15 - 30 Novembre 1807


Fontainebleau, 15 novembre 1807

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, répondez au ministre d'Amérique que, puisque l'Amérique souffre que ses bâtiments soient visités, elle adopte le principe que le pavillon ne couvre point la marchandise; puisqu'elle reconnaît les absurdes lois du blocus de l'Angleterre, qu'elle consent que ses vaisseaux soient sans cesse arrêtés, se rendent en Angleterre et soient ainsi détournés de leur navigation, pourquoi les Américains ne souffrent-ils pas le blocus de la France ? Certes, la France n'est pas plus bloquée par l'Angleterre que l'Angleterre ne l'est par la France : pourquoi les Américains ne souffrent-ils pas éga1ement la visite des bâtiments français ? Certes, la France reconnaît que ces mesures sont injustes, illégales et attentatoires à la souveraineté des peuples; mais c'est aux peuples à recourir à la force et à se prononcer contre des choses qui les déshonorent et flétrissent leur indépendance.


Fontainebleau, 15 novembre 1807

Au général Clarke, ministre de la guerre

Le général Servan est prévenu d'avoir donné des états de situation de mes troupes en 1806, dans un ouvrage qui a été imprimé, intitulé : Campagnes des Français en Italie depuis Henri IV jusqu'en 1806. Le général Servan était alors inspecteur aux revues; il a donc abusé de ma confiance pour divulguer les choses les plus secrètes de l'État. Vous lui ordonnerez les arrêts, et me ferez connaître ce qu'il allègue pour sa justification; et, lorsqu'il sera prouvé que le général Servan a donné ces renseignements, vous ferez mettre à l'ordre de l'armée que ce général a été mis aux arrêts pour avoir, par une conduite coupable et insensée, divulgué les secrets de l'État.

Vous veillerez. à ce qu'aucun renseignement ne soit publié, sur les frontières militaires de l'empire, que vous ne l'ayez permis, et vous ne la donnerez, votre permission, pour rien de ce qui pourrait donner à l'ennemi des connaissances qui pourraient être nuisibles.


Fontainebleau, 15 novembre 1807

A Jérôme

Mon Frère, vous trouverez ci-joint la Constitution de votre royaume.

Cette Constitution renferme les conditions auxquelles je renonce à tous mes droits de conquête et à mes droits acquis sur votre pays. Vous devez la suivre fidèlement. Le bonheur de vos peuples m'importe, non seulement par l'influence qu'il peut avoir sur votre gloire et la mienne, mais aussi sous le point de vue du système général de l'Europe. N'écoutez point ceux qui vous disent que vos peuples, accoutumés à la servitude, recevront avec ingratitude vos bienfaits. On est plus éclairé dans le royaume de Westphalie qu'on ne voudrait vous le persuader et votre trône ne sera vraiment fondé que sur la confiance et l'amour de la population.

Ce que désirent avec impatience les peuples d'Allemagne, c'est que les individus qui ne sont point nobles et qui ont des talents aient un égal droit à votre considération et aux emplois; c'est que toute espèce de servage et de liens intermédiaires entre le souverain et la dernière classe du peuple soit entièrement abolie.

Les bienfaits du code Napoléon, la publicité des procédures, l'établissement des jurys, seront autant de caractères distincts de votre monarchie. Et s'il faut vous dire ma pensée tout entière, je compte plus sur leurs effets, pour l'extension et l'affermissement de votre monarchie, que sur les résultats des plus grandes victoires.

Il faut que vos peuples jouissent d'une liberté, d'une égalité, d'un bien-être inconnus aux peuples de la Germanie, et que ce gouvernement libéral produise, d'une manière ou d'une autre, les changements les plus salutaires au système de la Confédération et à la puissance de votre monarchie. Cette manière de gouverner sera une barrière plus puissante, pour vous séparer de la Prusse, que l'Elbe, que les places fortes et que la protection de la France.

Quel peuple voudrait retourner sous le gouvernement arbitraire prussien, quand il aura goûté les bienfaits d'une administration sage et libérale ? Les peuples d'Allemagne, ceux de France, d'Italie, d'Espagne désirent l'égalité et veulent des idées libérales.

Voilà bien des années que je mène les affaires de l'Europe, et j'ai eu lieu de me convaincre que le bourdonnement des privilégiés était contraire à l'opinion générale.

Soyez roi constitutionnel. Quand la raison et les lumières de votre siècle ne suffiraient pas, dans votre position la bonne politique vous l'ordonnerait. Vous vous trouverez avoir une force d'opinion et un ascendant naturel sur vos voisins qui sont rois absolus


Palais de Fontainebleau, 15 novembre 1807

CONSTITUTION DU ROYAUME DE WESTPHALIE

NAPOLÉON, par la grâce de Dieu et les constitutions, Empereur de Français, Roi d'Italie et Protecteur de la Confédération du Rhin;

Voulant donner une prompte exécution à l'article 19 du traité de paix de Tilsit, et établir pour le royaume de Westphalie des constitutions fondamentales qui garantissent le bonheur des peuples et qui en même temps, assurent au souverain les moyens de concourir, en qualité de membre de la Confédération du Rhin, à la sûreté et à la prospérité communes,

Nous avons statué et statuons ce qui suit

 

TITRE 1.

ARTICLE 1er. Le royaume de Westphalie est composé des États ci-après, savoir : les États de Brunswick-Wolfenbuttel; la partie de l'Alt-Mark située sur la rive gauche de l'Elbe; la partie du pays du Magdeburg située sur la rive gauche de l'Elbe; le territoire de Halle; le pays de Hildesheim et la ville de Goslar; le pays de Halberstadt; le pays de Hohenstein; le territoire de Quedlinburg; le comté de Mansfeld; l'Eischfeld avec Treffurt ; Mülhausen ; Nordhausen ; le comté de Stolberg-Wernigerode; les États de Hesse-Cassel avec Rinteln et le Schauenburg, non compris le territoire de Hanau, Schmalkalden, et le Katzenelnbogen sur le Rhin; le territoire de Corvey; Goettingen et Grubenhagen, avec les enclaves de Hohenstein et d'Elbingerode; l'évêché d'Osnabrück; l'évêché de Paderborn; Minden et Ravensberg, et le comté de Rietberg-Kaunitz.

ART. 2 Nous nous réservons la moitié des domaines allodiaux des princes, pour être employée aux récompenses que nous avons promises aux officiers de nos armées qui nous ont rendu le plus de services dans la présente guerre.

La prise de possession de ces biens sera faite sans délai par nos intendants, et le procès-verbal en sera dressé contradictoirement avec les autorités du pays, avant le ler décembre.

ART. 3. Les contributions extraordinaires de guerre qui ont été mises sur lesdits pays seront payées, ou des sûretés seront données pour leur payement, avant le ler décembre.

ART. 4. Au ler décembre, le roi de Westphalie sera mis en possession, par des commissaires que nous nommerons à cet effet, de la pleine jouissance et souveraineté de son territoire.

 

TITRE II.

ART. 5. Le royaume de Westphalie fait partie de la Confédération du Rhin. Son contingent sera de 25,000 hommes de toutes armes, présents sous les armes, savoir : 20,000 hommes d'infanterie, 3,500 de cavalerie, 1,500 d'artillerie.

Pendant ces premières années, il sera seulement soldé 10,000 hommes d'infanterie, 2,000 de cavalerie et 500 d'artillerie; les 12,500 autres seront fournis par la France et tiendront garnison à Magdeburg. Ces 12,500 hommes seront soldés, nourris et habillés par le roi de Westphalie.

 

TITRE III

ART. 6. Le royaume de Westphalie sera héréditaire dans la descendance directe, naturelle et légitime du prince Jérôme Napoléon, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, et à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance.

A défaut de descendance naturelle et légitime du prince Jérôme Napoléon, le trône de Westphalie sera dévolu à nous et à nos héritiers et descendants naturels et légitimes ou adoptifs ;

A défaut de ceux-ci, aux descendants naturels et légitimes du prince Joseph Napoléon, roi de Naples et de Sicile;

A défaut desdits princes, aux descendants naturels et légitimes du prince Louis Napoléon, roi de Hollande;

Et à défaut de ces derniers , aux descendants naturels et légitimes du prince Joachim, grand-duc de Berg et de Clèves.

ART. 7. Le roi de Westphalie et sa famille sont soumis, pour ce qui les concerne, aux dispositions du pacte de la Famille.

ART. 8. En cas de minorité, le régent du royaume sera par nous ou nos successeurs, en notre qualité de chef de la impériale.

Il sera choisi parmi les princes de la Famille royale.

La minorité du Roi finit à l'âge de dix-huit ans accomplis.

ART. 9. Le Roi et la Famille royale ont pour leur entretien, un trésor particulier, sous le titre de trésor de la couronne,  une somme de cinq millions de francs de rente.

Les revenus des forêts domaniales et une partie des domaines sont affectés à cet effet. En cas que les revenus des domaines soient insuffisants, le surplus sera payé par douzième, de mois en mois, par la caisse du trésor public.

 

TITRE IV.

ART. 10. Le royaume de Westphalie sera régi par des constitutions qui consacrent l'égalité de tous les sujets devant la loi et le libre exercice des cultes.

ART. 11. Les états, soit généraux, soit provinciaux, des pays dont le royaume est composé, toutes corporations politiques de cette espèce, et tous privilèges desdites corporations, villes et provinces, sont supprimés.

ART. 12. Sont pareillement supprimés tous privilèges individuels, en tant qu'ils sont incompatibles avec les dispositions de l'article ci-dessus.

ART. 13. Tout servage, de quelque nature et sous quelque dénomination qu'il puisse être, est supprimé, tous les habitants du royaume de Westphalie devant jouir des mêmes droits.

ART. 14. La noblesse continuera de subsister dans ses divers degrés et avec ses qualifications diverses, mais sans donner ni droit exclusif à aucun emploi et à aucune fonction ou dignité, ni exemption d'aucune charge publique.

ART. 15. Les statuts des abbayes, prieurés et chapitres nobles seront modifiés de telle sorte que tout sujet du royaume puisse y être admis.

ART. 16. Le système d'imposition sera le même pour toutes les parties du royaume. L'imposition foncière ne pourra pas dépasser le cinquième du revenu.

ART. 17. Le système monétaire et le système des poids et mesures maintenant en vigueur en France seront établis dans tout le royaume.

ART. 18. Les monnaies seront frappées aux armes de Westphalie Roi.

 

TITRE V.

ART. 19. Les ministres sont an nombre de quatre, savoir:

Un pour la justice et l'intérieur;

Un pour la guerre;

Un pour les finances, le commerce et le trésor.

Il y aura un ministre secrétaire d'État.

ART. 20. Les ministres seront responsables, chacun pour sa partie, de l'exécution des lois et des ordres du Roi.

 

TITRE VI.

ART. 21. Le conseil d'État sera composé de seize membres au moins, et de vingt-cinq membres au plus, nommés par le Roi et révocables à volonté.

Il sera divisé en trois sections, savoir

 Section de la justice et de l'intérieur

Section de la guerre;

Section du commerce et des finances.

Le conseil d'État fera les fonctions de cour de cassation. Il y aura auprès de lui des avocats pour les affaires qui sont de nature à être portées à la cour de cassation, et pour le contentieux de l'administration.

ART. 22. La loi sur les impositions ou loi des finances, les lois civiles et criminelles, seront discutées et rédigées au conseil d'État.

ART. 23. Les lois qui auront été rédigées au conseil d'État seront données en communication à des commissions nommées par les États. Ces commissions au nombre de trois, savoir : commission des, finances, commission de justice civile, commission de justice criminelle, seront composées de cinq membres des États, nommés et renouvelés chaque session.

ART. 24. Les commissions des Etats pourront discuter, avec les sections respectives du conseil, les projets de lois qui leur auront été communiques.

Les observations desdites commissions seront lues en plein conseil d'État présidé par le Roi, et il sera délibéré, s'il y a lieu, sur les modifications dont les projets de lois pourront être reconnus susceptibles.

ART. 25. La rédaction définitive des projets de lois sera immédiatement portée, par des membres du conseil, aux États , qui délibéreront après avoir entendu les motifs des projets de lois et les rapports de la commission.

ART. 26. Le conseil d'État discutera et rédigera les règlements d'administration publique.

ART. 27. Il connaîtra des conflits de juridiction entre administratifs et les corps judiciaires, du contentieux de l'administration, et de la mise en jugement des agents de l'administration publique.

ART. 28. Le conseil d'État, dans ses attributions, n'a que voix consultative.

 

TITRE VII.

ART. 29. Les États du royaume seront composés de cent membres nommés par les collèges de département, savoir : soixante et dix membres choisis parmi les propriétaires, quinze parmi les négociant, et les fabricants, et quinze parmi les savants et les autres citoyens qui auront bien mérité de l'État.

Les membres des États ne recevront pas de traitement.

ART. 30. Les membres seront renouvelés par tiers, tous les trois ans; les membres sortants pourront être immédiatement réélus 

ART. 31. Le président des États est nommé par le Roi.

ART. 32. Les États s'assemblent sur la convocation ordonnée par le Roi. Ils ne peuvent être convoqués, prorogés, ajournés et dissous que par le Roi.

ART. 33. Les États délibèrent sur les projets de lois qui ont été rédigés par le conseil d'Etat, et qui lui sont présentés par ordre du Roi, soit pour les impositions ou la loi annuelle des finances, soit sur les changements à faire au code civil, au code criminel et au système monétaire.

Les comptes imprimés des ministres leur sont remis chaque année. Les États délibèrent sur les projets de lois au scrutin secret et à la majorité absolue des suffrages.

 

TITRE VIII.

ART. 34. Le territoire sera divisé en départements, les départements en districts, les districts en cantons, et ceux-ci en municipalités.

Le nombre des départements ne pourra être au-dessous de huit, ni au-dessus de douze.

Le nombre des districts ne pourra être au-dessous de trois, ni au-dessus de cinq par département.

 

TITRE IX.

ART. 35. Les départements seront administrés par un préfet.

Il y aura dans chaque préfecture un conseil de préfecture pour les affaires contentieuses, et un conseil général de département.

ART. 36. Les districts seront administrés par un sous-préfet.

Il y aura dans chaque district ou sous-préfecture un conseil municipal.

ART. 37. Chaque municipalité sera administrée par un maire.

Il y aura dans chaque municipalité un conseil municipal.

ART. 38. Les membres des conseils généraux de département, des conseils de district et des conseils municipaux seront renouvelés par moitié tous les deux ans.

 

TITRE X.

ART. 39. Il sera formé dans chaque département un collège de département.

ART. 40. Le nombre des membres des collèges de département sera à raison d'un membre par mille habitants, sans qu'il puisse néanmoins être moindre de deux cents.

ART. 41. Les membres des collèges de département seront nommés par le Roi et seront choisis, savoir :

Les quatre sixièmes, parmi les six cents plus imposés du département;

Un sixième, parmi les plus riches négociants et fabricants,

Et un sixième, parmi les savants, les artistes les plus distingués et les citoyens qui auront le mieux mérité de l'État.

ART. 42. Nul ne peut être nommé membre d'un collège de département s'il n'a vingt et un ans accomplis.

ART, 43. Les fonctions de membre de collège de département sont à vie; nul ne peut en être privé que par un jugement.

ART. 44. Les collèges de département nommeront les membres des États et présenteront au Roi les candidats pour les places de juges de paix et de membres des conseils de  département, des conseils de district et des conseils municipaux.

Les présentations seront en nombre double des nominations à faire.

 

TITRE XI.

ART. 45. Le Code Napoléon formera la loi civile du royaume de Westphalie, à compter du 1er janvier 1808.

ART. 46. La procédure sera publique, et le jugement par jurés aura lieu en matière criminelle. Cette nouvelle jurisprudence criminelle sera mise en activité, au plus tard, au 1er juillet 1808.

ART. 47. Il y aura, par chaque canton, une justice de paix; par chaque district, un tribunal civil de première instance; par chaque département, une cour de justice criminelle, et, pour tout le royaume, une seule cour d'appel.

ART. 18. Les juges de paix resteront en fonctions pendant quatre ans et seront immédiatement rééligibles, s'ils sont présentés comme candidats par les collèges de département.

ART. 49. L'ordre judiciaire est indépendant.

ART. 50. Les juges sont nommés par le Roi; des provisions à vie leur seront délivrées lorsque, après cinq années d'exercice, il sera reconnu qu'ils méritent d'être maintenus dans leur emploi.

ART. 51. La cour d'appel pourra, soit sur la dénonciation dit procureur du Roi, soit sur celle d'un de ses présidents, demander au Roi la destitution d'un juge qu'elle croirait coupable de prévarication dans ses fonctions. Dans ce seul cas, la destitution d'un juge pourra être prononcée par le Roi.

ART. 52. Les jugements des cours et tribunaux seront rendus au nom du Roi.

Seul, il peut faire grâce, remettre ou commuer une peine.

 

TITRE XII.

ART. 53. La conscription sera loi fondamentale du royaume de Westphalie. L'enrôlement à prix d'argent ne saurait avoir lieu.


TITRE XIII.

ART. 54. La Constitution sera complétée par des règlements du Roi, discutés dans son conseil d'Etat.

ART. 55. Les lois et règlements d'admiistration publique seront publiés au Bulletin des lois, et n'ont pas besoin d'autre forme de publication pour devenir obligatoires.

Donné en notre palais de Fontainebleau, le 15, jour du mois de novembre de l'an 1807.


Fontainebleau, 15 novembre 1807

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie

Mon Frère, je pense que vous devez vous rendre à Stuttgart, comme vous y avez été invité par le roi de Wurtemberg. De là vous vous rendrez à Cassel avec toute la pompe dont les espérances de vos peuples les porteront à vous environner. Vous convoquerez les députés des villes, les ministres de toutes les religions, les députés des États actuellement existants, en faisant en sorte qu'il y en ait moitié non nobles et moitié nobles; et, devant cette assemblée ainsi composée, vous recevrez la Constitution et prêterez serment de la maintenir; et immédiatement après vous recevrez le serment de ces députés de vos peuples.

Les quatre membres de la Régence seront chargés de vous faire la remise du pays. Ils formeront un conseil privé, qui restera près de vous tant que vous en aurez besoin.

Ne nommez d'abord que la moitié de vos conseillers d'État ; ce nombre sera suffisant pour commencer le travail. Ayez soin que la majorité soit composée de non nobles, toutefois sans que personne s'aperçoive de cette habituelle surveillance à maintenir en majorité le tiers état dans tous les emplois. J'en excepte quelques places de cour, auxquelles, par suite des mêmes principes, il faut appeler les plus grands noms. Mais que dans vos ministères, dans vos conseils, s'il est possible, dans vos tribunaux et cour d'appel, dans vos administrations, la plus grande partie des personnes que vous emploierez ne soit pas noble. Cette conduite ira au coeur de la Germanie et affligera peut-être l'autre classe; n'y faites point attention. Il suffit de ne porter aucune affectation dans cette conduite, et surtout de ne jamais entamer de discussions ni faire comprendre que vous attachez tant d'importance à relever le tiers état. Le principe avoué est de choisir les talents partout où il y en a. Je vous ai tracé là les principes généraux de votre conduite.

J'ai donné l'ordre au major général de vous remettre le commandement des troupes françaises qui sont dans votre royaume; souvenez-vous que vous êtes Français ; protégez-les et veillez à ce qu'elles n'essuient aucun tort. Peu à peu , et à mesure qu'ils ne seront plus nécessaires, vous renverrez les gouverneurs et les commandants d'armes. Mon opinion est que vous ne vous pressiez pas, et que vous écoutiez avec prudence et circonspection les plaintes des villes qui ne songent qu'à se défaire des embarras qu'occasionne la guerre. Souvenez-vous que l'armée est restée six mois en Bavière et que ce bon peuple a supporté cette charge avec patience.

Avant le mois de janvier, vous devrez avoir divisé votre royaume en départements, y avoir établi des préfets et commencé votre administration.

Ce qui m'importe surtout, c'est que vous de différiez en rien l'établissement du Code Napoléon. La Constitution l'établit irrévocablement au ler janvier. Si vous en retardiez la mise en vigueur, cela deviendrait une question de droit public, car, si des successions venaient à s'ouvrir, vous seriez embarrassé par mille réclamations. On ne manquera pas de vous faire des objections : opposez-y une ferme volonté. Les membres de la Régence qui ne sont pas de l'avis de ce qui a été fait en France pendant la Révolution feront des représentations : répondez-leur que cela ne les regarde pas. Mais aidez-vous de leurs lumières et de leur expérience; vous pourrez en tirer un grand parti.

Écrivez-moi surtout très-souvent. Je ne tarderai pas à être de retour à Paris. Je vous assisterai constamment de mon expérience et de mes conseils. Prémunissez-vous contre les intrigants. N'employez aucun Français sans mon autorisation ; d'abord parce que c'est mon droit, et, ensuite, parce que je connais les individus de mon pays ; et il est des gens tels que..... par exemple, qui sont mal vus par l'opinion publique.


Fontainebleau,  15 novembre 1807

A M. de Ségur, Grand Maître des cérémonies

Faites-moi connaître si un duc de R...-S... m'a été présenté et par qui ?

(Ce duc de R...-S... avait été signalé en 1806 et 1807, à Turin, comme intrigant sans moyens d'existence; il avait été écroué à Sainte-Pélagie)

(Brotonne)


Palais impérial de Fontainebleau, 16 novembre 1807

ORDRE GÉNÉRAL DU SERVICE, PENDANT L'ABSENCE DE L'EMPEREUR

Les ministres se réuniront les lundis de chaque semaine chez notre cousin l'architrésorier. Le travail de leurs départements respectifs nous sera transmis par notre ministre secrétaire d'État, et, à cet effet, porté par un auditeur, qui se rendra chez les princes et les ministres pour prendre leurs ordres et partir dans la nuit suivante.

Notre cousin l'architrésorier fera une courte analyse de ce qu'il y aura de plus pressant à expédier dans le travail des ministres, ainsi que des observations sur les événements imprévus.

Le grand juge est autorisé à accorder des sursis qu'il jugera de nature à être portés au conseil privé.

Le directeur général des postes expédiera, tous les jours à huit heures du matin, un courrier qui sera chargé des dépêches des princes et des ministres; ces dépêches seront, à cet effet, remises à l'hôtel des postes avant sept heures.

(Le 16 novembre 1807 commence le second voyage en Italie, qui durera jusqu'au 1er janvier 1808)


Fontainebleau, 18 novembre 1807

A Champagny

Qu'est-ce que c'est qu'un nommé Dubouchet (Sandillaud du Bouchet était un ancien agent royaliste en Provence, agent de Bourrienne à Hambourg) qui vous écrit tant de bêtises ? Rappelez-moi un gaillard comme cela. Ne souffrez pas que vos agents secrets fassent autre chose que l'espionnage. Depuis quand doivent-ils se mêler de politique ?

Ce n'est pas à Dubouchet à savoir si mon armée est bien ou mal placée, et si j'ai à craindre une coalition de l'univers.

Il y a de l'extravagance, à un homme qui est dans un coin du monde, à vouloir mieux savoir ce qui se passe que le gouvernement, et tout cela est nuisible, parce que ces gens-là tiennent publiquement les mêmes propos. D'ailleurs j'ai à Varsovie tant de monde, des militaires, un résident, qu'il est inutile d'y avoir un agent secret.


Milan, 23 novembre 1807 

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, il est nécessaire d'expédier un courrier à Saint-Pétersbourg. Écrivez au général Savary qu'aussitôt que le général Caulaincourt aura eu sa première audience et qu'il l'aura mis au fait, il peut revenir à Paris. Je vous enverrai demain matin une lettre que le général Savary donnera au général Caulaincourt, afin que celui-ci la remette après qu'il aura reçu sa première audience. Vous direz au général Savary que les troupes russes qui étaient à Padoue se mettent eu marche demain pour traverser les États autrichiens.

Je suppose que vous avez envoyé la convention faite avec l'Autriche; si vous ne l'avez pas fait, envoyez-la, afin d'éviter les faux bruits que l'on pourrait répandre.

Recommandez au général Caulaincourt de se tenir très-haut vis-à-vis de M. Merveldt, de le traiter plutôt avec hauteur et indifférence, de ne point voir en aucune manière l'ambassadeur d'Angleterre et de n'aller chez aucune personne en place où il pourrait le rencontrer; qu'il ne doit point oublier que sous aucun point de vue M. Merveldt n'est recommandable : comme ambassadeur d'Autriche, il n'a aucun droit vis-à-vis de mon ambassadeur; comme individu , c'est un militaire sans mérite ; comme diplomate, c'est un petit intrigant sans talent; que les grands airs que sa femme se donne sont ridicules, el que, s'il se trouvait dans des sociétés tierces, il le lui fasse sentir en donnant le pas à d'autres pour se venger de ce qu'elle a fait au général Savary; que je désire enfin qu'il le traite avec beaucoup d'indifférence et peu d'égards. C'est la seule manière de se conduire avec cette espèce de gens, qui sont ordinairement bas lorsque l'on est fier envers eux.


Milan, 23 novembre 1807

A M. de Montalivet, directeur général des ponts et chaussées

Monsieur Montalivet, je désire que vous me fassiez un rapport, que vous me proposiez un projet de décret et que vous prépariez les moyens nécessaires pour arriver aux résultats suivants :

1° Etablir au mont Cenis une commune composée de trois hameaux, dont un serait placé au couvent, un à la Ramasse, un à la Grande- Croix. L'église du couvent sera la paroisse de cette commune; les moines seraient le curé , et son territoire serait composé d'une partie de celui des communes de Lans-le-Bourg, la Ferrière et Novalèse.

2° Établir des cantonniers le long de la route, c'est-à-dire depuis la moitié de la montée à une bonne lieue de Lans-le-Bourg jusqu'à Saint-Martin. Il y aurait un cantonnier pour chaque 300 toises. Dans la campagne prochaine on leur construirait de petites maisons qui ne coûteront pas plus de 2,000 francs. Ils seraient sous les ordres de trois chefs placés à la Ramasse, au couvent et à la Grande-Croix; ce qui ferait trois escouades de cantonniers qui auraient un traitement fixe. Ils seraient chargés de déblayer les neiges et d'entretenir la route, Ces cantonniers auraient la permission de tenir cabaret avec un privilège.

Comme je dépense au moins 12,000 francs par an pour nettoyer les neiges du mont Cenis, avec la moitié de cette somme je pourrai entretenir le Mont-Cenis; ce moyen sera fort avantageux.

Les habitants de la Ferrière et de Novalèse seront très-propres à occuper ces places, qui deviendront l'objet de leur ambition. Ils dépendront de la commune du Mont-Cenis. Mon intention est que les habitants qui habiteront le Mont-Cenis pendant l'hiver soient exempts de contributions, non-seulement pour les biens qu'ils auraient dans cette commune, mais aussi pour ceux qu'ils auraient dans d'autres.

3° Mon intention est que la poste qui est actuellement près du couvent soit placée plus près de la Ramasse, du côté de Lans-le- Bourg; qu'une seconde soit établie à la Grande-Croix; ce qui fera trois postes pour le passage du mont Cenis. Il faut que ces postes aient les privilèges nécessaires pour qu'elles puissent faire grandement le service.

4° Enfin qu'il soit établi une église au couvent pour servir à toute la commune du Mont-Cenis, et une caserne attenant au couvent, capable de contenir 600 hommes dans des lits, et de la place pour en contenir autant cantonnés sur de la paille. Faites établir également dans l'enceinte du couvent une petite caserne avec des prisons pour deux brigades de gendarmerie et une écurie pour trente chevaux. Mais que tout cela ne soit pas bâti comme cela le serait à Paris, mais de la manière dont les habitants bâtissent dans les montagnes, de manière que cela ne soit pas trop coûteux.


Milan, 23 novembre 1807

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon fils, il faut s'en tenir, pour les affaires d'Ancône, au décret que j'ai rendu; tout doit rester entre les mains du gouvernement du Pape; mais le général Lemarois, en qualité de gouverneur, doit commander militairement et avoir la police.

Les 400,000 francs nécessaires pour les travaux du port seront pris sur les fonds provenant des provinces, de même que ce qui est nécessaire pour l'entretien des troupes.


Milan, 23 novembre 1807

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon fils; je donne l’ordre au grand-duc de Berg de se rendre à Lodi pour passer la revue des escadrons de cuirassiers et de dragons qui s’y trouvent. Donnez les ordres pour que ces escadrons se tiennent prêts à l'arrivée du grand-duc.

(Mémoires du prince Eugène)


Milan, 23 novembre 1807

A Joseph Napoléon, roi de Naples

Monsieur mon Frère, je reçois vos lettres des 7, 9, 11 et 19 novembre. Je suis à Milan depuis deux jours; je serai le 2 décembre à Venise. Berthier doit vous avoir écrit que je vous y verrai avec plaisir, si vos affaires vous permettaient d'y venir. J'attends avec impatience d'apprendre que le 14e d'infanterie légère, le détachement du 6e et l'artillerie sont arrivés à Corfou; que les troupes françaises sont réunies, et que je suis là en mesure de repousser toute agression de la part des Anglais, non-seulement de défendre la place, mais de défendre toute l'île. Vous devez continuer de correspondre avec Ali-Pacha, et lui faire connaître que j'ai appris avec peine qu'il n'a plus les mêmes sentiments pour moi; qu'au lieu d'envoyer des vivres en abondance aux Sept Îles, il se refusait au contraire aux différentes demandes; que cela n'était ni bien, ni sage, ni politique.


Milan, 24 novembre 1807

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, le 2e bataillon du 2e régiment de ligne italien complété à 900 hommes, et un bataillon de six compagnies, du 3e bataillon du 4e de ligne, complété à 800 hommes, formeront un régiment provisoire sous les ordres d'un colonel de l'armée italienne, et partiront le 26 pour se rendre à Avignon. Un bataillon de vélites et le 2e bataillon du 5e régiment formeront un deuxième régiment provisoire, qui se mettra en marche pour se rendre à Avignon , par le plus court chemin, de Milan et de Livourne. Les vélites auront avec eux une compagnie d'artillerie de ligne de 140 hommes, et au moins 120 chevaux. Il leur sera fourni deux pièces d'artillerie à Avignon.

Cette brigade, avec le 1er régiment d'infanterie légère napolitain, formera un corps de 5,000 hommes sous les ordres du général de division Lechi.

Il y sera attaché un régiment provisoire de cavalerie composé de deux escadrons napolitains, d'une compagnie de chasseurs royaux , d'une compagnie de dragons de la Reine et d'une compagnie de dragons Napoléon, complétées au moins à 150 chevaux; ce qui formera un régiment de 6 à 700 chevaux. Ce régiment sera commandé par un major italien, et fera partie de la division Lechi. Il se rendra également à Avignon.


Milan, 24 novembre 1807

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon fils, il faut adjoindre au sieur Paradisi un ingénieur français pour régler les limites de mon royaume d'Italie du côté de l'Isonzo conformément au traité qui a été conclu, et lui recommander, en traçant la limite des montagnes, de garder pour l'Italie tout l'avantage de la position militaire.

(Mémoires du prince Eugène)


Milan, 24 novembre 1807

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, je vous renvoie votre portefeuille. Il est convenable que vous preniez des mesures pour que toutes les vexations qu'on fait à M. de Gallo finissent sans délai. Vous pouvez en donner l'assurance à ce ministre et lui faire connaître que j'ai donné des ordres pour cela. Vous pouvez en écrire au grand juge. Mon intention n'est pas qu'aucun tort soit fait aux marchands, mais je ferai moi-même plutôt droit à tout ce qu'il devrait.

Il est nécessaire de faire la notification officielle à toutes les cours de l'avènement du prince Jérôme au trône de Westphalie; vous m'en présenterez le modèle. Vous ferez également connaître aux rois de Naples, de Hollande, de Westphalie, qu'ils sont reconnus par l'empereur d'Autriche

Envoyez un courrier extraordinaire au sieur Beauharnais, pour lui faire connaître que le général Dupont détache de Bayonne une division de 6,000 hommes à Vittoria, pour que cette division soit à portée portée de renforcer le général Junot, si celui-ci en avait besoin. 

Je désire que les lettres de mes consuls, telles que celles du sieur Bessières, et autre consuls dans le Levant qui écrivent longuement soient précédées d'une courte analyse.

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P. S. Donnez ordre au 6e bataillon bis du train d'artillerie française de partir de Vérone le 28, pour se rendre à Avignon.


Milan, 24 novembre 1807

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, je vous envoie des papiers qu'il est bon de conserver dans les cartons des relations extérieures, puisque ils pourraient servir un jour. (Il s'agissait de dépêches d'agents prussiens, interceptées)

(Brotonne)


Milan, 25 novembre 1807

A Joseph Napoléon, roi de Naples

Mon frère, le 25 octobre, un bâtiment français a été pris dans le port d'Otrante. Cela n'est pas étonnant; il n'y a qu'une pièce de canon sur la côte pour la défendre.

(Du Casse)


Milan, 25 novembre 1807

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, le major général envoie à M. Otto un courrier pour porter les ordres que la place de Braunau soit remise le 10 décembre. Faites connaître au sieur Otto ce dont il est question dans la note de M. de Metternich.

Le conseiller d'État italien Paradisi a été nommé, et est déjà parti depuis longtemps pour déterminer les limites de l'Isonzo avec les Commissaires autrichiens. Faites part de ces dispositions, par un courrier, au sieur Andréossy. Instruisez-le également que j'ai donné des ordres pour que les troupes russes qui sont à Padoue partent pour retourner chez elles, pour qu'il en parle au prince Kourakine. L'expédition d'un courrier à Vienne est nécessaire dans ces circonstances, parce que cela tranquillisera la cour de Vienne.

Vous me ferez un rapport sur cette lettre de la princesse de Bayreuth.

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P. S. Il serait possible que le prince de Neuchâtel n'eût pas expédié son courrier. Vous pourriez en profiter pour l'envoyer jusqu'à Vienne.


Milan, 25 novembre 1807

A Joséphine

Je suis ici, mon amie, depuis deux jours. Je suis bien aise de ne pas t'avoir menée, tu aurais horriblement souffert au passage du Mont-Cenis, où une mauvaise tourmente m'a retenu vingt-quatre heures.

J'ai trouvé Eugène bien portant. Je sui fort content de lui. La princesse es malade; j'ai été la voir à Monza; elle a fait une fausse couche; elle va mieux.

Adieu mon amie

(Lettres à Joséphine)


Venise, 30 novembre 1807

A M. Fouché, ministre de la police générale

Je vous ai déjà fait connaître mon opinion sur la folie des démarches que vous avez faites à Fontainebleau relativement à mes affaires intérieures. Après avoir lu votre bulletin du 19, et bien instruit des propos que vous tenez à Paris, je ne puis que vous réitérer que votre devoir est de suivre mon opinion et non de marcher selon votre caprice. En vous conduisant différemment, vous égarez l'opinion et vous sortez du chemin dans lequel tout honnête homme doit se tenir.


Venise, 30 novembre 1807

Au prince de Bénévent, vice-Grand-Électeur   

Monsieur le Prince de Bénévent, j'ai reçu votre lettre. Je suis à Venise depuis hier. Le temps y est extrêmement mauvais. L'entrée a cependant été belle. Ce pays est un phénomène du pouvoir du commerce.


Venise, 30 novembre 1807

Je reçois ta lettre du 22 novembre. Je suis à Venise depuis deux jours. Le temps est fort mauvais, ce qui ne m'a pas empêcher de courir les lagunes pour voir les différents forts. Je vois avec plaisir que tu t'amuses à Paris. Le roi de Bavière, avec sa famille, la princesse Élisa, sont ici. Passé le 2 décembre, que je ferai ici, je serai sur mon retour. Je serai fort aise de te voir.

Adieu mon Amie

(Lettres à Joséphine)


1 - 14 novembre 1807