1er - 20 Décembre 1807


Venise, 1 décembre 1807

A l'Impératrice Joséphine

Je reçois ta lettre du 22 novembre. Je suis à Venise depuis deux jours. Le temps est fort mauvais, ce qui ne m'a pas empêché de courir les lagunes pour voir les différents forts.

Je vois avec plaisir que tu t'amuses à Paris.

Le roi de Bavière, avec sa famille, ainsi que la princesse Élisa sont ici.

Passé le 2 décembre que je ferai ici, je serai sur mon retour, et fort aise de te voir.

Adieu, mon amie.

(Lettres à Joséphine)


Venise, 4 décembre 1807

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, faites mettre en route, sur-le-champ, tous les hommes qui ont été marqués pour la retraite ou pour la réforme dans la revue qu'a passée le général Charpentier, appartenant, soit aux dépôts de l'armée de Naples, soit aux dépôts de l'armée de Dalmatie, soit à ceux du reste de l'armée. Vous les dirigerez sur Chambéry, et vous en préviendrez le ministre de la guerre français, qui leur fera expédier, dans cette place, leur destination définitive.

Prescrivez la même chose pour les régiments de cavalerie et d'artillerie, de sorte qu'il n'y ait plus, en Italie, que des hommes valides et en état de faire la guerre.

Donnez ordre à deux de mes bricks, bien commandés, de se rendre à Ancône, d'où ils feront des sorties et croiseront dans l'Adriatique entre Ancône, les bouches de Cattaro et les côtes de Naples, afin de purger l'Adriatique de corsaires et même d'autres petits bâtiments. Vous ordonnerez aux commandants de ces bricks de vous envoyer, tous les jours, des rapports sur ce qui se passerait en mer, et vous les préviendrez de prendre des précautions à Ancône pour s'assurer, avant d'entrer dans le port, qu'il n'est point bloqué par des frégates ennemies.

Confiez un brick à un officier résolu qui se formera un équipage d'aventuriers et prendra trois mois de vivres; vous lui donnerez la liberté de courir en course : bien entendu qu'une partie des prises appartiendra à l'État selon l'usage, établi pour les corsaires, et que l'équipage ne sera plus payé par l'Etat dès qu'il sera sorti de Venise. Ce brick aura la liberté d'aller sur l'Adriatique et partout où il voudra.

Faites chercher dans Venise deux ou trois marins capables de commander des corsaires et faites proposer des souscriptions pour leur armement. Le programme de ces souscriptions pourra venir de la part de ces hommes; cela aura l'avantage de donner le goût de la course, de former des matelots et d'encourager un peu l'esprit militaire.

Faites partir pour Cattaro la corvette qui doit y servir pour la police.


Venise, 4 décembre 1807

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon fils, le généra1 Clause1 sera employé dans l'armée de Dalmatie et chargé exclusivement du commandement de Raguse et des bouches du Cattaro, qu'a aujourd’hui le général Lauriston. Vous donnerez l'ordre au général Lauriston de se rendre à Venise; au moment où il arrivera, vous me le ferez connaître, mon intention étant de le nommer gouverneur de cette ville.

(Mémoires Eugène)


Venise, 5 décembre 1807

A Marie-Louise, reine régente d'Étrurie

Je reçois la lettre de Votre Majesté, du 24 novembre. Je conçois que, dans les circonstances actuelles, Votre Majesté doit être pressée de se rendre en Espagne, ou, du moins, de quitter un pays où elle ne peut plus être avec la dignité que comporte son rang. J'ai donné des ordres pour qu'elle fut reçue dans mon royaume d'Italie ou dans mes États de France avec les honneurs qui lui sont dus. Si Votre Majesté se trouve à Milan ou à Turin avant le 18 décembre, j'aurai l'avantage de l'y voir.

J'envoie un officier, mon aide de camp le général Reille, qui remettra cette lettre à Votre Majesté. Il sera chargé en même temps de prendre des mesures pour la sûreté du pays et d'éloigner les hommes qui peuvent troubler sa tranquillité, puisque j'apprends que Votre Majesté a déjà cru nécessaire de faire venir quelques troupes de Livourne.

A l'heure qu'il est, mes troupes doivent être entrées à Lisbonne et s'être emparées du Portugal.


Venise, 6 décembre 1807

A Fouché

Le nommé Cantillon, tailleur d'habits, âgé de 54 ans et de la taille de 5 pieds 2 pouces. logé rue de la Tonnellerie no 1, maison du sieur Davesne, fripier, est un mauvais sujet qu'il est convenable que vous fassiez surveiller.


Venise , 6 décembre 1807

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, mon intention étant de rendre au roi de Naples le palais Farnèse à Rome, je désire que vous fassiez le plus tôt possible les dispositions nécessaires.


Venise, 6 décembre 1807

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, mon intention est que, lorsqu'il sera question d'arranger les limites du royaume de Naples, Ascoli soit compris dans les États du Roi. Je consens à ce que le prince de Bénévent s'arrange avec le roi de Naples relativement à la principauté de Bénévent; le Roi vous en parlera.


Venise, 6 décembre 1807

Au général Clarke, ministre de la guerre

Je reçois votre lettre et l'état de répartition des cantonnements que vous avez donnés aux régiments provisoires qui composent le corps d'observation des côtes de l'Océan. Mon intention est que la brigade de chasseurs se réunisse à Bayonne et y soit le 25 décembre; que la brigade de grosse cavalerie se rende également à Bayonne, de manière à y être réunie le 20 décembre, Ces deux brigades, qui font plus de 2,000 hommes de cavalerie, feront partie du 2e corps de la Gironde, suivront son mouvement et seront sous les ordres du général Dupont. La brigade de dragons et la brigade de hussards feront partie du corps d'observation des côtes de l'Océan. Ainsi le général Dupont aura deux régiments provisoires de grosse cavalerie, deux régiments de chasseurs et un détachement du 10e régiment de dragons. Donnez l'ordre au général Dupont d'avoir, le 20 décembre, son quartier général à Vittoria, et de faire entrer, le 16, sa 2e et sa 3e division, de manière à avoir, du 20 au 25 décembre, tout son corps d'armée entre Vittoria et Burgos, en le plaçant selon les circonstances. Je compte qu'il aura, à cette époque, 22.000 hommes d'infanterie, 2,500 hommes de cavalerie, et, avec l'artillerie, passé 25,000 hommes.

Vous lui enjoindrez de ne point quitter son armée pour aller à aucune conférence ni à aucune cour, et de veiller sur les opérations des Espagnols, mais sans témoigner aucune méfiance. Son langage doit être qu'il est destiné à soutenir le général Junot, et que l'on sait que les Anglais méditent une grande expédition contre Lisbonne.

Ainsi, au 10 décembre, aucun corps du ler et du 2e corps d'observation de la Gironde ne sera en France. Vous ferez donc en sorte de rapprocher de Bayonne les trois divisions d'infanterie, les deux brigades de cavalerie et l'artillerie des corps d'observation des côtes de l'Océan, de manière que, du 20 au 30 décembre, ces divisions puissent , s'il est nécessaire, entrer en campagne pour soutenir le général Dupont. Vous donnerez l'ordre que tous les détachements qui sont en marche pour rejoindre le corps du général Junot soient placés à Salamanque sous les ordres du général Dupont; cela doit faire un corps de 3,000 hommes. Si le général Junot en a besoin, le général Dupont les lui fera passer, s'il n'en a pas besoin, le général Dupont les gardera à Salamanque pour en renforcer au besoin son
corps d'armée.

Le bataillon irlandais, le bataillon de Prusse et le bataillon de Westphalie feront partie du corps d'observation des côtes de l'Océan.

Le bataillon de Westphalie sera placé dans la 1e division , le bataillon irlandais dans la 2e, et le bataillon de Prusse dans la 3e; ce qui augmentera d'autant ces divisions.

Le 4e bataillon du 15e régiment de ligne, le 3e bataillon du 47e, le 3e du 70e, le 3e du 86e et le 2e du 47e, avec le bataillon suisse, faisant une force de 3 ou 4,000 hommes, se réuniront à Saint-Jean. Pied-de-Port. Il est nécessaire que ce corps soit réuni là le 20 décembre; il portera le nom de Division d'observation des Pyrénées occidentales. Vous donnerez l'ordre au général Mouton, mon aide de camp, de prendre le commandement de cette division. Vous organiserez pour cette division douze pièces d'artillerie.

Les différents détachements de la Garde impériale qui sont en marche pour Bordeaux se réuniront dans cette ville.

Le maréchal Moncey aura le commandement en chef du corps d'observation des côtes de l'Océan ; cela sera tenu secret aussi longtemps que possible. Vous vous entendrez avec ce maréchal pour nommer son chef d'état-major. Il fera en sorte d'être rendu le 22 décembre à Bordeaux.


Venise, 6 décembre 1807

A M. Maret, ministre secrétaire d'état

Je vois avec peine par vos bulletins que l'on continue toujours à parler de choses qui doivent affliger l'Impératrice et qui sont inconvenantes sous tous les points de vue. J'ai écrit fortement là-dessus au ministre de la police. Il ne serait pas hors de propos que, sans paraître en avoir mission de moi, vous lui en parliez, en lui disant qu'en dernière analyse on excite évidemment la populace à se mêler de choses qui ne doivent pas la regarder; comme tous ces bruits qui s'accréditent si facilement ne peuvent atteindre le but d'influer sur ma manière de voir et de sentir, n'est-il pas à craindre que je ne sois obligé, malgré moi, à prendre une autre issue, en témoignant publiquement mon mécontentement à ceux qui en sont les auteurs ? Je désire que vous disiez quelque chose dans ce sens-là à Fouché; car je serais fâché, en considérant les services qu'il m'a rendus et le cas que je fais de lui d'ailleurs, que la fausse direction qu'il donne aux affaires m'oblige à prendre un parti. Je lui ai témoigné mon sentiment là-dessus à Fontainebleau et dans une lettre que je lui ai écrite depuis. Il me semble que de pareilles choses ne doivent pas se dire deux fois.

Faites mettre la note suivante dans les journaux; mais ayez bien soin qu'elle ne soit pas mise dans le Moniteur.

"Deux mariages sont en train à Munich, celui de la princesse Charlotte de Bavière avec le prince royal de Wurtemberg, et celui de la soeur de l'empereur de Russie avec le prince royal de Bavière.". Faites mettre cela sous la forme des On dit.

Faites-y mettre également que le prince Auguste de Prusse, qui a été fait prisonnier à Prenzlow, qui a demeuré longtemps à Nancy et à Soissons, et en dernier lieu à Coppet, où l'on faisait la cour à Mme de Staël, paraît avoir puisé à Coppet de fort mauvais principes. Les propos qu'il tient depuis son arrivée à Berlin sont inconcevables. Ce jeune prince est aussi fanfaron que plusieurs officiers de sa nation et aussi peu corrigé par les événements. Il accuse le prince de Hohenlohe, le duc de Brunswick, le général Blücher, l'armée prussienne, le roi; tout le monde a fait mal, excepté lui. Tout ce qu'on sait de lui, c'est qu'il a été pris dans un marais. Il n'y a ni esprit ni générosité, jeune, sans expérience, sans avoir de preuves, à déclamer contre de vieux militaires victimes de circonstances impérieuses de la guerre. Nous sommes loin de blâmer que le prince Auguste ait été fait prisonnier; c'est un sort qui arrive au plus brave; mais, lorsqu'on survit à un tel malheur sans qu'on ait reçu aucune blessure, on est en situation de se justifier, et non d'accuser et de parler à tort et travers sur des choses qu'on ne sait pas et qu'on n'entend pas. Ce jeune prince aurait encore besoin des conseils de son respectable père et de sa digne mère; ils lui seraient plus profitables que les leçons des mauvais esprits qu'il a vus à Coppet, et que les mauvais propos qu'il y a entendus.


Venise, 6 décembre 1807

A François II, empereur d'Autriche

Monsieur mon Frère, M. le colonel Nugent m'a remis la lettre de Votre Majesté, du 22 novembre. Je la prie de recevoir mes remerciements des sentiments qu'elle veut bien me témoigner. Les miens sont en tout conformes à ceux de Votre Majesté et ne leur cèdent en rien. La dernière convention a terminé entièrement nos différends, et j'espère que désormais je n'aurai plus de relations avec Votre Majesté que pour lui donner des preuves de la sincère amitié et de la haute considération que j'ai pour elle.


Venise, 6 décembre 1807

A Davout

Mon Cousin, je reçois vos lettres du 14 novembre. La Pologe et un pays empli d'intrigants, mais la plupart de ces intrigants sont insignifiants; c'est un besoin de mouvement qui ne peut en rien nous concerner. J'ai lu avec attention ce que vous dites du sieur Dubouchet.  Pour peu que vous le soupçonniez, il faut le faire arrêter et faire saisir ses papiers. Je crois comme vous que c'est un misérable qui joue double rôle. Quant à madame Vauban, c'est une femme impotente à laquelle il ne faut faire aucune attention.

(Brotonne)


Venise, 6 décembre 1807

Au maréchal Victor, gouverneur de Berlin

Mon Cousin, je reçois la lettre par laquelle vous me faites connaître que le prince Auguste de Prusse se conduit mal à Berlin. Cela ne m'étonne as, parce qu'il n'a point d'esprit; il a passé son temps à faire la cour à madame de Stael à Coppet, il n'a pu prendre là que de mauvais principes. Il ne faut point le manquer. Faîtes lui dire qu'aux premiers propos qu'il tiendra, vous le ferez arrêter et enfermer dans un château, et que vous lui enverrez Mme de Staël pour le consoler. Il n'y a rien de plat comme tous ces princes de Prusse !


Venise, 7 décembre 1807

Au prince de Neuchâtel, major général de la Grande Armée

Mon Cousin, écrivez au maréchal sous les ordres duquel est la place de Stralsund, qu'on ne doit souffrir aucune espèce de correspondance entre Stralsund et la Suède, n'y envoyer ni en recevoir aucun agent, et n'y laisser passer aucune lettre par mer ni par terre, soit officielle, soit non officielle.


Venise, 7 décembre 1807

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie

Mon Frère, je vous envoie les réponses de l'impératrice de Russie. J'ai ouvert celle qui vous est adressée. Je n'ai pas pris la même liberté pour celle de la princesse, parce que je suppose qu'elle ne contient rien d'important; cependant je désire que vous m'en envoyiez une copie.

Il est nécessaire que vous envoyiez un ministre en Russie, que vous recommanderez exclusivement à l'impératrice mère. Mais qui envoyer ? Voilà la question. Un Allemand ? Vous n'en avez pas d'assez attaché, et votre ministre ne peut m'être utile à Saint-Pétersbourg qu'autant qu'il sera excessivement attaché à mes intérêts et qu'il secondera parfaitement mon ambassadeur. Répondez-moi par mon courrier si vous voyez auprès de vous quelque Allemand qui puisse remplir cette mission. Je serai le 14 à Milan, et probablement le 20 à Paris. Réglez-vous là-dessus.


Venise, 7 décembre 1807

A Alexandre Ier, empereur de Russie

Monsieur mon Frère, j'ai envoyé, pour résider auprès de Votre Majesté, M. de Caulaincourt. L'avantage qu'il a d'être connu d'elle, et les bontés dont elle l'a honoré dans sa première mission et pendant les moments heureux que j'ai passés à Tilsit, m'ont fait penser que ce choix pourrait lui être agréable.

Je suis depuis plusieurs jours à Venise. Les troupes de Votre Majesté qui étaient à Corfou sont arrivées à Padoue. J'ai fait dire au colonel qui les commande de venir me trouver à Trévise, étant bien aise de savoir par moi-même s'il ne leur manque rien. Mon ministre à Vienne m'avait fait connaître que le passage leur était ouvert par l'Autriche; mais j'approuve l'opinion où sont leurs commandants d'attendre, avant de partir, les ordres de Votre Majesté. Toutefois elle peut être sans inquiétude sur elles.

Deux vaisseaux de la flotte de Votre Majesté sont arrivés à Porto-Ferrajo; je leur ai fait conseiller de se rendre à Toulon, où ils pourront être radoubés et remis en bon état.

L'escadre de l'amiral Siniavine est arrivée à Lisbonne; heureusement que mes troupes doivent y être à l'heure qu'il est. Il serait bon que Votre Majesté donnât autorité au comte de Tolstoï sur cette escadre et sur les troupes, afin que, l'occasion de les employer arrivant, nous puissions le faire sans attendre de nouvelles directions de Saint-Pétersbourg. Je pense aussi que cette autorité immédiate de l'ambassadeur de Votre Majesté aurait le bon effet de faire cesser la méfiance dont parfois les commandants sont agités sur les sentiments de la France.

Lorsque Votre Majesté recevra cette lettre, je serai de retour à Paris. Je me flatte que le comte de Tolstoï aura été content de moi; je le désire beaucoup, car je suis bien heureux de toutes les circonstances qui peuvent mettre au grand jour les sentiments que je porte à Votre Majesté.

Je reçois au même instant la lettre de Savary, du 4 novembre, que m'apporte un de ses officiers, et la Déclaration que Votre Majesté a fait passer à la cour de Londres. De toutes les puissances du continent, il ne reste plus que la Suède qui soit en paix avec l'Angleterre; Votre Majesté y mettra probablement bon ordre.

Je suis vraiment heureux de voir se consolider l'ouvrage de Tilsit. Je le serai davantage lorsque Votre Majesté tiendra sa promesse de venir à Paris : ce sera un moment bien doux pour moi et pour mes peuples. Nous viendrons à bout de l'Angleterre, nous pacifierons le monde, et la paix de Tilsit sera, je l'espère, une nouvelle époque dans les fastes du monde.


Venise, 7 décembre 1807

Au général Savary, envoyé à Saint-Pétersbourg

Je reçois votre lettre du 4 novembre et les pièces qui l'accompagnent. Vous trouverez ci-joint une lettre que vous remettrez à Caulaincourt. Je serai le 20 décembre à Paris. Le ministre des relations extérieures vous a envoyé la convention avec l'Autriche et celle avec le Danemark. Mes troupes sont entrées, à l'heure. qu'il est, à Lisbonne, fort à propos pour l'escadre de l'amiral Siniavine, qui a jugé à propos de se rendre dans cette ville. J'ai fait passer votre Déclaration dans toute l'Adriatique, de sorte que pas un vaisseau, pas un brick russe ne deviendra victime de la rapacité anglaise.

Du moment que Caulaincourt sera bien au courant, revenez à Paris.

Faites connaître à l'empereur que les rois de Hollande, de Naples et de Westphalie envoient des ministres à Saint-Pétersbourg; j'attendrai cependant de savoir positivement si cela est agréable à l'empereur, ces souverains ne voulant rien faire qui ne lui plaise. Je pense que de grands seigneurs, riches, formeront à Saint-Pétersbourg autant de grandes maisons qui seront toutes dévouées à l'empereur, et marcheront dans le sens de Tilsit.

Les commandants des troupes russes qui sont à Padoue ont témoigné le désir d'attendre de nouveaux ordres de Saint-Pétersbourg avant de partir; j'y ai consenti. Il y a eu aussi de petits différends avec les commandants, qui veulent être traités différemment que notre administration ne le comporte. Tout sera réglé à l'amiable, et il ne leur sera rien refusé de tout ce qu'il est convenable de leur accordent. Les prisonniers russes qui sont partis de Mayence sont armés de mes meilleurs fusils; vous pourrez le dire à l'empereur, qui, à leur arrivée à Riga, pourrait prendre ces fusils pour ses Gardes.

Revenez à Paris; je serai fort aise de vous voir, car vous connaissez l'attachement que je vous porte et le cas que je fais de vos services.; je me plairai à vous en donner des preuves dans toutes les circonstances, tout en blâmant cependant la force de vos reparties aux observations du ministre des relations extérieures, qui ne vous écrit rien que je ne lui aie ordonné de vous écrire. Monsieur le général Savary voudra bien permettre que, toutes les fois que je trouve des observations à faire à ses rapports, je les lui fasse dire.

J'ai des forces considérables à Corfou. L'armée de Dalmatie est en bon état. Toutes les nouvelles qu'on vous a données de Turquie sont controuvées. Mon premier but, comme le premier sentiment de mon coeur, est de modifier ma politique de manière à accorder mes intérêts avec ceux de l'empereur Alexandre.


Milan, 10 décembre 1807

A Talleyrand

Qu'est-ce que c'est qu'un chef d'escadron Chipault que le Journal de l'Empire du 14 dit avoir été présenté à l'impératrice comme ayant reçu cinquante-deux blessures à une bataille ? Faîtes sentir, je vous prie, que cela n'a pas de sens, et qu'on ne devrait rien faire de cela sans conseil.


Udine , 11 décembre 1807 

Au maréchal Berthier, major général de la Grande Armée

Écrivez à la régence de Westphalie de me tenir en possession de tous les domaines royaux, jusqu'à ce que le partage en ait été fait entre moi et le Roi, et de prendre des mesures pour faire achever le payement des contributions.


Udine , 11 décembre 1807 

Au maréchal Davout, commandant e 3e corps de la Grande Armée et les troupes alliées dans le Grand-Duché de Varsovie.

Mon Cousin, je reçois votre lettre du ( ) novembre, e vous donne l'autorisation de vendre tout ce que vous jugerez à propos des biens que je vous ai donnés dans le duché de Varsovie, à la charge par vous de replacer le produit de cette vente en acquisitions de biens en France. Il sera donc nécessaire, lorsque vous aurez fait cette vente, d'envoyer copie de l'acte à l'archichancelier et que vous lui fassiez connaître que vous emploierez la somme en provenant pour reconstituer le fief qui sera érigé en France en votre faveur.

(Brotonne)


Udine, 11 décembre 1807

Au général Marmont, commandant l'armée de Dalmatie

J'ai reçu vos lettres du 29 novembre. J'aurais été fort aise de vous voir; mais j'ai résolu de faire mon voyage très-promptement. Je vois avec plaisir, par l'état de situation, que vous avez peu de malades. Soignez l'armée et tenez-la en bon état; 3,000 conscrits, tous bien habillés et à l'école de bataillon, partent pour vous renforcer.

Je vois aujourd'hui le corps du Frioul, et je pars immédiatement pour Paris. Envoyez-moi toujours les renseignements que vous pourrez sur la valeur des différentes provinces de la Turquie d'Europe, sans cependant vous compromettre en prenant ces renseignements, ainsi que sur la nature des choses.

Tâchez, à Cattaro, de vous mettre en correspondance avec le commandant de Corfou, par des Tartares que vous enverrez par terre.


Udine, 11 décembre 1807

A l'Impératrice Joséphine

J'ai reçue, mon amie, ta lettre du 3 décembre, où je vois que tu as été fort contente du Jardins des plantes. Me voilà au terme le plus éloigné de mon voyage Il est possible que bientôt je sois à Paris, où je serai fort aise de te revoir.  Le temps n'a pas encore été froid ici, mais très pluvieux. J'aurais profité du dernier moment de la saison, car je suppose qu'à Noël, l'hiver se fera enfin sentir.

Adieu, mon amie

Tout à toi.

(Lettres à Joséphine)


Venise (?), 11 décembre 1807

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, donnez l'ordre au sieur Maistral, chef militaire de notre port de Venie, de se rendre en France. On renverra de l'arsenal tous les hommes qui ne sont pas utiles au service, sans avoir égard qu'au bien du service de la marine. On pourra prendre des jeunes gens de famille de Venise, parmi ceux aujourd'hui destinés à la marine, pour les former à l'administration.

(Mémoires Eugène)


Udine, 12 décembre 1807

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine

La déclaration de guerre de la Russie à l'Angleterre, le départ pour l'Océan de la majorité des troupes anglaises qui étaient en Sicile, me font désirer de réunir une masse de forces dans mon port de Toulon. Mon escadre de Cadix a déjà l'ordre de s'y rendre. Mon intention est que, vingt-quatre heures après la réception de la présente lettre, vous envoyiez l'ordre au contre-amiral Allemand de partir avec mon escadre de Rochefort, pour se rendre à Toulon. Vous le préviendrez de l'ordre que j'ai donné à mon escadre de Cadix. Si Toulon était bloqué, il se rendrait à Villefranche ou dans le golfe Juan, ou à Gênes. Il pourra prendre langue à Ajaccio on à Saint-Florent sur l'état de la mer. Si des circonstances majeures le mettaient à même d'entrer à Cadix, il se mettrait sous les ordres de l'amiral Rôsily, qui profitera de cette supériorité qu'il aurait pour sortir avec les deux escadres réunies. Vous ne manquerez pas de faire connaître que les ports de Porto-Ferrajo, Saint-Florent, Gênes, la Spezia, Naples, Tarente, Corfou, sont à sa disposition, et qu'il trouverait partout protection contre une escadre supérieure. S'il vous est possible de joindre un sixième vaisseau à l'escadre de Rochefort, vous ne manquerez pas de le faire. Vous prendrez des mesures pour que l'Incorruptible et l'Uranie soient armés sans délai à Toulon.

Donnez l'ordre à l'escadre de Lorient, composée du Courageux et de deux des quatre frégates que j'ai dans ce port, de se rendre à Toulon. Vous lui prescrirez tout ce qui est convenable pour le passage du détroit, et leur donnerez l'ordre de se rendre à Saint-Florent ou Ajaccio, avant de se rendre dans le port de Toulon, pour s'assurer qu'il n'est point bloqué. Vous donnerez le même ordre au d'Hautpoul et aux deux autres frégates; ce qui fera deux escadres séparées. Vous préviendrez également ces escadres que tous les ports de la Méditerranée sont à leur disposition. Vous donnerez l'ordre également à la Pénélope et à la Thémis de se rendre à Toulon et de n'aborder dans ce port qu'autant qu'il ne serait pas bloqué, et, dans le cas qu'il le fût, de se retirer sur Gênes ou d'autres ports de la côte. Donnez ordre à la Danaé, qui est à Gênes, de se rendre à Toulon.

Donnez ordre à mon escadre de Brest, composée de sept vaisseaux, une frégate et un brick, de partir également pour se rendre à Toulon. Vous ferez connaître à l'amiral que, mes escadres de Rochefort et Cadix ayant ordre de se rendre dans cette rade, il serait possible que ce port se trouvât bloqué. Il pourra donc, selon les vents, prendre langue à Porto-Ferrajo ou à Ajaccio.

En supposant que l'escadre de Cadix ne put pas sortir, j'aurai dans le courant de l'hiver dix-huit vaisseaux à Toulon, deux russes qui feraient vingt, et sept espagnols ; ce qui ferait vingt-sept vaisseaux; et à Cadix cinq vaisseaux français et dix espagnols, total quinze. J'aurai outre cela probablement à Lisbonne une autre escadre. Ces combinaisons sont déjà un véritable sujet d'appréhension pour l'Angleterre.

Faites préparer à Toulon le Frontin et deux ou trois grosses flûtes. 

Donnez vos instructions bien détaillées, parce qu'avec la grande quantité de ports que j'ai dans la Méditerranée, et les mois de juin et de juillet, je n'aurai rien à craindre. Mes vaisseaux auront refuge dans mes ports de Corse, d'Italie et même de l'Adriatique, s'ils étaient poursuivis. Envoyez à chaque commandant un état de ma situation dans l'Adriatique, à Naples, etc., afin que, s'ils prenaient chasse, ils sachent qu'ils trouveront partout refuge. Le seul point scabreux est donc le passage du détroit. Or l'escadre anglaise qui bloque le passage de Cadix n'est pas en force suffisante pour pouvoir se diviser.

Il ne s'agit que d'éviter les points de reconnaissance ordinaire des côtes de Portugal et d'Espagne, et que l'amiral soit prévenu, par l'envoi d'un officier de confiance, de tout ce plan, afin qu'il se trouve toujours à bord, et prêt à saisir le premier moment pour tenir en échec l'escadre anglaise. Je préfère que vous envoyiez un officier de votre état-major à l'amiral Rosily pour lui communiquer ces ordres du moment qu'ils seront partis.

J'ai à Brest sept vaisseaux en état de partir; je désire qu'ils partent tous les sept; cependant je vous autorise, s'il y a lieu, à n'en faire partir que six, afin de rendre les équipages plus complets.

Faites presser les travaux de Gênes et de Toulon, afin que je puisse faire verser sur d'autres vaisseaux les équipages des mauvais vaisseaux qui de Brest viendraient à Toulon. Tâchez que le Jemmapes soit avec l'escadre de Rochefort. Réitérez vos ordres pour que les frégates du Havre se rendent à Cherbourg. Faites mettre en armement les frégates qui seraient à l'eau.

 Pressez l'amiral Rosily de partir.


Milan, 16 décembre 1807

A Frédéric, roi de Wurtemberg

'ai reçu les deux lettres de Votre Majesté du 30 novembre et du 1er décembre. Le roi de Bavière m'a paru heureux de l'alliance qui va unir vos deux Maisons. Il attend son retour à Munich pour serrer ses nouveaux liens avec Votre Majesté. Les désirs de Votre Majesté sont remplis : ses troupes rentrent dans ses États et sont entièrement à sa disposition. Je compte être de retour à Paris dans les premiers jours de l'année prochaine, que je souhaite fort bonne à Votre Majesté et à sa famille.


Milan, 16 décembre 1807

A Frédéric-Auguste, roi de Saxe

J'ai reçu les lettres de Votre Majesté des 7 et 31 octobre. Je charge mon ministre des relations extérieures de faire connaître au ministre de Votre Majesté les décisions que j'ai prises relativement aux biens de Pologne. Je me flatte qu'elle en sera satisfaite et qu'elle les trouvera conformes à ce qu'elle peut elle-même désirer. J'ai appris avec plaisir l'heureuse arrivée de Votre Majesté à Varsovie et l'accueil qu'elle y a reçu. Une division des troupes que j'ai dans le duché de Varsovie s'est déjà rapprochée de l'Oder ; l'autre partie évacuera aussitôt que Votre Majesté le jugera utile à ses intérêts.


Milan, 17 décembre 1807

A M. Maret, ministre secrétaire d'État

Monsieur Maret, vous ferez imprimer dans le Moniteur la Déclaration ci-jointe. Vous y ferez également imprimer dans l'ordre suivant, 1° les trois décrets du roi d'Angleterre du 11 novembre, 2° l'extrait des journaux anglais ci-joints, 3° le décret que je vous envoie.


Palais royal de Milan, 17 décembre 1807

DÉCRET

Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin;

Vu les dispositions arrêtées par le gouvernement britannique, en date du 11 novembre dernier, qui assujettissent les bâtiments des puissances neutres, amies et mêmes alliées de l'Angleterre, non-seulement à une visite par les croiseurs anglais, mais encore à une station obligée en Angleterre et à une imposition arbitraire de tant pour cent sur leur chargeaient, qui doit être réglée par la législation anglaise ;

Considérant que, par ces actes, le gouvernement anglais a dénationalisé les bâtiments de toutes les nations de l'Europe; qu'il n'est au pouvoir d'aucun gouvernement de transiger sur son indépendance et sur ses droits, tous les souverains de l'Europe étant solidaires de la souveraineté et de l'indépendance de leur pavillon; que si, par une faiblesse inexcusable, et qui serait une tache ineffaçable aux yeux de la postérité, on laissait passer en principe et consacrer par 1'usage une pareille tyrannie, les Anglais en prendraient acte pour l'établir en droit, comme ils ont profité de la tolérance. des gouvernements pour établir l'infâme principe que le pavillon ne couvre pas la marchandise, et pour donner à leur droit de blocus une extension arbitraire et attentatoire à la souveraineté de tous les États ;

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

ARTICLE 1er. - Tout bâtiment, de quelque nation qu'il soit, qui aura souffert la visite d'un vaisseau anglais ou se sera soumis à un voyage en Angleterre, ou aura payé une imposition quelconque au gouvernement anglais, est, par cela seul, déclaré dénationalisé, a perdu la garantie de son pavillon et est devenu propriété anglaise.

ART. 12. - Soit que lesdits bâtiments , ainsi dénationalisés par les mesures arbitraires du gouvernement anglais, entrent dans nos ports ou dans ceux de nos alliés, soit qu'ils tombent au pouvoir de nos vaisseaux de guerre ou de nos corsaires, ils sont déclarés de bonne el valable prise.

ART. 3. - Les îles Britanniques sont déclarées en état de blocus sur mer comme sur terre.

Tout bâtiment, de quelque nation qu'il soit, quel que soit son chargement, expédié des ports d'Angleterre ou des colonies anglaises ou de pays occupés par les troupes anglaises, ou allant en Angleterre ou dans les colonies anglaises ou dans des pays occupés par les troupes anglaises, est de bonne prise, comme contrevenant au présent décret; il sera capturé par nos vaisseaux de guerre ou par nos corsaires, et adjugé au capteur.

ART. 4. - Ces mesures, qui ne sont qu'une juste réciprocité pour le système barbare adopté par le gouvernement anglais, qui assimile sa législation à celle d'Alger, cesseront d'avoir leur effet pour toutes les nations qui sauraient obliger le gouvernement anglais à respecter leur pavillon. Elles continueront d'être en vigueur pendant tout le temps que ce gouvernement ne reviendra pas aux principes du droit des gens qui règle les relations des États civilisés dans l'état de guerre. Les dispositions du présent décret seront abrogées et nulles par le fait, dès que le gouvernement anglais sera revenu aux principes du droit des gens, qui sont aussi ceux de la justice et de l'honneur.

ART. 5. - Tous les ministres sont chargés de l'exécution du présent décret, qui sera imprimé au Bulletin des lois.


Milan, 17 décembre 1807

A M. Regnier, grand juge, ministre de la justice

Écrivez à mon procureur général près la cour criminelle de Rouen que je suis surpris d'apprendre que les incendies se propagent d'une manière alarmante dans le département de la Seine-Inférieure; qu'il prenne toutes les mesures pour découvrir les auteurs de ces crimes et pour les poursuivre.


Milan, 17 décembre 1807

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, vous trouverez ci-joint copie d'un décret, que vous enverrez, par courrier extraordinaire, en Hollande, en Espagne et en Danemark, en prescrivant à mes ministres de demander  que ces puissances obtempèrent à ce décret. Vous ne manquerez pas de faire sentir les avantages qui résulteront de ces mesures. Vous joindrez en même temps les trois décrets du roi d'Angleterre, du 11  novembre.


Milan, 17 décembre 1807

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, je vous envoie plusieurs lettres avec un petit rapport qu'on m'a fait.

J'approuve les deux décisions portées à la première page, que j'ai parafées de ma main. Il est convenable que vous passiez une note à M. de Bose, dans laquelle vous consignerez ces deux décisions. Vous les ferez connaître aussi au sieur Bourgoing et au sieur Serra, mon résident à Varsovie, ces décisions devant servir de principe et de base.

Ecrivez au sieur Daru de s'entendre avec les commissaires du roi de Westphalie pour l'acquittement des contributions et le partage des domaines; de veiller à ce que ces domaines restent dans la mains de mes différents agents jusqu'au partage, et de soigner mes intérêts.

Quant aux démêlés de la Porte avec la Russie, je pense qu'il est convenable d'envoyer à Caulaincourt l'analyse des différents faits qui se sont passés.

Je crois convenable que le sieur Didelot (Charles-François-Luce Didelot, 1769-1850, préfet) se rende à Copenhague. Faites connaître au sieur d'Aubusson Lafeuillade (Pierre-Hector-Raymond, comte d'Aubusson de la Feuillade, 1765-1848) que je l'ai nommé mon ministre et envoyé extraordinaire à Naples.

Écrivez au sieur Andréossy qu'il a très-mal fait de parler des affaires de Constantinople au prince Kourakine, même en forme de conversation, surtout du sort futur que peut éprouver Constantinople. Ces conversations, dont on rend compte à sa cour, ne peuvent que produire de la méfiance et servir d'acheminement à de grands résultats.


Milan, 17 décembre 1807

A M. Cretet, ministre de l'intérieur

Vous trouverez ci-joint un décret relatif à l'Angleterre. Avant de le publier, vous écrirez une circulaire à toutes les chambres de commerce, pour leur faire sentir les conséquences funestes qu'aurait, pour l'avenir, cette nouvelle législation de l'Angleterre, si elle était passée sous silence ; qu'il vaut mieux s'interdire tout commerce, n'importe pendant combien de temps, que de le faire au profit et sous la législation anglaise. Enfin vous les exciterez à la course, qui, dans l'arbitraire que les Anglais ont établi, est notre seul moyen d'approvisionnement.


Milan, 17 décembre 1807

A M. Cretet, ministre de l'intérieur

Flessingue ayant été réunie à la France, je désire que vous présentiez au Conseil d'État un projet de décret pour réunir cette ville au département le plus voisin. Vous vous entendrez avec le ministre de la marine pour qu'il soit spécifié dans le décret à quel arrondissement de la marine ce port doit appartenir.


Milan, 17 décembre 1807

A M. Cretet, ministre de l'intérieur

Monsieur Cretet, des plaintes me sont portées contre des délibérations du conseil général de Toulouse. Je désire que vous me fassiez un rapport sur les cahiers de demandes de ce département. Il parait que le plus mauvais esprit y est manifesté; qu'il y a été questions de comparaisons de l'ancien régime et du nouveau; qu'on y a même exprimé des regrets sur les anciens États de Languedoc.


Milan, 17 décembre 1807

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine

Un bâtiment russe est arrivé à Morlaix. Je suppose que vous avez donné des ordres pour qu'il ne fût pas expédié. S'il est réellement russe, il tombera entre les mains des Anglais; s'il est masqué sous le pavillon russe, à plus forte raison, il ne doit point sortir. Donnez, dans ce sens, des ordres dans tous mes ports pour les bâtiments danois, hollandais, espagnols et autres nations alliées. Ils ne doivent point sortir par ce double raisonnement : ou ils naviguent pour le compte des Anglais, ou ils appartiennent à la puissance dont ils portent le pavillon, et, dans ce dernier cas, ils seraient pris. Communiquez cette décision à mes ministres, en Hollande, en Danemark, en Espagne, pour savoir si cela se pratique ainsi à Cadix et dans les ports de Hollande et du Nord.


Milan, 17 décembre 1807

Au prince de Neuchâtel, major général de la Grande Armée

Rappelez le général Rostollant à Paris, et enjoignez-lui de rendre compte de l'exécution des ordres qui ont été donnés pour l'interdiction des communications entre la Poméranie et la Suède. Réitérez au général Molitor que toute communication entre la Suède et le continent, Rostock, etc., est interdite.


Milan, 17 décembre 1807

A M. Daru, intendant général de la Grande Armée

Monsieur Daru, cous trouverez ci-joint un mémoire de la régence u royaume de Westphalie. Min intention est celle-ci : le roi de Westphalie me doit :

1° Les revenus ordinaires arriérés au moment de la prise de possession du pays, et les revenus ordinaires échus depuis la prise de possession jusqu'au 1er octobre;

2° Toutes les contributions de guerre frappées par mes décrets. Tout ce qui a été perçu, depuis le 1er octobre jusqu'au 1er décembre, sera versé dans la caisse de l'armée, comme je l'ai ordonné, et il en sera tenu un compte séparé. Ces sommes serviront à payer ce qui serait encore dû, soit pour les contributions ordinaires, soit pour les contributions extraordinaires.

Quant aux sommes d'argent prêtées par l'ancienne maison de Hesse à des particuliers, je les cède au roi de Westphalie, surtout celles dues par ses sujets, ne demandant autre chose que les contributions de guerre, les contributions ordinaires échues à mou entrée dans le pays, et les contributions dues jusqu'au 1er octobre.

Quant aux domaines, les états que j'ai en font monter le revenu à cinq on six millions. Mon intention est que tous ces biens restent entre les mains de mes agents, de ceux de l'enregistrement, jusqu'à ce que le partage en ait été fait et que je connaisse la moitié qui doit me rester. Je n'entends point que la remise de cette moitié me soit faite par le roi de Westphalie, mais au contraire que la moitié qui revient au roi de Westphalie lui soit remise par mes agents, et que la moitié que je me suis réservée reste, avec les titres et les pièces, entre les mains de mes agents, qui en feront la remise à ceux que j'en pourvoirai. J'ai toujours évalué à quarante millions ou à deux millions de rente la moitié des domaines du roi de Westphalie. Il faut que vous vous concertiez sur tous ces objets avec les ministres du roi de Westphalie. Je vous autorise même à passer une convention. Veillez à ce que mes intérêts ne soient pas lésés et à ce que tout soit fait conformément à ce que je vous prescris.


Milan, 17 décembre 1807

A Joseph Napoléon, roi de Naples

Mon Frère, j'ai reçu votre lettre de Bologne, du 11 décembre. Je vois, par les lettres qui y étaient jointes, que plusieurs bâtiments ont été pris du côté d'Otrante. Il parait que tout cela est bien mal mené de ce côté. Envoyez-y un officier de marine.

Pourquoi ne pas faire partir les bâtiments par un temps fait? Cela vaut beaucoup mieux que de les faire partir sans direction et plusieurs ensemble.


Milan, 17 décembre 1807

A Joseph Napoléon, roi de Naples (d'après les Mémoires du roi Joseph voir une deuxième version, en date du 20 janvier)

Mon Frère, j'ai vu Lucien à Mantoue (cette réunion eut lieu, selon Garros, dans la nuit du 13 au 14 , selon Masson, dans la nuit du 12 au 13); j'ai causé avec lui pendant plusieurs heures. Il vous aura sans doute mandé la disposition dans laquelle il est parti. Ses pensées et sa langue sont si loin de la mienne, que j'ai eu peine à saisir ce qu'il voulait; il me semble qu'il m'a dit vouloir envoyer sa fille aînée à Paris, près de sa grand'mère. S'il est toujours dans ces dispositions, je désire en être sur-le-champ instruit et il faut que cette jeune personne soit, dans le courant de janvier, à Paris, soit que Lucien l'accompagne, soit qu'il charge une gouvernante de la conduire à Madame. Lucien m'a paru être combattu par différents sentiments, et n'avoir pas assez de force pour prendre un parti. J'ai épuisé tous les moyens qui sont en mon pouvoir de rappeler Lucien, qui est encore dans la première jeunesse, à l'emploi de ses talents pour moi et pour la patrie. S'il veut m'envoyer sa fille, il faut qu'elle parte sans délai, et qu'en réponse, il m'envoie une déclaration par laquelle il la met entièrement à ma disposition; car il n'y a plus un moment à perdre, les événements se pressent, et il faut que mes destinées s'accomplissent. S'il a changé d'avis, que j'en sois également instruit sur-le-champ, car j'y pourvoirai d'une autre manière.

Dites à Lucien que sa douleur et la partie des sentiments qu'il m'a témoignés m'ont touché; que je regrette davantage qu'il ne veuille pas être raisonnable et aider à son repos et au mien.

Je compte que vous aurez cette lettre le 22. Mes dernières nouvelles de Lisbonne sont du 28 novembre. Le prince régent s'était embarqué pour se rendre au Brésil; il était encore en rade de Lisbonne; mes troupes n'étaient qu'à peu de lieues des forts qui forment l'entrée de la rade. Je n'ai point d'autres nouvelles d'Espagne que la lettre que vous avez lue. J'attends avec impatience une réponse claire et nette, surtout pour ce qui concerne Charlotte.

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P. S. Mes troupes sont entrées, le 30 novembre, à Lisbonne. Le prince royal est parti sur un vaisseau de guerre; j'en ai pris cinq, et six frégates. Le 2 décembre, tout allait bien à Lisbonne. Le 6 décembre, l'Angleterre déclarait la guerre à la Russie. Faites passer cette nouvelle à Corfou. La reine de Toscane est ici; elle veut s'en aller à Madrid.


Milan, 17 décembre 1807

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie

Mon Frère, j'ai reçu vos différentes lettres. Vous me faites connaître dans celle datée de Stuttgart, le ler décembre, l'interprétation que vous avez donnée à l'article de la Constitution par lequel je me réserve la moitié des biens qui sont à ma disposition dans votre royaume. Je ne sais point trop la force de la discussion sur les mots allodiaux ou domaniaux; mais la remise de ces biens ne doit vous être faite qu'après que le partage sera décidé entre vos ministres et le sieur Daru de la moitié qui vous reste et de celle que je me suis réservée. Du reste, tout doit rester entre les mains de mes agents français, sauf à faire le plus tôt possible cette division.

Par votre lettre du 8 décembre, je vois que vous avez demandé compte à la Régence de vos revenus. Je n'aurai point de difficulté, lorsque les comptes auront été réglés entre le sieur Daru et vos ministres, de faire passer les revenus versés dans la caisse de l'armée, échus depuis le ler octobre jusqu'au 1er décembre, en à-compte de ce qui est dû, soit pour les contributions ordinaires, soit pour les contributions extraordinaires. Ainsi la contribution extraordinaire de guerre se compose de toutes les contributions de guerre frappées par mes décrets pendant la guerre. Les contributions ordinaires sont les revenus du pays jusqu'au 1er octobre. Ce qui a été perçu de ces contributions du 1er octobre au 1er décembre entrera en compte sur l'arriéré des contributions ordinaires et extraordinaires.

Par une autre lettre du 8 décembre, vous me proposez d'annuler l'article de la Constitution relatif aux domaines, et de le remplacer par l'acceptation d'un million de rentes. Je ne connais pas les calculs qu'on vous a présentés; mais j'ai les états très-détaillés de ces biens, ils se montent à plus de quatre millions de rentes. Ainsi deux millions de rentes ou un capital de quarante-huit millions est le minimum de ce que je compte retirer de la partie des domaines que je me suis réservée dans le royaume de Westphalie. Il est donc très-important que vous laissiez entre les mains de mes agents tous les domaines allodiaux ou autres jusqu'à ce que le partage en ait été fait. Ce ne sont point des rentes que je veux, mais des domaines en nature. Je vous prie de ne point vous écarter de ces dispositions. Ces domaines appartiennent à mes généraux qui ont conquis votre royaume; c'est un engagement que j'ai pris envers eux, et dont rien ne peut me faire départir.

Dans une autre lettre de même date, vous me dites du mal de Jollivet sur de prétendus propos qu'on vous a rapportés de lui du temps de la Révolution. Je trouve ridicule que vous veuillez vous ressouvenir de ce qui s'est passé dans ce temps-là. Vous seriez en cela bien différent de moi, qui récompense ceux qui ont dit du mal de moi alors, et c'est, au contraire, un titre pour eux plus qu'une
prévention contre eux.

Par une de vos lettres du 8, je vois que vous ne croyez pas pouvoir faire honneur à votre emprunt sur la caisse d'amortissement. Je ne conçois pas trop cela. Ce serait mal commencer votre gouvernement et mal asseoir votre crédit que de débuter par ne pas payer vos dettes.

Je vous recommande de marcher doucement pour ce qui est relatif à mes intérêts, soit pour l'acquittement des contributions, soit pour le partage des biens. Vous sentez que j'ai mis ma confiance en vous en vous chargeant de mes intérêts, et vous y répondriez mal si, ne voyant que vos propres intérêts, vous mettiez de côté les obligations que je vous ai imposées.

Ne donnez aucun emploi à des Français sans mon autorisation.


Milan, 20 décembre 1807

ALLOCUTION DE L'EMPEREUR AUX TROIS COLLÈGES DES POSSIDENTI, DOTTI ET COMMERCIANTI. 

Messieurs les Possidenti, Dolti et Commercianti, je vous vois avec plaisir environner mon trône. De retour, après trois ans d'absence, je me plais à remarquer les progrès qu'ont faits mes peuples; mais que de choses il reste encore à faire pour effacer les fautes de nos pères et vous rendre dignes des destins que je vous prépare !

Les divisions intestines de nos ancêtres, leur misérable égoïsme de ville préparèrent la perte de tous nos droits. La patrie fut déshéritée de son rang et de sa dignité, elle qui, dans des siècles plus éloignés, avait porté si loin l'honneur de ses armes et l'éclat de ses vertus. Cet éclat, ces vertus, je fais constituer ma gloire à les reconquérir.

Citoyens d'Italie, j'ai beaucoup fait pour vous; je ferai plus encore. Mais, de votre côté, unis de coeur comme vous l'êtes d'intérêt avec les peuples de France, considérez-les comme des frères aînés. Voyez constamment la source de notre prospérité, la garantie de nos institutions, celle de notre indépendance, dans l'union de cette couronne de fer avec ma couronne impériale.

(Extrait du Moniteur du 26 décembre 1807)


Milan, 20 décembre 1807

Au général Clarke, ministre de la guerre

Monsieur le Général Clarke, j'ai reçu votre rapport sur la nouvelle organisation de l'armée; vous avez parfaitement rempli le but que je me suis proposé. Mais, avant de signer le projet de décret que vous me présentez, je désire que vous consultiez MM. Dejean, Lacuée et quelques chefs de division de vos bureaux ou officiers supérieurs les plus au fait de ces matières, pour examiner la question de savoir s'il ne vaudrait pas mieux, au lieu de 116 régiments, n'avoir en France que 58 ou 60 légions. Le ministre de la guerre n'aurait alors à correspondre qu'avec 60 dépôts. On pourrait alors composer le conseil d'administration  : du major, qui en serait le président et qui resterait au dépôt ; du quartier-maître, qui pourrait être mieux choisi ; du capitaine d'habillement et d'un commissaire des guerres qui serait à la tête de l'administration du corps et résiderait dans le département où se trouverait le dépôt, qui, pour premier principe, ne doit jamais changer. Il est facile alors de concevoir que les ministres de la guerre et de l'administration de la guerre pourraient obtenir plus de facilités, d'économie et de régularité. Comme le dépôt ne changerait jamais de lieu, les revues des détachements des corps, dans quelque coin de l'Europe qu'ils se trouvent, seraient envoyées au dépôt et arrêtées là définitivement. Le major, le quartier-maître, le commissaire des guerres, trois membres principaux du conseil répondraient de cette comptabilité et correspondraient avec les détachements. Le ministre de la guerre nommerait un inspecteur aux revues près de chaque dépôt, pour la revue définitive et arrêter les comptes des corps avec le trésor public. Ces inspecteurs aux revues changeraient, par les mêmes principes que les commissaires des guerres ne changeraient jamais et appartiendraient aux corps. Ainsi le quartier-maître ferait dans le régiment les fonctions du ministre du trésor; le commissaire des guerres serait le commissaire ou le procureur du régiment; le major président en serait l'inspecteur et le commandant militaire. L'inspecteur aux revues ne ferait point partie du corps; il en serait le contrôleur et l'homme chargé des intérêts du Gouvernement.

Quant à la formation, elle devrait être alors, pour arriver au nombre de 58 ou 60 légions, de huit bataillons de guerre à six compagnies et d'un bataillon de dépôt de huit compagnies, par légion, opération qui se ferait en réunissant deux corps de ceux organisée selon le projet. Dans ce cas, la légion serait sous les ordres : 1° d'un général de brigade commandant les bataillons de guerre; 2° d'un premier colonel, commandant les quatre premiers bataillons, et, dans l'ordre de bataille, spécialement affecté au commandement des deux premiers bataillons, et d'un premier lieutenant-colonel commandant les deux seconds bataillons , sous les ordres du colonel; 3° d'un second colonel, commandant les 5e, 6e, 7e et 8e bataillons, et, dans l'ordre de bataille, spécialement affecté au commandement des 5e et 6e bataillons, et d'un second lieutenant-colonel, commandant, sous les ordres du second colonel, les 7e et 8e bataillons; 4° d'un major, qui resterait au dépôt, commandant les huit compagnies de dépôt, présidant le conseil d'administration et servant utilement pour toutes les opérations de la conscription.

Il y aurait huit chefs de bataillon. Les lieutenants-colonels auraient un grade au-dessus des chefs de bataillon, et une augmentation de traitement, moindre cependant que celui des majors actuels. Les compagnies de dépôt auraient une organisation différente de celle des compagnies des bataillons de guerre, c'est-à-dire que les ouvriers, dont enfin un corps ne peut se passer, y seraient compris. On mettrait dans chaque compagnie de guerre un musicien, de manière que deux bataillons auraient une musique de douze musiciens, et le régiment réuni en aurait vingt-quatre, et, lorsque toute la légion serait réunie, elle aurait quarante-huit musiciens. Il faudrait bien prévoir de quelle manière serait organisé un régiment en campagne. Ainsi, lorsque deux bataillons partiraient du dépôt de la légion , il faudrait qu'ils eussent leur officier payeur, etc., et, allant en Italie, en Espagne, par exemple, que le conseil d'administration détachât les ouvriers et tout ce qui est nécessaire pour la confection; et, comme on suppose que la légion peut être divisée par les événements de la guerre, quoiqu'il doive arriver rarement qu'elle le soit, en quatre détachements de deux bataillons, il faut que chaque détachement puisse avoir son officier payeur, son chef ouvrier, son chef armurier son chef tailleur, son chef cordonnier, lesquels seraient pris parmi les chefs de dépôt. Il faudrait donc quatre chefs ouvriers de chaque espèce. Le cas où chaque légion serait divisée en quatre détachements est rare, mais celui où elle serait divisée en deux détachements, l'un de six bataillons et l'autre de deux, doit être commun.

Supposons que la France eût 60 légions ainsi organisées : l'effectif de chaque légion serait donc de 7,840 hommes; ce qui, multiplié par 60, ferait 470,400 hommes d'infanterie, que la France entretiendrait sur le pied de guerre; et dans l'état de paix, n'entretenant les compagnies qu'à 100 hommes, l'effectif de chaque légion serait de 5,600 hommes ou de 336,000 hommes pour le total de l'infanterie. Il serait toujours facile de tirer d'un corps de 5,600 hommes, sans même faire aucune levée, les six premiers bataillons au grand complet, à l'effectif de 5,040 hommes qui, multipliés par 60, feraient 300,000 hommes à envoyer audit effectif et non au présent sous les armes; et en ôtant, pour les malades et la différence de l'effectif au présent, un septième, ce sera toujours une très-belle armée qu'on aurait disponible, et, en moins de trois mois après, les 7e et 8e bataillons pourraient rejoindre les six premiers, ou recevoir une autre destination. Il résulte qu'on pourrait faire partir sur-le-champ du corps trente-six compagnies au complet. Le général de brigade partirait avec ces trente-six compagnies ; l'aigle de la légion partirait avec, les deux colonels également; le premier commandant quatre bataillons, le second en commandant deux, et le premier lieutenant-colonel commandant les 3e et 4e bataillons , sous les ordres du premier colonel. Il y aurait ainsi à l'armée un général de brigade, trois officiers supérieurs et six bataillons formant trois régiments. Il serait possible sans doute que les 7e et 8e bataillons allassent servir de garnison ou se porter vers une autre frontière, et ne pas rejoindre les six premiers bataillons; mais ils auraient leur lieutenant-colonel pour les commander et ce qui est nécessaire à leur organisation. Cette organisation offrirait l'avantage que la légion aurait toujours ses commandants, puisqu'elle aurait un général de brigade, deux colonels et deux lieutenants-colonels, c'est-à-dire cinq officiers supérieurs, sans compter les chefs de bataillon. Le Gouvernement n'aurait donc plus que deux légions à réunir pour former une force de 10,000 hommes à l'effectif, et de 8,000 hommes présents sous les armes. Il faudrait laisser au bataillon la petite aigle actuelle, qu'on appellerait aigle de bataillon, et il y aurait l'aigle légionnaire, portée par un officier, qui serait le point de ralliement de la légion, et à laquelle serait attachée par-dessus tout l'honneur de la légion.

On sent qu'en réduisant les conseils d'administration à 60, on pourra trouver aisément soixante lieux de ressources et propres à la formation des conscrits.

Si, après une longue paix, on diminuait l'effectif des compagnies à 80 hommes, on pourrait toujours lever, dans un moment imprévu, sur-le-champ, quatre bataillons. Cependant je ne me dissimule pas que ce projet peut avoir des inconvénients. Vaut-il mieux avoir 60 légions que 120, sous le rapport de la comptabilité, de l'économie et des moyens militaires ? Voilà la question.

Ce travail serait incomplet si l'on n'arrivait à faire la même chose pour la cavalerie et pour l'artillerie. Mes régiments de cavalerie sont de quatre escadrons; est-il plus convenable de les maintenir ainsi ou de n'avoir, par exemple, que sept régiments de grosse cavalerie à huit escadrons ? Comme nous avons aujourd'hui soixante et dix-huit régiments de cavalerie, nous n'en aurions plus alors que trente-neuf; et, en en laissant sept d'artillerie, dont quatre à pied et trois à cheval , le ministre de la guerre n'aurait plus à surveiller et à correspondre qu'avec cent six corps au lieu de deux cent douze.

D'après ce principe, deux légions non-seulement formeraient une division de l'armée active, mais encore pourraient avoir dépôt et garnison dans les places fortes. 14,000 hommes effectifs, avec dépôt et garnison, ne forment guère que 9 ou 10,000 hommes présents sous les armes; ce qui est la force réelle d'une division. Méditez sur ce projet, prenez l'avis des personnes les plus exercées sur ces matières, et présentez-m'en le résultat.


Milan, 20 décembre 1807

Au général Junot, commandant le 1er corps d'observation de la Gironde

Je reçois à la fois vos lettres des 29 , 30 novembre, 1er et 2 décembre. Je donne ordre que tous les détachements qui appartiennent à votre armée continuent leur mouvement sur Bayonne, et que les 3e bataillons des corps que vous avez, et qui sont arrivés à Bayonne, se mettent en marche pour vous joindre. Ne perdez pas un moment à vous défaire de l'armée portugaise. Ce qui est facile dans le premier mois devient très-difficile dans la suite. Qu'elle parle sur-le-champ, après lui avoir fait prêter serment. Faites-la diriger par bataillon sur Bayonne; donnez la retraite à tout ce qui la veut; après avoir pris les fusils, donnez des congés à tous ceux qui le veulent, sans cependant inonder le pays d'hommes sans aveu ; et envoyez-moi , comme vous le proposez, quatre bons régiments. Il n'y a pas d'inconvénient à larder quelques compagnies d'artillerie portugaise; encore faut-il les entremêler d'officiers français. Désarmez le plus possible la ville.

Etablissez un commandant d'armes et une sévère police, et, surtout, désarmez tout le monde, et soyez certain que, si vous ne remplissez pas avec la plus grande rigueur les instructions que je vous donne, vous aurez sujet de vous en repentir.

Il est bien urgent d'occuper la place forte d'Almeida et autres, afin que votre communication soit bien établie avec le général Dupont, qui a déjà son quartier général à Vittoria et sa première division en marche sur Badajoz. Il a ordre de se porter sur vous si cela est nécessaire, mais ne l'employez qu'autant que cela sera utile.

Faites partir sans délai les deux parents du Roi, et dirigez-les sur Bordeaux. Il est bien important, dans ces premiers moments, de ne garder à Lisbonne aucun prince de la famille. Faites-en aussi partir une soixantaine de personnes les plus attachées au prince régent et aux Anglais, que l'on peut soupçonner les plus contraires, et envoyez-les à Bordeaux.

L'espoir que vous concevez du commerce et la prospérité est une chimère avec laquelle on s'endort. Voyez la misère, la famine, les Anglais débarquant, toutes les intrigues agitant le pays, le fantôme même du prince régent jeté sur vos côtes. Quel commerce faire dans un pays qui est bloqué et dans des circonstances de guerre aussi incertaines que celles où se trouve le Portugal ?

Que devez-vous donc sagement faire ?

1° Eloigner du pays les princes de la Maison, les généraux de terre ou de mer portugais, les personnages ayant été ministres ou ayant assez de considération pour pouvoir servir de points de ralliement;
2° Désarmer le pays entièrement et n'y laisser aucune troupe de ligne;
3° Camper vos troupes dans de bonnes positions, et réunies; santé et sûreté en seront le résultat. C'est le moyen d'être maître du Portugal et de faire ce que vous voudrez.

Je donne l'ordre que des officiers d'artillerie et du génie vous soient envoyés.

Quant à la marine, travaillez à faire achever le vaisseau qui est en construction. Faites-en mettre d'autres, de notre modèle de 74 et de 80, en construction. Faites monter et armer les vaisseaux qui restent, avec les officiers que je vous ai envoyés, avec les canonniers et les équipages portugais, français et danois, et de toutes les nations.

Je vous envoie mon décret du 17 décembre, qui vous fera connaître notre nouvelle situation avec l'Angleterre. Il sera nécessaire que vous vous y conformiez.

Faites non-seulement payer toutes les impositions, mais établissez une contribution extraordinaire, de manière que vous ne manquiez de rien. Je n'ai pas besoin de vous recommander de bien soigner vos troupes, car il faut que votre armée soit dans une situation telle qu'elle puisse se porter ailleurs et faire demi-tour à droite, sinon tout entière, du moins en partie.

Vous appellerez à vous le général Dupont, si vous en avez besoin. Vous pourrez même l'appeler à Salamanque, quand vous n'en auriez pas besoin. Il sera là plus à portée pour tout événement.

Je suppose que vous m'enverrez la cavalerie portugaise à pied, et que vous équiperez et monterez votre cavalerie avec ses chevaux et ses harnais. Aidez-en aussi la cavalerie du général Dupont.

Profitez du moment pour faire mettre le séquestre sur toutes les propriétés anglaises, telles que maisons, vignes, boutiques. Confisquez partout les marchandises, anglaises et mettez la main sur tout
ce qui appartient à leur commerce.

Je suppose que je ne tarderai pas à avoir un rapport détaillé sur les routes, les places fortes et sur ce qui peut me faire connaître le pays.

Faites ôter partout les armes de la Maison de Bragance, et expliquez-vous comme considérant cette Maison comme ayant régné.


Milan, 20 décembre 1807

DÉCISION

Le général Clarke, Ministre de la guerre, propose d'employer des troupes au canal de Saint-Quentin, les prisonniers de guerre ayant refusé d'y travailler.

Il y a des Suédois, il faut les faire travailler; aussi les Prussiens. C'est une mauvaise plaisanterie de dire que les prisonniers ne veulent pas travailler. On faisait bien travailler les miens en Suède.


Milan, 20 décembre 1807

A M. Fouché, ministre de la police générale

Je vois par votre lettre du 14 que Chevalier s'est échappé. Je considère cela comme un véritable malheur. Je vois dans votre bulletin des 13 et 14 une lettre d'un conscrit qui est à l'hôpital de Bayonne. Envoyez cette lettre en original au sieur Lacuée qui dépistera le chirurgien don il y est question et qui, ayant plus de moyens de découvrir ces abus, sera plus propre que le préfet à suive cette affaire.

(Brotonne)


Milan, 20 décembre 1807

A Joseph

Mon Frère, j'ai vu Lucien à Mantoue. J'ai causé avec lui pendant plusieurs heures. Il vous aura sans doute mandé la disposition dans laquelle il est parti.

Ses pensées et sa langue sont si loin de la mienne que j'ai peine à saisir ce qu'il voulait. Il me semble qu'il m'a dit qu'il voulait envoyer sa fille aînée à Paris près de sa grand'mère. S'il est toujours dans ces dispositions, je désire en être sur-le-champ instruit; car il faut que cette jeune personne soit dans le courant de janvier à Paris, soit que Lucien l'accompagne, soit qu'il charge une gouvernante de la conduire à Madame.

Lucien m'a paru être combattu par différents sentiments et n'avoir pas assez de force de caractère pour prendre un parti.

Toutefois, je dois vous dire que je suis prêt à lui rendre son droit de prince français, à reconnaître toutes ses filles comme mes nièces; toutefois il commencerait par annuler son mariage avec Mme Jouberthon, soit par le divorce, soit de toute autre manière.

Dans cet état de choses, tous ses enfants se trouveraient établis. S'il est vrai que Mme Jouberthon soit aujourd'hui grosse et qu'il en naisse une fille, je ne vois pas d'inconvénient à l'adopter; si c'est un garçon, à le considérer comme le fils de Lucien, mais non d'un mariage avoué; et celui-là, je consens à le rendre capable d'hériter d'une souveraineté que je placerais sur la tête de son père, indépendamment du rang où celui-ci pourra être appelé par la politique générale de l'État, mais sans que ce fils puisse prétendre à la succession de son père dans son véritable rang, ni être appelé à la succession de l'empire français.

Vous voyez que j'ai épuisé tous les moyens qui sont en mon pouvoir de rappeler Lucien, qui est encore dans sa première jeunesse, à l'emploi de ses talents pour moi et la patrie. Je ne vois point ce qu'il pourrait actuellement alléguer contre ce système.

Les intérêts de ses enfants sont à couvert; ainsi donc, j'ai pourvu à tout.

Le divorce une fois fait avec Mme Jouberthon, ayant un grand titre à Naples ou ailleurs, si Lucien veut l'appeler près de lui, pourvu que ce ne soit pas en France, qu'il veuille vivre avec elle, non comme avec une princesse, sa femme et dans telle intimité qu'il lui plaira, je n'y mettrai point d'obstacle; car c'est la politique seulement qui m'intéresse. Après cela, je ne veux point contrarier ses goûts et ses passions.

Voilà mes propositions. S'il veut m'envoyer sa fille, il faut qu'elle parte sans délai et que, en réponse, il m'envoie une déclaration que sa fille part pour Paris et qu'il la met entièrement à ma disposition; car il n'y a pas un moment à perdre; les événements pressent, et il faut que les destinées s'accomplissent. S'il a changé d'avis, que j'en sois également instruit sur-le-champ; car j'y pourvoirai d'une autre manière, quelque pénible que cela fût pour moi; car pourquoi méconnaîtrais-je ces deux jeunes nièces qui n'ont rien à faire avec le jeu des passions dont elles peuvent être les victimes ?

Dites à Lucien que sa douleur et la partie des sentiments qu'il m'a témoignés m'ont touché, et que je regrette davantage qu'il ne veuille pas être raisonnable, et aider à son repos et au mien. je compte que vous aurez cette lettre le 22.

Mes dernières nouvelles de Lisbonne sont du 17 novembre. Le prince régent s'était embarqué pour se rendre au Brésil; il était encore en rade de Lisbonne. Mes troupes n'étaient qu'à peu de lieues des forts qui ferment l'entrée de la rade. Je n'ai point d'autres nouvelles d'Espagne que la lettre que vous avez lue.

J'attends avec impatience une réponse claire et nette, surtout pour ce qui concerne Lolotte.

(Du Casse)


21 - 31 décembre 1807