10 - 12 mai 1808


Bayonne, 10 mai 1808

A M. Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur Mollien, mon intention est qu'il soit tiré 6 millions du Portugal, en y comprenant les 2 millions qui en ont déjà été tirés , pour subvenir aux dépenses des armées d'Espagne. Donnez l'ordre à l'administrateur général d'envoyer ces 6 millions, soit à Paris, soit à Madrid. Il paraît qu'il y a plus de facilités pour les faire passer à Paris. Cela favorisera le commerce et rétablira le change à Lisbonne.

(même lettre à Junot)


Bayonne, 10 mai 1808, huit heures du soir.

A Joachim, Grand-Duc de Berg, lieutenant général du royaume d'Espagne, à Madrid

Je reçois votre lettre du 8 mai à huit heures du matin. Le prince des Asturies, l'infant don Carlos et l'infant don Antonio partent demain pour Valençay. Le roi Charles et la Reine, la reine d'Étrurie et l'infant don Francisco partent demain pour Fontainebleau et Compiègne. Quand vous recevrez cette lettre, il n'y aura plus d'Espagnols à Bayonne.

Le prince des Asturies envoie à Madrid un agent pour retirer ses effets. Comme il est le seul prince de son rang qui n'ait pas d'argenterie, j'ai permis qu'on lui en fit une de celle du Roi; je vous en enverrai l'état demain. Ce prince avait donné au chanoine Escoïquiz l'Ordre de  Charles III et le brevet de conseiller d'État. Ces nominations ont été antidatées et envoyées au conseil de Castille. Vous fermerez les yeux là-dessus, et cela aura l'effet de paraître mettre de l'accord dans tout.

Je vous enverrai par Monaco (Honoré Gabriel de Monaco, 1778-1841) la lettre de notification aux différents conseils par laquelle le roi Charles fait connaître qu'il m'a cédé tous ses droits. Après cela, je laisserai passer quelques jours pour donner le temps aux esprits de se calmer. Après cela, je ferai ma proclamation aux Espagnols pour leur annoncer que j'ai nommé le roi de Naples pour roi d'Espagne.

Donnez en toute sûreté à O'Farrill la confiance qu'il restera ministre de la guerre; donnez la même assurance au ministre des finances. Attachez-vous Caballero; dites-lui que je compte sur lui et
que je lui donnerai dans l'occasion des preuves de ma reconnaissance. Quand je serai content de l'état des esprits, j'irai à Madrid.

Je vous recommande de pousser la délicatesse jusqu'au scrupule; il ne faut rien distraire de ce pays-là, ni chevaux, ni autre chose, enfin ne pas avoir l'air d'être venu pour le gruger.

Je vois avec plaisir que la brigade suisse va être organisée et à la suite du corps du général Dupont; on m'assure qu'elle est d'environ 1,000 hommes. J'ai une grande impatience de voir le général Dupont à Cadix. Je vous laisse le maître, si vous jugez qu'il soit prudent de le faire, de le mettre en marche avec ses deux premières divisions, avec sa cavalerie et la brigade suisse; ce qui doit faire une vingtaine de mille hommes. Vous garderiez la 3e division à Madrid. Mais, avant, il faut voir comment les affaires prendront en Aragon et dans la Grenade. Envoyez des officiers d'artillerie, du génie et d'état-major à Cadix. Envoyez auprès de Solano, auquel il faut écrire très-souvent.


Bayonne, 10 mai 1808

A l'amiral Siniavine. commandant l'escadre russe, à Lisbonne

J'ai reçu votre lettre du 21.avril, avec l'état de situation qui y était joint. La première fois que vous vous donnerez la peine de m'envoyer ledit état de situation, je vous prie d'y faire ajouter le nombre de mois de vivres qu'a chaque bâtiment. Quant à présent, ce qui est surtout nécessaire, c'est que vous vous mettiez en mesure de pouvoir toujours appareiller, afin de tenir vos équipages en haleine, et que vous vous complétiez de quelques matelots. Le vaisseau le Saint-Raphaël me paraît avoir beaucoup d'incomplet dans son équipage. Il doit y avoir à Lisbonne des matelots suédois, hambourgeois et de différents ports du Nord; vous pouvez vous entendre avec le général Junot pour presser ces matelots et les employer à votre bord. J'écris à ce général sur différents arrangements qui pourraient avoir lieu et qui tendent à augmenter votre escadre. Je suppose que vous avez votre complet en boulets et en poudres, et que vous avez assez de rechanges pour une navigation. Dans tous les cas, il vous sera facile de vous pourvoir de ces différents objets à Lisbonne.

La frégate que vous aviez détachée à Palerme a été prise dans ce port par la reine Caroline. J'attends à Toulon les deux vaisseaux russes qui sont à Porto-Ferrajo.


Bayonne, 10 mai 1808

Au général Junot, commandant l'armée du Portugal, à Lisbonne

J'ai reçu la lettre de l'amiral russe Siniavine et l'état de situation de son escadre. Cette escadre a été mise sous mes ordres par l'empereur de Russie. Je vois, dans l'état de situation, un transport appelé le Kildjen, qui a vingt-six canons et 200 hommes d'équipage, et le sloop le Spialergen, qui a trente-deux canons et 220 hommes d'équipage. Je désire que vous causiez de ces bâtiments avec l'amiral Siniavine, et que vous lui proposiez un arrangement qui pourrait avoir lieu dans ce sens : je joindrais à l'escadre de l'amiral Siniavine un des vaisseaux qui sont à Lisbonne; les deux bâtiments de transport russes seraient désarmés, et les équipages serviraient pour armer ce vaisseau, en échange duquel l'amiral me donnerait un des deux vaisseaux russes qui sont à Porto-Ferrajo et que j'attends à Toulon. Il prendrait à Lisbonne un vaisseau de 74 ou de 64, et celui qu'il me céderait à Toulon serait de 74 ou de 64. Faites-lui fournir la poudre et les boulets dont il aurait besoin.


Bayonne, 10 mai 1808

Au général Junot, commandant l'armée du Portugal, à Lisbonne

Complétez l'équipage du vaisseau le Vasco-de-Gama et de la Maria Primeira. Faites réparer, armer et compléter l'équipage du Saint-Sébastien. Faites armer et compléter les équipages des frégates la Carlotta, le Phénix et l'Amazone, et des corvettes l'Ondorinho, le Benjamin et la Gaïvola. Je désire que les équipages de ces neuf bâtiments soient complétés de manière que tous aient les trois quarts d'officiers français, le tiers de leur maistrance et le tiers de leurs matelots. Vous ferez mettre à bord de chaque vaisseau de ligne une garnison de 150 Français et non d'auxiliaires, à bord de chaque frégate 60 Français, et à bord de chaque corvette 20. Chaque vaisseau de ligne aura de plus à bord 60 canonniers de marine français chaque frégate 30, et chaque corvette ou brick 10. Le reste des équipages sera formé de Portugais, de Danois, de Suédois et de matelots de différentes nations qu'on pressera. Il faut que ces neuf bâtiments soient approvisionnés de vivres pour six mois, hormis le pain, dont ils ne prendront qu'un mois ; les six mois de pain seront complété après la récolte. J'ai des projets sur cette escadre. Faites-moi connaître quand elle pourra être dans cet état. Mon intention est que 1e vaisseau la Maria-Primeira porte le nom de la Ville-de-Lisbonne, le Saint-Sébastien celui du Brésil. Le vaisseau qui est en construction portera le nom du Portugais.

Par le premier exprès que vous m'enverrez, faites-moi un état de situation des hommes d'équipage français, portugais et étranger avec une colonne pour chaque espèce d'hommes.


Bayonne, 10 mai 1808

Au général Junot, commandant l'armée du Portugal, à Lisbonne

Votre correspondance ne me dit rien. j'ignore la situation de votre armée, sa force, les pays qu'elle occupe. Je désire que vous m'envoyiez, tous les cinq jours, un état pareil à celui que je vous envoie (que je reçois du général Marmont), et que vous me rendiez compte de ce qui peut m'intéresser, indépendamment des rapports que vous faites aux ministres. Les maréchaux qui commandent les corps de Grande Armée, le prince Eugène, le roi de Naples me rendent des comptes. Par ce moyen, je suis instruit avant les ministres, et je suis à même de donner les ordres les plus pressants. Je n'ai aucun état qui me fasse connaître les diamants, meubles et biens appartenant la Couronne, trouvés en Portugal. Je n'ai point non plus de situation des finances, l'état de la rentrée des contributions extraordinaires ni des contributions ordinaires.

Faites passer à Madrid ou à Paris six millions, en y comprenant les deux millions que vous avez envoyés. Mon intention est que tout le produit des contributions soit pour l'armée, et qu'il n'en soit rien distrait sous prétexte de l'administration du pays.

Il est un autre objet plus important encore, c'est l'introduction des marchandises coloniales en Espagne. Vous recevez des bâtiments marchands américains sous prétexte qu'ils viennent d'Amérique : c'est un mensonge; ils viennent d'Angleterre. Les Américains ont mis un embargo général dans leurs ports, et il n'en sort pas un bâtiment. Le commerce se fait en Portugal par l'Angleterre. Par là on ruine la France, la Hollande, et l'Angleterre se ressent moins du blocus. Faites arrêter toutes les denrées coloniales qui sont entrées en Portugal depuis le blocus. Vous avez à Lisbonne des directeurs des douanes français, qui vous mettront au fait de la législation actuelle, de cette partie de notre législation qui fait le plus grand mal à l'Angleterre, qui fait du tort à la France, qui en fait encore plus à la Hollande, mais qu'elle souffre parce qu'elle en sent la nécessité, et dont le seul Portugal ne se ressent pas, parce que vous êtes dans l'ignorance du grand but de ces mesures. Par là vous rendez la conquête du Portugal inutile, et ce n'est que pour cela que je l'ai conquis.

C'est avec peine que j'ai entendu parler de colliers, de diamants et autres babioles envoyés à Paris. Cela n'est bon à rien qu'à fournir des prétextes à la malveillance, et à exciter l'envie et la jalousie.


Bayonne, 10 mai 1808

A Joseph Napoléon, roi de Naples, à Naples

Mon Frère, vous trouverez ci-joint la lettre du roi Charles au prince des Asturies, et la copie de mon traité avec le premier. Le grand-duc de Berg est lieutenant général du royaume, président de la junte et généralissime des troupes espagnoles. Le roi Charles part dans deux jours pour Compiègne. Le prince des Asturies se rend du côté de Paris. Les autres infants vont occuper des maisons de plaisance aux environs de Paris. Le roi Charles, par le traité que j'ai fait avec lui, me cède tous ses droits à la couronne d'Espagne. Le prince des Asturies avait renoncé avant à son prétendu titre de roi , parce que le roi Charles avait allégué que son abdication avait été forcée. La nation, par l'organe du conseil suprême de Castille, me demande un roi. C'est à vous que je destine cette couronne. L'Espagne n'est pas ce qu'est le royaume de Naples : c'est onze millions d'habitants, plus de cent cinquante millions de revenus, sans compter les immenses revenus et la possession de toutes les Amériques. C'est une couronne d'ailleurs qui vous place à Madrid, à trois jours de la France, et qui couvre entièrement une de ses frontières. A Madrid, vous êtes en France; Naples est le bout du monde. Je désire donc qu'immédiatement après avoir reçu cette lettre vous laissiez la régence à qui vous voudrez, le commandement des troupes au maréchal Jourdan, et que vous partiez pour vous rendre à Bayonne par le chemin de Turin, du mont Cenis et de Lyon. Vous recevrez cette lettre le 19; vous partirez le 20, et vous serez ici le 1er juin. Laissez, avant de partir., des instructions au maréchal Jourdan sur la manière de placer vos troupes, et faites vos dispositions comme si vous deviez être absent jusqu'au ler juillet. Gardez, du reste, le secret; on ne s'en doutera peut-être que trop ; mais vous direz que vous vous rendez dans l'Italie supérieure pour conférer sur des affaires importantes avec moi.


Bayonne, 10 mai 1808

NOTE POUR LE PRINCE DE NEUCHATEL, MAJOR GÉNÉRAL DE LA GRANDE ARMÉE, A BAVONNE.
                                                   .
Mon intention est qu'on n'accorde aux Russes aucun prisonnier, ni de ceux qui sont à Leipzig, ni de ceux incorporés dans les troupes polonaises. Si l'adjudant-commaudant Dentzel a fait autre chose, il aurait grossièrement manqué. Dans ce cas, comme il n'y aurait plus de remède, il doit se servir de cette décision pour règle, sans rien dire aux Russes.


Bayonne, 11 mai 1808

Au prince de Cambacérès, archi-chancelier de l'Empire, à Paris.

Vous trouverez ci-joint un sénatus-consulte pour la réunion de Parme. et Plaisance et de la Toscane à la France. Vous le présenterez au conseil privé, et, lorsqu'il aura été délibéré, vous le porterez au Sénat. Les orateurs diront que Parme et Plaisance sont réunis à l'Empire parce qu'ils forment le complément du territoire de Gênes; que la réunion de la Toscane est nécessaire pour augmenter nos côtes et, dès lors, le nombre de nos matelots, et aussi pour rendre central le port de la Spezia, où j'ai ordonné l'établissement d'un port militaire comme celui de Toulon; que ces dispositions sont donc le résultat de la nécessité, où nous placent nos ennemis, de nous mettre en mesure pour arriver au rétablissement de la liberté des mers.


Bayonne, 11 mai 1808.

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur Decrès, aucune communication ne doit avoir lieu avec la Sardaigne. Tout bâtiment qui en viendrait doit être mis sous le séquestre. Ce prince vient de renouveler des traités avec l'Angleterre, et un ministre de cette puissance vient d'arriver à Cagliari.


Bayonne, 11 mai 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur Decrès, je suis décidé à porter tous les établissements maritimes militaires de Gênes à la Spezia. J'ai été retenu jusqu'à cette heure par la seule considération que le sort de la Toscane était indécis : mais, résolu à réunir la Toscane à mon empire, je ne vois plus d'inconvénient à réaliser mon projet. Les bois des Apennins et les ressources de Livourne arriveront à la Spezia. Donnez donc tous les ordres nécessaires pour y établir un chantier de construction pour trois vaisseaux de 74 et deux frégates à la fois. Je viens de prendre toutes les dispositions militaires pour qu'il y ait toujours là une forte garnison. La mise sur le chantier des vaisseaux et des frégates doit être faite sans délai, et mon intention est qu'avant le le, juillet un vaisseau soit commencé.

Présentez des projets de décret pour transférer tous les établissements militaires du port de Gênes à la Spezia, et pour organiser les travaux de l'arsenal sur un bon plan, en y faisant progressivement tout ce qui est nécessaire. Il y a à la Spezia un lazaret; je désirerais fort qu'on pût le convertir en arsenal. On dit qu'il est très-beau. Cela économiserait beaucoup de temps et épargnerait des dépenses énormes. On m'assure que les forts sont en très-bon état, et que les cales ne coûteraient rien à établir, parce que le terrain ne manque pas.


Bayonne, 11 mai 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je reçois votre lettre sur le sieur . . . . . . . Le décret vous fera connaître ma façon de penser sur ces brigandages. Je ne conçois rien à votre lettre. Vous me dites : Le sieur . . . . . . . S'est-il livré à ce trafic ? La chose est incontestable; que faut-il de plus ? Cet homme doit être éloigné de tous les bureaux; et je ne sais pas pourquoi on aurait une lâche condescendance pour cet homme. Il y a encore des honnêtes gens en France, et on n'en est pas réduit à avoir besoin des services de pareils hommes.

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A cette lettre est joint un projet de décret portant : 

Article ler. Le sieur . . . .employé des bureaux de la marine, convaincu d'avoir acheté, pour son compte des créances en retard du ministère à un prix inférieur, afin de profiter de sa place pour les faire ordonnancer, est destitué. - Art. 2. Il est déclaré incapable d'occuper aucune place dans l'administration. 


Bayonne, 11 mai 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris.

Je reçois votre rapport du 5 mai sur l'escadre de l'amiral Ganteaume. Il faut, pour compléter ce rapport, noter que l'escadre anglaise est revenue probablement le 20, puisqu'elle s'est laissé voir sur Mahon le 17. Cela prouve que sur mer, dans la position où nous sommes, nous pouvons faire ce que nous voulons.

Recueillez des renseignements afin de rédiger l'historique de l'escadre anglaise et de tout ce qu'elle a fait.


Bayonne, 11 mai 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Il est nécessaire que vous teniez à Livourne, pour favoriser la communication avec la Corse et l'île d'Elbe, quelques bâtiments supérieurs aux corsaires de la Méditerranée et qui n'aient à craindre que les frégates. Faites-moi connaître si des frégates peuvent entrer dans le port de Livourne.


Bayonne, 11 mai 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je viens de visiter l'arsenal de Bayonne. J'ai donné verbalement les ordres suivants; je vous les fais connaître pour que vous les donniez par écrit et que vous prescriviez les dispositions convenables.

1° J'ai ordonné la mise en construction, avant le 1er juin, de deux frégates de 18, sur les deux cales découvertes de l'arsenal.

2° Les deux bricks dont vous avez ordonné la construction seront construits dans l'arsenal, mais dans un autre emplacement.

3° Celle des deux gabares qui est la plus avancée sera mise à l'eau, et, après qu'elle sera lancée, une troisième frégate de 18 sera mise en construction sur la cale que cette gabare laissera vacante.

4° Le petit brick qui vient d'être lancé sera acheté par la marine, sera armé et mis en état de partir, sous dix jours, pour l'Amérique espagnole. Il sera embarqué à bord 1,000 fusils, et son lest sera composé de 4, 000 boulets de tout calibre.

5° La mouche qui appartenait à l'amiral Cochrane, et qui a été prise à la Martinique et qui est arrivée dans ce port depuis plusieurs mois, sera envoyée dans l'Amérique espagnole. Il y sera embarqué 300 fusils, 300 paires de pistolets, 300 sabres et 1,000 boulets.

6° Il sera mis en construction à Bayonne six mouches pareilles, qui seront achevées dans le plus court délai, pour servir de communication. Toute la marine de Bayonne s'accorde à dire que ces petits bâtiments, qui coûtent 10 à 12,000 francs, marchent comme le vent. C'est, à proprement parler, de triples chaloupes, mais qui seront excellentes pour expédier dans les colonies. Je désire qu'on en fasse construire dans tous mes ports. Ils seront connus sous le titre de mouches. La petite mouche qui est à Bayonne était la corvette de l'amiral Cochrane, qui en faisait grand cas.

Tout cela n'empêche pas de travailler à la membrure du vaisseau de 110 canons. Quoi qu'en disent les ingénieurs, il y a dans l'arsenal place pour tout.

En général, on se plaint que vos bricks sont lourds et trop forts. Recommandez à l'ingénieur de les alléger et de les rendre moins coûteux.


Bayonne, 11 mai 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Vous pensez que le cabotage est insuffisamment favorisé en France; je suis loin de le croire. Supposé que j'aie à Bayonne deux corvettes bonnes marcheuses; que j'aie dans la rivière de Bordeaux deux vaisseaux de 50 à 60 canons, deux frégates et deux bricks, sous le commandement d'un contre-amiral ayant l'ordre d'appareiller tous les jours; que j'aie en rade de l'île d'Aix une escadre de quelques vaisseaux; que j'aie dans la Loire un ou deux vaisseaux de 50 ou de 60 avec deux ou trois frégates, commandés par un contre-amiral ayant les mêmes ordres; que j'aie dans la Vilaine un vaisseau et deux frégates : pensez-vous que les stations ennemies pourraient bloquer Bordeaux, par exemple, avec deux frégates ? Il faudrait une escadre de plusieurs vaisseaux. Les Anglais ne tarderaient pas à être convaincus que ces croisières leur coûteraient trois ou quatre fois les prises qu'elles pourraient faire, et ils prendraient sur-le-champ le parti de renoncer à bloquer cette rivière. Croyez-vous actuellement que si, sous les ordres de ces chefs d'escadre, il y avait quelques péniches, quelques chaloupes canonnières entre Bordeaux et Rochefort, la Rochelle, les Sables, etc., les péniches ennemies pourraient se présenter ? Le cabotage est le plus grand bien de la France, et l'on envoie des vaisseaux pour être maîtres au loin, lorsqu'on ne cherche pas à l'être près. Le blocus des côtes de la France ne coûte à l'Angleterre que quelques frégates; il faudrait organiser la défense des côtes de manière à obliger les Anglais à y tenir plusieurs vaisseaux. Pour bloquer un vaisseau qui serait toujours en appareillage, il en faudrait aux Anglais au moins quatre dans un an.

Je me résume : la Garonne à Bordeaux, la Loire à Nantes, sont les deux grandes artères de la France; il faut y avoir deux contre-amiraux, six vaisseaux de 50 à 60 et six frégates. Il faut que ces contre-amiraux soient chargés de donner le mouvement aux bâtiments légers qui seraient sous leurs ordres, et se tiennent constamment en appareillage. Il faut me faire construire deux vaisseaux de 64 à Bordeaux et deux à Nantes. Ces vaisseaux seront destinés à protéger la côte et à défendre ces deux grandes artères de l'Empire. Au lieu de cela, il n'y a rien en appareillage an bas des rivières de Bordeaux et de Nantes, si ce n'est de mauvaises corvettes qui ne marchent pas et qui ne sont d'aucun résultat. Il faudrait aussi, à l'escadre de Flessingue, un ou deux vaisseaux de 50 ou 60.

Quant à la question de la marche, il me semble qu'ils devraient aussi bien marcher que des vaisseaux de 74, en les proportionnant en conséquence dans toutes leurs dimensions.

Donnez l'ordre aux officiers qui commandent les vaisseaux en rade de Toulon et de Lorient de faire de fréquents appareillages, de sortir et de présenter le combat aux croisières inférieures à leur force, et de se tenir en état de mobilité continuelle. Donnez le même ordre au contre-amiral Missiessy, qui doit avoir à présent sous ses ordres les deux frégates hollandaises.

Envoyez un officier au Texel pour prendre connaissance de l'état des vaisseaux. Parlez à Paris à Ver Huell , et dites-lui que je suis fâché de ne pas voir au Texel 8 vaisseaux; ils occuperaient 8 vaisseaux anglais, qui ne seraient pas occupés ailleurs.

Faites mettre un vaisseau sur la cale du Superbe, à Gênes, et passez des marchés pour en mettre en construction à la Spezia; cela emploiera les bois des Apennins, de la Toscane, mettra de l'activité dans un beau port et donnera la vie à l'extrémité de l'Empire.

Donnez-moi tous les jours des nouvelles de mes ports. Pourquoi, à Brest, n'y a-t-il pas déjà un vaisseau en appareillage, comme du temps de Ganteaume ? Cela effrayerait les Anglais, leur ferait tenir une escadre plus forte et exercerait nos matelots.


Bayonne, 11 mai 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Les gabares qui étaient chargées de bois dans ce port restent chargées. Au mois d'octobre vous aurez soin d'ordonner que les matelots des classes qui doivent se rendre à Rochefort passent ici. On en armera les trois gabares et on les enverra, dans l'hiver, chargées de bois à Rochefort, où l'on s'en servira pour armer l'escadre.

Il est nécessaire de faire deux choses, 1° d'ordonner qu'une partie des fournisseurs de bois à Bayonne versent dans la Garonne en augmentant un peu leurs prix, car Bayonne est encombrée de bois qui pourrissent : il faut donc faire un changement aux arrondissements : il est des localités où, avec 30 à 40 sous de plus par pied cube de bois, on verserait à Bordeaux; 2° faire le transport des bois par terre. Les bois de Bayonne s'arrêteraient à Mont-de-Marsan, où l'Adour les conduira facilement, et de Mont-de-Marsan ils seraient conduits par terre jusqu'à Langon, où on les embarquerait sur la Garonne. De Mont-de-Marsan à Langon il n'y a que trois journées de charrette. Les frais de ce transport ne peuvent pas revenir à plus de 2 ou 3 francs par pied cube, ce qui n'est rien en comparaison de ce que coûte le transport par mer. il serait même facile d'exiger que les Landes fournissent quatre ou cinq cents voitures pour transporter le bois d'ici dans la Gironde.

Il y a ici un petit aviso. J'ai ordonné qu'on l'armât sur-le-champ. Je le ferai charger de fusils et je l'expédierai pour Montevideo.

Ce port est très-favorable pour l'expédition des mouches. Il n'est jamais bloqué, et, quoiqu'il soit dans un enfoncement, la mer devient si large qu'on a beaucoup de chances pour sortir.

La manière dont on se laisse bloquer à Bordeaux est ridicule. Il ne coûte au roi d'Angleterre qu'une frégate pour couper la communication de l'Espagne et du Portugal avec Bordeaux. Cette frégate se tient sur la Teste. Une autre frégate intercepte la communication entre Brest et Bordeaux. Cela est par trop fort. Je vous ai prescrit dans ma lettre de ce jour des dispositions à ce sujet.

J'irai, avant un mois, à Nantes et à Rochefort. Je désire beaucoup avoir quelque chose à voir là. Maintenez les ordres à la Vénus et à la Junon, au Havre, de se rendre à Cherbourg. Rendez-moi un compte général de ce que j'aurai dans mes ports au mois de septembre prochain, afin de ne pas attendre au dernier moment, soit en vaisseaux, soit en frégates, soit en gabares.

Faites-moi connaître les petits bâtiments, corvettes, lougres, etc., que vous avez expédiés dans l'Amérique espagnole.

Je désire qu'on arme au Havre l'Amazone pour la joindre à la Vénus et à la Junon; ce qui, joint à l'Élisa, qui va être mise à l'eau cette année, fera 4 frégates , qui obligeront les Anglais à tenir 4 frégates devant le Havre, si elles ne trouvent pas à sortir avant l'équinoxe.

La Pallas, l'Elbe, la Renommée et la Clorinde vont bientôt être mises à l'eau à Nantes. Quatre ou cinq frégates là obligeront les Anglais à multiplier leurs moyens.

Je suppose que la Bellone et l'Adélaïde sont à l'eau à Saint-Malo.


Bayonne, 11 mai 1808

Au prince Camille Borghèse, gouverneur général des départements au-delà des Alpes, à Turin

Vous trouverez ci-joint un décret que j'ai pris pour l'établissement d'un port militaire à la Spezia. Ce port étant dans votre gouvernement, je désire que vous y envoyiez le meilleur ingénieur militaire que vous ayez, et que vous chargiez le sieur Lescalier, préfet maritime de Gênes, d'y envoyer de son côté le meilleur officier de marine de Gênes et un ingénieur constructeur, pour dresser un mémoire détaillé, avec des plans, sur ce port, dans le double but de la terre et de la mer. Vous leur donnerez à résoudre les questions suivantes : L'air est-il sain ? Quel est le lien où l'on doit établir l'arsenal de la marine ? Peut-on donner cette destination au lazaret actuel ? Quel est remplacement où il faut établir des cales pour la construction des vaisseaux ? L'établissement de ces cales sera-t-il difficile ? Combien cela coûtera-t-il ? Quand pourront-elles être établies ? Pourra-t-on , dès le mois de juillet, mettre sur la cale un vaisseau de 74 ? En quoi consistent les fortifications de terre, et quelles dépenses faut-il faire
pour défendre l'arsenal et mettre les différents établissements à l'abri d'un coup de main de la part de l'ennemi ? Y a-t-il de l'eau en quantité suffisante pour une escadre ?


Bayonne, 11 mai 1808, dix heures du matin

A Joachim, Grand-Duc de Berg, lieutenant général du royaume d'Espagne, à Madrid

Vous trouverez ci-joint la lettre du roi Charles au conseil de Castille. C'est une espèce de proclamation à la nation, par laquelle ce prince annonce qu'il m'a cédé tous ses droits. Communiquez-la au conseil, en accélérant ou retardant sa publication, selon les circonstances.

Le prince des Asturies m'a aussi cédé tous ses droits comme prince des Asturies . On signe dans ce moment le traité, qui est commun à l'infant don Carlos, à l'infant don Antonio et à l'infant don Francisco. Le chanoine est resté pour signer.

Les trois princes sont partis ce matin à cinq heures; ils couchent à Mont-de-Marsan et seront demain soir à Bordeaux. Le prince des Asturies mène avec lui le duc de Sau-Carlos, son ancien gouverneur, et quelques chambellans qui n'ont pas de nom. Le duc de l'Infantado est resté ici.

Il faut savoir ce que vous voulez faire des gardes du corps. Rappelez ceux qui sont à Tolosa et à Vitoria, et tenez-les réunis; c'est le moyen de les empêcher d'être dangereux. Je pense qu'il ne faut point les tenir à Madrid. Vous pouvez diriger sur France celui qui est à Madrid. On m'assure que celui qui porte des revers jaunes s'est mal comporté. Faites connaître aux Suisses que je ratifie leurs capitulations, et que je compte sur leurs services. Je pense que vous pouvez appeler à vous le régiment suisse qui est à Tarragone, et le mettre sous les ordres du général Rouyer. Il faudra alors deux généraux de brigade, que vous pouvez prendre dans ceux au service de l'Espagne. Je ne sais pas s'il y a un autre régiment suisse. Si l'on pouvait en former une division de quatre régiments, formant 6 à 7,000 hommes, cela pourrait être utile, car il est très-important d'occuper en force le point essentiel de Cadix.

Je suppose que vous recevez des nouvelles de l'Aragon. Écrivez aux archevêques, évêques, intendants et aux personnages influents du pays. Envoyez-y des moines des couvents de Madrid, et, enfin, envoyez auprès du capitaine général.


AU CONSEIL SUPRÊME DE CASTILLE, etc.

Dans ces circonstances extraordinaires, nous avons voulu donner une nouvelle preuve de notre amour à nos aimés sujets, dont le bonheur a été pendant tout notre règne le constant objet de nos sollicitudes. Nous avons donc cédé tous nos droits sur les Espagnes à notre allié et ami l'Empercur des Français,
par un traité signé et ratifié, en stipulant l'intégrité et l'indépendance des Espagnes, et la conservation de notre sainte religion, non-seulement comme dominante, mais comme seule tolérée en Espagne.

Nous avons en conséquence jugé convenable de vous écrire la présente pour que vous ayez à vous y conformer, à le faire connaître et à seconder de tous vos moyens l'Empereur Napoléon. Montrez la plus grande union et amitié avec les Français, et surtout portez tous vos soins à garantir les royaumes de toute rébellion et émeute.

Dans la nouvelle position où nous allons nous trouver, nous fixerons souvent nos regards sur vous, et nous serons heureux de vous savoir tranquilles et contents.

Donné au palais impérial dit du Gouvernement, le 8 mai 1808,

MOI, LE ROI.

Extrait du Moniteur du 16 mai 1808.


Bayonne, 11 mai 1808

A Joachim, Grand-Duc de Berg, lieutenant général du royaume d'Espagne, à Madrid

Il y a à Madrid une grande quantité de cartes et de papiers sur un voyage en Egypte, en Afrique, dans l'Asie Mineure, fait, depuis 1803, par un Espagnol qui vient d'arriver ici et qui a porté dans ces voyages le nom d'Ali-bey-el-Abassi. Ces cartes et papiers sont chez un nommé Amoros, secrétaire du Roi, ou dans les bureaux du prince de la Paix. Faites prendre tous ces papiers, où il y aura sans doute des renseignements utiles.


Bayonne, 11 mai 1808, sept heures du matin

A Joachim, Grand-Duc de Berg, lieutenant général du royaume d'Espagne, à Madrid

Je vous envoie l'état de l'argenterie que demande le prince des Asturies; il n'y a aucun inconvénient à la lui envoyer.

Je vous ai déjà mandé qu'il était nécessaire que, sur tous les bâtiments qu'on expédierait en Amérique, on embarquât des fusils et des pistolets, dont on a grand besoin dans ce pays-là. Il sera bon d'embarquer aussi sur chaque bâtiment un certain nombre de recrues. Quand on ne mettrait que trente ou quarante hommes sur chaque bâtiment, cela ferait un très-bon effet eu Amérique, parce que ces colonies verront qu'on pense à elles. Chargez le ministre de la marine de faire le relevé des bâtiments envoyés en Amérique et d'y faire embarquer des fusils et des recrues.

Faites-moi connaître s'il est vrai que les Espagnols ont en dépôt à Rio-Janeiro plusieurs millions de piastres.

Quel est le nombre de petits bâtiments, mouches, avisos, etc., qu'on expédie en Amérique ? Il faudrait qu'il y en eût au moins douze. Ces petits bâtiments devraient être chargés de lettres de la junte, avec les pièces à l'appui et des lettres du ministre de la marine, dont on ferait douze copies. Je pense que les points où il faut surtout envoyer ces expéditions sont le Mexique et Rio de la Plata. Il faudrait donc destiner pour chacun de ces points six frégates bonnes marcheuses Envoyez un des paquets à Junot, qui fera partir de son côte un goélette de Lisbonne. Il faut profiter de toutes les circonstances. Le ministre de la marine fera faire en outre un grand nombre de copie des pièces, et les enverra par le commerce et par toutes les occasions. Envoyez-m'en trois ou quatre copies, que je ferai partir par les petits bâtiments de mes ports , qui restent à expédier.

J'attends avec impatience l'état de situation des troupes de terre e de marine. Faites envoyer par le ministre l'ordre à l'escadre espagnole qui est à Mahon de se rendre à Toulon. Il ne faut pas qu'elle reste à Mahon. Elle a pour points de relâche les ports d'Ajaccio, de Saint Florent, où elle sera à l'abri d'une force supérieure; elle a Gênes, La Spezia, le golfe Juan, qui sont bien armés et bien protégés. Enfin quel que soit celui de mes ports où elle arrivera, je me charge de la nourrir et de l'entretenir.

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P. S. Vous trouverez ci-joint un traité que j'ai fait avec le prince des Asturies, par lequel il me cède tous ses droits. Je vous enverra demain la proclamation de ce prince.


Bayonne, 11 mai 1808, minuit 

A Joachim, Grand-Duc de Berg, lieutenant général du royaume d'Espagne, à Madrid

Je reçois votre lettre du 9 à une heure et demie du matin. Je vous ai mandé que le prince des Asturies était parti hier. Je ne vous enverrai que demain la proclamation de ce prince aux Espagnols.

Vous êtes dans l'erreur quand vous croyez que je dois quelque chose à l'Espagne pour mon escadre de Cadix. Les dépenses qu'elle a faites l'ont été à mes frais. Je suis en compte double avec eux, et ils me doivent au contraire beaucoup. Le fait est que c'est un pays où il n'y a pas d'ordre. Engagez le sieur Laforest à me faire un mémoire sur la situation des finances d'Espagne. Il y a de l'argent dans les ports et dans les villes, et l'on trouverait facilement quelques millions pour pourvoir aux dépenses.

Il est minuit; il y a deux heures que le feu a pris à une mauvaise baraque dans la ville; dans ce moment, il est éteint.

J'attends avec impatience la situation de la marine, des forces de terre et des finances. Je désire beaucoup avoir des nouvelles de Cadix; cela m'intéresse fort.

Faites écrire par la junte à Valladolid et en Galice, où il parait qu'il y a quelque fermentation. Fixez bien vos regards pour bien connaître les troupes qui sont en Galice, en distinguant celles qui sont à Porto sous les ordres du général Junot; il est très-important d'avoir des idées claires là-dessus. J'attends des nouvelles d'Aragon.

Le sieur Laforest fera connaître dans son mémoire à combien se monte la dette publique.

Envoyez-moi un mémoire sur les quatre places que l'Espagne possède en Afrique, sur la force des garnisons, sur l'état des fortifications, sur la quantité de munitions de guerre et de bouche, sur l'état des ports; si un brick, une frégate et un vaisseau à deux ponts peuvent y entrer, et si on communique de l'un à l'autre.


Bayonne, 11 mai 1808, minuit

Au maréchal Bessières, commandant la Garde Impériale, etc., à Burgos

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 10. Mes malades courent le risque d'être assassinés à Valladolid; vous pourriez y laisser deux ou trois régiments portugais. Vous avez deux régiments qui n'arrivent que le 15, le 16 et le 17, à Burgos. Vous devez être à même de réunir ces troupes à Valladolid, où elles seraient en force pour contenir la populace. Il faut placer les 2e et 3e régiments d'infanterie portugais, qui sont arrivés le 11 et le 12, sur la route de Burgos à Vitoria et sur celle de Burgos à Santander. Laissez le régiment de chasseurs à cheval à l'endroit où il se trouve, entre Valladolid et Burgos, et donnez l'ordre au 4e et au 5e régiment d'infanterie et au 3e de cavalerie de se réunir à Valladolid. Chargez un général portugais de se tenir entre Valladolid et Burgos pour protéger mes malades à Valladolid. Par ce moyen, pour peu qu'il y ait la moindre insulte dans cette ville, vous vous y porteriez avec trois régiments portugais; vous feriez rétrograder à grandes marches deux autres régiments portugais; vous joindriez à cela une partie du 22e de chasseurs, 10 pièces de canon et la moitié de l'infanterie que vous avez à Burgos, et vous donneriez à cette ville une si sévère leçon qu'elle ne serait pas tentée de recommencer. Vous donneriez l'ordre au général Verdier de faire filer deux régiments sur Burgos; il resterait à Vitoria avec un régiment, et enverrait l'ordre au régiment provisoire qui est à Tolosa de venir le joindre.

Envoyez un officier au général Junot pour qu'il réunisse à Almeida, sous le commandement d'un général de division, 4,000 hommes pour contenir les villes de Ciudad-Rodrigo, Salamanque et Valladolid. Vous trouverez ci-joint un ordre que vous lui ferez passer à cet effet. Ce corps sera à votre disposition en cas de mouvements en Galice. Ecrivez à Valladolid et à Salamanque pour leur faire sentir le danger qu'elles courent si elles ne restent point tranquilles. Je suis surpris qu'à la première nouvelle que vous avez eue que l'esprit était mauvais dans ces villes vous n'y ayez pas écrit.

En résumé, le 3e régiment de cavalerie portugais de 270 homme les chasseurs à pied portugais formant 600 hommes, le 5e régime d'infanterie portugais de 600 hommes, le 4e d'infanterie portugais de 500 hommes et le régiment de chasseurs à cheval portugais de 100 hommes, ce qui fera 2,000 hommes sous les ordres du général brigade Mozinho, doivent rester cantonnés à Valladolid et entre Valladolid et Burgos. Au moindre événement, les troupes se concentreront sur Valladolid, avec une partie du 22e de chasseurs français, l'artillerie de la Garde et celle du général Merle, c'est-à-dire avec dix à douze pièces de canon et la moitié de votre infanterie; et, étant ainsi force de 7 à 8,000 hommes, vous donnerez une sévère leçon à la ville de Valladolid. Ce cas arrivant, les 17e et 18e régiments provisoires, qui forment la brigade du général Sabatier, avec 8 pièces de canon, se rendraient en toute diligence à Burgos. Le général Verdier resterait à Vitoria avec le 13e régiment provisoire et le 14e, qu'il ferait venir de Tolosa, 8 pièces de canon et le 10e de chasseurs. Il réunirait à lui les 1er, 2e et 3e régiments portugais formant près de 2,000 hommes, ce qui, avec la brigade française, lui ferait encore près de 6,000 hommes. Ainsi, pendant que vous arriveriez à Valladolid, les troupes que vous auriez tirées de Burgos y seraient à peu près remplacées.

Pour peu que vous continuiez à avoir des inquiétudes sur la Galice, Salamanque et Valladolid, attirez à vous la brigade du général Sabatier, que vous ferez remplacer à Tolosa par la brigade portugaise du général Carcome Lobo, composée des ler, 2e et 3e régiments d'infanterie. Le général Verdier aura les 3e et 14e régiments provisoires et le 10e de chasseurs. Au moindre événement, il serait secouru par un régiment de deux bataillons de 1,200 hommes, qui pourront sorti de Saint-Sébastien.

Je vous recommande de parler haut, de faire faire des démarche auprès des villes de Valladolid et Salamanque, d'y envoyer des prêtres et des chefs de couvents. C'est en parlant haut que vous empêcherez ces gens-là de faire des sottises. Si vous croyez qu'ils aient besoin d'une correction, faites avancer à une marche 4,000 Français avec 10 pièces de canon, que vous placerez de manière à y être en une marche forcée ou, au plus, en deux petites marches.


Bayonne, 11 mai 1808

Au général Junot, commandant l'armée du Portugal, à Lisbonne

Mon intention est qu'immédiatement après la réception du présent ordre vous envoyiez le général Loison avec 400 hommes de cavalerie, 16 pièces de canon et 3,200 hommes d'infanterie, à Almeida, de manière à y réunir en tout 4,000 hommes. Il s'y rendra en toute marche. D'Almeida il se mettra en correspondance avec le maréchal Bessières, à Burgos. Il contiendra les villes de Ciudad-Rodrigo, Sala- manque et Valladolid. S'il se faisait la moindre insulte aux Français, il punirait sévèrement les villes qui en seraient coupables. Il marchera au secours du maréchal Bessières, si cela est nécessaire.


Bayonne, 11 mai 1808

DÉCISION

Le prince de Neuchâtel, major général, met sous les yeux de l'Empereur un rapport de M. Denniée, intendant général de l'armée d'Espagne, duquel il résulte que cette armée, conservant son effectif actuel, aura besoin, pour la fin d'août, de farines et de viande, que les ressources du pays ne peuvent offrir et qu'il faudra faire venir de France.

Le major général, prince de Neuchâtel, demande les ordres de l'Empereur au sujet des conclusions du rapport de l'intendant général Denniée.

Il faut lui répondre qu'on ne doit s'attendre ni à l'arrivée de farines ni à l'arrivée de viande de France; que ce rapport est ridicule; que, si l'armée restait cantonnée aux environs de Madrid, cela serait juste; mais quand elle sera dans la Grenade ou dans la Murcie, il ne manquera pas de ressources pour qu'elle soit parfaitement nourrie. On ne doit s'attendre
à rien recevoir de France. 


Bayonne, 11 mai 1808

DÉCISION

M. Bigot de Préameneu, ministre des cultes, écrit à 1'Empereur pour lui proposer un moyen de correspondre avec la cour de Rome sans l'intervention de la légation, qui vient d'être supprimée. M. Multedo, directeur de la poste aux lettres de France à Rome, lui semble pouvoir servir d'agent au Gouvernement impérial.

Renvoyé à l'évêque de Poitiers, pour faire un mémoire sur cette question. Quels moyens y aurait-il de n'avoir aucune communication avec la cour de Rome que pour ce qui est porté dans le Concordat, c'est-à-dire l'institution des évêques, et, pour tout le reste, n'avoir affaires qu'aux évêques et aux métropolitains ?


Bayonne, 11 mai 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan

 Mon fils, toute l'escadre russe est sous mes ordres. J'ai reg l'état de situation de celle qui est à Lisbonne, au 1er février. Écrivez à mon consul, à Trieste, pour demander celui de l'escadre russe, qui est dans ce port, et faites vous adresser le paquet, pour que vous puissiez, me l'envoyer par l’estafette.

Il y a plusieurs frégates à Livourne. Envoyez là quelqu'un pour voir le parti qu'on pourrait en tirer. Il ne me serait pas difficile de me faire céder deux frégates russes, qui sont là pour augmenter ma marine à Venise, mais je ne ferai ces arrangements que pour des bâtiments qui en vaudraient la peine. Il y a aussi des vaisseaux de 64. Faites-moi connaître le nombre de petits bâtiments russes qui sont à Venise, et s'ils sont de quelque valeur. Il me sera également facile de me les faire céder.

(prince Eugène)


Bayonne, 11 mai 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan

Mon fils, donnez ordre qu’on n'ait aucun égard aux bâtiments sardes qui s'intitulent courrier de la légation russe. Je vous redis d'intercepter les lettres du ministre de Russie en Sardaigne, et qu'aucune ne passe. On n'attache aucune importance, en Russie, à cet imbécile de ministre; mais encore vaut-il mieux qu'il ne passe pas de ses lettres.

(prince Eugène)


Bayonne, 12 mai 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures, à Bayonne.

Monsieur de Champagny, donnez ordre à mes consuls à Carthagène, à Alicante, à Cadix, à Majorque, à Minorque et à Barcelone que, indépendamment des comptes qu'ils vous rendent, ainsi que mon ministre de la marine, sur ce qui se passe dans la Méditerranée, ils envoient exactement les mêmes rapports au préfet maritime de Toulon sur les événements de la mer et les mouvements de l'ennemi afin qu'il en instruise les commandants des escadres espagnoles.


Bayonne, 12 mai 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures, à Bayonne

Monsieur de Champagny, réitérez à mon ambassadeur à Saint-Pétersbourg qu'il est inutile qu'il corresponde avec mes ministres à Copenhague et à Constantinople et écrivez à mon ministre à Copenhague qu'il de doit avoir aucune correspondance avec mon ambassadeur en Russie.

(Brotonne)


Bayonne, 12 mai 1808

A M. Bigot de Préameneu, ministre des Cultes, à Paris

Monsieur Bigot de Préameneu, j'ai reçu votre lettre du 4 de ce mois. Il n'y a pas d'inconvénient à faire une circulaire aux évêques et à leur faire connaître que la mission du légat est terminée, que dès ce moment, ils rentrent dans la plénitude de leur autorité apostolique, et que, quant à leur correspondance avec Rome pour les bulles, les nouveaux évêques, doivent faire passer leurs demandes par le canal du sieur Multedo, directeur des postes à Rome. Il convient que vous écriviez au sieur Multedo que toutes les dépêches de la cour de Rome soient adressées au conseiller d'État directeur général des postes, qui les transmettra aux individus. Vous écrirez aussi à ce directeur général qu'il doit s'assurer que ces correspondances ne renferment rien de contraire au bien de l'État.

Quant à l'autorisation d'avoir recours à Rome pour autre chose que les bulles, c'est un objet très-contentieux. Les évêques ont ces pouvoirs pour l'année; ils peuvent les prendre pour toujours. Plusieurs évêques de France avaient conservé ces droits ; d'autres les ont cédés à la cour de Rome. D'après des lois comme celles du Concordat, j'entends qu'il soit dit que tous les évêques de France ont été institués dans la plénitude de leurs pouvoirs; qu'ainsi, pour donner les dispenses, ils n'ont pas besoin de la cour de Rome. Je veux m'en passer, voilà mon but. Mais il est nécessaire de faire sur cela un mémoire et de bien consulter la question. Ce qui m'importe, c'est que trois ou quatre mauvais sujets qui sont à Rome n'exercent pas d'influence sur les consciences. En résumé, faire connaître aux évêques que la mission du légat est terminée et qu'ils rentrent dans leurs pouvoirs; faire passer les demandes des nouveaux évêques par le canal du sieur Multedo, et lui ordonner de faire passer toutes les lettres au directeur général des postes; enfin faire un rapport sur ce qu'il convient de faire pour mettre mes peuples à l'abri des intrigues et des mauvaises dispositions de la cour de Rome.


Bayonne, 12 mai 1808

A M. Cretet, ministre de l'intérieur, à Paris

Monsieur Cretet, je reçois votre rapport du 4 de ce mois. Je désire que vous continuiez à m'envoyer de semblables renseignements, parce que je veux mettre des hommes sur tous les bâtiments expédiés, ce qui aura le double avantage de renforcer les équipages et de recruter les garnisons de mes colonies. Engagez les armateurs à en faire la demande. L'assurance me paraît bien forte à 40 pour 100. Vous avez vu la mesure que j'ai prise dans mon décret en faveur du commerce de Bordeaux; j'ai supposé qu'on ferait quinze expéditions, et j'ai ordonné la mise en réserve du quinzième du produit de chaque expédition au retour. La valeur de chaque expédition au retour est à celle de la première mise comme 1 est à 4; ainsi, en retenant le quinzième de l'expédition au retour, c'est comme si on avait retenu le quart de l'expédition au départ. Par cette retenue du quinzième sur quinze bâtiments, on a donc de quoi couvrir ou indemniser la perte de quatre bâtiments. Cette assurance est la plus raisonnable de toutes. A Bayonne, où le commerce est dans l'intention d'expédier quatre bâtiments qui mettent tous leurs risques en commun, s'il en arrive un en retour, il n'y aura ni gain ni perte ; s'il en arrive deux, il y aura un bénéfice de 40 pour 100.

De ce qui a été fait pour Bordeaux est venue l'idée de former à Paris, à la Banque ou ailleurs, une chambre d'assurances. Le fonds de l'assurance serait fait, 1° par le versement dans la caisse de la chambre de 5 pour 100 de la valeur de l'expédition au départ de tous les bâtiments expédiés pour les colonies ; 2° par la retenue d'un quinzième de la valeur de chaque expédition au retour, dont le versement serait aussi fait dans la caisse de la chambre. Les bâtiments qui viendraient à périr par accident de mer ou à être pris par l'ennemi seraient remboursés aux armateurs sur la caisse de la Banque, en totalité ou au marc la livre du produit des 5 pour 100 et du quinzième de réserve. Ce remboursement se ferait à raison de la valeur de l'expédition, non au retour, mais au départ. Cette idée ne doit être considérée que comme un aperçu; mais, au moyen d'un peu de discussion avec la chambre de commerce et avec les hommes qui ont pratiqué des opérations de cette espèce, on pourra parvenir à la réaliser. Le projet de décret vous fera mieux connaître mes vues.


Bayonne, 12 mai 1808

A M. Cretet, ministre de l'intérieur, à Paris

Monsieur Cretet, vous recevrez un décret par lequel j'ai modifié l'emploi des deux centimes de non-valeurs. Les deux centimes de non-valeurs forment une somme annuelle de 4 à 5 millions; le tiers, que je mets à votre disposition pour les accidents extraordinaires, fera donc une somme de plus de 1,500,000 francs. Entendez-vous avec les ministres des finances et du trésor public, afin que les dispositions pour assurer la rentrée de ce fonds soient prises sur-le-champ. Aussitôt que j'en connaîtrai le montant, je vous donnerai un crédit considérable pour le Piémont. Il est ridicule que, pour de tels accidents, on ne puisse pas disposer de moyens suffisants. Je ne vois pas de difficulté à vous accorder le quart du montant du tiers des centimes de non-valeurs pour le Piémont; je vous donnerai ensuite ce qu'il faudra pour les incendiés. Il est nécessaire que vous suiviez avec activité l'exécution de mon décret, parce que le ministre des finances ne manquera pas de se faire tirer l'oreille.


Bayonne, 12 mai 1808

A M. Gaudin, ministre des finances, à Paris

Les deux centimes de non-valeurs se distribuent de deux manières: un centime est mis à la disposition des préfets; l'autre centime est distribué par le ministre des finances en vertu de mon autorisation. Vous recevrez sur ce sujet un décret qui doit avoir un effet rétroactif. Par ce décret, le montant des deux centimes de non-valeurs sera divisé en trois parties : un tiers sera mis à la disposition des préfets; un autre tiers sera distribué par le ministre des finances pour les accidents ordinaires, et le dernier tiers par le ministre de l'intérieur pour les accidents extraordinaires, tels que tremblements de terre, incendies, inondations. Ce tiers donnera à peu près une somme de 1,500,000 francs, qui sera plus utilement employée que ne le sont les deux centimes en suivant le mode actuel.


Bayonne, 12 mai 1808

A M. Gaudin, ministre des finances, à Paris

Les choses vont très-mal en Toscane. Vous recevrez un décret que je viens de prendre pour l'établissement d'une junte extraordinaire pour administrer ce pays. Vous l'enverrez par l'estafette au général Menou. Vous l'enverrez par l'estafette au préfet de Bruxelles, qui se rendra en poste à Florence et devra y être arrivé avant le le, juin. Vous donnerez les mêmes ordres aux deux maîtres des requêtes Janet et de Gérando, qui sont à Paris, et à l'auditeur faisant fonction de secrétaire général. Vous chargerez spécialement un de vos chefs de division de suivre les affaires de Toscane, et le secrétaire général de la junte s'entendra avec lui.

Voici l'instruction que vous donnerez à la junte. Mon intention est qu'au 1er janvier 1809 la Toscane soit organisée comme le Piémont et les États de Parme et de Plaisance, et puisse être régie par les mêmes lois. Il faut donc qu'au ler janvier la ligne des douanes soit portée sur les confins de la Toscane et enferme Livourne. Il sera nécessaire pour cela que le sieur Collin fasse une tournée en Italie dans le courant de l'été. L'imposition directe doit être sur le même pied qu'en Piémont; mais les unes et les autres ne doivent subir de changements qu'à partir de 1809. Vous devez avoir envoyé en Toscane des employés de la loterie, de l'enregistrement, des douanes, des contributions directes, etc. Il ne faut y envoyer que des chefs et donner le plus possible les emplois secondaires aux hommes du pays. D'ici au ler janvier prochain, l'intérêt de la dette doit être exactement payé, les contributions doivent être exactement perçues, et la justice rendue à tout le monde. Des pensions militaires, civiles, et à toute la maison du prince, doivent être accordées en suivant le même système qu'en Piémont et en les proportionnant à la quotité des impositions qu'on payait en Toscane.

Des arrêtés de la junte pourront, sans délai, pourvoir à tout cela et à diminuer autant que possible le nombre des mécontents. Les arrêtés que la junte croira urgents, elle les prendra de sa propre autorité; ceux auxquels un délai ne peut être nuisible, elle les rédigera et vous les enverra pour être soumis à mon approbation ; mais de manière cependant à pouvoir marcher et tout établir sur un bon pied. Il faut tout préparer dans le courant de l'été, tant pour l'administration générale que pour l'administration départementale et des villes. Le maître des requêtes Chaban connaît parfaitement les habitudes des départements de France et pourra diriger les préfets. Les maîtres des requêtes Janet et de Gérando connaissent parfaitement l'administration de l'intérieur. Le général Menou et le conseiller d'État Dauchy ont l'expérience de ce qui s'est fait en Piémont. Je désirerais qu'au ler janvier 1809 l'organisation de la régie des sels et tabacs, te!le qu'elle est établie en Piémont, pût passer en Toscane. Vous avez dans la junte des hommes instruits qui travaillent, qui pourront répondre à vos questions et préparer entièrement votre travail. La correspondance officielle doit être signée du président, comme de raison; mais, indépendamment de ce, vous aurez la correspondance avec tous vos chefs d'administration.

Vous vous arrangerez de manière que l'estafette de Rome passe par Florence, afin que la communication soit plus active et plus rapide, et vous aurez soin de m'instruire exactement de tout ce qui se passera là.


Bayonne, 12 mai 1808

A M. Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur Mollien, je viens d'ordonner, par un décret qui vous sera envoyé, que les deux centimes de non-valeurs seraient distribués en trois parts; qu'un tiers serait mis à la disposition des préfets, un tiers à la disposition du ministre des finances, comme cela a toujours été, et qu'un tiers resterait en réserve au trésor comme fonds spécial destiné à des dépenses imprévues. Ce fonds sera distribué chaque mois, par mon ordre, pour accorder des indemnités pour de grandes pertes. Entendez-vous avec le ministre des finances pour l'exécution de cette disposition, et faites-moi connaître à combien ce fonds se montera cette année, vu que je suis pressé de donner des secours pour les tremblements de terre qui viennent d'avoir lieu en Piémont.


Bayonne, 12 mai 1808

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris

Vous recevrez un décret pour l'établissement d'une junte extraordinaire en Toscane, où il y a beaucoup de plaintes. Mon intention est qu'au 1er janvier 1809 la Toscane fasse partie de l'Empire. Il faut donc organiser là une division militaire, une direction d'artillerie, et des services. Le génie aura sans doute déjà fait le plan de Livourne, des fortifications qui existent, et le plan des côtes et de tout ce qui regarde la partie militaire.


Bayonne, 12 mai 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Des bâtiments sont partis de Nantes pour l'île de France; il en part pour la Martinique et la Guadeloupe. Des expéditions se préparent à la Rochelle, à Saint-Malo, à Bordeaux, à Rouen, au Havre. J'aurais désiré que vous eussiez profité du départ des bâtiments qui out été expédiés, pour y mettre 12 ou 15 hommes, afin de recruter les garnisons de mes colonies. Il convient que vous en fassiez passer sur tous les bâtiments qui partiront, et que, à cet effet, vous me préveniez un mois d'avance du nombre qui sera convenu avec les armateurs, pour que je mette des hommes à votre disposition, Mon intention est que vous encouragiez tous ces armements.


Bayonne, 12 mai 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je lis votre état de situation de la marine. Je vois qu'il manque à Toulon deux frégates qui devraient être portées en rade, les deux qui sont venues de Bordeaux. Vous ne portez que 5 frégates, savoir : les 3 qui faisaient partie de la division de Toulon et les 2 venues avec l'escadre de Rochefort et la vieille frégate l'Incorruptible. Je suppose que cela est une erreur. Je vois par cet état de situation qu'à Anvers il n'y a qu'un seul bâtiment, le Dalmate, qui est aux 14 vingt-quatrièmes, qui commence à avancer. Tous les autres sont également retardés. Il serait cependant bien important d'avoir à Anvers au moins 3 vaisseaux, qui, avec le Royal-Hollandais et les 8 que j'ai à Flessingue, feraient 12 vaisseaux; ce serait déjà un beau commencement de forces. Je désirerais que ces 12 vaisseaux pussent appareiller avant le mois de novembre. J'avais jadis ordonné qu'on construisît un vaisseau à deux ponts à Saint-Malo. Je vous ai mandé par ma lettre d'hier de faire mettre à l'eau l'Élisa au Havre, afin d'avoir 4 frégates, qui finiront par arriver à Cherbourg.

Dans tous les temps, on a mis des frégates en rade à Dunkerque. Il y a peu de difficultés à les faire venir à Flessingue. Il serait fort à désirer que la Vistule, l'Oder, la Milanaise pussent être placées en rade de Dunkerque; il y a d'autant moins à craindre pour elles qu'il y a là des bâtiments de la flottille pour les protéger dans les passes. Ces frégates obligeraient les Anglais à tenir devant Dunkerque quatre ou cinq frégates pour les observer. Avant le mois de novembre, ces 3 frégates arriveraient à Flessingue ou feraient le tour de l'Écosse ou iraient dans un autre de mes ports.

Je suppose que la Bellone est lancée à Saint-Malo. Je suppose que le Tonnerre est lancé et qu'il sera en rade avant juillet. J'attends votre rapport sur les 10 vaisseaux que j'ai à Brest; il faudrait en avoir 6 prêts, à toute mission et 4 à armer en flûte. Je ne vois à Lorient que le Polonais, qui sans doute va être mis à l'eau; il est fâcheux qu'on ne pense pas à y mettre l'Eylau. Je n'ai qu'une frégate à Nantes; j'espère que l'Elbe, la Renommée et la Clorinde vont y aller.

Faites en sorte que je trouve ces 4 frégates quand j'irai à Nantes. Activez la mise à l'eau de la Ville-de-Varsovie à Rochefort. Faites activer la frégate le Niemen à Bordeaux. Il est honteux qu'il n'y ait pas de frégates au bas de cette rivière. Prenez des mesures pour qu'à Toulon l'Austerlitz, le Donawerth et l'Ulm soient en rade au mois de septembre; ce qui, avec le Breslau de Gênes, ferait 14 vaisseaux français, et avec les 2 vaisseaux russes, 16. Ce serait une escadre telle, qu'il serait impossible à l'ennemi de la doubler.

Je pense que vous comprenez mon système de guerre. L'Angleterre a, cette année, emprunté un milliard. Il faut la harasser de dépenses et de fatigues. Ses expéditions en Suède et en Sicile lui coûtent immensément. Ses escadres dans la Baltique et dans la Méditerranée lui deviennent très-chères. La Suède manque de tout. Je désire donc mettre toutes mes forces en jeu dans mes rades, mais en appareillage; que les 6 vaisseaux de Brest et les 4 frégates sortent souvent, et que cela passe l'été à faire le jeu de barres. Je désire avoir bientôt 3 frégates en rade de Dunkerque. Je vois qu'il y a à Dunkerque 3 chaloupes canonnières et 8 bateaux canonniers hollandais. Faites descendre les 2 chaloupes canonnières, les 2 péniches et les 4 caïques d'Anvers à Flessingue pour la surveillance de l'escadre. Faites passer de Calais à Dunkerque les 2 péniches et les 4 caïques qui s'y trouvent, ainsi que les 2 chaloupes canonnières hollandaises, afin de protéger les frégates dans la rade de Dunkerque. Les 3 frégates de Dunkerque, les 4 frégates du Havre, celle de Cherbourg, les 6 vaisseaux et les 4 frégates de Brest, la frégate de Saint-Malo, les 3 frégates de Nantes, le Vétéran à Concarneau , les 3 vaisseaux et les 6 frégates de Lorient, les 3 vaisseaux de Rochefort, la frégate de Bordeaux, les 3 vaisseaux et les 3 frégates de Lisbonne outre les 4 vaisseaux russes, les 12 vaisseaux de Cadix y compris les espagnols, les 6 vaisseaux espagnols de Mahon et les 16 vaisseaux de Toulon y compris les russes, tout cela, avec la flottille surtout, mettra promptement l'Angleterre sur les dents.

Il faut que mes frégates du Havre aient l'ordre de se rendre à Cherbourg, ou à Flessingue, ou à Rochefort, et que mes frégates de Nantes se rendent à Rochefort.

Adoptez un bon modèle de petit vaisseau de 60, qui sera destiné pour l'Inde, et mettez-en 2 en construction à Bordeaux et 1 à Dunkerque.

Vous devez avoir reçu mon décret sur la Spezia; il faut qu'il y ait en juin 2 vaisseaux sur le chantier. Les moyens de la Toscane et de l'Italie afflueront là.

Je fais expédier un grand nombre de bâtiments des ports de l'Espagne en Amérique. De Nantes, de Rochefort, de Lorient, de petits bâtiments peuvent partir pour cette destination. Les deux bâtiments que vous avez expédiés pour l'Amérique, vous les avez pris tous deux à Lorient; ce n'est pas multiplier les chances en votre faveur. Les belles frégates sont très-chères ; de simples mouches suffisent pour ces missions.

Du moment que j'aurai l'état de la marine espagnole, je donnerai des ordres pour mettre de l'activité dans tous ses ports.


Bayonne, 12 mai 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je vous ai déjà fait connaître que la manière dont vous faites vos états de situation n'est pas commode pour moi. Je voudrais que les bâtiments à la mer et non rentrés, les bâtiments en partance, les bâtiments employés à la protection des côtes, les bâtiments en armement, les bâtiments désarmés, les bâtiments en réparation, en construction, fussent répétés autant de fois qu'il y a d'arrondissements. Par exemple : le premier arrondissement serait divisé en sept feuillets dont l'un présenterait les bâtiments à la mer, le second les bâtiments en partance, etc.; le second arrondissement serait divisé de même; le troisième, de même, et ainsi de suite. En général, je préfère avoir réuni sous les yeux tout ce qu'il y a dans un port à l'avoir ainsi disséminé.


Bayonne, 12 mai 1808

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de la Grande Armée, à Bayonne.

Mon Cousin, donnez l'ordre au ler régiment d'infanterie de la Vistule, qui arrive le 15 à Poitiers, d'en partir le 17 pour Bordeaux. Donnez ordre que tous les escadrons de marche, même ceux qui sont sous le commandement des généraux Lagrange et Caulaincourt, se rendent à Madrid et soient incorporés dans les régiments provisoires, afin de donner de la consistance à ces régiments. Le 3e escadron de marche fait exception à cet ordre, parce qu'il est composé de détachements dont les régiments provisoires sont à Barcelone; s'il est encore à Vitoria, il y restera; s'il est parti pour Burgos, donnez ordre qu'il ne dépasse pas cette ville. Dans ce dernier cas, vous donnerez ordre au ler escadron du 10e régiment de chasseurs de se rendre à Vitoria, car il est nécessaire que le général Verdier ait 150 à 200 chevaux. Le général Lasalle resterait alors à Tolosa avec un escadron du 10e de chasseurs et le 14e provisoire. Les bataillons de marche qui sont à Aranda se rendront à Madrid pour être incorporés dans les régiments provisoires. Le 1er régiment de marche, qui est à Burgos, se rendra à Aranda. La brigade du général Sabatier, composée des 17e et 18e régiments provisoires avec six pièces de canon et quatre caissons d'infanterie, partira de Vitoria pour Burgos. Cette brigade continuera à être sous les ordres du général Verdier, mais restera à Burgos. La 2e division portugaise, forte de 2,000 hommes et qui n'a pas encore dépassé Burgos, restera cantonnée entre Burgos et Valladolid. Le maréchal Bessières aura ainsi 5,000 hommes de renfort, qui lui permettront de se porter sur Salamanque, dans la Galice et sur les points qui seraient inquiétés, avec 10,000 hommes et quinze pièces de canon, et il aurait encore de quoi laisser une bonne garnison à Burgos pour garder les hôpitaux. La 1e division portugaise, qui a déjà dépassé Burgos, sera concentrée à Vitoria ; elle est également de 2,000 hommes. Le général Verdier aura donc 2,000 Portugais, les 13e et 14e régiments provisoires formant plus de 3,000 hommes, et le 10e de chasseurs, ce qui lui fera plus de 6,000 hommes, indépendamment de 2,000 hommes qu'il pourra tirer de Saint-Sébastien ; si cela arrivait, il aurait donc 8,000 hommes, avec lesquels il pourra répondre de la province. Vous préviendrez le général Verdier qu'aussitôt que les gardes du corps seront partis de Tolosa le 14e provisoire se rendra à Vitoria. En général, je désire que mes troupes soient réunies le plus possible, par la raison que le peuple, qui a l'habitude d'en voir, se révolte dès qu'il apprend qu'elles se sont portées ailleurs.


Bayonne, 12 mai 1808, deux heures après midi

A Joachim, Grand-Duc de Berg, lieutenant général du royaume d'Espagne, à Madrid

Il y a à Vitoria un bataillon wallon: faites-lui donner l'ordre de se rendre à Auch; je m'en servirai en France. S'il y a dans l'Aragon un bataillon de 800 Aragonais, faites-lui donner l'ordre de se rendre à Toulouse; ces régiments serviront à renforcer mes troupes et seront employés en France. Je vous ferai connaître mes intentions plus en détail quand j'aurai reçu l'état de l'armée espagnole que je vous ai demandé.

Il ne faut point disposer de l'Ordre de Charles III; cet Ordre ne peut être conservé, et il faudra lui en substituer un autre.

J'ai fait, comme vous l'avez désiré, le sieur Fréville maître des requêtes, et légionnaire un gendarme qui a été blessé à la journée du 2 à Madrid. J'ai donné la Légion d'honneur au prince de Hohenzollern.

Vous savez que l'Espagne ne m'a rien rendu et que je n'ai point d'argent. Il est donc nécessaire de voir ce qu'il y aura à faire pour les officiers.

J'ai donné ordre que votre régiment s'arrêtât à l'endroit où il se trouvera; mais on ne peut pas l'arrêter avant Bordeaux. Je vous enverrai ce soir la proclamation du prince des Asturies et de tous les infants au peuple espagnol.

Je désire que le conseil de Castille se réunisse pour demander le roi de Naples pour roi d'Espagne, et qu'il fasse une proclamation pour faire sentir l'avantage pour l'Espagne d'avoir pour roi un prince éprouvé et qui a l'expérience d'un règne de plusieurs années.

Je désire qu'il me fasse connaître quelles sont ses idées sur la convocation d'une assemblée de députés des provinces, que je voudrais faire à Bayonne. Par ce moyen, je ne ferais point de proclamation, et je ne paraîtrais que dans cette assemblée avec le nouveau roi. Chaque province ferait ses cahiers de charges pour demander ce qu'elle croirait convenable et exposer le voeu du peuple. Il faudrait que cette assemblée pût être réunie à Bayonne au 15 juin, et qu'elle fût composée, par tiers, de la noblesse, des prêtres choisis moitié dans le haut clergé et moitié dans le bas clergé, et du tiers état. Elle ne devrait pas être de plus de cent à cent cinquante personnes. Je m'en rapporte à l'opinion de la junte sur les moyens de faire choisir les députés.

Mais, avant tout, il faut qu'on me fasse, sous peu de jours, la demande du roi de Naples, et qu'on me l'envoie par une députation du conseil de Castille. Je l'accorderai, et, dès ce moment, le roi sera convenu en l'Espagne, et les Amériques sauront à quoi s'en tenir.


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