1 - 15 avril 1808


Saint-Cloud, ler avril 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Vous remettrez, le 3 avril, la note ci-jointe au cardinal Caprara. Vous ferez connaître au ministre des cultes que je ne reconnais plus le cardinal Caprara comme légat. Vous ferez en sorte qu'avant trois jours tous les employés de la légation romaine qui ne sont pas mes sujets quittent la France; s'ils sont sujets de mon royaume d'Italie, ils se rendront à Milan. Quant au cardinal Caprara, j'écris à son sujet au sieur Aldini.


ANNEXE

NOTE

Le soussigné a mis sous les yeux de S. M. l'Empereur et Roi la note du cardinal Caprara, en date du 2 mars. Il a été chargé d'y faire la réponse suivante :

Sa Majesté ne saurait reconnaître le principe que les prêtres ne sont pas sujets du souverain sous la domination duquel ils sont nés.

Quant à la seconde question, le sine qua non de l'Empereur est que toute l'Italie, Rome, Naples et Milan, fassent une ligue offensive et défensive afin d'éloigner le désordre et la guerre de la presqu'île. Si le Saint-Père adhère à cette proposition, tout est terminé. S'il s'y refuse, il déclare par là la guerre à l'Empereur. Le premier résultat de la guerre est la conquête, et le premier résultat de la conquête, le changement de gouvernement. La conséquence de tout ceci sera que l'Empereur sera en guerre avec Rome, qu'il en fera facilement la conquête, qu'il en changera le gouvernement et en établira un autre qui fera cause commune avec les royaumes d'Italie et de Naples contre les ennemis communs. Ceci ne fera rien perdre aux droits spirituels du Pape; il sera évêque de Rome comme l'ont été ses prédécesseurs dans les huit premiers siècles et sous Charlemagne. Cependant ce sera un sujet de douleur, que l'Empereur partagera le premier, de voir la sotte vanité, l'obstination et l'ignorance détruire l'ouvrage du génie, de la politique et des lumières.

Au moment même où le soussigné recevait l'ordre de faire cette réponse à Votre Eminence, sa note du 30 mars lui était remise. Cette note a deux objets :

Le premier, la cessation des pouvoirs de Votre Éminence, qu'elle notifie contre l'usage et les formes ordinaires et à la veille de la semaine sainte, trois circonstances qui expliquent assez l'esprit charitable et tout à fait évangélique du Saint-Père. N'importe, Sa Majesté ne reconnaît plus Votre Éminence comme légat. L'Église gallicane rentre, dès ce moment, dans toute l'intégrité de sa doctrine. Plus instruite, plus véritablement religieuse que l'Église de Rome, elle n'a pas besoin d'elle.

Le second objet de la note de Votre Éminence est la demande de ses passeports comme ambassadeur. Elle les trouvera ci-joints. Cette demande formelle de passeports suppose la résolution de sa cour de soutenir la guerre contre la France. Nous sommes donc en guerre, et Sa Majesté vient de donner des ordres en conséquence. Sa Sainteté sera contente ; elle aura le bonheur de déclarer la guerre pendant la semaine sainte; les foudres du Vatican seront plus formidables. Sa Majesté les redoute moins que celles du château Saint-Ange. Celui qui maudit les rois est maudit par Dieu.


La minute de cette note est corrigée de la main de l'Empereur. On croit devoir reproduire ici la note, un peu modifiée, qui a été envoyée au légat.

Paris, 3 avril 1808.

Le soussigné, ministre des relations extérieures de S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, a mis sous les yeux de Sa Majesté la note de Son Eminence M. le cardinal Caprara.

L'Empereur ne saurait reconnaître le principe que les prélats ne sont pas sujets du souverain sous la domination duquel ils sont nés.

Quant à la seconde question, la proposition dont l'Empercur ne se départira point est que toute l'Italie, Rome, Naples, Milan, fassent une ligne offensive et défensive afin d'éloigner de la presqu'île le désordre et la guerre.

Si le Saint-Père adhère à cette proposition, tout est terminé. S'il s'y refuse, il annonce par cette détermination qu'il ne veut aucun arrangement, aucune paix avec l'Empereur, et qu'il lui déclare la guerre. Le premier résultat de la guerre est la conquête, et le premier résultat de la conquête est le changement de gouvernement; car, si l'Empereur est forcé d'être en guerre avec Rome, ne l'est-il pas aussi d'en faire la conquête, d'en changer le gouvernement, d'en établir un autre qui fasse cause commune avec les royaumes d'Italie et de Naples contre les ennemis communs ? Quelle autre garantie aurait-il de la tranquillité et de la sûreté de l'Italie, quand ces deux royaumes seraient séparés par un Etat où leurs ennemis continueraient de compter sur un accueil assuré ?

Ces changements devenus nécessaires, si le Saint-Père persiste dans ses refus, ne lui feront rien perdre de ses droits spirituels. Il continuera d'être évêque de Rome et chef de l'Eglise comme l'ont été ses prédécesseurs pendant les huit premiers siècles et sous Charlemagne. Cependant ce sera pour Sa Majesté un sujet de douleur de voir l'imprudence, l'obstination, l'aveuglement détruire l'ouvrage du génie, de la politique et des lumières.

Au moment même où le soussigné recevait de Sa Majesté l'ordre de faire cette réponse à M. le cardinal Caprara, il recevait la note que Son Éminence lui a fait l'honneur de lui adresser le 30 mars. Cette note a deux objets : le premier d'annoncer la cessation des pouvoirs du légat du Saint-Siège, de la notifier contre ]'usage et les formes ordinaires, et à la veille de la semaine sainte, temps où la cour de Rome, si elle était encore animée d'un véritable esprit évangélique, croirait devoir multiplier les secours spirituels et prêcher par son exemple l'union entre les fidèles. Quoi qu'il en soit, le Saint-Père ayant retiré ses pouvoirs à Son Eminence M le Cardinal, l'Empereur ne le reconnaîtra plus comme légat. L'Église gallicane rentre dans toute l'intégrité de sa doctrine; ses lumières, sa piété continueront de conserver en France la religion catholique, que l'Empereur mettra toujours sa gloire à faire respecter et à défendre.

Le second objet de la note de Son Éminence M. le cardinal Caprara est de demander ses passeports comme ambassadeur. Le soussigné, ministre des relations extérieures, a l'honneur de les lui adresser. Sa Majesté voit avec regret cette demande formelle de passeports, dont l'usage de nos temps modernes a fait une véritable déclaration de guerre. Rome est donc en guerre avec la France, et, dans cet état de choses, Sa Majesté a dû donner les ordres que la tranquillité de l'Italie rendait nécessaires. Le parti qu'a pris la cour de Rome de choisir pour cette rupture un temps où elle pouvait croire ses armes plus puissantes, peut faire prévoir de sa part d'autres extrémités - mais les lumières du siècle en arrêteraient l'effet; le temporel, le spirituel ne sont plus confondus, et la dignité royale, consacrée par Dieu même, est au-dessus de toute atteinte.

Le soussigné désire que les observations qu'il a reçu ordre de transmettre à Son Eminence M. le cardinal Caprara puissent déterminer le Saint-Siège à accéder aux propositions de Sa Majesté.


Saint-Cloud, ler avril 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, le dey d'Alger ayant reconnu les Gênois comme Français et les peuples de mon royaume d'Italie comme mes sujets et rendu les 123 esclaves qui étaient détenus dans ses bagnes, la bonne intelligence se trouve rétablie entre nous. Mon intention est donc que l'ordre qui avait été à mes bâtiments de guerre et de course de courir sur les bâtiments algériens soit rapporté et que l'embargo mis sur les bâtiments et sur les marchandises de cette régence soit levé, soit en France, soit dans mes états d'Italie.

(Brotonne)


Saint-Cloud, 1er avril 1808

A M. Aldini, ministre secrétaire d'état du royaume d'Italie, à Paris

Le cardinal Caprara n'est plus légat, la cour de Rome ayant rapporté ses pouvoirs; il a également été rappelé et a demandé ses passeports, qui lui ont été donnés par les relations extérieures, Mais, comme Caprara est mon sujet, mon intention est qu'il soit maître de rester dans une partie quelconque de mon royaume de France ou d'Italie, sans qu'il en puisse passer les limites.


Saint-Cloud, 1er avril 1808 

Au Grand-Duc de Berg, lieutenant de l'Empereur en Espagne, à Madrid

Je reçois votre lettre du 25 mars. Je serai le 4 avril à Bordeaux, probablement le 6 à Bayonne. Je vous ai écrit hier. Je vois avec plaisir, par votre lettre du 25, que la tranquillité régnait à Madrid, que le prince de la Paix n'aura point de mal. Il conviendrait que vous pussiez l'envoyer à Bayonne. Quand, vous feriez semblant de l'envoyer comme prisonnier, c'est égal; le principal est qu'il sorte d'Espagne.

Je vois avec plaisir que vous ayez fait occuper Aranjuez; mais il faut l'occuper en force. Le maréchal Bessières est actuellement suffisamment fort pour la Galice. Appelez à vous tout le corps du général Dupont. Le général Dupont peut porter son quartier général et son parc à Tolède. Il se trouvera là en position d'avant-garde, sur le chemin de Cadix et de Badajoz; il peut avoir là avec lui une de ses divisions. Placez la 2e à Aranjuez et la 3e à l'Escurial.

Ma Garde doit être en marche depuis longtemps sur Madrid. Je suppose qu'elle sera arrivée avant le 10 avril. Mes chevaux, les détachements de ma Maison, de ma Bouche, doivent être également partis pour Madrid. Il faut placer tout cela où je dois loger. Je ne sais pas si le Prado, qui est une maison de campagne du roi d'Espagne, est assez grand pour moi ; s'il n'est pas assez grand, peut-être serait-il convenable que j'allasse à l'Escurial.

Ainsi donc gardez les trois divisions de Moncey à Madrid. Je désire qu'elles soient campées, et qu'elles complètent tous les jours leur instruction. Placez le quartier général du général Dupont à Tolède; gardez les cuirassiers avec vous à Madrid, et donnez au général Dupont un régiment de dragons et un de hussards; cela, avec sa 1e division et douze ou dix-huit pièces d'artillerie, fera plus de 8,000 hommes. Il sera ainsi à même d'éclairer la route de Cadix et de Badajoz. La 2e division du général Dupont sera à Aranjuez ou à Madrid même, avec les trois divisions du maréchal Moncey; la 3e, à l'Escurial ; ma Garde à pied et à cheval, au lieu où je dois loger; au Prado, si cela est possible; à l'Escurial, si le Prado n'est pas logeable; enfin dans une maison de campagne près Madrid. Il faut cependant que ce soit une maison royale ou une maison de prince. Enfin je m'en rapporte pour mon logement à ce que vous ferez. Il suffit que ma Garde se trouve où je dois loger, et que, si je vais à Madrid, je puisse sortir sans traverser toute la ville.


Saint-Cloud, 1er avril 1808

A Joseph Napoléon, roi de Naples

Mon Frère, je ne conçois rien à votre lettre du 23. Je suppose que la lettre de Champagny est antérieure à la querelle relative aux lettres de créance de M. d'Aubusson; j'en témoigne mon mécontentement à Champagny. Tout cela est l'ouvrage d'un comité de protocole composé de trois vieilles ganaches d'une immense réputation, qui ne font que des bêtises. Je viens de les chasser. L'Angleterre elle-même avait si bien senti que vous étiez roi de Naples et de Sicile, qu'elle avait renoncé à ce que cette île ne fit pas partie de vos États. Faites attention au protocole qu'on vous envoie, car il est possible qu'il y ait d'autres inconvenances.


Palais de Saint-Cloud, 1er avril 1808

ORDRE DU SERVICE PENDANT L'ABSENCE DE S. M. L'EMPEREUR ET ROI

Étant dans l'intention de visiter plusieurs départements de notre Empire et de nous rendre à Bordeaux et à Bayonne, nous avons réglé l'ordre du service pour le temps de notre absence de la manière suivante.

Nos ministres se réuniront le mercredi de chaque semaine, dans une salle de notre palais des Tuileries, sous la présidence de notre cousin l'archichancelier de l'Empire. Ils porteront à ce conseil le travail de leurs départements respectifs, qui nous sera transmis, et qui sera porté à cet effet à notre ministre secrétaire d'Etat par un auditeur, qui se rendra chez les princes et les ministres pour prendre leurs ordres et partir dans les vingt-quatre heures.

Tous nos ministres correspondront avec nous pour les affaires de leur département.

Les dépêches télégraphiques, transmises à Paris ou à transmettre, seront portées à l'archichancelier, avant qu'il puisse leur être donné cours.


Saint-Cloud, 2 avril 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Aussitôt que vous aurez remis la note au cardinal-légat, vous en enverrez copie à mon chargé d'affaires à Rome, qui pourra avoir une conférence avec le Pape ou avec son ministre. Si le Pape adhère aux conditions portées dans ma note, mon chargé d'affaires restera à Rome et le fera connaître au vice-roi par un exprès, S'il n'y adhère pas, il laissera finir le carême, et, avant le 20 avril, il remettra une note où il dira que, le légat ayant demandé ses passeports à Paris et les ayant reçus, il ne reste plus au soussigné qu'à demander les siens. Et, en effet, avant la journée du 20 avril, il aura quitté Rome et se rendra à Ancône. Vous direz bien à mon chargé d'affaires qu'il doit suivre strictement mes instructions, et que, quelque chose qui arrive, il doit prendre ses passeports si le Pape ne consent pas à entrer dans une ligue offensive et défensive avec les royaumes d'Italie et de Naples pour la défense de la presqu'île italienne. Tout autre biais ou mezzo-termine ne serait pas adopté.


Saint-Cloud, 2 avril 1808

A M. Cretet, ministre de l'Intérieur

Monsieur, Sa Majesté a été informée des bruits qui ont été répandus sur l'Histoire de l'anarchie de Pologne, par Rulhière. Pendant la campagne de Pologne, le ministre des relations extérieures avait mis sous ses yeux deux volumes manuscrits d'un ouvrage sur le même sujet, ayant le même titre et portant la date de 1764. Cet ouvrage était attribué au Père Maubert, ex-capucin. En le comparant avec le premier volume de l'Hisloire de Rulhière, il était impossible de ne pas reconnaître que c'était le même ouvrage et qu'il appartenait au même auteur. La discussion qui s'est élevée récemment dans les journaux a rappelé cette circonstance au souvenir de l'Empereur, qui m'a chargé d'adresser à Votre Excellence le manuscrit attribué au Père Maubert. Sa Majesté désire que vous le fassiez remettre à la troisième classe de l'Institut, qui sera invitée à faire connaître son opinion et à juger entre le Père Maubert et Rulhière.


Saint-Cloud, 2 avril 1808

A Eugène de Beauharnais, vice-roi d'Italie, à Milan

Mon Fils, Aldini vous a envoyé un décret relatif aux quatre Légations. Au lieu de le mettre à exécution le 20 avril, je désire qu'il ne le soit que le 30, et que jusque-là vous le teniez très-secret. Si, d'ici à ce temps, le Pape adhère à mon ultimatum, qui est d'entrer dans une ligne offensive et défensive avec les royaumes d'Italie et de Naples pour la défense de l'Italie, mon chargé d'affaires vous en préviendrait. Ces dix jours de plus vous mettront à même de prendre mieux vos mesures, de mieux régler tout, de manière que tout cela se fasse comme un coup de théâtre.

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P.S. Je pars à l'instant pour Bayonne


Orléans, 2 avril 1808 

Au Grand-Duc de Berg, lieutenant de l'Empereur en Espagne, à Madrid

Je suis arrivé ce soir à Orléans. Je serai le 4 ou le 5 à Bordeaux, où j'aurai reçu de nouvelles lettres de vous et d'où je vous répondrai en détail.


Château de Marrac, 3 avril 1808

A Louis Napoléon, roi de Hollande

Monsieur mon Frère, l'auditeur D .... m'a remis il y a une heure votre dépêche du 22 mars. Je fais partir un courrier qui vous portera cette lettre en Hollande.

L'usage que vous venez de faire du droit de faire grâce ne peut qu'être d'un très-mauvais effet. Le droit de grâce est un des plus beaux et des plus nobles attributs de la souveraineté. Pour ne pas le discréditer, il ne faut l'exercer que dans le cas où la clémence royale ne peut déconsidérer l'oeuvre de la justice, que dans le cas où la clémence royale doit laisser après les actes qui émanent d'elle l'idée de sentiments généreux. Il s'agit ici d'un rassemblement de bandits qui vont attaquer et égorger un parti de douaniers pour ensuite faire la contrebande. Ces gens sont condamnés à mort; Votre Majesté leur fait grâce ! Elle fait grâce à des meurtriers, à des assassins, à des individus auxquels la société ne peut accorder aucune pitié ! Si ces individus avaient été pris faisant la contrebande, si même, en se défendant, ils avaient tué des employés, alors vous auriez pu peut-être considérer la position de leurs familles, leur position particulière, et donner à votre gouvernement une couleur de paternité, en modifiant par une commutation de peine la rigueur des lois. C'est dans les condamnations pour contravention aux lois de fiscalité, c'est plus particulièrement encore dans celles qui ont lieu pour des délits politiques, que la clémence est bien placée. En ces matières, il est de principe que, si c'est le souverain qui est attaqué, il y a de la grandeur dans le pardon. Au premier bruit d'un délit de ce genre, l'intérêt public se range du côté du coupable et point de celui d'où doit partir la punition. Si le prince fait la remise de la peine, les peuples le placent au-dessus de l'offense, et la clameur s'élève contre ceux qui l'ont offensé. S'il suit le système opposé, on le répute haineux et tyran. S'il fait grâce à des crimes horribles, on le répute faible ou mal intentionné.

Ne croyez pas que le droit de faire grâce puisse être exercé impunément, et que la société applaudisse toujours à l'usage qu'en peut faire le monarque : elle le blâme lorsqu'il l'applique à des scélérats, à des meurtriers, parce que ce droit devient nuisible à la famille sociale. Vous avez trop souvent et en trop de circonstances usé du droit de grâce. La bonté de votre coeur ne doit point être écouté, lorsqu'elle peut nuire à vos peuples. Dans l'affaire des Juifs, j'aurai fait comme vous; dans celle des contrebandiers de Middelburg, je me
serais bien gardé de faire grâce.

Mille raisons devaient vous porter à laisser la justice faire une exécution exemplaire, qui aurait eu l'excellent effet de prévenir beaucoup de crimes par la terreur qu'elle aurait inspirée. Des gens du Roi sont égorgés au milieu de la nuit; les assassins sont condamnés; Votre Majesté commue la peine de mort en quelques années de prison : quel découragement n'en résultera-t-il point parmi les gens qui font rentrer vos impôts ! L'effet politique est très-mauvais ; je m'explique.

La Hollande était le canal par lequel, depuis plusieurs années, l'Angleterre introduisait sur le continent ses marchandises. Les marchands hollandais ont gagné à ce trafic des sommes immenses ; voilà pourquoi les Hollandais aiment la contrebande et les Anglais, et voilà les raisons pour lesquelles ils n'aiment point la France, qui défend la contrebande et qui combat les Anglais. La grâce que vous avez accordée à ces contrebandiers assassins est une espèce d'hommage que vous rendez au goût des Hollandais pour la contrebande. Vous paraissez faire cause commune avec eux, et contre qui ?... contre moi. Les Hollandais vous aiment; vous avez de la simplicité dans les manières, de la douceur dans le caractère; vous les gouvernez selon eux; si vous vous montriez fermement résolu à réprimer la contrebande, si vous les éclairiez sur leur position, vous useriez sagement de votre influence; ils croiraient que le système prohibitif est bon, puisque le Roi en est le propagateur. Je ne vois pas quel parti pourrait tirer Votre Majesté d'un genre de popularité qu'elle acquerrait à mes dépens. Assurément la Hollande n'est point au temps de Ryswick, et la France aux dernières années, de Louis XIV. Si la Hollande ne peut suivre un système politique indépendant de celui de la France, il faut qu'elle remplisse les conditions de l'alliance.

Ce n'est point au jour la journée que doivent travailler les princes; mon Frère, c'est sur l'avenir qu'il faut jeter les yeux. Quel est aujourd'hui l'état de l'Europe ? L'Angleterre, d'un côté; elle possède par elle-même une domination à laquelle jusqu'à présent le monde entier a dû se soumettre ; de l'autre, l'Empire français et les puissances continentales qui, avec toutes les forces de leur union, ne peuvent s'accommoder du genre de suprématie qu'exerce l'Angleterre. Ces puissances avaient aussi des colonies, un commerce maritime; elles possèdent, en étendue de côtes, bien plus que l'Angleterre. Elles se sont désunies; l'Angleterre a combattu séparément leur marine; elle a triomphé sur toutes les mers; toutes les marines ont été détruites. La Russie, la Suède, la France, l'Espagne, qui ont tant de moyens d'avoir des vaisseaux et des matelots, n'osent hasarder une escadre hors de leurs rades. Ce n'est donc plus d'une confédération des puissances maritimes, confédération, d'ailleurs, qu'il serait impossible de faire subsister à cause des distances et des croisements d'intérêts, que l'Europe peut attendre sa libération maritime et un système de paix qui ne pourra s'établir que par la volonté de l'Angleterre.

Cette paix, je la veux par tous les moyens conciliables avec la dignité et la puissance de la France; je la veux au prix de tous les sacrifices que peut permettre l'honneur national. Chaque jour, je sens qu'elle devient plus nécessaire; les princes du continent la désirent autant que moi; je n'ai contre l'Angleterre ni prévention passionnée, ni haine invincible. Les Anglais ont suivi contre moi un système de répulsion: j'ai adopté le système continental beaucoup moins, comme le supposent mes adversaires, par jalousie d'ambition, que pour amener le cabinet anglais à en finir avec nous. Que l'Angleterre soit riche et prospère, peu m'importe, pourvu que la France et ses alliés le soient comme elle.

Le système continental n'a donc d'autre but que d'avancer l'époque où le droit public sera définitivement assis pour l'Empire français et pour l'Europe. Les souverains du Nord maintiennent sévèrement le régime prohibitif; leur commerce y a singulièrement gagné : les fabriques de la Prusse peuvent rivaliser avec les nôtres. Vous savez que la France et le littoral qui fait aujourd'hui partie de l'Empire, depuis le golfe. de Lion jusqu'aux extrémités de l'Adriatique, sont absolument fermés aux produits de l'industrie étrangère. Je vais prendre un parti dans les affaires d'Espagne, qui aura pour résultat d'enlever le Portugal aux Anglais et de mettre au pouvoir de la politique française les côtes que l'Espagne a sur les deux mers. Le littoral entier de l'Europe sera fermé aux Anglais, à l'exception de celui de la Turquie; mais comme les Turcs ne trafiquent point en Europe, je ne m'en inquiète pas.

Voyez-vous, par cet aperçu, quelles seraient les funestes conséquences des facilités que la Hollande donnerait aux Anglais pour introduire leurs marchandises sur le continent ? Elle leur procurerait l'occasion de lever sur nous-mêmes les subsides qu'ils offriraient ensuite à certaines puissances pour nous combattre. Votre Majesté est plus intéressée que moi à se garantir de l'astuce de la politique anglaise. Encore quelques années de patience, et I'Angleterre voudra la paix autant que nous la voulons nous-mêmes.

Considérez la position de vos États; vous remarquerez que ce système vous est plus utile qu'à moi. La Hollande est une puissance maritime commerçante; elle a des ports magnifiques, des flottes, des matelots, des chefs habiles, et des colonies qui ne coûtent rien à la métropole; ses habitants ont le génie du commerce comme les Anglais. N'a-t-elle pas tout cela à défendre aujourd'hui ? La paix ne peut-elle pas la remettre en possession de son ancien état ? Sa situation peut être pénible pendant quelques années : n'est-elle pas préférable à faire du monarque hollandais un gouverneur pour l'Angleterre, de la Hollande et de ses colonies un fief de la Grande-Bretagne. L'encouragement que vous donneriez au commerce anglais vous conduirait à cela. Vous avez sous les yeux l'exemple de la Sicile et du Portugal. Laissez marcher le temps. Si vous avez besoin de vendre vos genièvres, les Anglais ont besoin de les acheter. Désignez les points où les smogleurs anglais viendront les prendre; mais qu'ils les payent avec de l'argent, et jamais avec des marchandises. Jamais, entendez-vous ? Il faudra bien enfin que la paix se fasse ; vous signerez en son lieu un traité de commerce avec l'Angleterre; j'en signerai peut-être un aussi; mais les intérêts réciproques seront garantis. Si nous devons laisser exercer à l'Angleterre une sorte de suprématie sur les mers, qu'elle aura achetée au prix de ses trésors et de son sang, une prépondérance qui tient à sa position géographique et à ses occupations territoriales dans les trois parties du monde, au moins nos pavillons pourront se montrer sur l'Océan sans craindre l'insulte; notre commerce maritime cessera d'être ruineux. C'est à empêcher l'Angleterre de se mêler des affaires du continent qu'il faut travailler aujourd'hui.

Votre affaire de grâce m'a entraîné dans ces détails; je m'y suis livré parce que j'ai craint que vos ministres hollandais n'aient fait entrer de fausses idées dans l'esprit de Votre Majesté.

Je désire que vous réfléchissiez sur cette lettre, et que vous fassiez des sujets qu'elle traite l'objet des délibérations de vos conseils; enfin que vos ministres impriment à l'administration le mouvement qui lui convient.

Sous aucun prétexte la France ne souffrira que la Hollande se sépare de la cause continentale.

Quant à ces contrebandiers, puisque la faute a été commise, il n'y a plus à revenir sur le passé; je vous conseille seulement de ne pas les laisser dans les prisons de Middelburg ; c'est trop près du lieu où le crime a été commis; renvoyez-les dans le fond de la Hollande.


Barbezieux, 4 avril 1808

Au général Clarke, ministre de la guerre

Monsieur le Général Clarke, j'ai passé, en route, la revue du bataillon du 13e léger et du 72e, faisant partie du 14e provisoire. J'ai observé qu'il n'y avait que trois ou quatre officiers pour chacun de ces bataillons, tandis qu'il devrait y en avoir quatorze. J'en ai demandé la raison, et l'on m'a dit qu'il y avait de vieux officiers qui restaient au dépôt et ne marchaient pas ; faites-en passer la revue de rigueur et donnez-leur leur retraite. Mon armée ne doit pas être l'armée prussienne. Il n'y avait pas de chefs de bataillon; il est vrai qu'ils étaient commandés par deux excellents capitaines que j'ai nommés sur-le-champ chefs de bataillon. Berthier vous enverra la nomination de ces deux chefs de bataillon, pour que vous les fassiez compter au corps.

J'aurai besoin de beaucoup d'officiers en Espagne. D'après ce que j'ai vu et ce que l'on m'a dit, le plus court est de commencer par en faire. Vous ferez partir, en conséquence, vingt-quatre heures après la réception de cette lettre, par la diligence pour Bayonne, et de manière à être arrivés à Bayonne du 13 au 15 : 1° 25 vélites de ma Garde, pris dans les chasseurs à pied , et 25 vélites grenadiers ; ces 50 vélites devront être pris parmi les plus instruits , les plus âgés et les plus forts, et qui se soient trouvés ou à la campagne d'Austerlitz ou à celle de Pologne; 2° 15 sergents, caporaux ou soldats, tirés des grenadiers, et 15 tirés des chasseurs de ma Garde, pris parmi les vieux soldats, lettrés, vigoureux, et dans le cas d'être faits officiers. Vous donnerez à ces 80 individus leurs frais de poste jusqu'à Bayonne, leur gratification d'entrée en campagne ; vous les ferez partir et vous en enverrez l'état au major général. Arrivés à Bayonne, je les placerai dans différents régiments. Vous aurez soin de les munir, avant de partir, de leur hausse-col, épée et épaulettes. Vous en nommerez également 5 dans les vélites des chasseurs à cheval, 5 dans les grenadiers à cheval et 5 dans les dragons; vous en nommerez 10 parmi les grenadiers et 10 parmi les chasseurs, en prenant ces 35 hommes parmi les anciens soldats capables, pour leur intelligence, d'être officiers. Ce sera 35 officiers que me fournira ma Garde à cheval. Vous ferez prendre aux grenadiers l'uniforme de cuirassiers, et aux chasseurs l'uniforme de chasseurs et de hussards, aux dragons l'uniforme de dragons. Ces 35 officiers se rendront également à Bayonne : ce sera un secours de 115 officiers pour l'armée. Je vous recommande faire donner la retraite à tous ceux qui n'auront point marché.

J'ai remarqué dans les bataillons que j'ai vus, et l'on m'assure que cela est commun à tous, que le dépôt avait gardé la masse de linge et de chaussure ; de sorte que, me faisant présenter les livrets de chaque homme, j'ai vu qu'il manquait 12 francs, 6 francs, 8 francs. Les commandants disaient que cet argent était à la caisse à Anvers. Ordonnez que les états des sommes appartenant à la masse de linge et de chaussure des dépôts qui ont des détachements aux corps qui sont en Espagne soient envoyés à ces détachements. A cet effet, l'inspecteur portera au compte des dépôts, sur les premières sommes qu'il livrera, tout ce qu'ils auraient à ce titre. Le payeur, en Espagne, payera à chaque compagnie ce qui lui revient de ladite masse. Les états seront comparés, dans vos bureaux, pour s'assurer qu'ils sont les mêmes et que le trésor n'y perd rien. Donnez les ordres les plus immédiats sur cet objet.

J'ai remarqué également que les détachements étaient mal habillés. Le 13e a 300 hommes qui n'ont que des capotes et point d'habits. Ce serait une folie que de leur en faire donner. Il faudrait que le ministre Dejean écrivît au corps pour savoir pourquoi l'on n'a pas habillé les conscrits, puisqu'on a touché la première mise.

Ayez soin que de la Garde, tant à pied qu'à cheval, on n'envoie que des hommes qui soient utiles et qui lui fassent honneur. Fait moi connaître également si l'on ne pourrait pas envoyer de Saint-Cyr une douzaine de jeunes gens, pour en faire des sergents-majors et des fourriers, et de l'École polytechnique 15 ou 20. Mais il faudrait s'assurer avant s'ils savent commander ; s'ils ne le savent pas, qu'ils l'apprennent avant d'être employés; autrement ils ne seraient d'aucune utilité aux corps. Envoyez également 50 tambours et 20 trompettes. Il y a aux Invalides une école de tambours, et à Versailles une école de trompettes; si ces écoles ne pouvaient envoyer ce nombre, qu'elles envoient ce qu'elles pourront. Vous pouvez charger ces enfants, avec leurs caisses et leurs trompettes, sur trois ou quatre vélocifères pour Bayonne. Envoyez au major général l'état nominatif de tout cela le jour où cela doit arriver à Bayonne.

S'il y avait, parmi les officiers en réforme, 30 capitaines, 8 ou 10 chefs de bataillon, quelques colonels de quelque valeur, vous pourriez les tirer de la réforme et les diriger sur Bayonne, où je trouverai moyen de les employer.


Bordeaux, 5 avril 1808

Au prince Cambacérès, archichancelier de l'Empire

Mon Cousin, je suis arrivé à Bordeaux au moment où l'on m'attendait le moins, j'étais couché que peu de monde le savait encore. Je vais recevoir dans une heure les autorités et passer la revue de quelques troupes; je visiterai ensuite le port. Il n'y a du reste rien de nouveau. J'ai eu le plus beau temps dans ma route. Je joins ici une note, bonne à insérer dans le Journal de l'Empire, et une autre pour le Moniteur.


Bordeaux, 5 avril 1808

Au Grand-Duc de Berg, lieutenant de l'Empereur en Espagne, à Madrid

J'arrive à Bordeaux. J'ai reçu toutes vos lettres, celles du 30 comprises. J'attends dans la journée celles du 31 mars et du ler avril. Dès que j'aurai reçu celle du 1er avril, je partirai pour Bayonne, où j'attendrai celles du 2 et du 3.

La division Chabran, toute composée de Français, a dû entrer le ler avril en Espagne par Perpignan, et devra être rendue le 8 à Barcelone, ce qui rendra le général Duhesme très-fort.

En changeant de chevaux à Tours, j'ai rencontré le duc de Fernan Nunez, qui a remis à Duroc une lettre du prince des Asturies, Je n'ai pas pu le voir, puisque j'ai toujours marché.

Je sais que deux autres grands d'Espagne sont arrivés à Bayonne. Le prince Masserano avait à Paris des pouvoirs du nouveau roi : j'ai éludé. Je suis encore en mesure d'éluder; dans des affaires de cette importance, il faut voir clair.

J'ai ici trois régiments provisoires qui se mettent en marche pour Bayonne, pour joindre la division Verdier, qui alors sera tout à fait respectable.

Je vous ai mandé d'envoyer la division Dupont à Tolède, en la plaçant sur le chemin de Madrid à Badajoz. Je vous ai dit de faire venir à l'Escurial l'ancien roi, et de vous en rendre toutefois parfaitement le maître; de faire venir le prince de la Paix à Bayonne. Une voiture de poste et des escortes doivent l'y amener promptement. Je désire fort voir ce prince à Bayonne avant de prendre un parti sur rien. Je suppose que ces différents ordres ont été exécutés. Quant au nouveau roi, vous me mandez qu'il devait venir à Bayonne. Je pense que cela ne pourrait être qu'utile. Je n'ai point d'autres ordres à vous donner. Si mes troupes manquent de paille pour camper, il faut les faire cantonner dans des couvents et casernes, à raison d'un bataillon par couvent. Le principal est qu'elles soient bien.

Vous pourriez appeler même le régiment de Paris, qui est accoutumé à faire le service des grandes villes, et qui pourrait servir pour faire la police de Madrid.

Savary doit être arrivé depuis longtemps.


Bordeaux, 5 avril 1808

Au maréchal Bessières, commandant la Garde impériale en Espagne, à Burgos

Mon Cousin, je suis arrivé à Bordeaux, Si les deux régiments de fusiliers, formant la seconde colonne de ma Garde, sont fatigués, vous pouvez les garder quelques jours à Burgos. Vous devez occuper en force Aranda. Vous pouvez y envoyer les escadrons et les bataillons provisoires; ils se trouveraient là sur le chemin de rejoindre à Madrid leurs corps. Donnez à un bon général le commandement de ce détachement; joignez-y trois pièces de canon. Les 13e, 14e et 15e régiments provisoires , qui doivent compléter à 9,000 hommes la division Verdier, sont à la hauteur de Bordeaux et se mettent en marche demain pour rejoindre successivement.

Hédouville doit être à Burgos ; il serait nécessaire qu'il se rendit à ma rencontre à Vittoria. Vous vous assurerez d'abord qu'il sait l'espagnol assez bien pour traduire, avec fidélité et élégance, mes différents discours. Il est nécessaire que vous réunissiez à Vittoria toute la division Verdier, afin que, dans une heure de temps, je puisse voir ce qui lui manque, les promotions qu'il y aurait à l'aire dans les différents corps , etc.


Bordeaux, 6 avril 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan

Mon Fils, j'ai reçu votre lettre du 29 mars, par laquelle vous m'annonciez que la journée d'hôpital a été réduite à 1 franc dans les hôpitaux civils, et à 1 franc 30 centimes dans les hôpitaux militaires; cela commence à devenir raisonnable; l'année prochaine, il faut la réduire encore de 5 centimes.

La joie du Pape de l'arrivée de son courrier à Paris est ridicule, comme tout ce qui se fait à Rome. Ils font bien voir que cette cour de Rome est composée de méchantes gens; heureusement qu'ils n'ont aucun pouvoir. Le courrier portait un ordre au cardinal-légat de demander ses passeports, chose que je lui ai accordée sur-le-champ, car je n'ai pas besoin de lui. Il est impossible de perdre plus bêtement ces États temporels que le génie et la politique de tant de Papes avaient formés. Quel triste effet produit le placement d'un sot sur le trône !

Je vous renvoie vos décrets. Par le décret que j'ai pris, vous aurez vu que je vous ai chargé des premières nominations. Nommez des hommes qui connaissent l'administration, qui aient du caractère, et accoutumés à lutter contre les prêtres.

Je vous envoie une lettre du colonel du 24e de dragons; voyez ce que c'est, et rendez justice à tout le monde. Je ne sais pas s'il existe des plaintes contre ce colonel; il me semble que j'en avais toujours eu bonne opinion.

J'ai signé le décret de nomination du colonel des chasseurs.


Bordeaux, 6 avril 1808

Au Grand-Duc de Berg, lieutenant de l'Empereur en Espagne, à Madrid

L'épée de François 1er, ne valait pas la peine qu'on en fit de l'éclat dans cette circonstance. François ler était roi de France, mais il était Bourbon. Il n'a pas été pris d' ailleurs par les Espagnols, mais par les Italiens.

Je suppose qu'après ma dernière lettre vous aurez été voir le roi Charles et la reine.

Faites exécuter tous mes ordres. Approvisionnez mes troupes de vivres et de cartouches.

Vous dites que je suis le maître de tout, et vous ne l'êtes pas du roi Charles ; car qu'est-ce qu'une brigade dans une ville comme Aranjuez ? Vous ne me parlez pas de la situation et de la force des troupes espagnoles à Madrid et à Aranjuez, et vous me laissez dans l'obscur sur tout. J'espère que Monthion me donnera quelques explications.

Je pense que vous pouvez envoyer le sieur Beauharnais à ma rencontre, à Bayonne; je vous en laisse cependant le maître. Je crois qu'indépendamment des renseignements que je pourrai en tirer, son éloignement de Madrid ne peut être qu'utile. Il laissera son secrétaire comme chargé d'affaires pendant son absence.

Je suppose que vous avez dit à tout le monde que je suis arrivé à Bordeaux, Faites-le mettre dans les journaux, ainsi que l'article du Moniteur qui en fait mention.

J'espère qu'après avoir reçu cette lettre vous recevrez des nouvelles de Barcelone, qui vous annonceront l'arrivée de mes troupes.


Bordeaux, 6 avril 1808

Au Grand-Duc de Berg, lieutenant de l'Empereur en Espagne, à Madrid

Je reçois votre lettre du 31 mars. Le général Belliard envoie au prince de Neuchâtel un état qui est plein d'erreurs. Il porte 3,300 chevaux au corps de la Gironde, comme il ne porte à la division des Pyrénées occidentales que 2,000 hommes; il n'y porte pas le général Verdier. Je ne songe pas à convertir les régiments provisoires en régiments définitifs. Chaque régiment provisoire est composé de quatre bataillons à quatre compagnies; ces quatre compagnies sont toutes d'un même régiment. Je crois qu'il n'y a que quatre bataillons qui aient leurs compagnies formées de deux régiments différents, ce qui est une exception. Par la nouvelle organisation que j'ai donnée à l'armée, les bataillons sont composés de six compagnies, et presque toutes les quatre compagnies qui sont aux régiments provisoires feront partie des 4e bataillons. Aussitôt que les dépôts pourront le faire, ils expédieront les deux compagnies de grenadiers et de voltigeurs, et alors les régiments provisoires seront composés de quatre bataillons, chaque bataillon fort de six compagnies et ayant un effectif de 840 hommes. Dans tous les temps, dans l'organisation militaire, un bataillon a été détaché; ainsi, si toutes les fois que cela arrive, on devait culbuter l'organisation, où en serions-nous ? D'ailleurs les dépôts fourniront aux régiments, au lieu qu'ils n'auraient pas de dépôts d'où je pusse diriger sur les armées d'Espagne et sur la Grande Armée.

Chaque bataillon doit être commandé par un chef de bataillon. Je sais qu'il en manque beaucoup; mais, quand je serai à l'armée, les bons capitaines, je les ferai chefs de bataillon. Je sais qu'il manque beaucoup d'officiers. J'en ai fait venir cent, tirés des vélites de ma Garde, qui ne tarderont pas à se rendre à Madrid, et seront placés dans les régiments. Vous pouvez demander au général Lepic vingt vélites ou vieux soldats, capables d'être faits sous-lieutenants, pris dans les bataillons de ma Garde qui ont du arriver le 6 à Madrid. Vous en enverrez l'état au major général, ainsi que des corps où ils seront attachés, en les donnant aux corps qui en ont le plus besoin. Je suppose que chaque régiment provisoire a un guidon en forme de drapeau. S'ils n'en ont pas, faites-en faire. Un simple guidon, comme les grenadiers en avaient, est suffisant. Ayez bien soin de recommander que, dans la manoeuvre, chaque compagnie forme une division, et chaque demi-compagnie un peloton. Il faut le mettre à l'ordre, le dire et le redire, afin que les officiers le comprennent bien; dire que, dans l'organisation des bataillons à quatre compagnies, une compagnie forme toujours une division.

Vous devez avoir des souliers. Dites à l'intendant général d'en écrire au major général, et de lui faire connaître la quantité que le maréchal Moncey a fait faire, celle que le ministre Dejean a envoyée, et celle distribuée. J'ai donné, je crois, une gratification de souliers. Les corps doivent en sus s'en fournir sur la masse de linge et de chaussure. Ils peuvent s'en faire faire à Madrid, car, enfin, on porte des souliers en Espagne.

J'ai donné une gratification à la masse de linge et de chaussure. Il faut mettre tout cela en règle. Les corps, à ce qu'il parait, n'ont point emporté de leur régiment la masse de linge et de chaussure ; ils ont porté leurs livrets; mais on a laissé la caisse au régiment. Je viens d'ordonner qu'à Paris on fasse la retenue de cette masse aux conseils d'administration des régiments, et qu'en même temps on réintègre les mêmes sommes dans les compagnies des régiments provisoires. Vous pouvez faire exécuter cette disposition sans délai, et ordonner qu'un relevé soit fait des livrets, par compagnie, qui constate ce que chaque individu a dans la masse de linge et de chaussure. L'intendant général arrêtera l'état définitif, qui sera envoyé à la guerre. Le payeur enverra ce même état au trésor public. Cela mettra quelque aisance dans la masse de linge et de chaussure.

Il est nécessaire que l'administration des régiments reste séparée par bataillon, puisque c'est le moyen le plus simple de la rattacher à l'administration générale du corps. Les majors peuvent avoir la surveillance sur les quatre bataillons des régiments.

Je suppose que les troupes s'exercent deux ou trois fois par jour; qu'on fait faire l'exercice à feu et tirer à la cible. Si l'on tire à la cible, il ne faut pas le faire en public, mais de bonne heure et sans qu'il y ait d'Espagnols.

Tous les caissons d'infanterie qui étaient destinés an corps du maréchal Moncey doivent être partis. Le général Dupont doit en avoir beaucoup, de manière que vous devez être muni de cartouches d'infanterie. Comme vous le dites, le parti que vous prenez d'en faire faire est le meilleur. Les soldats doivent, indépendamment de ce qu'ils ont dans le sac, avoir leurs cinquante cartouches; je suppose que le général la Riboisière s'occupe sérieusement de cet objet. Il faut avoir un dépôt de cartouches à Burgos, à Aranda, à Vittoria, à Pampelune, à Saint-Sébastien ; Pampelune doit vous en fournir. Faites-vous remettre par le général la Riboisière un mémoire qui fasse connaître votre situation dans cette partie. J'avais ordonné la réunion de cent voitures à Bayonne; cela devrait être prêt à présent. Il y a dans le nombre beaucoup de caissons d'infanterie.


Bordeaux, 7 avril 1808

Au prince de Neuchâtel, major général de la Grande Armée

Mon Cousin, j'approuve l'organisation de l'artillerie que le général Songis présente dans son rapport du 5 mars, avec les changements suivants. Dix obusiers sont de trop pour le 1er corps; huit suffisent. On portera alors au parc six pièces de 6, au lieu de quatre. Six pièces ne suffisent pas an 3e corps. Quoique ce corps ne soit composé que de trois divisions, il y a cependant un plus grand nombre de régiments que dans les autres divisions. Je pense donc qu'il faut porter au parc quatre pièces de plus, ce qui ferait dix pièces au lieu de six; des pièces peuvent être détachées avec les régiments qui seraient extraits des divisions. Cela porterait le nombre de pièces du 3e corps à cinquante-deux. La réserve du 4e corps n'est pas suffisante à six pièces, il faut également l'augmenter de quatre; ce qui porterait le nombre des pièces de ce corps à soixante-quatre. La réserve du 5e corps est trop forte à six pièces, quatre suffisent; ce qui fera monter le nombre des pièces de ce corps à trente-quatre. Même observation pour le 6e corps. Le total des pièces nécessaires serait donc de trois cent quatre, au lieu de trois cents. Il faut avoir, indépendamment de cela, au parc général, seize pièces; ce qui ferait trois cent vingt pièces de canon. Je pense que le général Songis doit se procurer ces trois cent vingt pièces sans délai, et qu'il en a les moyens avec la quantité du personnel du train qu'il a ; qu'il doit supprimer tout ce qui serait luxe de parc inutile, et recruter avec activité les chevaux. Il y a une partie de l'approvisionnement qu'on se procurerait plus tard, qui, nécessairement, serait traîné de Küstrin, de Stettin , de Varsovie, par réquisitions ou par des moyens de transport qu'on trouvera alors. Cet équipage serait composé de trente-six pièces de 12, de deux cent dix de 3 , de 4, de 6 et de 8, et de soixante et douze obusiers. Ce qui fait, pour un approvisionnement complet, 630 caissons, 320 pièces, 150 forges, caissons de parc, prolonges, affûts de rechange, c'est-à-dire 1,100 attelages, 600 caissons d'infanterie, en tout 1,700 attelages; et, pour un approvisionnement et demi, 945 caissons, 320 pièces, 150 forges, caissons de parc, etc., c'est-à-dire 1,415 voitures et 600 caissons d'infanterie, en tout 2,015 attelages, qui, à 5 chevaux l'un portant l'autre, en comprenant les voitures qui doivent être attelées de 6 chevaux , ne forment que 10,000 chevaux. Or vous en avez 13,000 : il reste donc 3,000 chevaux pour le parc et pour les autres besoins. Ces 3,000 chevaux peuvent atteler 600 caissons (c'est-à-dire porter, comme parc général, un demi-approvisionnement de toute l'artillerie) , 100 caissons de parc, forges, prolonges, etc. , et 200 caissons d'infanterie. Vous devez observer au général Songis que l'artillerie, telle qu'il l'organise, coûte trop de chevaux d'attelage, et qu'il faut que les effets soient proportionnés aux moyens.


Bordeaux, 7 avril 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, un nommé Thienson, peintre, doit arriver à Milan, se dirigeant sur Rome de Milan, il doit se rendre à Florence, et de 1à à Rome, où il a le projet d'être rendu le 25 avril. Au reçu de cette lettre, vous le ferez arrêter, vous ferez saisir ses papiers, que vous m'enverrez tout cacheté; et lui, vous le dirigerez sur Paris. S'il était parti de Milan, vous enverriez cet ordre au commandant français à Florence. Il est possible qu'il ait dans ses papiers des lettres pour Lucien, pour le roi de Naples. Tout doit être mis indistinctement sous le scellé et doit m'être envoyé.

(Propre main) S'il est parti de Florence et qu'il soit à Rome, vous le laisserez, mais vous le ferez arrêter à son retour.

(Lettres au prince Eugène)


Bordeaux, 7 avril 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, répondez au sieur Beauharnais que je suis étonné qu'il n'ait pas su faire la réponse à cette note : "que ce n'est pas dans un moment où le peuple fait la loi au gouvernement qu'on peut être indifférent à la circulation d'une si grande quantité d'armes et qu'il semble que le gouvernement espagnol doit être bien aise de voir les armes en sûreté et hors du pouvoir des hommes qui paraissent vouloir agiter la monarchie"

(Brotonne)


Bordeaux, 8 avril 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Les 3,000 matelots des villes hanséatiques se lèvent. Il faut correspondre avec le sieur Bourrienne ou avec l'officier que vous en avez chargé, pour les dépenses. D'un autre côté, l'ordonnateur de ce port me mande qu'il en a envoyé plus de 500 à Flessingue, et qu'il en attend plus de 1,500 venant d'Espagne, qu'il dirige également sur Flessingue.

Le commandant de la marine ici m'assure que la frégate la Comète, qui est au Passage, est susceptible d'être réparée; qu'il ne s'est pas vérifié qu'elle faisait eau, et que les premiers rapports sont controuvés. Donnez les ordres nécessaires pour réarmer cette frégate et pour la faire monter avec les matelots qui viennent d'Espagne et avec les Français qui se trouvent là. Elle sera utile pour éloigner les les croisières ennemies de ces parages ou pour être envoyée en mission.

Il parait qu'on pourrait construire des vaisseaux à Bordeaux, mais que cela ne serait d'aucune utilité, puisque les bois se transportent facilement à Rochefort; mais qu'il serait utile d'avoir, dans une anse entre Bordeaux et Rochefort, deux ou trois péniches et autant de chaloupes canonnières, parce que les Anglais interceptent cette communication avec des péniches. Donnez des ordres efficaces pour la station de ce petit armement entre Rochefort et la Gironde. On emploie ici à des frégates du bois qui pourrait être utile à des vaisseaux de ligne. Il parait que l'on marque, dans le bassin de la Gironde et de la Dordogne, pour 100 milliers de pieds cubes de bois, mais que les fournisseurs n'en marquent que 50,000 et que les 50 autres milliers rentrent aux adjudicataires. D'un autre côté l'on ne marque point dans des forêts où l'on pourrait marquer du très-beau bois.

Il faudrait mettre deux frégates en construction à Bordeaux. Il y a vingt ans qu'on y construit quatre vaisseaux de 60. Faut-il admettre dans les escadres des vaisseaux de 50 ? C'est une question sur laquelle je sais que les officiers de marine se sont prononcés. Cependant l'exemple des Anglais prouve qu'ils y sont nécessaires. Ils ont l'avantage d'être plus forts qu'une frégate dans un combat de ligne, et ils ont l'avantage encore de pouvoir s'approcher des côtes et d'entrer dans beaucoup de ports où un vaisseau de 74 ne peut entrer. A Aboukir et dans d'autres circonstances, des vaisseaux de 50 ont rendu aux Anglais plus de services que n'auraient pu en rendre des vaisseaux de 74. Comme il paraît que nous ne manquerons pas de vaisseaux à Flessingue, activez les constructions d'Anvers, afin d'avoir en mer trois ou quatre vaisseaux à la fin de l'année. Comme il parait que nous allons aussi avoir des matelots à Rochefort, le vaisseau 1e Calcutta, étant en bon état, si ce vaisseau marche, on pourrait l'armer. Il serait pris sans déshonneur par un vaisseau de 74, et il ne le sera jamais par une frégate; dès lors, il nous rendrait à peu près le même service; car 74 contre 74, avec les équipages qu'ont aujourd'hui nos vaisseaux, il y a bien des probabilités qu'ils seront pris. Le principal est de s'assurer si le Calcutta marche; on m'assure qu'il est susceptible de bien marcher.

Il faudrait beaucoup que les frégates la Pallas, l'Elbe et la Renommée fussent armées et à l'eau, lorsque je passerai dans cette ville; d'ici à six semaines.

Je désirerais qu'on mit à l'eau, à la même époque, l'Amphitrite à Cherbourg et la Bellone à Saint-Malo.


Bordeaux, 8 avril 1808, 5 heures après midi

Au Grand-Duc de Berg, lieutenant de l'Empereur en Espagne, à Madrid

Je reçois votre lettre du 2 au soir. Je n'approuve pas votre ordre du jour. Qu'est-ce que les Suédois et les Russes ont de commun avec mon armée ? Pourquoi annoncer que je vais en Espagne ? Je ne vous y avais pas autorisé. Je n'ai jamais dit que j'irais à Madrid. Vous pouviez le dire et non l'écrire. Le moins que vous écrirez sera le mieux. Il serait fâcheux que tout cela et votre discours pour la réception de l'épée de François ler fussent imprimés.

Vous aurez reçu dans la journée du 3 ma lettre du 27 mars, qui vous aura fait connaître mes intentions. Savary aura dû vous en dire le fond. J'attends cette nuit votre réponse.

Le général Reille va se rendre immédiatement près de vous. Vous ne devez pas être inquiet sur vos subsistances; tous les couvents sont remplis de vivres.

Je suis fâché que mes généraux se soient enfournés dans les plus belles maisons de Madrid. Ils devaient se cantonner aux portes de la ville ou dans les faubourgs. S'il arrive quelque malheur, ce sera leur faute. La scène arrivée à mes soldats. est très-fâcheuse, et, si je vais à Madrid, je ne pourrai que donner des marques de mon improbation à l'officier qui commandait la caserne. Il y a dans tout cela de la faiblesse. J'attends avec impatience de vos nouvelles.


Bordeaux, 9 avril 1808

A M. Daru, intendant général de la Grande Armée

Monsieur Daru, je ne conçois rien à votre dépêche du 9 mars. Il me semble que le sieur Jollivet avait assez bien arrangé les choses ; il fallait le laisser signer; d'autant plus que, ayant calculé sur ce que vous m'aviez dit que le traité était signé , j'avais disposé de 6,500,000 francs. Tout cela traîne en longueur sans raison. Il était bon d'arrêter le principe, mais vous aviez le temps de discuter les détails. Mes troupes resteront le temps nécessaire et ne rentreront que lorsque les 30 millions seront payés; ainsi j'avais bien le temps de me faire payer de 6 millions. La direction que vous avez donnée à cette affaire est très-préjudiciable à mes intérêts. Le sieur Jolivet l'avait mieux terminée.


Bordeaux, 9 avril 1808, 8 heures du matin

Au Grand-Duc de Berg, lieutenant de l'Empereur en Espagne, à Madrid

Je reçois votre lettre du 3, à minuit, par laquelle je vois que avez reçu ma lettre du 27 mars. Celle du 30 et Savary, qui doit être arrivé, vous auront fait connaître encore mieux mes intentions. Le général Reille part à l'instant pour se rendre près de vous.

Je vois en général que vous attachez trop d'importance à l'opinion de la ville de Madrid. Je n'ai pas réuni de si grandes armées en Espagne pour suivre les fantaisies de la populace de Madrid. Le principal est que vous soyez bien le maître du roi Charles, qu'il n'ai pas autour de lui des gens importuns, et qu'une bonne division le rassure contre les événements populaires; ensuite qu'il n'y ait aucune intelligence des nouveaux faiseurs avec l'Angleterre, ni aucune tendance à s'en aller; que l'armée ne se constitue pas habitante de Madrid ; que les hôpitaux et les magasins soient resserrés dans les faubourgs; qu'on maintienne une bonne discipline et qu'on ne tienne aucun mauvais propos. On dit que les officiers chassent dans les chasses de l'Escurial : cela serait très-mal fait. Il est à désirer que le prince des Asturies soit à Madrid ou vienne à ma rencontre. Dans ce dernier cas, je l'attendrai à Bayonne. Il serait fâcheux qu'il prit un troisième parti. Savary connaît tous mes projets et a dû vous faire part de mes intentions. Quand on connaît le but où l'on doit marcher, avec un peu de réflexion, les moyens viennent facilement.

Je vous ai fait connaître que je faisais arriver un grand nombre d'officiers en Espagne, et je vous ai autorisé à en nommer. Demandez à l'intendant général de vous faire connaître où sont tous les souliers qu'a envoyés le ministre Dejean et ceux que le maréchal Moncey fait fabriquer. Les états du général Belliard sont toujours inexactes. Il porte à la division des Pyrénées occidentales le 1er régiment provisoire : c'est un régiment de marche ; le 1er régiment provisoire est au corps du maréchal Moncey. Il n'y porte d'ailleurs ni les cinq bataillons des légions de réserve, ni la division Verdier.


Bordeaux, 10 avril 1808

A M. Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur Mollien, je vous envoie copie d'une lettre que j'écris au sieur Daru. Je pense qu'il est nécessaire que vous envoyiez un homme du trésor, très-fort, que vous recommanderez à l'intendant général et au receveur général, pour rédiger sur tout cela un travail clair et bien fait. L'objet de sa mission sera de porter une grande surveillance sur le payeur. Les abus de la solde doivent être énormes; il y a au moins 20 millions de trop, ou par la faute du payeur, ou par le grand nombre d'abus qui se sont glissés. Le rapport que vous enverra l'agent du trésor, qui doit être considérable dans cette partie, aura pour but de bien faire connaître tout ce qui était entré, au 1er janvier 1808, dans la caisse des contributions, ou reçu par les administrateurs du pays, ce qui, selon les comptes de l'intendant général, doit se monter à 199 millions avoués par le receveur, et à 22 millions qu'il a dû recevoir depuis, et de constater l'emploi de ces sommes, ce qui doit conduire au résultat de 88 millions disponibles, acquis à la caisse d'amortissement. Cette opération faite, l'agent du trésor assistera, avec l'intendant général, à la formation du budget de 1808, en recettes et en dépenses. Combien le receveur général croit-il recevoir, indépendamment des 222 millions qu'il est censé avoir reçus ? Combien est-il dû encore sur la contribution extraordinaire ? Combien est-il dû au ler avril ? Combien croit-on pouvoir en percevoir dans l'année ? Quels sont les revenus ordinaires présumés de tous les états pour l'année 1808 ? Combien avaient-ils rendu au ler avril ? L'agent du trésor vous répondra sur ces questions. On verra par là les rentrées qu'on peut espérer dans l'année. Les dépenses, en les portant exagérées, ne peuvent dépasser 70 millions.


Bordeaux, 10 avril 1808

Au général Clarke, ministre de la guerre

Je ne conçois pas comment vous n'avez pas pu m'envoyer les vélites que je demandais. Vous m'envoyez des officiers d'ordonnance c'est bien différent; ils porteront dans les corps un faux esprit.


Bordeaux, 10 avril 1808, à midi

Au Grand-Duc de Berg, lieutenant de l'Empereur en Espagne, à Madrid

Je reçois votre lettre du 6, à quatre heures après midi. J'y vois que le prince des Asturies s'est rendu à Aranjuez pour de là se rendre Burgos. Il est fâcheux que vous ne soyez pas plus fort à Aranjuez. Si vous aviez là 6,000 hommes d'infanterie, tout serait bien. Mai tout ce que je pourrais dire là-dessus actuellement est inutile.

Savary doit être arrivé le 7, et vous aura fait connaître mes intentions. Reille est parti d'ici hier matin avec des instructions dans le sens de celles de Savary. Je fais partir aujourd'hui Monthion avec de instructions dans le même sens pour Bessières, pour Verdier et pour vous. Mais avant tout il est nécessaire de connaître le parti que prendra le prince des Asturies. S'i1 se rend à Burgos et à Bayonne il aura tenu sa parole. S'il reste à Aranjuez, ou s'il allait à Séville et qu'il eût enlevé le roi Charles, alors cela signifierait qu'il est en pleine disposition hostile. Lorsque le but que je me propose et que vous aura fait connaître Savary sera rempli, vous pourrez déclarer verbalement, et dans toutes les conversations, que moi intention est non-seulement de conserver l'intégrité des provinces et l'indépendance du pays, mais aussi les privilèges de toutes les classes et que j'en prendrai l'engagement ; que j'ai le désir de voir l'Espagne heureuse et dans un système tel que je ne puisse jamais la voir redoutable pour la France.

Le sieur Beauharnais me mande qu'il serait possible que le duc de l'Infantado fût à la tête d'un mouvement à Madrid. Si cela est, vous le réprimerez à coups de canon, et vous en ferez une sévère justice Vous devez vous souvenir des circonstances où, sous mes ordres, vous avez fait la guerre dans de grandes villes. On ne s'engage point dans les rues ; on occupe les maisons des têtes de rues et on établi de bonnes batteries.

Vous devez, dans tous les cas, trouver dans la bonté et l'utilité de mes projets sur l'Espagne des arguments propres à concilier tous les partis. Ceux qui veulent un gouvernement libéral et la régénération de l'Espagne les trouveront dans mon système ; ceux qui craignent le retour de la Reine et du prince de la Paix peuvent être rassurés, puisque ces deux individus seront sans influence et sans crédit. Les grands qui voudront de la considération, et des honneurs, qu'ils n'avaient pas dans l'administration passée, la retrouveront. Les bons Espagnols qui veulent la tranquillité et une bonne administration trouveront ces avantages dans un système qui maintiendra l'intégrité et l'indépendance de la monarchie espagnole.


Bordeaux, 11 avril 1808

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, je crois vous avoir donné l'ordre d'envoyer le bataillon de Neuchâtel au Havre. Je désire qu'à mesure que la légion de la Vistule arrivera vous en fassiez passer la revue par un inspecteur, et que vous fassiez mettre sa comptabilité en bon état. Mon intention est que vous placiez son dépôt à Sedan. Vous composerez ce dépôt du fond d'une compagnie de chaque régiment, ce qui fera trois compagnies, et d'une du régiment à cheval, ce qui fera quatre compagnies. Vous mettrez à ce dépôt un quartier-maitre, un conseil d'administration et un major. Les recrues venant de Pologne s'arrêteront là pour être habillées. Vous sentez que cette légion a besoin d'une autre organisation, et que trois régiments d'infanterie de 1,800 hommes chacun et un régiment de cavalerie de 1,2200 hommes ne peuvent rester sous un seul chef. Il faut donc avoir, d'abord , un régiment de lanciers organisé, comme nos régiments de chasseurs, à 4 escadrons de 1250 hommes chacun, plus une compagnie de dépôt de 125 hommes, ce qui ferait un effectif de 11 à 1,200 hommes; secondement, des trois régiments d'infanterie, je prendrai le parti d'en faire un seul, ayant son administration à part et composé de 6 bataillons de 6 compagnies chacun et d'un bataillon de dépôt de 4 compagnies, ce qui ferait 40 compagnies, chacune à l'effectif de 140 hommes. En attendant, vous pouvez placer la cavalerie, immédiatement après en avoir passé la revue, à Paris, le long de l'Eure ou de la Seine, en choisissant les pays où le fourrage est le plus abondant et à meilleur marché, et de manière qu'elle soit à portée de marcher au secours d'un débarquement qui aurait lieu à Cherbourg et au Havre. Jetez-la cependant un peu à gauche, afin que si, après avoir reçu votre rapport, je me décidais à la faire venir en Espagne, il n'y eût aucune fausse marche de faite. Vous cantonnerez l'infanterie dans l'arrondissement de deux ou trois marches de Paris, toujours du côté de la mer, en plaçant chaque régiment dans une localité, pour qu'il puisse s'occuper de son instruction et être à même de marcher où il serait nécessaire. Pendant ce temps, vous méditerez l'organisation de la légion d'après les nouvelles bases que je viens d'indiquer, et, sur la connaissance que vous aurez prise de la situation en hommes et en officiers, vous me présenterez un rapport et un projet de décret.


Bordeaux, 12 avril 1808

NOTE POUR M. CRETET, MINISTRE DE L'NTÉRIEUR, A PARIS.

Sa Majesté n'approuve pas les principes énoncés dans la note du ministre (1).


(1) Le ministre de l'intérieur se proposait de faire la réponse suivante à l'abbé Halma, demandant à publier, aux frais de l'État, une continuation de l'Histoire  de France, de Velly, Villaret et Garnier :

"..... Le ministre a consulté à cet égard les hommes les plus éclairés ; ils ont pensé que cette demande ne pouvait être accueillie. Il ne saurait y avoir aucun motif pour faire intervenir le Gouvernement dans cette continuation et en faire une dépense publique... Cette opération ne sort point de la classe des entreprises que le Gouvernement petit laisser à l'industrie particulière, et ses secours doivent être réservés à l'exécution des grands travaux et des collections qui sont au-dessus des forces des simples particuliers" (Note pour Sa Majesté , en date du 6 avril 1808.)


Ils étaient vrais il y a vingt ans, ils le seront dans soixante, mais ils ne le sont pas aujourd'hui. Velly est le seul auteur un peu détaillé qui ait écrit sur l'histoire de France. L'Abrégé chronologique du président Hénault est un bon livre classique. Il est très-utile de les continuer l'un et l'autre. Velly finit à Henri IV, et les autres historiens ne vont pas au delà de Louis XIV. Il est de la plus grand importance de s'assurer de l'esprit dans lequel écriront les continuateurs. La jeunesse ne peut bien juger les faits que d'après la manière dont ils lui sont présentés. La tromper en lui retraçant des souvenirs c'est lui préparer des erreurs pour l'avenir. Sa Majesté a chargé le ministre de la police de veiller à la continuation de Millot; elle désir que les deux ministres se concertent pour faire continuer Velly et le président Hénault. Il faut que ce travail soit confié non-seulement à des auteurs d'un vrai talent, mais encore à des hommes attachés, qui présentent les faits sous leur véritable point de,vue, et qui préparent une instruction saine, en prenant ces historiens au moment où ils s'arrêtent, et en conduisant l'histoire jusqu'en l'an VIII.

Sa Majesté est bien loin de compter la dépense pour quelque chose. Il est même dans son intention que le ministre fasse comprendre qu'il n'est aucun travail qui puisse mériter davantage la protection de l'Empereur.

Il faut faire sentir à chaque ligne les effets de l'influence de la cour de Rome, des billets de confession, de la révocation de l'édit de Nantes, du ridicule mariage de Louis XIV avec madame de Maintenon, etc. Il faut que la faiblesse qui a précipité les Valois du trône, et celle des Bourbons, qui ont laissé échapper de leurs mains les rênes du gouvernement, excitent les mêmes sentiments. On doit être juste envers Henri IV, Louis XIII , Louis XIV, Louis XV, mais sans être adulateur. On doit peindre les massacres de septembre et les horreurs de la Révolution du même pinceau que l'Inquisition et les massacres des Seize. Il faut avoir soin d'éviter toute réaction en parlant de la Révolution. Aucun homme ne pouvait s'y opposer. Le blâme n'appartient ni à ceux qui ont péri, ni à ceux qui ont survécu. Il n'était pas de force individuelle capable de changer les éléments et de prévenir les événements qui naissaient de la nature des choses et des circonstances.

Il faut faire remarquer le désordre perpétuel des finances, le chaos des assemblées provinciales, les prétentions des parlements, le défaut de règle et de ressort dans l'administration, cette France bigarrée, sans unité de lois et d'administration, étant plutôt une réunion de vingt royaumes qu'un seul État; de sorte qu'on respire en arrivant à l'époque où l'on a joui des bienfaits dus à l'unité de lois, d'administration et de territoire. Il faut que la faiblesse constante du gouvernement sous Louis XIV même, sous Louis XV et sous Louis XVI, inspire le besoin de soutenir l'ouvrage nouvellement accompli et la prépondérance acquise. Il faut que le rétablissement du culte et des autels inspire la crainte de l'influence d'un prêtre étranger ou d'un confesseur ambitieux qui pourraient parvenir à détruire le repos de la France.

Il n'y a pas de travail plus important. Chaque passion, chaque parti peut produire de longs écrits pour égarer l'opinion ; mais un ouvrage tel que Velly, tel que 1'Abrégé chronologique du président Hénault, ne doit avoir qu'un seul continuateur. Lorsque cet ouvrage bien fait et écrit dans une bonne direction aura paru, personne n'aura la volonté et la patience d'en faire un autre, surtout quand, loin d'être encouragé par la police, on sera découragé par elle. L'opinion exprimée par le ministre dans sa note, et qui, si elle était suivie, abandonnerait un tel travail à l'industrie particulière et aux spéculations de quelques libraires, n'est pas bonne et ne pourrait produire que des résultats fâcheux.

Quant à l'individu qui se présente, la seule question à examiner consiste à savoir s'il a le talent nécessaire, s'il a un bon esprit, et si l'on peut compter sur les sentiments qui guideraient ses recherches, conduiraient sa plume.


Bordeaux, 12 avril 1808  

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

L'empereur de Russie a mis toutes ses escadres à ma disposition. Il est, en conséquence, nécessaire que vous envoyiez un ordre au préfet maritime de Toulon, pour les deux vaisseaux russes qui sont à l'île d'Elbe, de se rendre à Toulon, soit en profitant du passage de l'amiral Ganteaume, s'ils le peuvent, soit en profitant de la première occasion favorable. Vous ne mettrez point de date à votre lettre au commandant de l'escadre russe, et vous laisserez au préfet maritime la faculté de la mettre. Votre ordre sera ainsi conçu :

"Monsieur le Commandant, en conséquence des ordres de S. M. l'Empereur Alexandre, qui met ses escadres à la disposition de S. M. l'Empereur Napoléon, mon auguste maître, Sa Majesté me charge de vous faire connaître que son intention est que vous vous rendiez avec les deux vaisseaux que vous commandez dans le port de Toulon, pour immédiatement vous mettre en état de suivre le mouvement général de ses escadres."

Vous enverrez le même ordre au commissaire général de la marine à Venise, et vous lui prescrirez d'envoyer un ingénieur à Trieste pour prendre connaissance de la situation des vaisseaux russes qui sont dans ce port, afin que je leur fasse passer les ordres nécessaires. Vous ajouterez qu'il est nécessaire qu'une partie de ces vaisseaux soit toujours en appareillage, afin d'obliger les Anglais ou à abandonner ces mers, ou à y tenir une division; ce qui les affaiblira d'autant sur d'autres points. Vous chargerez l'ingénieur de vous rendre compte de la situation des vaisseaux russes et de ce que je puis en espérer.


Bordeaux, 12 avril 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur Decrès, j'ai 10 vaisseaux à Toulon. Je vous réitère de prendre les mesures nécessaires pour que le vaisseau qui est à Gênes soit mis à l'eau dans le plus court délai, ainsi que les deux qui sont à Toulon; ce qui portera le nombre de mes vaisseaux dans ce port à 13, qui, avec les 2 vaisseaux russes de l'île d'Elbe et les 6 vaisseaux espagnols de Mahon, formeront une escadre de 21 vaisseaux de ligne, avec une douzaine de frégates, corvettes ou gros bricks. J'ai à Toulon 2 flûtes de 800 tonneaux, 2 flûtes de 450 et 1 de 350. Le Frontin doit être tenu en bon état; il peut servir comme flûte. Ces 6 flûtes doivent facilement porter 3,500 hommes, et l'escadre dont je viens de parler doit facilement porter 16,000 hommes; ce qui ferait près de 20,000 hommes. Je désire que vous fassiez construire à la Ciotat, à Marseille, etc. , 8 flûtes de 800 tonneaux ou de 450, selon que vous le jugerez plus utile. Celles de 800 tonneaux ont l'avantage d'employer moins de bâtiments; celles de 450 ont l'avantage de n'exiger que des bois d'un petit échantillon et d'être plus faciles à manoeuvrer. Vous me ferez connaître également le nombre de bâtiments suédois, prussiens, portugais, qui sont à Toulon ou à Marseille, appartenant à la marine, et les ressources qu'ils pourraient offrir. S'il y avait quelques flûtes danoises, vous me rendrez compte s'il est convenable de les acheter. Mon intention est d'avoir toujours à Toulon un nombre de flûtes suffisant pour porter 6,000 hommes d'infanterie, 1,000 chevaux et 1,000 hommes avec les chevaux. Je désirerais que, s'il n'y a pas d'inconvénient, il y eût sur chaque flûte des chevaux, et que le nombre des flûtes pour porter ces 7,000 hommes et 1,000 chevaux ne dépassât pas 20. Je compte le Frontin comme flûte, de sorte que 28 à 30,000 hommes et 1,000 chevaux seraient portés sur 50 bâtiments au moins, sur 60 au plus, ce qui ne serait pas un immense convoi. Le transport serait pour une expédition dans la Méditerranée, et demanderait trois mois de vivres et deux mois d'eau pour les chevaux. Faites-moi un mémoire très- sérieux là-dessus. Mon intention est de tenter une grande opération au mois d'octobre, pour laquelle j'ai besoin de 30,000 hommes et de 1,000 chevaux. Activez toutes les constructions de Toulon. Proposez-moi la construction des flûtes que je vous demande. Si je puis les avoir en septembre, bien; sans quoi elles serviront pour l'année prochaine. Proposez-moi un projet d'expédition en septembre avec les moyens actuels, si nous ne pouvons pas compter sur les nouvelles flûtes. Je vois dans ce pays une grande quantité de bâtiments danois qu'on aurait à bon marché, et qui paraissent être de beaux bâtiments.


Bordeaux, 12 avril 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur Decrès, j'ai dans ce moment 8 vaisseaux et 2 frégates à Flessingue. Je désire que les travaux d'Anvers soient poussés avec plus grande activité. Je compte les aller voir dans le courant de l'été. Je désirerais mettre à l'eau avant le mois de novembre 2 ou 3 vaisseaux, et, au mois de mars prochain , les autres. Je pourrais donc espérer d'avoir dans la campagne prochaine 18 vaisseaux de guerre dans le temps que les Hollandais en auraient 10. Ces 18 vaisseaux, s'ils étaient toute l'année prochaine sans sortir, pourraient-ils tous entrer à Flessingue ? Il me semble avoir entendu dire que ce port ne pouvait en contenir que 14; mais il doit y avoir moyen d'en placer 3 ou 4 dans un lieu à l'abri des glaces. Il serait en général à désirer que 25 vaisseaux pussent être réunis à Flessingue, puisque les chantiers d'Anvers sont les seuls où nous puissions vraiment construire et que la guerre actuelle peut être longue. En y mettant toute l'activité convenable, nous pouvons en 1810 avoir 27 à 28 vaisseaux dans la rade de Flessingue, accroissement progressif effrayant pour l'Angleterre. Je crois avoir ouï dire qu'il était facile d'augmenter les bassins. J'attends le rapport que vous me ferez là-dessus.

Je ne puis espérer d'avoir à Brest que 6 vaisseaux capables de faire campagne, lesquels ne porteraient que 3,000 hommes. Je pourrais y avoir 6 frégates ou grosses corvettes portant 1,200 homme Je désirerais savoir si l'on ne pourrait pas disposer de 7 ou 8 de nos anciens vaisseaux, qu'on armerait en flûte, qui pourraient porter 7 à 8,000 hommes, et qui seraient capables d'aller en Irlande ou en Amérique. Enfin il y a les flûtes qui sont à Brest.

Puis-je avoir l'année prochaine à Lorient 3 vaisseaux de guerre, à Rochefort 5 ? J'espère en avoir 8 à Cadix, parce que je réunirai à mon escadre 3 vaisseaux espagnols, 4 à Lisbonne, combinés avec flotte russe, 15 à Toulon et 3 à Ancône ; ce qui me ferait 64 vaisseaux de guerre français. J'aurai de plus 25 vaisseaux espagnols, 12 russes et 10 hollandais, total 111 vaisseaux de guerre; situation qui ne laisserait pas de donner lieu à toute espèce de combinaisons, surtout appuyés à la flottille. L'Irlande, les possessions d'Amérique, Surinam, le Brésil, Alger, Tunis, l'Égypte, la Sicile, sont des points vulnérables. Mais le port où il faut construire avec le plus d'activité, c'est Anvers,

Pourquoi n'y a-t-il pas un autre vaisseau à Gênes ? Si le local vous paraît défavorable, faites-le mettre à Sestri ou à la Spezia.


Bordeaux, 12 avril 1808

NOTES POUR M. LE COLONEL LACOSTE, AIDE DE CAMP DE L'EMPEREUR , EN MISSION

Qu'est-ce qu'on me construit de frégates à Bayonne ? Quelle est la plus grosse frégate qu'on ait construite ? Combien y a-t-il de pieds cubes de bois en magasin ou sur les chantiers ? Combien peut-on s'en procurer par an ? Combien y a-t-il d'eau dans la rade ? A quelle distance de la côte peut mouiller un vaisseau de 74 ? Est-il là sur un bon fond, à l'abri du mauvais temps ? Combien la marée monte-t-elle en vive eau à l'équinoxe sur la barre ? Si, au lieu où l'on construit une frégate, on construisait un vaisseau de 74, combien faudrait-il l'alléger pour le faire passer sur la barre aux plus vives eaux du printemps ? Qu'est-ce qui empêche de faire cet allégement par le moyen d'un chameau ? Prendre les mêmes renseignements sur le port du Passage.


Bordeaux, 12 avril 1808, à midi

Au Grand-Duc de Berg, lieutenant de l'Empereur en Espagne, à Madrid

Je reçois votre lettre du 7 à minuit. Je pars à l'instant pour Bayonne, où je recevrai vos lettres des 9, 10, 11 et du 12. J'ai vu avec plaisir que Savary était arrivé. Mes instructions étaient absolument conformes à ce que vous vouliez entreprendre. J'attends d'apprendre que le roi Charles soit entièrement en sûreté et arrivé à l'Escurial. J'espère que Reille est arrivé à cette heure, puisqu'il est parti le 9 au matin d'ici. Ainsi vous serez parfaitement éclairé sur le parti que vous avez à prendre. Vous avez vingt fois plus de troupes qu'il ne vous faut pour mettre à la raison quiconque ne marcherait pas droit.

Je viens de passer la revue des 10e et 22e de chasseurs et d'autre corps qui font partie de la division Lasalle. J'ai passé la revue de plusieurs régiments provisoires, qui sont très-beaux. Quand je jugerai le moment arrivé, j'arriverai à Madrid comme une bombe. Mai remplissez le but que je me propose et que vous aura fait connaître le général Reille.


Bordeaux, 12 avril 1808

DÉCISION

M. Mollien, ministre du trésor public, expose que M. de Champagny, ministre des relations extérieures, prétend appliquer à des dépenses antérieures à l'an VIII une somme allouée seulement pour des dépenses de l'an IX à l'an XIII. M. Mollien ne croit pas pouvoir consentir à cette mesure sans l'autorisation spéciale de l'Empereur.

Le ministre du trésor a raison, il faut ne rien payer que sur 1es exercices courants.


Bordeaux, 13 avril 1808

Au prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée

Mon Cousin, répondez au prince de Ponte-Corvo que vous avez mis sa lettre sous mes yeux; que je ne suis pas étonné de tout ce qui est arrivé, et que c'est parce que je l'avais prévu que j'avais ordonné que la première colonne qu'on ferait passer en Seeland serait une colonne espagnole; qu'il faut donner à la Seeland tous les secours qui sont en notre pouvoir, y faire passer deux régiment espagnols et tous les officiers d'artillerie, du génie et d'état-major dont pourrait avoir besoin le roi de Danemark; qu'il doit se servir des Espagnols pour la défense des îles ; que lui, prince de Ponte-Corvo, doit prendre le commandement général du Holstein , et veiller, avec les deux divisions espagnoles, une division hollandaise et la division française, non-seulement à la garde du Holstein, mais aussi à la défense des villes hanséatiques et de Cuxhaven; qu'une division hollandaise est nécessaire pour défendre l'île de Walcheren, Flessingen et le Texel, où nous avons des escadres considérables. En résumé le prince de Ponte-Corvo doit faire passer deux régiments espagnols en Seeland, avec tous les officiers d'état-major, d'artillerie et du génie, que peut désirer le roi de Danemark; tenir réunies la division francaise et une division hollandaise, l'une dans le Holstein, et l'autre dans les villes hanséatiques; dès que le mois de juin sera arrivé , faire camper toutes les troupes françaises par division dans des lieux très-sains, afin d'entretenir la discipline et les tenir toujours en haleine; disperser la cavalerie pour la défense des côtes; disperser les Espagnols dans les îles pour la défense de la Fionie et des autres points ; tenir la seconde division hollandaise réunie et prête à retourner en Hollande, où les Anglais pourraient bien tenter quelque chose s'ils s'aperçoivent qu'elle est dégarnie. Je ne crois pas que, du reste, les Anglais entreprennent rien contre les Danois , chez lesquels ils n'ont rien à faire. Le roi de Danemark a 18 ou 20,000 hommes de troupes en Seeland. Il faut, d'ailleurs, lui renvoyer tous les Danois qui seraient sur le continent.

Vous ferez connaître au prince de Ponte-Corvo que les troupes espagnoles méritent quelque surveillance; qu'il est nécessaire de les isoler, de manière que, dans aucun cas, elles ne puissent rien faire; que le prince des Asturies est monté sur le trône, que le roi Charles a protesté et s'est rendu à l'Escurial; que, dans cette situation des choses, 50,000 Français sont à Madrid , 30,000 en Catalogne, 30,000 à Burgos et 30,000 en Portugal ; que l'Empereur part pour se rendre à Bayonne, et que vous lui écrirez lorsqu'il y aura quelque chose de plus décidé. En attendant, il peut en causer avec le général de la Romana, et lui dire que je désire l'avantage de l'Espagne et relever ce pays de manière qu'il soit utile à la cause commune contre l'Angleterre. Il m'expédiera un officier qui viendra me joindre partout où je me trouverai, tant pour me porter des nouvelles de ce qui se passe dans le Nord que pour rapporter des nouvelles de ce qui se sera passé ici. Il doit se concerter avec le roi de Hollande pour que, dans tout événement extraordinaire, il puisse lui porter des secours. A cet effet, il faut que son quartier général soit central au milieu du Holstein, à portée de Copenhague, d'Amsterdam et de Hambourg.


Mont-de-Marsan, 13 avril 1808, 10 heures du soir

Au Grand-Duc de Berg, lieutenant de l'Empereur en Espagne, à Madrid

Je reçois vos lettres du 8 et du 9. Vos lettres ne sont pas assez claires. Vous me dites que le roi Charles est à l'Escurial, et vous ne me dites pas comment il y est arrivé, comment il y est gardé, et quelle sensation cela a fait sur les meneurs de Madrid. En général , il faut toujours faire une exposition claire et franche des choses.

Il ne faut pas chercher ni espérer d'obtenir un grand succès d'opinion, mais se tenir dans une excellente position militaire. Reille, qui doit être arrivé depuis longtemps, vous aura dit tout ce que je pense là-dessus. Monthion a dû vous arriver depuis. Je serai demain à Bayonne.


Mont-de-Marsan, 13 avril 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, vous trouverez ci-joint les dépêches qui étaient pour vous dans les deux estafettes. J'ai ouvert les dépêches adressées au cardinal Caprara. Il n'y a rien. C'est une nouvelle preuve de l'extravagance de ce pauvre pape.

Je pense qu'il serait convenable que vous écriviez à M. de Beauharnais de se rendre à Bayonne en voyageant, jour et nuit, de manière à y arriver le plus tôt possible. Mon projet est d'arriver demain à Bayonne, sur les 8 ou 9 heures du soir, pour ne voir personne qu'après-demain. Il est nécessaire que vous donniez des ordres pour qu'on ne laisse passer aucun courrier et que vous fassiez venir le directeur des postes, afin de vous assurer qu'il n'y a pas d'autres lettres que pour les généraux français

(Brotonne)


Mont-de-Marsan, 13 avril 1808, 10 heures du soir

Au maréchal Bessières, commandant la Garde, etc. à Burgos

Mon Cousin, j'arriverai demain à Bayonne. Vous aurez du voir Reille et l'adjudant-commandant Monthion à leur passage; ils vous auront fait connaître la nécessité de vous tenir en règle, vos troupes bien reposées et en situation d'exécuter, en tout état de choses, ce qu'ils vous auront fait connaître être mon intention.

Le général Savary a dû passer, venant de Madrid, puisqu'il en est parti le 10, et le prince des Asturies avec plusieurs grands d'Espagne a dû dépasser Burgos. Vous devez en instruire le grand-duc de Berg, et vous devez savoir à quoi vous en tenir sur tout , puisque je suis toujours dans la même intention qui vous a été manifestée par le général Reille.

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P.S. Écrivez au général Verdier et au général commandant à Pampelune de se tenir en mesure, comme doivent se trouver tous militaires. Prenez vos mesures pour avoir le moins d'hommes isolés et de convois.


Bayonne, 15 avril 1808,

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon fils, je suis ici depuis hier. L'infant don Carlos est venu ici pour attraper la rougeole, de manière que je n'ai pas pu le voir. J'attends le roi Charles et le prince des Asturies. Ma santé est fort bonne, 1'Impératrice est restée à Bordeaux.

(Lettres du prince Eugène)


 16 - 30 avril 1808