16 - 28 Février - 1807


Preussich-Eylau, 16 février 1807

A L'ARMÉE

Soldats, nous commencions à prendre un peu de repos dans nos quartiers d'hiver, lorsque l'ennemi a attaqué le 1er corps et s'est présenté sur la basse Vistule. Nous avons marché à lui, nous l'avons poursuivi l'épée dans les reins pendant l'espace de quatre-vingts lieues. Il s'est réfugié sous les remparts de ses places et a repassé la Pregel. Nous lui avons enlevé, aux combats de Bergfriede, de Deppen, de Hof, à la bataille d'Eylau, 65 pièces de canon, 16 drapeaux, et tué, blessé ou pris plus de 40,000 hommes. Les braves qui, de notre côté, sont restés sur le champ d'honneur, sont morts d'une mort glorieuse : c'est la mort des vrais soldats. Leurs familles auront des droits constants à notre sollicitude et à nos bienfaits.

Ayant ainsi déjoué tous les projets de l'ennemi, nous allons nous rapprocher de la Vistule et rentrer dans nos cantonnements. Qui osera en troubler le repos s'en repentira; car, au delà de la Vistule comme au delà du Danube, au milieu des frimas de l'hiver comme au commencement de l'automne, nous serons toujours les soldats francais, et les soldats francais de la Grande Armée.


Eylau, 17 février 1807, 3 heures du matin

A l'Impératrice

Je reçois ta lettre, qui m'informe de ton arrivée à Paris. Je suis bien aise de t'y savoir. Je me porte bien.

La bataille d!Eylau a été très-sanglante et fort opiniâtre. Corbineau a été tué; c'était un fort brave homme; je m'étais fort affectionné à lui.

Adieu, mon amie; il fait ici chaud comme au mois d'avril; tout dégèle.

Je me porte bien.

Napoléon


Eylau, 17 février 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, l'armée rentre dans ses cantonnements; le froid a tout à fait cessé. Malgré d'assez grandes fatigues, je me porte très-bien. La bataille d'Eylau a été fort sanglante. Je vais me rendre, dans peu de jours, à Thorn, et de là à Varsovie. Je vous écrirai en détail sur toutes les affaires qui sont restées eu arrière.


Eylau, 17 février 1807

A M. Fouché

Nous avons eu ici une bataille assez sanglante, puisqu'elle me coûte plus de 1,500 hommes tués et pas loin de 6,000 blessés. Vous aurez vu par la relation qu'ont faite les Russes, qu'ils se sont attribué là victoire; c'est ainsi qu'ils ont fait à Pultusk et Austerlitz. Ils ont été poursuivis l'épée dans les reins, sous le canon de Königsberg; nos avant-postes sont là en ce moment. Ne voyant plus rien à faire, j'ai ramené mon armée dans ses cantonnements.

 L'ennemi a perdu 15 ou 16 généraux tués. Sa perte a été immense cela a été une véritable boucherie.


Eylau, 17 février 1807

Au maréchal Berthier

Donnez l'ordre au prince Jérôme de faire partir, vingt-quatre heures après la réception du présent ordre, pour Varsovie, la moitié de l'infanterie, de la cavalerie et de l'artillerie bavaroises qui sont sous ses ordres. Ces troupes, sous le commandement du général Deroy, se rendront à Varsovie, pour y être sous les ordres du prince de Bavière, et feront partie de l'aile droite de l'armée. Je suppose qu'elles formeront à peu près 10,000 hommes. Il faut que le prince Jérôme envoie les meilleures troupes.

Écrivez au maréchal Soult pour qu'il donne l'ordre à son ordonnateur de faire diriger ses vivres sur Plock, Ciechanow, vers la nouvelle position qu'il va prendre du côté d'Osterode.

Écrivez à l'intendant général de faire diriger tous les jours, des magasins de Varsovie sur l'armée, 25 à 30,000 rations de pain par jour, en suivant une route derrière la Wkra. L'état-major fera tracer cette route, qui est moins exposée aux incursions des Cosaques et même un peu plus courte.


Eylau, 17 février 1807

Au général Duroc

Je reçois votre lettre du 13. Schweidnitz ayant été pris, voyez le prince royal de Bavière, pour lui faire connaître que j'ordonne la formation d'une division bavaroise, qui se tiendra à Pultusk et sera sous ses ordres. Écrivez au prince Jérôme de faire partir cette division; qu'elle forme juste la moitié des troupes bavaroises qui sont en Silésie, tant en infanterie qu'en cavalerie et artillerie.

Je désire que vous alliez visiter le pont et les travaux de Sierock. Il faut surtout que les retranchements dans la presqu'île puissent mettre à l'abri les troupes qu'on mettrait pour la défense de Brock Écrivez à Savary qu'au lieu de m'envoyer tous les jours un rapport de la situation de son corps et de ce que fait l'ennemi, je ne reçois rien de lui. J'apprends, par le public, que le général de division Beker a été blessé; comment l'a-t-il été ? Et qu'est-ce que c'est que tout cela ? Il faudrait voir le prince Poniatowski. Ce qu'il pourrait faire de mieux pour l'armée, ce serait de fournir un grand nombre d'hommes à cheval pour nous garantir des Cosaques. On dit qu'ils sont très-propres à cette guerre. Savary nous a laissé intercepter nos communications par quelques misérables Cosaques et a laissé délivrer 3,000 prisonniers.

Faites-moi connaître où en sont les travaux de Praga, tant pour l'armement que pour les fortifications, et quand est-ce qu'ils pourront m'inspirer quelque confiance.

L'armée va se trouver ralliée à peu près sur la position centrale d'Osterode; elle est éloignée de trente lieues de Pultusk et d'autant de l'embouchure de la Vistule.

Si, jusqu'à ce que les manutentions soient organisées, l'intendant peut vous envoyer là des convois de pain, cela nous sera d'une grande utilité.

Il me semble que j'avais ordonné qu'il n'y eût aucun mouvement rétrograde; le trésor qui était arrivé près de Varsovie, il fallait le laisser arriver. En général, j'aime mieux que tout arrive sur Thorn, parce que de Thorn à Küstrin il n'y a pas plus loin que de Thorn à Varsovie, et qu'on épargne aux convois quarante lieues de route.

Faites-moi connaître comment se trouve le maréchal Lannes.


Preussich-Eylau, 17 février 1807

60e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

La reddition de la Silésie avance. La place de Schweidnitz a capitulé. Le gouverneur prussien de la Silésie a été cerné dans Glatz, après avoir été forcé dans la position de Frankenstein et de Neurode par le général Lefebvre. Les troupes de Wurtemberg se sont fort bien comportées dans cette affaire. Le régiment bavarois de la Tour et Taxis, commandé par le colonel Siedwitz, et le 6e régiment de ligne bavarois, commandé par le colonel Baker, se sont fait remarquer. L'ennemi a perdu dans ces combats une centaine d'hommes tués et 300 faits prisonniers.

Le siège de Kosel se poursuit avec activité.

Depuis la bataille d'Eylau, l'ennemi s'est rallié derrière la Pregel. On concevait l'espoir de le forcer dans cette position, si la rivière fût restée gelée; mais le dégel continue, et cette rivière est une barrière au delà de laquelle l'armée française n'a pas intérêt de le jeter.

Du côté de Willenberg, 3,000 prisonniers russes ont été délivrés par un parti de 1,000 Cosaques.

Le froid a entièrement cessé, la neige est partout fondue, et la saison actuelle nous offre le phénomène, au mois de février, du temps de la fin d'avril.

L'armée entre dans ses cantonnements.


Landsberg, 18 février 1807, 3 heures du matin

A l'Impératrice

Je t'écris deux mots. Je me porte bien. Je suis en mouvement pour mettre mon armée en quartiers d'hiver.

Il pleut et dégèle comme au mois d'avril. Nous n'avons pas en eu une journée froide.

Adieu, mon amie. Tout à toi.


Landsberg, 18 février 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, les affaires ici vont fort bien. Mon armée entre en quartiers. Je désire beaucoup lui procurer un mois ou six semaines de repos. Les Russes ont été tellement matés, qu'il est probable qu'ils resteront tranquilles. Dans peu de jours, je vais établir mon quartier à Osterode, et j'irai peut-être faire un tour à Varsovie.


Landsberg, 18 février 1807

Au général Duroc

Je suis arrivé à Landsberg; j'établirai dans peu mon quartier général à Osterode, et, quand les quartiers seront établis, je me rendrai peut-être à Varsovie, et ensuite j'établirai ma demeure fixe à Thorn. Donnez des ordres afin que ma Maison y soit établie le mieux possible. Donnez-moi des renseignements sur les ouvrages de Sierock et de Praga; il me tarde d'apprendre qu'ils sont en état. S'il y a encore du biscuit à Pultusk, faites-le diriger sur Osterode. Voyez le gouvernement polonais afin qu'il me soit fourni 3 à 4,000 hommes de cavalerie pour opposer aux Cosaques. Au lieu de diminuer la levée noble, il serait plus convenable de la régulariser et de l'envoyer sur Osterode. Si le dégel a eu lieu, il faudrait faire construire un petit pont entre Sierock et la presqu'île, et il faudrait faire avancer deux bataillons polonais et cinq cents cavaliers pour balayer les Cosaques jusqu'à Wyszkow. Je vous envoie l'ordre du jour, mais je suppose que vous l'avez reçu; il faut lui donner de la publicité. Mes blessés sont évacués; mais il est urgent qu'on s'occupe des hôpitaux à Thorn et entre Thorn et Posen. 

Dites à Talleyrand et Maret que j'ai reçu leurs dépêches, et que, si je tarde à me rendre à Varsovie, je leur donnerai rendez-vous pour travailler avec moi.

La lettre pour le ministre Schulenburg ne lui a pas été remise. Envoyez-lui d'autres passe-ports. Mon intention n'est pas de nuire à ce vieillard. Il se trouve en ce moment à Danzig.

Allez de l'avant pour la formation de six cents gardes polonais; je désirerais beaucoup les avoir dans un mois. Parlez sérieusement au gouvernement et au prince Poniatowski sur l'organisation de 3 à 4,000 hommes de cavalerie que je veux opposer aux Cosaques.


Landsberg, 18 février 1807

Au maréchal Lefebvre, commandant le 10e corps

Je reçois votre lettre. Votre gloire est attachée à la prise de Danzig; c'est là qu'il faut vous rendre. Le corps du général Ménard doit être arrivé; les Saxons doivent être à Posen; les Polonais sont depuis longtemps en position : réunissez toutes ces forces, cernez Danzig, jetez un  pont à Dirschau, afin de pouvoir communiquer avec mon  quartier général, que je vais établir à Osterode. 


Landsberg, 18 février 1807

61e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE.

La bataille d'Eylau avait d'abord été présentée par plusieurs officiers ennemis comme une victoire. On fut dans cette croyance à Königsberg toute la matinée du 9. Bientôt le quartier général et toute l'armée russe arrivèrent. L'alarme alors devint grande. Peu de temps après, on entendit des coups de canon, et l'on vit les Français maîtres d'une petite hauteur qui dominait tout le camp russe.

Le général russe a déclaré qu'il voulait défendre la ville; ce qui a augmenté la consternation des habitants, qui disaient : nous allons éprouver le sort de Lubeck. Il est heureux pour cette ville qu'il ne soit pas entré dans les calculs du général français de forcer l'armée russe dans cette position.

Le nombre des morts dans l'armée russe, en généraux et en officiers, est extrêmement considérable.

Par la bataille d'Eylau, plus de 5,000 blessés russes restés sur le champ de bataille, ou dans les ambulances environnantes, sont tombés au pouvoir du vainqueur. Partie sont morts, partie, légèrement blessés, ont augmenté le nombre des prisonniers. 1,500 viennent d'être rendus à l'armée russe. Indépendamment de ces 5,000 blessés qui sont restés au pouvoir de l'armée française, on calcule que les Russes en ont eu 15,000.

L'armée vient de prendre ses cantonnements. Les pays d'Elbing, de Liebstadt, d'Osterode, sont les plus belles parties de ces contrées;  ce sont ceux que l'Empereur a choisis pour y établir sa gauche.

Le maréchal Mortier est entré dans la Poméranie suédoise. Stralsund a été bloqué. Il est à regretter que l'ennemi ait mis le feu sans raison au beau faubourg de Knipper. Cet incendie offrait un spectacle horrible. Plus de 2,000 individus se trouvent sans maisons et asile.


 Liebstadt, 19 février 1807

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, je reçois votre lettre du 15. J'établis demain mon quartier général à Osterode. L'ennemi n'a pas quitté sa position derrière la Pregel. Du moment que j'aurai tout établi ici, j'irai probablement faire un tour à Varsovie. J'y donné audience à l'ambassadeur persan. Vous pouvez, en attendant, traiter les affaires avec lui. Après cela, il faudra qu'il aille à Paris pour prendre une véritable idée de la France. Je recevrai aussi l'ambassadeur ottoman.


Liebstadt, 19 février 1807

Au maréchal Berthier

Faites faire trois reconnaissances :

1° De tous les lacs et rivières qui environnent Osterode et lient la position de Hohenstein avec Saalfeld et Deutsch-Eylau;
2° Celle de la rivière la Passarge depuis sa source jusqu'à la  mer;
3° Celle de l'Alle depuis Guttstadt jusqu'à Neidenburg.

On marquera les ponts, les gués, la profondeur et largeur des eaux. On fera connaître en quoi cette ligne petit être bonne pour couvrir la ligne de cantonnement.


Freimarkt, 19 février 1807

Au maréchal Berthier

Nommez un officier pour faire les fonctions d'inspecteur et inspecter les dépôts de la Grande Armée, afin d'accorder leur retraite ou pension aux hommes hors d'état de servir. Je vois que, sur les états de Stettin, de Küstrin et de Varsovie, on porte un grand nombre d'individus comme hors de service.

Donnez ordre qu'on fasse partir des dépôts de Küstrin et de Stettin tous les hommes appartenant aux différents corps d'armée, en état de faire la guerre, et qu'on ait soin qu'ils soient bien armés.

Défendez qu'on recrute parmi les prisonniers pour les corps polonais; ils finissent par déserter et rentrer à l'ennemi. Faites aussi bien connaître que je n'entends pas qu'aucun étranger soit admis dans les régiments suisses. Je suis instruit qu'on recrute en France parmi les prisonniers de guerre pour ces régiments; je n'y veux que des Suisses.

Donnez ordre que le détachement de 3,000 hommes de troupes hollandaises qui avait été envoyé à Cassel soit renvoyé à Hambourg, lorsqu'il ne sera plus utile dans le gouvernement de Cassel.


Liebstadt, 19 février 1807

Au maréchal Berthier

Donnez l'ordre que tous les constructeurs de fours de l'armée se rendent sans délai à Osterode pour y construire dix fours. On choisira des emplacements pour des magasins capables de contenir de la farine pour un million de rations de pain et cinq cent mille rations de biscuit.

Donnez l'ordre aux généraux d'artillerie et du génie de faire construire sans délai deux ponts sur la Vistule; le premier à Marienburg, l'autre près de Marienwerder.

Donnez l'ordre au général du génie Kirgener. de se rendre à Thorn, pour y reconnaître les travaux à faire pour fortifier cette ville et la tête de pont sur la rive gauche de la Vistule, et donner à ces travaux la direction et l'activité convenables.


Liebstadt, 19 février 1807

Au maréchal Berthier

Il y aura une route directe d'Osterode à Varsovie, qui passera par Zakroczym, Plonsk, Racionz, Szrensk, Soldau, Gilgenburg et Osterode. Il sera nécessaire à cet effet de rétablir le pont de Zakroczym. Jusqu'à ce qu'il soit rétabli, on pourra passer le pont de Zegrz pour regagner la route à Szrensk. Mais vous sentez que je mets de l'importance à ce que la route passe derrière la Wkra; cette rivière a dû être reconnue. Chargez le commandant de Modlin du commandement de toute cette rivière, de la parcourir afin de reconnaître les lieux où il devra placer des postes pour la mettre à l'abri des à incursions des Cosaques dans les moments d'expédition.


Liebstadt, 19 février 1807

Au Grand-Duc de Berg

Expédiez un officier à M. Durosnel ; faites-lui connaître qu'il doit garder sa position; qu'après-demain il aura là un corps d'armée; que, cependant, s'il était forcé par des forces supérieures, il doit se retirer sur Holland par Mühlhausen; qu'il me fasse connaître les ressources de la ville qu'il occupe, et la quantité de bâtiments qu'on trouve sur le Frische-Haff.


Liebstadt, 19 février 1807

Au général Duroc

J'ai reçu votre lettre du 15 février. Toutes les lettres que vous m'avez écrites, je les ai toutes reçues; la route n'a été interceptée qu'à un moment, ce qui est le résultat de la contre-marche qu'a faite le général Savary. Jusqu'à cette heure l'ennemi n'a point bougé de Königsberg; il a eu beaucoup de mal. L'armée entre en quartiers d'hiver derrière la Passarge. Mon quartier général sera établi à Osterode. Aussitôt que tout sera assis, je viendrai faire un tour à Varsovie. Mon intention est de communiquer d'ici à Varsovie directement. J'ai ordonné au major général de tracer la route; il n'y a que cinquante lieues, tandis que par Thorn il y en a près de cent.
Le temps s'est remis au froid et il neige beaucoup, ce qui me fait espérer que vous aurez pu faire partir les 25,000 rations de pain tous les jours, jusqu'à ce que nous soyons organisés. Vous trouverez ci-joint la route que j:ai désignée ; elle est couverte par l'Omulew et l'Orzyca; elle l'est encore par la Wkra. On peut diriger ici non-seulement le biscuit et le pain, mais encore des farines. Je vais établir des magasins et une manutention à Osterode, comme il faut qu'on en établisse à Thorn. Si Rapp était disponible, je verrais avec plaisir qu'il se rendit à Thorn pour commander la ville, d'où il correspondrait avec moi pour mettre de l'ordre dans tout ce qui est administration et hôpitaux.

L'intendant recevra demain l'ordre de cantonnement et toutes les dispositions que j'ai prises pour l'administration de l'armée. Faites envoyer un commissaire polonais pour organiser la route telle qu'elle est indiquée. J'ai des nouvelles de Savary, du 16 ; je n'en ai pas du 17. J'imagine que l'ennemi a battu en retraite. On peut considérer la campagne comme finie. Que Lemarois fasse partir tous ses dépôts pour Osterode et Thorn.

Je vous ai demandé un rapport sur Sierock et Praga. J'attache une grande importance à ces travaux.

Je verrai avec plaisir qu'on donne des fêtes pour la victoire d'Eylau, qu'on chante un Te Deum à Varsovie, et qu'on fasse tout ce qui peut donner de l'éclat. Il ne faut pas que l'on m'attende pour cela; c'est inutile au contraire.

Je continue à laisser encore le grand quartier général à Varsovie. Faites-moi connaître si les dispositions que j'ai prescrites pour l'artillerie de Sierock et Praga sont exécutées. Il faut garder les cartouches à Varsovie, non-seulement pour le 5e corps, mais aussi dans l'hypothèse que la guerre pourrait s'approcher de Pultusk, et sans doute qu'il en faudra davantage. Le dégel qu'il a fait hier m'a beaucoup contrarié.

Faites-moi connaître où est le 2e régiment polonais qu'on a organisé à Plock.


Liebstadt, 20 février 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, vous aurez reçu les bulletins des événements qui ont eu lieu ici. Le général Savary, commandant le 5e corps, soutenu par la réserve des grenadiers du général Oudinot, a battu le général Essen à Ostrolenka le 16, et lui a pris 8 pièces de canon, 2 drapeaux, fait 1,200 prisonniers. Vous pouvez toujours faire mettre cette note dans le Moniteur. Je crois que cet événement finira la campagne. Mon armée entre en cantonnements derrière la Passarge. Mon quartier impérial sera à Osterode. L'ambassadeur de la Perse et celui la Porte arrivent à Varsovie, où je me rendrai sous peu de jours.

Je vois avec plaisir que le code de commerce avance et qu'il pourra être présenté à la prochaine session.


Liebstadt , 20 février 1807

A M. Fouché

J'ai reçu votre lettre du 4 février. Je vois avec plaisir que la conscription marche bien. Vous avez vu que nous avons eu une affaire fort sanglante à Eylau le 8; ma droite en a eu une autre à Ostrolenka le 16; dans l'une et l'autre les Russes ont été battus.

Je n'attache aucune importance à Kosciuszko; il ne jouit point dans le pays de l'estime qu'il croit; d'ailleurs sa conduite prouve qu'il n'est qu'un sot. Il faut donc le laisser faire ce qu'il veut, sans y porter aucun empressement.


Liebstadt, 20 février 1807

A M. Fouché

Les quatre régiments suisses engagent des prisonniers prussiens; de sorte que j'aurais l'extraordinaire politique d'avoir mes ennemis pour garder la France. Je ne veux pas de Prussiens, je ne veux que des Suisses. J'ai fait connaître cela au ministre de la guerre. Veillez-y de votre côté. On a une rage pour les prisonniers qui ne se conçoit pas.


Liebstadt, 20 février 1807

Au général Dejean

Monsieur Dejean, je ne puis que vous témoigner mon extrême mécontentement de ce qu'on recrute, parmi les prisonniers prussiens et même parmi les Gardes du roi de Prusse, pour les régiments suisses. En vérité, c'est une folie; c'est mettre les armes à la main à mes ennemis. Ordonnez une revue de rigueur des quatre régiments, et que tout ce qui est Prussien, ou qui n'est pas Suisse, soit sur-le-champ renvoyé. En cas d'événements, vous verriez ces hommes passer du côté de l'ennemi. Je vous ai fait connaître mes intentions là-dessus. Je ne puis que vous témoigner mon mécontentement de ce que vous n'y tenez pas la main.


Liebstadt, 20 février 1807

A M. Maret, à Varsovie

Monsieur Maret, je n'ai point reçu de lettres de vous par le dernier courrier. Il est convenable que vous m'instruisiez régulièrement de ce qui se passe. On m'a annoncé 900 Polonais arrivés à Osterode, ce qui m'a fait grand plaisir; je désirerais en avoir plusieurs milliers pour opposer aux Cosaques. Si, par les renseignements que vous donnent mes courriers, le chemin d'Osterode à Varsovie derrière la Wkra est assez sûr et beau, je ne vois pas d'inconvénient que vous
vous rendiez à Osterode pour me présenter les signatures. Il faudrait faire ce voyage lestement en traîneau ou calèche du pays, car vous allongeriez beaucoup de venir par Thorn.

Concertez-vous avec M. Daru pour renvoyer à Paris tous les auditeurs inutiles et qui perdent ici leur temps; qui, peu accoutumés aux événements de la guerre, écrivent beaucoup de bêtises à Paris. Il est inutile que M. l'archichancelier envoie désormais le travail des ministres par un auditeur. Ce travail peut être apporté par un officier qu'expédiera, le ministre Dejean, et ce sera par des officiers d'état-major qui devront rejoindre leurs corps et qui auront d'ailleurs pour instruction d'observer ce qui se passe sur les derrières. Par ce moyen ce voyage me sera plus utile et plus sûr. Écrivez-en au ministre Dejean et à M. l'archichancelier. Le ministre pourra même donner ces officiers des instructions particulières sur les renseignements qui doivent recueillir; ils pourront même en recevoir du maréchal Kellermann et du général Clarke.


Liebstadt, 20 février 1807

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, je reçois votre lettre du 16 à dix heures du soir. Les ennemis n'ont pas perdu 14,000 hommes, mais plus de 30,000. Vous aurez appris la nouvelle du combat d'Ostrolenka, qui a eu lieu le 16. Vous vous serez formé par le bulletin une idée exacte des événements qui ont eu lieu. Je connais l'impatience que vous avez de vous rapprocher de moi; je le désire aussi beaucoup. Je serai demain à Osterode. Mon armée prend ses quartiers d'hiver entre la Passarge et la Vistule. Je me déciderai là, selon les circonstances, à vous appeler à Thorn ou à me rendre moi-même pour un moment à Varsovie.


Liebstadt, 20 février 1807

Au maréchal Berthier

Donnez ordre que les détachements de cavalerie du dépôt Lenczyca se rendent à Culm, hormis ceux qui appartiennent aux quatre régiments de dragons de la division Beker et à la cavalerie du 5e corps.

Donnez des ordres au général Songis pour que les fusils soient délivrés aux Polonais comme je l'avais ordonné.

Écrivez au prince Poniatowski que la légion du Nord a besoin d'officiers; qu'en général le nombre d'officiers polonais instruits est peu considérable; qu'il faut employer ceux qui viennent d'Italie.


Liebstadt, 20 février 1807

Au maréchal Mortier

Mon Cousin, j'ai eu une bataille très-sanglante le 8, à Eylau, où l'ennemi a été battu. Le 5e corps, soutenu du général Oudinot, a eu, le 16, une affaire à Ostrolenka, où l'ennemi a été défait avec perte de 1,200 prisonniers, 2 drapeaux et 8 pièces de canon.

Je vous ai donné l'ordre d'envoyer à Thorn le 65e. Je vous laisse le maître de m'envoyer aussi le 12e et tout autre régiment; je m'en rapporte à votre zèle pour mon service. Si vous pouvez rester devant Stralsund seulement avec trois régiments, restez-y et expédiez-nous-en trois ici. Les 3,000 Hollandais qui se trouvaient à Cassel ayant été renvoyés à Hambourg, le maréchal Brune pourrait vous faire passer un millier d'hommes. D'ailleurs ces trois régiments pourront vous être remplacés à la belle saison. Ce seraient le 15e de ligne, parti en poste de Paris, et le 31e léger, qui doit être arrivé à Mayence. Ainsi donc vous avez reçu l'ordre de m'envoyer le 65e; si vous pouvez, envoyez-m'en un ou deux autres, car il est possible que de nouveaux événements aient lieu avant un mois ou quarante jours, et que l'arrivée de ces trois régiments fût d'une grande utilité. Vu que j'assiège Danzig, je ne puis assiéger Stralsund; je n'ai pas assez d'artillerie ni de munitions de guerre, à moins que vous ne m'en ayez trouvé à Schwerin. Il faut donc se contenter de bloquer la ville, et, si vous étiez forcé à lever le blocus, choisir une bonne position intermédiaire pour couvrir Berlin et Stettin. J'ai mis mon armée en quartiers d'hiver. Mon quartier général sera établi à Osterode. Il faut correspondre par Thorn.


Liebstadt, 20 février 1807

Au général Duroc

Je ne reçois qu'aujourd'hui votre lettre du 16. J'ai reçu des nouvelles du combat d'Ostrolenka, mais je n'en ai pas reçu de ce qui s'est passé du 17. Je pense que vous pouvez m'écrire directement sans passer par Thorn; cela abrégera beaucoup la correspondance.

L'intendant aura reçu du major général les dispositions pour les cantonnements de l'armée.

J'imagine que les 10,000 Bavarois ne tarderont pas à arriver, ou au moins qu'ils sont en marche. Parlez-en au prince royal de Bavière: dites que je compte sur lui dans cette circonstance.

On me rend compte que 900 Polonais à cheval sont arrivés à Osterode; ce seront mes Cosaques. S'il pouvait y en avoir 3 ou 4,000 ce serait d'un grand secours pour l'armée. La connaissance du pays et celle de la langue sont aussi d'un grand avantage; cela fera que les Polonais déserteront du camp ennemi.

Il a fait un dégel qui a beaucoup contrarié les mouvements que j'ai faits pour reprendre mes cantonnements; l'ennemi ne m'a pas suivi.

On m'envoie des souliers et je demande du pain. Qu'avais-je besoin de dix-neuf tonneaux de souliers à la suite de l'armée ? cela est de la folie.

Faites-moi connaître quand le maréchal Lannes pourra reprendre le commandement de son corps d'armée; s'il pourra le reprendre dans la campagne; quelles sont ses dispositions physiques et morales J'ai besoin de monde autour de moi, et Savary me manque. Si donc il ne pouvait pas servir de quelque temps, je ne serais pas éloigné de donner à Masséna le commandement de son corps.

Voyez avec l'intendant s'il ne serait pas convenable d'établir tous les vénériens dans une position intermédiaire, comme, par exemple à Lowicz; cela diminuerait d'autant les hôpitaux de Varsovie. Il me faudra beaucoup d'hôpitaux du côté de Thorn, puisque, indépendamment des 6,000 blessés de la bataille, je ne tarderai pas à avoir des malades. Donnez-moi des nouvelles de Lemarois; sa santé permet-elle de compter de sa part sur quelques services ?


Liebstadt, 20 février 1807, 2 heures du matin

A l'Impératrice

Je t'écris deux mots, mon amie,  pour que tu ne sois pas inquiète. Ma santé est fort bonne, et mes affaires vont bien.

La saison est bizarre; il gèle et il dégèle; elle est humide et inconstante.

Adieu mon amie.

Tout à toi.

Napoléon


Liebstadt, 20 février 1807

Au général Clarke

Mon armée prend ses cantonnements. Je vous ai envoyé les bulletins de la bataille d'Eylau, et vous ai autorisé à en publier le contenu en leur donnant une autre forme. Vous aurez, depuis, reçu l'ordre du jour, que vous aurez également fait imprimer. Le 16, le général Savary, commandant le 5e corps soutenu de la réserve de grenadiers du général Oudinot, a attaqué le général Essen et l'a complètement battu devant Ostrolenka; le général russe a perdu 8 pièces de canon, 2 drapeaux, 1,260 prisonniers, et a laissé le champ de bataille couvert de morts. Envoyez cette nouvelle à Munich, à Otto, qui l'enverra en Italie. Envoyez-la aussi au maréchal Brune à Hambourg et au maréchal Mortier.

Pour avoir mon quartier général au centre de mes cantonnements, je vais le placer à Osterode, où je serai demain.

Si vous pouvez m'envoyer les quatre régiments provisoires qui sont sous vos ordres, dirigez-les sur Thorn; si vous ne pouvez envoyer les quatre, envoyez-en trois, ce que vous pourrez. Écrivez à Kellermann de se dépêcher d'envoyer les 6e, 7e, 8e régiments provisoires pour remplacer les quatre premiers; qu'il envoie des hommes bien armés et bien équipés.

Mon intention n'est pas de faire le siège de Stralsund; toutes mes munitions sont réservées pour le siège de Danzig.


Liebstadt, 21 février 1807, 2 heures du matin

A l'Impératrice

Je reçois la lettre du 4 février; j'y vois avec plaisir que ta santé est bonne. Paris achèvera de te rendre la gaieté; et le repos, le retour à tes habitudes, la santé.

Je me porte à merveille. Le temps et le pays sont mauvais. Mes affaires vont assez bien. Il dégèle et gèle dans vingt-quatre heures; l'on ne peut voir un hiver aussi bizarre.

Adieu, mon amie; je t'aime, je pense à toi et désire te savoir contente, gaie et heureuse. Tout à toi.


Liebstadt, 21 février 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 9 février. Je verrai avec plaisir que vous, ou le ministre de l'intérieur, ou quelqu'un, donne une grande fête pour la bataille d'Eylau. Je ne fais point chanter le Te Deum, puisqu'on l'a déjà chanté pour les affaires de Pultusk cela reviendrait trop souvent. Le dégel survenu il y a quelques jours m'a beaucoup contrarié. C'est un hiver bien extraordinaire que celui-ci. Nous sommes en Pologne sans pouvoir avoir un peu de froid. La gelée reprend depuis hier.


Liebstadt, 21 février 1807, midi

A l'Impératrice

Je reçois ta lettre du 8, mon amie. Je vois avec plaisir que tu as été à l'Opéra et que tu as le projet de recevoir toutes les semaines. Va quelquefois au spectacle, et toujours en grande loge. Je vois aussi avec plaisir les fêtes qu'on te donne.

Je me porte très-bien. Le temps est toujours incertain : il gèle et dégèle.

J'ai remis mon armée en cantonnements pour la reposer.

Ne sois jamais triste; aime-moi, et crois à tous mes sentiments.

NAPOLÉON


Liebstadt, 21 février 1807

A M. Fouché

J'ai reçu votre lettre du 6 février. Ç'a été constamment une tactique de nos ennemis, merveilleusement secondée par la volagerie du pays que de créer des chimères. Mais je vois avec plaisir que vous portez partout un oeil scrutateur, et que vous n'êtes point dupe d'un zèle exagéré.


Liebstadt, 21 février 1807

A M. Portalis

J'ai reçu vos lettres où vous m'annoncez le bon effet que produisent les monitoires dans le département du Morbihan, et la nomination l'évêque d'Évreux au Corps législatif. Je suis bien aise de l'un et l'autre de ces événements.


Liebstadt, 21 février 1807

Au vice-amiral Decrès

J'ai reçu votre lettre du 6. J'ai peine à croire qu'avoir de l'artillerie ou n'en pas avoir ne forme qu'une différence de dix pouces sur tirant d'eau d'un vaisseau, et je vois que vous arrivez à ce résultat par la simple évaluation du fluide déplacé, qui, par votre calcul serait le même pour un poids placé à fond de cale que pour un poids placé au haut des mâts. Vous sentez cependant que, si j'exigeais une batterie placée sur les hunes, il faudrait un tirant d'eau plus considérable. Je crois donc la question plus composée que cela, et je ne crois pas que votre lettre y ait répondu.


Liebstadt, 21 février 1807

Au général Clarke

Je reçois votre lettre du 15 février. J'ai donné des ordres pour que les pensions et les traitements fussent payés comme vous le demandez. Je désirerais que vous en revinssiez au projet que vous m'avez proposé d'avoir une commission de gouvernement qui me payerait tant, et de lui abandonner tout le reste.


Liebstadt, 21 février 1807

Au roi de Naples

Je reçois vos lettres du 28 et du 29. Je ne vois point de difficulté que Macdonald entre à votre service avec le grade de général français. Vous dites que le maréchal Jourdan a 140,000 francs de traitement et n'est pas content : que voulez-vous donc que je fasse pour lui ?

J'ai donné ordre qu'on vous envoyât un million. Je vous enverrai ce que je pourrai; mais je suis tenu à de grandes dépenses dans ma position actuelle. M. Roederer n'aura point de repos qu'il ne vous ait prouvé que j'ai beaucoup d'argent à vous envoler.


Liebstadt, 21 février 1807

62e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

La droite de la Grande Armée a été victorieuse, comme le centre et la gauche. Le général Essen, à la tête de 25,000 hommes, s'est porté sur Ostrolenka, le 15, par les deux rives de la Narew. Arrivé au village de Stanislawow, il rencontra l'avant-garde du général Savary, commandant le 5e corps.

Le 16, à la pointe du jour, le général Gazan se porta avec une partie de sa division à l'avant-garde. A neuf heures du matin, il rencontra l'ennemi sur la route de Nowogrod, l'attaqua, le culbuta, et le mit en déroute. Mais au même moment l'ennemi attaquait Ostrolenka par la rive gauche. Le général Campana, avec une brigade de la division Gazan, et le général Ruffin, avec une brigade de la division du général Oudinot, défendaient cette petite ville. Le général Savary envoya le général de division Reille, chef de l'état-major du corps d'armée. L'infanterie russe, sur plusieurs colonnes, voulut emporter la ville. On la laissa avancer jusqu'à la moitié des rues. On marcha à elle au pas de charge. Elle fut culbutée trois fois, et laissa les rues couvertes de morts. La perte de l'ennemi fut si grande, qu'il abandonna la ville et prit position derrière les monticules de sable qui la couvrent.

Les divisions des généraux Suchet et Oudinot avancèrent; à midi, leurs têtes de colonnes arrivèrent à Ostrolenka. Le général Savary rangea sa petite armée de la manière suivante : le général Oudinot, sur deux lignes, commandait la gauche; le général Suchet, le centre; et le général Reille, commandant une brigade de la division Gazan, formait la droite. Il se couvrit de toute son artillerie et marcha à l'ennemi. L'intrépide général Oudinot se mit à la tête de la cavalerie, fit une charge qui eut du succès, et tailla en pièces les Cosaques de l'arrière-garde ennemie. Le feu fut très-vif. L'ennemi ploya de côtés et fut mené battant pendant trois lieues.

Le lendemain, l'ennemi a été poursuivi plusieurs lieues, mais sans qu'on put reconnaître que sa cavalerie avait battu en retraite toute la nuit. Le général Souvarof et plusieurs autres officiers ennemis ont été tués. L'ennemi a abandonné un grand nombre de blessés. On en avait ramassé 1,200; on en ramassait à chaque instant. Sept pièces de canon et deux drapeaux sont les trophées de la victoire. L'ennemi a laissé 1,300 cadavres sur le champ de bataille. De notre côté, nous avons eu 60 hommes tués et 4 à 500 blessés. Mais une perte vivement sentie est celle du général de brigade Campana, qui était un officier d'un grand mérite et d'une grande espérance. Il était né dans le département de Marengo. L'Empereur a été très-peiné de sa perte. Le 103e régiment s'est particulièrement distingué dans cette affaire.

Parmi les blessés sont le colonel Duhamel, du 21e régiment d'infanterie légère, et le colonel d'artillerie Noury.

L'Empereur a ordonné au 5e corps de s'arrêter et de prendre ses quartiers d'hiver. Le dégel est affreux. La saison ne permet pas de rien faire de grand; c'est celle du repos. L'ennemi a le premier levé ses quartiers; il s'en repent.


Osterode, 22 février 1807

Au général Duroc

Monsieur le Général Duroc, je trouve juste que Mme Paër aille faire ses couches chez elle, en lui recommandant de se rendre à Paris immédiatement après. Elle manquant, les concerts n'ayant plus d'intérêt, les autres chanteurs peuvent également s'en aller.


Osterode, 22 février 1807

Au général Clarke

Je reçois votre lettre du 12 février, avec le rapport qui y était joint. Je vois avec plaisir l'activité qu'on a mise à détruire les partisans. Mais, jusqu'à nouvel ordre, tenez deux colonnes mobiles, mandées par le même individu, qui se porteront partout ou sa présence sera nécessaire. Le jeune Shée parait avoir bien fait cette circonstance; c'est un moyen de se distinguer; laissez-le à la tête d'une de ces colonnes.

Je reçois votre lettre du 15 février, où je vois que vous avez reçu  les bulletins des dernières affaires. Le quartier général est depuis hier établi à Osterode et toute mon armée est en cantonnements.


Osterode, 22 février 1807

Au maréchal Bernadotte

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 20 février. Lorsque les circonstances se présenteront, je donnerai au général Dupont des preuves de la satisfaction que j'ai de ses services. Le général Villatte vous sera envoyé en qualité de général de division. J'ai vu avec plaisir que vous êtes content du bon esprit de vos troupes. Il suffit que vous leur communiquiez cet amour de la gloire et ce zèle qui vous anime pour l'honneur de mes armes.


Osterode, 22 février 1807

Au maréchal Augereau

Mon Cousin, je reçois votre lettre. Je vois avec peine le mauvais état de votre santé, mais avec plaisir que vous retourniez en France pour aviser aux moyens de vous rétablir. Les efforts que vous avez voulu faire et dont je vous sais gré n'ont fait qu'empirer votre état. Il est donc temps que, par du repos et des remèdes suivis, vous travailliez à vous rétablir. Croyez à tout l'intérêt que je vous porte et au désir que j'ai de vous voir dans un état de santé qui vous permette de rentrer dans la carrière.


Osterode, 23 février 1807, 2 heures après midi

A l'Impératrice

Mon amie, j'ai reçu ta lettre du 10. Je vois avec peine que tu es peu incommodée.

Je suis en campagne depuis un mois, par des temps affreux, parce qu'ils sont inconstants et varient du froid au chaud dans une semaine. Cependant je me porte très-bien.

Cherche à passer ton temps agréablement; n'aie point de soucis et ne doute jamais de l'amour que je te porte.


Osterode, 23 février 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, j'ai reçu vos lettres des 7, 8 et 11 février. J'ai vu avec plaisir que vous vous amusez à Paris, que vous allez au bal masqué.


Osterode, 23 février 1807

A M. Fouché

Je vous envoie un rapport que je reçois de Naples, sur une affaire très-curieuse. Faites-la présenter au public avec tout l'éclat qu'elle mérite.(voir la lettre du 23 février au roi de Naples)

J'ai reçu votre lettre des 7, 8 et 11 février. J'ai vu avec plaisir le compte satisfaisant que vous rendez de l'intérieur de l'Empire.


Osterode, 23 février 1807

Au prince Jérôme

Mon Frère, j'ai appris avec plaisir la prise de Schweidnitz. Mon intention est que cette place, ainsi que Breslau et Brieg, soit entièrement démolie, et toute l'artillerie dirigée sur Glogau, qui est la seule place de Silésie que je veuille conserver.


Osterode, 23 février 1807

Au vice-amiral Decrès

Communiquez au ministre d'Espagne la lettre de la Guadeloupe relative aux affaires de Miranda.

Je vois en général, par les états de situation, qu'il n'y a que 3,000 hommes à la Martinique et 2,000 à la Guadeloupe. Cependant vous en portez 4,000. Il serait bien nécessaire d'envoyer 2 ou 300 hommes à chacune de ces colonies. Je vous engage donc à faire partir des frégates et à prendre des détachements, du 82e pour la Martinique, et du 66e pour la Guadeloupe.


Osterode, 23 février 1807

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, j'imagine que l'ambassade de Perse est fort peu de chose, et qu'il n'y a rien à faire de solennel. Peut-être serait-il convenable, après que vous aurez vu si l'on peut traiter d'affaires avec elle, de la renvoyer à Berlin. Même chose pour celle de la Porte. Si je ne me résous pas, dans deux ou trois jours, à aller à Varsovie, j'aurai besoin de vous voir à Thorn, où naturellement je vais porter mon quartier général. Comme, dans ce cas, je ne désire pas que vous soyez suivi par cette foule d'étrangers qui vous entourent, il faudra les renvoyer tous à Berlin, en disant que je vais me rendre dans cette ville.

Il est nécessaire que vous ayez l'œil sur Glogau et que vous ayez soin que cette place soit toujours parfaitement approvisionnée en munitions de guerre et de bouche; car il est telle hypothèse où il est possible que toute la Silésie vienne à être évacuée, hormis ce point. Je vous ai fait donner l'ordre d'envoyer la moitié des troupes bavaroises à Varsovie. J'imagine que ces troupes sont déjà en marche est très-nécessaire qu'elles y arrivent bientôt. Je vous ai fait connaître aussi qu'il fallait diriger sur Thorn les convois de munitions et de vivres qui vous avaient été précédemment demandés pour Varsovie. Je vous le répète, ne perdez point de vue que c'est sur Glogau vous devez porter insensiblement vos arsenaux, vos magasins et votre artillerie. Démolissez les autres places le plus tôt possible.


Osterode, 23 février 1807

Au général Duroc

On m'a désorganisé 4,000 hommes de levée polonaise; j'ai ici 1,000 hommes qui n'ont ni sabres, ni colonels, ni commandant. Voyez le prince Poniatowski et témoignez-lui-en mon mécontentement. Voyez aussi le gouverneur, pour que les officiers rejoignent leurs régiments. Il est bien malheureux qu'on ait renvoyé ces 4,000 hommes. Le principal service que peuvent me rendre les Polonais, c'est de tenir les Cosaques. Le prince Poniatowski parait mettre beaucoup de légèreté dans toutes ces affaires. Il est dit dans le rapport de Belliard qu'il y a un décret impérial : cela n'est pas vrai. On a bouleversé, par esprit d'animosité, ce qu'avait fait Dombrowski, et on a fait beaucoup de mal; on a arrêté l'élan du pays, de sorte qu'aujourd'hui on n'y comprend plus rien.


Osterode, 23 février 1807

Au général Duroc

J'ai reçu vos lettres des 18, 19 et 20. J'ai écrit à Lemarois de faire partir 2,000 hommes des dépôts pour les différents corps d'armée. Mon intention n'était pas de mettre les pièces de 24 que j'avais fait venir, à la tête de pont de Praga, mais bien d'en faire deux batteries, pour placer sur la rive gauche pour défendre la droite, en mettant la tête de pont des pièces de 12 et d'autres calibres. Expliquez-vous-en dans ce sens avec le gouverneur. Il est bien urgent que l'on arme, non les redoutes éloignées, mais la tête de pont proprement dite.

J'ai autorisé le maréchal Augereau à retourner en France, et je lui ai écrit à cet effet hier.

Je suis surpris que le 20 vous n'ayez pas reçu une relation officielle de Savary; vous aurez depuis reçu le bulletin.

Je suis étonné que les travaux de Praga ne soient pas plus avancés. Voyez les officiers du génie et le gouvernement de Varsovie pour qu'on fournisse 2,000 ouvriers par jour, pour avoir enfin là un ouvrage respectable.

Je vous envoie une lettre de M. Daru. Vous verrez le président du gouvernement et lui ferez sentir combien ces contrariétés, sont malheureuses. Faites donner les ordres les plus positifs pour que le département de Posen secoure, de toutes les manières, l'armée, qui aujourd'hui se nourrit par Thorn.


Osterode, 23 février 1807

Au général Clarke

Je ne sais pas si j'ai donné l'ordre de faire venir le régiment de fusiliers de ma Garde à Thorn. Si ce régiment n'est pas parti de Stettin pour s'y rendre, faites-le partir sans délai.

Je suis bien aise que le duc de Weimar ne soit pas venu à Varsovie. Vous trouverez ci-joint une lettre de la princesse Henri. Faites-moi connaître en quoi consistent ses revenus, qui les touche, et ce que je dois faire pour elle.

Je vous avais chargé de faire bloquer, avec les deux régiments italiens, la place de Kolberg. Vous ne m'avez jamais répondu sur l'exécution de cet ordre; il faut que ma lettre ait été interceptée.


Osterode, 24 février 1807

Ordre pour M. de Montesquiou, officier d'ordonnance de l'Empereur

M. Montesquiou se rendra à Graudenz; il verra les postes qu'occupent mes troupes et prendra leur état de situation. Il reconnaîtra la forteresse, verra comment se fait la communication de la rive droite à la rive gauche, la situation respective des deux rives; après quoi il viendra me joindre en toute diligence et m'apportera ses reconnaissances; il recueillera des renseignements sur la situation de la forteresse et sur les approvisionnements.


Osterode, 23 février 1807

Au roi de Naples

Je reçois votre lettre du 2 février. J'ai reçu aussi les pièces relatives à cette infâme affaire de l'assassinat des Français aveugles revenant d'Égypte. Cela fait horreur. Il faut faire imprimer, en italien et en français, toutes les pièces du procès. Ce sera un monument pour l'histoire.


Osterode, 24 février 1807

Ordre pour M. de Saint-Aignan

L'aide de camp Saint-Aignan se rendra à Marienwerder, de Marienburg, et de là à Elbing. Il m'enverra, de chacun de ces endroits, un rapport qui me fasse connaître la nature du pays, les ressources qu'il offre en subsistances. A Marienburg il s'informera si l'ennemi est en force dans la Nogat, et reconnaîtra ce bras de la Vistule, de sa naissance jusqu'à la mer.

D'Elbing, il me fera connaître les ressources de la ville en subsistances. Si les communications sont libres entre Elbing, Marienburg et le maréchal Lefebvre, il doit s'approcher de Danzig; si l'ennemi n'est pas dans la Nogat, il s'en approchera et reconnaîtra cette île se rendra au camp du maréchal Lefebvre.

Il m'expédiera son rapport de Marienburg par un courrier, que celui d'Elbing.


Osterode, 24 février 1807

Au maréchal Kellermann

Mon Cousin, j'ai besoin de troupes. Je suppose que vous avez fait partir les 5e, 6e, 7e et 8e régiments provisoires; ce qui me mettra à même d'appeler à l'armée les quatre premiers, et de les incorporer dans les cadres. Écrivez au gouverneur de Cassel pour qu'il renvoie le régiment de Paris et le régiment italien à Berlin. La grande quantité de conscrits qui vous arrivent vous mettra à même de lui envoyer des forces, lorsqu'il en aura besoin. Redoublez de zèle pour habiller, armer et équiper les conscrits, pour réparer les pertes de l'armée. Nous battons constamment l'ennemi, mais nous perdons du monde. Indépendamment des régiments provisoires, faites partir de bons détachements de conscrits habillés et armés, pour Magdeburg, afin de renforcer nos cadres. Le 3e régiment de ligne n'est plus à Braunau et est en marche pour rejoindre la Grande Armée. Dirigez donc sur Berlin un bon détachement du 4e bataillon de ce régiment pour renforcer les trois premiers. Aussitôt que les 3e bataillons des 17e et 21e régiments de ligne seront à 1,000 hommes, formez-les à six compagnies, chacune de 150 hommes, et dirigez-les sur Berlin.

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Gardez les cadres des autres compagnies, pour pouvoir les renvoyer dans un mois d'ici avec trois ou quatre autres cents hommes.


Osterode, 24 février 1807

Au prince Eugène

Mon Fils, faites partir pour la Grande Armée le 4e régiment de ligne italien, que vous compléterez à 2,000 hommes, et un régiment de chasseurs italiens, que vous porterez à 600 chevaux. Que l'un et l'autre de ces régiments se mettent en marche sans délai en se dirigeant d'abord sur Augsbourg.


Osterode, 25 février 1807

A M. Cambacérès

 Mon Cousin, j'ai défendu que, dans les régiments suisses, on reçût des étrangers. On a cependant la rage d'y recevoir des Prussiens et même des Russes. On met ainsi à mes ennemis les armes à la main. Ce système est trop ridicule. Voyez le ministre Dejean et le ministre de la police, et qu'il soit pris des mesures pour qu'aucun étranger ne soit admis dans ces régiments. Il est tout simple que je me fie aux Suisses, qui sont connus par leur fidélité, et non pas à mes ennemis. Cet objet est très-important.


Osterode, 25 février 1807

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, je voulais vous écrire de venir à Thorn et de là à Osterode, car j'ai besoin de vous parler; mais je ne suis pas encore décidé : il est possible que, dans quelques jours j'aille faire un tour à Varsovie. Ce que je désire, c'est que vous commenciez à vous défaire du corps diplomatique, en le renvoyant à Berlin. Il est vrai que, lorsque vous viendrez me joindre, en disant que vous allez à Berlin, ce sera le moyen le plus simple d'y renvoyer tous ces messieurs.

Je désirerais bien avoir de la cavalerie polonaise pour m'en servir contre les Cosaques. J'avais 3 ou 4,000 hommes de levée polonaise que le prince Poniatowski m'a dissoute, et je ne sais trop sur quoi je puis compter actuellement. Ce bureau de la guerre de Varsovie ne fait rien, et laisse désorganiser l'armée polonaise. Il y a ici deux régiments bien montés et habillés; on leur a ôté les colonels et les commandants, de manière qu'ils sont commandés par des capitaines. Tâchez de voir ce que cela veut dire.


Osterode, 25 février 1807

Au général Duroc

Mes dernières lettres de Varsovie sont du 20; les dernières de Savary sont du 18. J'ai donné l'ordre au quartier général de se rendre à Thorn. Je désire que vous restiez encore quelque temps à Varsovie. Faites expédier les vivres sur l'une et l'autre rive. Rien de nouveau, si ce n'est que j'ai beaucoup de peine à vivre.


Osterode, 25 février 1807

Au général Duroc

J'ai nommé le maréchal Masséna au commandement du 5e corps. Dites à Savary que j'ai été content de lui, mais que j'ai besoin de l'avoir auprès de moi; que je n'ai à présent presque plus personne. Confiez-lui que mon projet, à son arrivée au quartier général, est de lui donner le grand cordon pour son combat d'Ostrolenka.

J'ai autorisé le maréchal Bessières à faire partir de Varsovie les trois quarts de tous les gendarmes d'élite et de toute la Garde, hormis 50 hommes à pied et 50 hommes à cheval, qui resteront de piquet au palais. Annoncez qu'il est possible que je vienne faire un tour à Varsovie, avant de me rendre à Berlin. Je désire qu'on dise que je vais à Berlin, afin d'y porter ce corps diplomatique dont la présence est si inutile à Varsovie.

Veillez à ce qu'on fasse du biscuit et qu'on dirige tout sur Thorn et sur Osterode. Envoyez la lettre ci-jointe au prince Jérôme, par un courrier ou un officier; elle est pressée; il pourra me porter la réponse directement par Thorn. J'imagine que le maréchal Lannes est toujours dans un mauvais état de santé. Augereau aura reçu la permission de retourner en France. Je crois vous avoir déjà mandé qu'aussitôt que Rapp pourra être disponible je désirerais qu'il se rendit à Thorn, où il prendra le commandement de la place. C'est là qu'est le pivot et qu'il faut un homme de zèle et d'autorité. Quant à mes effets, je désire qu'une partie reste encore quelque temps à Varsovie, et que l'autre partie se dirige, par la rive gauche, sur Thorn. C'est à vous à distinguer ce qu'il faut faire partir et ce qu'il faut laisser. Il ne serait pas effectivement impossible que, d'ici à quelques jours, je ne vienne faire un tour à Varsovie.

Je vous envoie Tascher, officier d'ordonnance, pour le faire habiller. Envoyez cette lettre à Savary par un officier.


Osterode, 25 février 1807

Au prince Jérôme

Mon Frère, j'ai perdu du monde à la bataille d'Eylau. La victoire a été longtemps disputée et l'ennemi a fait des efforts de toute espèce. Je vous ai mandé de m'envoyer la moitié des troupes bavaroises en infanterie, cavalerie et artillerie, et de les diriger sur Varsovie. Je suppose que ce corps est déjà à plusieurs jours de marche et va arriver incessamment sur la Vistule. Je n'attache aucune importance à la place de Kosel, ni aux places de Silésie. Je vous ai mandé de faire démolir Schweidnitz, Breslau et Brieg, et de tout concentrer sur Glogau, d'approvisionner cette place et de la tenir en bon état.

Je vous prie de me faire connaître quelle est la force nécessaire pour garder Glogau, me maintenir maître de Breslau, et contenir le pays et le prince de Pless. Les Wurtembergeois ne seraient-ils pas suffisants pour cela ? Si cela est, laissez le commandement des Wurtembergeois au général Vandamme, avec l'instruction que je viens de vous donner; et, avec la division bavaroise qui vous reste, tenez-vous prêt à vous porter sur Posen. Avant votre arrivée, vous recevrez des ordres sur le lien de votre destination. Vous vous réunirez au corps de réserve, et vous ferez là la grande guerre. Mais il faut que le général Vandamme, avec les troupes que vous lui laisserez, se charge de se maintenir maître de Schweidnitz et de réprimer les incursions de l'ennemi. Comme nous sommes fort loin et que les événements militaires se succèdent avec rapidité, tenez conseil avec Vandamme et Hédouville, et agissez. Faites diriger le plus de cartouches et de coups de canon que vous pourrez sur Thorn. Faites cependant tout avec prudence, afin de ne donner aucune espèce d'alarme.

Donnez l'ordre au général Montbrun de se rendre à Varsovie, prendre le commandement de la cavalerie légère du 5e corps.

Le 10e bataillon du train doit être arrivé à Breslau ou à Glogau; faites-lui donner des chevaux et des harnais, et, à mesure qu'une compagnie aura des chevaux, faites-les atteler à des voitures de munitions de guerre et dirigez-les sur Thorn.

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Envoyez, par un officier, cette lettre au général Savary.


Osterode, 25 février 1807, midi et demi

Au maréchal Soult, à Liebstadt

Mon Cousin, le maréchal Bernadotte mande qu'hier 24 les Prussiens avaient trois bataillons d'infanterie à Braunsberg et paraissaient avoir été dans l'intention de marcher sur Elbing avec 4,000 hommes. Le 23, ils se sont avancés sur Guttstadt avec quelques bataillons; le maréchal Ney les a culbutés sur Heilsberg, et, le 24, il avait le projet de les pousser sur Heilsberg. Je n'ai point de nouvelles de ce qu'il a appris là. Le 23 au soir, à cinq heures, vous avez rendu compte que vous n'aviez pas jugé à propos de prendre Wormditt. Je n'ai point de nouvelles de vous d'hier.

Le 5e corps a culbuté entièrement tout ce qu'il avait devant lui. Il y a eu des événements assez avantageux de ce côté. Il faut garder en force le pont d'Alken, qui protège le flanc du maréchal Bernadotte. Faites-moi connaître, par le retour de l'officier d'ordonnance que je vous expédie, ce que vous savez et conjecturez, et votre position exacte.

Si vous aviez déjà mandé ce matin au major général tous les renseignements que vous avez, et que vous n'ayez rien à y ajouter, vous pouvez expédier l'officier d'ordonnance demain ou cette nuit, lorsque vous aurez quelques nouvelles.


Osterode, 25 février 1807

Au général Clarke

Je vous ai mandé de faire bloquer Kolberg par deux régiments italiens. Si vous pensiez que, vu la force de la garnison, ces deux régiments ne fussent pas suffisants, faites-les marcher pour prendre position de manière à former un corps d'observation qui tienne en respect cette garnison. Ils pourraient prendre poste à Koeslin ; ils en imposeraient à la garnison de Kolberg et seraient à même de s'approcher de Danzig à mesure que les opérations deviendront plus importantes. Vous donnerez l'ordre au général Teulié, qui commande cette division, de correspondre avec le maréchal Lefebvre, qui est devant Danzig.


Osterode, 25 février 1807

Au général Lagrange

Faites partir le régiment italien et le régiment de Paris pour Berlin. Si les Hollandais sont encore à Cassel, faites-les partir pour rejoindre leur poste. Il est probable que les Hessois voudront rester tranquilles; s'ils ne l'étaient pas, vous seriez bientôt renforcé par la grande quantité de conscrits que réunit le maréchal Kellermann. Cette disposition ne souffre point de délais. Exécutez sur-le-champ le présent ordre, à moins que son exécution ne compromit éminemment la sûreté du pays.


Osterode, 25 février 1807

Au roi de Hollande

On me rend compte que le commerce entre la Hollande et l'Angleterre n'a jamais été plus actif que depuis le décret du blocus, et les communications plus rapides et plus nombreuses avec l'Angleterre. J'ai besoin que vous renforciez votre corps de Hambourg, parce que j'ai été forcé d'en retirer 3,000 hommes pour les porter au corps du maréchal Mortier.


Osterode, 26 février 1807

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, j'ai reçu votre lettre du 20. J'imagine que M.. Maret est parti de Varsovie sur l'ordre que je lui a donné de Liebstadt le 21. Il n'y a ici rien de nouveau. Un aide camp du roi de Prusse m'a apporté une lettre de ce prince. Je vous mettrai au fait de ce qui se passe, à notre prochaine entrevue.


Osterode, 26 février 1807

Au général Duroc

Je reçois votre lettre du 23. Il paraîtrait que l'ennemi s'avance, l'engagement aurait lieu dans deux ou trois jours. Ce matin, à Peterswalde, à trois lieues en avant de Guttstadt, on a pris un général-major, baron de Korff, et trois bataillons russes. Ma plus grande inquiétude est pour les subsistances. J'imagine que l'intendant général est parti pour Thorn; cela est très-important, pour qu'il prépare moyens de subsistances et qu'il évacue tous les blessés sur Posen au delà de la Vistule; qu'il nous envoie des chirurgiens, puisqu'il est possible qu'il y ait encore des blessés. Il faut prendre les communications par la rive gauche de la Vistule comme la plus certaine. Masséna doit être arrivé. Je désire que Rapp et Lemarois se dirigent sur Thorn, le premier, pour prendre le commandement de la ville et avoir la haute main sur l'administration civile et militaire. Portez-vous-y aussi, si vous êtes parfaitement guéri. Faites réparer le pont; évacuez les blessés et envoyez des subsistances à l'armée. Je ne suppose pas que vous y soyez avant six jours. Je crois avoir déjà ordonné que tous les dépôts de la rive droite fussent sur la rive gauche. Pressez aussi Savary de venir me joindre. Prévenez Masséna de ce que je vous dis là, pour qu'il se rende à son corps d'armée et qu'il manœuvre selon les circonstances et ses instructions générales; qu'il empêche surtout les divisions d'Essen, de Müller, et la troisième, qui est actuellement du côté de Johannisburg, de se réunir à l'armée ennemie. Écrivez au prince Jérôme qu'il active l'arrivée des Bavarois. Comme la communication directe peut être fort utile pour communiquer rapidement avec Masséna, il faut conserver la ligne de la Wkra, en se servant de quelques Polonais. Parlez-en dans ce sens à ce maréchal. Je reçois le premier courrier par la communication directe. Par cette route je reçois votre lettre du 24. En cas que, pour objets importants, il fallût se servir de la rive gauche, on peut se servir de la nouvelle route pour des objets moins importants, et même en se servant de Polonais affidés; ils sont toujours assez adroits pour passer. Je désire que tous les jours on m'expédie un courrier par cette route; arrivant en trente-six ou quarante heures, c'est une grande satisfaction. On peut aussi, pour des nouvelles importantes qu'on aurait à faire passer, faire des cachettes, telles que la semelle des souliers ou autres, afin que, le courrier arrêté, la dépêche ne fût pas trouvée.


Osterode, 26 février 1807

Au général Rapp

Prenez le commandement comme gouverneur. Le général Jordy reste comme commandant d'armes. Faites évacuer les blessés sur Bromberg, Posen et la rive gauche. Renvoyez les officiers et généraux à leur poste. Faites rejoindre les traînards. Faites raccommoder le pont et filer les convois de subsistances sur Osterode. Le 44e doit être arrivé à Thorn pour tenir garnison. Établissez une sévère police. Envoyez-moi souvent des nouvelles du lieu où se trouve le maréchal Lefebvre, de ce qu'il fait, et faites-lui connaître votre arrivée à Thorn. Mettez-vous en correspondance avec le général qui commande le blocus de Graudenz, afin qu'il vous fasse passer ce qui viendra à sa connaissance; et, de votre côté, instruisez-le des événements qui se passeront, pour lui servir de règle de conduite.

L'ennemi manœuvre comme s'il voulait s'avancer. Je suis résolu à lui livrer bataille ici. La seule chose qui me donne un peu de sollicitude, ce sont les subsistances; procurez-nous-en autant que vous pourrez. N'épargnez pas l'argent pour les transports; que les caissons de la compagnie Breidt reviennent chargés de subsistances. Renvoyez ici Lombart, du moment qu'il aura jeté un coup d'œil et organisé son service. Je compte sur votre zèle dans cette circonstance importante.


Osterode. 26 février 1807

Au général Amey, commandant à Elbring

Secondez le commissaire ordonnateur Mathieu Faviers dans toutes ses mesures. Tenez des postes de cavalerie sur les routes de Braunsberg et Danzig, afin de n'être pas surpris. Envoyez-moi le meilleur plan de la ville et des environs que vous pourrez vous procurer. Faites-moi connaître la nature des chemins jusqu'à Danzig, et s'il y a des ennemis dans la Nogat; l'espèce de bâtiments qui naviguent dans le Frische-Haff. Tâchez d'avoir des nouvelles du maréchal Lefebvre, qui ne doit pas tarder de se porter devant Danzig. Le général Boivin, avec le 2e léger et deux pièces de canon, est à Marienburg; vous pourrez vous en servir, s'il arrivait que vous ayez besoin d'infanterie, contre les détachements de cavalerie ennemie. Mettez-vous en correspondance avec lui. Envoyez au major général un rapport tous les jours.


Osterode, 26 février 1807

A M. Tournon, à Thorn

Je vois avec plaisir l'envoi de 30,000 rations de pain et de biscuits et de 100,000 rations d'eau-de-vie. Faites succéder les envois. Que tous les caissons qui arriveront repartent chargés de blé pour Osterode. Que tous les convois qui arrivent de Varsovie, de Bromberg, de Posen, chargés de subsistances, passent outre.

Faites aussi raccommoder le pont.


Osterode, 26 février 1801, 5 heures du soir

Au maréchal Soult

Notre position ici sera belle lorsque nos vivres seront bien assurés. Nous avons trouvé à Elbing 80,000 quintaux de blé et une grande quantité de vin ; j'ai beaucoup de biscuit en route de Thorn, et beaucoup de farines à Bromberg; j'espère donc que, dans quatre ou cinq jours, nous serons dans une situation supportable, et que, si nous devions nous réunir sur le beau plateau d'Osterode, nous aurons des vivres.

Le commissaire ordonnateur Mathieu Faviers, que j'ai envoyé Elbing, me rend compte qu'il vous a expédié 10,000 rations de pain et vingt-quatre pièces de vin; qu'il les a expédiées sur Mohrungen.

De Mohrungen à Elbing il n'y a, je crois, que douze lieues; vous aurez donc dû les recevoir aujourd'hui. Mandez-moi ce qu'il en est. J'imagine que vous ne devez pas tarder à recevoir de Marienwerder un convoi qui vous est destiné; et, enfin, les localités, doivent vous fournir quelques ressources.

Dites-moi clairement où en ont été les choses jusqu'à cette heure, et où elles en sont actuellement. Parlez-moi du pain, des pommes de terre, de la viande et de l'eau-de-vie. La grande difficulté, pour tirer des vivres d'Elbing, sera des voitures. Si vous en avez, envoyez-en quelques-unes.

Je reçois votre lettre du 26 à dix heures du matin. L'ennemi a fait des mouvements à peu près pareils aux vôtres, du côté de Guttstadt. Étudiez le pays pour que, lorsque Klein sera arrivé et reposé, et que vos gens auront du pain assuré pour deux jours, vous puissiez sortir et faire à l'improviste une belle expédition qui puisse vous donner 5 ou 600 prisonniers. J'espère que vous avez pris tellement vos mesures que personne ne passe la rivière et que l'ennemi ne peut être prévenu de rien. Voici ce que je sais des mouvements de l'ennemi : les Prussiens étaient à la gauche, du côté de Heilsberg; ils se portent devant vous pour gagner Braunsberg et reprendre la droite. Vous voyez combien ce mouvement est faux, et comme, si nous avions du pain et de l'eau-de-vie, ils pourraient s'en repentir. Faites-moi connaître l'état de situation exact de Klein et de votre corps. Calculez un petit mouvement de nuit qui environne, à huit heures du matin, les postes ennemis. Puisque les Cosaques aiment les parlementaires, envoyez-en qui sachent parler tout autant qu'il faut pour les faire jaser. Je ne pense pas que l'ennemi puisse mettre en bataille, cavalerie et infanterie prussiennes et russes, plus de 55,000 hommes. Je puis, en un jour et demi, en réunir plus de 90,000.

J'ai ordonné une chaîne de postes d'ici à Liebstadt, et j'emploie à cela les Polonais qui n'ont point d'armes. J'en ai 800 qui auront des armes d'ici à deux jours, et alors je vous en enverrai.

Je suppose que vous faites battre du blé dans les cantonnements, et moudre dans les moulins.


Osterode, 26 février 1807, 6 heures du soir

Au général Durosnel, à Elbing

Monsieur le Général Durosnel, reconnaissez l'île de Nogat. Tenez des postes sur la route de Braunsberg et de Danzig. Faites-moi connaître les nouvelles que vous avez du maréchal Lefebvre et de ce que fait la garnison de Danzig. Envoyez tous les jours au grand-duc de Berg un rapport détaillé des convois de vivres qui partent et de tout ce qui se passe dans les environs. Le prince de Ponte-Corvo va se porter sur Braunsberg, s'il n'y est déjà. Ayez un gros détachement qui se porte sur la route, tant pour l'aider que pour savoir ce qui se passe, afin de pouvoir en instruire, à Elbing, le général Boivin, sur la route de Marienwerder, et même le maréchal Lefebvre, lorsqu'il sera arrivé à hauteur.


Osterode, 26 février 1807, 11 heures du soir

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, je reçois votre lettre du 23. M. de Hohenzollern a eu tort de dire qu'il y a eu des courriers interceptés; il n'y en a eu aucun. M. de Saint-Aignan est arrivé, et j'ai reçu toutes vos lettres. Si l'on m'a expédié des courriers par la rive droite de la Vistule, je pense qu'il est convenable de reprendre la direction de la rive gauche, par Thorn. L'ennemi parait être en mouvement. Ce matin, à la pointe du jour, nous avons pris le général-major russe baron de Korff et trois bataillons russes au petit village de Peterswalde, à trois lieues en avant de Guttstadt. Par les renseignements que l'on a reçus, il paraîtrait que l'ennemi marche. Si tant est qu'il avance, peut-être lui livrerai-je bataille à Osterode. Publiez cet événement de Peterswalde. Voyez si l'on peut faire des efforts pour nous envoyer des voitures et des subsistances à Thorn. J'ai lu la relation de M. de Bennigsen que vous m'avez envoyée; cela fait hausser les épaules.


Osterode, 26 février 1807, 11 heures et demie du soir

Au maréchal Soult

Mon Cousin, je vous ai expédié, à quatre heures après midi, un colonel polonais. Ayant reçu, depuis, la nouvelle du petit combat qui a eu lieu ce matin à la pointe du jour, à trois lieues en avant de Guttstadt, au petit village de Peterswalde, où on a fait prisonnier le général baron de Korff, le major général vous en a donné avis. J'ai peine à penser que, par l'horrible temps qu'il fait, l'ennemi veuille engager une affaire avec nous; ce serait un étrange aveuglement. Toutefois je suis décidé à tenir sur le plateau d'Osterode, où je réunirai en un jour et demi plus de 95,000 hommes; mais il serait fâcheux qu'il nous laissât là après avoir logé quelques-uns de ses avant-postes dans nos cantonnements. Il faut ne les quitter que quand il paraîtra en force et que la prudence le prescrira. S'il ne vous présente que des forces inférieures, culbutez-le, et que, par votre contenance, l'ennemi soit prévenu que nous ne voulons point abandonner la position et que nous sommes bien décidés à la défendre. Pour passer une rivière et attaquer une ligne, il faut que l'ennemi démasque ses forces. Mais faites évacuer vos malades, vos blessés et vos équipages inutiles. Correspondez avec le prince de Ponte-Corvo et écrivez-lui dans ce sens, en l'informant de ce qui s'est passé devant vous et de ce que vous faites. J'ai donné des ordres conformes au maréchal Ney. On a toujours dû s'attendre que, même en supposant que l'ennemi n'eût pas l'intention de livrer une bataille, il serait disposé à tâter notre résolution et à s'établir, s'il le pouvait, sur la rive droite de la Vistule.


Camp impérial d'Osterode, 26 février 1807

Au roi de Prusse

Monsieur mon Frère, j'ai reçu la lettre de Votre Majesté, en date du 17 février, que m'a remise son aide de camp le colonel de Kleist. Je lui ai fait connaître ce que je pensais de la situation actuelle de nos affaires. Je désire mettre un terme aux malheurs de votre Maison et de vos peuples, et réorganiser promptement la monarchie prussienne, dont la puissance intermédiaire est nécessaire à la tranquillité de toute l'Europe. Je désire la paix avec la Russie, et, si ce gouvernement n'a aucun projet sur la Turquie, il me semble qu'il serait possible de s'entendre. La paix avec l'Angleterre n'est pas moins nécessaire à tous les peuples; et je n'aurais aucune difficulté à envoyer à Memel un plénipotentiaire pour assister à un congrès tenu entre la France, l'Angleterre, la Russie, la Prusse et la Porte. Mais Votre Majesté comprendra, comme l'expérience des temps passés l'a prouvé, qu'il serait possible qu'un tel congrès restât plusieurs années en séance; celui de Westphalie a, je crois, duré dix-huit ans. Cependant la situation de la Prusse ne permet pas cet état précaire et incertain pendant tout le temps qu'il faudrait pour discuter, commenter et concilier de pareils intérêts. Je pense donc que Votre Majesté me fera bientôt connaître qu'elle a adopté le parti le plus simple, le plus expéditif, celui qui est vraiment conforme au bien de ses peuples. Ce que je prie Votre Majesté de tenir pour certain, c'est que je suis dans les dispositions les plus favorables pour le rétablissement de nos anciens rapports; et même j'ajouterai que je désire un accommodement avec la Russie et l'Angleterre, si elles le veulent véritablement. J'aurais horreur de moi d'être la cause de l'effusion de tant de sang ; mais, si l'Angleterre croit cette effusion de sang utile à ses projets et à son monopole, qu'y puis-je ?


Osterode, 27 février 1807

NOTE POUR LE MARÉCHAL BESSIÈRES

Le maréchal Bessières donnera ordre à la compagnie des marins de la Garde de se rendre à Marienwerder pour la construction du pont. Il se concertera avec le général Songis pour que ces marins prennent à Graudenz 40 bateaux qui s'y trouvent, et passent de nuit sous le fort pour se rendre à Marienwerder. Il chargera le capitaine de frégate qui les commande de lui rendre compte chaque jour de l'avancement du pont, et d'envoyer un officier à Elbing pour sonder le port et le Frische-Haff, afin de savoir quelle espèce de bâtiment: peuvent y entrer, et quelle espèce de bâtiments on pourrait armer pour être maître du Frische-Haff.


Osterode, 27 février 1807

Au maréchal Lefebvre

Mon Cousin, le major général vous écrit pour vous faire connaître que mon intention est que vous vous empariez sans délai de l'île de Nogat, et que vous établissiez vos communications avec Elbing, Marienwerder et Marienburg. J'attends que vous me fassiez connaître que vous approchez de Danzig et qu'un pont est établi sur le bas de la Vistule, pour porter mon quartier général à Elbing.

Faites passer sans délai sur la rive droite toute la cavalerie polonaise; j'en ai besoin pour l'opposer aux Cosaques. Vous avez assez de cavalerie, ayant deux régiments français; vous avez plus qu'il ne faut pour mettre la terreur dans la cavalerie prussienne.

Donnez-moi de vos nouvelles. Des bruits vagues disent qu'il y a eu une affaire à Dirschau, où vous avez battu la garnison de Danzig. Hier une division russe et prussienne s'est rencontrée à Braunsberg avec le général Dupont, qui les a culbutées, leur a fait 2, 000 prisonniers, pris 2 drapeaux et 14 pièces de canon. Il me tarde d'avoir de vos nouvelles.

Ne faites aucune réquisition sur la rive droite, qui fournit à notre armée; nourrissez-vous sur la rive gauche, et faites faire entre Thom et Danzig, dans les principaux points, des magasins qui puissent nous servir suivant les événements. Il faut surtout que ces magasins contiennent de la farine plutôt que du blé. Si on pouvait y faire du biscuit, ce pourrait être, suivant les circonstances, une grande ressource.


Osterode, 27 février 1807

Au général Dombrowsky

Monsieur, j'ai ici deux régiments de Polonais à cheval qui sont sans organisation. Je les ai mis provisoirement sous les ordres du général Krazinski. Mon intention est qu'immédiatement après la réception du présent ordre vous fassiez passer soit à Marienwerder, soit à Marienburg, tous les Polonais à cheval qui sont sur la rive gauche de la Vistule, soit sous vos ordres, soit même dans leurs cantonnements. Le régiment que commande votre fils passera le premier. J'ai besoin de toute cette cavalerie pour l'opposer aux Cosaques. Je voudrais en avoir 4 ou 5,000. Mettez la plus grande diligence dans ce mouvement. Il n'est pas nécessaire qu'ils attendent que le pont de Marienwerder soit fait; ils peuvent passer sur des barques.

Par le retour de l'officier, faites-moi connaître la force de chacun de ces régiments, et le jour où ils arriveront sur la droite de la Vistule. On ne leur a refusé ni pistolets, ni sabres, ni carabines à Posen, à ce que m'a dit le général d'artillerie.


Osterode, 27 février 1807

Au maréchal Soult, à Liebstadt

Mon Cousin, il est trois heures après midi; comme je n'ai point de nouvelles de vous de ce matin, j'en conclus que l'ennemi n'a fait aucun mouvement et qu'il n'y a rien de nouveau. 

Il est possible que l'ordre que j'ai envoyé au maréchal Ney d'occuper Guttstadt ne lui arrive pas à temps, et qu'il ait évacué ce poste important. Dans ce cas, je lui donne ordre de se porter demain à Detterswalde et à Alt-Ramten, pour être à même de soutenir Deppen et de se porter à Mohrungen ou à Liebstadt.

Dans la journée de demain je réunis ici le corps de Davout, la division d'Oudinot et ma Garde, et je mets en mouvement les trois divisions de cuirassiers.

Le prince de Ponte-Corvo vous aura sans doute instruit du combat de Braunsberg. Le général Dupont s'y est porté hier à quatre heures après midi avec sa division, a attaqué l'ennemi, l'a culbuté, lui a pris seize pièces de canon et fait plusieurs milliers de prisonniers. Je n'ai point encore la relation écrite, ni les renseignements qu'il a dû prendre, des prisonniers et des habitants, sur la position de l'ennemi; je n'ai ai été instruit que par un aide de camp parti du champ de bataille Nos troupes n'ont point souffert. On prenait position, à la nuit, à une lieue et demie en avant de Braunsberg. S'il n'a pas été attaqué aujourd'hui, ce sera un signe que l'ennemi n'est pas en force à Mehlsack. Il parait qu'il y avait à Braunsberg huit bataillons russes formant un force de 2,500 hommes et cinq régiments prussiens; total, 8 à 10,000 hommes. Si l'ennemi s'était dirigé sur l'Alle, il serait possible que je me résolusse à faire quelques opérations sur sa droite; cela nous donnera au moins la mesure de ses projets. Braunsberg nous garantit Elbing et le bas de la Vistule, et donne le temps au maréchal Lefebvre d'investir Danzig. Jusqu'à cette heure rien ne prouve que l'armée ennemie ait marché en masse. Elle paraît n'avoir encore agi sur nous que par des arrière-gardes, et, dans ce cas, elle aurait voulu nous tâter.


Osterode, 21 février 1801, 4 heures et demie du soir

Au maréchal Soult

Mon Cousin, le général baron de Korff et son aide de camp, qi ont été pris au combat hier, viennent d'arriver au quartier général. J'ai interrogé l'un et l'autre séparément assez longuement. Il résulte que ce général commandait cinq régiments de chasseurs et n'avait cependant que 1,500 hommes sous les armes; qu'il se plaignait beaucoup de la mauvaise conduite de son infanterie; qu'il parait que les Russes sont comme nous, qu'ils n'ont pas mangé depuis plusieurs jours; qu'il fait partie de l'avant-garde que commande Platof, et dont le quartier général était hier à Landsberg; qu'il croit toujours le grand quartier général à Kreuzburg; que cette avant-garde est composée de trois brigades sous les ordres de trois généraux-majors, formant à peu près 4 à 5,000 hommes d'infanterie; que, comme il formait la gauche, il est probable que vous en avez une devant vous. Je suis dans l'opinion que, si la division Klein vous est arrivée et que vous puissiez réunir 6,000 hommes demain avant le jour, en ne vous servant de ces troupes que comme réserve et ne faisant donner qu'une petite colonne, vous pourriez très-bien enlever demain un bataillon, faire des prisonniers et avoir des nouvelles positives de ce qu'il y a à Mehlsack. Ce général a dit positivement : "L'empereur ne sait pas qu'il n'a plus d'armée, tant elle est délabrée et affaiblie."

Mais il faudrait avoir bien connu le local et attaquer avant le jour. Ils se gardent extrêmement mal. Vous sentez combien il serait précieux de faire quelques prisonniers de marque et de bon sens. Vous ne manquerez pas de réunir une vingtaine de canons, que vous placerez en deçà de la Passarge pour servir de protection et rallier vos troupes, en cas qu'il y ait plus de forces qu'on ne peut le penser. Autant que je puis conjecturer, les Russes ont mis en avant les Prussiens avec leur avant-garde d'infanterie légère; s'il était vrai que vous n'eussiez pas plus de 15 à 1800 hommes d'infanterie russe devant vous, vous pourriez les culbuter. D'ailleurs, le jour venant sur ces entrefaites, vous seriez toujours maître de vous replier sur votre batterie. Vous devez regarder ceci comme un conseil, et non comme un ordre, puisque tous les indices que vous aurez reçus dans la journée, avec ceux que je vous donne là, vous mettront à même d'avoir une idée. Envoyez auprès du prince de Ponte-Corvo un aide de camp, qui pourra retourner dans la nuit, pour recueillir les renseignements qu'on a eus à Braunsberg. Vous êtes trop loin de Braunsberg pour pouvoir y envoyer un officier, ce qui serait encore le plus sûr, informez-vous surtout avec soin si les régiments russes qui se trouvaient à Braunsberg hier étaient des chasseurs ou des troupes de ligne.

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Au moment même, quatre heures et demie du soir, je reçois votre lettre, partie ce matin à dix heures, où je vois que vous croyez avoir des Prussiens en face; ce qui confirme l'idée générale que j'ai de ce qui se passe. Si le maréchal Ney a effectivement évacué Guttstadt, je lui envoie l'ordre d'envoyer toute la division Lasalle et une brigade à Deppen. D'ailleurs vous avez vu que tout son corps doit être demain sous votre droite et Davout à Osterode. Je suis dans la pensée que l'ennemi n'est pas en mesure, qu'il fait des sottises. Il a déjà eu une bonne leçon à Braunsberg; on peut lui en donner une autre. Si le maréchal Ney, au lieu d'évacuer Guttstadt, eût attaqué vigoureusement ce qu'il avait devant lui, il eût eu une brillante affaire. Il n'avait pas en face plus de 4 ou 5,000 hommes. L'armée russe est considérablement affaiblie et fatiguée; ce qui importe d'autant plus que c'est la seule armée qu'ait la Russie. Dans le fait, les troupes d'Essen se sont fait battre du côté d'Ostrolenka; ce sont presque toutes de recrues.

Il me tarde d'apprendre ce que c'est que cette canonnade qu'on a entendue sur la droite. Ayez toujours, sans les démasquer, plus de canons à portée que l'ennemi.


Osterode, 27 février 1807, 5 heures et demie du soir

Au maréchal Bernadotte, à Preussich-Holland

Mon Cousin, le général russe que le maréchal Ney a fait prisonnier hier à Peterswalde vient d'arriver. J'ai causé longtemps avec lui. Il en résulte que l'armée russe n'a point fait de mouvement et qu'elle est encore en arrière; qu'elle est extrêmement fatiguée; qu'ils ont eu 23 généraux tués et 900 officiers; que les cinq régiments de chasseurs, formant dix bataillons, qu'il commandait, ne présentaient sous les armes que 1,500 hommes, 150 hommes par bataillon, 35 homme par compagnie; que le général Bagration était parti pour Saint-Péterbourg il y a huit jours, avec une lettre au nom de tous les généraux qui déclaraient qu'on ne pouvait reprendre l'offensive de longtemps, qu'on ne pouvait plus faire la guerre; qu'elle n'était conseillée que par quelques grands seigneurs achetés par l'Angleterre, ce sont ses propres mots; que son opinion était que l'armée russe ne ferait aucun mouvement, et qu'elle prendrait ses quartiers aussitôt que nous prendrions les nôtres; qu'il n'y avait devant nous que de l'infanterie légère et des Prussiens; que, du reste, ils étaient dans la misère et n'avaient pas plus que nous du pain.

J'attends avec impatience le récit de l'affaire de Braunsberg. Demain j'aurai ici le maréchal Davout, et le maréchal Ney sera près de Liebstadt. Il faut nous maintenir dans la situation où nous sommes, puisque c'est elle qui protégé Danzig, qui nous fournit des vivres d'Elbing et nous donne une position formidable, puisqu'elle conduira promptement à la paix. Si, par des raisons quelconques, Braunsberg avait été évacué, mon intention est de le reprendre. La division Oudinot et tous les cuirassiers se mettent aussi en mouvement. Le général Boivin, avec le 2e régiment d'infanterie légère, est à Marienburg. Si vous étiez pressé, vous pourrez lui envoyer l'ordre de venir vous joindre à Holland; mais ne lui en envoyez l'ordre que dans un cas pressé. Vous pourrez y joindre le billet ci-joint, que vous lui enverriez. Je vois avec peine que vous n'avez pas assez d'artillerie. Faites venir votre réserve de Thorn; ce n'est qu'avec du canon qu'on fait la guerre. J'ai dans ce moment 95,000 hommes dans la main.

Il est en vérité bien extraordinaire que cette canaille de Prussiens veuille lever le ton. On a entendu du canon aujourd'hui de votre côté; je désire fort savoir ce que c'est. C'est une diversion que l'ennemi aura voulu faire en faveur de Braunsberg. Je ne pense pas qu'il puisse y avoir là des forces suffisantes pour vous en imposer. Si les indices que vous avez sont conformes aux notions générales que j'ai, culbutez tout ce qui aurait passé la Passarge.

Je vois avec peine que vous êtes un peu malade; j'espère que ce ne sera rien, et que la force de l'âme surmontera cette indisposition.


Osterode, 27 février 1807

A M. de Talleyrand

Monsieur le Prince de Bénévent, une division de 10,000 Russes s'était portée à Braunsberg, sur l'extrémité de mes cantonnements qui sont à l'embouchure de la Passarge. J'ai donné ordre au prince de Ponte-Corvo de la faire attaquer; il a envoyé le général Dupont avec sa division. Hier 26, à trois heures après midi, ce général est arrivé à Braunsberg; il a attaqué l'ennemi, l'a culbuté, lui a pris ou blessé 2,000 hommes, en a tué 400, et a mis le reste en déroute. Deux drapeaux et seize pièces de canon ont été pris. Les ennemis étaient mi-partis prussiens et russes.

Le général russe Korff, qui a été pris hier à Peterswalde, vient d'arriver. J'ai longtemps causé avec lui. Il avait sous ses ordres dix bataillons d'infanterie légère qui n'avaient sous les armes que 1,500 hommes, c'est-à-dire 150 hommes par bataillon, tandis que leur complet est de 900 hommes. Cela donne une idée de la perte de l'armée russe. Il a confirmé qu'ils avaient perdu 20 généraux et 900 officiers, perte irréparable pour eux. Il a ajouté qu'on se garderait bien de faire venir les Gardes qui sont encore à Saint-Pétersbourg que toute l'armée était extrêmement fatiguée, et que les principaux généraux avaient, il y a huit jours, expédié Bagration pour représenter à la cour le mauvais état de l'armée et l'impossibilité de reprendre l'offensive, et appuyer sur la nécessité de s'arranger promptement avec la France et de profiter du moment actuel. Ce général nous a très-bien expliqué comment il ne restait plus de troupes en Russie; que le corps même d'Essen était composé de recrues qui ne tiennent pas, ce qui est vrai; que le corps de Michelson était de même nature; que les forces de cet empire colossal consistaient dans cette armée à demi détruite. Faites faire des articles pour les journaux de France et d'Allemagne; mais il faut en bien taire la source.

Ma position serait très-belle si j'avais des subsistances; le défaut de subsistances la rend médiocre. La ville d'Elbing nous fournit cependant d'assez notables ressources.

Faites mettre dans les journaux de Varsovie, et écrivez à Vienne et à Constantinople des nouvelles de la position actuelle.

Voyez un peu le prince Poniatowski pour qu'il nous envoie toute la cavalerie polonaise qui existe. On m'annonce qu'il y en a, dans plusieurs villes, de toute formée, qui coûte de l'argent et ne sert à rien. Qu'on dirige tout par ici. Cette cavalerie, si mal équipée qu'elle soit, est bonne contre les Cosaques et rendra des services, parce qu'elle soulagera ma cavalerie fatiguée, et éclairera mes communications.

J'imagine que Duroc et l'intendant général sont partis pour Thorn. Veillez à ce qu'on nous fasse passer du biscuit. Si la Vistule est navigable, pourquoi n'expédierait-on pas une vingtaine de milliers de quintaux de farine par cette rivière jusqu'à Thorn ? Lorsque j'aurai 20,000 quintaux de farine à Osterode, ma position sera améliorée cent pour cent.

Le maréchal Masséna doit être arrivé; communiquez-lui ces nouvelles.

Le corps d'Essen n'est composé que des recrues; ce sont de très mauvaises troupes.


Osterode, 28 février 1807

A M. Cambacérès

Mon Cousin, je reçois vos lettres du 15 et du 16 février. Faites passer une revue de tous les dépôts de ma Garde, et faites partir pour .Mayence ce qu'il y a de disponible et en état de faire la guerre, soit en infanterie, soit en cavalerie, soit en artillerie. L'infanterie ira en poste jusqu'à Mayence. Faites-moi connaître où en est l'organisation du 2e régiment des fusiliers de ma Garde.


Osterode, 28 février 1807

A M. Fouché

Je reçois vos lettres du 15 et du 16 février. Vous aurez reçu les bulletins.

Faites courir les nouvelles suivantes, mais d'une manière non officielle; elles sont cependant vraies. Répandez-les d'abord dans les salons; faites-les mettre après dans les journaux. L'armée russe est tellement affaiblie, qu'il y a des régiments qui sont réduits à 150 hommes. Il ne reste plus de troupes en Russie; tous les bons régiments sont à l'armée près de Königsberg; le corps même d'Essen n'est composé que de recrues, comme on l'a vu au combat d'Ostrolenka, où il ne s'est pas fait honneur. L'armée russe demande la paix; elle accuse quelques grands seigneurs d'être achetés par l'Angleterre et de vendre le sang russe pour l'or anglais. Les généraux, après la bataille d'Eylau, ont expédié le général Bagration à Saint-Pétersbourg, pour représenter que l'armée est presque détruite et ne pourrait soutenir la campagne prochaine, et que c'est sans raison qu'on veut soulever une nouvelle guerre contre une nation plus populeuse que la Russie, qui a plus de moyens de se recruter, et qui a plus de ressources en officiers et en hommes habiles.


Osterode, 28 février 1807

Au général Dejean

Le maréchal Kellermann a formé les 5e, 6e, 7e et 8e régiments provisoires, qu'il va m'envoyer.

Je préfère que les détachements viennent à l'armée ainsi organisés, car autrement il n'y a ni ordre, ni discipline. J'ai ordonné que quatre premiers régiments provisoires qui étaient à Berlin, et qui déjà sont dégrossis, soient dissous et envoyés à leurs corps.

J'ordonne que les 5e, 6e, 7e et 8e aillent à Berlin, et qu'il en soit formé un 9e, un 10e, un 11e et un 12e provisoires. Mais il est quelques corps, tels que le 64e de ligne et le 25e d'infanterie légère, qui ne sont point sous les ordres du maréchal Kellermann : ordonnez aux commandants des dépôts de ces régiments d'obéir aux ordres ce maréchal, et d'envoyer tous leurs hommes disponibles à Mayence pour entrer dans les régiments provisoires. Dans cet ordre ne sont pas compris le 3e bataillon du 3le d'infanterie légère et les 3e, 4e bataillons du 15e de ligne, qui sont en Poitou et en Bretagne, ni les 2e, 15e, 14e d'infanterie légère, 14e et 58e de ligne, qui sont à Paris, ni les douze 3e bataillons qui sont au camp de Boulogne.

Voici mes dispositions : vous ferez partir un détachement de 180 hommes commandés par deux officiers du 31e d'infanterie légère aussitôt que le 3e bataillon de ce régiment aura 700 hommes sous les armes, pour le service de la 12e division militaire.

Vous ne ferez rien partir des 3e et 4e bataillons du 15e de ligne qui sont nécessaires en Bretagne. Vous ferez partir sur-le-champ 500 hommes du 3e bataillon du 14e de ligne, commandés par cinq officiers. Quant aux cinq autres bataillons qui sont à Paris, aussitôt qu'ils auront plus de 600 hommes sous les armes, vous en formerez un bataillon provisoire de cinq compagnies de 160 hommes par compagnie, ce qui fera un bataillon de 800 hommes, que vous ferez partir en poste pour Mayence, bien armé et bien équipé. Vous nommerez pour le commander un major ou un officier d'état-major.

Quant aux bataillons qui sont au camp de Boulogne, il est nécessaire qu'ils aient chacun 600 hommes pour la défense de Boulogne, mais, dès qu'ils en auront plus de 600, vous ferez composer un régiment provisoire de deux bataillons, chaque corps fournira 180 hommes; bien entendu qu'on mettra toujours dans ces bataillons provisoires les hommes les plus exercés. Ce régiment partira sans délai pour se rendre à Magdeburg par Wesel. Je ne me souviens plus où se trouvent les dépôts des 72e et 65e qui étaient en Hollande; s'ils y sont encore, écrivez au maréchal Brune de faire partir de chacun de ces dépôts 160 hommes pour les bataillons de guerre. Ils se dirigeront sur Berlin. J'imagine que les 1e et 2e bataillons du 15e de ligne sont partis; s'ils ne l'étaient pas, faites-les partir pour Mayence.


Osterode, 28 février 1807

Au général Dejean

Monsieur Dejean, le roi de Naples demande le général Macdonald. Faites connaître à ce général que je verrai avec plaisir qu'il se rende dans le royaume de Naples; qu'il conservera son grade de général français, et que je lui tiendrai compte de tous les services qu'il rendra au roi de Naples.  


Osterode, 28 février 1807

ORDRES POUR LE MARÉCHAL BERTHIER

Il y aura à Marienburg un commandant d'armes nommé par le major général, et qui correspondra avec le major général tous les jours; il y aura une compagnie d'artillerie, deux officiers du génie, un commissaire des guerres, des garde-magasins.

L'ancienne enceinte sera relevée et mise à l'abri d'un coup de main. Le général Songis fera armer le plus tôt possible cette enceinte d'une douzaine de pièces de canon.

Il y aura des fours et de la farine pour nourrir 2,000 hommes pendant un mois.

Il y sera établi un hôpital de 500 lits.

Il sera établi sur la rive gauche, dans l'île de Nogat, une petite flèche, de manière que, si l'ennemi s'emparait de l'île de Nogat, le pont fût couvert et pût être défendu. Le général du génie y dirigera deux compagnies de sapeurs, et prendra des mesures pour que, dans une huitaine de jours, elle soit en état. Il n'y a dans l'armée aucun travail plus pressé.

Donner l'ordre qu'on reconnaisse sur-le-champ Dirschau, pour voir si l'enceinte est susceptible de servir de tête de pont.

Donner ordre qu'on établisse un hôpital à Mewe et un à Stargard. Les blessés seront évacués de Marienburg sur Mewe.

Le major général préparera un travail qui établisse la route de l'armée par Osterode, Marienburg, Dirschau, Neu-Stettin et Stettin et une autre de Dirschau par Bromberg et Varsovie.

Le major général proposera un officier supérieur pour commander l'île de Nogat et être chargé du gouvernement et de la défense cette île, sous les ordres du major général. Il aura quelques pieces de campagne, un détachement de cavalerie et d'infanterie pour la défense de ladite île.

Le grand-duc de Berg fera reconnaître, par un officier de son état-major, si cette île de Nogat ne serait pas propre à contenir tous nos dépôts de cavalerie.

Le major général donnera ordre au général d'artillerie de faire revenir, par la rive gauche de la Vistule, sur Thorn, les six pièces d'artillerie du parc mobile qui avaient été laissées à Varsovie aux ordres du général Lemarois.

Il donnera ordre que tous les généraux se rendent à Thorn, pour de là se rendre au quartier général d'Osterode.

Supprimer tous les commandants d'armes qui sont en Saxe, même celui de Wittenberg. Que l'artillerie rappelle les détachements de canonniers qu'elle a laissés dans les places, hormis un planton pour garder les effets; l'étendue du pays qu'occupe l'armée est telle, que l'artillerie se trouve épuisée par cette dissémination.


Osterode, 28 février 1807

Au vice-amiral Decrès

Si vous pouvez faire attaquer l'escadre russe qui est dan
s la Méditerranée et obtenir un grand avantage sur elle, ce serait d'un grand effet; je vous autorise à le faire.

Je ne réponds pas à ces petites discussions du Havre; ce sont des affaires d'hommes ivres, que vous arrangerez comme vous voudrez.


Osterode, 28 février 1807

Au maréchal Berthier

Envoyez l'ordre par un officier d'état-major au général Bon qui commande le siège de Graudenz, d'obliger la garnison à rentrer dans la citadelle, et de faire travailler à des redoutes pour empêcher l'ennemi de bouger et se mettre à l'abri de ses sorties. Les commandants d'artillerie et du génie enverront des officiers et prendront des mesures pour presser cette place et faire tirer des obus pour voir si elle veut se rendre. Il ne faut pas que la garnison puisse sortir à dix pas de l'enceinte des murs sans être fusillée.

Donnez ordre au général Lagrange de faire partir de Cassel le 3e régiment provisoire et les 50 cuirassiers qu'il a, pour se rendre à Thorn.


Osterode, 28 février 1807, 6 heures du soir

Au maréchal Bernadotte, à Preussich-Holland

Mon Cousin, je reçois votre lettre, d'aujourd'hui sept heures du matin. Il parait que l'ennemi fait des mouvements très-loin sur notre droite. On a vu un corps commandé par le général Tolstoï à Bischofstein, le 26. La composition de ce corps, qui est formé de deux ou trois régiments d'infanterie, de quelques escadrons de cavalerie et de beaucoup de Cosaques, ferait supposer que l'ennemi pense que nous nous retirions sur Varsovie. J'ai ici 1,000 Polonais à cheval, mais qui n'ont pas de sabres; j'en attends incessamment, j'en ai 1,000 en marche. Aussitôt que tout cela arrivera, je vous en fournirai un bon nombre, afin de faire reposer votre cavalerie légère. Je pense que vous pouvez placer une division entière à Mühlhausen, car il faut soutenir le général Dupont. Nous vivons par Elbing, et la route de l'armée va incessamment passer par Marienburg, Dirschau, Neu-Stettin et Stettin. Une fois qu'elle sera établie, l'ennemi se trouvera déjoué. Mon intention est de déboucher par Braunberg, où se trouve le général Dupont, si l'ennemi s'étendait trop sur notre droite.

Le général du génie vient de me mettre sous les yeux le plan de Marienburg. Il se trouve que c'est une très-bonne place. On l'arme; j'espère que, dans deux ou trois jours, elle va se trouver à l'abri d'un coup de main. On travaille au pont. De son côté, le maréchal Lefebvre travaille au pont de Dirschau. Lorsque cette communication sera établie, je compte placer le maréchal Davout à Holland, et le charger de garder les ponts de Spanden et d'Alken. Votre quartier général pourrait se placer dans la position la plus commode entre Elbing, Braunsberg et Mühlhausen, et la queue de votre corps à Mühlhausen. Une division de cuirassiers de la réserve sera prête à Elbing pour vous soutenir. Vivant par Elbing, par Marienwerder, même par la rive gauche de la Vistule, je me trouverai dans une position à reposer mes troupes et à pouvoir, en vingt-quatre heures, saisir la première bévue que fera l'ennemi pour le détruire. Braunsberg et Frauenburg sont des villes de ressources, et le général Dupont doit se trouver là très-bien. Faites-moi connaître ce que c'est que Mühlhausen, et où vous placerez votre quartier général. Peut-être porterai-je le mien à Elbing.

Le maréchal Ney a quitté Guttstadt trop légèrement. Il a cru l'ennemi en mesure, et il n'avait devant lui que quelques milliers de Prussiens et quelques bataillons d'infanterie légère russe. Mais aujourd'hui il s'est reporté en avant. Dans ce moment, sa gauche est appuyée à Deppen. Il va réoccuper Guttstadt comme avant-poste, et la rive gauche de l'Alle. J'attends aussi que la communication de l'île Nogat soit établie pour assigner une petite ville sur la rive gauche à chaque corps d'armée pour son dépôt. Témoignez ma satisfaction au 2e régiment de hussards, et faites connaître que j'ai vu avec plaisir la belle conduite des troupes du général Dupont à Braunsberg. Si Braunsberg est susceptible de quelques fortifications, c'est le cas de remuer de la terre; cela peut avoir des avantages sous le point de vue de la défense, et aussi parce que cela fait comprendre à l'ennemi que le parti est pris et qu'il faut de fortes affaires avant de nous sortir d'ici.

Faites faire la reconnaissance depuis Braunsberg jusqu'au pont d'Alken. De quelle nature est ce terrain ? Je n'y vois plus de routes transversales. Il parait qu'il n'y a plus de pont. Indépendamment des ressources d'Elbing, aidez-vous de Mühlhausen; faites faire même quelques fours, et, ramassez du blé et de la farine. Mais, comme pour tous ces objets il faut encore trois ou quatre jours, si nous étions attaqués en grande force d'ici à ce temps, il faudrait toujours rassembler, selon la première instruction, à Osterode, où je commence à former quelques magasins d'eau-de-vie et de pain. Faites venir votre parc de réserve; un seul approvisionnement n'est rien. Vingt-huit pièces de campagne pour un corps comme le vôtre, c'est trop peu; il vous en faut au moins quarante. Je conçois que vous avez dû chercher à vous alléger, lorsque vous étiez détaché; aujourd'hui cet allégement n'est pas si nécessaire. Faites-moi connaître si l'infanterie russe que vous aviez à Braunsberg était de l'infanterie légère ou de ligne. Faites interroger sur la force des compagnies, c'est à peu près tout ce que sait le soldat. Ce renseignement sert d'élément pour le calcul du reste, car je connais très-bien le nombre de leurs corps et leur formation.


Osterode, 28 février 1807, 6 heures du soir

Au maréchal Soult

Mon Cousin, je reçois votre lettre d'aujourd'hui à midi. Je vais diriger la division de cuirassiers Espagne sur Mohrungen, afin qu'elle soit à portée, avec la division Klein, de faire un coup d'éclat. Vous lui désignerez des cantonnements. Bien entendu que mon intention est qu'elle ne fasse aucun service et qu'elle reste très en arrière.

J'ai vu avec peine, dans un de vos rapports d'hier, qu'un paysan était venu d'Elditten à Liebstadt. Ne saurons-nous donc jamais servir ? Pas même un lièvre ne doit passer la ligne. Le premier qui passera, faites-le fusiller, innocent ou coupable. Cette terreur sera salutaire. Nous ignorons ce que fait l'ennemi, il faut qu'il ignore ce que nous faisons.

Je vous ferai connaître cette nuit les nouvelles dispositions à faire pour appuyer votre droite. Le maréchal Ney a déjà une division à Deppen. Il s'est trouvé embarrassé dans son mouvement sur Liebstadt, parce qu'il n'a pas compris le sens de mes ordres.

Mon intention est d'occuper Guttstadt comme avant-poste, et la ligne d'Elditten à Guttstadt, bordée d'infanterie et de cavalerie, comme tête de cantonnement, de garder la rive droite de l'Alle depuis Guttstadt jusqu'à Allenstein pour mon flanc droit, et d'occuper Allenstein comme arrière-garde.

Le maréchal Ney établira son quartier général entre Deppen et Guttstadt, sans attacher d'importance à tout ce que l'ennemi pourra faire sur ma droite. La retraite du maréchal Ney sera sur Deppen. Lorsque ces dispositions seront exécutées, vous pourrez placer ailleurs le général Saint-Hilaire.

Marienburg se trouve être une place forte. Je viens d'ordonner qu'elle soit armée. On travaille au pont. La ligne de communication de l'armée sera par Marienburg, Dirschau et Stettin. Du moment que cette ligne de communication sera établie et que j'y pourrai compter, ce qui demande encore deux ou trois jours, mon intention est de placer le maréchal Davout à Holland et de le charger de la garde des ponts de Spanden et d'Alken. Le maréchal Bernadotte serait à Mühlhausen et Braunsberg. Vous continuerez à vous nourrir par Marienwerder et avec les ressources du pays. Le maréchal Davout se nourrira par Marienburg. Les deux petites villes qu'occupe le général Dupont ont des ressources. Elbing fournirait le supplément à tout le monde. Thorn nourrirait le maréchal Ney. Établissez quelques fours et une manutention à Mohrungen.

Il est très-convenable de remuer de la terre. C'est le cas des redoutes et des fortifications de campagne qui ont, indépendamment de leur valeur réelle, l'avantage d'opinion. Je pense que tout le monde sent l'importance du repos actuel, que les armes se réparent, qu'on fait des appels rigoureux et qu'on rétablit un peu la discipline. Faites-moi connaître positivement comment vous vivez. Il serait important que vous ayez en réserve à Liebstadt et à Mohrungen de quoi faire une ou deux distributions d'eau-de-vie à votre corps.

Du moment que la communication par l'île de Nogat sera établi, je désignerai, sur la rive gauche, une petite ville pour le dépôt de chaque corps.

L'ennemi fait des mouvements très-éloignés sur la rive droite de l'Alle; peut-être n'est-ce que pour vivre; mais, si nous étions assez heureux pour que ces mouvements fussent faits en force, nous serions en position de l'écraser. C'est pour cela qu'il faut toujours se tenir sur le qui-vive et prêt à reprendre l'offensive; car, pour peu que l'ennemi s'étende de deux marches, mon intention est de lui tomber sur le corps.

Je vous recommande de ne faire faire aucun service aux dragons de la division Klein. Les Polonais et votre cavalerie doivent suffire. Ce sont les divisions de réserve qui ne doivent être employées que pour agir, et qui ont surtout besoin d'être reposées. Portez un soin particulier à leur nourriture, et faites-leur faire des distributions au moins aussi bien qu'à vos troupes, parce qu'il ne faut pas qu'elles croient que ce sont des troupes de rebut dans les corps d'armée. Les hommes sont ce qu'on veut qu'ils soient.


Osterode, 28 février 1807

63e BULLETIN DE .LA GRANDE ARMÉE

Le capitaine des grenadiers à cheval de la Garde impériale, Auzouy, blessé à mort à la bataille d'Eylau, était couché sur le champ de bataille. Ses camarades viennent pour l'enlever et le porter à l'ambulance. Il ne recouvre ses esprits que pour leur dire : "Laissez-moi mes amis; je meurs content, puisque nous avons la victoire, et que je puis mourir sur le lit d'honneur, environné des canons pris à nos ennemis et des débris de leur défaite. Dites à l'Empereur que je n'ai qu'un regret; c'est que, dans quelques moments, je ne pourrai plus rien pour son service et pour la gloire de notre belle France. A elle mon dernier soupir."

L'effort qu'il fit pour prononcer ces paroles épuisa le peu de forces qui lui restaient.

Tous les rapports que l'on reçoit s'accordent à dire que l'ennemi a perdu à la bataille d'Eylau 20 généraux et 900 officiers tués et blessés et plus de 30,000 hommes hors de combat.

Au combat d'Ostrolenka, du 16, deux généraux russes ont été tués et trois blessés.

Sa Majesté a envoyé à Paris les seize drapeaux pris à la bataille d'Eylau. Tous les canons sont déjà dirigés sur Thorn. Sa Majesté a ordonné que ces canons seraient fondus, et qu'il en serait fait une statue en bronze du général d'Hautpoul, commandant la 2e division de cuirassiers, dans son costume de cuirassier.

L'armée est concentrée dans ses cantonnements derrière la Passarge, appuyant sa gauche à Marienwerder, à l'île de Nogat et à Elbing, pays qui fournissent ses ressources.

Instruit qu'une division russe s'était portée sur Braunsberg, à la tête de nos cantonnements, l'Empereur a ordonné qu'elle fût attaquée. Le prince de Ponte-Corvo chargea de cette expédition le général Dupont, officier d'un grand mérite. Le 26, à deux heures après midi, le général Dupont se présenta devant Braunsberg, attaqua la division ennemie, forte de 10,000 hommes, la culbuta à la baïonnette, la chassa de la ville et lui fit repasser la Passarge, lui prit 16 pièces de canon, 2 drapeaux, et lui fit 2,000 prisonniers. Nous avons eu très-peu d'hommes tués.

Du côté de Guttstadt, le général Liger-Belair se porta au village de Peterswalde à la pointe du jour du 25, sur l'avis qu'une colonne russe était arrivée dans la nuit à ce village, la culbuta, prit le général baron de Korff, qui la commandait, son état-major, plusieurs lieutenants-colonels et officiers et 400 hommes. Cette brigade était composée de 10 bataillons qui avaient tellement souffert, qu'ils ne formaient que 1,600 hommes présents sous les armes.

L'Empereur a témoigné sa satisfaction au général Savary pour le combat d'Ostrolenka, lui a accordé la grande décoration de la Légion d'honneur, et l'a rappelé près de sa personne. Sa Majesté a donné le commandement du 5e corps au maréchal Masséna, le maréchal Lannes continuant à être malade.

A la bataille d'Eylau, le maréchal Augereau, couvert de rhumatismes, était malade et avait à peine sa connaissance. Mais le canon réveille les braves. Il revole au galop à la tête de son corps, après s'être fait attacher sur son cheval. Il a été constamment exposé au plus grand feu, et a même été légèrement blessé. L'Empereur vient de l'autoriser à entrer en France pour y soigner sa santé.

Les garnisons de Kolberg et de Danzig, profitant du peu d'attention qu'on avait fait à elles, s'étaient encouragées par différentes excursions. Un avant-poste de la division italienne a été attaqué, le 16, à Stargard, par un parti de 800 hommes de la garnison de Kolberg. Le général Bonfanti n'avait avec lui que quelques compagnies du ler régiment de ligne italien, qui ont pris les armes à temps, ont marché avec résolution sur l'ennemi et l'ont mis en déroute.

Le général Teulié, de son côté, avec le gros de la division italienne, le régiment de fusiliers de la Garde et la première compagnie de gendarmes d'ordonnance, s'est porté pour investir Kolberg. Arrivé à Naugard, il a trouvé l'ennemi retranché, occupant un fort hérissé de pièces de canon. Le colonel Boyer, des fusiliers de la Garde, est monté à l'assaut; le capitaine de la compagnie des gendarmes, M. de Montmorency, a fait une charge qui a eu du succès. Le fort a été pris, 300 hommes faits prisonniers, et 6 pièces de canon enlevées. L'ennemi a laissé 100 hommes sur le champ de bataille.

Le général Dombrowski a marché contre la garnison de Danzig; il l'a rencontrée à Dirschau, l'a culbutée, lui a fait 600 prisonniers pris 7 pièces de canon, et l'a poursuivie plusieurs lieues l'épée dan les reins. Il a été blessé d'une balle. Le maréchal Lefebvre était arrivé sur ces entrefaites au commandement du 10e corps : il avait été joins par les Saxons, et il marchait pour investir Danzig.

Le temps est toujours variable. Il gelait hier; il dégèle aujourd'hui. L'hiver s'est ainsi passé. Le thermomètre n'a jamais été à plus de cinq degrés.