1 - 15  juin 1808


Bayonne, 1er juin 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures, à Bayonne

Monsieur de Champagny, l'armée de Portugal a besoin de vivres. Il paraît que la communication de Saint-Sébastien avec le Ferrol, sous l'escorte de chaloupes canonnières espagnoles, est fréquente, et que la communication du Ferrol avec Porto est également très-fréquente. Il serait donc convenable d'essayer cette voie pour faire passer du blé en Portugal. Il faudrait le faire par le commerce, qui comprendra facilement l'avantage immense qu'il y trouvera, puisqu'il a cent pour cent à gagner. Voyez pour cela la chambre de commerce. On pourrait expédier, soit par des chasse-marée, soit pour les bâtiments qui servent au cabotage, 1,000 tonneaux de blé, qui feraient cent jours de vivres pour 20,000 hommes. Il me semble qu'on emploie au cabotage ici des bâtiments qui peuvent porter quarante à cinquante tonneaux ; or une trentaine de ces bâtiments porteraient tout cela. L'achat ne serait pas ici un objet de 300,000 francs, et la vente produirait 900,000 francs à Lisbonne. Je désire que vous vous occupiez de cela. Je voudrais aussi faire transporter pour mon compte
200,000 rations de biscuit; mes gabares seraient-elles propres à cette expédition ? Mais , d'ailleurs , ne pourrait-on pas porter ces 200,000 rations sur deux goélettes ou chasse-marée ? Je les destine à l'approvisionnement de trois vaisseaux et de trois frégates que j'ai à Lisbonne. Je ne serais pas éloigné non plus de diriger sur ce point dix milliers de quintaux de blé pour l'armée, ce qui ferait 500 tonneaux. Faites-moi, je vous prie, un rapport sur tout cela.

Il est bon de mettre dans les journaux une note sur les foires de Leipzig et de Francfort, en la rédigeant dans les termes les plus favorables à notre commerce, et en donnant des renseignements aux commerçants.


Bayonne. ler juin 1808

A M. Cretet, ministre de l'intérieur, à Paris

Monsieur Cretet, je n'entends plus parler des maisons destinées à l'extinction de la mendicité. Les travaux des trois grands canaux sont-ils en activité ? Y dépense-t-on tout l'argent que j'ai accordé ? Les travaux de Paris ne vont plus; on n'a encore pris aucun argent à la caisse d'amortissement. Les prêts sur les vins faits au commerce  de Bordeaux ne marchent pas davantage, puisqu'il n'a encore été rien pris.

Le ministre des finances me mande que les vingt et une portions deux tiers du canal du Midi ne rendent que 450 à 500,000 francs par an, et que, dès lors, le prix demandé est trop fort de deux cinquièmes.


Bayonne, let juin 1808

A M. Cretet, ministre de l'intérieur, à Paris

Monsieur Cretet, il entend dire souvent qu'on manque de laines en France et qu'elles sont fort chères ; cependant il y a en Espagne trois récoltes de laines dont on ne sait que faire ; écrivez-moi un moi là-dessus.

Il m'est revenu des foires de Leipzig et de Francfort que Lyon ne fournissait pas assez, et que les négociants chargés de fournir à la Saxe, à la Pologne, au Danemark, à la Russie, se plaignent que les commandes qu'ils font à Lyon ne se remplissent pas, quoique cependant ils fassent les avances.


Bayonne, let juin 1808.

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris

La batterie du cap Camarat, à Saint-Tropez, n'a pu protéger la pinque la Vierge-de-Miséricorde, qui a été prise par l'ennemi. On dit qu'au premier coup de canon le terre-plein s'est enfoncé. Ordonnez au directeur d'artillerie de faire une visite extraordinaire des batteries de la côte; donnez le même ordre au général Cervoni; qu'ils partent à cheval de la tour de Bouc et suivent la côte jusqu'à San-Remo; qu'ils inspectent les batteries et présentent un rapport sur chacune; qu'ils voient les canonniers garde-côtes, et s'assurent 
qu'elles sont propres à faire un bon service.


Bayonne, ler juin 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Est-ce que les sept flûtes et gabares neuves qui sont au Havre ne pourraient pas aller à Brest pour l'expédition projetée ? Elles font près de 3,500 tonneaux. Les trois de 350 tonneaux, de Saint-Malo, ne peuvent-elles pas également aller à Brest pour le même objet ?

Si le lieutenant Guiné n'est pas membre de la Légion d'honneur, proposez-moi un décret pour le nommer. Faites-moi un rapport sur les deux enseignes qui ont monté à l'abordage. Ce corsaire, s'il est bon marcheur, pourrait être armé comme mouche.

La corvette la Baleine a quitté Rosas ; elle sera probablement arrivée à Marseille.

J'approuve que les ouvriers de Flessingue remontent au milieu d'août pour rester à Anvers jusqu'en octobre. Je désire que le Royal-Hollandais puisse être mis à l'eau avant la fin d'octobre, afin que sa cale soit remplie par un autre vaisseau. Serait-il possible d'avoir la frégate ? Je me contenterai d'avoir trois vaisseaux de plus à Anvers ; ce qui, avec les huit à Flessingue, me fera onze vaisseaux. On mettra trois autres vaisseaux sur la cale; ce qui me mettra à même d'avoir quatorze vaisseaux au mois de septembre 1809 ; ce qui, avec le Royal-Hollandais et les cinq autres d'Anvers, me ferait vingt-deux vaisseaux de guerre dans la rade de Flessingue.


Bayonne, ler juin 1808

Au vice-amiral Decrès. ministre de la marine, à Paris

Je désirerais faire construire un vaisseau de 74 à Bayonne, parce que le coeur me saigne de voir les bois se pourrir, et que je dépense 500,000 francs pour faire transporter 100,000 pieds cubes de bois dans la Garonne et davantage pour les transporter jusqu'à Rochefort.

Il y a sur la barre 14 pieds d'eau; il y a 36 à 40 pieds d'eau en dehors de la barre; le tout est donc de passer la barre. Je ne sais pas pourquoi un vaisseau de 74, qui tire 16 pieds, ne passerait pas, étant allégé par les chameaux, qui allégent de 6 à 7 pieds.

Je désire que vous fassiez venir de Hollande l'officier hollandais qui a déjà été à Venise; qu'il se rende en poste ici; car si, après avoir causé avec le pilote et vu lui-même la barre, il juge possible de la faire franchir à un vaisseau de 74, je le ferai mettre sur-le-champ en construction. Jadis, un vaisseau de 50 canons a passé la barre avec beaucoup de peine, mais sans chameaux. L'autre jour j'ai vu la mer calme à la barre, et cependant nous ne sommes pas dans les mois calmes ; les bâtiments qui y passaient n'éprouvaient aucun mouvement.

On ne devrait jamais construire à Rochefort, qui n'est qu'un port de réparation; Lorient, le Havre, Anvers, voilà les ports de construction de la France.


Bayonne, 1er juin 1808

A M. de la Cuesta, capitaine-général de la Castille-Vieille, à Valladolid

J'ai reçu votre lettre du 29 mai. Je vous prie de me faire connaître qui, dans l'armée espagnole, n'ayant que cinquante ans, est assez fort et assez bien dans l'opinion pour occuper le poste important que j'aurais désiré que votre santé vous eût permis d'accepter.


Bayonne, 1er juin 1808

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Donnez ordre au général Morand de faire conduire à la citadelle de Toulon les Colonna père et fils, de faire mettre le séquestre sur leurs biens. Arrivés à Toulon, vous donnerez ordre que ces individus, agents de l'Angleterre, soient conduis dans un château fort avec les plus grandes précautions.

Faites arrêter le sieur Patey, prêtre de la Manche, dont il est question dans votre bulletin du 24 et faites le enfermer dans un château fort.

(Brotonne)


Bayonne, 2 juin 1808

A M. Cretet, ministre de l'intérieur, à Paris

Monsieur Cretet, faites-moi un petit rapport sur les travaux que j'ai ordonnés. Où en est la Bourse ? Le couvent des Filles Saint-Thomas est-il démoli ? Le bâtiment s'élève-t-il ? Qu'a-t-on fait à l'Arc-de-Triomphe ? Où en est-on de la gare aux vins ? Où en sont les magasins d'abondance ? la Madeleine ? Tout cela marche-t-il ? Passerai-je sur le pont d'Iéna à mon retour ? Voilà pour Paris.

Je vous ai demandé déjà des renseignements sur les trois grands canaux. Dépensera-t-on, cette année, trois millions au canal de l'Escaut au Rhin, trois millions au canal de Bourgogne, trois millions au canal Napoléon ?

Les travaux que j'avais ordonnés à Paris sur l'emprunt de huit millions marchent-ils ?

Faites aussi exécuter mon décret sur Bordeaux ; je pensais que cela était en mouvement; lorsque j'y repasserai, rien ne sera commencé.


Bayonne, 2 juin 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Dans l'état des croisières anglaises que vous m'avez envoyé, je ne vois point de croisière devant Dunkerque. Pourquoi donc les deux frégates que j'ai dans ce port ne partent-elles point pour Flessingue, où on en a besoin ?

Au Havre, la croisière ennemie ne se compose que d'une frégate et d'un brick, et j'ai dans ce port deux frégates en armement, une qui est tout armée et bientôt une quatrième. Pourquoi ces quatre frégates ne partiraient-elles pas ?

Je ne vois pas de croisière devant Rochefort, ce qui doit permettre à mes bricks et aux autres petits bâtiments de partir.


Bayonne, 2 juin 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur Decrès, l'escadre russe n'a rien à craindre à Trieste, puisqu'elle est en dedans des jetées. Les Anglais ont bien autre chose
à faire que d'aller insulter les quatre cadavres qui sont là.

On vient de me rendre compte qu'un petit paquebot anglais appartenant à un armateur de Bordeaux se trouve au Passage. Il est doublé en cuivre et bon marcheur. Je viens d'ordonner au capitaine Beaulieu de le visiter, et je l'achèterai s'il est bon. J'attends le brick l'Oreste ici demain. La frégate la Comète s'allége pour passer la barre de Bayonne. Cette frégate est une vieille carcasse toute déliée, et qui ne peut même pas marcher; il faut en faire un ponton et une machine à mâter pour ce port. Les ingénieurs m'ont fait un rapport sur ce port; ils me proposent d'y dépenser un million, et en espèrent de bons effets. Je vais y dépenser 400,000 francs en plusieurs années, et, si je m'aperçois qu'ils produisent quelques bons résultats, je les ferai continuer.

J'ai écrit au ministre d'État Lacuée pour qu'il vous fournisse 500 conscrits, qu'il dirigera sur Bayonne, pour former les cinq équipages qui se réunissent à Lisbonne.

Une des mouches qui sont ici pourra partir avant le 10 août; envoyez des ordres ici pour l'expédier sur Cayenne. Il faut la charger de dix ou douze tonneaux de farine; cela fait toujours deux cents quintaux, c'est-à-dire de quoi nourrir 200 hommes pendant cent jours, ce qui fait toute ma garnison de Cayenne. Il faut expédier la seconde, qui sera prête avant le 20 juin, sur la Martinique; elle portera des dépêches, des nouvelles et de la farine pour mes troupes de la Martinique pendant dix jours. Recommandez qu'elles reviennent chargées de marchandises coloniales. Je vous ai déjà écrit pour ce  grand objet.

Je viens d'avoir des renseignements et des plans sur la Spezia. J'ai pris un décret pour en augmenter les batteries, qui me paraissent déjà très-formidables. Le lazaret me parait propre à contenir tous les magasins. La localité me paraît extrêmement favorable pour la défense du côté de terre, puisqu'en défendant un isthme de cinq à six cents toises, on défend toute la presqu'île, qui a six milles de tour. Le Porto-Venere, la cale des Corses et les autres petites cales, chacune de trois à quatre cents toises de profondeur sur deux à trois cents toises de largeur, seront à l'abri de toute attaque. Il est nécessaire d'avoir un commissaire de marine à Livourne pour correspondre avec le préfet maritime de la Spezia et organiser tout cela.

Qui doit désigner l'emplacement de chaque établissement à la Spezia ? Est-ce un seul individu ou une commission ? J'ai besoin de le savoir pour la direction à suivre pour centraliser tout dans le seul point que je veuille défendre. Je désire qu'on ne perde pas un moment, On m'assure que les cales pour des vaisseaux ne coûteront pas plus de 20, 000 francs . La côte de la Spezia à Livourne, qui n'avait aucune importance, va en avoir. Il n'y a sans doute pas de batterie; jetez un coup d'oeil sur la carte, et entendez-vous avec le ministre de la guerre pour établir des batteries où elles sont nécessaires. Écrivez à mon chargé d'affaires à Lucques et au général Menou pour ce qui les regarde. Il me semble, après ce que l'on me dit, qu'on peut faire au lazaret des magasins pour tout. Il n'y aura donc à s'occuper sérieusement que de la machine à mâter et de la corderie. Comme nous n'aurons pas de vaisseau à la mer avant un an, nous avons le temps de penser à la machine à mâter. Quant à la corderie, c'est un objet d'une grande dépense. Je ne sais pas s'il y en a une à Gènes ou à Livourne. Donnez vos ordres au préfet maritime, et tracez vos directions sur tout. Il faut pour cela avoir un grand plan sous les yeux. Il me semble que tous les objets d'artillerie seraient fort bien placés au fort Saint-Barthélémy.


Bayonne, 2 juin 1808

Au prince Borghèse, gouverneur général des départements au delà des alpes, à Turin

L'établissement qui va avoir lieu à la Spezia va rendre plus intéressante la côte de Gênes à la Spezia. Donnez ordre au général Montchoisy et au directeur d'artillerie de la parcourir à cheval, et de prendre des notes sur les batteries qui existent et sur les points où il en faudrait. Vous m'en rendrez compte pour que j'ordonne tout ce qui sera nécessaire.

Faites venir l'ingénieur des ponts et chaussées et demandez-lui un rapport sur les communications de Parme et de Plaisance avec la Spezia. Si les plans de ces deux routes sont faits, envoyez-les-moi; s'ils ne sont pas faits, faites-les faire.

Faites répondre à cette question : Quelle est la communication la plus facile et la moins coûteuse de Plaisance ou de Parme à la Spezia ? Combien l'une ou l'autre coûterait-elle ?

Assurez-vous à la Spezia si l'île de Palmaria et les deux îles en avant sont gardées. Vous donnerez des ordres pour qu'on y mette des troupes et qu'elles s'y placent de manière à se mettre à l'abri d'être enlevées.


Bayonne, 2 juin 1808.

A la princesse Pauline Borghèse, à Stupinigi

J'ai reçu votre lettre. Ce que vous éprouvez est une suite nécessaire du printemps. Stupinigi est peut-être un peu humide; Turin est préférable. Je ne vois pas pourquoi vous n'iriez pas aux eaux de Lucques. Je ne vois pas d'inconvénient que vous alliez aux eaux de Saint-Didier, puisqu'elles sont dans le gouvernement; mais il ne faut point quitter le gouvernement sans mon ordre.


Bayonne, 2 juin 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan

Mon fils, il faut pourvoir à toutes les dépenses de la division du général Miollis, comme à celles des troupes en Toscane et d’Ancône, par le Trésor d’Italie.

Le nouveau régiment d’Ancône, composé de troupes du pape, sera payé par le Trésor d’Italie également.

(Prince Eugène)


Bayonne, 2 juin 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan

Mon Fils, j’attends des mémoires sur les travaux que j’ai ordonnés en Italie, et je ne reçois rien. Je désire beaucoup avoir des renseignements sur tout cela. J’ai reçu le mémoire sur Mantoue; je vais y répondre. Je vous ai demandé des renseignements sur l’escadre russe, qui est à Trieste et à Venise, vous ne m'avez rien envoyé. Vos lettres deviennent plus rares et moins significatives.

(Prince Eugène)


Bayonne, 2 juin 1808

Au général Menou, gouverneur général de la Toscane, à Florence

Le préfet maritime se rend à la Spezia, et tout va se mettre en mouvement pour organiser ce port important. Les côtes de la Spezia à Livourne, qui n'avaient que peu d'intérêt, vont en acquérir beaucoup aujourd'hui. Envoyez les officiers du génie les visiter jusqu'à la Spezia et reconnaître les points où il faut établir des batteries, s'il n'y en a pas, afin que le cabotage se fasse librement et soit protégé. Voyez quels moyens Livourne peut fournir à l'arsenal de la Spezia.


Bayonne, 2 juin 1808

Au général Menou, gouverneur général de la Toscane, à Florence

Je vais bientôt avoir besoin de beaucoup de bois pour l'arsenal de la Spezia. Voyez ce qu'on pourrait couper, non-seulement en Toscane, mais encore dans les pays de Piombino, de Lucques et dans les portions du territoire d'Italie qui ont le versant des eaux sur la Méditerranée. Je désire bien en avoir dès ce moment une centaine de milliers de pieds cubes, afin de commencer les travaux de l'arsenal; sur quoi peut-on compter  ?


Bayonne, 2 juin 1808

A Joachim, Grand-Duc de Berg, lieutenant-général du royaume d'Espagne, à Madrid

Faites imprimer sans délai dans la Gazette de Madrid les deux lettres du 11 et du 13 mai que m'a écrites la junte d'État. Par la dernière, elle me demande pour roi le roi de Naples. Faites imprimer aussi l'adresse de la ville de Madrid.

Vous ferez faire un article qui dira que l'Empereur ayant reçu des lettres de la junte, du conseil de Castille, de la ville de Madrid et de plusieurs autres corps de l'État, a expédié un courrier au roi de Naples, qui vient de répondre à son illustre frère qu'il s'est mis sur-le-champ en route; qu'il est arrivé le 3 juin à Bayonne, et qu'incontinent il va se rendre à Madrid.

Faites tout préparer pour que le Roi soit bien reçu à Madrid, à Burgos et sur toute la route. Faites écrire aux provinces de Navarre, de Biscaye, etc., par les différents ministres, pour que tout soit préparé sur la route pour le recevoir avec le plus d'éclat possible.

Il suffit de citer l'adresse du conseil de Castille, sans l'imprimer, vu qu'elle est trop entortillée. Le conseil de Castille profitera de l'acte que je ferai pour nommer le Roi, pour faire une espèce de proclamation et la répandre partout.


Bayonne, 3 juin 1808

A M. Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur Mollien, j'ai besoin de venir au secours de l'Espagne. Le ministre des finances d'Espagne envoie des pouvoirs au banquier Baguenault, qui fait les affaires d'Espagne. Ce banquier viendra vous trouver. Voici mes intentions : La banque de France fera avec lui un traité dont voici les conditions. La Banque prêtera au trésor d'Espagne vingt-cinq millions de francs ou environ cent millions de réaux. Cet argent sera transporté par terre à Bayonne, moyennant une commission de tant ; vous ferez vos calculs. Le versement sera fait à compter du présent mois de juin, à raison de cinq millions par mois pour les mois de juin, juillet, août et septembre, et de cinq millions pour le mois d'octobre. L'intérêt en sera payé entre 5 et 6 pour 100. Il sera versé à la banque de France, pour garantie du prêt, des diamants de la Couronne pour une égale valeur, conformément à la loi générale de la Banque, qui s'oppose à ce qu'elle fasse aucun prêt sans nantissement. Ce prêt devra être remboursé en dix ans, et plus tôt, si faire se peut; il devra l'être nécessairement un an après la paix maritime. Vous ferez mettre dans le considérant que ce n'est que pour obliger l'Espagne et après mon autorisation, etc. Si la Banque veut faire cette opération à ses frais, je ne m'y oppose pas; mais, comme je pense qu'elle ne le voudra pas, je ferai moi-même ces avances ; et, comme il ne me convient pas de prêter sur gages , la Banque prêtera pour moi sous son nom, et la caisse d'amortissement fera les fonds. Vous ferez ajouter, pour une des conditions de l'acte, que la restitution se fera en francs et à Paris. Arrangez cette affaire le plus tôt possible.


Bayonne, 3 juin 1808

Au général Junot, commandant l'armée de Portugal, à Lisbonne

Monsieur le Général Junot, je reçois votre lettre du 27 mai et celles des 24 et 25 en même temps. Les vaisseaux espagnols doivent mettre en mer avec des équipages portugais, conformément au décret que vous avez reçu. Je vois par l'état de vos marins que vous avez un capitaine de vaisseau; il vous en faut trois : ce sont deux qui vous manquent; que vous avez trois capitaines de frégate; il vous en faut trois pour les frégates et trois pour les vaisseaux : il vous en manque trois; que vous n'avez que cinq lieutenants de vaisseaux; il vous en faut vingt-quatre. Je croyais que vous aviez beaucoup de maistrance, et je vois que vous n'en avez pas du tout; j'écris au ministre de la marine pour qu'il vous en envoie.

Je ne suis pas fâché que l'amiral russe n'ait pas voulu de mon vaisseau. Peut-être préférera-t-il une frégate; il aura alors assez de monde pour l'armer sans affaiblir ses équipages. Quant à la demande qu'il fait de pouvoir réunir deux vaisseaux français à son escadre, je n'y vois pas d'inconvénient; je vais en faire armer trois.

Si Almeida est dans une position malsaine, les troupes pourront être placées à Branco, où elles seront à portée de se réunir aux troupes du maréchal Bessières et seront dans un pays plus sain; je leur fais donner cet ordre.

J'approuve la mesure que vous me proposez de faire payer les cinquante millions que je me suis réservés, partie en biens appartenant aux émigrés, partie en domaines de la Couronne et partie en biens de l'Ordre de Malte.

Je vais vous envoyer un commissaire de justice, qui sera un jurisconsulte versé et qui pourra vous être utile.

Je verrai avec plaisir que le code Napoléon soit imprimé et publié.

Il faut laisser passer l'été et arriver au mois de novembre avant de remuer l'affaire des couvents; les affaires d'Espagne seront finies, et l'hiver est une bonne saison pour nous.

Je vous réitère de mettre des matelots français sur votre escadre avec quelques matelots portugais et danois, des officiers de marine français et les trois quarts de la maistrance français. Il ne faut pas envoyer un matelot français pour porter des nouvelles en Amérique. Douze Portugais donnant caution, un patron sûr, dont la femme soit a Lisbonne, un contre-maitre français sachant bien la manoeuvre, et dix ou douze soldats français sont bons pour les expéditions dans les colonies, sans y employer les matelots français que vous avez.

Le marquis d'Alorna, qui commande les troupes portugaises, va se rendre ici; je le garderai deux jours et je le renverrai en Portugal pour présider au recrutement. Ne violentez pas les Portugais pour ce motif; je désire sans doute renforcer ces régiments de quelques milliers d'hommes, mais je veux,que votre tranquillité ne soit pas troublée avant tout. Il faut employer principalement des moyens de persuasion.


Bayonne, 3 juin 1808, une heure après midi

Au maréchal Bessières, commandant la Garde impériale, etc., à Burgos.

Mon Cousin, le major général vous écrit sur l'insurrection de Santander. Il parait que l'aide de camp que vous y avez envoyé y a été arrêté, ainsi que des officiers espagnols partis de Madrid, et même, dit-on, un officier du grand-duc de Berg. Dans tous les cas, la place de Santander est nécessaire à occuper. La Biscaye paraît d'un bon esprit. D'ailleurs, j'ai ordonné que les trois régiments portugais fissent halte à Tolosa, Vitoria et Irun, et j'aurai bientôt ici d'autres forces à y envoyer, si cela devenait nécessaire. Vous devez donc ordonner au général Verdier de partir avec les 13e et 14e provisoires, ses deux escadrons de cavalerie et son artillerie, et de se diriger sur Santander. Donnez l'ordre au général Lasalle de partir avec un régiment de cavalerie, le général Sabatier et sa brigade, et son artillerie, et de se diriger de Burgos sur Santander. Si l'insurrection est grave, comme on le dit, mon intention est que ces 6,000 hommes séjournent à Santander et envoient des détachements dans les Asturies ; si l'insurrection n'était pas aussi grave, le général Verdier se rendrait toujours à Santander, mais le général Sabatier s'approcherait seulement à moitié chemin de Santander à Burgos, c'est-à-dire en joignant l'Èbre à Villarcayo. Par ce moyen, il protégerait la marche du général Verdier et lui servirait de réserve. Le général Lasalle peut prendre deux routes : l'une, la route de poste qui passe par Reinosa, et l'autre, en suivant la grande route jusqu'à Castrojeriz, passe l'Èbre et se dirige par Villarcayo sur Espinosa. Cette dernière route est plus courte d'un quart, et elle offre surtout l'important avantage de se rapprocher de celle du général Verdier, de sorte que, si les événements étaient sérieux, ce général pourrait facilement réunir les deux colonnes à Espinosa et même en avant, si cela était nécessaire. Vous sentez donc combien cette route-ci est préférable.

Le général Verdier peut prendre deux routes, l'une par Orduna et de là à Santander, et l'autre en rétrogradant sur Miranda, venant à Frias et de là à Medina et à Espinosa. Étant sur les lieux, vous pouvez prendre des renseignements à ce sujet. Les routes qui tendent à rapprocher la marche de mes colonnes sont les meilleures. Pour ne pas agglomérer une aussi grande quantité de troupes à Santander, le général Lasalle pourra s'arrêter à Espinosa, Medina et Villarcayo, et, en une marche forcée ou deux marches, se porter de là au secours du général Verdier.

De la célérité et de la vigueur. Commencez par ordonner ces mouvements. Que le général Lasalle se mette en marche et qu'il commence toujours à occuper l'Ébre et Villarcayo jusqu'à ce que la division du général Verdier arrive. Ayez soin que le général Lasalle ait avec lui pour dix jours de biscuit, ses huit pièces de canon approvisionnées, que les hommes aient leurs cartouches et qu'il y ait un bon nombre de caissons à la suite de cette troupe. Veillez à la même chose pour la division Verdier. Recommandez à ces deux généraux de faire prompte et sévère justice. On m'assure que les révoltés occupent déjà Reinosa au nombre de 400 ou 500. Il est très-nécessaire d'arriver promptement, car déjà les Anglais tâchent de jeter des émissaires et vont bientôt jeter des armes. Faites-moi connaître la population de Reinosa. Aussitôt que toutes les troupes seront en mouvement, et quand elles se trouveront à mi-chemin de Santander, envoyez-y en avant deux ou trois bons prêtres de Burgos pour faire connaître aux habitants combien est grand leur aveuglement d'avoir des intelligences avec les Anglais et qu'ils courent à leur ruine totale. Une fois arrivé à Santander, qu'on désarme les habitants, et, si on y entre les armes à la main, que l'on fasse un exemple. Lorsque les troupes seront en marche, vous écrirez au capitaine général de la Cuesla pour que ce brave homme envoie un de ses officiers dans les Asturies, qui fasse connaître aux habitants de cette province les malheurs que la révolte attirerait sur toute l'Espagne et sur eux-mêmes.


Bayonne, 3 juin 1808

Au maréchal Bessières, commandant la Garde impériale, à Burgos

Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 1er juin à six heures du soir. Si le sieur Balbiani, qui arrive de Buenos-Ayres, veut y retourner ou quelques-uns des siens, cela serait bien; j'aurai bientôt ici un brick prêt à partir. S'il préfère se rendre à Madrid, d'où le gouvernement le ferait partir par Cadix ou par d'autres ports, il en est le maître.

Je vous ai écrit il y a une heure , et j'ai dicté des ordres au major général pour agir vigoureusement sur Santander et pour donner aux deux colonnes qui partent, l'une de Vitoria et l'autre de Burgos, une marche concentrique. Cette ville de Santander paraît avoir besoin d'un exemple. Je ne pense pas que des forces plus considérables soient nécessaires ; si cela était, vous feriez soutenir le général Verdier par le général Merle.

Les généraux Lefebvre et Bazancourt doivent être partis pour Pampelune. Je compte avoir là demain près de 5,000 hommes, tant infanterie que cavalerie et artillerie ; et, si les affaires d'Aragon ne se calmaient pas, cette force pourrait se diriger sur Saragosse, de concert avec une colonne de 6,000 hommes que le général Chabran amènerait de Tortose. Le maréchal Moncey marche avec 12,000 hommes sur Valence; le général Dupont, avec 10,000 hommes de ses troupes et 5,000 Français tirés du Portugal, sur Cadix. Je vous ai mandé d'envoyer l'ordre au général Loison de venir prendre position à Miranda sur le Duero. Cette division de 4,000 hommes avec les divisions Verdier et Merle et, s'il était nécessaire, votre réserve, pourraient se porter de concert pour mettre à la raison le royaume de Léon et les Asturies. Comme la montagne de Santander est du gouvernement de la Castille-Vieille, dont M. de la Cuesta est capitaine général, il sera bon que ce général imprime une proclamation pour faire connaître au peuple les malheurs dont la révolte sera suivie. Il serait aussi convenable que de semblables proclamations fussent faites par le tribunal d'appel et le métropolitain d'où ressortit Santander ; l'évêque métropolitain est, je crois, celui de Burgos. Toutefois ces mesures ne devront être prises qu'après que mes troupes auront deux jours de marche. On me suppose que l'évêque de Santander, un Santa-Cruz et son beau-frère Miranda sont à la tête de cette révolte; il me paraît extraordinaire que des hommes de sens veuillent ainsi compromettre leur état ; si cela est, il n'y aura pas à les épargner.

--------

P. S. Je reçois votre lettre du 2 juin. Vous avez fait marcher la division Merle, ainsi il n'y a plus lieu à faire marcher le général Lasalle; mais je ne trouve pas que la division Merle soit suffisante. J'envoie directement au général Verdier l'ordre de se mettre en marche. Il se mettra probablement en marche demain, 4. Faites partir la brigade Sabatier pour soutenir le général Merle et rester en réserve sur l'Èbre. Vous ne dites pas par quelle route vous faites marcher le général Merle. L'insurrection paraissant sérieuse, il faut se montrer en force, et ce n'est pas de trop que la colonne du général Verdier, qui est de 4,000 hommes, celle du général Sabatier et celle du général Merle; cela, fera 9 à 10,000 hommes sur ce point, et il n'y a pas d'inconvénient à cela. Vous resterez à Burgos avec ma Garde, ce qui est suffisant pour maintenir la ville. Il y a un rassemblement à Oviedo , et la moindre incertitude dans la marche de mes troupes serait dangereuse ; j'estime donc que vous avez fait marcher trop peu de monde.


Bayonne, 3 juin 1808

Au maréchal Bessières, commandant la Garde impériale, à Burgos

Mon Cousin, donnez ordre au général Loison, qui est avec sa colonne à Almeida, de faire un mouvement sur sa gauche et de prendre position à Miranda sur le Duero et à Bragance. Par ce moyen, il sera à portée de se diriger sur les Asturies, sur le royaume de Léon ou sur la Galice, selon les circonstances. L'officier que vous enverrez à Almeida vous rapportera l'état de situation du général Loison, et vous fera connaître le jour précis où il sera arrivé à sa nouvelle position. Par ce mouvement, ce général se trouvera bien plus près de Valladolid que dans sa position actuelle, et vous vous trouverez bien plus rapproché de lui. Vous pourrez concerter vos opérations ensemble, si les circonstances l'exigent. Il doit y avoir un bataillon de gardes wallones ou de gardes espagnoles arrivé dans votre commandement ;- s'il en est ainsi, vous pouvez écrire au capitaine général de la Cuesta, qui prendra ce bataillon sous ses ordres et le dirigera partout où il sera nécessaire pour la tranquillité du pays.

------

Trois heures après midi.

Il est trois heures après midi. Je reçois votre lettre du 2. Je trouve que le général Merle est trop faible. J'ordonne à Verdier de doubler de marche afin de soutenir ce général. Si Merle a pris la route qui passe par Pesadas, Puente-Arenas, Villarcayo, Espinosa, le général Verdier sera en mesure de le soutenir; si, au contraire, Merle a pris la route de poste qui passe par Reinosa, il est urgent de faire partir Lasalle avec la brigade Sabatier, 200 chevaux et six pièces de canon pour se porter en réserve à Villarcayo. Reliez les deux colonnes. Il faut beaucoup de force pour frapper un coup de tonnerre.

Vous pouvez disposer de Loison selon les circonstances ; mais il faut écraser Santander, soumettre les Asturies.


Bayonne, 3 juin 1808

Au général Verdier, commandant la 2e division des Pyrénées occidentales, à Vitoria

Il est trois heures après midi. Je reçois un courrier du maréchal Bessières qui m'apprend que, le 2, il a fait partir le général Merle avec 3,700 hommes pour Santander, sans me dire par quelle route. Cette force n'est pas suffisante; il est donc instant de ne pas perdre un moment; mon intention est que vous vous mettiez vous-même en marche sur-le-champ sur Santander, en vous mettant en mesure de vous réunir au général Merle. Mandez votre route au maréchal Bessières, et tâchez de prévenir le général Merle du lieu où vous serez, afin que vous puissiez le soutenir. Je mande au maréchal Bessières d'envoyer la brigade du général Sabatier à mi-chemin de Burgos à Santander. Il faut écraser les rebelles, en forces. Si le maréchal Bessières a fait partir le général Merle par la route de gauche, c'est-à-dire par Reinosa, il fera partir le général Sabatier par la route du centre qui passe par Villarcayo et Espinosa.


Bayonne, 3 juin 1808

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel

Mon Frère, je reçois votre lettre. Je vois avec plaisir ce que vous me dites du bon esprit qui anime vos peuples. Les dépenses immenses auxquelles je suis obligé pour recréer mes flottes et entretenir mes armées m'empêchent d'adhérer à votre demande. La province de Magdeburg est la plus riche; la contribution qui a été frappée est ancienne; il faut qu'elle paye comme les autres provinces m'ont payé.

On se plaint que les Français qui sont dans vos hôpitaux sont mal traités par vos agents; cela n'est bien sous aucun point de vue. J'attends demain le roi de Naples.


Bayonne, 3 juin 1808

A Alexandre Ier, Empereur de Russie

Monsieur mon Frère, j'ai reçu la lettre de Votre Majesté du 28 avril. J'ai appris avec plaisir les succès que ses armes ont obtenu ! La prise de la flottille suédoise est bien importante et bien précieuse pour Votre Majesté.

Les affaires d'Espagne me retiendront ici encore le mois; après quoi, je pourrai me rendre où Votre Majesté le jugera nécessaire pour l'entrevue, afin de concilier les différents intérêts de nos empires.

L'Espagne change de souverain. Je ne garde rien pour moi. La grandeur de la France n'y gagnera rien, si ce n'est plus de sûre pour l'avenir. Je me réserve d'écrire dans peu de jours à Votre Majesté sur toutes ces affaires. Je la prie, en attendant, de ne pas douter
mes inaltérables sentiments pour elle.


Bayonne, 4 juin 1808

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée, á Bayonne

Mon Cousin, le dépôt du 12e bataillon du train, principal et bis, a près de 200 hommes, et cependant rien n'est encore arrivé; donnez ordre que 25 hommes de chaque bataillon soient laissés dans ce dépôt, et que le reste soit incorporé dans le dépôt du 15e régiment provisoire. Il faut que ces 50 hommes soient habillés. Informez-vous quand le dépôt arrive. Il y avait aujourd'hui près de 100 hommes du dépôt des  régiments provisoires ; vous y allez incorporer 150 hommes, ce qui fera 250 hommes. Il faut former avec cela les cadres des quatre premières compagnies du ler bataillon et des quatre premières du 2e, ce qui fera à peu près une trentaine d'hommes par compagnie. Remettez-m'en l'état de situation, qui me fasse connaître ce qui manque de chefs de bataillon, de capitaines, de lieutenants, de sous-lieutenants, de sergents-majors, sergents et caporaux. Faites-moi connaître où les sergents et les caporaux doivent être pris, selon mon décret; je crois que les fusiliers de ma Garde doivent en fournir ; on pourrait en prendre quelques-uns dans les fusiliers qui sont ici. Remettez-moi sous les yeux mon décret. Je désire que, dans la journée de demain, les cadres soient formés , et que, dans la journée de lundi, au plus tard, ces 250 hommes soient habillés. Les hommes qui arriveront désormais seront partagés en huit et attachés à chacune des huit compagnies des deux premiers bataillons. Vous savez que la première compagnie doit porter le nom de compagnie du ler régiment provisoire, la deuxième, du 2e, etc. Aussitôt que ces deux premiers bataillons seront formés et seront à un complet de 100 hommes par compagnie , c'est-à-dire qu'ils auront plus de 800 hommes, on formera le 3e bataillon.


Bayonne, 4 juin 1808

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée, à Bayonne

Vous donnerez l'ordre que demain, à sept heures du matin, le régiment polonais parte pour se rendre à Pampelune. Il escortera trois pièces de 8, sept caissons, un obusier, quatre caissons ; total , quinze voitures.

Vous aurez soin que chaque homme prenne cinquante cartouches. Ce régiment se trouvera arrivé à Pampelune le 8 au soir. Vous ordonnerez qu'il tienne garnison dans la ville et citadelle de Pampelune , et que, immédiatement après, les deux bataillons de marche qui y sont rejoignent la colonne du général Lefebvre, qui se trouvera ainsi avoir deux escadrons français formant 300 hommes ; quatre escadrons de lanciers polonais , 700 hommes ; un bataillon du 47e, un bataillon du 15e, un bataillon du 70e, 1,300 hommes ; la réserve, sous les ordres du général de brigade Bazancourt; un régiment supplémentaire, 1,100 hommes; deux bataillons de marche, 1,000 hommes; total, 3,400 hommes d'infanterie, 1,000 hommes de cavalerie, 600 hommes d'artillerie; en tout, 5,000.

Il restera à Pampelune 500 hommes isolés, 900 hommes du régiment polonais; total, 1,400 hommes.

Le général Lefebvre doit avoir avec lui quatorze pièces de canon, savoir : huit pièces de 4, dont quatre de Vitoria, deux d'ici, du 31 mai, deux parties hier; cinq pièces de 8, dont deux parties hier, trois partant demain; un obusier partant demain; treize caissons d'infanterie, dont six de Vitoria, un d'ici, du 31 mai, six partis hier.

Vous ferez connaître de nouveau au général Lefebvre qu'il doit concentrer ses forces à Tudela et surtout son artillerie; qu'il doit reposer son infanterie; avoir à son camp pour dix jours de biscuit; ramasser des vivres, des farines et eau-de-vie pour dix autres jours, et s'attendre à recevoir des ordres de marcher le 10 sur Saragosse, si tout n'est pas soumis; et que, avant ce temps-là, il sera renforcé de trois autres mille hommes; qu'il peut, cependant, faire voltiger des patrouilles de cavalerie dans la plaine pour savoir ce qui se passe, sans commettre d'hostilités, à moins que ce ne soit pour représailles.

Vous donnerez l'ordre au général Ritay, qui est à Toulouse, de se rendre à Tarbes pour y prendre le commandement des Hautes-Pyrénées, de réunir, dans tous les départements de là 10e division militaire 60 gendarmes à pied et toutes les compagnies de réserve qui font partie de cette division. Avec ces 200 hommes et 300 Portugais qu'il prendra dans le régiment qui est à Tarbes, formant 500 hommes, il arrivera dans la journée du 9, au plus lard, sur les cols et confins de l'Aragon, et fera des reconnaissances dans les vallées, en annonçant qu'un corps nombreux de Français doit entrer dans l'Aragon pour apaiser les troubles.

Vous écrirez au général de la 10e division de faire marcher les compagnies départementales. Vous ferez former les piquets de Portugais en complétant les compagnies de grenadiers et de chasseurs. Il aura soin de ne se servir des Portugais que pour faire nombre et soutenir.

Vous écrirez au préfet de Tarbes que, s'il peut fournir 2 ou 300 hommes de gardes nationales pour joindre cette colonne dans la journée du 9 ou du 10, je l'autorise à le faire.

Vous nommerez un général ou un colonel pour prendre le commandement des Basses-Pyrénées, qui réunisse également 300 Portugais et 200 hommes des compagnies des départements et quelques gendarmes. Ces 500 hommes se porteront sur les confins de l'Aragon dans la journée du 9, en annonçant l'entrée d'une colonne française pour se porter sur Saragosse.

La colonne partant de Tarbes et celle de Pau, faisant un corps de 1,000 hommes, s'entendront pour se soutenir.


Bayonne, 4 juin 1808

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée, à Bayonne.

Mon Cousin, donnez ordre, que les six premières compagnies du 1er bataillon et les six premières du 2e bataillon du régiment polonais, avec les chefs de bataillon, adjudants-majors et autres officiers, se tiennent prêtes à partir. Les compagnies de grenadiers et de voltigeurs seront comprises dans les six premières. Faites compléter ces six compagnies par tous les hommes habillés, de manière qu'elles aient au moins 80 hommes chaque. Les hommes non habillés seront mis dans les trois compagnies restant de chaque bataillon. Le major restera à Bayonne avec ses six compagnies d'hommes non habillés. Vous passerez la revue de ces deux bataillons, ainsi formés à six compagnies, demain à neuf heures du matin.


Bayonne, 4 juin 1808

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée, à Bayonne.

Je vous prie de me faire connaître l'ordre donné aux différents régiments portugais qui sont passés ici, et le lieu où ils sont aujourd'hui. Vous étiez autrefois dans l'usage de me rendre compte de ces mouvements; vous avez cessé cette habitude, qui était fort bonne.


Bayonne, 3 juin 1808

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, vous trouverez ci-joint une lettre de l'amiral Siniawin, vous l'enverrez au général Caulaincourt. Puisque l'escadre russe de Lisbonne n'a pas assez de matelots pour équiper un vaisseau, faites-lui offrir une frégate dans l'Adriatique. Caulaincourt pourra traiter cette affaire.


Bayonne, 4 juin 1808

A Joachim , Grand-Duc de Berg, lieutenant général du royaume d'Espagne, à Madrid

J'ai reçu aujourd'hui la députation du conseil de Castille, qui est enfin arrivée. Dans ce moment, tous les grands et députés qui sont à Bayonne sont réunis; on leur communique la proclamation du chef des rebelles de l'Aragon. Ils vont en rédiger une qui sera portée par une députation, qui partira probablement demain matin; elle peut être arrivée le 6 ou le 7.

1,000 hommes et six pièces de canon sont partis ce matin pour Pampelune; 1,000 hommes et six autres pièces de canon partent demain. Le général Lefebvre aura le 8, à Tudela, 1,000 hommes de cavalerie, quatorze pièces de canon et 3,500 hommes d'infanterie.

Le général Merle aura, d'ici à ce temps, dissipé l'insurrection de Santander. Je compte qu'il est aujourd'hui aux prises avec les rebelles. Aussitôt que ce point sera soumis, je renforcerai le général Lefebvre de 3,000 hommes.

Je désire que vous fassiez marcher 1,000 ou 1,500 hommes de cavalerie , douze pièces d'artillerie de ligne et quatre d'artillerie légère avec 4 ou 5,000 hommes d'infanterie , faisant un total de 6 à 7,000 hommes, dans la direction de Saragosse. Vous recevrez cette lettre le 7. Peut-être aurez-vous déjà fait marcher des troupes de votre propre mouvement. Toutefois cette colonne petit être à mi-chemin de Saragosse le 12 au soir. Ayant une fois gagné la plaine, la cavalerie et l'artillerie légère peuvent prendre les devants. Vous instruirez de la marche de cette colonne le général Lefebvre.

Si le général Chabran était à Tortose, et qu'il fût inutile à Valence, vous pourriez l'envoyer à Saragosse. Deux petites colonnes marchent par la France et entrent par Pau et par Tarbes.

Mais il est indispensable que du 10 au 15 on ait fait un exemple à Saragosse. Faites marcher des obusiers et des pièces de 12; lorsqu'il s'agit d'aller contre des maisons et des villes, il faut beaucoup d'artillerie. Si vous pouvez mettre six pièces d'artillerie de plus,mettez-les. Vous pouvez charger de cette expédition la division qui est à l'Escurial. Saragosse est au milieu d'une plaine immense. Mettez à la tête de la cavalerie un général intelligent et ferme. Que les hommes portent avec eux leurs cartouches et leurs souliers, dix jours de biscuit.

Je suppose que le général Verdier aura donné une bonne leçon à la petite ville de Logrono.

Vous trouverez ci-joint une proclamation des Biscayens, qui leur fait honneur.


Bayonne, 4 juin 1809    

A M. d'Azanza, ministre des finances d'Espagne, à Bayonne

Tous les droits que nous avons acquis sur la couronne d'Espagne par les traités faits avec les princes de cette Maison , nous avons résolu de les céder à notre bien-aimé frère Joseph Napoléon , roi actuel de Naples et de Sicile, afin qu'il jouisse de la couronne d'Espagne dans toute son intégrité et son indépendance. Notre première idée était d'attendre la réunion entière de l'assemblée des Notables ; mais les adresses que nous avons reçues de la junte de gouvernement, du conseil de Castille, de la ville de Madrid et d'un grand nombre de corps civils et militaires, nous ont porté à ne plus différer d'un seul moment à rassurer entièrement sur leur avenir toutes les provinces des Espagnes. Nous avons adressé au lieutenant général du royaume, aux ministres, au conseil de Castille, au conseil des Indes et aux autres autorités les lettres patentes qui constatent ladite renonciation. Niais nous avons cru devoir vous en écrire, pour que vous en donniez communication aux députés venus des différents points de la monarchie pour travailler à la restauration de la patrie espagnole.

Nous nous flattons qu'ils éprouveront du contentement de voir un si grand oeuvre si promptement achevé, et qu'ils réuniront leurs efforts aux nôtres pour que le roi d'Espagne soit environné de la puissance et de l'assentiment de tous les hommes qui aiment leur patrie, afin que les trames de nos éternels ennemis, qui voudraient semer le désordre en Espagne pour faciliter l'exécution de leurs projets ambitieux sur les Amériques, soient entièrement déjouées.


Bayonne, 5 juin 1808, six heures du soir

A Joachim Murat, Grand-Duc de Berg, lieutenant général du royaume d'Espagne, à Madrid

Les députés de l'assemblée qui se trouvent ici se sont réunis. Ils ont rédigé, en espagnol, une proclamation dont je vous envoie la traduction. Ils l'ont d'abord envoyée par un courrier à Saragosse, et, ce matin, sont partis, avec l'original, le prince de Castel-Franco qui a commandé en Aragon, l'alcade de cour et un membre du conseil de Castille, pour leur représenter les malheurs qui allaient fondre sur eux et combien leur conduite était insensée. Je suppose que vous avez fait marcher des troupes. Il est possible que j'envoie Savary à Tudela pour commander tout cela; car, s'il est absolument nécessaire d'en finir, il faut que cela soit vigoureusement mené.

Le général Lefebvre sera à Tudela le 7, avec 6,000 hommes, dont beaucoup de cavalerie. Du moment que j'aurai des nouvelles de Logrono, où le général Verdier a dû arriver hier 4, pour punir cette ville, qui a mis en prison son alcade, et des nouvelles de Santander, où le général Merle a dû arriver aujourd'hui avec 4,000 hommes, je ferai renforcer le corps du général Lefebvre.

Il serait convenable que la junte, le conseil de Castille et le conseil des Indes écrivissent aux députés qui sont ici pour faire une adresse au Roi, que j'attends demain. Je fais ma proclamation qui le nomme, que je vous enverrai avant de me coucher. Vous la ferez publier et expédier partout par courriers extraordinaires. Je dis que j'attends le Roi demain, parce qu'il est parti de Turin le 30 mai au soir; il y aura donc, ce soir, six jours qu'il est en route.

Il pourrait être convenable que les grandes charges de la Couronne et un détachement de la Maison du Roi vinssent jusqu'à Burgos, pour l'y attendre. Je vous ai déjà écrit, il y a plusieurs jours , pour cela.

PROCLAMATION.

La junte d'Etat, le conseil de Castille, la ville de Madrid, etc., nous ayant par
des adresses fait connaître que le bien de l'Espagne voulait que l'on mît promptement un terme à l'interrègne, nous avons résolu de proclamer, comme nous proclamons par la présente, notre bien-aimé Frère, Joseph Napoléon, actuellement roi de Naples et de Sicile, roi des Espagnes et des Indes.

Nous garantissons au roi des Espagnes l'indépendance et l'intégrité de ses Etats, soit d'Europe, soit d'Afrique, soit d'Asie, soit d'Amérique.

Enjoignons au lieutenant général du royaume, aux ministres et au conseil général de Castille, de faire expédier et publier la présente proclamation dans les formes accoutumées, afin que personne n'en puisse prétendre cause d'ignorance.

Donné en notre palais impérial de Bayonne, le 6 juin 1808.

NAPOLÉON.


Bayonne, 6 juin 1808

Au cardinal Louis de Bourbon, archevêque de Tolède

Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 1. J'ai vu avec plaisir les sentiments que vous m'exprimez. Vous, la princesse votre soeur et toute votre famille, pouvez avoir recours à moi avec confiance.

Vous me trouverez toujours disposé à vous donner des preuves de l'intérêt que je vous porte.


Bayonne, 7 juin 1808

A M. Gaudin, ministre des finances, à Paris

Il n'y a pas de doute qu'il ne faille s'emparer de tous les biens de l'Ordre de Malte dans la Toscane. Quant aux biens de l'Ordre de Saint-Étienne, avoir l'oeil dessuss, en faire faire un état, mais tarder encore à prendre un parti. Demandez à la junte un rapport sur cette question.


Bayonne, 7 juin 1808.

A M. Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je reçois votre lettre du 3 juin. Nul doute que vous ne devez point laisser entrer en France M. Saint-Priest, par la seule raison qu'il est à un service étranger sans ma permission, et qu'il est inscrit sur une liste d'exception. Vous le préviendrez que, quinze jours après la réception de votre lettre, il ait à s'être éloigné des pays occupés par les troupes françaises, parce qu'il pourra être arrêté.

J'apprends que vous avez suspendu la vente du commentaire de Racine, par Geoffroy. C'est un acte arbitraire bien gratuit. Je suis étonné que vous ayez donné cet ordre sans avoir demandé mon autorisation et sans même m'en avoir rendu compte. Ce sont des actes qui affligent plus les hommes de sens que des choses sérieuses. On dit que c'est en conséquence de quelques querelles de littérateurs; cela est bien pitoyable. Mon intention est que rien de cet ouvrage ne soit cartonné, à moins qu'il ne contienne quelque chose de contraire au Gouvernement. Si quelques particuliers ont à s'en plaindre, il y a des tribunaux. Un acte comme celui que vous avez fait n'est tolérable que lorsqu'il y va de l'intérêt de l'État.


Bayonne, 7 juin 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan

Mon Fils, il est nécessaire de prendre des mesures pour que le Pape ne manque de rien. Voici donc ce que je désire : A dater du ler juillet prochain, les troupes françaises et italiennes qui sont dans l'État de Rome et dans la marche d'Ancône seront soldées, nourries et habillées par la France et par le royaume d'Italie; il ne sera fourni par le pays que ce qui peut être nécessaire pour les casernes, le bois, les lumières. Tout ce que produira le pays sera employé à payer les rentes, l'intérêt de la dette et les employés, en donnant au moins 150,000 francs par mois au Pape, pour l'entretien de sa maison.

J'attendrai, avant de prendre un décret général sur ces affaires, un rapport du général Miollis, qui me fasse connaître quel est l'intérêt de la dette, quelles sont les dépenses d'administration actuelles, et quel est le revenu net.


Bayonne, 7 juin 1808, huit heures du soir

A Joachim Murat, Grand-Duc de Berg, lieutenant général du royaume d'Espagne, à Madrid

Je reçois votre lettre du 4. Le roi d'Espagne arrive dans une heure. Les députés, ici, ont fait une proclamation. Celle de la junte me parait parfaitement faite; c'est la première pièce bonne que je vois. Il est malheureux qu'elle n'ait pas été publiée il y a quelques jours.

Je vous ai déjà fait mander que le maréchal Bessières avait fait marcher sur Valladolid; que le général Merle avait marché sur Santander; le général Verdier, sur Logrone; que le général Lefebvre marchait sur Tudela, d'où ses coureurs inondent la plaine de Saragosse. J'attends le résultat de tous ces évènements.

Je vous ai envoyé hier la proclamation qui nomme le Roi. Je vous la renvoie aujourd'hui, de peur qu'elle n'ait été interceptée.

Je vois, par la lettre du général Dupont, qu'il a dû entrer aujourd'hui à Cordoue; il est probable qu'à l'heure qu'il est il se sera passé des événements sur quatre points.

J'ai trouvé la marche de Moncey bien lente et bien ridicule. Je vous ai déjà mandé que, si Cuenca n'a pas une grande route qui conduise à Valence, il est nécessaire que le maréchal Moncey se dirige sur cette ville directement. J'avais envoyé directement l'ordre au général Chabran de se porter sur Tortose.


Bayonne, 8 juin 1808, quatre heures après midi

A Joachim Murat, Grand-Duc de Berg, lieutenant général du royaume d'Espagne, à Madrid

Lebrun arrive à l'instant même ; il m'apporte votre lettre du 5 juin à onze heures du soir. J'attends avec intérêt d'apprendre l'événement qui aura lieu le 7 à Cordoue. Je vois que vous avez envoyé le général Frère sur Ségovie; peut-être serait-il nécessaire de le diriger sur Valladolid. Cette force est nécessaire pour contenir le royaume de Léon et protéger le Ferrol, que les Anglais essayeront sans cela d'enlever.

Voici les événements qui se sont passés, que vous saurez probablement déjà. Le général Lasalle est arrivé 1e 6 au soir à Torquemada, où il a trouvé le pont gardé par 1,200 rebelles. Son piquet d'avant-garde, composé de 100 hommes d'infanterie et de 50 chasseurs à cheval, a dissipé ce rassemblement, a enlevé le pont et sabré une cinquantaine de rebelles. Le général Lasalle a continué sa marche sur Palencia, où il a dû arriver le 7 et avoir une affaire.

Le maréchal Bessières a jugé convenable de se porter sur Valladolid pour appuyer le général Lasalle; je suppose qu'il arrivera le 9 dans cette ville. Aussitôt que Palencia et Valladolid auront été mis à
la raison, il devra marcher sur Santander. Il est donc utile que, l'affaire de Ségovie terminée, le général Frère continue sans délai sa marche dans la direction de Valladolid.

Le général Verdier s'est porté le 6 sur Logroño, et y a trouvé 2,000 révoltés ayant sept pièces de canon. Il les a chargés, en a tué 3 ou 400, leur a pris les sept pièces de canon et est entré dans la
ville, où il a trouvé 80,000 cartouches. Logroño est entièrement rentré dans l'ordre. Nous n'avons en dans ces affaires que trois ou quatre hommes blessés.

J'attends des nouvelles du général Lefebvre, de Tudela, des courses de ses patrouilles dans la plaine de Saragosse. Il a dû arriver à Tudela le 6.

Je vous ai mandé que je désirais que vous fissiez marcher une colonne de Madrid sur Saragosse, composée de 3 à 4,000 hommes d'infanterie et de 500 chevaux avec du canon. Celte force, se joignant au général Lefebvre, pourra être suffisante pour rétablir l'ordre de ce côté. C'est un point bien important à calmer.

Le roi d'Espagne est ici depuis hier. Je vous envoie un article qu'il faut faire mettre dans la Gazette de Madrid, dans tous les autres journaux, et répandre partout. Vous y ajouterez que le projet de constitution a été remis à une députation de la junte qui le discute avec l'Empereur et le Roi; que toutes les villes et provinces auront des députés aux Cortès; et qu'après avoir conféré quelques jours avec l'Empereur pour arrêter les bases de la constitution, le Roi compte aller à Madrid.


Bayonne, 9 juin 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures, à Bayonne

Je désire que vous me fassiez un rapport sur la proposition contenue dans la dépêche du sieur La Rochefoucauld de réunir à 1a France les pays hollandais jusqu'à la Meuse et de donner un indemnité au roi de Hollande.

(Lecestre)


Bayonne, 9 juin 1808

A M. de Talleyrand, prince de Bénévent, vice Grand-Electeur, à Valençay

Le roi de Naples est arrivé hier ici. Il est reconnu roi d'Espagne, et il va partir pour Madrid. Il a déjà reçu le serment de plusieurs grands d'Espagne qui sont ici, de la députation du conseil de Castille, du conseil des Indes, de l'Inquisition, etc.

Il y a eu des mouvements dans plusieurs provinces d'Espagne. Le général Dupont, avec 15,000 hommes, est entré à Séville, où l'étendard de la révolte a été arboré. Le capitaine général de l'Andalousie, le général Solano, le commandant du camp de Gibraltar, se sont bien conduits. L'entrée du général Dupont à Séville et les événements qui en ont été le résultat ont tranquillisé l'Andalousie.

Saragosse a levé aussi l'étendard de la révolte; mais une colonne de 10,000 hommes a passé l'Èbre à Tudela pour marcher sur cette ville.

Le maréchal Moncey est entré à Valence.

Le maréchal Bessières a envoyé le général Merle à Santander. Tous ces petits événements ont été calmés par le mouvement que se sont donné les principaux habitants des villes du royaume; et, plus que tout cela, l'arrivée du Roi achèvera de dissiper les troubles, d'éclairer les esprits et de rétablir partout la tranquillité.

Je vous écris tout cela pour votre gouverne; gardez-en le secret,  si l'on ne sait rien de cela à Valençay; mais vous pouvez vous servir de ces renseignements, si l'on avait reçu quelques lettres et que l'on conçût quelques folles espérances. Toutefois il faut que vous vous donniez de nouveaux soins pour faire surveiller autour des princes.

La mort du roi d'Angleterre, que le roi de Hollande m'a annoncée par une lettre du 2 juin, a répandu ici une vive joie; pourvu toutefois, que cette nouvelle soit sûre.

Ces raisons font qu'il n'est pas encore temps que vous quittiez votre campagne.


Bayonne, 9 juin 1808

NOTE POUR LE MINISTRE DU TRÉSOR PUBLIC

Sa Majesté ne se trouve pas assez éclairée pour prendre un parti. La cour des comptes doit juger tous les comptes. Pourquoi ne les juge-t-elle pas depuis 1791 jusqu'à l'an VI ? Pourquoi lui faut-il, à cet égard, un nouveau décret ?

Si un décret de l'an VIII a été rendu sur cette matière, il reste à demander pourquoi, en l'an VIII, on a soustrait ces comptes à la Comptabilité nationale. La question qui a été décidée alors était la même que celle qu'on propose de décider aujourd'hui. Il faut donc mettre sous les yeux de Sa Majesté le rapport qui lui a été fait en l'an VIII et le décret qui en a été la suite.

En raisonnant d'après les principes généraux, on ne comprend pas comment il a pu être question de choisir entre le trésor public et la Comptabilité pour donner le quitus à des comptables; on ne voit point de connexité entre le trésor et la cour des comptes. L'un ne peut jamais suppléer l'autre, et la cour des comptes doit vérifier ce qui a déjà été vérifié par le trésor. Ainsi tous les comptables sont vérifiés au trésor, qui représente le propriétaire. Si les receveurs et les payeurs n'étaient vérifiés par le trésor, le trésor ne connaîtrait point ses comptes et la situation de ses affaires. Lorsqu'ils cessent leurs fonctions , ils ont besoin d'un acquit de la cour des comptes.

C'est d'abord une vérification de chiffres dont la nécessité a été reconnue pour attirer une certaine crainte aux comptables et leur faire connaître que, quand bien même ils parviendraient à abuser le trésor en posant mal les chiffres, ils ne seraient point encore à couvert, puisque l'arrêté de leurs comptes n'est que conditionnel et qu'il est encore suivi d'une révision.

On a eu encore un autre objet; on a voulu être certain que les pièces justifiaient la dépense. Le trésor a peu d'intérêt à savoir si les pièces dont il a le bordereau sont d'une même nature que la dépense ; cela regarderait davantage le ministre du département par lequel la dépense a été ordonnancée. Aussi ce ministre s'est-il probablement assuré que la pièce était véritablement celle de la dépense ; mais, comme ses bureaux sont ordonnateurs et parties , qu'ils sont toujours pressés et commandés par le service courant , on a voulu, avant que le compte fût définitivement déchargé, s'assurer que la pièce était régulière, qu'elle n'était pas fausse, qu'elle était celle de la dépense et de même nature que la dépense portée dans le bordereau. On s'est enfin proposé un troisième objet, c'est d'être certain qu'aucun des crédits ministériels n'a été dépassé et que les règlements ont été suivis.

Ces trois vérifications attribuées à la Comptabilité n'empêchent pas le trésor public de veiller à l'exécution des budgets et de faire ses comptes avec la Comptabilité, ni les ministres d'avoir leur comptabilité particulière.

Si les choses sont ainsi, la trésorerie doit avoir vu et vérifié toutes les pièces de la comptabilité arriérée, comme celles des autres comptabilités. Si les pièces et comptes arriérés n'ont pas été vérifiés, ils n'auraient pu l'être que par une commission dépendante du trésor et agissant pour son compte; mais cette commission ne pourrait donner de quitus, et son travail fait pour l'intérêt du trésor aurait dû passer à la cour des comptes. Le trésor seul est apte à régler le compte d'un comptable, c'est-à-dire à admettre ce qu'admettrait un propriétaire réglant avec son caissier. La cour des comptes n'est point apte à cela ; elle n'a pas le droit de dire que dans tel mois et pour telle opération, on ne devait prendre que 2 pour 100; que tel escompte a été trop fort; que tel payement devait être fait en telle ou telle valeur; toutes ces choses regardent le propriétaire ou le trésor, et ne regardent point la cour des comptes. Quand le représentant du propriétaire a reconnu que la somme à la charge du comptable faisait 4, que la dépense faisait 4 , que les pièces de cette dépense étaient de la même nature que cette dépense , l'action de la cour des comptes commence. Il lui appartient de dire : la somme n fait pas 4, les pièces ne font pas 4, elles sont fausses, ou elles n sont pas de nature à être appliquées à la dépense classée dans 1 budget.
   On sent qu'en agissant ainsi, la cour des comptes non seulement juge le compte et la question de savoir si le comptable doit avoir son quitus, mais aussi elle n'agit en même temps que pour le profit de la trésorerie ; et cette dernière partie de son action a paru tellement délicate, qu'elle n'a pas le droit de décider sur autre chose que le quitus du comptable, et que, sur tout le reste, elle ne peut qu'informer le ministre des résultats qu'elle a obtenus, tels sont ses principes.

Si les comptes à réviser l'avaient déjà été par là trésorerie , et si l'on n'avait pour objet que d'arriver à déclarer que la somme fait 4, que la dépense fait 4, et que les pièces sont de même nature que la dépense, pourquoi, en l'an VIII, a-t-on fait prendre un décret pour soustraire cette opération à la Comptabilité ? Par ses attributions générales et antérieures, ne s'est-elle pas trouvée saisie de cette matière ? Mais si, au contraire, les comptes n'avaient pas été arrêtés à la trésorerie, que par l'effet du désordre du temps, les escomptes n'avaient pas été fixés et le dénominateur déterminé ; si enfin le compte du propriétaire avec son caissier n'avait pas été fait, la Comptabilité n'était pas propre à cette opération. Le trésor devait établir son jugement d'escompte avec la partie et donner une valeur à chaque objet. C'est alors seulement que la Comptabilité pourra il intervenir pour vérifier la somme , l'identité de la somme, des pièces, et la validité des pièces.

Sa Majesté est portée à croire que la comptabilité à laquelle on veut pourvoir est dans cette dernière hypothèse, puisque le conseil , à qui ces idées ne sont point étrangères , a pensé qu'il y avait lieu à l'établissement d'une commission. Cependant Sa Majesté n'est point assez éclairée. Elle désire un rapport sur les motifs, la nécessité, les convenances de la mesure proposée, et même sur les principes énoncés dans ces notes.


Bayonne, 10 juin 1808

A M. Cretet, ministre de l'intérieur, à Paris

Monsieur Cretet , j'ai signé le décret que vous m'avez présenté pour la réunion de Pontremoli, Bagnone et Fivizzano au département des Apennins. Je n'ai pas jugé à propos de signer celui relatif à la cession de Pietra-Santa, Barga, etc. , à la principauté de Lucques, parce que je pense que cela doit être compris dans le décret qui déterminera les limites de cette principauté avec le royaume d'Italie et la France, et que ces pays peuvent servir dans le traité que fera le ministre des finances pour enfermer une partie du territoire de Lucques dans la nouvelle ligne des douanes, moyennant une indemnité. Voyez pour cela le ministre des finances.

Quant à la réunion au département des Apennins de Fosdinovo Villafranca, etc. , il n'y a pas de doute qu'il faut terminer cela le plus tôt possible. Présentez-moi le projet de convention.


Bayonne, 10 juin 1808

Au général Clarke, ministre de la marine, à Paris.

Faites partir en poste de Paris deux bataillons de la garde de Paris ; chaque bataillon de quatre compagnies; chaque compagnie de 140 hommes; et si cela n'est pas possible, n'en faites partir qu'un, composé de six compagnies, chacune de 140 hommes. Arrangez-vous de manière que ce bataillon arrive ici en dix ou douze jours.

Pour ne pas faire trop de bruit à Paris, ce régiment peut faire la première marche à pied, comme d'ordinaire, et ne prendre les voitures qu'à une journée de Paris. Ces forces, avec celles que je fais venir de Rennes, me feront ici une réserve de 3 à 4,000 hommes de vieilles troupes, qui peuvent me devenir utiles.


Bayonne, 10 juin 1808

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris

L'établissement du port militaire de la Spezia est un objet de grande importance. Ce que la guerre a à faire consiste en trois choses : 1° les batteries de côte; 2° les fortifications à faire pour mettre l'arsenal de la marine en état de défense; 3° les établissements militaires. J'ai déjà pris un décret pour les batteries de côte. Après les nouveaux renseignements que j'ai reçus, je me décide à faire placer une batterie sur le cap Maralunga. Quant aux établissements du côté de terre, il paraît que la nature se prête à tout dans cette excellente position , et que le tout se réduit à l'occupation de Castellana et à fermer la presqu'île sur le point culminant. Les établissements militaires, soit pour l'artillerie, soit pour le génie, pour les hôpitaux, les magasins à poudre, les casernes, la boulangerie, doivent être coordonnés avec les établissements de la marine de manière à ne pas les gêner, et aussi avec la population que doivent attirer les nouvelles destinées de la Spezia; il faut qu'il y ait des locaux pour la préfecture, les tribunaux, la prison, la halle, l'église , et pour les habitations de tous les particuliers, de sorte que, dans l'emplacement de la ville actuelle de la Spezia et autour du golfe, toute bâtisse soit défendue, et que les habitants soient tenus de bâtir dans les emplacements qui seront désignés dans l'intérieur des fortifications. La marine prenant pour elle les cales de l'anse des Grâces et de l'anse de Varignano, il restera pour la guerre et pour le civil la cale de Porto-Venere et l'anse de Castagna. Il est nécessaire que vous vous entendiez avec les ministres de l'intérieur et de la marine, et que vous chargiez un ingénieur militaire , le ministre de l'intérieur un ingénieur des ponts et chaussées, et le ministre de la marine un administrateur de la marine bien au fait des besoins de son service , de se concerter pour disposer le local de la manière la plus convenable.


Bayonne, 10 juin 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur Decrès , l'expédition de Nantes doit être composée de six frégates armées en guerre (il faut ordonner qu'elles soient toutes à l'eau avant le 15 juillet), de deux flûtes faisant 1,600 tonneaux, de deux gabares faisant 500 tonneaux (en construction, qui sont aux 14 vingt-quatrièmes et qu'il faut mettre à l'eau) , et enfin de deux ou trois transports faisant 1 000 tonneaux. L'expédition de Lorient doit être composée de trois vaisseaux, de quatre frégates, de deux corvettes, de deux frégates armées en flûte et de deux gabares ou bâtiments de transport faisant 600 tonneaux. Il y a deux transports à Lorient qui ont ce tonnage.

L'état ci-joint vous fera connaître comment je conçois l'opération. L'expédition de Nantes serait composée de 12 voiles ; celle de Lorient de 13; celle de Brest, de 31 ; total, 56 voiles. Ces trois expéditions porteraient 10,600 marins et 19,600 soldats; total, 30,000 bouches. Elles porteraient 4,800,000 rations complètes de vivres, et 280,000 rations seulement de biscuit , et enfin près de 40,000 quintaux de farine, ce qui ferait du pain pour toute l'expédition pendant trois cents jours ou dix mois, savoir : cent vingt jours de vivres de campagne pour tout le monde pour aller, cent jours pour revenir, vingt jours de biscuit pour débarquer avec l'armée, et 40,000 quintaux de farine à débarquer pour servir d'entrepôt pour pourvoir à tous les besoins. 4,800,000 rations de vivres de campagne à 20 sous feraient 4,800,000 francs; 300,000 rations de biscuit et d'eau-de-vie à 10 sous feraient 150,000 francs; 40,000 quintaux de farine à 15 francs feraient 600,000 francs ; ce qui ferait un total de 5,550,000 francs pour les vivres. Cette dépense doit être partagée partie sur l'ordinaire et partie sur l'extraordinaire. L'ordinaire peut payer la dépense des vivres pour 10, 000 matelots pendant deux cents jours, c'est-à-dire de deux millions de rations qui coûteraient deux millions de francs. La dépense qui serait supportée par l'extraordinaire pour les vivres serait donc de 3,550,000 francs. Il y aurait peu de bâtiments à acheter; mais en mettant, soit pour achats et réparations, soit pour activer la mise à l'eau des flûtes, transports ou gabares qui n'auraient pas dû être achevés cette année, 2,500,000 francs , l'extraordinaire de l'expédition serait de six millions.


Bayonne, 10 juin 1808

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de la Grande Armée, à Bayonne

Mon Cousin , envoyez un courrier à Pampelune pour annoncer les différents envois de troupes et d'artillerie qui se sont faits sur cette place depuis dix jours. Vous réitérerez l'ordre que ces troupes soient envoyées à Tudela sous les ordres du général Lefebvre, eu gardant à Pampelune les 600 hommes faisant partie des deux derniers envois, composés d'hommes isolés, d'une compagnie du 1er régiment de la Vistule et des compagnies du dépôt des régiments provisoires. Il placera ces hommes dans la citadelle, en les consignant et les faisant travailler jour et nuit à leur instruction , pour les dégourdir. La colonne du général Lefebvre devra être forte, par ce moyen, de 5,000 hommes d'infanterie, de 1,000 hommes de cavalerie et de quatorze pièces d'artillerie. Avec cette force il doit avoir passé l'Èbre et dépassé Tudela, et s'approcher de Saragosse.

Nous sommes sans nouvelles de Pampelune ni du général Lefebvre depuis le 6. Le général Lefebvre a dû être le 7 à Tudela. Il est nécessaire que le général d'Agoult renforce son corps , afin qu'il se trouve en mesure, s'il est nécessaire qu'il occupe Saragosse, où, de son côté, le grand-duc de Berg a fait marcher des troupes de Madrid. Vous annoncerez au général d'Agoult que le général de division Grandjean , avec 2,000 hommes d'infanterie et une division d'artillerie, va se mettre en marche pour se rendre à Pampelune, et que, successivement, il va recevoir les 2e et 3e compagnies, du dépôt
des régiments provisoires ; que ce bataillon de 600 hommes dont 200 sont déjà à Pampelune, tout composé de jeunes soldats, ne doit point sortir de la citadelle, mais doit servir de fondation à sa garnison et y être constamment exercé. Des cartouches et de la poudre ont été envoyées à Pampelune ; il doit y avoir des obusiers. Demandez au général d'Agoult de vous faire connaître ce dont il a besoin
pour mettre en état la citadelle de Pampelune.


Bayonne, 10 juin 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Vous trouverez ci-joint un mémoire que je reçois sur la Spezia. Il paraît que l'opinion est unanime pour convertir le lazaret en magasin de la marine. J'ai pris un décret pour le mettre à votre disposition et pour placer au fort Sainte-Marie les établissements d'artillerie et du port. La construction du quai, que propose l'officier de marine pour l'établissement de six nouvelles cales, est un projet à méditer; mais les deux cales provisoires peuvent d'abord être établies. Vous enverrez copie de ce mémoire au ministre de la guerre, que j'en préviens, en lui donnant l'ordre de faire faire les travaux nécessaires pour l'occupation du point culminant de Castellana. Il parait que, moyennant une bonne occupation de ce point, on sera à l'abri de tout.

Ce golfe de La Spezia est en vérité merveilleux sous tous les ponts de vue.


Bayonne, 10 juin 1808

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de la Grande Armé, à Bayonne

Mon Cousin, envoyez l'ordre au commandant de la 12e division militaire de diriger en toute diligence sur Bordeaux, pour y former un bataillon provisoire, une compagnie du 82e, une compagnie du 66e, une du 3le léger et une du 26e de ligne, chaque compagnie de 140 hommes, ce qui portera ce bataillon à 560 hommes. On nommera un des chefs de bataillon de ce corps pour commander ce bataillon provisoire. Donnez ordre au régiment toscan qui est à Avignon de se diriger sur Perpignan ; donnez de même ordre aux dragons toscans.

Donnez ordre au sénateur Lamartillière de partir de Bordeaux avec les gardes nationales qu'il a à sa disposition, et de se porter sur Pau pour garder les frontières des Pyrénées contre les incursions des bandes de miquelets ou de bandits qui se formeraient en Aragon. Le général Lamartillière fera comprendre aux gardes nationales que leur but est de défendre les vallées françaises des coups de main des bandes que l'absence de gouvernement en Espagne a mises dans le cas de se former. Le général Lamartillière arrivera à Pau sans retard et là vous fera connaître sa situation. Il aura soin de mener avec lui de Bordeaux 150,000 cartouches et les pierres à fusil nécessaires.

Faites-moi connaître ce qu'ont répondu les préfets des quatre départernents frontières sur la formation des quatre colonnes de gardes nationales destinées à défendre les frontières et à protéger les vallées
 françaises.

Envoyez au sous-préfet de Saint-Jean-Pied-de-Port, au préfet de Tarbes, au préfet de Foix et au préfet de Perpignan, cent exemplaires de chacune des proclamations de la junte de Madrid et de l'assemblée de Bayonne, pour qu'ils les répandent sur toute la frontière.


Bayonne, 10 juin 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan

Mon Fils, je suppose que vous avez envoyé quelqu'un de confiance pour voir si ce rassemblement de troupes autrichiennes du côté de la Piave est vrai, et que, dans ce cas, vous en aurez écrit à mon ministre à Vienne. Cependant, je suis bien avec la cour de Vienne, et cette nouvelle me paraît si peu vraisemblable que ce n'est que parce que vous me citez un fait que je vous réponds.


Bayonne, 10 juin 1808, quatre heures du soir

A Joachim, Grand-Duc de Berg, lieutenant général du royaume d'Espagne, à Madrid

Vous trouverez ci-joint des lettres du général Duhesme. Réitérez-lui l'ordre de faire marcher le général Chabran sur Valence. Je suppose que le général Moncey aura continué sa marche et sera enfin entré dans cette ville.

Je vous ai annoncé hier l'arrivée du roi d'Espagne. Votre garde fait le service auprès de lui. Ce prince a déjà fait sa proclamation et différents actes qui vous seront envoyés ce soir.

Je suppose que vous aurez fait marcher sur Saragosse et Valladolid. J'attends avec impatience des nouvelles des évènements de Cordoue. Le régiment de marche n'a pas pu être à Somo-Sierra, puisqu'il n'a pas bougé d'Aranda. La dernière lettre que j'ai reçue de vous est du 5 à onze heures du soir.

Voici l'adresse des députés qui sont ici.

Faites passer la lettre ci-jointe à l'archevêque de Tolède.

-----------

P. S. Un de vos aides de camp arrive à l'instant et m'apprend que vous êtes retombé malade pour être sorti trop tôt; mais la consultation des médecins me rassure, et j'espère que vous êtes debout à l'heure qu'il est. Jamais les circonstances n'ont rendu cela si nécessaire.

La lettre du chef d'escadre Valdès vous fera sentir combien il est important d'arriver à Valence.


Bayonne, 11 juin 1808

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée, à Bayonne

Mon Cousin, les gardes nationales dont je vous parlais dans ma lettre d'hier sont les 2 ou 300 hommes des compagnies départementales que le préfet des Hautes-Pyrénées doit joindre à la colonne du général Ritay; mais je désire que, indépendamment de ces gardes départementales, il soit formé un bataillon de gardes nationales, organisé en quatre compagnies composées d'un capitaine, d'un lieutenant, d'un sous-lieutenant, d'un sergent-major, de 4 sergents, d'un caporal-fourrier, de 8 caporaux, de 2 tambours et de 120 soldats, commandé par un chef de bataillon et un adjudant-major, ce qui ferait 560 hommes. Je charge le préfet de nommer les officiers et sous-officiers de ce bataillon ainsi que le commandant, provisoirement, en choisissant des hommes qui aient fait la guerre. Ce bataillon se rendra au quartier général du général Ritay, qui le fera sur-le-champ payer comme troupes de ligne. Par ce moyen, le général Ritay aura ce bataillon , une compagnie de gendarmes, 300 Portugais et 200 hommes de la réserve départementale, ce qui lui fera environ 1,900 hommes. Donnez des ordres pour qu'on organise à Toulouse deux pièces de 4 attelées, et qu'on les fasse partir pour Tarbes pour servir à la colonne du général Ritay.

Quant à la colonne de l'adjudant commandant Lomet, je désire également que, indépendamment des compagnies départementales, de la compagnie de gendarmerie et des 300 Portugais qui la composent, le préfet des Basses-Pyrénées forme un bataillon organisé de même que celui des Hautes-Pyrénées; ce qui portera la colonne de l'adjudant commandant Lomet à 1,200 hommes. Le préfet choisira également de préférence des hommes qui aient servi, et nommera sans délai les officiers de ce bataillon, qui sera payé en arrivant au quartier général de l'adjudant commandant Lomet. Vous ordonnerez que ces deux colonnes aient leurs vivres de campagne.

Recommandez à l'adjudant Lomet d'avoir au couvent de Roncevaux un poste commandé par un officier, qui correspondra avec lui pour lui faire connaître ce qu'il apprendrait de nouveau et veiller à assurer la route.

Recommandez à l'un et à l'autre des commandants de colonne de tenir les Portugais en seconde ligne, afin d'empêcher qu'ils ne communiquent avec les Espagnols, et d'avoir, indépendamment des cartouches que chaque homme doit avoir, une réserve suffisante pour donner une quarantaine de cartouches à chaque homme.

J'attendrai la réponse des préfets de Tarbes et des Basses-Pyrénées, et, si cela peut se faire sans difficulté , je prendrai les mêmes mesures pour les deux autres départements des Pyrénées et pour les quatre départements qui viennent en seconde ligne; ce qui est une force assez importante. Vous ferez connaître aux deux préfets de Tarbes et de Pau qu'il est nécessaire que les fusils soient procurés par les gardes nationales des villes, et que les hommes marchent avec leur uniforme, jusqu'à ce qu'on puisse leur en faire faire un. Vous demanderez à ces préfets si, en leur fournissant l'argent, ils pourraient les faire faire eux-mêmes, et combien il faudrait pour chaque homme. Il faudrait que cet uniforme consistât en casaques légères, propres à la guerre des montagnes. Ordonnez que l'on fasse à Pau 50,000 rations de biscuit et autant à Tarbes. La colonne des gardes nationales du sénateur Lamartillière va arriver à Pau ; elle est de 3,000 hommes. Il y aura donc entre Tarbes et Pau bientôt 6,000 hommes; il est nécessaire qu'il y ait des manutentions pour ce nombre d'hommes.

Faites-moi connaître où le général Ritay et l'adjudant commandant Lomet ont placé leur quartier général.


Bayonne, 11 juin 1808

A M. Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je vois un article sur le roi Charles dans le Journal de France, daté de Fontainebleau, qui me paraît fait dans un mauvais esprit de mille. En général, il est temps qu'on ne parle plus de cette famille. Faites-le dire aux journalistes, et tenez-y la main.

Je ne sais pas pourquoi je ne reçois plus de bulletin de police tous les jours. Faites en sorte que je le reçoive tous les jours.

La prise de Préjean et de ses quatre compagnons est une affaire d'une grande importance. J'espère qu'il ne s'échappera pas, et que vous profiterez de tous les renseignements qu'il pourra vous donner. Si l'on pouvait arrêter les agents anglais et ceux du comte Lille, qui sont certainement à Paris et dans le Morbihan, ce serait une grande affaire. Je vous prie de m'instruire exactement de toutes les dépositions de Préjean.

(Lecestre)


Bayonne, 11 juin 1808

NOTE SUR LA SPEZIA.
                                                   
L'Empereur a reçu le mémoire sur la Spezia avec le plan qui y était joint. Voici ce qu'il désire :

Il faut faire le projet pour occuper Maralunga par une batterie fermée à la gorge et défilée à la hauteur, de manière qu'une centaine d'hommes puissent se tenir là pendant le temps du blocus et ne céder qu'à la tranchée ouverte et après les premiers procédés d'un siège.

D'ailleurs l'Empereur ne croit pas qu'il faille occuper le fort Sainte-Thérèse autrement que par une batterie de côte. Il parait que le fort existant doit être à l'abri d'un coup de main. On en a déjà demandé le profil.

Il y a 1,500 toises du fort Sainte-Thérèse au fort Sainte-Marie. C'est une distance fort raisonnable. Il y en aurait 2,000 du fort Sainte-Thérèse à l'entrée de Porto-Venere. A quoi aboutirait la dépense d'un million du côté du fort Sainte-Thérèse ? L'ennemi établira ses batteries à 500 toises de ce fort et serait tout aussi près de l'anse des Grâces et enverrait des bombes et boulets perdus dans cette anse. Il faut donc reconnaître qu'il n'y a aucun moyen d'empêcher un ennemi très supérieur de placer des batteries à 15 ou 1600 toises du fond de l'anse des Grâces; mais , outre que cette distance est déjà considérable, on pourrait se retirer alors dans le Porto-Venere. Ainsi les choses sont satisfaisantes sous ce dernier point de vue.

A cette observation s'en joint une autre. Quand on occuperait la côte orientale par quatre ou cinq forts, empêcheraient-ils l'ennemi d'y établir des batteries sur la tour de Pitelli ou de San-Vito et de se trouver également à 1,500 toises de l'anse des Grâces ?

Il faudrait donc étendre les fortifications de manière à garder tout le pourtour du golfe, ce qui est une combinaison impossible, d'une dépense immense et qui annulerait la défense pour être trop étendue.

Ainsi, si le projet de fortification pour la Spezia est de 3,600, 000 francs, il faut d'abord supprimer cet article du projet.

Tout se réduit donc, pour la côte orientale, à envoyer des plans et profils qui fassent bien connaître la situation actuelle des forts Sainte-Thérèse, Lerici, Barthélemy et Maralmaga. Il faut que ces points importants soient occupés par des batteries fermées, de très-peu de dépense, et qui soient à l'abri d'un coup de main ; il faut qu'une centaine d'hommes puissent y résister longtemps à un millier d'hommes, jusqu'à ce qu'ils reçoivent des renforts, on jusqu'à ce qu'on envoie de la place pour les évacuer et retirer l'artillerie, si la supériorité de l'ennemi est trop décidée. Voilà les projets qu'il faut faire pour remplir les intentions de l'Empereur sur la côte orientale.

Quant à la côte occidentale, on a déjà demandé le plan sur une grande échelle de l'extrémité de la presqu'île. Il faut faire faire ce plan avec des cotes et y tracer le projet tel qu'on l'entend, après l'avoir médité de nouveau plusieurs jours sur le terrain.

Le projet doit remplir ces conditions, que cela soit capable de la plus grande résistance, telle qu'on doit l'attendre de toutes les ressources de l'art, afin qu'on puisse venir, soit par terre, soit par mer, au secours de la place , avant qu'on se soit emparé des ouvrages; quarante ou cinquante ou soixante jours de tranchée ouverte est la force qui paraît être nécessaire; ce qui donnera trois ou quatre mois de temps. Ce port est destiné à renfermer des approvisionnements considérables; il faut que la défense y soit proportionnée. On ne pense pas que, pour arriver au but de l'Empereur, un million ou les 1,500,000 francs proposés soient suffisants; mais qu'il faille deux, ou trois, ou quatre, ou cinq millions, cela est indifférent; il faut ce qu'il faut.

Mais, comme ce port ne doit avoir d'intérêt que progressivement, que les travaux ne doivent être faits que progressivement, l'art consiste à diviser le projet et la dépense par articles de 500,000 francs. Ainsi le projet doit faire connaître quel doit être l'emploi des 500,000 francs qu'on suppose devoir être l'emploi de la première campagne, et qu'était prévenu, un mois ou deux d'avance, qu'on serait attaqué et assiégé par une armée ennemie.

Le deuxième article du projet doit être l'emploi des seconds 500,000 francs; on aurait alors employé un million. Il faut faire connaître également dans quelle situation on se trouverait si on était prévenu qu'on serait attaqué.

Si le projet doit coûter cinq millions, il faut donc le diviser en dix articles. On n'a pas besoin de dire qu'après avoir dépensé ces premiers 500,000 francs on doit se trouver en situation telle que l'ennemi soit obligé à un siège régulier, c'est-à-dire que Castellana doit être occupée par des ouvrages de fortification permanente et l'isthme fermé.

On fera connaître la situation actuelle des forts Sainte-Marie et Pessino. Ces deux forts ne sont d'aucune importance; ils ne peuvent être considérés que comme des batteries de côte fermées à la gorge, ou comme de petites citadelles contre une émeute d'ouvriers ou de matelots d'une escadre.

Il faut pousser de front la défense de l'île de Palmaria. Cette île a près de 3,000 toises de tour; comme elle forme une espèce de trapèze, il faut trois ou quatre batteries, qui croisent leurs feux entre elles. Mais il est difficile de pouvoir espérer de défendre cette petite île sans beaucoup de monde. Il faut donc, dans un point culminant, un réduit qui appuie ces batteries de manière que l'ennemi, venant à débarquer entre elles, ne puisse se maintenir sans prendre le point culminant, qui peut se trouver à trois ou quatre cents toises de tous les points du rivage. Alors, avec 200 ou 300 hommes de réserve dans ce fort intérieur et de petits détachements d'infanterie, avec les canonniers dans chaque batterie, c'est-à-dire moins de 400 ou 500 hommes, on conservera un point si important, et qui, sans fortifications, ne serait point également garanti avec 3,000 hommes de bonnes troupes.

La défense des petites îles de Tino et Tinetto est également importante; il faut là un petit ouvrage de fortification qui, avec une poignée d'hommes, rende ces îles inattaquables.

L'idée d'avoir un fort au milieu du golfe est ridicule et sans aucune espèce de résultat. Les fortifications ne peuvent pas se défendre seules, il faut des hommes; et, s'il y a des hommes aux différentes batteries depuis l'île Palmaria jusqu'au fort Pessino, l'ennemi, qui pourra s'en approcher assez pour faire du mal aux établissements, ne le ferait pas impunément.

La batterie qu'ont démolie les Anglais dans l'île de la Scola ne doit être rétablie qu'autant qu'elle coûterait très-peu; elle n'est qu'à 100 toises de l'extrémité de l'île. Cependant, quoique cette position ne soit pas nécessaire, comme les matériaux doivent exister, six ou huit pièces de canon peuvent être établies à peu de frais.

L'emplacement de la machine à mâter , des établissements de l'arsenal, de la corderie, des établissements de l'artillerie qu'on peut placer au fort Sainte-Marie, se trouve déterminé. Mais un port où l'on aura sept ou huit vaisseaux sur les chantiers, huit à douze vaisseaux en désarmement ou en armement et des établissements aussi considérables, un fond d'état-major et de garnison de 3 à 4,000 hommes, un port qui va se trouver en communication avec le Pô par de grands chemins qu'il est indispensable de faire, est appelé à avoir, en peu d'années, une population de 8 à 10,000 âmes. Elle s'établirait insensiblement dans la ville actuelle de la Spezia, en dehors des fortifications, et serait pour l'ennemi un appui qui lui fournirait des moyens d'abri et de siège contre les fortifications de la Spezia. Il faut donc, soit dans l'anse de Castagna, soit dans celle de Porto-Venere, choisir un bel emplacement pour y tracer une ville de 10, 000 âmes.

On sent bien que la nature du terrain , la nature des choses veut peut-être que cette ville ne soit qu'une rue qui longe le rivage , à peu près comme le faubourg de San Pier d'Arena; et, en effet, l'espace, depuis Porto-Venere jusqu'à l'autre côté, a plus de 100 toises de développement. La cale de Castagna jusqu'au fort Sainte-Marie a près de 500 toises de développement. Il faut faire les projets de l'emplacement que doit occuper cette ville dans le lieu le plus favorable, et les faire de manière qu'il y ait de l'espace pour les quais qui pourraient être établis , et même pour des bastions et batteries destinés à se défendre, en supposant l'île de Palmaria enlevée par l'ennemi. Il faut à cette ville une église, un hôpital, une halle, un hôtel de ville, des logements pour le commandant, pour l'état-major, un petit arsenal pour l'artillerie de terre, des casernes pour l'infanterie, un hôpital de terre, une manutention de terre, des magasins, un théâtre, une préture pour les tribunaux, des prisons, un hôtel de préfecture, la Spezia devant être le chef-lieu du département; quelques établissements pour l'instruction publique. Il faut coordonner tout cela, de manière que tout soit prévu d'avance, et que tous les établissements puissent même être défendus par un mur crénelé, soit du côté de terre, soit du côté de mer.

Ce projet est important et doit être établi de suite, afin qu'on puisse défendre de bâtir aucune maison à la Spezia et tout autour du golfe, et obliger à bâtir dans les emplacements déterminés.

Un objet non moins important, c'est l'eau. Il semble, d'après le mémoire, qu'il y a des citernes assez considérables dans le lazaret. Mais il faudrait avoir, dans l'arsenal de la marine et dans la nouvelle ville, des eaux vives qui puissent jaillir en fontaines. Ces montagne ont-elles des sources ? Y a-t-il possibilité d'y faire venir des arbres et quel devrait être l'emplacement des promenades publiques, de l'esplanade des troupes ? Tous ces objets doivent être médités, prévu dans les plans. Si cela est possible, il faut que tout cela soit enfermé dans les fortifications, même les promenades.

On a déjà écrit pour les communications et les chemins. A qu appartient le terrain de l'île de Palmaria et celui compris dans l'enceinte des fortifications ? Le terrain est-il couvert d'oliviers, d'arbres ou sont-ce des montagnes pelées ? Dans l'établissement de la marine il faut désigner un emplacement pour y construire un bassin comme celui de Toulon.


Bayonne, 12 juin 1808.

Au général Dejean, ministre directeur de l'administration de la guerre, à Paris

Monsieur Dejean, vous avez annoncé depuis un mois 3,000 shakos pour les troupes qui partent de Bayonne, et il n'est rien arrivé; plus de 600 hommes sont déjà partis, et on a été obligé d'en chercher de côté et d'autre. Vous aviez annoncé l'envoi de ces shakos par la diligence; ils arriveront quand on n'en aura plus besoin.

---------------

P. S. Pourquoi donc n'exécute-t-on pas vos ordres ?


Bayonne, 12 mai 1808

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée, à Bayonne

Mon cousin, écrivez au général Ritay, et donnez des ordres pour qu'il soit envoyé de l'argent pour payer les Portugais et la colonne mobile des Hautes-Pyrénées; écrivez au préfet, pour qu'il soit fourni la viande et les vivres de campagne à cette colonne. Ecrivez la même chose à l'adjudant commandant Lomet, et envoyez-leur, sans délai, des cartouches.

Écrivez au général Ritay de choisir une position entre Tarbes et Gavarnie pour établir son quartier général, et d'avoir toujours un officier et un détachement de 50 Français sur les cols, pour communiquer avec les vallées et savoir ce qui s'y fait. Vous lui écrirez également de vous faire connaître le lieu où il placera son quartier général. Toutes ses troupes doivent avoir les vivres de campagne. Sa présence est nécessaire pour inquiéter les vallées espagnoles et faire diversion, et aussi pour rassurer les vallées françaises et avoir des renseignements sur ce qui se passe. Tous les jours il doit vous envoyer un rapport. Vous l'instruirez que j'ai demandé au département des Hautes-Pyrénées un bataillon de 560 hommes pour renforcer sa colonne. Vous lui ferez connaître qu'il doit former un petit dépôt de cartouches et un dépôt de vivres suffisant pour pourvoir aux premiers besoins d'une colonne de 1,900 hommes, qu'il doit aller visiter les postes de l'adjudant commandant Lomet. Ecrivez la même chose à il adjudant commandant Lomet; qu'il doit avoir à Bedons un dépôt de vivres et de cartouches , et que j'ai demandé au département des Basses-Pyrénées un bataillon de 560 hommes, voulant réunir là une colonne de 1,200 hommes.

Vous enverrez au général Ritay et à l'adjudant commandant Lomet 150 exemplaires de chacune des proclamations, en espagnol, de la junte de Madrid et de l'assemblée de Bayonne, pour les répandre dans les campagnes, en les adressant aux curés et aux alcades.

Vous instruirez en même temps ces deux officiers supérieurs que le général Lefebvre a passé l'Èbre à Tudela et mis en déroute 12,000 Aragonais, dont 2,000 ont été tués et leurs canons pris.


Bayonne, 12 juin 1808

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Vous ne m'avez proposé aucune récompense pour ceux qui ont arrêté Prégent et ses compagnons. Ces hommes m'ont rendu un si grand service que je désire leur en témoigner ma reconnaissance.

(Brotonne)


Marracq, 12 juin 1808

NOTE POUR M. MARET

L'Empeeur désire que M. Maret lui apporte demain, à midi, la note de toutes les pièces à faire imprimer dans le Moniteur sur les affaires d'Espagne, depuis les dernières qui y ont été déjà mises, afin qu'elles paraissent toutes dans le même numéro.


Bayonne, 13 juin 1808, une heure du matin.

A Joachim, Grand-Duc de Berg, lieutenant-général du royaume d'Espagne, à Madrid

Le major général me remet une lettre de Belliard, du 8 à neuf heures du soir. Je vous envoie le général Savary pour vous aider, afin qu'on n'ait à vous parler que d'affaires importantes. Votre maladie m'afflige sous tous les points de vue. Cependant, après les rapports des médecins, j'espère que vous êtes à présent sur vos pieds.

J'ai causé longtemps avec Savary sur la situation militaire de l'Espagne. J'attends des nouvelles de Valladolid.

Je suis assez content de l'esprit qui anime les députés qui se trouvent ici .

Il part demain 12,000 hommes pour Pampelune, pour renforcer la division du général Lefebvre. Savary vous donnera toutes les autres nouvelles.

-----

P. S. Le 13, à neuf heures du matin, je reçois des nouvelles du général Lefebvre en date du 11 : il me mande que tous les villages, à dix lieues à la ronde, avaient arboré le drapeau blanc; on procédait au désarmement et on avait ramassé 20,000 fusils. Le 12, il attendait 3,000 hommes qui lui arrivaient de Pampelune , et se préparait à marcher sur Saragosse. Ses patrouilles avaient été à plusieurs lieues dans l'Aragon, et, partout où elles se présentaient, on se soumettait. Bessières me mande qu'il avait déjà réuni plus de 16,000 armes provenant du désarmement de la Castille et de Palencia.


Bayonne, 13 juin 1808

A M. Fouché,  ministre de la police générale, à Paris

Je lis avec intérêt dans le bulletin de police du 7 juin tout ce qui est relatif à Préjean. Je suis fâché de ne pas avoir reçu les bulletins des jours précédents et de ne recevoir qu'aujourd'hui celui du 7. Ayez soin qu'ils me soient envoyés exactement, comme si j'étais à Paris; je ne sais pas pourquoi on s'est relâché là-dessus. Il est nécessaire que je reçoive le lendemain le bulletin de la veille, cela m'importe beaucoup.

Vous ne me rendez pas un compte clair du complot anarchique.

Il est certain que Malet, Guillet et d'autres généraux qui étaient à Paris tramaient un complot; moi-même j'en suis instruit depuis un mois. Il est difficile qu'il y ait un plus mauvais sujet que ce Malet. Faites arrêter sans bruit et sans éclat tous ces tripotages. Quelques avoués se fient à ce même complot. Mais ces complots anarchiques ne sont rien auprès de la précieuse prise de Préjean, et de la disposition où il paraît être de rendre des services. S'il en rend réellement, je lui accorderai sa grâce. Je suis impatient de savoir ce que c'est que ce Mars. Serait-ce un ancien capitaine, grand et bel homme ? C'était un énergumène de salon en 1789. Tenez secrète l'arrestation de Préjean, et tâchez que la nouvelle n'en arrive pas à Londres, afin de pouvoir tendre des embuscades dans les endroits qu'il désignera.

(Lecestre)


Bayonne, 13 juin 1808

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris

Les généraux Malet, Guillet, Dutertre et quelques anciens officiers de cette trempe paraissent avoir tramé un complot, que la police a déjoué et dont elle a fait arrêter les auteurs. Faites une enquête d'après la liste des officiers réformés qui sont payés à Paris et dans la première division militaire, et notez tous ceux qui seraient dans cet esprit. Il sera bon que vous montiez une petite police militaire, pour les suivre et les veiller. Il ne faut faire aucun éclat de ces misérables anarchistes; car rien que l'idée qu'ils existent encore suffirait pour inquiéter et troubler la tranquillité. Il faut descendre dans le rang de capitaine, chef de bataillon et autres officiers réformés, qui ont toujours passé pour être opposés au gouvernement. Je crois vous avoir déjà donné l'ordre de faire employer tous les aides de camp du maréchal Brune à l'armée. Envoyez également à l'armée les officiers en activité et qui, sans raison, seraient à Paris, qui sont connus pour être dans cet esprit d'opposition.  Vous aurez soin de ne pas les souffrir à Paris sous prétexte de service.

(Lecestre)


Bayonne, 13 juin 1808

A M. Gaudin, ministre des finances, à Paris

Envoyez le sieur Collin fils, directeur des douanes à Anvers, dans la Toscane, et le sieur Cochon, fils du préfet, qui est également employé dans les douanes d'Anvers, du côté des Pyrénées. Je n'aime point à voir des fils de préfet employés dans les douanes, il est inutile que j'en dise les raisons. Faites cela de la manière la moins sensible pour le conseiller d'État Collin. Je crois avoir lieu de me méfier de son fils; mais il me suffit que son éloignement et celui du sieur Cochon aient lieu sans délai. Envoyez à Anvers un homme sûr et de confiance. Faites cela vous-même, et ne laissez pas ce choix au directeur général. Vous sentez que cette lettre est pour vous seul.

(Lecestre)


Bayonne, 13 juin 1808.

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris.

Monsieur le général Clarke, il y a aux environs de Breskens trois batteries : une d'un mortier de 12 pouces, d'une pièce de 24 et de trois pièces de 18. Il y a une de ces pièces qui n'a point d'affût ; les autres sont sur de mauvais affûts. Envoyez-y sur-le-champ quatre affûts de côtes. Les épaulements de cette batterie sont détruits faites-les mettre en état.

La troisième de ces batteries a une pièce de 16 et deux de 12 en fer. Faites retirer ces pièces et remplacez-les par trois pièces de 24 ou de 36 ; les épaulements de cette batterie sont également détruits.

Quand j'ai donné au général Roguet le commandement de l'île de Cadzand, j'ai entendu que ce commandement s'étendît depuis l'embouchure de l'Escaut jusqu'à Terneuse et aux mouillages que pourrait prendre l'escadre française ou l'escadre ennemie. Quand j'ai ordonné qu'il y aurait 500 gardes nationales accoutumées à l'air de l'île de Cadzand, un bataillon de 500 hommes, un camp français à Blankenberghe, un à Ecloo, un camp hollandais près Berg-op-Zoom, j'ai bien entendu qu'on ne réunît pas tout mon monde dans l'île de Cadzand pour le faire mourir de la fièvre. Les expéditions ennemies ne peuvent être tentées sérieusement contre Flessingue que vers la fin d'août. Si mes troupes restent, en attendant, exposées à l'intempérie de l'île de Cadzand , je n'aurai que des fiévreux lorsqu'il faudra m'en servir. Faites-moi un rapport là-dessus , accompagné d'un huilé, indiquant la situation de l'escadre, des batteries, et l'emplacement des différents camps, afin que je connaisse bien la situation de ce point important.


Bayonne, 13 juin 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

J'approuve que le brick le Surveillant à Anvers, le brick l'Iris et la corvette le Génie à Dunkerque, les bricks le Cygne et le Pavillon à Cherbourg, les bricks le Nisus et le Fanfaron à Brest, la corvette la Diligente à Lorient, les bricks le Sylphe et l'Espiègle à Lorient, le brick le Colibri et la corvette la Diane au Havre, le brick le Pluvier à Rochefort, les corvettes l'Hébé et la Sapho à Bordeaux et le brick l'Oreste à Bayonne, portant 1,100 tonneaux, se dirigent tous sur la Martinique et la Guadeloupe; ce qui assurerait l'approvisionnement de ces îles pour six mois , si on y envoyait du boeuf et du lard ; mais, comme on n'y enverra ni boeuf ni lard , et que les garnison ne seront pas aussi considérables que vous les portez, cet approvisionnement pourra être de neuf mois. Enfin , comme l'on peut donner des patates et du blé de Turquie aux troupes, on peut mettre trois mois de rations de pain de plus et avoir ainsi des vivres pour un an. Quant à Cayenne, au Sénégal, à Santo-Domingo et aux îles de France et de la Réunion, je ne veux y expédier aucuns vivres.

Vous remarquez que la farine de Bordeaux est la meilleure. Mon intention est que tout ce que vous expédierez depuis la Loire jusqu'à l'Escaut, d'où vous ne pouvez expédier des farines de Bordeaux sans des frais énormes, vous l'expédiiez en biscuit. Faites-moi connaître quelles sont vos objections contre cette idée. Il me semble que le biscuit se conserve sept mois en mer, à l'humidité. Les secours que vous proposez , joints à ceux que les colonies peuvent tirer du commerce, joints à ceux que peuvent leur porter les aventuriers américains et les corsaires, conduisent à un résultat très-satisfaisant.

J'approuve , en outre, que les trois vaisseaux de Rochefort, le Niemen, le Calcutta et des flûtes prises à Bordeaux et à Rochefort , doublées en cuivre, du tonnage de 2,000 tonneaux, ce qui, avec le Calcutta, ferait 3,000 tonneaux, se préparent à Rochefort, chargés de farine, de biscuit, de vins, et soient organisés de manière à aller à l'île de France, à la Martinique, ou partout ailleurs. Cette expédition, ou fera partie de l'expédition générale, ou fera elle-même une expédition particulière.
Il y a de l'effervescence en Espagne. Peut-être se calmera-t-elle promptement. Si elle ne s'apaise pas bientôt, elle se propagera sans doute aux colonies, et alors j'aurai besoin d'expéditions toutes faites pour prendre possession de quelques colonies. Mais je ne désire pas que la Sapho et l'Hébé soient jointes à l'expédition de Rochefort ; je désire qu'elles soient envoyées en aventurières.

En dernière analyse, je veux me préparer trois moyens d'approvisionner mes colonies : 1° les douze expéditions séparées faites à mes frais ; 2° les expéditions que fera le commerce ; 3° l'expédition de
Rochefort.

Quant aux prétentions du commerce de Bordeaux, je ne sais pas assez bien cette question pour la juger. Si le commerce demande que vous preniez le cinquième des tonneaux , cela est juste ; je me sais engagé à le prendre. Le prix doit s'en régler à l'amiable et selon le prix de tous les temps. L'avantage que je fais au commerce est de le payer quand même le bâtiment se perdrait. Si, au contraire, le commerce veut tout expédier à ses frais, je ne m'y oppose pas. Quant aux conscrits passagers, c'est encore une faveur que je fais au commerce; toutes les fois qu'il n'en voudra point, je n'insisterai pas.


Bayonne, 14 juin 1808

ORDRES POUR LE MAJOR GENERA 
à Bayonne.

Donner les ordres suivants :

L'adjudant commandant Lomet aura son quartier général à Bedous, pour observer tous les cols qui de l'Aragon se rendent dans les Basses-Pyrénées. Il aura avec lui une colonne mobile de 1,900 hommes, composée d'un bataillon de 560 hommes des gardes nationales des Basses-Pyrénées, de 15 gendarmes, de la compagnie de réserve départementale des Basses-Pyrénées, de la compagnie de réserve des Landes et de 300 Portugais.

Le général de brigade Viala, qui est dans la 9e division militaire, recevra ordre de venir prendre le commandement du département des Hautes-Pyrénées. Il aura également avec lui une colonne d'environ 1,200 hommes, composée d'un bataillon de 560 hommes de gardes nationales des Hautes-Pyrénées, de gendarmes et de 300 Portugais. Il observera tous les cols qui protégent Barréges et qui des Hautes-Pyrénées se rendent dans l'Aragon.

Le général de brigade Miquel, qui est dans la 20e division militaire, recevra ordre de venir prendre le commandement du département de l'Ariège. Il aura avec lui la compagnie de réserve de l'Ariège et plusieurs brigades de gendarmerie.

Le général Ritay se rendra dans les Pyrénées-Orientales et portera son quartier général à Bellegarde. Il réunira les compagnies de réserve départementale du Gers, de la Haute-Garonne , de l'Aude, des Pyrénées-Orientales, du Tarn, de l'Hérault, de l'Aveyron, de la Lozère, de l'Ardèche, du Gard, du Lot et de Lot-et-Garonne. Il fera de tout cela un bataillon. Il formera deux bataillons, de douze compagnies, de ce qu'il y a de disponible du régiment d'infanterie toscan qui se rend à Perpignan, et un escadron des dragons toscans. Il aura un bataillon de 560 hommes des gardes nationales des Pyrénées-Orientales. Il réunira une compagnie de 60 gendarmes à pied et de 40 gendarmes à cheval des compagnies tirées des douze départements nommés ci-dessus, de manière à réunir à Bellegarde une force de 3,000 hommes.

Vous lui donnerez ordre de réunir ces forces sur Bellegarde, et de se mettre au courant de tout ce qui se passe, afin de lier sa communication avec le général Duhesme.

Le général de division Lacombe Saint-Michel se rendra i Toulouse pour y prendre le commandement de l'artillerie et de la 10e division militaire, jusqu'à ce qu'il soit remplacé. Il organisera six pièces de canon et quelques caissons d'infanterie pour la colonne du général Ritay.

Vous donnerez ordre, à Grenoble, qu'un bataillon de six compagnies de la légion de réserve, fortes le plus possible, et formant au moins 600 hommes, parte de cette ville pour se rendre à Perpignan.

Vous donnerez l'ordre au général commandant la 8e division militaire de faire partir, pour Perpignan , quatre compagnies , le plus fortes possible, du 32e léger, ce qui formera un petit bataillon. Donnez-lui également l'ordre qu'un petit bataillon provisoire formé de deux compagnies du régiment suisse, de 150 hommes chacune, et deux compagnies du 16e de ligne, de même force, se rendent à Perpignan, ce qui portera à sept bataillons la force de la colonne du général Ritay.

Donnez ordre que le bataillon valaisan qui est à Port-Maurice se rende à Perpignan.

Donnez ordre qu'il soit formé, dans la 27e division militaire, deux bataillons de marche composés, le premier bataillon, de trois compagnies du 3e bataillon du 7e de ligne et de trois compagnies du 93e; le deuxième bataillon, de deux compagnies du 37e de ligne, de deux compagnies du 56e et de deux compagnies du 2e de ligne. Chaque compagnie sera complétée à 140 hommes ou au moins à 100 hommes. Ecrivez par l'estafette d'Italie au gouverneur général à Turin pour qu'il fasse sur-le-champ former ces deux bataillons de marche, et qu'il les dirige sur Perpignan.

Il sera également formé un escadron de marche de cuirassiers, composé de détachements des 4e, 7e et 8e, formant 190 hommes.

Il sera formé un autre escadron de marche de chasseurs, de 200 chevaux, composé de détachements des 3e, 14e et 24e.

Ces 300 chevaux partiront sous le même commandement que les deux bataillons de marche, et sous les ordres d'un adjudant commandant, qui fera les fonctions de colonel de ce régiment de marche.

Il sera nommé un chef d'escadron pour commander les deux escadrons de marche.


Bayonne, 15 juin 1808

A M. Bigot de Préameneu, ministre des Cultes, à Paris

Vous trouverez ci-joint une lettre que vous communiquerez au chapitre métropolitain. Vous veillerez à ce que le cardinal de Belloy soit enterré avec la plus grande solennité, et que, dans l'éloge funèbre qui sera prononcé à cette occasion, on appuie sur les vertus qu'a déployées ce prélat, la conciliation, la charité et l'amour de la paix.


Bayonne, 15 juin 1808

Au général Clarke, ministre de la guerre,à Paris

Monsieur le Général Clarke, l'île de Cadzand est un pays très-malsain. La circonstance d'une escadre dans l'Escaut m'oblige cependant à tenir dans l'île de Cadzand des forces considérables pour protéger mon escadre. Par mon décret, j'ai ordonné une batterie de trente bouches à feu près de Breskens. C'est à la marine à décider quel est l'emplacement qui convient le mieux pour cette batterie. Doit-elle être placée près Breskens ou au signal de Breskens, ou à mi-chemin entre ce signal et celui de Wulpen ? Qu'est-ce qui est le plus important pour la marine, que la batterie soit rapprochée de 500 toises du banc d'Elboog ou plus près de Flessingue ? C'est encore à la marine à décider quelle est la position la plus avantageuse. Une batterie de 30 bouches à feu suppose une garnison de 300 hommes. Si ces 300 hommes, au lieu d'être dans une batterie de côte ouverte, se trouvent dans un fort fermé à la gorge, on sera tranquille sur ce point ; et quand même l'ennemi se serait emparé de Cadzand, la batterie restant en notre pouvoir, on aura deux, quatre, cinq jours pour accourir de tous les points de la Belgique pour reprendre l'île. La question se réduit à savoir comment il faudra construire un fort sur cette dune ou sur une digue. Dans cette disposition, on a quatre côtés à défendre. Le côté de la mer peut être facilement garanti avec des pilotis qui s'élèveraient jusqu'au niveau des hautes mers, et qui, à basse mer, formeraient un obstacle naturel, et empêcheraient les troupes de débarquer sur la laisse de basse mer. Le côté du continent peut être retranché par des ouvrages en terre et des fossés pleins d'eau. Les côtés de droite et de gauche, dans la dune ou sur la digue, seront les plus difficiles à traiter. Deux ouvrages paraissent là nécessaires, comme des cavaliers dominant de tous côtés et prolongés dans la plaine par des ouvrages plus bas. On pourrait disposer dans ces flèches quelques-unes des pièces de la batterie. L'espace nécessaire pour renfermer 30 bouches à feu exigerait près de 100 toises, si on voulait les placer dans un cavalier en forme de redoute et le revêtir. Il aurait à peu près 100 toises de long sur 30 de large , ce qui ferait un réduit de 260 toises de développement. On n'aurait plus à craindre que de voir les fossés de ce réduit, comme ceux de tous les autres ouvrages, comblés par les sables; mais ne serait-il pas possible de paver toute la dune avec des piquets de deux ou trois pieds de longueur , ou mieux avec des planches contenues par des piquets ? Alors tous les glacis, les communications seraient couverts de planches, et la dune n'aurait plus de mouvement. On aurait soin de planter en hoyas les digues aussi loin qu'on pourrait. Mais la question peut se considérer sous un point de vue plus étendu. Le moment n'est pas loin où j'aurai vingt ou trente vaisseaux de guerre dans la rade de Flessingue , et où cette rade sera la principale menace contre l'Angleterre. Si je suis obligé de porter mes forces ailleurs, et que je laisse 12 à 15,000 hommes pour garder ce point, j'aurai des malades à l'infini.

Si j enfin, il se trouve constamment vingt ou trente vaisseaux en armement à Flessingue, l'ennemi peut concevoir l'espérance de s'emparer de l'île de Walcheren.

Maintenir la communication avec la place de Flessingue est chose de grande importance. Il faut, à Breskens, une place de guerre qui contienne une batterie de 30 pièces de canon , des approvisionnements et quelques moyens de passage, un port où l'on puisse faire entrer une division de la flottille, où douze ou quinze péniches et quatre à cinq chaloupes canonnières seraient à l'abri des glaces, du mauvais temps et de l'ennemi. Où cette place doit-elle être située ? C'est encore par des considérations maritimes que cette question doit être décidée.


Bayonne, 15 juin 1808

Au général comte Hulin, commandant la 1e division militaire, à Paris

Monsieur le Général Hulin, je reçois votre rapport du 10 juin. Approfondissez ce petit complot de ces officiers chassés et entendez-vous avec le ministre de la guerre pour lui signaler ceux dont le séjour à Paris ne peut être que d'un mauvais effet, soit pour leurs dilapidations, soit pour leur mauvaise conduite ou leur mauvais esprit (Il s'agit de la conspiration Malet, Guillaume, Guidal, Servan Florent Guyot et Jacquemont).

(Brotonne)


Bayonne, 15 juin 1808

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée, à Bayonne

Mandez au maréchal Bessières que, immédiatement après qu'il se sera emparé de Benavente, qu'il aura soumis Zamora, Toro et Lion, je désire que son corps d'armée ait l'organisation suivante :

Division Merle, composée de quatre brigades : 1° brigade Darmagnac, Suisses et le 86e, 1,800 hommes; 2° brigade Gaulois , ler régiment supplémentaire, 1,600 hommes; 3° brigade Ducos, 13e régiment provisoire et un bataillon du 14°, 2,000 hommes ; après la prise de Saragosse , les  trois autres bataillons rejoindront; 4° brigade Sabatier, 17e et 18e provisoires, 2,800 hommes; total , 8,200 hommes ; six pièces de canon de l'ancienne division Verdier et douze pièces de canon de la division , faisant dix-huit pièces de canon.

Division Mouton, composée de deux brigades : 1° brigade Reynaud, 4e léger, 15e de ligne et un bataillon de Paris, 3,000 hommes; 2° brigade Rey, 2e et 12e légers, 2,100 hommes, 5,100 hommes et douze pièces de canon.

Garde impériale : 1,900 hommes et six pièces de canon.

Total de l'infanterie, 15,200 hommes.

Cavalerie : 10e de chasseurs, 450 hommes; 22e idem, 450. Garde impériale, 300; 26e de chasseurs qui arrive, 450; l'escadron de dragons commandé par le chef d'escadron Tascher, et l'escadron parti ce matin, 300 hommes ; total , 1,950. Ce qui porte le corps actuel du maréchal Bessières à 17,150 hommes, et l'artillerie à trente-six pièces de canon.

Le maréchal Bessières pourrait porter son quartier général à Léon, pour contenir l'ennemi à tous les débouchés des montagnes.

Le général Bonnet occupe Burgos avec 600 hommes de convalescents dans la citadelle.

Il aurait, de plus, disponibles en forme de colonne mobile pour se porter partout où il serait nécessaire : le 4e bataillon du 118e, 450 hommes; le 3e bataillon du dépôt qui est aujourd'hui à Vitoria, 450 hommes ; le petit bataillon du 4e léger, 380 hommes, et un escadron de dragons, 150 hommes ; deux pièces de canon. Ce qui ferait une force de 2,030 hommes, disponibles pour maintenir la communication avec Léon et la colonne d'Aranda, composée du 1e de marche de 1,000 hommes et de quatre pièces de canon, également sous les ordres du général Bonnet.

Le général de brigade Monthion restera à Vitoria ayant avec lui un escadron de 150 chevaux, qui sera formé du 7e régiment de marche de dragons qui vient de Rennes et qui arrive après-demain , deux compagnies du 15e de ligne formant un petit bataillon de 300 hommes; le 3e bataillon du 2e léger, 600 hommes ; le 30 bataillon du 12e léger, 600 hommes ; ce qui ferait 1,650 hommes. Le colonel Barrère commandera cette colonne et aura deux pièces de canon.

Le corps du maréchal Bessières se trouverait donc composé de 17,000 hommes en mouvement sur les Asturies et la Galice ; de deux colonnes mobiles à Burgos et à Aranda, sous les ordres du général Bonnet , 2,500 hommes ; d'une colonne mobile sous les ordres du général Monthion et du colonel Barrère, à Vitoria, et, si cela était nécessaire , à Santander, 1,700 hommes ; total , 91,200 hommes, indépendamment de 600 hommes qui sont dans la citadelle de Burgos, et de 1,000 hommes de garnison à Saint- Sébastien ; total du corps du maréchal Bessières, près de 22,800 hommes ; les colonnes mobiles du général Bonnet à Burgos, du général Monthion à Vitoria, ayant l'une et l'autre deux pièces de canon des quatre qui ont été commandées.

Indépendamment de cela, une division de réserve se réunit à Bayonne.

Le maréchal Bessières, immédiatement après les premiers événements, peut organiser les divisions Merle et Mouton. S'il avait un avantage marquant sur la force des troupes du général Cuesta, peut-être serait-il utile qu'il enlevât les Asturies et la Galice, en profitant de la terreur d'une première victoire.

Vous lui ferez connaître qu'il doit être sans inquiétude sur la formation des colonnes de Burgos et de Vitoria; que tout est en mouvement, et qu'il part du monde d'ici tous les jours; qu'il n'a qu'à penser à former son corps d'armée de Léon. Le général Verdier aura le commandement de l'Aragon et de la Navarre. Il correspondra avec l'état-major du Roi à Madrid, se concertera avec le maréchal Bessières et avec le général Duhesme, qui commandent sur sa droite et sur sa gauche, et correspondra directement avec le major général à Bayonne.

On peut attendre la prise de Saragosse ou le dernier moment que je serai ici pour notifier cette dernière disposition.


Bayonne, 15 juin 1808

Au prince Ferdinand, à Valençay

J'ai reçu la lettre de Votre Altesse Royale, du 31 mai. Je vais prendre en considération la demande du duc de San-Carlos. Elle ne doit pas douter du désir que j'ai de faire tout ce qui peut lui être agréable. Je vais donner des ordres pour faire terminer l'affaire de Navarre, et , au commencement du mois prochain , Votre Altesse Royale pourra envoyer pour cet objet son chargé d'affaires auprès du ministre des finances à Paris.


Bayonne, 15 juin 1808

A M. Fouché, ministre de la police générale, à Paris

J'ai lu avec la plus grande attention les deux mémoires que vous m'avez envoyés. Il est nécessaire que Préjean, s'il veut sauver sa vie, nomme tous les numéros; il y en a, je crois, une trentaine; surtout ce numéro auquel on fait des propositions si tentantes. Comment ces instructions secrètes se trouvent-elles dans les papiers de Préjean ? Comme ces pièces sont très importantes, je vous les renvoie. Entretenez-moi tous les jours de cette affaire, à laquelle je prends un très grand et très vif intérêt. Ce que je vois de plus clair, c'est que ce misérable ne croit pas un mot de ce qu'il dit, et que, sous un prétexte pompeux, il venait organiser un espionnage pour l'Angleterre; car comment un homme qui a de l'esprit et de l'éducation, peut-il croire qu'il réunira à Paris un député par commune, c'est-à-dire 120,000 personnes, sans qu'on en sache rien. 'Je recommande la suite de cette affaire à votre zèle. Il faut étudier tout, éclaircir pour connaître, et voilà, je crois, une belle occasion.

Je désire fort avoir l'inventaire de tout ce qu'on a trouvé dans les portefeuilles de Préjean et dans ses cache-papiers.

Ce général Malet qui a été arrêté est un des plus mauvais sujets qu'on puisse voir.

(Lecestre)


Bayonne, 15 juin 1808, à midi

Au général Caulaincourt, ambassadeur à Saint-Pétersbourg

Talleyrand (2) est resté malade à Berlin. Une estafette m'apporte vos lettres des 22 et 25 mai.

Vous trouverez ci-joint pour votre gouverne des pièces qui vous feront connaître ce qui s'est passé relativement aux affaires d'Espagne. La junte s'assemble ici demain; elle est assez nombreuse. Le roi d'Espagne est déjà reconnu et proclamé dans toute l'Espagne, et va se mettre en route pour Madrid. Je ne garde pas un village pour moi. La constitution d'Espagne est très libérale; les Cortès y sont maintenues dans tous leurs droits. Les Anglais agitent les Espagnes; quelques villes ont levé l'étendard de la rébellion; mais cela est très peu de chose, et lorsque vous lirez ceci, tout sera probablement calmé. Quelques colonnes mobiles ont déjà donné cinq ou six leçons.

Je consens à l'entrevue. Je vous laisse le maître d'en désigner l'époque. Vous ne recevrez pas cette lettre avant le ler juillet. L'empereur ne sera pas fixé avant le 15. Vous devez me prévenir de manière qu'il y ait seize ou dix-huit jours pour le temps que mettra votre lettre à arriver, dix jours pour me rendre au lieu du rendez-vous, et cinq ou six jours pour faire les préparatifs. Il faut donc que l'empereur ne soit rendu au lieu de l'entrevue que le trente-cinquième jour après le départ de votre lettre de Saint-Pétersbourg. Ce ne peut donc pas être avant le mois de septembre, et, à vous dire vrai, je préfère cette saison à toute autre, d'abord parce qu'il fera  moins chaud, et ensuite parce que mes affaires seront finies ici, e que j'aurai pu passer quelques jours à Paris.

Plusieurs régiments sont passés en Seeland. L'escadre de Flessingue se met en rade. On donne aux Anglais toutes les inquiétudes possibles. Deux vaisseaux russes sont à Toulon, où on va les mettre en état.

Vous ne manquerez pas d'observer que la France ne gagne rien au changement de dynastie en Espagne, que plus de sûreté en cas de guerre générale, et que cet État sera plus indépendant sous le gouvernement d'un de mes frères que sous celui d'un Bourbon; qu'il était d'ailleurs tellement mal gouverné, tellement livré aux intrigues, et qu'il régnait parmi le peuple une fermentation sans but déterminé telle, qu'une réforme était devenue indispensable.

Je crois que l'empereur a raison en laissant passer la première nouveauté des escadres anglaises; mais il n'a rien à craindre d'elles, comme je l'ai dit à l'officier russe qui est parti dernièrement. Le seul point sur lequel on pouvait avoir de l'inquiétude était les îles, si l'on n'avait pas eu le temps de les fortifier.

Faites-moi connaître ce que c'est que ce petit Montmorency. A-t-il justifié ce qu'on peut attendre de son âge ?

Dites à l'ambassadeur d'Espagne qu'il doit se bien comporter, que le nouveau roi le confirmera et lui enverra ses pouvoirs; qu'il doit parler dans le bon sens et qu'il doit toujours, pour cheval bataille, s'appuyer de la constitution qui réorganise son pays et va le porter à un degré de prospérité qu'il ne devait jamais attendre du gouvernement des Bourbons.

----

P. S. - Vous trouverez ci-joint un petit bulletin en espagnol dont vous prendrez connaissance et que vous remettrez à l'ambassadeur d'Espagne. C'est le conseil de Castille qui a demandé le roi d'Espagne, comme vous le savez, par son adresse et celle de la ville de Madrid, et qui ont précédé de près d'un mois sa nomination. Au reste, tout cela est pour votre gouverne; moins on vous en parlera, moins il faut en parler.

(Lecestre)


16 - 30 juin 1808