1 - 15 septembre 1806


Saint-Cloud, 2 septembre 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, témoignez mon mécontentement à M. Bignon de ce qu'il a écrit au maréchal Augereau. Il n'a rien à faire avec mes généraux. Il devait vous envoyer la note qu'il a faite et non au maréchal Augereau. Il ne sera donc pas possible, enfin, d'obtenir un peu de prudence et de circonspection des agents diplomatiques ? Je ne comprends pas trop la lettre du grand-duc de Berg, mais il me semble qu'il veut s'arranger avec le prince Primat; et prendre la partie de la France. Faites-moi un rapport là-dessus et écrivez d'une manière très-claire pour que l'octroi du Rhin soit mis en activité. Je ne comprends pas ce que veut dire la dépêche du 30 juin du consul Pouqueville, que la Porte veut changer de Grand- Seigneur; on a mal déchiffré cela.


Saint-Cloud, 2 septembre 1806.  

A l'empereur d'Autriche

Monsieur mon Frère, j'ai reçu la lettre que Votre Majesté m'a fait remettre par M. le général baron de Vincent. J'ai été parfaitement content de cet officier général pendant le temps qu'il a résidé ici. Je lui ai exprimé tout le désir que j'ai de voir se resserrer les liens de la bonne amitié entre nous. L'union sur le continent est le premier intérêt qui m'anime. Je prie Votre Majesté de croire à mes sentiments de haute considération et d'inviolable amitié, et au désir que j'ai de lui être agréable.


Saint-Cloud, 2 septembre 1806

Au prince Primat

J'ai reçu la lettre de Votre Altesse du 15 août. Je me suis empressé d'adhérer à sa demande, et j'ai donné des ordres pour que la ville de Francfort fût exemptée du payement du reste de la contribution qui lui avait été imposée quand elle n'appartenait pas à Votre Altesse. J'ai été fort aise de lui donner une preuve de mon désir de lui être agréable.


Saint-Cloud, 2 septembre 1806

Au vice-amiral Decrès

Vous ne m'avez pas encore remis votre rapport sur l'expédition des frégates de Rochefort. Les jours se passent, et les jours sont bien précieux dans cette saison. Mon intention est donc que vous donniez sans délai l'ordre aux cinq frégates que j'ai à Rochefort de partir. Elles embarqueront 1,900 ou 2,000 hommes. A cet effet, deux de ces frégates seront désarmées dans le port de la Martinique pour ne revenir qu'à la paix, ou être réarmées avec des matelots du pays pour être employées à la défense de l'île. Les trois meilleures frégates y compléteront leurs agrès et leurs équipages, pour aller croiser devant le Cap, le Môle et le Port-au-Prince. Vous leur donnerez des instructions particulières pour les pirates américains. Elles feront passer leurs prises à Santo-Domingo et même à la Guadeloupe. J'ai donné ordre au ministre de la guerre de remettre à votre disposition 2,000 hommes, qui seront composés de la manière suivante : une compagnie de 300 hommes, officiers compris, du bataillon colonial de l'île de Ré; deux compagnies de 300 hommes, du 3e bataillon du 26e de ligne; deux compagnies de 300 hommes chacune, du 82e de ligne; une compagnie également forte de 300 hommes, du 66e de ligne; ce qui fera 1,800 hommes; enfin la compagnie des canonniers de la légion du Midi, qui sera complétée à 120 hommes, en tout 1,920 hommes, force que je désire envoyer à la Martinique, que je crois devoir être attaquée prochainement.

Écrivez au capitaine général de faire incorporer à son arrivée les deux compagnies du 66e dans les deux bataillons de guerre de ce régiment qui est à la Martinique. Les deux compagnies du 82e seront conservées en dépôt jusqu'à ce qu'on puisse les faire passer à la Guadeloupe, où est ce régiment. Mon intention est qu'au 15 septembre, au plus tard, les troupes soient embarquées et les frégates en rade, sans communication avec la terre et n'attendant que le vent favorable pour partir. Apportez-moi à signer, demain au conseil, au plus tard , l'ordre pour le commandement des frégates.


Saint-Cloud, 2 septembre 1806

Au roi de Naples

Je reçois votre lettre du 22 août. Le général Campredon est entré à votre service et va se rendre près de vous. J'ai vu que vos deux officiers du génie penchaient pour Capoue. Je ne me refuse pas à cette idée, mais je trouve qu'ils décident cette question un peu légèrement. Je ne regarde pas le voisinage de Naples comme un inconvénient. Je n'admets point l'idée d'être moqué par cette immense capitale; j'aurais, au contraire , l'avantage de la contenir et d'enfermer son port dans ma défense.

Voici les trois principaux objets que doit avoir la grande place que je veux établir, pour être la meilleure que possible : 1° contenir la capitale de manière qu'on ne puisse s'en dire possesseur tranquille tant qu'on n'aura pas pris la place; 2° renfermer les arsenaux et les magasins de l'armée de terre; 3° réunir tout l'arsenal et les vaisseaux de la marine napolitaine. La place de Capoue n'a qu'une de ces propriétés; elle n'influe pas sur Naples, étant hors de la portée de la bombe; n'étant point port, elle ne peut contenir les arsenaux de mer; elle ne peut donc contenir que les arsenaux de terre. Une place située à la portée de la bombe du centre de Naples, et qui en même temps enceindrait le port, aurait seule les trois propriétés. Une place située à Castellamare n'aurait pas l'avantage de contenir Naples, mais aurait les deux autres propriétés, c'est-à-dire qu'elle pourrait contenir l'arsenal de terre et celui de mer. Située à Gaète, elle aurait aussi le même avantage si des vaisseaux de guerre peuvent entrer dans le port. Je désire que la place soit située sur la mer, parce qu'il n'est point prouvé que je serai toujours inférieur dans la Méditerranée; parce que, même inférieur, il est impossible d'empêcher une place maritime d'être ravitaillée en hiver. J'ai ravitaillée Malte, et si, au lieu du ridicule gouvernement de l'an VII et des temps malheureux de l'an VIII, elle eût été assiégée en l'an XII, elle ne se serait jamais rendue faute de subsistances; à plus forte raison une place située auprès de la Corse, de Toulon, telle que le seraient Gaète, Naples et Castellamare. Il est ridicule qu'un officier du génie dise que Gaète est difficile à approvisionner. Je ne sache pas qu'il existe au monde une plus grande rivière et plus praticable que la mer. Mais, si même des frégates ne peuvent pas entrer à Gaète, alors ce point n'offre plus d'avantage, et il faut chercher sur la côte un point où l'on puisse construire facilement un port, s'il n'y en a point, et où il y ait assez d'eau pour contenir six ou sept vaisseaux de ligne. Quant à la dépense, le royaume de Naples est assez riche pour permettre d'y employer pendant dix ans six millions par an , et l'on aura une place comme Strasbourg, Alexandrie, etc., capable d'une longue résistance et obligeant l'ennemi de l'assiéger avec une armée considérable et des approvisionnements immenses. Les officiers du génie que vous avez consultés n'ont pas des idées assez grandes. Faites-leur tracer sur une carte le terrain autour du fort Saint-Elme et entre le Vésuve et Naples. Faites-leur tracer sur ces deux points un cercle de 1,600 toises de diamètre qui, par l'une de ses extrémités, ait un point de contact avec la mer, et par l'autre avec la ville, de manière que les ouvrages avancés se trouvent à 400 toises des maisons; et qu'on me fasse connaître, non par des raisonnements ni par de hautes combinaisons, mais par les calculs qui appartiennent à l'art de l'ingénieur, les inconvénients de l'un et l'autre tracé. Chargez un autre officier du génie de faire la reconnaissance de Castellamare et de toute la presqu'île dont l'isthme est de Castellamare à Amalfi. En construisant une place de 4 à 500 toises de développement autour de Castellamare, vous serez maître constamment du port; votre arsenal de terre et de mer sera à l'abri de tous événements. Quelques forts que l'on établirait à Castellamare et à Amalfi rendraient maîtres de la presqu'île. On établirait un bon fort sur l'île de Capri, et, avec 16 ou 20,000 hommes, on aurait plusieurs avantages. On se défendrait longtemps dans ce camp retranché, qui, selon ma carte, aura quatre lieues de profondeur sur trois lieues de largeur, sans compter l'île de Capri. Si l'armée ennemie avait une grande supériorité, il faudrait qu'elle s'emparât de l'île de Capri et des forts qui défendent l'isthme, non sans grande quantité de munitions et sans grande perte de temps. Quand elle en serait maîtresse, il faudrait qu'elle s'emparât du corps de la place. Et qui ne voit pas que des années s'écouleraient dans ce siège, et que l'ennemi y sacrifierait une grande quantité de moyens qui ne seraient pas employés ailleurs ? J'ajoute à ces considérations que la position de Castellamare me  rend un peu les avantages d'une place près de Naples : située à quatre lieues de Naples par mer, le commerce de cette dernière ville  ne serait jamais en sûreté; tant qu'on serait maître de la presqu'île et de Capri, la navigation du golfe serait difficile, et il ne doit être possible, dans un certain temps, de louvoyer dans un golfe si étroit; on serait à la vue de Naples, et l'on pèserait sur cette capitale beaucoup plus que de Capoue. Ainsi, abstraction faite du local, que je ne connais pas, mais seulement par la position géographique et la position maritime qui permettraient de faire ce port à quatre lieues de Naples, Castellamare serait mon lieu de choix. 

A défaut de Castellamare viendrait Gaète. J'estime le voisinage de la mer utile, puisque, par ce moyen, près de la moitié de l'enceinte se trouve hors d'attaque. Si l'on prenait Gaète, on considérerait les fortifications actuelles comme la citadelle, et la place serait établie dans l'isthme à un ou deux milliers de toises en avant, en l'entourant soit par de bons forts, soit par des enceintes contiguës, de manière qu'avant de réduire la garnison il faudrait faire trois ou quatre sièges, qui, exigeant chacun trente ou quarante jours de tranchée ouverte, feraient qu'un roi déterminé se défendrait là avec l'élite de ces sujets pendant huit ou neuf mois de tranchée ouverte. Quant aux insultes du côté de la mer, cela ne peut compter pour rien; tant que l'ennemi brûle ainsi sa poudre, il n'y a rien à craindre. Vingt mortiers à grande portée, quelques batteries de pièces de 36, et quelques forts qu'on trouvera toujours moyen de faire à 30 ou 40 toises, dégoûteront bientôt l'ennemi de ce jeu.

Faites aussi voir ce que c'est que Pouzzoles. Il y a là une anse; faites-vous-en faire un rapport. Ce point n'est qu'à deux lieues de Naples. On pourrait s'emparer de cette presqu'île et des îles d'Ischia et de Procida, ce qui ferait un autre système, mais combiné de manière que, ces îles prises, la place serait encore dans toute sa force. Une place de dépôt n'est pas comme un système de places pour défendre une frontière. Qu'elle soit située du côté de Rome, de la Sicile ou de Tarente, cela m'est indifférent; cependant je voudrais qu'elle fût le plus près possible de Naples. Quel est le but que l'on a en organisant cette place ? C'est de rendre Naples indépendante des événements de la haute Italie. Je suppose les Autrichiens se relevant de leur abattement actuel et reconquérant l'Adige et le Piémont : je ne veux point que cela produise un sentiment d'alarme dans Naples. Si, envahissant ses frontières et se combinant avec les troupes de débarquement, une armée beaucoup plus forte que celte du roi de Naples l'oblige à abandonner la campagne, que ce prince ait son plan de campagne simple et ses mouvements naturels : qu'il se retire dans sa place forte avec ses richesses, ses archives, quelques sujets dévoués et des otages pris dans le parti contraire. En calculant seulement la quantité effroyable de moyens que l'ennemi sera obligé de réunir, on voit combien 60,000 hommes auront de difficultés à s'emparer de Naples, lors même qu'il n'y aurait plus de Français en Italie. Quand les rois de Naples, militaires comme c'est le premier métier des rois, auront une place centrale dans laquelle ils sauront qu'ils doivent s'enfermer et qu'ils sont chargés de défendre, ils en augmenteront considérablement les fortifications.

Dans cette situation des choses, lorsqu'on verra ce système établi, et un roi s'enfermer dans cette place, on le respectera; on fera sa paix et on ne s'engagera pas dans une lutte qui affaiblirait trop les moyens des alliés, qui auront déjà la France en tête. Une place construite dans ce but mérite seule l'emploi de sommes considérables. Cinq millions par an employés à construire, non ce que le baragouinage des ingénieurs appelle des établissements, mais à construire des demi-lunes, rendraient cette place redoutable dans cinq ans.

Ces quatre on cinq premières années employées, on aura alors le temps de bâtir des casernes, de beaux magasins, qui coûteront n'importe quoi, parce que tout est facile avec le secours des années et des siècles.

Il est une autre place qu'il est nécessaire de faire en Sicile, à Messine ou au Phare. Mais je crois utile qu'on travaille dès aujourd'hui aux fortifications de Scilla. Les 300 hommes que vous y avez laissés s'y sont défendus quinze jours. Si l'on avait eu la précaution d'y travailler quatre ou cinq mois, ils s'y seraient défendus trois mois. Scilla est le point qui rend maître du détroit. Il ne s'agit pas de disséminer ses moyens de défense sur Reggio et Scilla. Si le général Reynier avait eu 800 hommes à Scilla avec son artillerie et ses magasins, au lieu d'éparpiller ses forces, il ne les aurait point perdues. Toutes les autres fortifications n'ont plus de but; non que je croie que les petits forts qui existent, défendant soit un détroit, soit un mouillage, soient inutiles, mais ils ne sont que secondaires. Tant que l'ennemi ne débarquera pas des forces supérieures à celles qu'on a dans le royaume, quelques forts peuvent être utiles; mais l'ennemi ne tente pas de faire un siège lorsque tous les jours il peut être dans la mer. A mon sens, ce qu'il y a d'important c'est une place de dépôt à tracer dès le mois prochain, en supposant que le plan et l'ordre des travaux soient arrêtés avant ce temps. L'ordre des travaux est de la plus grande importance. Il faut tracer un plan et en régler l'exécution, sans quoi les ingénieurs vous feront une place qui, après dix ans de travaux, ne se défendra pas contre un escadron, parce qu'elle ne sera pas achevée; au lieu que je veux qu'en 1808 elle soit susceptible d'un premier degré de résistance.

En dernière analyse, je désire que vous fassiez travailler à Scilla de manière que 7 à 800 hommes que vous laisserez là, avec toutes les batteries qui protègent le détroit, ne puissent être enlevés par un coup de main et tiennent quinze ou vingt jours de tranchée ouverte; que vous m'envoyiez des mémoires sur Gaète et le terrain environnant, sur le pays entre le Vésuve, Naples et Portici, sur Castellamare; et toute cette presqu'île. Pour tous ces travaux, je vous l'ai déjà dit, vous avez quatre ou cinq ans. Après cela, il faut que votre système soit combiné de manière que, quelque tempête qu'il arrive, vous ne soyez pas pris au dépourvu et que vous soyez en règle.


Saint-Cloud, 3 septembre 1806

NOTE POUR LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

La formation du grand sanhédrin au moyen de l'éloignement d'une partie des membres de l'assemblée actuelle n'est pas une idée heureuse. Ces membres sont la base de l'opération, puisque ce sont eux qui ont fait les réponses. Ainsi l'on quitterait le certain pour l'incertain.

Il y a dans rassemblée quinze rabbins; si ce nombre ne suffit pas on peut en faire venir trente autres. On joindrait à ces quarante-cinq rabbins trente principaux membres de l'assemblée, et ces soixante et quinze individus formeraient le sanhédrin. Mais l'assemblée telle qu'elle est resterait en entier; elle serait seulement augmentée des trente rabbins nouvellement appelés.

La grande discussion aurait lieu dans l'assemblée, et les bases arrêtées par elle seraient converties en décrets ou décisions par le grand sanhédrin. Par ce moyen, on aurait l'avantage de se servir d'un grand nombre d'individus déjà engagés pour influer sur les rabbins. Ce grand nombre engagerait les rabbins timides et agirait sur les rabbins fanatiques, en cas de résistance extraordinaire, en les plaçant entre la nécessité d'adopter les explications, ou le danger d'un refus dont la suite serait l'expulsion du peuple juif. Ces querelles de famille conduiraient vraisemblablement au but qu'on se propose.

Ainsi donc il ne faut renvoyer personne; mais il faut charger l'assemblée de déclarer qu'il sera formé dans son sein un grand sanhédrin composé de telle ou telle manière. On aura de la sorte, au lieu de quelques rabbins qui ne verraient que le ciel et leur doctrine, une assemblée nombreuse qui jugera l'intérêt du peuple juif dans le rapprochement de tous les esprits; une assemblée d'hommes qui craindront de perdre leur fortune; une assemblée des principaux parmi les Juifs, qui ne voudront pas qu'on puisse leur imputer les malheurs de la nation juive.

L'assemblée actuelle serait donc l'assemblée des représentants ou des principaux de la nation juive; le sanhédrin (conseil suprême du judaïsme) en serait le comité. Ce qui justifiera la nécessité de l'existence de l'assemblée , c'est qu'indépendamment des objets de politique qu'elle doit traiter, elle aura aussi à statuer sur des points de discipline, et à régler l'organisation, la nomination, le traitement, les pensions des rabbins, discussions dans lesquelles les rabbins seront partie.

Mais, avant de faire venir, pour mettre l'assemblée dans le cas de former dans son sein le grand sanhédrin, un nombre aussi considérable de rabbins, il faut s'assurer si les quinze rabbins, députés actuels, sont de l'opinion des réponses faites aux questions, et à quel point ils tiennent à des vues théologiques.

Il serait en effet fort ridicule de faire venir, à grands frais, trente nouveaux rabbins pour déclarer que les Juifs ne sont pas les frères des Francais.


Saint-Cloud, 3 septembre 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, vous trouverez ci-joint le rapport du directeur du génie en Dalmatie. Je lui ai fait demander comment l'Autriche pourrait attaquer la Dalmatie : il n'a point compris cette question.  J'entends que, pour y répondre, il me fasse lever la frontière de la Dalmatie et de l'Autriche; qu'il indique les points où l'armée autrichienne pourrait réunir ses magasins en Croatie, la direction qu'elle donnerait à ses colonnes pour pénétrer en Dalmatie, enfin les positions défensives de la Dalmatie, du côté de l'Autriche.

Je lui avais fait connaître que mon intention était que Zara soit considérée comme le centre de la défensive de toute la Dalmatie : il n'a pas compris davantage ce que j'entendais par cette expression. Il a cru que je voulais que toutes les troupes fussent réunies à Zara, que je pensais que le point de défense devait partir de cette place, soit que la Dalmatie fut attaquée par l'Autriche, soit qu'elle le soit par la frontière de Turquie, ou par un débarquement.

Le directeur du génie, au lieu de tâcher de répondre aux questions qu'on lui faisait, s'est jeté dans des plans de campagne évidemment ridicules, puisqu'ils dépendent de la force et de la constitution de l'armée ennemie, et de la force et de la constitution de l'armée française.

On a demandé dans le siècle dernier si les fortifications étaient de quelque utilité. Il est des souverains qui les ont jugées inutiles et qui en conséquence ont démantelé leurs places. Quant à moi je renverserais la question et je demanderais s'il est possible de combiner la guerre sans des places fortes, et je déclare que non. Sans des places de dépôt on ne peut pas établir de bons plans de campagne , et sans des places que j'appelle de campagne, c'est-à-dire à l'abri des hussards et des partis, on ne peut pas faire la guerre offensive. Aussi plusieurs généraux qui, dans leur sagesse, ne voulaient pas de places fortes, finissaient-ils par conclure qu'on ne peut pas faire de guerre d'invasion. Mais combien faut-il de places fortes ? C'est ici qu'on se convainc qu'il en est des places fortes comme de l'emplacement des troupes.

Prétendez-vous défendre toute une frontière par un cordon ? Vous êtes faible partout, car enfin tout ce qui est humain est limité : artillerie, argent , bons officiers, bons généraux , tout cela n'est pas infini, et, si vous êtes obligé de vous disséminer partout, vous n'êtes fort nulle part. Mais renfermons-nous dans la question.

La Dalmatie peut être attaquée par mer, et ses ports et havres ont besoin de batteries qui les défendent. Il est plusieurs îles qui sont importantes. Il existe plusieurs forts auprès des grandes villes et des principaux ports qui peuvent aussi avoir de l'importance; mais cette importance est secondaire.

La Dalmatie, du côté de terre, a une frontière étendue avec l'Autriche et la Turquie. Il existe plusieurs forts qui défendent les défilés ou passages des montagnes. Ces forts peuvent être utiles; mais leur utilité est secondaire.

Les uns et les autres sont des forts de campagne, quoique de fortification permanente, et je les appelle ainsi, parce qu'ils peuvent servir pour mettre à l'abri un détachement, un bataillon, soit contre un débarquement, soit contre une invasion, pendant que l'armée française serait supérieure en Dalmatie , quoique cependant elle se trouvât momentanément inférieure au point du débarquement ou de l'invasion. Avant que la grande supériorité de l'ennemi soit bien constatée, ces forts, soit du côté de mer, soit du côté de terre, si l'on attaque la Dalmatie par mer ou par terre, ces forts, dis-je, peuvent servir et aider aux mouvements et aux manœuvres défensives de l'armée française; mais ils tombent du moment que la supériorité de l'ennemi sur l'armée française est bien constatée.

Il n'est aucun moyen d'empêcher une armée double ou triple en forces de l'armée que j'aurais en Dalmatie d'opérer son débarquement sur un point quelconque de quatre-vingts lieues de côtes , et d'obtenir bientôt un avantage décidé sur mon armée , si sa constitution est proportionnée à son nombre.

Il m'est également impossible d'empêcher une armée plus forte, qui déboucherait par la frontière d'Autriche ou de Turquie, d'obtenir des avantages sur mon armée de Dalmatie.

Mais faut-il que 6, 8 ou 12,000 hommes, que les événements de la politique générale peuvent me porter à tenir en Dalmatie, soient détruits et sans ressources après quelques combats ? Faut-il que mes munitions, mes hôpitaux et mes magasins, disséminés à l'aventure, tombent et deviennent la proie de l'ennemi, du moment qu'il aurait acquis la supériorité en campagne sur mon armée de Dalmatie ? Non; c'est ce qu'il m'importe de prévoir et d'éviter. Je ne puis le faire que par rétablissement d'une grande place, d'une place de dépôt qui soit comme le réduit de toute la défense de la Dalmatie, qui contienne tous mes hôpitaux, mes magasins, mes établissements, où toutes mes troupes de Dalmatie viennent se reformer, se rallier, soit pour s'y renfermer, soit pour reprendre la campagne, si telles sont la nature des événements et la force de l'armée ennemie. Cette place, je l'appelle place centrale. Tant qu'elle existe, mes troupes peuvent avoir perdu des combats, mais n'ont essuyé que les pertes ordinaires de la guerre; tant qu'elle existe, elles peuvent elles-mêmes, après avoir pris haleine et du repos, ressaisir la victoire, ou du moins m'offrir ces deux avantages, s'occuper un nombre triplé d'elles au siège de cette place, et de me donner trois ou quatre mois de temps pour arriver à leur secours; car, tant que la place n'est pas prise, le sort de la province n'est pas décidé, et l'immense matériel attaché à la défense d'une aussi grande province n'est pas perdu.

Ainsi, tous les forts situés aux débouchés des montagnes ou destinés à la protection des différentes îles et ports ne sont que d'une utilité secondaire. Mon intention est qu'on ne travaille, pour améliorer ou augmenter leurs fortifications, que lorsque je connaîtrai les détails de chacun d'eux, et que lorsque les travaux de la place principale seront arrivés à un degré suffisant de force, et que mes munitions de guerre, mes hôpitaux, mes magasins d'habillement et de bouche seront centralisés dans ma place de dépôt, qui doit fournir ce qui est nécessaire à la défense des localités, mais de manière qu'en peu de temps tout puisse se reployer sur cette place, afin d'éprouver, en cas d'invasion de la part de l'ennemi, la moindre perte possible. Une place centrale une fois existante, tous les plans de campagne de mes généraux doivent y être relatifs. Une armée supérieure a-t-elle débarqué dans un point quelconque, le soin des généraux doit être de diriger toutes les opérations de manière que leur retraite sur la place centrale soit toujours assurée.

Une armée attaque-t-elle la frontière turque ou autrichienne, le même soin doit diriger toutes les opérations des généraux français ne pouvant défendre la province tout entière, ils doivent voir la province dans la place centrale.

Tous les magasins de l'armée y seront concentrés, tous les moyens de défense s'y trouveront prodigués, et un but constant se trouvera donné aux opérations des généraux. Tout devient simple, facile, déterminé, rien n'est vague quand on établit de longue main et par autorité supérieure le point central d'un pays. On sent combien de sécurité et de simplicité donne l'existence de ce point central et combien de contentement elle met dans l'esprit des individus qui composent l'armée. L'intérêt de sa conservation agit assez sur chacun pour que l'on sente que l'on est là en l'air : d'un côté, la mer couverte de vaisseaux ennemis; de l'autre, les montagnes de la Bosnie peuplées de barbares; d'un troisième côté, les montagnes âpres de la Croatie, presque impraticables dans une retraite, lorsque surtout il faut considérer ce pays comme pays ennemi. Trop d'inquiétude anime l'armée si, dans cette position, elle n'a pas pour tous les événements un plan simple et tracé; ce plan simple et tracé, ce sont les remparts de Zara. Quand , après plusieurs mois de campagne, on a toujours pour pis aller de s'enfermer dans une ville forte et abondamment approvisionnée, on a, plus que la sûreté de la vie, la sûreté de l'honneur.

Il est facile, pour peu que l'on médite sur ce qui vient d'être dit et que l'on jette un coup d'œil sur la Dalmatie, de voir que Zara doit être la place centrale ou de dépôt. Elle doit l'être, car, lorsque mes ennemis m'attaqueront en Dalmatie, je serai ami ou ennemi de l'Autriche. Si je suis ami de l'Autriche, la supériorité des ennemis ne sera que de bien courte durée; j'ai trop de moyens d'y faire passer des secours. Cette hypothèse est trop favorable, et, dans ce cas, il convient que la place de dépôt soit le plus près possible de l'Isonzo, par où je puis faire passer mes secours : or la place de la Dalmatie la plus près de l'Isonzo est Zara.

Si, au contraire, je suis en guerre avec l'Autriche, ce qui est l'hypothèse la plus probable, la place de Zara m'offre beaucoup d'avantages. Les 10 ou 12,000 hommes que j'ai en Dalmatie se réunissent à Zara et peuvent se combiner avec mon armée de l'Isonzo, et par là entrent dans le système de la guerre; les Autrichiens ne peuvent pas les négliger; ils seront donc obligés de placer un même nombre d'hommes pour les tenir en échec, et par ce moyen la Dalmatie ne m'affaiblit pas. En occupant par mes armées beaucoup de terrain, je ne dois point perdre de vue de les faire concourir toutes à un plan de campagne général, de n'éprouver aucun affaiblissement, ou que le moindre possible, de cette grande extension que les intérêts du commerce et de la politique générale exigent sous d'autres points de vue.

Si les Autrichiens croient utile d'attaquer la Dalmatie, et l'attaquent en effet avec des forces très-supérieures, mon armée assiégée dans Zara est plus près d'être secourue par mon armée d'Italie.

Enfin Zara doit être la place de dépôt, parce qu'elle l'est; que c'est le seul point de la Dalmatie qui soit régulièrement et fortement fortifié, ou du moins telle est l'idée que j'en ai prise d'après les renseignements et les plans que m'a envoyés le génie; que je ne ferais point en six ans, et avec bien des millions, ce qui déjà existe à Zara; que la province est accoutumée à y voir sa capitale, et qu'il me faudrait de véritables raisons pour y forcer les habitudes.

Mais s'ensuit-il donc que toutes mes troupes doivent être réunies autour de Zara ? Certainement non. Mes troupes doivent occuper les positions que mes généraux jugeront les plus convenables pour camp destiné à se porter sur tous les points de la frontière. Mais l'emplacement que doivent occuper ces troupes dépend de leur nombre, des circonstances, qui changent tous les mois. On ne peut attacher aucune importance à prévoir ce qu'il convient de faire dessus.

Conclusion. - Le quartier général permanent sera à Zara. Tous les magasins d'artillerie, du génie, de l'habillement , des vivres, hôpitaux, seront à Zara; on garnira tous les autres points autant qu'il le faudra pour la défense journalière, mais Zara sera le centre de la défense de la Dalmatie. C'est donc actuellement au génie à présenter des projets pour rendre Zara digne du rôle qu'elle est appelée à jouer un jour.

On m'a envoyé des plans; mais aucune description du local environnant, et tant que le génie ne donnera pas la description exacte à 1,200 toises autour de la place, je ne comprendrai rien et ne pourrait pas avoir d'idées nettes.

Zara, étant destinée à réunir tout le matériel et le personnel de la division française en Dalmatie, n'aura jamais moins de 3,000 hommes, et peut-être jusqu'à 8,000 hommes de garnison

On peut prendre beaucoup de maisons nationales puisqu'il y a beaucoup de couvents; et d'ailleurs, quand la garnison est plus forte qu'elle ne devrait être, des baraques et des blindages logent les troupes.

Il parait que Zara a 600 toises depuis l'ouvrage à corne jusqu'à la mer, et seulement 200 toises de largeur. Une garnison ainsi renfermée ferait une triste défense; elle n'aurait point de sortie, et, après que l'ennemi aurait construit quelques redoutes, elle se trouverait bloquée par des forces très-inférieures. Ce n'est point s'étendre que de donner 5 à 600 toises de largeur à la place de Zara; l'ennemi se trouverait alors éloigné de la ville et du port, serait obligé de donner à sa ligne de circonvallation près de 3,000 toises, et serait, sur chacun de ces points, attaquable par la garnison tout entière.

La fortification actuelle de Zara doit être considérée comme la forteresse; 1,500 hommes seraient aujourd'hui plus que suffisants pour la défendre pendant bien du temps. Il faut établir des fortifications pour une garnison de 4, 5 , 6 et 8,000 hommes, qui puisse avoir tous les avantages, harceler l'ennemi et l'obliger à venir l'assiéger avec des forces doubles.

La manière d'exécuter les nouveaux ouvrages est d'une importance majeure; les sommes qu'on peut avoir à y dépenser sont limitées, ainsi que le temps nécessaire pour les achever. Ces ouvrages doivent être conduits de manière qu'à la fin de chaque année ils obtiennent tous un nouveau degré de force. La Dalmatie n'est, après tout, qu'un avant-poste. Quelque importance qu'elle ait, de sa conservation ne dépend point la sûreté de l'Empire. On ne peut donc y dépenser que des sommes très-bornées, lorsque l'on voit surtout que sur nos côtes nos établissements maritimes ne sont pas suffisamment garantis, et que sur une partie de nos frontières notre système de fortification est à créer; 3 ou 400,000 francs paraissent donc être le maximum de ce qu'on peut, chaque année, dépenser à Zara. Il faut donc que tous les ouvrages qu'on établira remplissent deux conditions :

1° Condition. - Éloigner l'ennemi du corps de place et lui donner des sorties de tous côtés, de manière que l'ennemi ne puisse pas bloquer aisément la place;

2° Condition. - Que l'ennemi soit obligé de prendre les nouveaux ouvrages avant d'entrer dans la place : or il ne peut y entrer que par l'ouvrage à corne; donc il faut que ces ouvrages contribuent à la défense de l'ouvrage à corne.

C'est donc de ce côté qu'il faut porter tous les ouvrages d'une fortification permanente qui ajouteront à la défense réelle. Des camps retranchés, des ouvrages de campagne qu'on peut tracer et préparer, étendront la défense de Zara bien au delà du port, toutes les fois que la garnison sera nombreuse et composée de la réunion de toute l'armée. Mais, comme l'argent et tous les moyens destinés à la fortification de Zara sont bornés, il est convenable que tous les ouvrages de fortification permanente soient employés à augmenter la résistance du seul côté par lequel on peut entrer dans la place. Alors de nouveaux ouvrages d'une bonne fortification, placés de manière à flanquer et protéger le côté de l'ouvrage a corne, exigeront autant de sièges différents. L'ennemi serti obligé de les prendre les uns après les autres. Ainsi se succéderont les mois qui donneront aux secours le temps d'arriver.

Je n'approuve donc point le projet de fortification qu'a tracé le directeur du génie, en qui je reconnais d'ailleurs de l'habileté et la connaissance de son métier. Je n'adopte point les projets proposés, par la seule raison que l'ennemi peut les négliger et s'emparer de la place sans les attaquer. Dès lors ils ne contribuent pas à la défense directe; ils peuvent exiger une armée assiégeante plus forte et rendre la défense plus meurtrière et plus brillante, mais ils ne retardent pas réellement la reddition de la place.

Un ouvrage qu'on propose de construire au lazaret a l'avantage de défendre l'ouvrage à corne. Mais ce fort est bien faible; situé 400 toises de la place , il n'en reçoit aucun secours; il n'est pas d'un bon système de mettre ainsi un ouvrage en l'air, à une aussi grande distance des points de protection ; il est donc évident qu'il faut le soutenir avec un autre ouvrage placé à la tête de la vallée Vicinoni.

L'ouvrage à corne du projet est l'ouvrage le plus considérable que le directeur propose; il donne des sorties, mais ne contribue en rien à la défense de l'ouvrage à corne de la place. Ne serait-il pas préférable de placer ce nouvel ouvrage à corne de manière qu'il eût des flancs sur celui de la place, et que l'ennemi fût obligé de s'emparer du nouvel ouvrage avant de cheminer sur la place ?

S'il n'y avait point de raison de porter sa défense jusqu'au lazaret, le nouvel ouvrage qu'on aurait construit à la tête de Valle Vicinoni, pourrait remplir tous les buts et ne faire cependant qu'un seul fort. On appuierait sa droite par un ouvrage à 200 toises de la place, afin que cet ouvrage tirât des feux plus immédiats du fort à la tête des valli et de l'enceinte de la place.

Il aurait encore l'avantage d'appuyer la droite d'un camp retranché qui aurait sa gauche à Valle di Conte. Si la garnison était de plus de 3 ou 4,000 hommes, on pourrait en peu de jours faire des lignes qui deviendraient bientôt assez respectables pour que l'ennemi ne s'amusât point à les attaquer, et fit un meilleur emploi de ses munitions en marchant droit sur la porte qui doit le faire entrer la place. Tout ce qu'on pourrait désirer, c'est que ce camp retranché eût un réduit en fortification permanente, tant pour ne pas risquer de perdre son monde si jamais le camp était forcé, que pour des sorties directement sur la rive droite du port. Ces réduits très-faciles à faire, puisque la rive droite n'est qu'à 100 toises de l'enceinte. Mais l'intérêt de ces ouvrages est secondaire. Ils peuvent être faits que lorsque les autres ouvrages qui remplissent la seconde condition, d'obliger l'ennemi à les attaquer avant de prendre la place, auront déjà un degré de force convenable; or on sait qu'avec 300,000 francs par an on ne pourra atteindre ce but qu'après quelques années.

Ainsi donc il faut, 1° un projet de fortification permanente pour la tête de Valle Vicinoni, qui flanque l'ouvrage à corne et appuie la droite du camp retranché, et puisse donner refuge à une portion de troupes si jamais ce camp était forcé; 2° un tracé de camp retranché; 3° deux ou trois petites lunettes de fortification permanente sur la rive droite du port, qui servent de réduit au camp retranché.

Je désire que le premier inspecteur me fasse un tracé, sur le plan, qui réalise ces idées, indépendamment des détails de localités qui me sont inconnus, l'explique à un officier du génie intelligent qui se rende sur les lieux et fasse, avec le directeur, le véritable tracé. Cet officier restera quinze à vingt jours à Zara, de manière à voir tout par lui-même à une lieue de distance et dans tous les sens, et à pouvoir répondre à toutes les demandes qu'on lui fera. Il rapportera avant la fin d'octobre un plan de la place, des profits et des sondes tout autour et dans le port, le nivellement du terrain à 1,200 toises, du moins pour les points où cela peut être nécessaire, une description du local qui fasse connaître le terrain.

Le nouveau tracé me sera soumis pour qu'on puisse y travailler sur-le-champ. Comme les fonds sont déjà faits, le directeur peut dès à présent commencer les approvisionnements. Mais il ne fera travailler qu'après avoir reçu les instructions définitives du premier inspecteur. Je présume que l'hiver n'empêchera pas de travailler, et que l'on pourra commencer dès le mois de novembre.

Je désire que vous donniez des instructions conformes à cette dépêche au général Marmont, commandant mon armée en Dalmatie, que vous en donniez également au génie et à l'artillerie et aux vivres, pour que les idées soient fixes et convenues. Quelque chose qui arrive, le général français en Dalmatie a bien manœuvré , lorsque, attaqué par des forces supérieures, il est parvenu à réunir tout son personnel et son matériel à Zara, et qu'il y a trouvé des munitions de guerre et de bouche pour y rester un an; car, 6 ou 8,000 hommes de garnison doivent, contre 12 ou 18,000 hommes, dans une si bonne position et avec les fortifications déjà existantes, faire une longue et vigoureuse défense.


Saint-Cloud, 3 septembre 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, tout ce que j'ai dit pour la Dalmatie, il faut le dire pour l'Istrie. L'Istrie est importante sous le point de vue de ses ports, de ses marins et de Venise. Puisque son utilité ne vient que de ses ports, c'est un de ses ports qu'il convient de fortifier. Il y en a trois où peuvent entrer des escadres. Il faut que le génie me fasse des projets pour Pola, qui paraît être le meilleur. L'avantage d'avoir un port est immense, puisque, indépendamment de ce que mes escadres pourront y trouver protection, les 2,000 hommes que suis obligé de laisser en Istrie n'y seront point en l'air, et former la garnison naturelle de cette place. Si je n'avais pas ce point vue, j'établirais ma place le plus près possible de Trieste, où est actuellement le camp. Mais la considération d'avoir un port qui protége mes escadres doit ici l'emporter.


Saint-cloud, 3 septembre 1806

Au général Marmont

Je vous ai fait donner, par mon ministre de la guerre, des instructions pour la guerre de Dalmatie. Zara doit être considérée comme la place de dépôt. Cette place, bien armée et bien approvisionnée est susceptible de soutenir un long siège. Les autres places doivent être considérées comme de simples postes. Veillez donc à ce que les magasins soient centralisés sur cette place. Les différentes places de la Dalmatie doivent être armées, soit pour défendre un mouillage, soit pour résister à des attaques partielles; mais la place de Zara est destinée à être le réduit de toute la Dalmatie. Je ne parle pas de Raguse ni de Cattaro, qui ne peuvent être considérés, quand les occuperez, que comme des forteresses à occuper et à défendre.


Saint-Cloud, 3 septembre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je m'empresse de vous prévenir que la Russie n'a pas ratifié le traité de paix; ainsi nous devons nous considérer comme en guerre avec elle. Écrivez au général Marmont, par Venise, par Ancône et par terre, en recommandant bien à vos avisos d'éviter les croisières ennemies. Vous sentez combien il est important que cette nouvelle arrive promptement. J'espère qu'on aura profité du temps pour bien approvisionner Raguse; c'est un point bien important dans les circonstances actuelles, puisque l'on croit que la Russie va déclarer la guerre à la Porte et marcher sur Constantinople. Il faut que le général Marmont laisse à Lauriston trois généraux de brigade et un bon corps de troupes. J'imagine que Lauriston n'a pas perdu son temps et qu'il est approvisionné de tout.

Il faut travailler jour et nuit aux fortifications de Raguse et à son approvisionnement, ainsi que de Stagno, par où nous pouvons communiquer avec cette place.

Écrivez au général Marmont que nous sommes si loin qu'il est impossible de lui envoyer pour chaque événement des instructions; que le centre de défense de la Dalmatie est à Zara, où il doit centraliser tous ses magasins de vivres, de munitions de guerre et d'habillement; de sorte qu'une armée supérieure, n'importe de quel côté elle vint, se portant pour envahir la Dalmatie, si elle parvenait à se rendre maîtresse de la campagne, le général Marmont doit, à tout événement, conserver par-dessus tout Zara, où il doit pouvoir s'enfermer. Des ouvrages de campagne et des retranchements faits autour le défendront dans cette place, jusqu'à ce que je puisse le secourir. Il ne faut pas qu'il dissémine son artillerie à Spalatro et sur les autres points; il ne doit y laisser que le strict nécessaire pour la défense de la côte. Du reste, je suis dans la meilleure union avec l'Autriche et je ne prévois aucune expédition contre la Dalmatie. C'est seulement une instruction générale que je lui envoie pour s'en servir dans l'occasion et à tout événement: Avant même d'écrire au général Marmont par terre, écrivez-lui, par mer et le canal d'Ancône, la nouvelle de la reprise des hostilités avec les Russes; Lemarois la fera passer par toutes les occasions. Comme je désire avoir ici quelqu'un qui connaisse les localités de Raguse, écrivez au général Marmont de me renvoyer M. de Thiard, qui, ayant assisté à tout, connaît la situation des choses. S'il y a moyen d'écrire par le canal de quelque pacha ou autrement à Sebastiani, dites à Marmont de lui faire savoir que le traité avec la Russie est non avenu, et que tout me porte à croire que la Russie veut attaquer la Porte. Tenez cette nouvelle secrète et recommandez le aussi à Lauriston , afin que, si l'ennemi ne le savait pas, Marmont et Lauriston le sachent longtemps avant lui; et, maîtres du secret, ils   agiront comme ils le jugeront convenable.


Saint-Cloud, 3 septembre 1806

Au roi de Naples

Je reçois actuellement la nouvelle que le changement de ministère a changé le système du cabinet , et que le traité conclu le 20 avec M. d'Oubril n'a point été ratifié. Il est inutile de divulguer cette nouvelle. Cependant prenez vos précautions pour Corfou, afin qu'aucun de vos bâtiments ne s'y trouve.

Il est bien important d'être promptement maître de toute la Calabre. La saison qui arrive va rendre plus difficile le débarquement sur vos côtes, et, en guérissant vos malades, va mettre à votre disposition un plus grand nombre de troupes. Peut-être, du reste, jugerez-vous convenable de rester quelques jours sans publier cette nouvelle. La seule raison qu'en a alléguée l'empereur à Saint-Pétersbourg est qu'il ne voulait pas faire la paix sans l'Angleterre.

Les deux derniers bataillons de la Tour d'Auvergne ont déjà dépassé Sarzana et vont vous arriver. S'il y a des bâtiments russes dans vos ports, séquestrez-les. Vous pouvez d'abord donner des ordres pour qu'ils soient retenus dans les ports, et ne les prendre qu'au dernier moment, afin que les Russes sachent le plus tard possible cette nouvelle. Il est possible qu'ils ne le sachent pas de quelques jours, et ce retard est avantageux et surtout important pour mon armée de Dalmatie et de Raguse. Ne divulguez la nouvelle qu'à la dernière extrémité.


Saint-Cloud, 3 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, j'allais vous expédier les ordres pour le retour de l'armée quand j'ai appris que l'empereur de Russie avait refusé de ratifier le traité. Il faut donc attendre quelques jours pour voir ce que cela va devenir, et le parti auquel je m'arrêterai. En attendant, ne faites rien. Envoyez des émissaires, quelques officiers polonais, sur la frontière de la Russie, pour l'informer de ce qui se passe. Demandez confidentiellement au roi de Bavière de faire ouvrir les lettres à Nuremberg et à Augsbourg, pour savoir ce que dit le commerce des affaires de Russie, et être instruit des mouvements des Russes, si jamais ils en faisaient.


Saint-Cloud, 3 septembre 1806

Au prince Eugène

Mon fils, je vous envoie un projet d’amnistie pour le royaume d’Italie. Je vous prie de me le renvoyer avec vos observations.

II y a des individus qui servent le parti ennemi. Il est instant de mettre de la règle dans cette partie importante de l’administration.

(Mémoires du prince Eugène)


Saint-Cloud, 3 septembre 1806

DÉCISION

Le directeur général des postes annonce que le vice-roi d'Italie demande que l'estafette de Paris à Milan ne soit plus dirigée de Turin sur Milan par Alexandrie et Pavie, mais par Verceil.

Refusé. Il ne sera point fait de changement, vu que la direction par Alexandrie a l'avantage de nous faire avoir des nouvelles de ce point central, où sont placés l'intendant du trésor et les principales forces militaires au delà des Alpes, et que, par ce point, l'estafette ne se trouve pas dérangée de sa route sur Gênes, sur Rome et sur Naples.


Saint-Cloud, 4 septembre 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, je désire que vous me présentiez un projet de décret, avec des états de dépenses à l'appui, afin de donner à l'infanterie de l'armée une formation définitive.

Nous avons aujourd'hui des régiments de trois bataillons et d'autres de quatre bataillons. Nous avons des compagnies de grenadiers, de voltigeurs et de fusiliers qui n'ont point la même organisation. Tout cela est une bizarrerie. Je désirerais que l'armée, à dater du 1er janvier 1807, eût la formation suivante :

Chaque régiment sera composé de trois bataillons, chaque bataillon de huit compagnies, dont une de grenadiers, une de voltigeurs et six de fusiliers; ce qui ferait vingt-quatre compagnies pour les trois bataillons. De plus, chaque régiment aurait un dépôt de quatre compagnies; ce qui porterait la force de chaque régiment à vingt-huit compagnies. Les compagnies seraient composées d'un capitaine, du lieutenant, d'un sous-lieutenant, d'un sergent-major, d'un caporal fourrier, de quatre sergents, de huit caporaux, de deux tambour, d'un sapeur par compagnie paire, et d'un musicien par compagnie impaire, de sorte qu'il y aurait quatorze sapeurs et quatre musiciens par régiment. L'état-major de chaque compagnie serait de vingt hommes. Ce nombre serait constamment le même; mais on distinguerait quatre états d'effectif : 1° le pied de paix; 2° le grand pied de paix; 3° le pied de guerre; 4° le grand pied de guerre.

Au pied de paix , les compagnies seraient de 65 soldats, et, tout compris, de 85 hommes, ce qui porterait le bataillon de huit compagnies à 680 hommes, sans comprendre l'état-major du bataillon, et le régiment à 2,040 hommes, et avec le dépôt à près de 2,400 hommes.

Au grand pied de paix, les compagnies seraient de 75 soldats et, tout compris, de 95 hommes, ou 2,660 hommes par régiment.

Au pied de guerre, les compagnies seraient de 110 soldats, et, tout compris, de 130 hommes, ou 3,640 hommes par régiment 

Au grand pied de guerre, les compagnies seraient de 120 soldats et, tout compris, de 140 hommes, ou près de 4,000 hommes par régiment.

Toutes les compagnies seraient égales entre elles.

Les dépôts seraient placés dans des villes de l'intérieur, et ne seraient changés que tous les dix ou douze ans. Le dépôt fournirait un capitaine, quatre lieutenants ou sous-lieutenants, cinq sergents et huit ou neuf caporaux pour la conscription. Il y aurait aussi à chaque dépôt dix hommes par compagnie, comme ouvriers. Le quartier-maître et ses bureaux , les maîtres ouvriers seraient tous attachés au dépôt, mais organisés de manière à avoir des seconds aux bataillons de guerre; ainsi le quartier-maître aurait un second qui correspondrait avec lui; le maître ouvrier resterait au dépôt diriger les confections, et son second suivrait les bataillons de guerre. En supposant un régiment sur le pied de paix, on formerait un bataillon d'élite composé des trois compagnies de grenadiers et des trois compagnies de voltigeurs. A ce bataillon d'élite, on nommerait sur-le-champ un chef de bataillon par une promotion extraordinaire. Les six compagnies restantes du 1er bataillon formeraient le premier bataillon; les six compagnies du 2e formeraient le second. Ces dix-huit compagnies formant trois bataillons seraient complétées avec des hommes du 3e bataillon et du dépôt à 120 hommes par compagnie, de sorte qu'on aurait sur l'heure un régiment de dix-huit compagnies, formant 2,100 hommes à l'ennemi; et l'on aurait dans l'intérieur les cadres de dix compagnies, six du 3e bataillon et quatre du dépôt, qui attendraient la conscription. Si le régiment se trouvait déjà au grand pied de paix à son entrée en campagne, ce qui, avec un peu de prudence de la part du Gouvernement, devrait toujours être, on agirait de même; on ferait entrer en campagne dix-huit compagnies, chacune de 140 hommes, ce qui ferait 2,500 à 2,600 hommes; et dix compagnies resteraient dans l'intérieur. Au moment, enfin, où les conscrits seraient arrivés et où le régiment aurait reçu son complet de guerre, le 3e bataillon rejoindrait les bataillons de guerre; ce qui formerait un effectif de 3,300 à 3,400 hommes. Cette formation rend l'armée plus mobile, propre à entrer plus promptement en campagne, a l'avantage de ne former à la guerre que des bataillons de six compagnies, qui est le maximum de ce qu'ils doivent avoir. Enfin, dans le courant de la première campagne de la guerre, on portera le dépôt à six compagnies au lieu de quatre.

Ces bases doivent servir à rédiger le budget de 1807.

La force qu'auront les corps vous est connue, puisque vous avez leur situation au 1er août, et le nombre des conscrits qu'ils doivent recevoir; mais je crois qu'il faudra en ôter 100 hommes par bataillon, soit à cause des conscrits qui ne rejoindront pas exactement, soit à cause des retraites et des réformes qui seront données d'ici au ler janvier 1807, soit à cause des morts et des malades. Comme il n'y aura plus de régiment à quatre bataillons, vous me présenterez un projet pour répartir les 4e bataillons dans les corps, en ayant soin le plus possible de faire cette répartition sur les lieux, comme de répartir les 4e bataillons qui sont à Naples dans les corps de cette armée, ceux qui sont en Dalmatie dans les corps de l'armée de Dalmatie, etc., afin d'éviter le plus possible les mouvements et les marches. Je n'ai pas des idées bien précises sur la réduction que doit éprouver l'armée pour l'année prochaine; mais il faut partir du principe que je ne puis y dépenser plus de trois cents millions. Si les calculs que vous m'avez remis sont justes, on peut voir quel devrait être notre état actuel de dépenses. Je vous prie de me faire faire cet état et de le rectifier. Les troupes que j'ai sur pied se montent à vingt-six régiments d'infanterie légère, quatre-vingt-six régiments d'infanterie de ligne, indépendamment de trois régiments, les 82e, 66e et 26e, qui sont aux colonies et qui n'ont que leurs dépôts en France, lesquels sont payés, hormis les dépôts, par le ministre de la marine.


Saint-Cloud, 4 septembre 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean , la conscription marche partout; avant un mois 20,000 hommes arriveront aux dépôts des armées de Naples, de Dalmatie et d'Italie. Ces hommes passeront-ils l'hiver sans draps et sans habits ? Je n'entends pas parler que rien arrive en Italie. Pour la facilité de l'administration, j'ai fixé des dépôts. Envoyez-moi toutes les semaines un rapport qui me tranquillise.


Saint-Cloud, 4 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je ne vois pas d'inconvénient à donner un congé de vingt jours au maréchal Ney pour assister aux couches de sa femmes. Il laissera ses chevaux, ses bagages et ses aides de camp à son quartier général; le plus ancien général de division de son corps en prendra le commandement.

Vous pouvez donner au maréchal Davout également un congé de vingt jours, aux mêmes conditions et sous les mêmes prétextes, s'il veut en profiter.

Le maréchal Lefebvre prendra le commandement du corps maréchal Mortier, qui reviendra prendre son service près de moi. Il laissera cependant ses chevaux et ses équipages à Munich ou à Augsbourg.

L'armée bavaroise me fournirait-elle 30,000 hommes ? Faites-moi connaître son état en détail. Toutes les nouvelles de Russie disent que les Russes veulent attaquer Constantinople et que cette guerre est très-populaire à Saint-Pétersbourg; cela est très-douteux. Faites-moi connaître les nouvelles qui vous arrivent sur cet objet. Dans quelques jours je vous accorderai aussi un congé; je sais que vous avez besoin de revenir à Paris, et je le désire autant que vous.


Saint-Cloud, 4 septembre 1806

DÉCISION

 Le maréchal Berthier demande la grâce des nommés Schoederer et Mereklay, condamnés à mort par une sentence dont il a suspendu l'exécution.

  J'ai écrit au maréchal Berthier que je le laisse maître de faire ce qu'il voudra, et je trouve que la grâce qu'il demande est très à propos.


Saint-Cloud, 4 septembre 1806

A la princesse Elisa

Madame et très-chère Sœur, le projet de règlement pour les prisons de la principauté de Lucques que vous m'avez adressé est conforme aux principes d'humanité, de justice et d'économie dont il était susceptible, et je ne puis que l'approuver. Il est convenable cependant de mettre une différence entre les personnes condamnées et celles qui sont seulement en jugement. Avant que la loi ait prononcé sur le sort d'un prévenu, il ne doit être assujetti d'autres privations que celle de sa liberté. Je pense encore que l'on risque beaucoup à écarter des prisons toute force armée. Les complots ne manquent jamais parmi les condamnés dès qu'ils entrevoient la possibilité de s'évader.


Saint-Cloud, 4 septembre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, j'ai vu, par les états de revues des dépôts de l'armée de Dalmatie que vous m'avez envoyés, qu'ils ont encore beaucoup d'hommes habillés en bourgeois. Faites disparaître au plus tôt cette inconvenance, et faites faire aux conscrits des vestes et des culottes, soit sur les fonds du royaume d'Italie, soit sur des fonds extraordinaires. Il vous en manque pour 2 ou 300 hommes. En général, il serait bon que vous eussiez en magasin des vestes et des culottes pour un millier d'hommes, pour pourvoir aux cas extraordinaires. Le ministre de la guerre d'Italie peut faire porter cette dépense, qui est peu de chose, sur son ministère; mais il ne faut pas souffrir qu'aucun soldat reste en habits bourgeois.

En lisant cette revue, qui est très-bien faite, je vois que les majors, les chefs de bataillon, les chefs ouvriers, les cadres des 3e, 4e bataillons de plusieurs régiments de l'armée de Dalmatie ne sont pas encore arrivés en Italie; s'ils ne le sont pas le 15 septembre, il faudra me présenter un projet de décret pour que les draps soient envoyés à Trévise ou à Vicence dans un des dépôts où doivent se réunir les conscrits, et prendre des mesures pour y envoyer quelques officiers, sous la surveillance immédiate du chef de l'état-major pour veiller à la confection des habits et à leur distribution aux conscrits qui ne tarderont pas à arriver. Jugez de l'embarras où vous vous trouveriez si vous aviez 20,000 hommes sans moyen de les habiller. Mon intention est qu'on ne fasse pas la faute de l'année passée, où l'on a perdu tant d'hommes pour leur avoir fait continuer la route d'Istrie et de Dalmatie, de la Bretagne et du Nord d'où ils venaient. Je veux les retenir l'hiver et l'été aux 3e bataillons, jusqu'à ce qu'ils soient à l'école de bataillon, que la maladie du pays soit passée, qu'ils soient soldats, et qu'ils aient oublié les fatigues à route.

Investissez le général Charpentier des pouvoirs nécessaires pour passer une nouvelle revue au ler octobre, soit des dépôts de l'armée de Naples, soit de ceux de l'armée de Dalmatie, soit des régiments qui sont dans le Frioul, infanterie et cavalerie, afin de les débarrasser de tout ce qui est inutile au service et d'avoir bien présente la situation des corps.

Je vois, dans la revue des corps du Frioul, que le 35e a 108 hommes en habits bourgeois, et que le 92e en a 19. Comment cela a-t-il lieu ? Quand un conscrit arrive au corps, on lui donne une première mise de 42 francs, qui sert à lui faire faire une veste et une culotte, des souliers , etc. Donnez sur-le-champ des ordres sur cet objet. Cette négligence est d'autant moins pardonnable que le 35e a des draps en magasin.


Saint-Cloud, 4 septembre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, il parait que la première brigade qui a passé à Ancône a laissé 150 malades; la seconde en laissera autant. Voilà donc 300 malades. Si on laisse ces 300 malades suivre la routine des commissaires des guerres, la moitié périra en route. On les mettra en chemin pour Naples à peine sortis des hôpitaux; il y en aura d'assassinés, d'autres seront exposés à la fatigue de la route sans être rétablis. Faites établir un hôpital de convalescence ou dépôt à Ancône, où ils séjourneront une vingtaine de jours, où ils seront bien habillés et équipés, et d'où on les fera partir par détachements d'une centaine sous la conduite d'un officier, en les annonçant à l'état-major de l'armée de Naples. Faites sentir à Lemarois l'importance de cette mesure, qui peut épargner la vie à tant de braves gens.


Saint-Cloud, 4 septembre 1806

Au roi de Naples

J'ai reçu votre lettre du 26 août. Prenez Roederer puisqu'il a votre confiance. La demande de M. Collin était ridicule, et quant à celle de l'abbé Louis, s'il avait voulu partir, je ne m'y serais pas opposé. Si vous voulez quelqu'un des douanes, il y a des seconds de M. Collin qu'on pourrait vous envoyer.


Saint-Cloud, 5 septembre 1806

Au général Dejean

Sa Majesté a remarqué, Monsieur, dans la feuille des petites affiches ci-jointe, la demande que fait un officier supérieur d'artillerie pour assurer, après lui, quelques moyens de subsistance à ses trois enfants et à leur mère.

Sa Majesté désire que vous fassiez prendre des informations sur cet officier, et que vous voyiez s'il serait possible de lui accorder l'emploi dont il a vraisemblablement un très-grand besoin , puisqu'il se détermine à employer une telle voie pour le solliciter de la pitié publique.


Saint-Cloud, 5 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, les nouvelles circonstances de l'Europe me portent à penser sérieusement à la situation de mes armées. J'ai déjà levé 50,000 hommes de la conscription de 1806, qui s'opère avec facilité, et ils sont en marche. Mon intention est de faire marcher, sous peu de jours, les 30,000 hommes de la réserve.

Les six régiments du maréchal Bernadotte ont chacun trois bataillons. Donnez ordre qu'ils renvoient à leurs dépôts les cadres des 3e bataillons avec les majors, après avoir complété les deux premiers bataillons à 140 hommes par compagnie. L'existence de ces cadres est nécessaire pour recevoir les nouveaux conscrits que je vais lever.

Donnez le même ordre au maréchal Augereau , mon intention étant que tous les régiments aient au moins un bataillon en France, le 3e pour ceux qui ont trois bataillons, et le 4e pour ceux qui en ont quatre.

Veillez, avec toute l'attention dont vous êtes capable, à ce que les cadres des 3e ou 4e bataillons, les majors et les 3e ou 4e chefs de bataillon quittent la Grande Armée pour se rendre dans l'intérieur.

Il faut faire la même opération pour la cavalerie. Faites former tous les régiments de l'armée à trois escadrons, et envoyez aux dépôts les cadres des 4e escadrons, afin que l'on ait le moyen de lever les chevaux. J'avais donné l'ordre de faire rester à Strasbourg et à Mayence tout ce qui y était; levez cet ordre, et faites venir corps non-seulement le personnel, mais même le matériel.

Causez avec le roi de Bavière, et faites-lui sentir de quelle importance il est qu'il ne soit pas exposé à une agression de la Prusse ou de la Russie, et que l'armée ne quitte pas l'Allemagne que tout ne soit pacifié. Le pays de Würzburg a été le plus ménagé ; il n'y a pas de mal d'y mettre des troupes pour soulager un peu la Bavière. Je vais lever les prohibitions, et faire passer à l'armée tout ce qui est possible et tout ce qui se trouve dans l'intérieur. Donnez ordre au 21e régiment d'infanterie légère, de la division Gazan , qui est à Düsseldorf, de rejoindre cette division, seulement les deux premiers bataillons; le 3e restera à Wesel. Les 100e et 103e ont, je crois, 2,800 hommes à l'armée; il faut garder les trois bataillons en les organisant à huit compagnies, et renvoyer les cadres de trois compagnies au dépôt; car 2,800 hommes ne peuvent être formés en deux bataillons.

Faites rédiger et envoyez-moi l'état de situation générale de la Grande Armée.


Saint-Cloud, 5 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, envoyez des officiers du génie faire de bonnes reconnaissances, à tout hasard, sur les débouchés des chemins qui conduisent de Bamberg à Berlin. Huit jours après que j'en aurai donné l'ordre, il faut que toutes mes armées, soit celle de Francfort, soit celle de Passau, soit celle de Memmingen, soient réunies à Bamberg et dans la principauté de Bayreuth. Envoyez-moi l'itinéraire que chacune suivrait, et la nature des chemins. J'imagine que le maréchal Soult passerait par Straubing, le maréchal Ney par Donauwoerth et le maréchal Augereau par Würzburg. Je conçois qu'en huit jours tous mes corps d'armée se trouveraient réunis au delà de Kronach. Or, de ce point, frontière de Bamberg, j'estime dix jours de marche vers Berlin.

Dites-moi quelle est la nature du pays de droite et de gauche, celle des chemins et des obstacles que l'ennemi pourrait présenter. Qu'est-ce que la rivière de Saale et celle d'Elster, à Gera ? Qu'est-ce que la rivière de la Luppe et celle de Pleisse, vis-à-vis Leipzig ? Ensuite qu'est-ce que la Mulde à Düben et de là jusqu'à son embouchure dans l'Elbe, au-dessous de Dessau ? Enfin qu'est-ce que l'Elbe qu'on passe à Wittenberg ? quelle est cette rivière pendant un cours de trente à trente-cinq lieues en descendant depuis les frontières de la Bohème; quels sont les ponts qui la traversent ? Comment sont fortifiées les villes de Dresde, Torgau, Magdeburg ? Vous pouvez d'abord causer sérieusement de tous ces objets avec quelque officier bavarois qui connaisse bien le pays. Vous ferez ramasser les meilleures cartes qui pourront se trouver à Munich et à Dresde.

Vous enverrez des officiers intelligents à Dresde et à Berlin par des routes différentes; ils iraient demander, de votre part, à MM. Laforest et Durand ce que signifient les mouvements et rassemblements des troupes prussiennes; ils diraient que vous paraissez très-inquiet de tous ces mouvements, n'ayant point reçu de Paris d'ordres relatifs, et que vous ignorez les plans qu'on peut avoir. Celui qui irait à Dresde, dans le cas où il n'apprendrait rien, se rendrait à Berlin aussi. Ils s'arrêteraient partout en route pour déjeuner, dîner dormir, ne marcheraient point de nuit et étudieraient bien par ce moyen le local. Donnez-moi aussi des détails sur la Sprée. Je n'ai pas besoin de dire qu'il faut la plus grande prudence pour acquérir ces renseignements, car je n'ai aucun projet sur Berlin; je désire être fourni de ces détails uniquement pour être en mesure. J'imagine qu'entre Bamberg et Berlin il n'y a de forteresse que Magdeburg. Je pense aussi qu'on trouvera de quoi vivre dans le pays de Bamberg. Il sera facile d'approvisionner Würzburg. Il doit exister de petites forteresses appartenant soit à Würzburg, soit à la Bavière, qu'il serait bon d'occuper d'avance; faites-les-moi connaître.


Saint-Cloud, 7 septembre 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, faites-moi connaître si notre ambassadeur près la cour d'Étrurie est parti. J'ai besoin d'avoir quelqu'un à Florence; on s'y conduit on ne peut pas plus mal; to Piémontais mécontents s'y réunissent; le nonce, qui est Piémontais, s'y comporte très-mal. C'est un foyer d'intrigues. Faites remettre une note pour demander que le nonce, qui est mon sujet, soit renvoyé de Florence et n'y soit plus employé, que les assemblées religieuses soient dissoutes et les émigrés piémontais contenus. A propos d'émigrés piémontais, faites faire un état de ceux qui se trouvent en Toscane, sur lequel on notera ceux qui entretiennent des correspondances en Piémont et ceux qui y ont des biens. Il est temps, enfin de mettre un terme à ces menées.


Saint-Cloud, 7 septembre 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, j'approuve le fort A-B-C-D, situé à Boulogne, en avant des fronts de la tour d'Ordre.

Les deux redoutes dans l'ouvrage 11, sur les hauteurs d'Outreau, me répugnent en fortification permanente. Il faut donner un peu de  consistance à cet ouvrage.

Quant à l'idée d'étendre davantage la défense , ce n'est pas du tout mon intention. Les mortiers à la Gomer vont, à 1,600 toises, ceux à grande portée à 2,200 toises; si on voulait donc, dans tous les pays, et surtout dans un pays coupé, empêcher l'ennemi de tracer un ravelin pour y placer dix mortiers à 1,500 toises des ennemis, il faudrait fortifier une enceinte de 9,000 toises; mais je sais bien aussi que, lorsque le bombardement a lieu à une distance de plus de 600 toises, il fait du mal, mais il ne détruit rien. Dans la position où est la flottille, je n'ai pas seulement à craindre qu'on vienne bombarder, mais encore qu'on vienne brûler à la main et que tous mes magasins soient pris et mes équipages faits prisonniers.

Si je devais tant craindre les bombes jetées à 1,000 on 1,500 toises, qui empêcherait l'ennemi de construire de lourdes bombardes et de venir les placer à 300 toises du fort en bois ? Il se trouverait à moins de 1,500 toises du fond du port, mais il n'y gagnerait ni d'une manière ni de l'autre; ce que l'on ferait de si loin n'aboutirait à rien; on tuerait des femmes, on ferait crouler quelques maisons ou couler quelques chaloupes canonnières. Si l'ennemi était maître de la campagne et s'amusait ainsi, il serait bien maladroit, puisqu'avec les moyens qu'il mettrait à bombarder il s'emparerait des hauteurs et entrerait même dans la ville. Que l'ennemi ne s'occupe pas de la ligne d'ouvrages en terre, et je suis satisfait. Il est tout simple ensuite qu'en traçant plusieurs ouvrages on occupe des hauteurs sur lesquelles il faut que l'ennemi s'établisse pour arriver à attaquer les retranchements en terre. Au milieu de ces forts, la garnison de Boulogne peut manœuvrer et faire bien du mal à l'ennemi, car, en dernière analyse, Boulogne est un camp retranché.

Quant à l'idée que l'ennemi viendrait se placer à Outreau, ce serait à souhaiter, car le terrain ne permet pas d'y développer plus de 6 ou 8,000 hommes. Si l'ennemi n'avait pas pris les forts, il engagerait un combat sous les feux directs et de flanc de quarante à cinquante pièces de gros canon , dans la position la plus désavantageuse, serait mis en pleine déroute et aurait peine à regagner ses vaisseaux.

On ne voit point que Boulogne est un camp retranché; il n'est donc plus question de 3,000 hommes qui doivent en contenir 60,000, mais de 20,000 hommes qui doivent se défendre contre 40 à 50,000, inquiétés de tous côtés par les mouvements de l'intérieur, et dès lors nécessairement obligés de pousser des avant-gardes, afin d'avoir le temps de voir venir l'ennemi et d'assurer leur position sur les derrières. Si donc l'ennemi fait tant que d'entreprendre une opération si importante, il sera mal conseillé s'il ne s'empare pas , après huit jours de canonnade, des ouvrages A, B, ou bien s'il n'emporte pas également les forts des hauteurs d'Ostrehove ou de la tour d'Ordre, dans le cas où il attaquerait de ces côtés. Quelque nombreux que soit l'ennemi, il n'engagera jamais un combat contre une garnison aussi forte, dans des positions qui lui seront désavantageuses. D'ailleurs peut-être peut-il convenir d'occuper non-seulement les hauteurs du Renard, mais même le mont Lambert; mais l'intérêt de ces positions, qui tendent à éloigner les mouvements l'ennemi , à maintenir les communications de Boulogne avec l'intérieur, n'est point tel qu'elles doivent passer avant le strict nécessaire. S'il y avait à Boulogne une ligne magistrale quelconque , je n'hésiterais pas à occuper la position C. Mais, sans ligne magistrale, je préfère commencer cette année par faire des ouvrages de fortification permanente pour appuyer la gauche de ma ligne. Je voudrais que ces ouvrages flanquassent toute la ligne, de manière qu'ils rendissent plus fort l'ouvrage 12 et 13. Enfin il devient important de s'occuper de la position d'Ostrehove.


Saint-Cloud, 7 septembre 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean , les projets du premier inspecteur du génie sur Anvers me paraissent bien entendus; mais, par les mêmes observations que le premier inspecteur fait à la fin de son mémoire, il faut porter une grande économie dans les travaux d'Anvers. Ce n'est pas une place de dépôt que je veux y faire. Si l'ennemi vient du Rhin, je dois concentrer mes moyens et mes grands obstacles sur Wesel, Maëstricht; si l'ennemi vient par la Hollande, toutes les places de Hollande nous gardent; si l'ennemi vient par la mer, Nieuport, Ostende et Flessingue sont nos barrières. Mais aussi l'importance que j'attache à Anvers ne vient, à mes yeux, que de son chantier. J'ai rempli mon but lorsque je l'ai véritablement mis à l'abri d'un coup de main.

Pour mettre Anvers à l'abri d'un coup de main, il parait qu'il faut d'abord nettoyer tous les fossés, et en même temps raccommoder tous les ouvrages en terre qui couvrent l'enceinte de la place. J'imagine que dans ce moment ils doivent être palissadés et fraisés, opération qu'on a dû faire au commencement de cette année. Il faut :

l° Curer les fossés . . . . . . . . . . . . . . 150,000 fi 
2° Revêtir l'escarpe depuis la porte de Malines jusqu'à la citadelle . . ... . 300,000 

Je désirerais savoir si , au lieu de dépenser  300,000 francs à revêtir le corps de place depuis la porte de Malines jusqu'à la citadelle, il ne serait pas préférable, dans le cas où les fossés seraient profonds et qu'on put toujours y maintenir de l'eau,  de construire la lunette E, qui ne coûterait pas davantage, mettrait toute cette partie à l'abri d'un coup de main, et servirait nième pour un siège.

3° Revêtir la contrescarpe du front de Lillo coté 3 et 7. . . . . . . .  . . . . . . 150,000

4° Faire le pont des Béguines . . . . . . . . . 60,000
                                                             660,000

La Tète de Flandre parait de première nécessité, ainsi qu'un ouvrage quelconque vis-à-vis les chantiers. Est-il nécessaire de revêtir ces ouvrages ? Cela dépend du plus ou moins de facilité d'inonder toute cette partie. En mettant 300,000 francs pour les ouvrages de la rive gauche, ci . . . . . . . . . 300,000
cela ferait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 960,000
qu'il serait nécessaire de dépenser à Anvers.

Ces ouvrages-là faits, on aurait le temps de s'occuper de ceux que propose le premier inspecteur, lunettes et ouvrages à cornes; mais il faut le nécessaire avant le superflu, et même ce million doit être dépensé de manière que, dès la fin de cette année, on ait un résultat. Ainsi le curement des fossés en sera un. Lorsqu'on revêtira le front de Lillo, on aura soin de commencer par les points saillants, dès cette année, s'il est possible. En revêtissant les fronts depuis la porte de Malines jusqu'à la citadelle, on revêtira ainsi les points saillants. Cette disposition d'ateliers donnera un résultat avant que toute la somme destinée à ces travaux soit dépensée.

A la Tête-de-Flandre, on commencera également par revêtir les bastions.

En me présentant un projet sur Anvers, je désire que vous me fassiez un petit mémoire qui me mette sous les yeux la situation de la place. L'inondation a-t-elle lieu sur la rive gauche ? Sans elle, les petits ouvrages projetés sur cette rive ne seraient d'aucune défense. Jusqu'à quel point l'inondation peut-elle protéger les différents fronts de la ville ? J'ai dans l'idée que tout le front de Lillo est susceptible d'une grande inondation : si cela était, comment serait-il urgent de dépenser 150,000 francs à sa contrescarpe ? Si, au contraire, il ne peut pas être inondé, ce front me parait être extrêmement faible.

Peut-il y avoir de l'eau dans tous les fossés de la place ? Les batardeaux et les jeux des eaux sont-ils en bon état ? 

Je désire que vous puissiez me présenter un mémoire avec un projet mercredi prochain. Vous me feriez aussi connaître la situation actuelle du palissadement et de l'armement. On a pris beaucoup de bois à la marine : je suppose qu'on les a employés à palissader.

Il est une chose bien importante, c'est que l'artillerie de campagne puisse aller au trot sur le rempart, et, autant que je puis m'en souvenir, il y a quelques empêchements.

Lorsqu'on dit qu'Anvers doit être à l'abri d'un coup de main, cela veut dire qu'il doit l'être avec très-peu de monde. Je veux que 4,000 hommes rendent inutiles les efforts de 50,000 hommes, si l'armée ennemie n'est abondamment approvisionnée et pourvue d'un bon équipage de siège. Or un tel but ne peut se remplir qu'avec des communications très-faciles.

Je désire que vous fassiez faire, par l'artillerie et le génie réuni un projet pour l'armement de la place d'Anvers , et que vous m'en présentiez la situation actuelle. Il y a dans la citadelle des magasins à poudre et des souterrains. Faites-moi connaître ce qu'ils peuvent contenir de poudre, ce que sont les magasins d'artillerie et les autres établissements militaires. Si la terre n'a pas de manutention j'imagine que la marine en a une. La marine va relever les bâtiments de la citadelle. Si, en temps de guerre, on faisait entrer à Anvers un supplément de garnison, on ne manquerait pas de locaux pour le loger.

L'ennemi ne peut être vraiment attiré sur Anvers qu'à cause des établissements de la marine; dans un cas aussi imprévu, la marine fournirait plus de la moitié de la garnison et un grand supplément de bois, de fer et d'objets de toute espèce.

Le projet de la citadelle est trop cher pour être exécuté de suite;  je trouve aussi qu'il n'éloigne pas assez l'ennemi des chantiers.

Le long de la rivière, les fortifications ne débordent les chantiers actuels que de 200 toises; du côté de la rive gauche, je suppose que l'inondation et l'ouvrage qu'on y fera éloigneront suffisamment l'ennemi; d'ailleurs, sans supposer l'inondation, le fleuve seul a une largeur de 200 toises.

L'ennemi ne peut pas approcher des autres côtés à plus de 600 toises, puisque les fortifications débordent de plus de 400 toises. Je voudrais donc qu'un petit ouvrage quelconque donnât le même avantage aux fronts de la citadelle sur le haut Escaut, c'est-à-dire  que, de la porte de fer, où finissent les chantiers, jusqu'à la batterie la plus avancée que nous aurions de ce côté, il y eût 400 toises de distance; ce qui ferait que l'ennemi serait aussi éloigné de ce côté ,que des autres. Je sais bien qu'il ne suffit pas d'éloigner les batteries ennemies de 600 toises; mais toujours vaut-il mieux les voir à cette distance qu'à 200 toises; le tir est infiniment plus incertain; on est plus à l'abri de tous les moyens de campagne.

Comme la marine désire avoir son arsenal fermé de ce côté, il faudrait faire un projet de mur qui le ferme. Peut-être faudrait-il que cette muraille fût enfilée de la demi-lune, afin qu'elle ne gênât pas la citadelle et qu'elle ne pût être forcée pendant tout le temps que l'ouvrage M N ne serait pas construit.

En supposant un million de dépensé, et les travaux qu'on vient d'indiquer étant terminés, quel est l'emploi à faire du second million? Quel serait l'emploi du troisième million ?


Saint-Cloud, 7 septembre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, j'approuve beaucoup que vous ayez mis en réquisition deux bataillons de la garde nationale de Mantoue pour garder la place. Cette mesure est bonne dans les circonstances actuelles. Ce sont des gens accoutumés au climat, qui ne tomberont point malades et qui soulageront le soldat; si l'on pouvait avoir des hommes acclimatés à Mantoue parmi les militaires qui ont des pensions de retraite ou de réforme, on en formerait un bataillon dont on serait sûr, parce qu'on serait sûr des chefs, et cela nous épargnerait des troupes. Je n'approuve pas que vous fassiez revenir des officiers et sous-officiers qui sont en France : pourquoi faire venir des hommes de si loin ? Un ordre est bientôt donné; mais on ne pense pas à toutes les peines qu'il en coûte pour l'exécuter. Il vaut mieux que vous formiez des 3e bataillons en Italie. Il doit y avoir beaucoup de Vénitiens qui désirent entrer au service. Vous aurez ainsi sept bataillons de réserve, et les dépenses ne seront pas plus fortes, puisque vous n'avez plus à votre solde les Polonais à cheval et à pied. Voici le décret que j'ai pris sur cet objet. Par ce moyen, l'armée italienne aura sept régiments à trois bataillons; ce qui fera 21,000 hommes sur le pied de guerre, et 15 ou 16, 000 hommes sur le pied de paix.


Saint-Cloud, 8 septembre 1806

Au roi de Wurtemberg

Monsieur mon Frère, empressé de saisir toutes les occasions qui se présentent de donner à Votre Majesté des témoignages de l'amitié qui m'unit à elle et du vif intérêt que je porte à tous les princes de sa famille, j'avais eu le dessein de faire assigner au prince Ferdinand, frère de Votre Majesté, l'abbaye de Wiblingen, qu'il aurait possédée à titre d'apanage reversible à la couronne de Wurtemberg. Je voyais dans cet arrangement un moyen d'offrir au prince Ferdinand une indemnité complète des pertes qu'il a personnellement éprouvées par la cession du pays de Montbéliard à la France, sans que cette indemnité fût à la charge du royaume de Wurtemberg. Je n'ai point hésité, néanmoins, à sacrifier ce projet au désir que Votre Majesté a manifesté de réunir immédiatement à ses domaines l'abbaye de Wiblingen ; et il ne me reste que le regret de n'avoir pas pu faire une chose que je savais être agréable au frère de Votre Majesté.

Dans l'impossibilité où je me trouve aujourd'hui de rendre au prince Ferdinand les avantages dont il se voit privé, je ne puis mieux faire que de recommander ses intérêts à votre bienveillance. J'ai conçu pour lui trop d'estime pour ne pas prendre part à ce qui pourrait lui arriver d'heureux, et j'apprendrais avec une vive satisfaction que Votre Majesté l'eût établi dans une situation digne du rang où sa naissance l'a placé, et qui l'indemnisât des pertes qu'il a faites.


Saint-Cloud, 8 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Le chef d'état-major de l'armée de Naples, votre frère, fait beaucoup de sottises et correspond, sans prendre les ordres du roi , qui est le général de l'armée, avec Sidney Smith. Faites-lui sentir combien se livrer est inconséquent. Il arrive de là qu'il se fait dire des sottises par Sidney Smith, dont vous connaissez le caractère et qui profite de cela pour envoyer bon nombre de libelles.


Saint-Cloud, 8 septembre 1806

Au vice-amiral Decrès

Il serait bien urgent d'activer les constructions de Toulon et d'avoir l'Austerlitz avant le mois d'avril. Faites-moi connaître quand le Robuste sera mis à l'eau, ainsi que l'Alcide; quand la Calypso sera mise à l'eau à Lorient; quand le Tonnant sera mis à l'eau à Rochefort. Il parait que la Pénélope est prèle à Bordeaux; faites-la mettre à l'eau sur-le-champ.

Je vous envoie quelques idées sur la campagne, sur lesquelles je serai bien aise de causer demain avec vous, si vous venez à mon lever.

PLAN DE CAMPAGNE MARITIME POUR CETTE ANNÉE

Les 6 vaisseaux de Rochefort, les 2 vaisseaux et les 2 frégates qui sont à Lorient se rendant à Rochefort, ainsi que les 4 frégates qui sont à Bordeaux et au Passage, nous aurions donc réunis à Rochefort 8 vaisseaux de ligne et 11 frégates, plus le Calcutta; ce qui pourrait porter 9,000 hommes de débarquement. Cette escadre embarquerait 8 à 9,000 hommes, s'emparerait de la baie de Tous-les-Saints et de la partie du Brésil qui se trouve à portée, renouvellerait là ses vivres et y laisserait une partie de ses frégates. 

Les 5 vaisseaux et les frégates qui sont à Cadix partiraient également et se rendraient à la baie de Tous-les-Saints.

Mes 4 vaisseaux de Brest se rendraient également à la baie de Tous-les-Saints.

Du moment que ces deux dernières escadres auraient opéré leur jonction avec la première, ce qui la porterait à 17 vaisseaux de ligne, ou si une seulement se réunissait à la première, ce qui la porterait à 12 ou 13 vaisseaux, elle rentrerait dans la Méditerranée, se présenterait devant Naples, où elle serait jointe sur-le-champ par les 5 vaisseaux que j'ai à Toulon, et opérerait la descente en Sicile.

On suppose que cette escadre de Rochefort pourrait partir à la fin d'octobre ou au commencement de novembre; elle serait arrivée en janvier, et de retour en mars ou en avril.

Si l'escadre de Willaumez, avant cette époque, rentrait à Rochefort ou à Lorient, on pourrait alors porter l'escadre de Rochefort à 12 vaisseaux et augmenter d'un ou deux mille hommes l'expédition.

Comme, au mois de mars, tous les mouvements pour la descente en Angleterre seraient faits, et que, deux mois après le départ de l'expédition, on se mettrait en mouvement pour l'expédition de Portugal, qui aurait lieu en avril, l'attention de l'Angleterre serait partagée de tous côtés. 60,000 Espagnols et Français marcheraient sur Lisbonne. Les Anglais apprendraient que 12,000 Français se sont emparés de la baie de Tous-les-Saints; ils penseraient qu'on veut s'emparer de Rio-Janeiro et du Brésil, et leur armée s'y porterait.

L'armée de Naples, refaite pendant l'hiver, affermie dans le fond de la botte, serait prête pour l'expédition de Sicile.

Ce qu'il y a de certain dans ce projet, c'est la situation politique, militaire et administrative de la baie de Tous-les-Saints, l'abondance des vivres de toute espèce, la certitude de sen emparer avec 4 6,000 hommes, la presque impossibilité d'en être chassé avec 12,000 hommes, la probabilité même de s'emparer de toutes les colonies voisines. 

Il serait possible de détacher à certaines latitudes 4 frégates avec 1,000 à 1,200 hommes pour Cayenne, pour, avec les moyens du pays, s'emparer de Para et des colonies de la rivière des Amazones. Dans tous les cas, on concentrerait toutes les forces à la baie de Tous-les-Saints. Il est certain que c'est le point le plus important du Brésil, parce que c'est celui qui est l'échelle naturelle de l'Inde.


Saint-Cloud, 8 septembre 1806

Au vice-amiral Decrès

Ne perdez pas un moment à expédier un courrier au contre-amiral Allemand, pour lui faire connaître qu'il ait ses 5 vaisseaux prêt appareiller. Jérôme m'a dit que l'amiral Willaumez lui a répété plusieurs fois que son dessein était de donner de nuit dans le Pertuis. Faites part de ce renseignement au contre-amiral Allemand, pour que toutes les précautions soient prises pour reconnaître les vaisseaux de Willaumez. Le contre-amiral Allemand est autorisé à appareiller, si jamais l'ennemi disparaissait de manière à faire conjecturer qu'il se met à la poursuite de Willaumez. Je regrette beaucoup que le Jemmapes soit dans le port; il serait bien plus à propos de désarmer deux frégates de Bordeaux et d'avoir ce sixième vaisseau en rade jusqu'à la rentrée de Willaumez.


 Saint-Cloud, 8 septembre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je vous laisse maître de déterminer, comme vous le jugerez convenable, l'affaire de Romagnoli. Si c'est le sieur Pozzi qui a arrêté Maret et Semonville, il a commis un crime contre le droit des gens et l'honneur de la nation; si cela est, dis-je, il faut le faire arrêter et l'envoyer à Fenestrelle.


Saint-Cloud, 8 septembre 1806

Au roi de Naples

Je vois avec une extrême surprise que le chef d'état-major, ou tout autre officier dans l'armée, ose correspondre avec l'ennemi sans votre autorisation. C'est une chose étrange. Le général César Berthier ignore donc le premier devoir de son métier ? La réponse de Sidney Smith est impertinente, comme tout ce qui vient de cet officier. Vous auriez dû mettre huit jours aux arrêts le général Berthier, et, à la première récidive, le destituer. J'écris à son frère pour lui témoigner combien je suis mécontent de sa conduite.

Défendez de parlementer; ce sont des moyens dont nos ennemis se sont toujours servis contre nous.


Saint-Cloud, 9 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je remarque sur l'état de situation de la Grande Armée, en date du 1er août (je n'ai pas celui du 1er septembre), que tous les régiments de cavalerie ont plus de chevaux que d'hommes; cependant il existe encore beaucoup d'hommes aux dépôts : donnez des ordres pour qu'on fasse rentrer aux régiments assez d'hommes, non-seulement pour que tous les chevaux soient employés, mais encore pour qu'il y ait une cinquantaine d'hommes par régiment pour remplacer les premiers blessés ou malades.

Si je faisais la guerre contre la Prusse, ma ligne d'opération serait Strasbourg, Mannheim, Mayence et Würzburg où j'ai une place forte; de sorte que mes convois, le quatrième jour de leur départ de Mannheim ou de Mayence, seraient en sûreté à Würzburg. Je voudrais, à quatre journées de Würzburg, sur le territoire bavarois, avoir une petite place qui puisse me servir de dépôt. J'ignore quelle forces peuvent avoir les petites places de Kronach, Lichtenfels, Schesslitz.

Forchheim serait dix lieues trop bas; cependant il faudrait s'en servir si l'on ne pouvait s'établir ailleurs.

Faites reconnaître la place de Koenigshofen dans le pays de Würzburg, au delà de Schweinfurt; je crois que Bamberg ne conviendra pas. Faites reconnaître le Mein depuis Würzburg jusqu'aux frontières du pays de Bayreuth, d'où il sort. Faites aussi reconnaître le haut Palatinat jusqu'aux frontières de la Saxe; voyez s'il s'y trouve un place où mes convois puissent se rendre depuis le Rhin, et qui puissent servir de point d'appui à mes opérations. Faites reconnaître la Naab et faites faire un grand croquis de cette rivière; dans un cas de guerre, elle peut devenir très-importante. Je ne crois pas qu'il y a de places fortes sur cette rivière, mais faites-moi connaître ce qui en est. Dans tous les cas, la place de Forchheim ne doit pas être négligée. Concertez-vous avec le roi de Bavière pour qu'il y mette un commandant avec des munitions de guerre et de bouche. Il serait bien de recommander à chacun la plus grande circonspection, et surtout d'être bien avec les Prussiens et de maintenir avec eux la bonne intelligence; mais il n'y aura pas de mal d'annoncer qu'outre les 50,000 hommes qui viennent d'être levés, je demande encore cent nouveaux mille hommes. Faites observer Gotha, Naumburg et Leipzig comme fortifications, et dites-moi quelles places on pourra trouver à l'abri d'un coup de main, entre Bamberg et Berlin, et qui pourraient servir de centre aux positions de l'armée. Vous sentez combien il faut d'adresse pour cela. Faites voir aux officiers du génie combien j'attachais d'importance à Braunau, et combien j'en ai attaché à Augsbourg. Ainsi il faut que ces reconnaissances soient faite avec le plus grand soin et confiées à des officiers de mérite.


Saint-Cloud, 10 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, les mouvements de la Prusse continuent à être fort extraordinaires. Ils veulent recevoir une leçon. Je fais partir demain mes chevaux, et dans peu de jours ma Garde. Ils partent sous le prétexte de la diète de Francfort. Toutefois il faut bien du temps avant que tout cela arrive. Tâchez donc de vous procurer quelques chevaux pour moi; vous ne m'avez pas répondu sur ce que le roi de Bavière pourrait me prêter, si j'en avais besoin. Si les nouvelles continuent à faire croire que la Prusse a perdu la tête, je me rendrai droit à Würzburg ou à Bamberg. J'imagine que, dans quatre ou cinq jours, le quartier général, vos chevaux et vos bagages seraient rendus à Bamberg. Faites-moi connaître si je me trompe dans ce calcul. En causant avec le roi de Bavière, dites-lui très-secrètement que, si je me brouillais avec la Prusse, ce que je ne crois pas, mais que, si jamais elle en fait la folie, il y gagnera Bayreuth. J'imagine que Braunau est toujours approvisionné et en état de défense. Peut-être serait-il convenable que la Bavière fit approvisionner le château de Passau, quoique l'Autriche dise, proteste qu'elle veut rester tranquille. M. de Knobelsdorf me fait toutes protestations; mais je n'en vois pas moins continuer les armements de la Prusse, et, en vérité, je ne sais ce qu'ils veulent.

J'ai ordonné au 28e régiment d'infanterie légère , qui est à Boulogne, et au bataillon d'élite qui est à Neufchâtel, de se rendre à Mayence. Il n'y aura donc plus rien à Neufchâtel. J'ai ordonné au roi de Hollande de former un camp de 25,000 hommes à Utrecht. Si les nouvelles que je reçois continuent à être les mêmes, je compte faire partir vendredi une avant-garde d'un millier de chevaux de ma Garde, et, huit jours après, le reste. Ainsi j'aurai 3,000 chevaux, 6,000 hommes d'infanterie d'élite et trente-six pièces de canon.

Je vous ai écrit pour avoir l'œil sur la citadelle de Würzburg et toutes les petites citadelles environnantes.

Combien faudrait-il de jours pour que le parc d'artillerie qui est à Augsbourg pût se rendre à Würzburg ? Combien de temps faudrait-il pour envoyer à Strasbourg la plus grande partie des objets d'artillerie qui sont à Augsbourg ?


Saint-Cloud, 10 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin , vous trouverez ci-joint un rapport qui m'est remis sur la compagnie Breidt. Je désire connaître en détail tout ce qui se trouve d'équipages de cette compagnie aux différents corps, et à quel service ils sont affectés; quels sont les corps qui ont les caissons et autres objets qu'ils doivent avoir, conformément à mes décrets. Il est très-important que je connaisse en détail la situation de cette parti du service, si les ambulances sont organisées, et la répartition de toutes les brigades de la compagnie Breidt. Je vois sur les états que le sous-inspecteur aux revues Barbier a deux chevaux appartenant à cette compagnie; que le maréchal Davout en a huit; qu'il y en a une grande quantité à Augsbourg. Vous savez que mon intention est qu'aucun général ni officier n'ait de chevaux ni caissons ayant appartenu à cette compagnie. J'ai donné un ordre à ce sujet à Vienne; faites-le exécuter, et que chacun rende ce qu'il a pris. Ces caissons sont destinés au transport du pain. Ce n'est pas trop que cinq-cents caissons pour une armée si considérable. Je désire qu'il y en ait à peu près deux attachés à chaque bataillon, c'est-à-dire pour porter deux mille rations ou deux jours de rations complètes, ou même quatre jours de demi-rations dans des moments pressés. J'ai ce vingt bataillons; cela me ferait donc 240 caissons. Un régiment de cavalerie doit être considéré comme un bataillon , puisque les régiments de cavalerie ont tous moins de 500 hommes. J'ai à l'armée moins de cinquante régiments de cavalerie; cela me ferait donc une centaine de caissons pour la cavalerie. Pour l'artillerie, elle a ses moyens et n'a pas besoin de ceux-là. Il me restera encore environ 200 caissons dont je pourrai disposer pour l'approvisionnement des magasins centraux. Répondez-moi là-dessus. Faites-moi connaître comment se fait le service des ambulances ; il me semble que les chariots de la compagnie Breidt ne sont pas propres à ce service. Chaque régiment doit avoir son ambulance. Si on laissait faire la cavalerie, elle n'en aurait jamais assez; mais la cavalerie n'a pas besoin de ces moyens- là. Dans la saison où nous sommes, nous trouverons partout des fourrages.

Je vous rends responsable si, vingt-quatre heures après la réception de cet ordre, il y a des chevaux ou des caissons attachés à des services particuliers. Beaucoup de régiments peuvent avoir de mauvais chevaux; autorisez-les à acheter en Allemagne les chevaux qu'ils pourront trouver. Chaque régiment , par exemple, pourrait acheter une vingtaine de chevaux. Vous leur ferez donner 10,000 francs à chacun pour cet objet; cela , indépendamment de ce que je fais acheter en France par les dépôts; mais la France est épuisée de chevaux. J'imagine que chaque régiment de toute arme a au moins 20 hommes à pied, tant pour servir aux remontes que pour les circonstances qui nécessiteraient des achats de chevaux. J'imagine que l'artillerie a des forges de campagne, est munie de fer, de manière à avoir non-seulement ce qui lui est nécessaire pour entrer en campagne, mais aussi à avoir un approvisionnement.

Vous m'avez assuré que mon armée est bien approvisionnée en souliers. Il faut désormais que Mayence soit considérée comme le grand dépôt de l'armée; cependant il ne faut pas annoncer ce changement. Causez-en avec l'intendant général de l'armée, pour que beaucoup de choses soient plutôt dirigées sur celle ville que sur Augsbourg.


Saint-Cloud, 10 septembre 1806

Au général Caulaincourt, Grand-Écuyer

Monsieur Caulaincourt, faites arranger toutes mes lunettes. Faites partir demain soixante chevaux de mes écuries, parmi lesquels il y en aura huit de ceux que je monte. Vous me remettrez l'état de ceux de mes chevaux que vous voulez faire partir. Je désire que cela se fasse avec tout le mystère possible. Tàchez qu'on croie que c'est pour la chasse de Compiègne. Ce sera toujours, jusqu'à leur passage à Compiègne, deux jours de gagnés. Faites partir aussi mes mulets, et mes cantines munies de tout ce qui est nécessaire, ainsi mes petits porte-manteaux, dont je me suis servi avec tant d'avantage dans ma dernière campagne. Dans la journée de demain, préparez mes fourgons. Je désire qu'il y en ait un qui porte une tente avec un lit de fer. Si vous n'en avez pas, demandez-les à la princesse Caroline, et vous les ferez remplacer sur-le-champ. Je désire que la tente soit solide et que ce ne soit pas une tente d'opéra. Vous ferez joindre quelques forts tapis. Vous ferez partir demain , avec mes chevaux, mon petit cabriolet de guerre. Mes fourgons avec le reste de mes chevaux, et mes bagages de guerre, habillement, armes, etc.. , ainsi que toute la partie de ma maison que le grand maréchal aura préparée, seront prêts à partir dimanche. Mais il faut que l'avant-garde gagne quatre jours. Elle se rendra d'abord à Mayence, et de là à Francfort, où je dois me rendre pour la diète. Le maréchal Bessières, le grand maréchal du palais, vous, le général Lemarois, un aide de camp, le prince Borghèse, l'adjoint du palais Ségur, feront également partir leurs chevaux. En en parlant à ces différents officiers, vous leur direz qu'ils sont destinés à m'accompagner à la diète de Francfort. 

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En vous indiquant le jour de dimanche pour le départ de ma maison, mon intention est que vous teniez tout préparé, et que vous preniez mes ordres samedi au lever.


Saint-Cloud, 10 septembre 1806

Au roi de Hollande

Vous aurez appris l'armement de la Prusse et la non-ratification de la Russie. Mes négociations avec les Anglais ne sont pas rompues, mais ils ont des prétentions extraordinaires. Ils veulent avoir Surinam, Berbice, et garder toutes vos colonies. Dans cette situation de choses il est important de vous mettre en mesure.

Mon intention, si le guerre recommence, est de vous donner le commandement depuis Boulogne jusqu'à Wesel et de toute la Hollande., Formez sans délai le camp d'Utrecht sous prétexte d'exercer vos troupes et de les préparer à la guerre contre l'Angleterre, et envoyez-moi des plans et des mémoires sur vos places du côté de la Prusse. Il faut qu'en quatre jours de temps vous puissiez vous porter avec la plus grande partie de votre armée sur Wesel. Votre armée n'est pas destinée à faire de grandes marches. Wesel approvisionné, et que vous puissiez tirer des vivres de chez vous par vos canaux, je ne pense pas que vous ayez besoin d'une grande quantité de chariots. Si vous pouvez réunir une division de cavalerie hollandaise de 1,500 à 2,000 hommes, deux divisions d'infanterie hollandaise fortes de 6,000 hommes chacune, une division française de 5,000 hommes, en tout un corps de 18,000 hommes avec vingt-cinq pièces de canon attelées et un approvisionnement, cela sera suffisant. Je mettrai sous vos ordres une autre division française de 12,000 hommes; ce qui vous fera un corps de 30,000 hommes pour défendre Wesel, le nord de vos États, et, selon la marche de mes opérations et les événements de la guerre, vous étendre dans le pays de Münster et de Wesel. Je n'ai pas besoin de vous dire combien tout ceci doit être tenu secret. En réunissant toutes vos troupes à Utrecht, je suppose que d'Utrecht vous pourrez être en quatre jours sur Wesel; faites-moi connaître là-dessus ce qu'il en est.

Le général Michaud est un fort brave homme, qui pourra très-bien commander ce corps sous vos ordres. Mais il est inutile d'alarmer le pays. Personne ne connaîtra le but réel du camp d'Utrecht. Je vous le confie à vous, parce que je veux que vous soyez instruit de mes projets et que-vous preniez toutes vos précautions pour être à même de remplir le but que je me propose, si les circonstances tournaient à la guerre.


Saint-Cloud, 10 septembre 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, les I1er et 2e de chasseurs ont beaucoup d'hommes  leurs dépôts. J'avais donné ordre que des détachements de ces régiments partissent; il parait qu'il y a eu contre-ordre. L'un a son dépôt à Tournay et l'autre à Gand. Donnez ordre que les hommes et les chevaux de ces régiments qui sont disponibles aux dépôts partent sur-le-champ pour la Grande Armée.

Donnez ordre au 20e régiment de chasseurs de se former à trois escadrons de 200 hommes chacun , de laisser le cadre du 4e escadron avec le dépôt, et faites partir les trois escadrons de guerre commandés par le colonel, ou par le major si le colonel est toujours absent, pour se rendre à Francfort, où ils feront partie du corps du maréchal Augereau.

Donnez ordre au général Watier de faire partir tout ce qui est en bon état et disponible des 1er, 3e, 5e, 9e et 15e régiments de dragons. Vous mettrez tous ces détachements sous les ordres d'un chef d'escadron, qui les conduira à Mayence, où ils recevront de nouveaux ordres du prince de Neufchâtel pour passer le Rhin et rejoindre leurs corps. Donnez ordre au général Watier de prendre des mesures avec les conseils d'administration de ces régiments, qui sont à Paris, pour acheter 200 nouveaux chevaux par régiment. Vous leur ferez les fonds nécessaires au fur et à mesure. Il est convenable que ces 1,000 chevaux puissent être disponibles avant la fin d'octobre.

Vous donnerez ordre au 4e régiment de dragons de se former à trois escadrons de 200 hommes chacun et de laisser son 4e escadron et son dépôt avec le major  Moulins; et vous les ferez partir pour Strasbourg, où ils recevront des ordres du prince de Neufchâtel, pour leur destination ultérieure. Vous ordonnerez à ce régiment d'acheter 200 chevaux de plus qu'il n'a aujourd'hui pour monter son 4e escadron.

Faites-vous mettre sous les yeux les états de situation des dépôts de cavalerie dans la 15e division militaire; faites-en partir tout ce qui est disponible, ainsi que tout ce qui l'est en infanterie dans cette division, en le dirigeant sur Mayence.

Donnez ordre au 14e de ligne de quitter ses travaux à Saint-Quentin et de se compléter avec son dépôt et son 3e bataillon de manière à avoir 1,150 hommes par bataillon de guerre, et dirigez les sur Mayence, où ils recevront de nouveaux ordres.

Donnez ordre au 22e de ligne, qui est à Wesel, de tenir prêts deux premiers bataillons, renforcés de tout ce que peut avoir de disponible le 3e, pour entrer en campagne et faire partie de la Grande Armée.

Vous donnerez ordre au 7e de ligne, qui est à Grenoble se rendre à Turin, et au 37e, qui est à Turin, de se rendre à Alexandrie.

Vous donnerez l'ordre au 28e d'infanterie légère, qui est au camp de Boulogne, de se rendre à Mayence, où il recevra de nouveaux ordres.

Vous donnerez le même ordre au bataillon d'élite qui est à Neuchâtel.

Chargez le directeur et l'inspecteur d'artillerie de la division où se trouve Wesel de faire ensemble l'inspection de cette place et de la mettre en situation de soutenir un siège.

Faites-moi connaître l'état de mes approvisionnements à Strasbourg, Mayence et dans les autres places sur le Rhin. Tenez la main  à ce que l'approvisionnement que M. Vanlerberghe doit mettre à Wesel soit prêt au plus tard en octobre. Faites-moi connaître s'il y aurait économie à faire verser sur Wesel une partie de l'approvisionnement de biscuit que j'ai dans les places du nord. Il faut que cette place soit approvisionnée pendant deux on trois mois; mais ce qui me arait nécessaire d'y mettre, c'est du blé, de la farine, des moyens de les convertir en pain, de l'eau-de-vie.

Le commandant du département de la Roër y ferait bien vite en cas d'événements, verser la viande nécessaire.

Il faut que le génie prenne ses mesures pour qu'il y ait quantité suffisante de palissades et de blindages.

Il est nécessaire qu'avant le 18 septembre j'aie un rapport qui me fasse connaître si Wesel peut soutenir un siège, sous le point de vue de l'artillerie et du génie. 


Saint-Cloud, 11 septembre 1806 (Cette lettre n'a été expédiée que le 22 septembre)

Au prince Murat

Mon Frère, les formes de nos communications en notre qualité de Protecteur avec les souverains réunis en congrès à Francfort n'étant pas encore déterminées, nous avons pensé qu'il n'en était aucune qui fût plus convenable que d'adresser la présente à Votre Altesse Eminentissime, afin qu'elle en fasse part aux deux Collèges. En effet, quel organe pouvions-nous plus naturellement choisir que celui d'un prince à la sagesse duquel a été confié le soin de préparer le premier statut fondamental ?

Nous aurions attendu que ce statut eût été arrêté par le congrès et nous eût été donné en communication, s'il ne devait pas contenir des dispositions qui nous regardent personnellement. Cela seul a dû nous porter à prendre nous-même l'initiative pour soumettre nos sentiments et nos réflexions à la sagesse des princes confédérés.

Lorsque nous avons accepté le titre de Protecteur de la Confédération du Rhin, nous n'avons eu en vue que d'établir en droit ce qui existait de fait depuis plusieurs siècles. En l'acceptant, nous avons contracté la double obligation de garantir le territoire de la Confédération contre les troupes étrangères et le territoire de chaque confédéré contre les entreprises des autres. Ces obligations, toutes conservatrices, plaisent à notre cœur; elles sont conformes à ces sentiments de bienveillance et d'amitié dont nous n'avons cessé, dans toutes les circonstances, de donner des preuves aux membres de la Confédération. Mais là se bornent nos devoirs envers elle. Nous n'entendons en rien nous arroger la portion de souveraineté qu'exerçait l'empereur d'Allemagne comme suzerain. Le gouvernement des peuples que la Providence nous a confiés occupant tous nos moments, nous ne saurions voir croître nos obligations sans en être alarmé. Comme nous ne voulons pas qu 'on puisse nous attribuer le bien que les souverains font dans leurs États, nous ne voulons pas non plus qu'on nous impute les maux que la vicissitude des choses humaines peut y introduire. Les affaires intérieures de chaque État ne nous regardent pas. Les princes de la Confédération du Rhin sont des souverains qui n'ont point de suzerain. Nous les avons reconnus comme tels. Les discussions qu'ils pourraient avoir avec leurs sujet ne peuvent donc être portées à un tribunal étranger. La Diète est le tribunal politique conservateur de la paix entre les différents souverains qui composent la Confédération. Ayant reconnu tous les autre princes qui formaient le Corps germanique comme souverains indépendants, nous ne pouvons reconnaître qui que ce soit comme leur suzerain. Ce ne sont point des rapports de suzeraineté qui nous lient à la Confédération du Rhin , mais des rapports de simple protection. Plus puissant que les princes confédérés, nous voulons user de la supériorité de notre puissance, non pour restreindre leurs droits de souveraineté, mais pour en garantir la plénitude.


Saint-Cloud, 12 septembre 1806

A l'empereur d'Autriche

Sérénissime et très-puissant Prince, Monsieur mon très-cher très-aimé bon Frère, nous avons reçu la lettre par laquelle Votre Majesté a bien voulu nous faire part de la résolution qu'elle a prise et effectuée d'abdiquer la dignité de chef suprême de l'empire germanique et la couronne impériale d'Allemagne. Cette communication, à laquelle nous avons été sensible, est pour nous un gage précieux des sentiments de Votre Majesté à notre égard, et nous la prions de croire que nous serons constamment empressé d'y répondre par tous les procédés d'une amitié réciproque. Nous pensons avec plaisir que le nouvel ordre de choses établi en Allemagne et les mesures que Votre Majesté a cru devoir prendre relativement à ses États héréditaires allemands, loin de porter atteinte à la bonne harmonie qui existe heureusement entre nous ne peuvent, en dégageant les rapports futurs de nos deux empires de tout intérêt étrangers, que consolider et resserrer chaque jour davantage les liens qui nous unissent. Notre plus grand désir est de n'avoir, à l'avenir, que des relations de bon voisinage et de parfaite amitié à entretenir avec Votre Majesté; et nous ne cessons de former des vœux pour la prospérité personnelle et pour celle des peuples soumis à son gouvernement.


Saint-Cloud, 12 septembre 1806.

Au roi de Prusse

Monsieur mon Frère, j'ai reçu la lettre de Votre Majesté. Les assurances qu'elle me donne de ses sentiments me sont d'autant plus agréables que tout ce qui se passe depuis quinze jours me donnait lieu d'en douter. Si je suis contraint à prendre les armes pour me défendre, ce sera avec le plus grand regret que je les emploierai contre les troupes de Votre Majesté: Je considérerai cette guerre comme une guerre civile, tant les intérêts de nos États sont liés. Je ne veux rien d'elle; je ne lui ai rien demandé. Toutes les fois que les ennemis du continent ont fait courir de faux bruits, je lui ai fait donner les assurances les plus positives de ma constance à persister dans les liens de notre alliance. C'est à elle à voir si elle n'a pas donné trop légèrement confiance au parti qui   Cour a été si prompt et si chaud à seconder les desseins de nos ennemis communs. J'ai une telle opinion de sa justice, que je m'en rapporte à elle pour savoir qui a tort, dans cette circonstance, de la Prusse ou de la France. Tous les renseignements qu'on lui a donnés sont faux. Cela seul, dont elle est à présent convaincue, doit lui prouver que je suis à l'abri de tout reproche. Si Votre Majesté m'eût dit que les troupes que j'ai en Westphalie lui donnaient de l'inquiétude, je les eusse retirées pour lui plaire. Je suis ami ou ennemi franchement. Ceux de ses ministres qui ont traité ses affaires et que j'ai admis à mon audience peuvent le lui témoigner. Je tiens plus que par le cœur à Votre Majesté, jetiens à elle par la raison. Toutefois je viens de faire aussi des dispositions pour me mettre en mesure contre ses troupes, qui menacent d'attaquer mon armée d'Allemagne. Je l'ai fait, parce que j'aurais été coupable envers mon peuple si je ne m'étais pas prémuni contre les préparatifs formidables qu'elle fait; préparatifs qui sont si avancés, que les troupes de sa capitale sont parties, même après la lettre qu'elle m'a écrite. Je dois le dire à Votre Majesté, jamais la guerre ne sera de mon fait, parce que, si cela était, je me considérerais comme criminel : c'est ainsi que j'appelle un souverain qui fait une guerre de fantaisie qui n'est pas justifiée par la politique de ses États. Je reste inébranlable dans mes liens d'alliance avec elle. Que, par sa réponse, elle me fasse connaître qu'elle les repousse, qu'elle ne veut mettre sa confiance que dans la force de ses armes, je serai obligé de recevoir la guerre qu'elle m'aura déclarée; mais je resterai le même, au milieu des combats, après des victoires, si la justice de ma cause m'en fait obtenir. Je demanderai la paix, regardant cette guerre comme une guerre sacrilège, puisqu'elle n'est propre qu'à faire triompher et sourire nos ennemis. Que Votre Majesté me réponde au contraire qu'elle a contremandé ses dispositions, et je contremanderai les miens de grand cœur; nos ennemis seront déjoués, et, j'ose le dire, ma conduite froide et impassible dans cette circonstance sera pour elle et pour ses ministres une garantie de la confiance qu'elle doit mettre dans mes dispositions, qui ne seront jamais influencées ni par l'intrigue et les instigations étrangères, ni par la chaleur des sentiments effervescents, mais qui seront uniquement dirigées par la saine politique et l'intérêt de mes peuples.


Saint-Cloud, 12 septembre 1806

NOTE POUR UNE DÉPÊCHE A M. LAFOREST

Monsieur, le nouveau ministre de Prusse a remis à S. M. l'Empereur ses lettres de créance, et M. de Lucchesini ses lettres de rappel. Sa Majesté a eu un long entretien avec ces deux ministres et doit les avoir convaincus de son désir de vivre en paix avec la Prusse et de l'impossibilité politique de la guerre, parce que, pour un prince qui met autant de réflexion dans ses opérations, faire la guerre à une puissance à laquelle il n'a rien à demander, avec laquelle il n'a rien à démêler, serait un véritable acte de folie. Il faudrait que l'Empereur fût susceptible de céder au désir de jeunes officiers qui voudraient aussi faire la guerre à la Prusse, et aux différents partis qui se forment dans les grandes villes.

L'Empereur ne peut estimer la conduite du cabinet de Berlin a cela de commun avec toute l'Europe. Si quelquefois même il ne  consultait que son cœur, il ne serait pas impossible qu'il désirât d'humilier le cabinet de Prusse. Mais la raison d'État fera que l'Empereur sera toujours ami de la Prusse. Sa politique s'étend sur le Midi et non sur le Nord. Il est ridicule de penser que l'Empereur voulût faire la guerre à la Prusse pour que la Bavière eût Baireuth et le duc de Clèves, Münster. La France n'a donc jamais pensé à rien faire qui pût donner de l'inquiétude à la Prusse. Elle lui a donné, au contraire, dans toutes les circonstances, des assurances de sa protection et de l'intérêt qu'elle mettait à rendre plus intimes ses relations avec elle. Cependant la Prusse a couru aux armes sans aucun prétexte; ses mouvements continuent, et, même aujourd'hui où le cabinet croit avouer qu'il a eu tort et qu'il s'était persuadé sans raison que la France en voulait à la Prusse, on continue le même système. L'Empereur, voyant ainsi son système de paix dérangé, ses troupes qui commençaient à évacuer l'Allemagne contraintes d'y rester, les armements de la Prusse surtout coïncidant avec la non-ratification de la Russie, se trouve dans la nécessité de se préparer à une nouvelle lutte et de lever de nouvelles troupes. Il est vrai que, de différents points de l'intérieur de la France, des troupes sont en marche, et que l'Empereur n'attend plus que votre courrier pour mettre en mouvement la réserve qu'il a à Paris et sa Garde. Nous passerons donc l'hiver en présence. La Prusse s'épuisera pour maintenir sur pied une armée inutile, et le moindre motivement que fera la Russie ou une autre puissance, des suspicions de part et d'autre décideront du commencement des hostilités.

Faites sentir ces raisons à M. de Haugwitz; dites-lui bien que des armements que l'Empereur considérait comme une folie avant le refus de l'empereur de Russie de ratifier le traité deviennent aujourd'hui une offense. Demandez-lui s'il est vrai que la Prusse veuille de gaieté de cœur la guerre, c'est-à-dire sa ruine. Faites sentir à M. de Haugwitz qu'il sera impossible que l'Empereur reconnaisse rien si ce n'est l'intégrité du royaume de Prusse, et la disposition où il est de ne lui rien demander; qu'il sera impossible qu'il adhère à aucun arrangement, à aucune confédération du Nord, tant qu'on aura l'air de la lui dicter par la force; que, tant qu'on restera dans cette situation hostile, on n'obtiendra rien de lui ; que si, au contraire, on désarme, si on déclare que les armements ont été l'effet des craintes qu'ont calmées les assurances que j'ai données, si l'on fait parvenir assez promptement ces déclarations pour que les troupes que Sa Majesté met en marche ne passent pas le Rhin, et surtout Sa Majesté elle-même et le corps de sa Garde, aucun de ces corps ne passera le Rhin ; le contre-ordre qui sera donné à tous les mouvements offensifs de la France répondra au désarmement qui sera ordonné par la Prusse, et insensiblement les troupes françaises, comme il était dans l'intention de Sa Majesté, évacueront l'Allemagne; elles seraient déjà bien près du Rhin sans cette nouvelle circonstance. Si on veut la guerre, on peut rester armé; si on veut la paix, on doit désarmer.

Vous ferez ces différentes communications avec prudence, modération et sagesse, car l'Empereur désire véritablement ne pas tirer un coup de fusil contre la Prusse. Il regardera cet événement comme un malheur, parce qu'il vient troubler des intérêts déjà assez compliqués, qu'il l'empêche d'évacuer l'Allemagne avec honneur ; et il est de fait que l'Empereur attendait son armée à Paris pour le 15 octobre.

Mais autant vous mettrez de prudence, de bonnes manières et de raisonnement pour porter la Prusse au désarmement, autant vous serez impérieux, exigeant, si les troupes prussiennes entraient en Saxe et la forçaient à armer contre moi. Vous déclarerez à M. Haugwitz, par avance et en forme de conversation, que, si cela arrivait, vous avez ordre de demander vos passe-ports, et que dès ce moment, la guerre serait déclarée. Vous en instruirez, par un courrier extraordinaire, le maréchal Berthier, afin que les troupes se mettent en règle; et, si effectivement, après vos instances, la Prusse persistait à occuper le Saxe, vous quitteriez Berlin.


Saint-Cloud, 12 septembre 1806

NOTE POUR UNE DÉPÊCHE A M. DURAND

Faites connaître à mon ministre à Dresde l'inconséquence et la folie des armements de la Prusse; que mon intention n'est pas de laisser violer le territoire de la Saxe, qu'il doit s'en expliquer dans ce sens avec le cabinet de Dresde; que je ne souffrirai pas que, soit que la Saxe veuille se déclarer indépendante, royaume de Saxe en réunissant à sa couronne les princes de sa Maison, soit qu'elle veuille faire partie de la Confédération du Rhin ou de celle du Nord, elle soit influencée d'aucune manière; mais ce que je demande, c'est qu'elle ne fasse aucun armement, que les Prussiens n'entrent pas sur son territoire; car, à la première entrée en Saxe, M. de Laforest a ordre de quitter Berlin et la guerre est déclarée; que lui-même alors fera comprendre qu'il ne peut regarder cet événement que comme un acte d'hostilité de la Saxe contre la France; que dans les circonstances présentes, il doit parler avec beaucoup de douceur, tâcher de captiver la Saxe, et, si on lui demande conseil, dire que la Saxe doit être indépendante, sous la protection de la France, de l'Autriche, de la Russie et de la Prusse, réunir à elle les princes de sa Maison et se déclarer royaume de Saxe; qu'elle aura 2,600,000 habitants et qu'elle sera aussi considérable que le royaume de Suède.

Il ne doit rien mettre par écrit, mais parler avec douceur; car, après tout, je n'attache point à ces affaires une importance majeur : ce qui m'intéresse beaucoup, c'est que la Saxe n'arme pas, que les Prussiens n'entrent pas en Saxe. Le cabinet de Dresde doit dire au cabinet prussien que le ministre de France a déclaré que, si la Saxe Prusse armait et qu'elle reçût les Prussiens chez elle, l'Empereur le regarderait comme une déclaration de guerre.


Saint-Cloud, 12 septembre 1806

NOTE POUR UNE DÉPÊCHE A M. BIGNON

Écrire à mon ministre à Cassel que, si l'Électeur arme, il quitte le pays, vu qu'il ne doit pas prendre part à la querelle de la Prusse. Si l'on n'arme pas, il ne dira rien; mais, au premier mouvement, il déclarera à M. de Weiss que, si l'Électeur arme, il a ordre de demander ses passe-ports.


Saint-Cloud , 12 septembre 1806

Au maréchal Bessières

Mon Cousin, faites faire la levée de tous les chevaux que ma Garde a chez les paysans; faites compléter les harnais, de manière à atteler 1,200 chevaux. Faites faire des fers, non-seulement pour les besoins actuels de toute la cavalerie, mais encore pour pouvoir en emporter un bon approvisionnement. Faites lever les boulangers et tout le monde nécessaire pour se mettre en route. Mon intention est que la Garde ait au moins 24 caissons, seulement pour les vivres. Si chaque régiment de cavalerie et d'infanterie avait besoin de caissons pour les bagages, faites-moi connaître le nombre qui serait nécessaire. Donnez ordre à l'officier du génie de se tenir prêt à marcher avec la garde. Qu'il voie le ministre et le général Marescot pour se procurer 2,000 bons outils, lesquels seront chargés sur 6 gros caissons qui suivront la Garde. Remettez-moi une situation claire qui me fasse connaître ce qui pourrait partir d'ici à quatre ou cinq jours. Ayez soin qu'on retrempe les armes qui en auraient besoin, qu'on arrange les épinglettes, qu'on complète les tire-bourre et les petits bidons, tant pour la cavalerie que pour l'infanterie ; enfin qu'on fasse tout ce qui est convenable pour se tenir parfaitement en état. Faites-moi connaître le nombre d'outils que porte chaque caisson de la Garde, même les ambulances. Ces ambulances me paraissent une fort bonne institution ; il faudrait en avoir vingt au lieu de dix. Si la Garde donnait en réserve, il y aurait beaucoup de blessés; si elle ne donnait pas, ces ambulances serviraient à l'armée. L'expérience de la dernière campagne doit vous faire connaître ce qu'il faut de boulangers. La Garde aura 8,000 bouches. Je joindrai probablement à la Garde 8,000 hommes de troupes de la ligne, ce qui fera 16,000. Il faut avoir un nombre double de boulangers. L'ordonnateur pourra avoir quelques fours de campagne. Un bon four peut faire du pain pour 3,000 hommes. Ainsi, avec deux fours, on ferait une ration complète pour la Garde, et une demi-ration pour 16,000 hommes. Il faut vous souvenir que la Garde est obligée de laisser souvent des boulangers en arrière et d'en envoyer en avant.


Saint-Cloud, 12 septembre 1806

Au général Lemarois

Monsieur le Général Lemarois, j'ai vu avec intérêt la réussite de vos expéditions sur l'ile de Tremiti. Je vous en sais bon gré. Vous ferez aussi tout ce que vous pourrez pour envoyer des approvisionnements à Raguse. Voici le moment où les mers vont être très-praticables.


Saint-Cloud, 12 septembre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je ne reçois pas d'état de situation ni de nouvelle de la Dalmatie. Marmont, il me semble, se tient trop loin; il pourrait se tenir à Zara. Il serait plus à portée de correspondre avec vous et de surveiller la province.

Il pourra être fâcheux pour la ville de Venise que vous la priviez des ornements que lui a donnés le Pape. Ne pourrait-on pas les placer dans la cathédrale ? 


Saint-Cloud, 12 septembre 1806

Au roi de Naples

Mon Frère, je vous ai mandé que la Russie n'avait pas ratifié. La Prusse arme d'une manière ridicule; toutefois elle désarmera bientôt ou elle le payera chèrement. Rien n'est plus indécis que ce cabinet.

La cour de Vienne fait de grandes protestations, auxquelles son extrême impuissance me fait croire. Quoi qu'il en soit, je pourrai faire et ferai face à tout. La conscription que je viens de lever est en marche de tous côtés; je vais appeler ma réserve; je suis muni de tout et je ne manque de rien. Guerre ou paix, je ne diminuerai pas votre armée. Il est possible que, dans peu de jours, je me mette à la tête de ma Grande Armée. J'ai là près de 150,000 hommes, et je puis avec cela soumettre Vienne, Berlin et Saint-Pétersbourg. Il y aura dans le nord de l'Italie une armée assez formidable. Tenez secrètes toutes ces dispositions, qu'il est inutile de laisser connaître . Il est bon qu'on ne les apprenne que par la victoire.

Poussez vivement vos ennemis; chassez-les de la presqu'île; reprenez Cotrone, Scilla et Reggio. Les négociations avec l'Angleterre continuent toujours; mais la paix ou la guerre sera décidée dans huit jours. Fox est tout à fait hors des affaires, accablé par la maladie, qui le conduira probablement au tombeau. Jérôme est débarqué; je l'ai reconnu prince; je lui ai donné le grand cordon de la Légion d'honneur; j'ai arrêté son mariage avec la princesse Catherine fille du roi de Wurtemberg. Comme pour lui je serai obligé de provoquer un plébiscite, c'est-à-dire la sanction du peuple sur son droit de succession à la couronne, je désirerais que Lucien ne laissât pas échapper cette occasion.

N'ayez sur les affaires politiques aucune inquiétude; marchez comme si de rien n'était. Si véritablement je dois encore frapper, mes mesures sont bien prises, et si sûres, que l'Europe n'apprendra mon départ de Paris que par la ruine entière de mes ennemis. Il est bon que vos journaux me peignent occupé à Paris de plaisirs, de chasses, de négociations. Si on parle des armements de la Prusse, qu'on laisse entrevoir qu'ils ont eu lieu d'accord avec moi; du reste, M. de Humboldt a dû recevoir ses ordres pour se rendre, comme ministre de Prusse, près de vous. Je ne poserai jamais les armes que vous n'ayez Naples et la Sicile. Je vous ai recommandé Pescara; qu'il y ait suffisamment de poudre, d'affûts, un commandant d'armes, un officier du génie, un d'artillerie, un garde-magasin , un commissaire des guerres, une garnison de 4 à 500 hommes, des vivres pour un mois, l'ordre aux troupes qui sont dans les Abruzzes de s'y renfermer en cas d'événements, en en faisant part au général qui commande à Ancône. Si l'ennemi parvenait à débarquer et à jeter un millier d'hommes dans cette place, il se mettrait bientôt en état d'y soutenir un siège, et cela aurait beaucoup d'inconvénients.

Au milieu de ces événements, je ne néglige pas la mer; il est tels calculs qui peuvent, d'un mois à l'autre, me rendre maître de la Méditerranée.


Saint-Cloud, 13 septembre 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, apportez-moi demain le projet d'une circulaire à écrire aux rois de Bavière, de Wurtemberg et aux autres princes confédérés, pour leur apprendre l'état de la question Vous ferez tout rouler sur l'indépendance de la Saxe. Je pense qu vous devez envoyer chercher le ministre de Saxe pour lui demander s'il n'a rien à vous dire.


Saint-Cloud, 13 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, j'ai fait donner l'ordre à mon ministre à Berlin d'en partir sur-le-champ si la Prusse envahissait la Saxe. Au premier bruit qui vous en reviendra, vous porterez votre quartier général, les corps des maréchaux Ney, Augereau, Davout et la division Dupont sur Würzburg, où sera la réunion de l'armée. La Bavière fournit 6,000 hommes pour renforcer le corps du maréchal Bernadotte. Hesse-Darmstadt fournira 4,000 hommes pour renforcer le maréchal
Augereau. Vous préviendrez sur-le-champ les cours alliées que, la Prusse ayant envahi la Saxe, j'ai donné ordre à mes ministres de retirer, ayant garanti l'indépendance de la Saxe. Vous donnerez rendez-vous aux corps de Wurtemberg et de Bade à la hauteur de Noerdlingen sur la route de Würzburg. Vous écrivez à Rapp, à Strasbourg, pour qu'il m'en prévienne par le télégraphe, et une heure après, je pars pour Würzburg. Vous vous arrangerez de manière à ce que je trouve de vos nouvelles à Mayence. Cependant toutes les lettres de la Prusse sont amicales, et je ne crois pas qu'elle envahisse Saxe. Toutefois ma résolution bien déterminée est de ne pas plus laisser envahir la Saxe que je n'ai laissé envahir la Bavière. Vous ne manquerez pas de prévenir le grand-duc de Berg pour qu'il ait à se rendre de sa personne à Würzburg, en prévenant le commandant de Wesel de faire avertir le roi de Hollande, et pour qu'on approvisionne Wesel et qu'on tienne cette place en état. Dans le cas où M. Laforest quitterait Berlin, la Bavière aurait soin de faire armer et approvisionner les châteaux de Kufstein et de Passau, et de réunir ses troupes, hormis une division de 6,000 hommes, en avant de Munich, de manière à pouvoir se porter au secours du maréchal Soult, mais sans trop alarmer l'Autriche, qui persiste à vouloir rester neutre si la querelle s'engage. Il n'y a pas d'inconvénient que vous préveniez les généraux qui commandent les corps des maréchaux Ney et Davout de se tenir prêts à partir d'un moment à l'autre. Vous ferez partir également toute la cavalerie sans exception; il ne restera, du côté de l'Inn, que le corps du maréchal Soult et 20,000 Bavarois. Les corps wurtembergeois et badois seront du côté de Sordlingen. Tout le reste de mon armée se réunirait entre Würzburg et Bamberg. Le même jour où vous apprendrez que M. Laforest a quitté Berlin, le maréchal Bernadotte entrera dans Bayreuth.

Quand je dis l'envahissement de la Saxe, je n'entends pas l'occupation de quelques cantons, mais l'occupation de la province ; vous le saurez d'ailleurs par le départ de Laforest et de Durand.


Saint-Cloud, 13 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, lorsque je vous ai ordonné de faire éloigner mes troupes de Nuremberg, les circonstances étaient différentes. Aujourd'hui, au contraire, il me semble qu'il faut réunir beaucoup de troupes autour de cette ville qui, étant riche, est dans le cas d'en supporter les frais. Jusqu'à ce que le bon sens soit revenu à la Prusse et qu'elle ait désarmé, il est bon qu'on y soit en force. Il serait même possible que je donnasse bientôt l'ordre au maréchal Ney de se rapprocher de Würzburg.


Saint-Cloud, 13 septembre 1806

Au prince royal de Bavière

J'ai reçu votre lettre de Genève. J'ai appris avec plaisir votre bonne santé. J'espère ne pas tarder à apprendre que vous avez passé les Alpes et que vous avez trouvé la princesse Auguste bien portante. Elle sera heureuse de vous voir, et je me fais un vrai plaisir de ce bonheur, dont elle a besoin dans l'état de maladie attaché à sa situation. J'aurais éprouvé du regret de votre départ, si je n'espérais que vous séjournerez encore ici quelque temps, et que j'aurai le plaisir de vous voir à votre retour. Dans quelque circonstance que vous vous trouviez, comptez toujours sur ma parfaite amitié et sur mon désir de vous être agréable.


Saint-Cloud, 13 septembre 1806

Au roi de Naples

Tout annonce que M. Fox est mort. Lord Yarmouth a été reçu en triomphe à Londres parce que l'on savait qu'il était du parti de la paix. La maladie de M. Fox a consterné la nation. Ces événements ont un peu ébranlé les ministres, et l'espoir de la paix n'est pas perdu. Le ministre anglais qui est ici est malade à ne voir personne; il n'a pu, par conséquent, avoir de conférence depuis son dernier courrier. La Prusse me fait mille protestations, mais je n'en prends pas moins mes précautions. Sous peu de jours elle aura désarmé ou elle sera écrasée. L'Autriche proteste de ses intentions pacifique ! La Russie ne sait ce qu'elle veut. Son éloignement la rend impuissante. Voilà en deux mots la situation des affaires.

Mon idée est qu'avant deux jours la paix du continent sera plus consolidée que jamais. Quant aux affaires d'Angleterre, je ne puis rien conjecturer. Ce n'est point par la politique que les affaires se décident chez eux, mais par des imbroglios d'intérêt d'intérieur Cependant les dernières nouvelles portent que M. Fox est l'agonie et qu'il n'est pas encore mort, mais ses amis le pleurent comme tel.


Saint-Cloud, 13 septembre 1806

Au général Lacuée

Je vous envoie un projet de décret pour la formation d'un régiment de fusiliers de la Garde. Il est impossible d'avoir des vélites suffisamment, et cela me coûte trop cher. Former le tableau des masses de manière que ce régiment ne coûte pas plus que ceux de la ligne, à l'exception des officiers et sous-officiers, qui seront traités comme ceux de ma Garde. Je n'exclus pas cependant quelque amélioration pour les soldats, parce qu'il faut qu'ils soient mieux tenu et un peu plus à leur aise que les soldats de la ligne. Mettez dans une colonne séparée ce que ce régiment me coûterait en le traitant comme un régiment de ligne, et dans une autre colonne ce que vous pensez qu'il faille lui accorder de plus.


Saint-Cloud, 13 septembre 1806

Au maréchal Bessières

Mon Cousin, j'ai l'intention de former six bataillons de dragons à pied, chacun de six compagnies, chaque régiment de dragons fournissant deux compagnies de 100 hommes chacune. Il faudrait pour l'état-major de ce corps trois majors; chacun commanderait deux bataillons; l'un sera fourni par les grenadiers vélites, et un autre par les chasseurs vélites; ils seront attachés, l'un aux grenadiers sous les ordres du général Hulin, l'autre aux chasseurs sous les ordres du général Soulès. Un autre major serait fourni par la ligne. Il faudrait voir si des corps de la ligne on ne pourrait pas tirer six chefs de bataillon, six adjudants-majors, douze adjudants sous-officiers, intelligents et sachant bien leurs manœuvres. Par ce moyen, ce corps tiendrait par la tête à la Garde.


Saint-Cloud, 14 septembre 1806

A M. Fouché

Il y a une société de Dames de l'institution chrétienne à Poitiers, sous l'influence de prêtres connus sous le nom de Pères de la foi. Le mémoire ci-joint vous fera connaître en détail ce dont il s'agit. Faites faire une enquête sur les faits, et vous m'en rendrez compte. Tout cela me paraît de l'intrigue jésuitique.


Saint-Cloud, 14 septembre 1806

A M. de Barral, archevêque de Tours

J'ai reçu votre lettre, j'ai fait usage des renseignements que vous m'avez donnés; j'agrée le zèle qui vous anime.


Saint-Cloud, 14 septembre 1806

A M. Fouché

Je vous envoie copie des ordres que je donne au ministre de la guerre pour la formation d'un petit camp volant dans la 13e division militaire. C'est à vous à correspondre sur-le-champ avec le général Boyer, à lui envoyer tous les renseignements dont il aura besoin , et même quelques hommes connaissant bien le pays et qui puissent le guider dans ses recherches. Indépendamment des 6,000 francs que le ministre de la guerre lui fera payer pour dépenses extraordinaires, vous lui enverrez 6,000 francs pour dépenses secrètes, car c'est surtout par l'espionnage qu'on peut arriver à un heureux résultat. C'est à vous à diriger cette petite guerre; c'est à vous à indiquer non-seulement les localités à faire fouiller, mais encore les chemins à occuper. Écrivez au général Boyer ces indications, et suivez vous-même tous ses mouvements sur une grande carte de Cassini, en en raisonnant avec les hommes qui connaissent bien le pays et qui ont fait la guerre avec les chouans.


Saint-Cloud, 14 septembre 1806

Au général Dejean

Monsieur Dejean, mon intention est de former un petit camp volant dans la 13e division militaire. Ce camp volant se réunira à Pontivy.

Il sera composé de trois compagnies de grenadiers et de trois compagnies de voltigeurs du 86e régiment, complétées à 80 hommes; de trois compagnies de grenadiers et de trois compagnies de voltigeurs du 47e; de trois compagnies de grenadiers et de trois compagnies de voltigeurs du 70e; ce qui fera près de 1,500 hommes.

Chacun de ces régiments fournira un chef de bataillon pour commander ses six compagnies.

Le général de brigade Boyer commandera tout le camp volant. Les vivres de campagne seront fournis à ces troupes.

Le premier inspecteur de la gendarmerie nommera trois chefs d'escadron de la gendarmerie ayant une connaissance parfaite des départements du Morbihan et des Côtes-du-Nord. Il y joindra le nombre de brigades nécessaire, à pied et à cheval , prises parmi celles qui font partie de la 4e légion, de manière à avoir des gendarmes partout.

Vous ferez remettre 6,000 francs au général Boyer pour dépenses extraordinaires. Vous lui rembourserez tous les mois ses dépenses, à mesure qu'il vous en rendra compte. Les dépenses secrètes lui seront abonnées sur sa simple déclaration. Pour tout brigand arrêté parles colonnes mobiles, allant en Angleterre ou en revenant, pour tout rebelle connu pour avoir fait la guerre dans la Vendée sans avoir été amnistié, il sera accordé une gratification à la colonne qui l'aura arrêté. Les cinq hommes qui ont enlevé l'évêque de Vannes et les deux qui ont été si imprudemment relâchés seront recherchés avec la plus grande activité. Les colonnes qui les arrêteront auront 1,000 écus de gratification pour chacun de ces brigands.

Vous ordonnerez au général Boyer de correspondre avec les préfets des départements où il se trouvera, et directement avec le ministre de la police.

Mon intention est qu'il y ait toujours au moins 800 hommes de ces forces en mouvement par pelotons; qu'ils cernent les forêts  de Grandchamp et les repaires où les chouans avaient l'habitude de se retirer; qu'ils ne marchent jamais en grande troupe, puisqu'ils n'ont pas à craindre une grande résistance; mais qu'il y ait constamment en mouvement vingt-sept patrouilles, neuf sous les ordres de chaque chef d'escadron, chacune composée d'une trentaine hommes et de 5 ou 6 gendarmes à pied et à cheval. Lorsque le général Boyer croira avoir de bons renseignements, il pourra lui-même marcher avec les vingt-sept patrouilles qui, secondées par la gendarmerie locale, peuvent embrasser un grand espace de terrain. Il arrêtera tous les gens suspects, donnera des passe-ports et fera toutes les recherches qui pourront le conduire à des découvertes. C'est surtout par l'espionnage qu'il pourra parvenir à d'heureux résultats. Les brigands dont il est fait mention ci-dessus, aussitôt après leur arrestation, seront traduits devant une commission militaire que le général Boyer sera autorisé à nommer, et exécutés sur-le-champ,. Vous ferez connaître à ce général que j'attends de son zèle et de son activité non-seulement la prise de ces sept brigands, mais encore celle d'un grand nombre d'autres qui infestent ces départements. Il entretiendra une discipline sévère parmi ses troupes, et pourvoira, par les fonds qui lui seront remis, à ce que les soldats ne manquent de rien. Ils jouiront des vivres de campagne et auront le vin. Le général Boyer doit s'entendre avec les curés, les maires, les sous-préfets, et paraître à la fois sur les points les plus éloignés. Il fera un rapport journalier au ministre de la police. Il fera connaître les forêts qu'il a fouillées et la distribution et le nombre de ses patrouilles. En formant les patrouilles à un nombre aussi considérable que celui de trente ou trente-six, c'est afin qu'elles puissent se subdiviser en quatre ou cinq parties. Si les officiers de gendarmerie sont habiles, si l'on s'étudie à faire ces battues sans causer le moindre dommage aux habitants et aux propriétés, si l'on y met autant d'activité que de prudence, on aura les plus heureux résultats de ces petits mouvements. Du reste mon intention est qu'il ne soit fait dans les journaux aucune mention de ces dispositions.


Saint-Cloud, 14 septembre 1806

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, je désire que vous écriviez mon ministre à Florence pour qu'il fasse les réclamations les plus fortes contre une réunion de fanatiques qui, sous le prétexte de religion , veulent troubler l'Italie. Ces individus, dont voici la note, se réunissent en un tribunal d'inquisition. Il est indispensable qu'un tel tribunal soit détruit, et que la police du pays surveille ces individus, qui seront responsables du moindre événement. Ordonnez-lui de demander l'expulsion du nonce du Pape, qui est piémontais et ne cesse de se mal comporter.


Saint-Cloud, 15 septembre 1806

TRAVAIL SUR LA RÉPARTITION DES VÉTÉRANS

Le décret du 4 germinal an VIII, relatif aux vétérans nationaux, n'a pas été exécuté; mon intention est d'arriver insensiblement son exécution. En conséquence, vous ordonnerez les dispositions suivantes :

Chaque bataillon de vétérans nationaux sera formé à trois compagnies, ce qui formera neuf compagnies pour chacune des de brigades.

Ces neuf compagnies seront réunies en une même administration de bataillon. Ainsi, au lieu qu'il y ait dix demi-brigades de vétérans, il n'y aura plus que dix bataillons de neuf compagnies chacun; ce qui fera quatre-vingt-dix compagnies.

Ce travail se fera de la manière suivante :

PREMIÈRE DEMI-BRIGADE

Les deux compagnies qui sont à Orléans se rendront à Versailles. Le gouverneur de Paris passera la revue des 1e et 2e bataillons de la Première demi-brigade, les réduira chacun à trois compagnies, en donnant la retraite aux officiers et sous-officiers les plus hors d'état de servir.

La même opération sera faite pour le 3e bataillon, qui est à Nantes, par le général de division Travot. Ces trois compagnies continueront à rester dans le château de Nantes.

Le gouverneur de Paris choisira dans les trois bataillons de la 1e demi-brigade le meilleur chef de bataillon et les meilleurs officiers pour former l'état-major. Chaque capitaine s'adressera au chef de bataillon pour les affaires administratives.

 DEUXIÈME DEMI-BRIGADE

Le général commandant la 6e division militaire fera, pour le ler bataillon de la 2e demi-brigade, la même opération qui a été faite pour les bataillons de la 1e; après quoi les trois compagnies de ce bataillon se mettront en marche pour se rendre, deux dans la citadelle d'Alexandrie et une à Gavi.

Le général Menou fera la même opération pour le 2e bataillon ; les trois compagnies seront placées, deux à Turin et une à Fenestrelle.

Le général commandant la 8e division militaire fera la même opération pour le 3e bataillon , et ses six compagnies, réduites à trois, se rendront, l'une à Savone, pour y tenir garnison; la seconde à la Lanterne de Gènes, et la troisième à l'Éperon.

Par ce moyen, il y aura au delà des Alpes un bataillon entier, dont le chef de bataillon et l'administration seront à Alexandrie.

TROISIÈME DEMI-BRIGADE

Le général commandant la 12e division militaire fera la même opération pour le 1er bataillon de la 3e demi-brigade. Ses trois compagnies seront placées, une à l'île de Ré, une à l'île d'Aix et une à l'île d'Oléron.

Le général commandant la 13e division militaire fera la même opération au 2e bataillon. Ses trois compagnies seront placées, une à Saint-Malo, une à Saint-Brieuc et une à Lorient.

Le général commandant la 12e division militaire fera la même opération pour le 3e bataillon. Une des trois compagnies sera placée aux Sables, la seconde à Napoléon et la troisième à Nantes. Le chef de bataillon et l'administration resteront à Nantes.

QUATRIÈME DEMI-BRIGADE

La 4e demi-brigade, qui est à Paris, sera convertie en un bataillon de neuf compagnies de la même manière.

CINQUIÈME DEMI-BRIGADE

Le général commandant la 7e division militaire réduira le ler bataillon de la 5e demi-brigade à trois compagnies, lesquelles se dirigeront sur Plaisance.

Il réduira également le 3e bataillon à trois compagnies, qu'il enverra à Plaisance.

Le général commandant la 8e division militaire fera la même opération pour le 2e bataillon, et dirigera également les trois compagnies de ce bataillon sur Plaisance.

Le chef de bataillon demeurera à l'arme.

Arrivées à Plaisance, les neuf compagnies seront ainsi réparties, une à Bardi, une à la citadelle de Plaisance, une à la poudrière de Parme, une à la Spezzia, une à Sarzana, une à Chiavari, trois compagnies resteront à Parme pour le service de l'administration.

Il y aura ainsi deux bataillons au delà des Alpes, le 2e et le 5e.

SIXIÈME DEMI-BRIGADE

La 6e demi-brigade sera réduite par les généraux des divisions où elle se trouve, chaque bataillon à trois compagnies. Une sera placée à Givet et Charlemont, une à Montmédy et Bouillon, une à Sedan, une à Anvers, une à Maëstricht, une à Venloo, une à Juliers et deux à Wesel. Le chef de bataillon restera à Venloo.

SEPTIÈME DEMI-BRIGADE

La 7e demi-brigade subira la même réduction, qui sera faite par les généraux des divisions où elle se trouve. Une compagnie sera placée à Perpignan, une à Mont-Louis et Bellegarde, une à Bayonne,  une à Blaye, une à Agde, une à Cette, une à Saint-Jean-Pied-de-Port, et deux sur les points les plus importants de cette frontière des Pyrénées, depuis l'embouchure de la Garonne jusqu'à l'embouchure du Rhône.

HUITIÈME DEMI-BRIGADE

La 8e demi-brigade subira la même réduction. Une compagnie se tiendra à Lille, une à Cambrai, une à Condé, une à Saint-Omer, une au Havre, une à Dieppe, une à Cherbourg, une à Granville et une u Mont-Saint-Michel.

NEUVIÈME DEMI-BRIGADE

La même opération sera faite pour la 9e demi-brigade. Il sera placé une compagnie à Thionville,, une à Longwy, une à Luxembourg, une à Sarrelouis et Bitche, une à Metz, une à Verdun, et trois sur les points les plus importants.

DIXIÈME DEMI-BRIGADE

La 10e demi-brigade, qui est à Paris, sera réduite de la même manière.

La compagnie ligurienne, qui est à Entrevaux et Colmars, se portera à Briançon.

Les vétérans piémontais qui sont à Turin et Fenestrelle formeront deux compagnies.

NOTE POUR LA RÉPARTITION DES VÉTÉRANS

En temps de paix, j'ai des troupes dans les places fortes; en temps de guerre, j'y ai des dépôts et des gardes nationales. Mon but est de mettre les vétérans dans les pays où je ne puis me servir des gardes nationales. Ainsi il faudrait un bataillon de neuf compagnies à Alexandrie, un autre bataillon de neuf compagnies dans la citadelle de Turin, lequel fournirait deux compagnies à Fenestrelle et une compagnie à Gavi; ce qui ne ferait que six compagnies, suffisantes pour la garde de la citadelle, de Turin et de l'arsenal.

Un bataillon de neuf compagnies serait nécessaire à Gênes. Il fournirait une compagnie à Savone, une au golfe de la Spezzia, une à Sarzana, une à Chiavari. Il ne resterait plus que cinq compagnies pour Gênes.

Un bataillon de neuf compagnies, à Parme, fournirait une compagnie au château de Plaisance, une à Bardi et une à la poudrière; six compagnies resteraient à Parme. En cas d'événement, les compagnies de Bardi, de la poudrière et du château de Plaisance en formeraient la garnison , ou même elles pourraient se replier sur Alexandrie.

Un bataillon à Nice, dont une compagnie à Scarena; une au fort Montalban, une à Vintimille, une à Monaco, une à Antibes, une aux îles Sain te-Marguerite, et trois compagnies à Nice, qui pourraient fournir un détachement à Colmars et à Entrevaux.

Un bataillon dans les îles où il n'y a pas de gardes nationales : deux compagnies aux îles d'Hyères, une au fort Lamalgue, une à Briançon, une aux châteaux d'If et de Ratoneau, deux à Toulon, etc.

Un bataillon à Mayence, dont une compagnie à Wesel, etc.

Un bataillon à Wesel, réparti entre Wesel, Maestricht, Juliers, Venloo , Ostende et Anvers.

Un bataillon aux îles de Ré, d'Aix, d'Oléron , d'Yeu, à BIaye, Bayonne, etc.

Un bataillon pour Nantes et la partie de la Bretagne jusqu'à Brest. Un bataillon depuis Brest jusqu'à Cherbourg.

Il paraîtrait qu'il n'y en a pas besoin dans toutes les places des Ardennes, du Nord, de l'Alsace, de la Sarre, parce qu'il y aura des dépôts; en en temps de guerre, une garde nationale que l'on solde est bientôt formée.


Saint-Cloud, 15 septembre 1806

DÉCISION

Le général Marescot fait un rapport sur l'état de défense, de Wesel. Avec des blindages et quelques réparations, cette place, approvisionnée d'ailleurs de munitions de guerre et de bouche, est en état de soutenir un siège.

Il résulte de ce rapport que l'on a besoin de blindages. Il faut savoir ce qu'il y a, ce qui est nécessaire et ce qui manque. C'est avec des bois qu'on défend les places et qu'on remédie aux inconvénients. La Prusse devait en avoir beaucoup à Wesel. La Lippe en charrie beaucoup, et on pourrait en tirer de la Hollande. Si, à trois lieue de Wesel, sur les deux rives, on pouvait trouver des bois qu'on enfermerait dans la place, cela seul me suffirait. On pourrait, d'ailleurs, faire passer des places du haut Rhin quelque chose qui pourrait manquer. Enfin, donnez des ordres pour que le génie fasse ce qui est nécessaire, et s'arrange comme si la place devait soutenir un siège à la fin d'octobre.


Saint-Cloud, 15 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 9 septembre. Je vous ai écrit avant-hier en détail que M. de Laforest devait quitter Berlin si la Saxe était envahie par la Prusse, et que, dans ce cas, il avait ordre de vous en instruire. Du moment que M. de Laforest aura évacué Berlin, vous aurez soin de mettre en marche les corps des maréchaux Ney, Davout et Augereau, sur Bamberg; 4,000 hommes de troupes de Hesse-Darmstadt renforceront le corps du maréchal Augereau, et 6,000 Bavarois le corps du maréchal Bernadotte. Les 24,000 autres Bavarois se réuniront en avant de Munich, hormis ce qui est nécessaire pour garder le fort de Kufstein et les débouchés du Tyrol. Les Wurtembergeois et les Badois se réuniront près de Noerdlingen. Les quatre divisions de dragons et les divisions de grosse cavalerie se mettront en marche sur Bamberg et Würzburg. Faites-moi connaître, par le retour du courrier, quand tout cela pourra être rendu aux lieux désignés; mais ne faites aucun mouvement que Laforest n'ait quitté Berlin.


Saint-Cloud, 15 septembre 1806

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, j'ai reçu vos lettres du 10 septembre. Je désire que vous m'envoyiez, en détail, l'état des hommes qui partiront de chaque corps pour composer les 3e bataillons et les 4e escadrons. Il ne vous échappera pas que plusieurs régiments de cavalerie et d'infanterie avaient déjà à leurs dépôts beaucoup de monde. J'imagine qu'on aura compris tout ce qui y existait en officiers et sous-officiers, c'est-à-dire, en parlant d'une autre manière, que chaque régiment d'infanterie et de cavalerie aura conservé les officiers et sous-officiers des deux premiers bataillons et des trois escadrons. S'il en était autrement, et qu'on en eût envoyé davantage, il faudrait les faire revenir. Je le répète, il doit y avoir à l'armée le colonel (le major doit être en France), le major si le colonel est absent, les deux chefs d'escadron de cavalerie, les six capitaines, en un mot tous les officiers et sous-officiers qui composent les six compagnies ou les trois escadrons; de même pour l'infanterie.

J'ai lu l'état de situation de l'armée bavaroise. Faites former une division de 6,000 Bavarois, qui pourrait se réunir à Ingolstadt pour être prête à se ranger sous les ordres du maréchal Bernadotte. Il paraîtrait que quatre régiments de ligne, deux bataillons d'infanterie légère et trois régiments de cavalerie, tout cela ayant quinze à seize pièces de canon, feraient une bonne division de 6,000 hommes. Que le roi en réunisse une pareille à Munich pour pouvoir l'envoyer partout où les circonstances l'exigeront; et que le reste soit placé pour garder les débouchés du Tyrol et former les garnisons de Kufstein et de Passau.

J'ai donné un grand mouvement à la cavalerie. On achète des chevaux de tous côtés, et les dépôts, qui ont été vidés dernièrement, se remplissent de nouveau. Ce matin sont partis 1,000 chevaux de ma Garde.

Toutes les fois que vous m'enverrez l'état de situation de la Grand Armée, ajoutez-y celui de l'armée bavaroise, des deux divisions qu se réunissent aux environs d'Ingolstadt et à Munich, avec le détresse des troupes portées dans le Tyrol. Faites-y mettre les noms des généraux et des colonels. Il faut que je me familiarise avec la connaissance de cette armée. Si, dans la dernière campagne, j'en avais bien connu la force, l'affaire d'Iglau ne serait pas arrivée.

Voici comment je désirerais que les divisions bavaroises fussent formées :

Division faisant partie du corps du maréchal Bernadotte :

4 régiments d'infanterie de ligne, que je suppose, présents sous les armes

4,500 hommes

2 bataillons d'infanterie légère

1,200 

3 régiments de cavalerie à cheval 

1,000 

Artillerie

500

A peu près

7,000

Division destinée à être placée entre l'Isar et l'Inn 

5 régiments d'infanterie de ligne, que je suppose présents sous les armes,

6,000 hommes.

2 bataillons d'infanterie légère

1,000

3 régiments de cavalerie

1,200

A peu près avec l'artillerie

Cette division pourrait être augmentée de toutes les recrues et des moyens de la Bavière.

9 à 10,000

Troupes placées dans le Tyrol 

Un régiment de ligne; deux bataillons d'infanterie légère 

1200 hommes.

A Passau, un régiment d'infanterie de ligne, etc.

Ce qui ferait une vingtaine de mille hommes, et à l'effectif avec les dépôts, environ 25,000 hommes. 

S'il y en avait davantage, ce serait un bien. Je désire avoir un état en règle de la situation de ces divisions.

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Vous avez donné bien tard l'ordre au 21e léger de partir; comme j'en avais également donné l'ordre au ministre Dejean, j'espère qu'il l'aura fait partir de bonne heure.


Saint-Cloud, 15 septembre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, je reçois votre lettre du 11 septembre, par laquelle vous m'annoncez que le général Duhesme vous mande que les Anglais ont débarqué à Fondi. Je vois avec peine la précipitation de toutes vos dispositions. Ne vous mêlez point, je vous prie, des duchés de Parme et de Plaisance. Quant à l'idée que vous avez eue des 8,000 Espagnols, je ne sais où vous avez pu la prendre. Tout cela annonce une tête un peu jeune. Il faut plus de calme dans les délibérations. Ce débarquement ne peut être qu'une excursion de brigands, et, quel qu'il puisse être, vous n'y pouvez rien. Il faut bien des jours avant que la brigade du général Laplanche-Mortière soit arrivée à Terracine. Il n'y a pas grand inconvénient qu'on l'ait fait passer à Rome; mais j'aurais autant aimé qu'elle restât à Ancône pour servir de réserve, ou à Pescara pour se réunir à d'autres forces. Lors du débarquement des Russes et des Anglais à Naples, vous fîtes également des mouvements précipités. Il faut plus de calme et de sang-froid. Vous avez fait une disposition imprudente en faisant évacuer entièrement Ancône et n'appuyant pas la brigade Laplanche- Mortière sur l'autre, qui, réunies, forment un corps de réserve de 4 à 5,000 hommes, et qui, séparées, ne sont rien. Que voulez-vous que fassent 12 ou 1500 hommes, si les Anglais ont débarqué en grande force ? S'ils ne sont pas en grande force, comment ne pas penser que le roi de Naples les aurait jetés dans la mer ? Ce n'est pas que je sois très-fâché des mesures que vous avez prises, mais je le suis de ne pas y voir de combinaison et de sang-froid. Si les Anglais avaient débarqué avec 15,000 hommes à Gaète, et que le roi de Naples ne pût pas les culbuter dans la mer, il est évident que vous affaiblissez inutilement un point comme Ancône ou Pescara. Quant aux renseignements du général Duhesme, ils sont pitoyables d'abord parce que Gaète, qu'il dit n'avoir que pour deux jours de vivres, est approvisionnée pour deux mois; et, quand même il n'y aurait pas d'approvisionnements, le commandant en trouve chez les bourgeois, et que d'ailleurs il n'y a que deux jours de marche de Naples. Par mes états de situation, il y a 2,000 hommes à Gaète. Tout cela veut dire que les brigands ont intercepté la route, et qu'il suivent les signaux de quelques bâtiments anglais qui ont voulu les compromettre et les laisser là. Qu'avez-vous à faire dans cette situation ? Rien, rester tranquille et attendre des nouvelles plus claires.


Saint-Cloud, 15 septembre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, la Prusse continue d'armer; j'espère qu'elle désarmera bien vite ou qu'elle s'en repentira bientôt. Je suis bien avec l'Autriche, qui me proteste de son désir de maintenir la bonne harmonie. Dans cette situation des choses, il faut que Palmanova soit bien approvisionnée, qu'il n'y ait en Istrie que ce que l'ennemi ne pourra prendre et que ce que je puis évacuer promptement sur Palmanova. Si Osoppo est en état d'être approvisionné, prenez des mesures pour qu'il soit. Cependant ne faites aucun mouvement. Ces dispositions sont de simples précautions, et rien n'est plus pacifique que le langage de la cour d'Autriche. Donnez l'ordre aux trois régiments de cuirassiers qui se trouvent en Italie de se tenir prêts à partir; chacun de ces régiments formera trois escadrons forts de 160 hommes chacun et laissera le 1er escadron au dépôt en Italie. Vous donnerez l'ordre que chacun ait sa forge de campagne, et des fers pour faire une route de trente jours, mon intention étant, si les affaires se brouillent, de les faire venir en Allemagne par Inspruck (Innsbruck). Faites-moi connaître si, en cas d'événement, on pourrait défendre Venise dans l'état où elle est, en y jetant les dépôts des armées de Naples, de Dalmatie, d'Istrie et du Frioul, et s'il y aurait assez d'approvisionnements de bouche. Je vous le répète, je n'ai rien à craindre de l'Autriche. Ce sont des précautions qui ne seront sans doute pas nécessaires; mais il faut tout prévoir.


Saint-Cloud, 15 septembre 1806

Au prince Eugène

Mon Fils, vous ne m'instruisez pas de l'assassinat du courrier et de la prise de l'estafette de Naples entre Modène et Reggio. Il y a là cependant une grande quantité de cavalerie qui pourrait faire des patrouilles. Il est bien important que la gendarmerie du pays se mette en mouvement, se fasse seconder par la cavalerie, et parvienne à arrêter les assassins et à savoir d'où ils viennent.


Saint-Cloud. 15 septembre 1806

Au roi de Naples

Je reçois votre lettre du 5 septembre. Je ne vois point d'inconvénient aux armoiries que vous voulez prendre. Il paraît qu'il y a une insurrection du côté de Terracine, qui a intercepté les communications, favorisée sans doute par l'aspect de quelques bâtiments anglais. J'imagine que vous n'avez pas tardé à y mettre ordre. Sur le premier avis, le vice-roi a fait partir trois bataillons d'Ancône pour renforcer le général Duhesme. Comme ils sont tirés des dépôts de votre armée, donnez ordre qu'ils continuent leur route sur Naples, et qu'ils ne restent pas à Cività-Vecchia ni aux marais Pontins.


Saint-Cloud, 15 septembre 1806

Au roi de Hollande

Je reçois votre lettre du 7. Je ne puis que vous réitérer ce que je vous ai déjà dit : ce n'est pas le moment de créer un Ordre, et le temps de vous faire couronner n'est pas arrivé. Ce n'est pas au milieu des troubles de l'époque actuelle qu'il faut songer à cela. Le prince Murat, qui n'en veut faire qu'à sa tête, ne fait que des bêtises ; vous êtes à portée d'en juger. Je vous ai écrit, il y a peu de jours, pour le camp d'Utrecht. Si le 65e est à Nimègue, il est bien; il faudra bientôt qu'il aille à Wesel. Je suis dans un moment de crise avec la Prusse; mais mes moyens sont prêts. Réunissez les troupes qui sont sur vos côtes à Utrecht et du côté de Nimègue, pour pouvoir les porter rapidement sur Wesel. Je vous ai fait connaître qu'en quatre jours vous pouvez vous porter sur Wesel. Cependant j'imagine que cette crise sera bientôt passée, et que la Prusse désarmera et ne voudra pas se faire écraser. Le succès est certain , et je réunirais à vos États l'Ost-Frise et le port d'Emden. La Prusse pacifiée, soit par des explications, soit par des victoires, il faudra penser à l'expédition de Surinam. Vos calculs sont faux. Un vaisseau hollandais ne porte que 450 hommes et une frégate que 140. Il vous faut 6 vaisseaux de guerre. Les transports ne marcheraient point et embarrasseraient votre expédition; il ne vous en faut tout au plus que 2 des anciens bâtiments du commerce des Indes. Consultez votre ministre de la marine et l'amiral Dewinter. Il faut réunir 5 ou 6 vaisseaux de ligne, 3 ou 4 frégates et 2 ou 3 transports, y embarquer a peu près 3,000 hommes et vous emparer de cette colonie, ce qui est très-important, parce que les Anglais ne veulent pas la rendre.

J'approuve votre idée d'empêcher toute communication de la Hollande avec l'Angleterre. J'approuve aussi que vous ne communiquiez vos journaux anglais à qui que ce soit et que vous me les envoyiez.

Ne point instituer d'Ordre et retarder votre couronnement ne constitue point un régime provisoire. Il est tout simple que vous annonciez que votre couronnement n'aura lieu que dans un an et à une époque agréable aux Hollandais. Je n'ai été couronné que six ou sept mois après mon avènement à la couronne; il y a des princes qui ont été six ans sans l'être; le roi de Bavière ne l'est pas encore. Croyez-en mon expérience et mon tact des affaires : qui va lentement  va bien; qui se presse fait des sottises. En fait de gouvernement, le principe est de ne jamais revenir. Dans un an la paix aura lieu, ou des victoires auront agrandi vos États, et votre couronnement sera brillant.

Je vous ai demandé un mémoire sur vos places du côté de la Prusse. Approvisionnez-les, mais sans faire de grandes dépenses; vous n'avez pas grand chose à craindre de ces gens-là.

Hâtez-vous de mobiliser vos troupes; réunissez les forces que vous avez disponibles, afin de leur en imposer et de garder vos frontières, pendant qu'avec mon armée d'Allemagne je me jetterai au milieu de la Prusse et marcherai droit à Berlin. Tenez tout cela secret. Correspondez fréquemment avec moi pour me faire connaître en détail tout ce que vous ferez, afin que je connaisse vos ressources en infanterie, cavalerie, etc. , et la situation de vos frontières du côté du Nord.


Saint-Cloud, 15 septembre 1806

Au roi de Hollande

J'ai reçu vos lettres du 12. Je vois avec plaisir que votre camp se forme. Envoyez-m'en l'état de situation en règle, en faisant mettre sur une colonne les présents sous les armes, et sur une autre colonne les malades et absents. Comptez vous-même les présents sous les armes, afin d'être sûr de votre calcul. La lutte, si elle a lieu, ne sera pas longue et sera décidée bien plus vite que la première.

Le général d'artillerie Dedon est à l'armée de Naples et a passé au service du Roi, qui l'emploie. Le général Broussier est passé dans le Frioul, où il commande une division de l'armée de Dalmatie. Mais vous devez être tranquille. Votre premier aide de camp est un bon officier, le général Michaud aussi. Caulaincourt, Broc, sont de bons colonels. Vous avez su bien choisir votre monde. Le générai Drouas, que vous avez en Hollande, est un homme d'honneur; montrez-lui un peu de confiance et vous en tirerez parti.

Faites-moi connaître, combien vous payerez vos chevaux d'artillerie, et s'ils sont bons. Faites-moi connaître si vous avez autour de vous des officiers du génie qui aient été en Hanovre et qui connaissent parfaitement l'Ems et tous les pays jusqu'au Weser. D'ailleurs tout ceci n'est encore que préparatifs, et je suis plus prêt et plus en mesure que mes ennemis.

Faites passer la revue de vos régiments de cavalerie et faites-les compléter en chevaux.

Je suis fort content de Jérôme. Il désirerait bien aussi pouvoir faire une campagne sur terre.


Saint-Cloud, 15 septembre 1806

DÉCISION

Le ministre de l'administration de la guerre présente un rapport concernant le nombre des chevaux à affecter aux régiments de carabiniers et de cuirassiers, et demande si l'on doit procéder à la formation du 5e escadron.

Je pense que le décret est bon, mais qu'il serait difficile de leur accorder cette année 780 chevaux, parce que l'on n'aurait pas assez d'hommes habiles pour les monter, ni assez de harnachement. Un fonds pour 700 chevaux sera donc suffisant; sauf à faire, en janvier ou en février, les fonds pour le 80 autres. Je fais la même observation pour les dépôts. Les régiments étant près d'avoir 7 à 800 chevaux, les dépôts deviennent moins nécessaires. Cependant je crois que le ministre doit organiser l'escadron du dépôt pou le 1er octobre, et, si la guerre avait lieu, en porter le nombre à 780 chevaux pour la grosse cavalerie On sait très-bien que cela ne fournira pas plus de 700 chevaux devant l'ennemi : car, quoi qu'on fasse, il y a toujours bien 60 à 80 chevaux de la dernière remonte qui n'ont pas quatre ans. On ne saurait trop recommander de prendre des chevaux de cinq ans. Je ne vois point de difficulté d'expédier l'organisation, qui est bonne.


16 - 30 septembre 1806