec les débris de la bataille d'Iena cherchait à gagner Stettin. Il avait été obligé de changer de route parce que le grand-duc de Berg était à Templin avant lui. Il voulut déboucher de Boitzenburg sur Hasleben. Il fut trompé dans son mouvement. Le grand-duc de Berg jugea que l'ennemi cherchait à gagner Prenzlow : cette conjecture était fondée. Le prince marcha toute la nuit avec les divisions de dragons des généraux Beaumont et Grouchy, éclairées par la cavalerie légère du général Lasalle. Les premiers postes de nos hussards arrivèrent à Prenzlow avec l'ennemi, mais ils furent obligés de se retirer, le 28 au matin, devant les forces supérieures que déploya le prince de Hohenlohe. A neuf
heures du matin, le grand-duc de Berg arriva à Prenzlow, et à dix heures il vit l'armée ennemie en pleine marche. Sans perdre de temps en vains mouvements, le prince ordonna au général Lasalle de charger dans les faubourgs de Prenzlow, et le fit soutenir par les généraux Grouchy et Beaumont, et leurs six pièces d'artillerie légère. Il fit traverser, à Golmitz, la petite rivière qui passe à Prenzlow, par trois régiments de dragons, attaquer le flanc de l'ennemi et chargea son autre brigade de dragons de tourner la ville. Nos braves canonniers à cheval placèrent si bien leurs pièces et tirèrent avec tant d'assurance qu'ils mirent de l'incertitude dans les mouvements de l'ennemi. Dans le moment, le général Grouchy reçut l'ordre de charger; ses braves dragons s'en acquittèrent avec intrépidité. Cavalerie, infanterie, artillerie, tout fut culbuté dans les faubourgs de Prenzlow. On pouvait entrer pêle-mêle avec l'ennemi dans la ville; mais le prince préféra les faire sommer par le général Belliard. Les portes de la ville étaient déjà brisées; sans espérance, le prince de Hohenlohe, un des principaux boute-feux de cette guerre impie, capitula et défila devant l'armée française avec 16,000 homme d'infanterie, presque tous gardes ou grenadiers, 6 régiments de cavalerie, 45 drapeaux et 64 pièces d'artillerie attelées. Tout ce qui avait échappé des Gardes du roi de Prusse à la bataille d'Iena est tombé en notre pouvoir. Nous avons tous les drapeaux des Gardes à pied e à cheval du Roi. Le prince de Hohenlohe, commandant en chef après la blessure du duc de Brunswick, un prince de Mecklenburg-Schwerin et plusieurs généraux, sont nos prisonniers.

"Mais il n'y a rien de fait tant qu'il reste à faire, écrivit l'Empereur au grand-duc de Berg. Vous avez débordé une colonne de 8,000 hommes commandée par le général Blücher : que j'apprenne bientôt qu'elle a éprouvé le même sort."

Une autre de 10,000 hommes a passé l'Elbe; elle est commandée par le duc de Weimar; tout porte à croire que lui et toute sa colonne vont être enveloppés.

Le prince Auguste- Ferdinand, frère du prince Louis tué à Saalfeld, et fils du prince Ferdinand, frère du grand Frédéric, a été pris par nos dragons les armes à la main.

Ainsi cette grande et belle armée prussienne a disparu comme un brouillard d'automne au lever du soleil. Généraux en chef, généraux commandant les corps d'armée, princes, infanterie, cavalerie, artillerie, il n'en reste plus rien. Nos postes étant entrés à Francfort-sur-l'Oder, le roi de Prusse s'est porté plus loin. Il ne lui reste pas 15,000 hommes; et, pour un tel résultat, il n'y a presque aucune perte de notre côté.

Le général Clarke, gouverneur du pays d'Erfurt, a fait capituler un bataillon saxon qui errait sans direction.

L'Empereur a passé, le 28, la revue du corps du maréchal Davout sous les murs de Berlin. Il a nommé à toutes les places vacantes; il a récompensé les braves. Il a ensuite réuni les officiers et sous-officiers en cercle et leur a dit :

"Officiers et sous-officiers du 3e corps d'armée, vous vous êtes couverts de gloire à la bataille d'Iena; j'en conserverai un éternel souvenir. Les braves qui sont morts, sont morts avec gloire. Nous devons désirer de mourir dans des circonstances si glorieuses."

En passant la revue des 12e, 6le et 85e régiments de ligne, qui ont le plus perdu à cette bataille, parce qu'ils ont dû soutenir les plus grands efforts, l'Empereur a été attendri de savoir morts ou grièvement blessés beaucoup de ses vieux soldats, dont il connaissait le dévouement et la bravoure depuis quatorze ans. Le 12e régiment surtout a montré une intrépidité digne des plus grands éloges.

Aujourd'hui à midi, l'Empereur a passé la revue du 7e corps, que commande le maréchal Augereau. Ce corps a très-peu souffert. La moitié des soldats n'a pas eu occasion de tirer un coup de fusil; mais tous avaient la même volonté et la même intrépidité. La vue de ce corps était magnifique. 

"Votre corps seul, a dit l'Empereur, est plus fort que tout ce qui reste au roi de Prusse, et vous ne composez pas le dixième de mon armée."

Tous les dragons à pied que l'Empereur avait fait venir à la Grande Armée sont montés, et il y a au grand dépôt de Spandau 4,000 chevaux sellés et bridés dont on ne sait que faire, parce qu'il n'y a pas de cavaliers qui en aient besoin. On attend avec impatience l'arrivée des dépôts.

Le prince Auguste a été présenté à l'Empereur au palais de Berlin après la revue du 7e corps d'armée. Ce prince a été renvoyé chez son père, le prince Ferdinand, pour se reposer et se faire panser de ses blessures.

Hier, avant d'aller à la revue du corps du maréchal Davout, l'Empereur avait rendu visite à la veuve du prince Henri, et au prince et à la princesse Ferdinand, qui se sont toujours fait remarquer par la manière distinguée avec laquelle ils n'ont cessé d'accueillir les Francais.

Dans le palais qu'habite l'Empereur à Berlin se trouve la sœur du roi de Prusse, princesse électorale de Hesse-Cassel; cette princesse est en couches; l'Empereur a ordonné à son grand maréchal du palais de veiller à ce qu'elle ne fût pas incommodée du bruit et des mouvements du quartier général.

Le dernier bulletin rapporte la manière dont l'Empereur a reçu le prince de Hatzfeld à son audience. Quelques instants après, ce prince fut arrêté. Il aurait été traduit devant une commission militaire et inévitablement condamné à mort; des lettres de ce prince au prince de Hohenlohe, interceptées aux avant-postes, avaient appris que quoiqu'il se dit chargé du gouvernement civil de la ville, il instruisait l'ennemi du mouvement des Francais. Sa femme, fille du ministre Schulenburg, est venue se jeter aux pieds de l'Empereur; elle croyait que son mari était arrêté à cause de la haine que le ministre Schulenburg portait à la France. L'Empereur la dissuada bientôt, et lui fit connaître qu'on avait intercepté des papiers desquels il résultait que son mari faisait un double rôle, et que les lois de la guerre étaient impitoyables sur un pareil délit. La princesse attribuait à l'imposture de ses ennemis cette accusation qu'elle appelait une calomnie. 

" Vous connaissez l'écriture de votre mari, dit l'Empereur, je vais vous faire juge."

Il fit apporter la lettre interceptée et la lui remit. Cette femme, grosse de plus de huit mois, s'évanouissait à chaque mot qui lui découvrait jusqu'à quel point était compromis son mari dont elle reconnaissait l'écriture. L'Empereur fut touché de sa douleur, de sa confusion, des angoisses qui la déchiraient: 

" Eh bien, lui dit-il, vous tenez cette lettre, jetez-la au feu; cette pièce anéantie, je ne pourrai plus faire condamner votre mari. "

Cette scène touchante se passait près de la cheminée. Mme de Hatzfeld ne se le fit pas dire deux fois. Immédiatement après, le prince de Neufchâtel reçut l'ordre de lui rendre son mari. La commission militaire était déjà réunie. La lettre seule de M. de Hatzfeld le condamnait; trois heures plus tard il était fusillé.


Berlin, 30 octobre 1806

Au général Marmont

Monsieur le Général Marmont, j'ai vu avec peine, dans le temps, les dispositions que vous aviez faites du côté de Cattaro, dont je ne comprenais pas le motif, et, si j'avais été à la place de l'amiral russe, je ne vous aurais pas laissé établir vos batteries; mais c'était une suite de son système de ne pas vous rendre Cattaro. J'ai vu avec plus de peine que, lorsque je prenais tant de soin pour approvisionner Raguse de vivres, vous les exposiez à être perdus. Je ne vous ai pas reconnu dans ces dispositions, qui n'ont pas de raisonnement. Si, du point où vous avez porté votre artillerie, vous aviez pu la transporter à Cattaro, cela aurait eu un but, quoique un peu hasardé; encore n'auriez-vous pas dû le faire sans mon ordre, puisque moi seul pouvais savoir si les circonstances politiques me permettraient de laisser longtemps 12 ou 15,000 hommes aux bouches de Cattaro.

J'ai appris avec plaisir la défaite des Russes. Laissez de bonnes troupes au général Lauriston. Faites rentrer le 5e de ligne et le 23e dans le fond de la Dalmatie; ce sont les premières troupes à faire rentrer en Italie, comme ayant besoin d'être réorganisées. Il faut que le général Lauriston ait assez de troupes pour tenir la campagne contre les Russes et les Monténégrins.


Berlin, 30 octobre 1806

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 23, où je voie que vous n'avez pas encore reçu le bulletin de la bataille du 14. Je pense que vous n'aurez pas tardé à le recevoir. Je suis à Berlin depuis deux jours, fort occupé. Je vous envoie un rapport du ministre Dejean. Je ne puis concevoir que les préfets prennent sur eux, dans une chose si importante que le recrutement, sans attendre mon ordre. Le roi de Hollande ne commande pas dans l'intérieur de l'Empire.

Quand donc les préfets auront-ils un peu de sens et d'aplomb ? Faites-leur écrire dans ce sens. Aucun recruteur étranger ne doit recruter en France. Il faut un décret bien solennel pour se départir de cet ordre.


Berlin, 30 octobre 1806

A M. Fouché

L'affaire de Lyon mérite un sévère châtiment; mais pour y arriver, il faut suivre ce que la législation veut. Consultez là-dessus l'archi-chancelier et le Conseil d'État. Si cela est du ressort de la haute cour, traduisez les coupables devant la haute cour. L'obscurité des individus ne fait rien. Quand la haute cour aura fait son devoir, je verrai ce que j'ai à faire. Éclaircissez bien l'affaire. Je m'en rapporte à Regnauld pour lui donner sa juste mesure. Cela ne peut que faire du bien à l'esprit public, et surtout chez l'étranger, où on croit cette conspiration grave. Il serait bon que la haute cour se tint et la jugeât pendant mon absence. Cela montrerait ce qui est, la marche naturelle du Gouvernement et la force des choses.


Bertin, 30 octobre 1806

Au roi de Bavière

Je remercie Votre Majesté de la lettre qu'elle m'a fait remettre par son aide de camp. Je suis maître de la plus grande partie des États du roi de Prusse, de toute son armée. Hier 29, le prince Hohenlohe, avec 16,000 hommes d'infanterie, 6 régiments de cavalerie, 45 drapeaux, 64 pièces de canon, a mis bas les armes à Prenzlow. J'attends à chaque instant la nouvelle que les colonnes du duc de Weimar et du général Blücher ont éprouvé le même sort. Mes troupes sont maîtresses de Francfort et ont passé l'Oder. Le roi de Prusse a passé la Vistule. La 1e division des troupes de Votre Majesté, qui est entrée à Dresde, se dirige sur Francfort; la 2e division se rend aussi à Francfort; les troupes du roi de Wurtemberg suivront la même destination : ce qui forme un corps d'armée à la tête duquel marche le prince Jérôme. En confiant à mon frère le commandement de ces troupes, j'ai voulu leur donner une preuve de l'intérêt que je leur porte et du désir de ne pas les compromettre au delà des chances de la guerre. Votre Majesté peut compter, dans toutes les circonstances, sur les effets de mon amitié et sur le soin que j'aurai constamment des intérêts de sa liaison. 


Berlin, 30 octobre 1806

Au roi de Wurtemberg

Monsieur mon Frère, j'ai reçu la lettre de Votre Majesté. Elle aura été informée de mon entrée à Berlin et de la prise du prince de Hohenlohe avec 16,000 hommes d'infanterie composée des Gardes du Roi et autres troupes d'élite, 6 régiments de cavalerie, 45 drapeaux et 64 pièces de canon. On m'annonce également que le général Blücher, avec 5 régiments de cavalerie, a mis pied à terre et s'est rendu le 29 au matin près de Loecknitz. Mes troupes ont passé l'Oder; celles de Votre Majesté ont reçu l'ordre de se rendre sur l'Oder, ainsi que les deux divisions bavaroises. Ce corps, qui sera d'environ 25,000 hommes, sera sous les ordres du prince Jérôme. En confiant vos troupes à mon frère, j'ai voulu montrer l'intérêt que je leur porterai dans toutes les combinaisons militaires.

Jusqu'à cette heure je n'entends point parler des Russes. J'avoue à Votre Majesté que je serais fort aise de les rencontrer, pour leur donner une bonne et sévère leçon, qui les fit repentir du peu de souvenir et de reconnaissance qu'ils ont conservé des bons procédés que j'ai eus à leur égard à Austerlitz. Je penserais que les succès que nous avons obtenus pourraient porter Votre Majesté à ordonner des prières publiques pour en remercier Dieu.


Berlin, 30 octobre 1806

Au prince Primat

Les succès qu'ont obtenus mes armes et celles de mes alliés de la Confédération du Rhin m'ont porté à ordonner dans mon Empire des prières publiques pour remercier le Dieu des armées de ces victoires signalées. Peut-être Votre Altesse jugera-t-elle devoir en ordonner dans toute l'étendue de ses États et inviter les souverains de la Confédération du Rhin à suivre cet exemple.

Mes troupes ont passé l'Oder; l'armée prussienne n'existe plus.

Toute la Garde à pied et à cheval du Roi, tous ses bataillons grenadiers ont été faits prisonniers. Ce prince a passé la Vistule.


Berlin, 30 octobre, 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, vous devez avoir en Italie dix fois plus de canons qu'il ne vous en faut. Vous en avez trop à Palmanova, et trop presque partout. Vous pouvez ôter de l'Istrie et de la Dalmatie toutes les pièces que vous jugerez convenable. Vous pouvez prendre à Ancône toutes les pièces qui vous sont utiles, d'autant plus que je crois qu'il y en a beaucoup qui m'appartiennent. 


Berlin, 30 octobre 1806

Au roi de Naples

Mon Frère, je reçois l'état des officiers que vous avez renvoyés. J'approuve fort ce que vous avez fait. Ces officiers me seront plus utiles ailleurs; peut-être en gardez-vous encore trop. Cependant je comprends bien qu'il faut organiser l'armée et le territoire, et qu'il faut pour cela un certain nombre d'individus. Si le général Mossel n'avait pas encore dépassé Milan, donnez-lui l'ordre de se diriger par le Tyrol sur la Grande Armée. Donnez le même ordre au général Debelle et au général Franceschi, si c'est celui qui était aide de camp de Soult.


Berlin, 30 octobre 1806

23e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Le duc de Weimar est parvenu à passer l'Elbe à Havelberg. Le maréchal Soult s'est porté le 29 à Rathenow, et le 30 à Wüsterhausen.

Le 29, la colonne du duc de Weimar était à Rheinsberg, et le maréchal prince de Ponte-Corvo à Fürstenberg. Il n'y a pas de doute que ces 14,000 hommes ne soient tombés ou ne tombent dans ce moment au pouvoir de l'armée française. D'un autre côté, le général Blücher, avec 7,000 hommes, quittait Rheinsberg le 29 au matin pour se porter sur Stettin. Le maréchal Lannes et le grand-duc de Berg avaient trois marches d'avance sur lui. Cette colonne est tombée en notre pouvoir ou y tombera sous quarante-huit heures.

Nous avons rendu compte, dans le dernier bulletin, qu'à l'affaire de Prenzlow le grand-duc de Berg avait fait mettre bas les armes au prince de Hohenlohe et à ses 17, 000 hommes. Le 29, une colonne ennemie de 6,000 hommes a capitulé dans les mains du général Milhaud à Pasewalk. Cela nous donne encore 2,000 chevaux sellés et bridés avec des sabres. Voilà plus de 6,000 chevaux que l'Empereur a ainsi à Spandau , après avoir monté toute sa cavalerie.

Le maréchal Soult, arrivé à Rathenow, a rencontré cinq escadrons de cavalerie saxonne qui ont demandé à capituler. Il leur a fait signer la capitulation ci-jointe. C'est encore 500 chevaux pour l'armée.

Le maréchal Davout a passé l'Oder à Francfort. Les alliés bavarois et wurtembergeois, sous les ordres du prince Jérôme, sont en marche de Dresde sur Francfort.

Le roi de Prusse a quitté l'Oder et a passé la Vistule; il est à Graudenz. Les places de Silésie sont sans garnisons et sans approvisionnements. Il est probable que la place de Stettin ne tardera pas à tomber en notre pouvoir. Le roi de Prusse est sans armée, sans artillerie, sans fusils. C'est beaucoup que d'évaluer à 12 on 15,000 hommes ce qu'il aura pu réunir sur la Vistule. Rien n'est curieux comme les mouvements actuels. C'est une espèce de chasse à la cavalerie légère, qui va aux aguets des corps d'armée, est sans cesse détournée par des colonnes ennemies qui sont coupées.

Jusqu'à cette heure nous avons 150 drapeaux, parmi lesquels sont ceux brodés des mains de la belle Reine, beauté aussi funeste aux peuples de la Prusse que le fut Hélène aux Troyens.

Les gendarmes de la Garde ont traversé Berlin pour se rendre prisonniers à Spandau. Le peuple, qui les avait vus si arrogants il y a peu de semaines, les a vus dans toute leur humiliation.

L'Empereur a fait aujourd'hui une grande parade qui a duré depuis onze heures du matin jusqu'à six heures du soir. Il a vu en détail toute sa Garde à pied et à cheval, et les beaux régiments de carabiniers et de cuirassiers de la division Nansouty; il a fait différentes promotions, en se faisant rendre compte de tout dans le plus grand détail.

Le général Savary, avec deux régiments de cavalerie, a déjà atteint le corps du duc de Weimar, et sert de communication pour transmettre les renseignements au grand-duc de Berg, au prince de Ponte-Corvo et au maréchal Soult.

On a pris possession des États du duc de Brunswick. On croit que ce duc s'est réfugié en Angleterre. Toutes ses troupes ont été désarmées. Si ce prince a mérité, à juste titre, l'animadversion du peuple français, il a aussi encouru celle du peuple et de l'armée prussienne : du peuple, qui lui reproche d'être l'un des auteurs de la guerre; de l'armée, qui se plaint de ses manœuvres et de sa conduite militaire. Les faux calculs des jeunes gendarmes sont pardonnables; mais la conduite de ce vieux prince, âgé de soixante et douze ans, est un excès de délire et dont la catastrophe ne saurait exciter des regrets. Qu'aura donc de respectable la vieillesse si, aux défauts de son âge, elle joint la fanfaronnade et l'inconsidération de la jeunesse ?


Berlin, 31 octobre 1806, 8 heures du matin

Au grand-duc de Berg

Mon Frère, je vous fais mon compliment sur la prise de Stettin; si votre cavalerie légère prend ainsi des villes fortes, il faudra que je licencie le génie et que je fasse fondre mes grosses pièces. Mais il n'y a encore rien de fait; vous avez encore 25,000 hommes à prendre. L'adjudant commandant Gérard, qui est parti hier d'ici, a dû vous instruire de l'état des choses. Vous avez le général Blücher à prendre et le duc de Weimar, ce qui fait plus de 25,000 hommes, Blücher doit être pris. Le duc de Weimar est poursuivi de près par le maréchal Bernadotte; le maréchal Soult le suit de très-loin. Descendez l'Oder; faites-le poursuivre l'épée dans les reins et jusqu'à Stralsund, s'il va là. Point de repos que ces deux colonnes n'aient mis bas les armes.


Berlin, 31 octobre 1806, 8 heures du matin

Au maréchal Davout, à Francfort-sur-l'Oder

Mon Cousin, une nouvelle colonne de 6,000 hommes a mis bas les armes devant le 13e de chasseurs que commande le général Milhaud. Stettin est pris; on y a trouvé 160 canons en batterie, 6,000 hommes de garnison de belles troupes, beaucoup de généraux. Tout cela a été pris par le général Lasalle et ses deux régiments de hussards. Des magasins de toute espèce existent dans cette place. Après cela, la prise de Küstrin devient plus raisonnable. Nous tenons encore 22,000 hommes, le duc de Weimar avec 14,000 et Blücher avec 7 à 8,000. Ils sont tellement cernés par les maréchaux Lannes et Bernadotte et par le grand-duc de Berg, qu'il est très-probable qu'ils sont pris à l'heure qu'il est. J'ai fait vérifier à Stettin qu'il n'a pas passé un seul homme de l'armée prussienne par cette ville. Je suis très-curieux de savoir ce qui a passé à Küstrin. Par là on saura positivement le nombre de troupes qui restent au roi de Prusse.


Berlin, 31 octobre 1806, 10 heures du matin

Au maréchal Soult

Mon Cousin, Stettin a été pris avant-hier; 6,000 hommes de garnison, 160 pièces de canon sur les remparts, des magasins immenses, plusieurs généraux, tout cela s'est rendu à la cavalerie légère du général Lasalle. Celle du général Milhaud a fait mettre bas les armes à 6,000 hommes près de Pasewalk; c'était tout ce qui restait du corps du prince de Hohenlohe.

J'ai vu avec plaisir que vous vous étiez mis à la poursuite du duc de Weimar; poursuivez-le jusque dans la Baltique.

Le maréchal Davout a passé l'Oder à Francfort. Le roi de Prusse s'est retiré derrière la Vistule. Pas un homme de tout ce qui restait de la bataille du 14 n'a passé l'Oder.


Berlin, 31 octobre 1806

Au maréchal Berthier

Envoyez sur-le-champ un piquet de cavalerie pour arrêter le prince de Hohenlohe. Je ne veux pas qu'il aille en Silésie. L'aide de camp du grand-duc de Berg vous dira où on peut le trouver.

Donnez l'ordre au maréchal Davout qu'aucun officier prussien ne puisse passer pour se rendre en Silésie. Mon intention est qu'aucun officier prussien fait prisonnier ne passe l'Oder.

Le 64e, le 44e et le 105e seront casernés, dans la journée, dans les casernes de Berlin.

Le 16e régiment d'infanterie légère sera réparti dans les villages qui sont sur la route de Küstrin et de Stettin.

Aucune troupe ne bivouaquera autour de Berlin.


Berlin, 31 octobre 1806

A Madame de Hatzfeld

J'ai lu avec plaisir votre lettre. Je me souviens aussi avec plaisir du moment où j'ai pu finir toutes vos peines. Dans toutes les circonstances qui pourront se présenter où je pourrai vous être utile vous pouvez accourir à moi, et vous me trouverez aise de vous être agréable.


Berlin , 31 octobre 1806

A M. Thiard (Auxonne-Theodore-Marie Thiard, comte de Bissy, 1772-1852. Il est alors chambellan de l'Empereur)

Donnez ordre au cardinal Arezzo, nonce du Pape, qui est Dresde, de se rendre à Berlin, où je veux le voir.


Berlin, 31 octobre 1806

ORDRES

Il faut tenir un conseil d'administration composé de M. Villemanzy, de M. Estève, de M. la Bouillerie ; y appeler, s'il est nécessaire, les hommes du roi de, Prusse qui connaissent le pays, pour me proposer les impositions à frapper sur la rive gauche de l'Elbe.

Les États du duc de Brunswick, ceux du duc de Weimar, doivent y être compris; la Saxe doit y être comprise aussi.

On fera également un autre projet pour l'organisation de la monarchie prussienne en deçà de l'Oder, de manière à me faire rentrer de l'argent le plus tôt possible.

On présentera également un projet d'ordre du jour pour distribuer les capotes fournies à Leipzig et à Berlin, en prenant pour principe que les municipalités n'achètent rien ; j'aime mieux leur argent.

Demain à midi M. Daru me portera le résultat de ce travail.

On présentera aussi un projet de décret pour l'organisation de la ville de Berlin, garde nationale et municipalité, ainsi que pour le reste du pays, en mettant un commandant militaire et un administrateur.

M. Daru présentera aussi demain un coup d'œil sur la situation des magasins de Wittenberg, Spandau et Berlin, et de la compagnie de Breidt; une situation des hôpitaux telle qu'on l'a; une situation de la caisse de l'armée, ce qu'il y a et ce qu'il y a en route.

Mais, pour ne pas confondre ce qui est relatif à l'administration de l'armée, M. Daru m'en rendra compte à six heures.

S'il est des choses qu'il ne sache pas clair, il fera venir les chefs de service.


Berlin, 31 Octobre 1806

Au maréchal Mortier

Mon Cousin, j'espère qu'avant le 5 novembre vous serez maître de Cassel, que votre mission sera finie pour cette époque, et que la première division du roi de Hollande sera à peine arrivée à Cassel que vous la renverrez au roi de Hollande, qui en a besoin, devant se porter en Hanovre. Mon intention est qu'au plus tard le 10 vous vous mettiez en marche, en laissant, comme je l'ai ordonné, le général Lagrange pour gouverneur de Cassel, et que vous dirigiez votre corps d'armée sur le Hanovre hormis ce que vous jugerez nécessaire de laisser pour maintenir la tranquillité dans le pays. Quelques détachements de cavalerie et un régiment d'infanterie doivent être suffisants. Votre arrivée en Hanovre pour renforcer le roi de Hollande est très-urgente; vous êtes destiné à remplir là une mission de la plus grande importance.

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Stettin vient de se rendre; 6,000 hommes ont été pris dans la ville, 160 pieces de canon sur les remparts. Une colonne de 7,000 hommes a mis bas les armes le 29.

Faites passer cette lettre au prince Primat (voir plus haut au 30 octobre)


Berlin, 31 octobre 1806

Au roi de Hollande

Par votre lettre je vois que vous serez le 29 à Paderborn. Ainsi au ler novembre vous aurez été à Goettingen. Le maréchal Mortier vous aura demandé une division de votre armée pour l'aider à prendre possession de Cassel; mais j'espère que cette division aura à peine eu le temps d'arriver jusqu'à Cassel, puisque, une fois le prince éloigné et les premières milices désarmées, tout sera fini. Je suppose donc que, le 5 novembre, votre division sera de retour. Comme la mission contre Hesse-Cassel est un peu délicate, j'imagine que vous ne vous en serez pas chargé en personne. Partez le plus tôt possible pour le Hanovre et pour prendre possession de l'électorat. Je vous ai dit de prendre le 22e de ligne afin d'avoir trois bons régiments français. Le maréchal Mortier viendra vous joindre en Hanovre aussitôt que je connaîtrai l'état des choses. Le maréchal Mortier a 10,000 hommes et vous 12,000; vous aurez ainsi 22,000 hommes; ce sera beaucoup plus qu'il ne vous faut pour l'armée de Hanovre. D'ailleurs, je ne vous laisserai jamais seul. Hameln et Nienburg ne tarderont pas à se rendre quand ils sauront les désastres de leur patrie. Même devant un petit corps d'observation, sans les bloquer, pour les empêcher de faire des courses dans le pays. Rendez-vous maître de tout l'électorat. Correspondez souvent avec moi et envoyez-moi des états de situation. Si vous avez des hommes à pied en Hollande, faites-en venir en Hanovre, où vous les monterez par des réquisitions.

Du moment que vous serez en Hanovre, mettez-vous en correspondance avec le maréchal Ney, qui bloque Magdeburg, et avec général que j'ai nommé gouverneur de Brunswick; ils ne se trouve qu'à deux petites journées de Hanovre.


Berlin, 31 octobre 1806

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je viens d'ordonner que le général Canclaux serait chargé d'organiser et commanderait 3,000 gardes nationales des départements de la Somme et de la Seine-Inférieure. Le général Rampon en commande 6,000 à Saint-Omer. Cela fera 9,000, qui pourront se porter soit sur Boulogne, soit sur Cherbourg, selon événements. J'ai ordonné que le général Lamartillière en organiserait 3,000 à Bordeaux. Pressez pour que tout cela se fasse promptement, afin que mes côtes ne soient pas sans défense, tant pour le moment que pour le printemps prochain; car il est possible que mon armée ne soit pas rentrée pour cette époque, quoique de ma personne j'espère être de retour. Prenez des renseignements et faites-moi connaître jusqu'à quel point je puis compter sur les 3,000 hommes du général Canclaux, et si, en organisant trois autres mille gardes nationales dans les départements du Calvados et de la Manche, je pourrais retirer le 5e d'infanterie légère, qui est là. Dans toute probabilité, si les Anglais envoient du monde, ce sera en Hanovre pour soutenir la Suède, comme ils en envoient en Sicile pour soutenir le roi de Naples.

Vous verrez, par le vingt-quatrième bulletin, la situation de mes affaires ici. Tout va aussi bien qu'il est possible de se l'imaginer. La Prusse est abattue et ne compte plus pour rien. Mes pertes sont légères. On ne saurait se trouver dans une meilleure position.


Berlin, 31 octobre 1806

Au général Canclaux

Je vous ai nommé pour organiser et commander 3,000 hommes de gardes nationales de la Somme et de la Seine-Inférieure. Je désire que vous voyiez en cela une marque de ma confiance dans vos talents et votre attachement à ma personne. Rendez-vous à Amiens et dirigez les gardes nationales sur le Havre, Dieppe et Saint-Valery. Donnez tous vos soins à l'instruction de cette réserve, afin que, si au printemps les Anglais inquiètent mes côtes, vous puissiez vous porter sur Cherbourg, Boulogne et partout où il serait besoin.  


Berlin, 31 octobre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, l'armée du roi de Prusse n'existe plus. Tout ce qui était à Iena, 160,000 hommes, ont été tués, blessés ou pris; pas un homme n'a passé l'Oder. Je suis maître de leurs places fortes, de Spandau, de Stettin. Mes troupes sont sur les confins de la Pologne. Le roi de Prusse a passé la Vistule; il ne lui reste pas 10,000 hommes. Je suis assez content des habitants de Berlin.

J'envoie les différents décrets dont vous aurez besoin.

Les quatre régiments de cuirassiers doivent être partis; faites-moi connaître quand ils seront sur le Danube.


Berlin, 31 octobre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, faites confisquer tous les bâtiments prussiens qui trouvent dans mes ports d'Italie, et autorisez les corsaires à les poursuivre.

Faites faire par une circulaire des prières publiques dans mon royaume d'Italie pour remercier Dieu de l'heureux succès de mes armes.

Mettez dans Milan une grande pompe à la cérémonie du Te Deum qui sera chanté à cette occasion.

Les deux premiers régiments italiens font partie du corps du maréchal Mortier et sont du côté de Cassel. Le 3e régiment est en marche pour arriver.


Berlin, 31 octobre 1806

DÉCISION

Le ministre directeur de l'administration de la guerre rend compte à l'Empereur du départ pour Mayence des brigades des équipages de la compagnie Breidt organisées à Bruxelles et à Paris.

M. Daru donnera les ordres les plus précis pour que ces quatre brigades se chargent, à Mayence de souliers, habits et autres effets que les corps voudront envoyer à l'armée, et pour qu'elles se dirigent sur Erfurt, de là sur Wittenberg et de là sur Spandau, et qu'elles marchent réunies sous escorte que fournira le maréchal Kellermann. Vous défendrez expressément que le roi de Hollande et le maréchal Mortier en prennent en chemin.


Berlin, 31 octobre 1806

24e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Stettin est en notre pouvoir. Pendant que la gauche du grand-duc de Berg, commandée par le général Milhaud, faisait mettre bas les armes à une colonne de 6,000 hommes à Pasewalk, la droite, commandée par le général Lasalle, sommait la ville de Stettin et lui imposait la capitulation ci-jointe. Stettin est une place en bon état, bien armée et bien palissadée. 160 pièces de canon, des magasins considérables, une garnison de 6,000 hommes de belles troupes, prisonnière, beaucoup de généraux ; tel est le résultat de la capitulation de Stettin, qui ne peut s'expliquer que par l'extrême découragement qu'a produit sur l'Oder et dans tous les pays de la rive droite la disparition de la grande armée prussienne.

De toute cette belle armée de 180,000 hommes, rien n'a passé l'Oder. Tout a été pris, tué, ou erre encore entre l'Elbe et l'Oder, et sera pris avant quatre jours. Le nombre des prisonniers montera à près de 100,000 hommes. Il est inutile de faire sentir l'importance de la prise de la ville de Stettin, une des places les plus, commerçantes de la Prusse, et qui assure à l'armée un bon pont sur l'Oder et une bonne ligne d'opérations.

Du moment que les colonnes du duc de Weimar et du général Blücher, qui sont débordées par la droite et la gauche et poursuivies par la queue, seront rendues, l'armée prendra quelques jours de repos.

On n'entend point encore parler des Russes. Nous désirons fort qu'il en vienne une centaine de milliers. Mais le bruit de leur marche est une vraie fanfaronnade. Ils n'oseront pas venir à notre rencontre. La journée d'Austerlitz se représente à leurs yeux. Ce qui indigne les gens sensés, c'est d'entendre l'empereur Alexandre et son Sénat dirigeant dire que ce sont les alliés qui ont été battus. Toute l'Europe sait bien qu'il n'y a pas de famille en Russie qui ne porte le deuil; ce n'est pas la perte des alliés qu'elles pleurent. 195 pièces de bataille russes qui ont été prises, et qui sont à Strasbourg, ne sont pas les canons des alliés. Les 50 drapeaux russes qui sont suspendus à Notre-Dame de Paris ne sont pas les drapeaux des alliés. Les bandes de Russes qui sont morts dans nos hôpitaux ou sont prisonniers dans nos villes ne sont pas les soldats des alliés. L'empereur Alexandre, qui commandait à Austerlitz et à Wischau avec un si grand corps d'armée, et qui faisait tant de tapage, ne commandait pas les alliés. Le prince qui a capitulé et s'est soumis à évacuer l'Allemagne par journées d'étapes n'était pas sans doute un prince allié. On ne peut que hausser les épaules à de pareilles forfanteries. Voilà le résultat de la faiblesse des princes et de la vénalité des ministres. Il était bien plus simple pour l'empereur Alexandre de ratifier le traité de paix qu'avait conclu son plénipotentiaire, et de donner le repos au continent. Plus la guerre durera, plus la chimère de la Russie s'effacera, et elle finira par être anéantie. Autant la sage politique Catherine était parvenue à faire de sa puissance un immense épouvantail, autant l'extravagance et la folie des ministres actuels la rendront ridicule en Europe.

Le roi de Hollande, avec l'avant-garde de l'armée du Nord, est arrivé le 21 à Goettingen. Le maréchal Mortier, avec les deux divisions du 8e corps de la Grande Armée commandées par les généraux Lagrange et Dupas, est arrivé le 26 à Fulde.

Le roi de Hollande a trouvé à Münster, dans le comté de la Marck et autres États prussiens, des magasins et de l'artillerie.

On a ôté à Fulde et à Brunswick les armes du prince d'Orange et celles du duc. Ces deux princes ne régneront plus. Ce sont les principaux auteurs de cette nouvelle coalition.

Les Anglais n'ont pas voulu faire la paix; ils la feront; mais France aura plus d'États et de côtes dans son système fédératif.

Voici le rapport que le prince de Hohenlohe a adressé au roi Prusse après la capitulation de son corps d'armée, et qui a
intercepté.