1 - 15 Février 1808

Paris, 2 février 1808

A M. Régnier, Grand Juge, ministre de la justice

Les six huissiers de la cour criminelle du département de la Seine sont accusés de dilapidations, de commettre des faux , de supposer des frais et de voler au trésor public plus de 100,000 francs par an. Je suis instruit que vous avez fait réviser les états fournis et payés à ces huissiers depuis le 1er janvier 1807, jusqu'en octobre de la même année, et que vous les avez obligés à restituer 80,000 francs. Mon intention est que les révisions aillent plus loin , et qu'elles remontent à l'an VIII. Si ces huissiers ont commis des faux et sont coupables de délits précisés par le Code civil, mon intention est qu'ils soient mis en jugement et poursuivis avec toute la rigueur des lois. Je ne puis que vous témoigner mon mécontentement des demi-mesures que vous avez prises. J'entends que ces dilapidateurs soient punis, et que vous preniez des mesures pour mettre un terme aux vols des huissiers, si préjudiciables aux intérêts des particuliers et surtout de mon trésor. Je me repose sur votre zèle et sur votre fermeté pour exécuter ma volonté, que j'ai jugé convenable de vous manifester moi-même. Que j'apprenne bientôt que ces abus ont été punis, que les sommes sous-traitées au trésor ont été remises, et que vous avez pris des mesures tellement efficaces , que ces abus ne peuvent plus se renouveler, telle est ma volonté.


Paris, 2 février 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Faites connaître au ministre d'Amérique, verbalement, que toutes les fois que la guerre serait déclarée entre l'Amérique et l'Angleterre et que, par suite de cette guerre, les Américains enverraient des troupes dans les Florides pour secourir les Espagnols et repousser les Anglais, je le trouverai très-bon. Vous lui laisserez même entrevoir que, dans le cas où l'Amérique voulût faire avec moi un traité d'alliance et faire cause commune, je ne serai pas éloigné d'intervenir près de la cour d'Espagne pour obtenir la cession des mêmes Florides en faveur des Américains.

Vous répondrez au roi de Hollande que j'accepte la proposition qu'il me fait de me donner des domaines dans le Brabant, au lieu de ceux de l'Ost-Frise, et vous lui ferez connaître que j'ai nommé un commissaire pour prendre possession desdits biens. Présentez-moi un projet de décret pour nommer le sieur la Rochefoucauld mon ambassadeur près le roi de Hollande. Vous lui donnerez toutes mes instructions , dans lesquelles vous entrerez dans tous les détails convenables ; mais vous appuierez surtout sur l'exécution de toutes les mesures tendant à prohiber tout commerce de la Hollande avec l'Angleterre.


Paris, 2 février 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, je donne ordre au ministre de la marine d'expédier un brick de Toulon à Alger. Vous lui enverrez vos dépêches pour le sieur Dubois-Thainville auquel vous donnerez l'ordre que si, 48 heures après la demande qu'il en aura faite, le dey ne rend pas les esclaves génois, corses et italiens, conformément à nos traités, il ait à quitter Alger et fasse connaître au dey que je lui déclare la guerre.

(Brotonne)


Paris, 2 février 1808

A M. Cretet, ministre de l'intérieur

Monsieur Cretet, présentez-moi un projet sur le sieur . . . .Il a été acquitté par la cour; mais est-il digne de ma confiance ? Comment a-t-il pu adhérer à la recomposition de 400 et tant de mille livres, au dégrèvement de 100,000 francs ? Pourquoi ses liaisons intimes avec . . . . . . .reconnu pour un fripon déhonté, et la protection qu'il lui a accordée dans tous les temps ? L'opinion de la ville de Nantes l'accuse aussi pour ses opérations, après son retour de Paris, en 1805 et 1806.


Paris, 2 février 1808

A M. Cretet, ministre de l'intérieur

Monsieur, Sa Majesté désire que vous lui présentiez demain un projet de décret pour mettre, à commencer de 1808, à la charge des communes la moitié des pensions et demi-pensions ou bourses et demi-bourses des lycées. Elle désire également que vous joigniez à ce projet un état dont les diverses colonnes présenteront, 1° le nombre des lycées ; 2° le nombre des départements qui forment l'arrondissement de chaque lycée; 3° le nombre des bourses et demi-bourses; 4° la répartition proportionnelle entre les villes qui ont des écoles secondaires, des pensions entières et des demi-pensions, qui sont accordées par suite des examens; 5° le nombre des bourses et des demi-bourses à créer pour former, avec la colonne précédente, la moitié des bourses et demi-bourses qui seront accordées par Sa Majesté à des élèves choisis par les habitants des communes. Il doit résulter des dispositions de ce décret, pour 1808, sur le fonds de trois millions de l'instruction publique une économie de 15 ou 1600,000 francs à affecter à d'autres parties du service du ministère de l'intérieur.

L'Empereur recommande aussi , Monsieur, à Votre Excellence le travail relatif aux dépôts de mendicité. Il pense que les communes sont dès à présent en mesure de fournir les fonds nécessaires , et qu'il y aurait de l'inconvénient à laisser ces fonds dans les caisses des receveurs municipaux.

Par ordre de l'Empereur. Maret, ministre secrétaire d'Etat. 


Paris, 2 février 1808

A Alexandre Ier, empereur de Russie, à Saint-Pétersbourg

Monsieur mon Frère, le général Savary vient d'arriver. J'ai passé des heures entières avec lui pour m'entretenir de Votre Majesté. Tout ce qu'il m'a dit m'a été au coeur, et je ne veux pas perdre un moment pour la remercier de toutes les bontés qu'elle a eues pour lui, et qu'elle a pour mon ambassadeur.

Votre Majesté aura vu les derniers discours du parlement d'Angleterre, et la décision où l'on y est de pousser la guerre à outrance. Dans cet état de choses, j'écris directement à Caulaincourt. Si Votre Majesté daigne l'entretenir, il lui fera connaître mon opinion. Ce n'est  plus que par de grandes et vastes mesures que nous pouvons arriver à la paix et consolider notre système. Que Votre Majesté augmente et fortifie son armée. Tous les secours et assistance que je pourrai lui donner, elle les recevra franchement de moi; aucun sentiment de jalousie ne m'anime contre la Russie, mais le désir de sa gloire, de sa prospérité, de son extension. Votre Majesté veut-elle permettre un avis à une personne qui fait profession de lui être tendrement et vraiment dévouée ? Votre Majesté a besoin d'éloigner les Suédois de sa capitale; qu'elle étende de ce côté ses frontières aussi loin qu'elle le voudra; je suis prêt à l'y aider de tous mes moyens.

Une armée de 50,000 hommes, russe, française, peut-être même un peu autrichienne, qui se dirigerait par Constantinople sur l'Asie, ne serait pas arrivée sur l'Euphrate , qu'elle ferait trembler l'Angleterre et la mettrait aux genoux du continent. Je suis en mesure en Dalmatie; Votre Majesté l'est sur le Danube. Un mois après que nous en serions convenus, l'armée pourrait être sur le Bosphore. Le coup en retentirait aux Indes, et l'Angleterre serait soumise. Je ne me refuse à aucune des stipulations préalables nécessaires pour arriver à un si grand but. Mais l'intérêt réciproque de nos deux États doit être combiné et balancé. Cela ne peut se faire que dans une entrevue avec Votre Majesté, ou bien après de sincères conférences entre Romanïof et Caulaincourt, et l'envoi ici d'un homme qui fût bien dans le système. M. de Tolstoï est un brave homme, mais il est rempli de préjugés et de méfiances contre la France, et est bien loin de la hauteur des événements de Tilsit et de la nouvelle position où l'étroite amitié qui règne entre Votre Majesté et moi ont placé l'univers. Tout peut être signé et décidé avant le 15 mars. Au 1er mai nos troupes peuvent être en Asie, et à la même époque les troupes de Votre Majesté à Stockholm. Alors les Anglais, menacés dans les Indes, chassés du Levant, seront écrasés sous le poids des évènements dont l'atmosphère sera chargée. Votre Majesté et moi ont préféré la douceur de la paix et de passer notre vie au milieu de vastes empires, occupés de les vivifier et de les rendre heureux par les arts et les bienfaits de l'administration; les ennemis du monde ne le veulent pas. Il faut être plus grands, malgré nous. Il est de la sagesse et de la politique de faire ce que le destin ordonne et d'aller où la marche irrésistible des événements nous conduit. Alors la nuée de pygmées, qui ne veulent pas voir que les événements actuels sont tels qu'il faut en chercher la comparaison dans l'histoire et dans les gazettes du dernier siècle, ils fléchiront et suivront le moment que Votre Majesté et moi aurons ordonné; et les peuples seront contents de la gloire, des richesses et de la fortune qui seront le résultat de ces grands événements.

Dans ce peu de lignes, j'exprime à Votre Majesté mon âme entière. L'ouvrage de Tilsit réglera les destins du monde. Peut4 de la part de Votre Majesté et de la mienne, un peu de pusillanimité nous portait à préférer un bien certain et présent à un état meilleur et plus parfait; mais, puisque enfin l'Angleterre ne veut pas, reconnaissons l'époque arrivée des grands changements et des grands événements.


Paris, 2 février 1808

Au général Clarke, ministre de la guerre

Monsieur le Général Clarke, je vous renvoie les dépêches du général César Berthier. Vous lui ferez connaître que je lui ai manifesté plusieurs fois mon intention que toutes les troupes françaises fussent réunies à Corfou et à Sainte-Maure, et que les îles de Céphalonie, de Zante et Parga fussent gardées par des Albanais et des bataillons du pays; que l'expérience doit lui avoir prouvé qu'il ne faut ajouter aucune foi aux nouvelles des Turcs; que j'ai des lettres de Constantinople, du ler janvier, qui m'apprennent que jamais mon ambassadeur n'y a été plus puissant; que même la Porte a donné des ordres pour que Butrinto me fût remis; et que le sultan Mustafa a donné les ordres les plus positifs qu'au cas que la forteresse fût assiégée par les Anglais, mon armée de Dalmatie put filer le long de la côte, gagner Butrinto et culbuter l'armée anglaise dans la mer. Je vous envoie les états de l'artillerie de la place de Corfou.


Paris , 2 février 1808

Au général Clarke, ministre de la guerre

Mon intention est que, de toutes les compagnies de garde-côtes répandues depuis Lorient jusqu'à Brest, vous formiez une compagnie de canonniers jeunes et de bonne volonté, qui désireraient passer aux colonies. Vous réunirez à Lorient cette compagnie, que vous composerez d'un capitaine, d'un lieutenant , d'un sous-lieutenant, d'un sergent-major, de quatre sergents, d'un caporal-fourrier, de huit caporaux, de deux tambours et de cent quarante canonniers. Vous en formerez une pareille des détachements de garde-côtes qui sont depuis Bayonne jusqu'à Nantes; elle se réunira à l'île d'Aix. La compagnie de Lorient sera connue sous le nom de 1e compagnie des canonniers des colonies, et celle de Rochefort sous le nom de 2e compagnie des canonniers des colonies.


Paris, 2 février 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, j'envoie l'ordre au ler bataillon du 3e régiment d'infanterie légère italien et à 30 canonniers italiens et 30 canonniers français de se rendre à Corfou par terre; ils se réuniront d'abord à Cattaro. Le général Marmont enverra demander aux pachas qui se trouvent sur cette route le passage pour ses troupes et les vivres. 

est de vingt-quatre millions. J'ai ordonné que le trésor céderait à la Grande Armée pour vingt-quatre millions d'effets. Je désire que vous me fassiez un rapport sur ces trois natures d'effets , afin que je voie de quelle manière je dois solder ce que je dits de gratification à la Grande Armée. Joignez-y l'état des biens de Vanlerberghe, qui se montent à dix millions, ce qu'ils ont rendu net en l'an XIII , et en 1806 et 1807. Faites-moi le même rapport sur les salines.

Envoyez-y un de vos officiers. Le 5e de ligne italien, qui est à Corfou, manque de tout; prenez des mesures pour que le ministre. Caffarelli envoie tout ce qui est nécessaire pour habiller et mettre promptement en état ce régiment. Il est très-nécessaire que vous leviez la conscription, je l'ai levée en france, et il faut compléter vos cadres. Dans l'état de situation de l'armée de Dalmatie, que m'a envoyé le général Marmont, le bataillon du 3e léger est à 760 hommes; il lui manque donc 300 hommes pour être au complet; envoyez-les de Venise à Cattaro. Veillez à ce que les régiments italiens qui sont à Corfou ne manquent de rien.


Paris, 2 février 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon fils, j'avais ordonné au roi de Naples d'envoyer en Italie le régiment d'artillerie à cheval qui se trouve à l'armée de Naples, ainsi que le 2e bataillon du train et le détachement de pontonniers. Faites-moi connaître si cela est arrivé.

(Prince Eugène)


Paris, 3 février 1808

DÉCISION

M. de Lacépède, grand chancelier de la Légion d'honneur, rend compte du renvoi en France, sous escorte, d'un militaire décoré pour action d'éclat, mais que son insubordination a fait renvoyer du régiment auquel il appartenait.

Le faire venir en toute liberté à Paris, où le grand chancelier l'interrogera. Puisque cette décoration lui a été donnée pour une action d'éclat, je ne veux pas la lui ôter, mais tâcher de concilier les intérêts de ce brave avec la discipline.


Paris, 4 février 1808

A Madame Mère

Madame, j'ai lu avec attention les procès-verbaux du chapitre général des soeurs de charité. J'ai fort à coeur de voir s'augmenter et s'accroître le nombre des maisons et des individus de ces différentes institutions ayant pour but le soulagement et le soin des malades de mon Empire. J'ai fait connaître à mon ministre des cultes ma volonté, que les règlements de ces différentes institutions fussent révisés et arrêtés définitivement par mon Conseil dans l'année. Je désire que les chefs des différentes maisons sentent la nécessité de réunir des institutions séparées, autant que cela sera possible; elles acquerront plus de considération, trouveront plus de facilités pour leur administration et auront droit à ma protection spéciale. Toutes les maisons que les députés ont demandées, tous les secours de premier établissement et secours annuels que vous avez jugez convenable de demander pour elles, seront accordés. Je suis même disposé à leur faire des nouvelles et de plus grandes faveurs., toutes les fois que les différents chefs de maisons seconderont de tous leurs efforts et de tout leur zèle le voeu de mon coeur pour le soulagement des pauvres, et en se dévouant , avec cette charité que notre sainte religion peut seule inspirer, au service des hôpitaux et des malheureux. Je ne puis, Madame, que vous témoigner ma satisfaction du zèle que vous montrez et des nouveaux soins que vous vous donnez. Ils ne peuvent rien ajouter aux sentiments de vénération et à l'amour filial que je vous porte.


Paris, 4 février 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Il est nécessaire de préparer l'expédition d'un courrier à Constantinople pour les affaires d'Alger. Vous ferez venir l'ambassadeur turc, et vous lui ferez connaître que, par condescendance pour la Porte, je n'ai point fait l'expédition contre Alger; mais que si, au retour du courrier que vous envoyez à Constantinople, mes esclaves ne sont pas rendus, je suis résolu à faire une descente à Alger et à m'emparer de ce pays. Je vous ai écrit avant-hier que je chargeais le ministre de la marine d'expédier un aviso à Alger, qui sera porteur de vos dépêches au sieur Dubois-Thainville, par lesquelles vous lui ferez connaître qu'il doit sur-le-champ quitter Alger, et notifier au Dey que je lui déclare la guerre s'il ne relâche aussitôt les esclaves génois, corses et italiens qu'il aurait. S'il retient mon consul de force, il lui fera connaître que le retour de l'aviso sans lui produira le même effet, et qu'une armée française débarquera à Alger si mon pavillon n'est pas respecté, et les Anglais traités comme doivent l'être les ennemis des musulmans.


Paris, 4 février 1808

A M. Gaudin, ministre des finances

J'ai pris un décret pour terminer le payement de la solde de 1806 à la Grande Armée. L'avance de la Grande Armée pour cette somme est de vingt-quatre millions. J'ai ordonné que le trésor céderait à la Grande Armée pour vingt-quatre millions d'effets. Je désire que vous me fassiez un rapport sur ces trois natures d'effets, afin que je voie de quelle manière je dois solder ce que je dois de gratifications à la Grande Armée. Joignez-y l'état des biens de Vanlerberghe, qui se montent à dix millions, ce qu'ils ont rendu net en l'an XIII, et en 1806 et 1807. Faites-moi le même rapport sur les salines.


Palais des Tuileries, 4 février 1808

OBSERVATIONS FAITES DANS LE CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'EXTÉRIEUR

Sa Majesté fait les observations suivantes sur la comptabilité des bâtiments civils.

La législation des bâtiments civils doit être revue et éprouver beaucoup de modifications. Par exemple, l'hôtel du ministre ne doit point entrer dans cette comptabilité ; l'entretien de cet hôtel doit être pris sur les fonds particuliers du ministère, frais de bureaux ou autres.

La plupart des établissements, tels que la Bibliothèque, les Invalides, doivent être chargés de l'entretien et de la réparation de leurs bâtiments. Il est particulièrement très-peu convenable que l'hôtel des Invalides ayant des officiers du génie pour les travaux des bâtiments de l'hôtel, ces officiers ne soient pas chargés en même temps de ce qui concerne le dôme.

Il faut faire passer dès à présent l'entretien de la tour du Temple à la police, et aviser aux moyens de tirer parti du palais du Temple.

Il ne convient pas que les chevaux numides et les deux pavillons de la place de la Concorde dépendent d'une autre administration que celle du palais des Tuileries.

Il faut classer tous les travaux qui se font à Paris et qui sont du ressort ou des ponts et chaussées ou de la commune, ou sur des fonds isolés et d'occasion. Tous ces travaux, tels que le pont d'Iéna, la colonne de la Grande Armée, le monument Desaix, la nouvelle machine de Marly, etc., doivent être distingués en divers chapitres sous des titres quelconques. Il faut aussi présenter au premier conseil, pour chacun des travaux qui sont entrepris, un état particulier dans lequel on établira, en différentes colonnes, les diverses sortes de crédit. La colonne d'observations fait connaître les modifications et les remplacements de ces crédits.


Paris, 4 février 1808

DÉCISION

Le sieur Sainson, lieutenant aide de camp du général Gobert demande à passer au service du roi de Westphalie. Accordé.

(Chuquet)


Paris, 6 février 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, j'ai lu avec intérêt le rapport de M. d'Hauterive sur l'affaire du sieur Artaud. Vous trouverez ci-joint un décret qui destitue le sieur Artaud; vous le ferez imprimer à vingt exemplaires, et vous l'enverrez aux membres du corps diplomatique français pour leur servir de règle.


Paris, 6 février 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine

Je reçois votre rapport du 30 janvier. Je désire que vous donniez l'ordre que le Grifon, le Palinure, le Surveillant, le Pylale partent sans délai pour la Martinique, portant 240 hommes. Ils passeront par la Guadeloupe et y prendront langue. Après avoir débarqué tous les hommes à la Martinique, s'il n'y a rien de nouveau, ils croiseront à volonté, soit sur Saint-Domingue, soit sur le golfe du Mexique, soit sur tout autre endroit, faisant leur relâche à la Guadeloupe ou à la Martinique. Si la Martinique était attaquée, ils iraient à la Guadeloupe.

Faites partir le brick le Serpent pour le Sénégal, pour de là croiser et se présenter à Cayenne.

Faites partir le brick le Milan pour Cayenne, et faites partir le brick le Papillon pour la Guadeloupe, avec des troupes.

Tenez prêts à Lorient le brick le Sylphe et 1'Épingle. 

La Furieuse, la Félicité, la Cybèle doivent être prêtes à partir au 1er mars. Prenez des mesures pour que cela soit. On formera les équipages de ces trois frégates avec des levées faites sur la côte. Si le Vétéran n'est pas arrivé an 10 mars à Lorient, son équipage servira à compléter l'équipage de ces trois frégates.

Prenez des mesures telles que l'Amphitrite soit lancée avant le 10 mars; également la Bellone à Saint-Malo, le Tonnerre à Brest avant juillet; l'Elbe, la Pallas, la Renommée avant le 15 mars à Nantes. Mon intention est que la première frégate qui sera prête soit lancée au 1er mars. Je prends sur mon compte les risques de la gelée passé le 1er mars.

Prenez des mesures pour que le Patriote, le Jemmapes et la Ville-de-Varsovie soient en rade avant le ler mars.

Faites construire des frégates à Flessingue, à Bordeaux, Marseille et Toulon. Faites mettre une frégate sur le chantier à Gènes. Prenez des mesures telles que les deux frégates qui sont au Havre arrivent à Cherbourg. Il est ridicule qu'elles n'y soient pas encore arrivées.


Paris, 6 février 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine

Vous recevrez un décret relativement à Alger. Mon intention est que vous expédiiez par un courrier extraordinaire de nouvelles instructions au commandant de mon escadre de Lorient, pour lui prescrire, s'il n'y a pas d'inconvénient, d'aller, après avoir passé le détroit, se présenter devant Alger, d'appeler à son bord le consul français, de notifier mon décret à la Régence, et de demander que, deux heures après la réception de ce décret, les esclaves génois, italiens, etc., soient mis en liberté. En cas de refus, il ravagera les côtes, prendra ce qu'il pourra et reviendra en France. Comme les choses ainsi présentées pourront faire trembler le Dey et lui faire faire des réflexions, cela donnera lieu à des négociations de quarante-huit heures. Vous l'autoriserez à rester sur cette côte trois ou quatre jours. Cette station lui servira d'ailleurs à connaître la situation des Anglais dans la Méditerranée.


Paris, 6 février 1808

DÉCISION

M. Gaudin, ministre des finances, prend les ordres de l'Empereur relativement à la rétrocession projetée de la partie du domaine de Colorno possédée par le sénateur Beurnonville. Cette propriété ferait partie de la dotation des palais impériaux de Parme.

Proposer an général Beurnonville 12,000 francs de rente sur le grand-livre, qui seront achetés du produit de la vente de domaines dans les États de Parme, capables  d'acquérir une pareille rente.


Paris, 7 février 1808

Au colonel Lacoste, aide de camp de l'Empereur

Monsieur le Colonel Lacoste, vous partirez dans la journée pour vous rendre à Brest. Vous irez à bord de mon escadre, si elle n'est pas partie. Vous verrez le préfet maritime pour que, immédiatement après le départ de mon escadre, il fasse mettre en rade le même nombre de vaisseaux, afin que l'ennemi ne puisse pas, par la seule inspection de la rade, s'apercevoir qu'elle est partie. Vous verrez pourquoi l'on ne termine pas le vaisseau le Tonnerre ; il doit y avoir du bois. Vous me ferez un rapport sur l'état des approvisionnements et des vaisseaux en commission, en rade ou en désarmement.

De là vous irez à Concarneau; vous me rendrez compte des motifs qui empêchent le Vétéran de sortir pour se rendre à Brest, Lorient ou Rochefort.

De là vous irez à Lorient, pour voir pourquoi le Patriote n'est pas à l'eau et pourquoi on ne termine pas le vaisseau l'Eylau.

De là vous vous rendrez à Paimbeuf et à Nantes, et vous vous informerez des motifs qui empêchent que la frégate l'Elbe, la Pallas et la Renommée ne soient mises à l'eau à Nantes, et la Clorinde à Paimbeuf. De là vous vous rendrez dans le port de Rochefort. Vous remettrez la lettre ci-jointe au préfet maritime Martin, et vous me presserez pour que toutes les mesures soient prises pour l'armement des vaisseaux le Jemmapes et le Patriote, pour mettre sans délai à la mer la Ville-de-Varsovie, et pour terminer promptement le vaisseau le Triomphant, de manière que j'aie dans ce port quatre vaisseaux prêts à tout.

Vous visiterez l'arsenal, vous verrez pourquoi les travaux languissent. Il est bien important qu'ils soient poussés un peu vivement.

Vous irez de là visiter l'île d'Aix et le fort Boyard, et vous me ferez un rapport  sur la défense de cette île et sur les travaux du fort.

Quand vous aurez passé dix jours à Rochefort, vous irez à Bordeaux. Vous y verrez la situation de la partie de ma Garde qui s'y trouve. Vous prendrez note des troupes qui y ont passé pour se rendre en Espagne. Vous visiterez les deux frégates qui y sont, e vous presserez pour que la frégate le Niemen soit mise à l'eau le plus tôt possible. On fait une frégate en trois mois; celle-là est construite à moitié.

Tant de Brest que de Lorient, de Nantes, de Rochefort et de Bordeaux, vous m'écrirez tous les jours et m'enverrez de longs rapport, sur tout ce que vous aurez vu et entendu. Vous attendrez mes ordres à Bordeaux.


Paris, 7 février 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine

Monsieur Decrès, mon intention est que vous me présentiez des mesures pour qu'il y ait à Anvers, au lieu de neuf vaisseaux, dix-huit vaisseaux et quatre frégates sur le chantier, et pour que les bois du haut Rhin et de l'Allemagne arrivent à Anvers par le transit de la Hollande. Par ce moyen, je ne serai pas à la discrétion des marchands hollandais, qui gagnent 25 pour cent sur ces articles. Donnez des ordres pour que les travaux d'Anvers doublent d'activité, de manière que l'on puisse mettre, cette année, un certain nombre de vaisseaux en rade.


Paris, 7 février 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine

Monsieur Decrès, mon intention est que les huit vaisseaux qui sont à Flessingue commencent à être mis en rade le 15 février, de sorte qu'ils y soient tous les huit dans le courant du mois de mars. Ces vaisseaux exerceront leurs matelots, formeront leurs équipages, et se tiendront en situation de partir au premier ordre. En passant l'été en rade, ils obligeront les Anglais à tenir un égal nombre de vaisseaux pour les bloquer, et cela leur fera tout autant d'inquiétude. Ils pourront passer par la passe hollandaise, et ils pourront prendre leur temps pour étudier le passage par la rade française. J'aurai plusieurs avantages en cela, d'abord de former leurs équipages, de les faire entrer en ligne avec tes Anglais, et de préserver les officiers et les équipages qui seront à leur bord de ce que l'air de Flessingue a de malfaisant. Il est malheureux que cette escadre n'ait pas deux frégates. Mon intention est que les deux frégates qui sont à Dunkerque aillent les joindre, et que celle qui est en construction à Flessingue soit poussée avec une telle activité qu'elle puisse être achevée en t rois mois.

Demandez à l'amiral Ver Huell si la Hollande ne pourrait pas faire arriver dans ce port, par l'intérieur, deux frégates et quelques corvettes ou bricks pour éclairer cette escadre. Si je ne fais pas sortir mon escadre en hiver, en octobre elle pourra rentrer dans le port, ce qui est une opération de peu d'importance. Mais elle peut passer tout l'hiver en rade; il n'y a pas d'exemple que la rade de Flessingue ait gelé ; elle charrie des glaçons; mais le grand inconvénient du charriage des glaçons vient de ce que les câbles sont coupés. Ne pourrait-on pas jeter des corps-morts attachés avec de fortes chaîne de fer pour amarrer les vaisseaux, et placer des piquets et une estacade dans la rade pour arrêter les glaçons qui viennent d'en haut ?

Je désire que ces moyens soient approfondis. Au pis-aller, il y sera pourvu en faisant rentrer l'escadre en octobre ou novembre. Le brick le Favori qui est à Flessingue, y restera pour servir à éclairez l'escadre.

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P. S. Ci-joint une lettre pour le roi de Hollande, que vous ferez partir par votre courrier.


Paris, 7 février 1808

NOTE POUR LE VICE-AMIRAL DECRÈS, MINISTRE DE LA MARINE

Tenir un officier de marine prêt à partir demain, au reçu du courrier; se rendre à Naples; prévenir le Roi de l'arrivée de l'escadre devant Corfou; calculer avec le Roi les moyens pour l'expédition de Sicile, qui se peut faire par Reggio, si les troupes sont, à Reggio, favorisées par l'amiral qui, en quittant Corfou, arriverait devant Reggio. Le Roi sait mieux que personne la force navale et terrestre de l'ennemi. On ne lui croit pas plus de 6,000 hommes, et si, sans retarder Ganteaume, on peut faire passer 8 ou 10,000 hommes, qui iront s'établir au Phare, et faire des batteries croisées, Ganteaume devient inutile. Dans le cas où le Roi se déciderait, l'officier se rendra de suite à bord de l'escadre pour l'informer du dessein du Roi. Les aides de camp du Roi iront à Tarente fortifier la rade pour protéger l'escadre. Sur la côte d'Otrante à Brindisi, il activera les transports sous la faveur de Ganteaume, recueillera les renseignements sur la croisière anglaise, pour faire connaître à Ganteaume ce qu'on sait. Il peut être rendu en huit jours de Paris à Naples , le onzième ou douzième il peut être à Otrante; il y trouvera l'amiral Ganteaume arrivé, quelques jours étant nécessaires à l'amiral pour opérer à Corfou.

Une lettre du ministre à Ganteaume pour lui faire connaître le projet de venir devant Reggio et Catane pour s'emparer du Phare. Lui faire connaître la grande importance d'avoir la Sicile, ce qui change la face de la Méditerranée, en s'en rapportant cependant à lui, en le laissant maître d'agir selon les probabilités du succès et la connaissance qu'il a des mouvements de l'ennemi.


Paris, 7 février 1808

Au vice-amiral Martin, préfet maritime à Rochefort

Je vois avec peine que le Jemmapes ne soit pas en rade. J'espérais qu'il aurait pu suivre l'escadre du contre-amiral Allemand. Prenez des mesures pour que le Jemmapes, le Patriote et la Ville-de-Varsovie et un des autres vaisseaux soient mis à l'eau, de façon que j'aie quatre vaisseaux avant la saison des maladies à l'île d'Aix. Activez la mise à l'eau des frégates de Bordeaux. Je compte que vous redoublerez de zèle et prendrez tous les moyens nécessaires pour arriver à ce but.


Paris, 7 février 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, le général Miollis doit être arrivé le 2 février à Rome; je n'en aurai donc des nouvelles que dans deux jours. Je vous ai écrit le 23 janvier qu'il doit se concerter avec le sieur Alquier; il faut s'entendre là-dessus : ce n'est pas sur les affaires militaires; si Alquier lui disait donc de quitter Rome, il ne doit point le faire; s'il lui disait de ne pas occuper le château Saint-Ange , il ne doit pas l'écouter; le château Saint-Ange doit être pris de gré ou de force, et mes troupes doivent rester là en station et sur un pied ferme. L'arrestation du consul du roi Ferdinand, du consul anglais, l'arrestation des brigands, l'envoi à Naples des cardinaux et autres sujets napolitains, si la cour de Rome ne le fait pas de bon gré, doit avoir lieu de force. A la moindre insurrection qui éclaterait, il faut la réprimer avec de la mitraille, si cela est nécessaire, et faire de sévères exemples.

J'ai cru nécessaire de vous écrire cette lettre pour votre gouverne, dans la crainte qu'Alquier ne fasse quelque sottise. Expédiez un de vos aides de camp à Rome pour faire connaître an général Miollis que, s'il avait évacué Rome ou le château Saint-Ange, il doit y rentrer. Mais je pense bien que c'est une précaution superflue, car Alquier a des ordres si positifs que je ne suppose pas qu'il ait pu prendre rie sur lui.

Je vous dirai, pour vous, qu'une de mes escadres arrive à Corfou Je n'ai pas besoin d'ajouter que le secret le plus profond doit être gardé là-dessus; car vous compromettriez la sûreté de mes escadres. Envoyez sur-le-champ le ministre de la guerre à Venise pour faire partir toutes les munitions de guerre et de bouche qui s'y trouvent destinées pour Corfou. Qu'en partant pour Venise le ministre de la guerre même ne sache pas mon secret, que je confie à vous seul.


Paris, 7 février 1808

A Joseph Napoléon, roi de Naples

Mon Frère, je vous ai écrit, le 24 janvier, sur l'opération de Sicile; je suppose que vous avez fait les dispositions nécessaires Voici les nouvelles que je reçois ce soir: l'amiral Ganteaume me mande, en date du 3 février, de la rade de Toulon, que mon escadre de Rochefort a été signalée sur Villefranche le 3, à dix heures di matin; qu'en conséquence il donnait ordre de désaffourcher pour marcher à sa rencontre, et qu'il se porterait probablement sur Corfou, pour donner chasse à la croisière anglaise, et favoriser le passage de tous les bâtiments de Brindisi et d'Otrante sur Corfou, et tâcher de prendre quelques vaisseaux à l'ennemi. Vous sentez combien il est important que vous gardiez le plus profond secret, et que, cependant, vous expédiiez sans délai deux officiers sûrs et intelligents, l'un sur Otrante et Brindisi, et l'autre sur Tarente. Celui que vous enverrez à Otrante et à Brindisi doit faire en sorte que tous les convois qui se trouvent dans ces ports soient prêts à mettre à la voile, afin que Corfou soit abondamment ravitaillé. Corfou est tellement important pour moi que sa perte porterait un coup funeste à mes projets; l'Adriatique serait fermée, et votre royaume aurait sur son flanc gauche un port où l'ennemi recruterait des Albanais et d'autres troupes pour vous attaquer; d'un autre côté, il se trouverait avoir une grande influence dans l'Albanie. Je compte donc sur votre zèle pour que rien ne soit oublié, et pour profiter de cette circonstance unique pour mettre Corfou à l'abri de tout événement. Tout ce qu appartient au 6e de ligne, au 14e léger, au 5e de ligne italien, un bataillon napolitain, un autre bataillon italien doivent y passer et renforcer la garnison de Corfou. Je n'ai point d'état de situation de ce qui se trouve à Otrante et à Brindisi, de sorte que j'ignore quelle sera la force de la garnison de Corfou lorsque ces renforts y seront arrivés. Mais mon intention est que, sans délai, vous fassiez embarquer un autre bataillon français, le plus à portée, afin qu'il y ait dans la seule île de Corfou 6,000 hommes, Français, Italiens et Napolitains, sans y comprendre les Albanais et les corfiotes; ce qui en portera le nombre à 7,500 hommes. Alors les Anglais ne pourront point y descendre, et je serai maître pour jamais de cette île. Faites-y passer toute la poudre, les outils de pionniers, les affûts dont vous pourrez disposer, et envoyez-y tout l'argent que vous avez au trésor de Naples, à raison de 250,000 francs par mois. Faites même l'avance de ces 250,000 francs pour février et mars. Ainsi profitez de cette circonstance pour y envoyer au moins un million. Bondez-la de blé , de farine et autres objets. Je vous tiendrai compte de  tout l'argent que vous y aurez envoyé extraordinairement. Faites-y passer aussi quelques officiers du génie et d'artillerie d'extraordinaire. Corfou ainsi assuré, vous enverrez un homme très-discret auprès de l'amiral Ganteaume pour lui faire connaître si vos intentions sont qu'il se présente devant Reggio. Écrivez-lui de se présenter devant Catane et Reggio, pour favoriser le débarquement de 7 ou 8,000 hommes qui occuperaient le Phare, y placeraient une batterie, et s'empareraient des faubourgs de Messine. Dès ce moment la conquête de la Sicile serait assurée, puisque vous dirigeriez votre monde sur Reggio pour renforcer jusqu'à 15,000 hommes l'expédition qui partirait de ce point.

Ce plan est calculé sur le principe que vous êtes maître de Scilla, le point le plus important du monde. Si vous n'êtes pas maître de Scilla, tout devient impossible, et la Sicile aura été perdue par votre faute. Je vous envoie une note sur mon armée navale et sur les moyens de transport qu'elle a avec elle. Vous n'aurez pas manqué d'en préparer de votre côté; et votre lettre que j'attends demain au plus tard me fera connaître sur quoi je puis compter.

Il ne faut point discontinuer d'aucune manière vos préparatifs d'embarquement devant Naples; car il serait possible que l'amiral Ganteaume se portât devant Naples, s'il est contrarié dans son mouvement d'ailleurs, et marchât sur le cap Mortella, pour s'emparer du Phare. D'ailleurs j'attends une autre escadre dans la Méditerranée, et il est bon que vos moyens maritimes soient prêts à tout événement. Ce maudit rocher de Scilla me contrarie dans toutes mes conceptions; je vous avais cependant fait sentir que de là tout dépendait.

Il serait possible que mon escadre fût obligée de se réfugier dans  votre port de Tarente; faites placer quelques pièces de canon dans votre port de Tarente; faîtes placer quelques pièces de canon dans l'île, et que tout soit prêt pour protéger mon escadre.

En résumé, le 3 février, à trois heures après midi, l'amiral Ganteaume n'était pas encore parti de Toulon et n'avait pas pris le parti définitif de se rendre devant Corfou ou Naples. S'il était contrarié par les événements ordinaires de la mer, qu'il eût le temps de recevoir mes ordres, et que j'eusse votre réponse à ma lettre du 24 janvier, il n'y a nul doute que je lui ordonnerais de se rendre devant Naples; mais Scilla est-il pris ?

Il est probable que l'amiral Ganteaume sera parti pour Corfou et qu'il y sera arrivé, ou sur le point d'y arriver, lorsque vous recevrez cette lettre. Alors vous devez faire en sorte de compléter la garnison de Corfou à 6,000 hommes, Français et Italiens, et à la pourvoir abondamment de tout. Vous devez presser le siége de Scilla et faire dire à l'amiral Ganteaume, si cela vous paraissait convenable, de venir devant Catane et Reggio, de débarquer 7 à 8,000 hommes pour occuper le Phare, et alors faire votre mouvement entier sur ce point enfin vous devez continuer l'armement maritime à Naples, pour pouvoir débarquer la plus grande quantité de monde possible en Sicile. Dans les circonstances actuelles de l'Europe, vous ne pouvez pas manquer de troupes, et je vous en enverrai autant que vous voudrez. Quand vous apprendrez que Ganteaume est à Corfou, accélérez le mouvement intermédiaire des troupes que vous avez entre Reggio et Naples, sur Reggio, puisque c'est de Reggio qu'aura lieu tout le mouvement, tout en continuant vos préparatifs d'embarquement à Naples. Jusqu'à ce que vous ayez reçu des nouvelles de Ganteaume , vous devez agir de manière à être toujours prêt, à Naples, à embarquer à son bord vos troupes, en marchant droit à Mortella, toujours dans but de s'emparer du Phare. Enfin vous devez garder le plus grand secret sur tout ceci, car l'espionnage peut aller vite de Naples en Sicile, et une indiscrétion nous exposerait aux plus grands malheurs. Saliceti, un officier de marine et vous, devez être seuls dans secret, et même l'officier que vous enverrez à Otrante et Brindisi ne doit rien savoir ; vous lui remettrez une lettre cachetée qu'il ne devra ouvrir que lorsqu'il apprendra quelque chose d'extraordinaire à Otrante.

Je n'ai pas besoin de vous recommander de tenir les batteries de Tarente et de Baia en bon état, pour protéger mes escadres.

Vous sentez que je vous écrirai tous les jours.

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P. S. Lorsque vous saurez que Ganteaume est arrivé devant Corfou, expédiez un courrier au vice-roi et au général Lemarois, pour accélérer le départ de tout ce qu'il y aurait à Venise et à Ancône, destiné pour ce point.


Paris , 7 février 1808

A Louis Napoléon, roi de Hollande

J'ai fait appeler aujourd'hui votre ambassadeur pour lui faire connaître le désir que j'avais que vous eussiez une escadre de huit vaisseaux et frégates au Texel, armés et prêts à prendre la mer, et deux ou trois vaisseaux à l'embouchure de la Meuse. Je désire aussi que vous puissiez faire passer par l'intérieur à Flessingue une frégate et une bonne corvette , pour servir d'éclaireurs à mon escadre de Flessingue, que je veux faire armer.

Mes escadres sont sorties; partout on fait des expéditions et des mouvements. Il ne faut pas que la Russie, le Danemark et les autres puissances aient à se plaindre que vous ne fassiez rien pour la cause commune. Vous devez concourir à tirer l'Europe de la position fâcheuse où elle se trouve. J'ai des projets sur votre escadre ; mais sa présence seule au Texel obligera les Anglais à tenir une escadre qui les affaiblira d'autant. Il faut voir sur quoi je puis compter là-dessus.


Palais des Tuileries, 7 février 1808

OBSERVATIONS FAITES DANS LE CONSEIL D'ADMINISTRATION DU MINISTÉRE DES FINANCES. 

Le ministre des finances présente les états de recette et de dépense de l'administration des droits réunis et de celle des forêts, pendant l'an XIII, l'an XIV, 1806 et 1807.

Sa Majesté , après avoir examiné ces états et avoir demandé aux conseillers d'État, directeurs généraux, divers éclaircissements qui ont été donnés, s'arrête plus particulièrement à deux états de l'administration forestière sur lesquels elle fait les observations suivantes :

On voit, par l'état n° 23, que les coupes des quarts de réserve des communes ont rendu plus de 17 millions; et cependant il n'a été versé à la caisse d'amortissement que 11 millions. On voit en même temps, par l'état n° 24, que ces 17 millions de produit ont occasionné une dépense de 6 millions ; ce qui parait réduire en effet le produit net à la somme de 11 millions, qui a été versée. Cependant le directeur général dit qu'il n'y a aucune imputation de dépenses sur les produits des ventes des quarts de réserve. Un rapport du ministre des finances est très-nécessaire sur cet objet. Il expliquera et constatera les faits, et il pourra mettre dans le cas de proposer des moyens de réduire les dépenses ou de les imputer de telle manière qu'il y ait une augmentation de 3 on 4 millions dans le produit net.


Paris, 8 février 1908 , midi

A Joseph Napoléon, roi de Naples

Mon Frère, je vous ai écrit hier. Il est midi , je n'ai pas reçu le courrier que j'attends aujourd'hui de Toulon pour savoir ce qu'a fait mon escadre dans la journée du 4.

Je vous recommande de faire passer beaucoup d'argent à Corfou. La Porte doit avoir donné des ordres pour que Butrinto me soit remis. Lorsque ce poste important sera en mon pouvoir, j'ai donné ordre qu'on y réunît 12,000 Albanais. Vous devez regarder Corfou comme plus important que la Sicile. La Sicile est une question déterminée et connue, au lieu que Corfou est une question tout à fait inconnue. Dans les dernières négociations, l'Angleterre ne faisait pas de difficulté de me céder la Sicile. Profitez de cette occasion pour faire passer à Corfou plutôt 1,000 hommes de plus que de moins, une compagnie d'artillerie de plus qu'une de moins. Souvenez-vous de ce mot : Dans la situation actuelle de l'Europe, le plus grand malheur qui puisse m'arriver est la perte de Corfou. Je compte sur votre bon esprit pour m'assurer cette importante conquête à jamais. Faites-vous rendre compte de tout. Envoyez-y des officiers d'état-major, de l'artillerie, du génie plutôt de plus que de moins. Recommandez au gouverneur d'augmenter la levée des Albanais et de la porter, au lieu de 3,000, à 6,000. Je voudrais avoir 2 ou 3,000 Albanais sur chacun des points de Parga, Sainte-Maure et Butrinto, sous les ordres d'un général français.

Deux heures.

Il est deux heures après midi, je reçois votre lettre du 28 janvier. Comment arrive-t-il que vos lettres restent onze jours à venir de Naples ? elles devraient arriver en huit jours. Il me semble que le service de mes estafettes se désorganise; j'en ai témoigné mon mécontentement au sieur Lavallette. Voyez de votre côté d'où cela peut provenir.

9 février, six heures du soir.

Il n'est pas arrivé de courrier aujourd'hui, ni hier, de Toulon ; je ne sais donc rien de nouveau. Je ne puis que m'en référer à la lettre que je vous ai écrite le 7.

Des lettres de Rome disent que l'on a miné la maison de Saliceti, que ses enfants ont été tués et lui légèrement blessé. Quelle horreur ! J'attends avec impatience les détails.

J'ai chassé aujourd'hui à Mortefontaine depuis une heure à quatre heures; j'ai tué vingt lièvres. La maison m'a paru encore plus laide et moins habitable qu'il y a quatre ans.


Paris, 9 février 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine

Monsieur Decrès, faites mettre en construction sur la côte de la Méditerranée, depuis Marseille jusqu'à la Spezia, huit gabares de 800 tonneaux et douze de 450 tonneaux. Mon but est de donner du travail aux différents ports de cette côte, et d'avoir là vingt bâtiments pouvant porter une expédition sur un point quelconque de la Méditerranée.

Vous ne devez pas oublier Sestri, Chiavari, La Ciotat, Villefranche, San-Remo, Port-Maurice, Saint-Tropez, Marseille.


Paris, 9 février 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, je reçois votre lettre du 2 février. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous laissiez partir la division russe quand elle voudra. Quant à la demande de fonds extraordinaires, vous n'avez qu'un mot à répondre: vous n'y êtes point autorisé, il faut mon ordre. Ce sacrifice ajouté à tant d'autres que j'ai faits pour eux est inutile. Mettez en règle les comptes d'argent, des denrées et fournitures que vous leur avez fait donner, pour servir ce que de droit.


Paris, 9 février 1808

Au général Marmont, commandant l'armée de Dalmatie

Je reçois votre état de situation du 15 janvier. Comment arrive-t-il que vous ne me parlez jamais des Monténégrins ? Il ne faut pas avoir le caractère roide. Il faut envoyer des agents et vous concilier les meneurs de ce pays.


Paris, 9 février 1808.

L'Empereur accorde un congé d'un mois avec appointements au général Belliard, chef d'état-major de la réserve de cavalerie de la Grande Armée, pour venir régler ses affaires en France.

(Chuquet)


Paris, 10 février 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon fils, un nommé Jean Cabogn m'est envoyé comme député par la république de Raguse. Si cet homme est, comme on l'assure, un de nos plus grands ennemis, et auteur des lettres au pacha de Rosnie, et autres contre nous, si cela est, vous le ferez arrêter. Vous ferez saisir ses papiers, et vous le ferez enfermer dans une citadelle. Si les renseignements que vous avez n'étaient pas conformes à ce que je vous écris là, vous l'interrogerez sur sa mission, sur les prétentions du sénat de Raguse, et vous ne le laisserez pas sortir de Milan sans mon ordre.

(Prince Eugène)


Paris, 10 février 1808.

A compter du premier janvier 1808, une somme de cinq cent mille francs sera prise chaque mois, avant tout autre prélèvement, sur le revenu provenant de la Toscane et versée dans la caisse .du, payeur de l'armée d'Italie. Il en sera en conséquence fait recette au trésor public. Tout le service militaire en Toscane fera partie de l'armée d'Italie, sera ordonnancé par les ministres et payé par le trésor. Les troupes françaises, en Toscane, seront traitées de la même manière que celles de 1'armée d'Italie : les troupes italiennes seront payées par notre royaume d'Italie.

(Chuquet)


Paris, 10 février 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, je reçois votre lettre du 4 février. Je vois que vous avez expédié quatre-vingts milliers de poudre et un million de cartouches à Corfou; mais vous ne dites pas quand et sur quel bâtiment. Les comptes que vous me rendez sont insuffisants; je reçois bien les états de situation de mon armée française, mais je n'entends pas parler de mon armée italienne, et je ne sais pas dans quelle situation elle est. Je ne connais pas davantage l'état de ma marine italienne. Envoyez-moi deux fois par mois un état de situation. Tous les jours vous devez me faire connaître le mouvement des ports , de sorte que je connaisse ce qui se passe dans l'Adriatique et ce qui arrive à mes vaisseaux, au lieu que je n'en sais rien. Arrangez-vous de manière qu'en m'envoyant l'état de situation de mon armée française vous m'envoyiez celui de mon armée italienne, où je voie les présents sous les armes, le lieu où sont tous les détachements, et au compte de qui chaque détachement est nourri. Joignez-y un troisième état qui m'indique la situation de ma marine, et qui soit divisé en vaisseaux en armement, vaisseaux armés, vaisseaux à la mer et vaisseaux en construction. Il n'est pas difficile que le sieur Caffarelli, ministre de
la guerre et de la marine, adopte une forme d'états conformes à ce plan pour la marine italienne. Il est temps de penser à lever la conscription pour compléter les régiments italiens.


Paris, 11 février 1808

DÉCISION

L’Empereur m'a autorisé à employer d'une manière active M. de Caulaincourt, grand écuyer de Sa Majesté le roi de Hollande et général major au service de ce souverain. Cet officier, ex-colonel du 19e régiment de dragons, a été conservé sur le tableau de l'armée française en sa qualité d'aide de camp du connétable de l'Empire. En prenant les ordres de Votre Majesté au sujet de M. de Caulaincourt, il m'a paru paru que son intention était de l'employer comme général de brigade, grade équivalent à celui qu'il a en Hollande. En ce cas, Votre Majesté est priée de signer le décret ci-joint.

(Il s'agit d'Auguste Caulaincourt)

Approuvé.


Paris, 11 février 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, il faut écrire au ministre d'Amérique, en réponse à ses lettres du 7 et du 8, que la France a pris des engagements avec l'Amérique, a fait. avec elle un traité basé sur le principe que le pavillon couvre la marchandise, et que ce principe sacré, si elle ne l'avait pas proclamé solennellement, Sa Majesté le proclamerait encore; que Sa Majesté a traité avec l'Amérique indépendante et non avec l'Amérique asservie; que si elle se soumet au décret du roi d'Angleterre du 11 novembre, elle renonce par là à la protection de son pavillon; mais que si les Américains, comme Sa Majesté ne peut le mettre en doute sans blesser leur honneur, regardent cet acte comme un acte d'hostilité , elle est prête à faire droit à tout. Dans toutes les guerres possibles où d'autres puissances maritimes que la France se trouveraient engagées, Sa Majesté reste ferme dans son principe de l'indépendance du pavillon et ne s'arroge le droit de visite sur aucun bâtiment; mais Sa Majesté a déjà le droit, et ce droit est le principe fondamental de son droit public, d'exiger que chaque nation maintienne l'indépendance de son pavillon, tous les souverains étant solidaires de leur indépendance et de leur souveraineté.


Paris, 11 février 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine

Monsieur Decrès, la demande que vous faites de 1,000 conscrits pour Flessingue ne peut pas être accordée de cette manière. Mon intention est que vous me présentiez un projet de décret pour former sur-le-champ huit équipages à Flessingue, six à Brest, trois à Lorient, trois à Rochefort et dix à Boulogne; ce qui fera trente équipages. Ces trente équipages, en les supposant de 500 marins chacun, feraient 15,000 marins, et en supposant que dans ces 15,000 marins il entrât 3,000 canonniers, cela ne ferait plus que 12,000 marins. Ce que vous avez à Brest, à Boulogne, sur les côtes de l'Océan, hormis les escadres en mouvement, doit être évalué à 10,000 hommes; il faudrait donc 4 ou 5,000 conscrits pour les compléter. Voici les questions à décider . 1° Les canonniers de la marine feront-ils partie des équipages, ou continueront-ils à former des régiments à part ? 2° Les régiments d'infanterie continueront-ils à fournir des garnisons, ou ces garnisons feront-elles partie des équipages ? 3° Combien de classes et de grades de matelots composeront les équipages ? 4° Enfin quel est l'âge le plus favorable pour les conscrits, pour passer de l'armée de terre à la marine ? Il est donc important que vous me remettiez un projet général.

Mon intention est d'entretenir cent équipages, sans comprendre les garnisons, formant un effectif de 50,000 hommes; indépendamment de ce, d'avoir toujours sur chaque vaisseau 100 à 150 marins, provenant des classes, qui ne seraient pas compris dans les équipages. Ce nombre serait plus ou moins considérable, selon que le présent sous les armes se rapprocherait plus ou moins de l'effectif. Ainsi je composerais l'équipage d'un vaisseau de 74 de la manière suivante : le fond de l'équipage, 500 hommes; je mets pour les malades 50 hommes, il n'y aurait donc présents sur le vaisseau que 450 hommes; supplément d'équipage fourni par les classes, 150 hommes ; garnison, 100 hommes; total de l'équipage du vaisseau, 700 hommes. Les hommes qui sortiraient des hôpitaux ou reviendraient de chez eux pendant que le vaisseau serait à la mer, retourneraient dans leur arrondissement, et il y aurait dans chaque grand port un dépôt de marins, administré de manière que ce qu'on leur accorderait en nourriture et en paye se résolût par un décompte de l'équipage. En supposant donc que les besoins de ma marine exigeassent cent vaisseaux de guerre, y compris les frégates, il me faudrait donc entretenir un effectif de 50,000 hommes, montant des cent équipages, 15,000 hommes, montant du supplément d'équipages, 10,000 hommes pour garnison des vaisseaux ; total des troupes employées pour la marine, 75,000 hommes. Il faudrait ajouter à cela ce qui est nécessaire pour la protection des côtes, pour l'armement des avisos, tartanes, petits bâtiments, et pour l'armement des bricks; j'évalue cela à 10,000 hommes; la marine emploierait donc 85,000 hommes.


Paris, 11 février 1808

A M. Defermon, ministre d'État

En instituant des ministres d'État, j'ai voulu reconnaître les services des principaux membres de mon Conseil, le rapprocher davantage de moi et l'honorer dans la personne de ces membres. Il est donc convenable qu'ils portent le même costume que les membres de mon Conseil, et qu'ils n'obtiennent aucune prérogative qui les mette trop dans une catégorie particulière. La simplicité de notre administration veut aussi que nous ne confondions pas les ministres ayant un département et les ministres d'État; leur rang n'est pas le même, et, s'il s'introduisait là-dessus le moindre doute, cela tendrait à mettre du désordre dans l'administration.

Quant à la présence des ministres d'État dans les conseils d'administration, je n'appelle à ces conseils que les personnes qui y sont utiles; et, le jour où un ministre d'État ne m'y serait plus utile, parce qu'il ne serait plus propre au travail, je ne puis pas l'y appeler. Je ne considère donc l'institution de mes ministres d'État que comme une grande récompense que je veux accorder à la tête de mon Conseil, et non comme les plaçant sur la même ligne que mes ministres. Mes ministres d'État sont à vie, et mes ministres ne sont rien le lendemain du jour où je leur ôterais le portefeuille. Mes ministres sont directement responsables, et en première ligne, d'une des parties de l'administration. Mes ministres d'Etat peuvent et doivent être , pour le travail, sous les ordres des ministres, comme le sont mes conseillers d'État chargés d'une branche d'administration.


Paris, 11 février 1808

A M. Bérenger, directeur de la Caisse d'amortissement

Le général.... devait verser 500,000 francs ? Comment n'a-t-il versé que 46,000 francs ? Parlez de cette affaire avec le sieur Lacuée.

Écrivez au roi de Westphalie que ses bons sont échus.

Quant aux fonds de la quatrième coalition, faites-moi connaître pourquoi le sieur Bourrienne ne vous a pas versé les 16 millions de Hambourg et les 4 millions provenant des villes de Lubeck et de Brême.


Paris, 11 février 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, je reçois votre lettre du 30 janvier. Vous avez très-mal fait de recevoir des Français dans mes troupes italiennes, sans mon autorisation spéciale. Je ne puis rien changer au principe de la conscription. En général, je ne veux point que des Piémontais entrent dans mes troupes d'Italie; cela est contraire à ma politique et à ma volonté.

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P. S. Je placerai dans mes régiments français les Piémontais que vous avez depuis peu de mois comme sous-lieutenants dans mes troupes italiennes.


Paris, 11 février 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon fils, j'ai donné ordre à deux bataillons du 142e de ligne de se rendre à Florence, ce qui, avec le 43e, formera là plus de 3,000 hommes prêts à se porter partout où il sera nécessaire. Ces troupes sont sous vos ordres comme faisant partie de mon armée d'Italie. Elles doivent être nourries par votre ordonnateur. J'ai ordonné que la Toscane versât 500,000 francs par mois au Trésor de France. Les troupes italiennes qui sont en Toscane doivent être nourries et soldées par mon royaume d’Italie.

(Prince Eugène)


Paris, 11 février 1808 

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, la ville de Livourne s'était abonnée à deux millions pour les marchandises anglaises; je ne sais pas où en est cette affaire et si l'argent a été versé. Vous ne me faites pas connaître où en sont les travaux de Venise et d'Ancône. Tous ces objets si importants ne doivent pas être perdus de vue. Dans un État rien ne va seul; tous les mois je fais la revue des ordres que j'ai donnés, et je me fais rendre compte de leur exécution. Ce n'est que comme cela que les affaires marchent ; autrement, les ministres dorment et laissent volontiers tomber tout dans l'oubli. Je ne sais pas non plus ce qui se fait en Toscane; depuis mon départ je n'ai entendu parler de rien. Il serait temps cependant que je reçusse un premier rapport. Je sais que vous n'avez aucune autorité sur l'administration de la Toscane, mais vous pouvez écrire sur cela au sieur Dauchy, de ma part. Le militaire vous regarde; faites-vous donc rendre compte de tout ce qui est relatif à 1'artillerie, au génie et à l'armement de cette province.


Paris, 11 février l808 

A Joseph Napoléon, roi de Naples

L'administration du royaume de Naples va bien mal; les troupes ne sont pas soldées, et la solde s'arrière tous les jours. Roederer fait de beaux projets, ruine le pays et ne verse pas d'argent dans votre trésor. C'est l'opinion de tous les Français qui viennent de Naples. Roederer est probe, a de bonnes intentions, niais il n'a pas d'expérience. Le grand art est de ne faire chaque année que ce qu'on doit faire, et Roederer fait en un an ce qui doit être fait en dix. Le sujet de cette seule observation doit vous ruiner et mécontenter vos peuples.


Paris, 11 février 1808

DÉCISION

Le général Clarke, ministre de la guerre, rend compte à l'Empereur que M. ..... réclame deux canons autrichiens qu'il dit lui avoir été donnés en 1798 par l'Empereur, alors commandant l'armée d'Italie. Ces canons ont été arrêtés aux douanes.

Jamais je n'ai fait donner de canons à ...... Ce tripoteur d'affaires est bien osé de prétendre ce que n'ose espérer un maréchal de France. Il faut considérer sa demande comme une impertinence.


Paris, 12 février 1808

A M. Gaudin, ministre des finances

Sa Majesté n'a point signé le projet de décret qui lui a été présenté par M. le directeur général des douanes, et qui avait pour objet de modifier le décret rendu à Alexandrie, le 25 décembre dernier, sur la douane de Gênes. Sa Majesté a pensé qu'une lettre ministérielle suffisait pour donner à cet article l'interprétation convenable. Elle a voulu faciliter la circulation des objets de consommation journalière et dispenser ces objets des formalités gênantes et des tarifs trop élevés, eu égard à la modicité de leur prix, auxquels ils étaient assujettis. Elle a entendu que l'exemption accordée aux expéditions qui payent un droit inférieur à 20 francs ne s'appliquerait qu'à des articles de peu d'importance et ne pourrait pas s'étendre à des expéditions en grand. Cette extension pourrait s'appliquer à toutes les marchandises sujettes aux douanes, et non-seulement aux huiles et aux soies, mais encore aux sucres et aux cafés, et ce n'était assurément pas l'intention de Sa Majesté. On a supposé que, pour toutes les cargaisons où il n'y aurait pas matière, il n'y aurait pas lieu à un droit de plus de 20 francs, et c'est dans ce sens que Sa Majesté pense que son décret peut être interprété.


Paris, 12 février 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine

Le 3 février est parti de Naples le conseiller d'État de Simone, capitaine de vaisseau très-pratique de tous les ports du royaume et de la situation actuelle du cabotage et de la marine napolitaine. Envoyez des ordres à la poste pour savoir où il se rend, et envoyez-le chercher dès qu'il arrivera. Je suppose qu'il sera ici demain ou après.

Le roi de Naples me mande qu'il pense que l'expédition pour la Sicile pourrait très-bien partir de Reggio.


Paris, 12 février 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, je reçois la nouvelle que mes troupes sont entrées le 2 février à Rome, et que le consul et les agents de la reine Caroline ont été sur-le-champ arrêtés. Écrivez au général Miollis de s'emparer de la police, de bien traiter les troupes du Pape, d'en prendre le commandement et l'inspection, d'avoir soin qu'elles ne manquent de rien, de chasser les Napolitains rebelles, même les cardinaux, et de les envoyer en droite ligne à Naples, à leur souverain.


Paris, 12 février 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, je reçois l'état de mon armée italienne au 16 janvier. Je désire un état pareil pour ma marine; adressez-moi cet état tous les quinze jours; j'attends donc ceux du 1er février.

On peut désarmer les places de Mantoue, Peschiera et Legnago. Pour ce qui regarde le génie, il ne faut pas désarmer Osoppo ni Palmanova. Ma décision est donc conforme à votre demande.


Paris, 13 février 1808

Au général Menou, Gouverneur général des départements au delà des Alpes

Monsieur le Général, j'ai donné la plus grande attention aux deux lettres que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser, les 9 et 11 de ce mois, sur la répression du brigandage dans le ci-devant Piémont. Les moyens que vous m'indiquiez excédant les limites de mon autorité et ne pouvant être mis en usage que par le pouvoir suprême, j'ai dû, quelque empressement que j'aie à seconder vos constants efforts pour faire disparaître ce fléau, j'ai dû, dis-je, mettre vos deux lettres sous les yeux de Sa Majesté l'Empereur et Roi, et solliciter ses ordres.

Sa Majesté m'a témoigné qu'elle n'approuvait point l'idée de rendre les communes responsables, en masse, du passage ou du séjour des brigands qui peuvent subsister encore, et de leur imposer des contributions pour l'indemnité et l'approvisionnement des détachements de troupes envoyés sur les lieux. Sa Majesté a pensé que l'application de cette mesure serait arbitraire, illégale, même injuste; qu'elle pourrait faire confondre l'innocent avec le coupable, le propriétaire domicilié et le propriétaire absent, la veuve, les mineurs, les vieillards avec les individus qui doivent aider l'autorité par leur surveillance, et la force publique par leur secours. Sa Majesté a aussi exprimé son éloignement pour les mesures proposées; elle en croit les effets contraires au bon esprit et au devoir de l'armée. Elle doit servir sans l'espoir d'un salaire extraordinaire, qui porterait sur les nobles fonctions du soldat une empreinte de vénalité. On pourrait craindre de faire naître quelque espèce d'intérêt à la durée d'un service lucratif; les germes d'une telle dégradation, que l'on doit croire, d'ailleurs, presque impossible, doivent être soigneusement éloignés.

Les troupes ont dans ces corvées les vivres de campagne, il est possible que quelques dépenses légères soient occasionnées par l'exécution de vos ordres. Vous voudrez bien référer à ce sujet à S. Exc. le ministre de la guerre.

Sa Majesté a daigné enfin, Monsieur le Général, me charger de vous faire connaître ses intentions à cet égard. Vous devez être assuré, d'ailleurs, du désir que j'ai de concourir avec vous à l'adoption des mesures nécessaires pour achever de dissiper le mal que vous avez déjà très-affaibli , lorsque ces mesures seront en mon pouvoir.


Paris, 14 février 1808

DÉCISION

Le général Clarke, ministre de la
guerre, demande à l'Empereur si son intention est que les troupes et le matériel du parc de réserve d'artillerie des côtes de l'Océan rejoignent, immédiatement après leur arrivée à Bayonne, le corps d'observation des côtes de l'Océan, en Espagne.

La mémoire ne me retrace pas l'ordre que j'ai donné relativement à cela. Le corps d'observation des côtes de l'Océan doit avoir trente-six pièces de canon attelées avec les approvisionnements et les cartouches d'infanterie nécessaires. Ce parc est-il nécessaire pour arriver à ce résultat ? Dans ce cas, il n'y a point de doute qu'il faille lui donner l'ordre de rejoindre le corps d'observation des côtes de l'Océan. Si, au contraire, il a ses bouches à feu et ce qu'il lui faut indépendamment de ce parc, il faut m'envoyer un état de la composition de son artillerie et un état de ce parc à Bayonne, afin que je voie à quoi il pourrait me servir dans une autre occasion.


Palais des Tuileries, 14 février 1808

OBSERVATIONS FAITES DANS LE CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'INTÉRIEUR

On devait, dans ce conseil, arrêter les mesures à prendre pour que le blocus fût le moins possible préjudiciable au commerce national. A la suite de la discussion, l'Empereur, ne trouvant pas la question suffisamment étudiée, prescrivit les dispositions rapportées dans l'extrait ci-après du procès-verbal de la séance.

Sa Majesté établi les questions suivantes, dont elle ordonne le renvoi aux ministres de l'intérieur et des finances, pour présenter, dans le courant de la semaine prochaine, un projet de règlement qui forme, sur la matière en discussion, une législation complète.

1e SÉRIE DE QUESTIONS.

1° Le cabotage d'un port de France à l'autre, par des bâtiments français, sera-t-il permis ? La question paraît devoir être décidée affirmativement. 

2° Le même cabotage, par des bâtiments alliés, sera-t-il permis ? 

3° Le sera-t-il, par des bâtiments neutres ?

Ces deux questions paraissent devoir être décidées négativement.

2° SÉRIE DE QUESTIONS.

1° Les bâtiments français du petit cabotage pourront-ils exporter toute sorte de marchandises, et, par exemple, des blés ? Cette question parait pouvoir être décidée affirmativement.

2° Les bâtiments alliés feront-ils le même cabotage, pourront-ils exporter toute sorte de marchandises ?
3° Les bâtiments neutres faisant le même cabotage pourront-ils exporter toute sorte de marchandises ?

Ces deux questions paraissent devoir être décidées négativement.

3° SÉRIE DE QUESTIONS

Le cabotage d'un port de France à une côte étrangère sera-t-il permis, 1° à des bâtiments français, 2° à des bâtiments alliés ? ces deux questions paraissent devoir être décidées affirmativement; 3° à des bâtiments neutres ? cette question est de nature à être discutée, par exemple, pour ce qui concerne les Américains.

4e SÉRIE DE QUESTIONS

Le cabotage de France à un port étranger sera-t-il permis pour toute marchandise, 1° à des bâtiments français, 2° à des bâtiments alliés, 3° à des bâtiments neutres ? Ces questions paraissent devoir être décidées comme celles de la troisième série.

5e SÉRIE DE QUESTIONS

Le cabotage d'un port étranger à un port français sera-t-il permis, 1° aux bâtiments français, 2° aux bâtiments alliés, 3° aux bâtiments neutres ?

Il faut distinguer les marchandises. Toute marchandise anglaise étant prohibée, il ne peut y avoir de question à cet égard. Toute denrée coloniale est prohibée si elle est d'origine anglaise ; or l'Espagne n'a pas de denrées coloniales; le Portugal en a encore, mais en petite quantité. Quant aux bâtiments espagnols, napolitains, italiens, hollandais, chargés de denrées de leurs pays, il n'y a pas de difficulté; mais, pour ce qui concerne les denrées coloniales, c'est un point de discussion important et l'un des principaux objets du travail des ministres.

6e SÉRIE DE QUESTIONS. 

DU GRAND COMMERCE.

1° Permettra-t-on à des bâtiments français de faire la grande navigation pour importer et exporter toute espèce de marchandises ? Cette question paraît devoir être décidée affirmativement, avec cette exception cependant que les bâtiments n'importeront pas de denrées ou de marchandises d'origine anglaise. On ne s'occupe ici ni de la relâche en Angleterre, ni de la visite par les bâtiments anglais, parce qu'on suppose ces deux cas impossibles.

2° Donnera-t-on la même permission aux bâtiments alliés ?

3° La donnera-t-on aux bâtiments neutres ?

Ces deux questions paraissent devoir être résolues comme la première; bien entendu que ces bâtiments ne viendront pas d'Angleterre et n'auront pas été visités par les Anglais.

7e SÉRIE DE QUESTIONS.

1° Quels sont les pavillons alliés ?

Les pavillons alliés sont : les pavillons danois, russe, espagnols, italien, napolitain et ottoman.

2° Quels sont les pavillons neutres ?

Les pavillons neutres sont : les pavillons autrichien et américain.

8e SÉRIE DE QUESTIONS.

Les décisions qui seront rendues sur les articles ci-dessus seront-elles communes aux bâtiments qui arriveront sur leur lest, quand même ils auraient touché en Angleterre ou auraient été visités par les Anglais ?

9e SÉRIE DE QUESTIONS.

Quelle est la législation établie ou à établir relativement au commerce de Hambourg ?

Les ministres de l'intérieur et des finances, après avoir examiné ces diverses questions, rédigeront un projet de règlement général.

Un article de ce règlement établira la suppression des pavillons de Kniphausen, de Papenburg, Oldenburg et Mecklenburg.

Les ministres proposeront les moyens d'exécution nécessaires pour que les bâtiments quelconques à qui l'on permettrait l'entrée dans les ports de France, chargés ou non de marchandises qu'on viendrait à reconnaître pour anglaises, ayant ou n'ayant pas touché en Angleterre, ayant ou n'ayant pas été visités, ne soient admis que conditionnellement. Il conviendrait, pour cet objet, de statuer qu'aucun bâtiment ne serait admis de droit, et que son admission serait soumise à un conseil qui se tiendrait à Paris, et qui déciderait en conséquence de toutes les données et renseignements qui se trouveraient à sa connaissance.


Palais des Tuileries, 14 février 1808

OBSERVATIONS FAITES DANS LE CONSEIL D'ADMINISTRATION DES FINANCES.

La dette du Piémont étant de 2,406,000 francs, il y a eu pour 825,000 francs d'extinctions, en conséquence du décret du 25 prairial. La dette du Piémont n'est donc plus que de 1,581,000 francs.

Au 1er janvier 1808, le Domaine avait vendu pour 7,632,000 francs de domaines en Piémont, ou avait acquis pour 7,632,000 francs de monti, provenant de la vente d'une somme quelconque de domaines. Sur cette somme, 1,330,000 francs avaient été payés en actions de Lucedio, qui forment une dette à part; 41,000 francs avaient été payés sur l'emprunt de Verceil, qui est aussi une dette à part, et 5,798,000 francs en monti, somme qui, calculée à vingt capitaux, produit un intérêt de 289,900 francs de monti, lesquels doivent être pris au trésor et brûlés publiquement, puisqu'ils sont éteints.

Il reste 462,000 francs à recouvrer par l'enregistrement, et, comme on ne sait pas en quelle monnaie ils seront payés, c'est-à-dire quelle partie sera en actions de Lucedio, on ne peut savoir combien cela éteindra de monti; on peut cependant calculer sur une vingtaine de mille francs. Ainsi, dès aujourd'hui, la dette de Piémont se trouve avoir éprouvé une nouvelle réduction de 289,000 francs.

La caisse d'amortissement a acquis en argent 63,000 francs de rente ; elle a vendu pour 5,230,000 francs de domaines qui lui appartenaient, et sur lesquels 1,460,000 francs ont été payés en rescriptions de la dette non consolidée; 1,878,000 francs étaient déjà rentrés à la caisse d'amortissement, faisant 93,900 francs de monti, et 3,890,000 francs lui sont dus. On ne peut savoir ce que cela produira, parce qu'on ne sait pas si les payements se font en monti ou en rescriptions.

Ainsi donc la dette du Piémont était, au le, janvier 1808, de 1,291,000 francs, sur lesquels 156,000 francs étaient déjà entre les mains de la caisse d'amortissement. Il n'était donc plus dû en Piémont que 1,135,000 francs. Les ventes déjà faites et non encore payées produiront au Domaine 23,000 francs d'extinction, et à la caisse d'amortissement 180,000 francs; alors la dette se trouverait être de 1,270,000 francs, sur lesquels 250,000 appartiendraient à la caisse d'amortissement. Il resterait 1,020,000 francs payables au Piémont.

Il faut que le ministre fasse un rapport détaillé et présente un projet de décret pour fermer le compte de la caisse d'amortissement, et pour ordonner, 1° que les 63,000 francs de la caisse d'amortissement achetés en monti seront versés au trésor pour être brûlés, 2° qu'il en sera de même de 93,000 francs rentrés sur les ventes au ler janvier 1808; 3° qu'en remplacement de ces 156,000 francs, la caisse d'amortissement recevra des inscriptions sur le grand-livre. Le ministre calculera de clerc à maître l'opération de 63,000 francs, en faisant placer à la caisse d'amortissement son argent à 5 pour 100 ; et, pour les 93,000 francs provenant des domaines, le ministre calculera pour quelle somme ces domaines avaient été cédés, et combien ils ont été vendus, et le placement pour la caisse d'amortissement sera fait au cours actuel. Selon les calculs du pays, la caisse d'amortissement doit avoir gagné 30 pour 100.

Le ministre, par le même projet de décret, établira que les 1,471,000 francs provenant des rescriptions de liquidations provisoires seront également consolidés sur 1'État, en comptant avec la caisse d'amortissement de clerc à maître.

M. Defermon, assurant que des rescriptions provenant de la dette des corporations supprimées montent à 1,521,000 francs, et 1,473,000 francs étant rentrés à la caisse d'amortissement, il n'y aurait donc presque plus rien en circulation. Il serait convenable alors d'admettre ces rescriptions en payement de chaque domaine, au tiers ou au quart de la vente, ou bien de les consolider tout de suite sur le grand-livre de France. Pour bien asseoir une idée, il faudrait savoir à quoi montera cette valeur,

Le ministre, en remettant ce travail, présentera aussi un mémoire sur l'autre dette du Piémont à liquider., et proposera le parti qu'il faut prendre.

Il fera également connaître son opinion et présentera un projet de décret sur les moyens d'éteindre non-seulement la dette du Piémont, mais encore celle de Gênes. On vient de dire que la dette du Piémont s'élève à 1 million; elle sera même au-dessous de 900,000 francs, attendu que les mesures à adopter ne pourront être prises avant mars. La dette de Gênes étant de 6 à 700,000 francs, la dette totale peut donc être évaluée à environ 15 ou 16 cent mille francs. On pourrait inscrire le tiers sur le grand-livre, qui se trouverait augmenté de 500,000 francs, et liquider les deux autres tiers au moyen de 20 millions de rescriptions pour lesquelles la caisse d'amortissement affecterait 20 millions de domaines, ou céder 30 millions de domaines à la société des monti. L'une et l'autre de ces mesures obligeraient les Génois, ainsi que les personnes du Piémont qui ne veulent pas de biens ecclésiastiques, à acheter des domaines qui seraient vendus en suivant les estimations déjà faites.

Quant à la caisse d'amortissement, à qui appartiennent ces domaines, on la payerait en une inscription égale à celle qu'elle a cédée pour les acheter.

Dans son rapport, le ministre fera bien connaître si les affaires de Lucedio et de l'emprunt de Verceil sont finies, ou , si elles ne le sont pas , ce qui reste. Il donnera aussi une explication sur les motifs qui l'ont déterminé à prescrire de n'adjuger qu'à trente capitaux.


Paris, 15 février 1808

A Joseph Napoléon, roi de Naples

Mon Frère, mon escadre est partie de Toulon le 10, à dix heures du matin, sous les ordres de l'amiral Ganteaume, forte de deux vaisseaux à trois ponts, huit vaisseaux de 80 et de 74, de plusieurs frégates et bricks, et de trois grosses flûtes chargées d'artillerie et de munitions de guerre pour Corfou. Le 10, à six heures du soir, elle était hors de vue, avait vent arrière, et il est probable que le même coup de vent l'aura menée au delà du cap Bon.

Je vous ai écrit le 7 février; c'est aujourd'hui le 15; ainsi vous aurez probablement reçu ma lettre dans le moment où je vous parle. Je vous disais que Ganteaume irait sans doute à Corfou; c'est effectivement ce qu'il a fait. Je vous recommande les dispositions contenues dans cette lettre du 7, pour que ce qui est à Brindisi, Otrante, destiné pour Corfou, arrive dans cette place. Envoyez-y aussi tout l'argent que vous pourrez; n'épargnez rien, et qu'il y ait 6,000 hommes, Français, Napolitains, Italiens, en garnison dans la seule île de Corfou. Je vous ai écrit, par cette même lettre, sur l'expédition de Sicile. De Reggio à Corfou il n'y a qu'un pas; et, si les Anglais n'ont pas plus de 4 ou 5,000 hommes, comme on l'assure, l'expédition de Reggio pour s'emparer sur-le-champ du Phare peut être facilement entreprise, et, par suite, vous deviendrez maître de la Sicile. Le ministre de la marine a dû vous écrire depuis et vous envoyer même un officier. J'attends avec impatience de vos nouvelles, et je compte sur votre activité dans cette circonstance importante. Je compte que l'expédition de Reggio réussira, mais enfin préparez toujours vos moyens à Naples; j'attends d'autres escadres.


Paris, 15 février 1808

A Eugène, vice-roi d'Italie

Mon Fils, je vous confie pour vous seul que mon escadre est partie de Toulon le 10 février, forte de dix vaisseaux, se dirigeant sur Corfou. Vous sentez l'importance de faire partir, de Venise et d'Ancône, tout ce qui doit en partir. Vous sentez aussi l’importance de garder sur tout cela le plus profond secret. Faites-moi connaître de quelle manière l'escadre russe est mouillée à Trieste. Est-elle à l'abri d'une force supérieure anglaise ?

(Prince Eugène)


16 - 28 février 1808