16 - 30 novembre 1808


Burgos, 16 novembre 1808

A Alexandre, prince de Neuchatel, major-général, à Burgos

Mon Cousin, donnez ordre au général Frère de diminuer les postes qui sont sur les derrières. Par exemple, le poste de Salinas n'a plus besoin de 200 hommes, une compagnie de 80 hommes suffit; même chose pour les places de Mondragon et de Villareal. Donnez ordre que les chasseurs de Nassau qui sont à Vitoria se rendent à Burgos. Mon intention est que huit compagnies de sapeurs soient destinées pour le siège de Saragosse, et que les sept autres soient destinées pour l'armée, savoir, une compagnie pour chaque corps et deux pour le quartier général. Les compagnies de mineurs doivent être destinées: trois pour le siège de Saragosse et trois pour le quartier général; donnez des ordres en conséquence.

Je vois que, le 5 novembre, le bataillon de chasseurs de la montagne des Hautes-Pyrénées, employé à la défense des frontières, et celui de l'Ariége, étaient sur les frontières de ces départements. Les neiges qui sont tombées dans ces montagnes rendent ces bataillons inutiles; dirigez-les sur Pau, où ils seront sous les ordres de l'adjudant commandant Lomet. Quant aux bataillons de la Haute-Garonne et des Pyrénées orientales, ils seront réunis au 7e corps et seront sous les ordres du général Saint-Cyr. Par ce moyen, l'adjudant commandant Lomet aura les bataillons de trois départements ; ce qui doit faire, je crois, six bataillons et près de 4,000 hommes.


Burgos, 16 novembre 1808, trois heures du matin

Au maréchal Soult, duc de Dalmatie, commandant le 2e corps de l'armée d'Espagne

Le major général vous a expédié des ordres pour entrer à Santander, où je compte que vous serez arrivé aujourd'hui. C'est un grand point pour l'Europe et pour nos opérations. Je vous ai fait soutenir par le maréchal Lefebvre, qui est lui-même soutenu par le général Milhaud, qui est à Palencia et Valladolid.

Il n'y a aucune nouvelle de l'ennemi de la plaine. Le maréchal Ney attaque aujourd'hui Aranda , et le maréchal Bessières , qui s'y porte, inondera sur-le-champ la plaine de cavalerie jusqu'aux montagnes de Madrid.

Il me tarde d'apprendre que vous êtes entré à Santander. Tàchez de confisquer ce qui appartient aux Anglais. Faites mettre le séquestre sur toutes les laines et sur les marchandises anglaises et coloniales.

On prend de tous côtés des hommes de l'armée de Galice ; il paraît qu'ils sont débandés dans tous les sens.


Burgos, 16 novembre 1808, trois heures du matin

A M. de Savoie-Carignan. officier d'ordonnance de l'Empereur, à Burgos

L'officier d'ordonnance Carignan, se rendra à Palencia. Il préviendra le général Milhaud, qui commande les dragons, que, le 13, un parc d'artillerie et des bagages très-peu escortés sont partis de Reinosa pour descendre dans la plaine; que l'armée de Blake, forte de 45,000 hommes, a été défaite aux combats d'Espinosa et de Reinosa; que 15,000 hommes ont été tués ou pris et le reste éparpillé; que les routes sont couvertes de détachements de 2, 3 et 400 hommes qui gagnent la plaine; qu'il est donc essentiel qu'il dirige de fortes patrouilles pour ramasser tout ce qu'elles trouveront.

Il fera connaître au général Milhaud que Bessières est à Lerma et à Aranda avec le maréchal Ney; que le quartier général est ici, et qu'il faut qu'il écrive fréquemment au major général. De là, il poussera jusqu'aux avant-postes, s'ils sont encore à Valladolid, pour savoir des nouvelles de la position de l'ennemi et si les habitants rentrent.

Il prendra note des convois de pain envoyés de Palencia sur Burgos.


Burgos, 16 novembre 1808

Au général Durosnel, écuyer de l'Empereur, à Burgos

Monsieur le Général Durosnel, vous partirez avec l'escadron du grand-duc de Berg, les mameluks et un détachement des dragons de ma Garde, de manière à avoir 150 chevaux en tout, et vous vous dirigerez sur la route de Logrono pour l'éclairer jusqu'à Belorado. Vous saurez là ce qu'on dit de nouveau à la Calzada, où vous enverrez quelques coureurs, et tout ce qu'on dira qui pourrait s'être passé de nouveau du côté de Logrono, du maréchal Moncey et du général Castafios. Prenez avec vous un homme qui parle espagnol. Placez des postes intermédiaires pour la correspondance.

Écrivez au général Lagrange comme si votre lettre devait être interceptée. Vous lui parlerez des succès que nous avons eus, de la destruction de l'armée de Blake, des 60 pièces de canon et des magasins qu'on lui a pris à Espinosa et Reinosa, de l'entrée de nos troupes à Valladolid et à Aranda, de la destruction de l'armée de l'Estrémadure à Durgos, où nous lui avons pris 25 pièces de canon. Vous enverrez un homme du pays en lui proinettant récompense s'il rapporte une réponse. Si les lettres sont prises, cela n'aura pas d'inconvénient. Quand la réponse du général Lagrange dirait seulement qu'il n'y a rien de nouveau , ou des choses qui peuvent être sues, cela serait avantageux ; ce serait une manière prompte de correspondre. Vous mènerez avec vous un ingénieur géographe qui tracera parfaitement la route de Burgos à Belorado.

Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, vous enverrez des partis jusqu'à la Calzada et Santo-Domingo, mais sans compromettre les troupes que je vous confie. Vous laisserez des postes sur vos derrières pour correspondre promptement. Enfin vous aurez soin de vous informer si l'on peut tirer de là des vivres pour Burgos, soit pain , soit farine; commandez-en.


Burgos, 16 novembre 1808

Au capitaine Gillot, officier d'ordonnance de l'Empereur, à Burgos

M. Gillot partira pour se rendre à Santander par Reinosa; il portera la lettre ci-jointe au maréchal Soult. Le but de sa mission est de reconnaître Santander et Reinosa et toute la ligne des montagnes de Reinosa à Santander qui sépare des Asturies.

2 ou 3,000 homnies qu'on laisserait pour garder ce pays peuvent-ils trouver protection dans un fort quelconque à Santander, existant ou qu'il serait facile de faire ?

Reinosa étant la clef de toute cette position, y a-t-il beaucoup de bois aux environs, au moyen desquels on puisse faire un fort en bois comme celui de Praga, où 4 ou 500 hommes puissent garder un plus grand ouvrage de campagne contenant 1,000 hommes ?

On suppose que de Reinosa il y a comme une muraille de montagnes qui sépare des Asturies; combien d'épaisseur a cette chaîne ? Y a-t-il des chemins pour venir à Reinosa ou à Santander ? quelle espèce de chemins ? où aboutissent-ils ? Où faudrait-il se placer pour surveiller tous les mouvements quand on serait sur la défensive, et être certain de tous les mouvements de ce côté ?

Quels sont les chemins qui aboutissent à Bilbao, soit de Santander, soit de Reisiosa ? Quelle espèce de chemins, quelle nature de pays et de montagnes ?


Burgos, 17 novembre 1808.

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris

Écrivez au roi des Deux-Siciles qu'il continue tous les préparatifs de l'expédition de Sicile; que les moyens ne lui manqueront pas; que le véritable moment est la fin de décembre ou le commencement de janvier ; qu'il vous fasse connaître son plan, combien de bâtirnents il a réunis , dans quel port il les réunira; que cela ne doit pas l'empêcher de diriger sur Borne, où je les crois arrivés, le 52e et le 102e; s'il en était, autrement, envoyez-lui un ordre de route pour qu'ils s'y rendent directement.

Vous ferez connaître au roi des Deux-Siciles que j'ai incorporé dans ma Garde l'escadron de chevau-légers de Berg, qui est en Espagne; qu'ainsi il ne doit plus y compter.


Burgos, 17 novembre 1808

Au général Dejean, ministre directeur de l'administration de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Dejean, je ne compte sur aucun des envois que vous m'annoncez. Je vous avais prévenu que rien n'arriverait si vous ne faisiez pas accompagner ces envois par un maréchal des logis ayant une feuille de route où les journées de route fussent bien déterminées. Vous n'en avez tenu aucun compte, et mon armée manque de tout. Je suis obligé d'avoir recours à des moyens extraordinaires, ce qui produit toujours un mauvais effet. Votre bureau d'habillement est composé d'imbéciles. Vos fournisseurs de Paris sont des fripons comme ceux de Bordeaux; il y en a qui ont vendu des effets qui étaient partis pour vous. Cela est votre faute de n'avoir pas organisé vos transports. Je dépense beaucoup d'argent pour être très-mal servi. Le fait est qu'il y a beaucoup de dilapidation.


Burgos, 17 novembre 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le Vice-Amiral Decrès, j'ordonne à la division Molitor et à la division Boudet de se rendre à Lyon. Peut-être les dirigerai-je sur Toulon. Mon intention est que mou escadre et ses transports soient approvisionnés et prêts à tenter l'expédition de Sicile. Le roi des Deux-Siciles réunit 20,000 hommes à Scilla, et prétend avoir les chaloupes canonnières, felouques et petits bâtiments propres au passage de ces troupes. Établissez une correspondance avec ce prince, et faites-moi connaître ce que je dois penser du succès de cette expédition. Dans tous les cas, tenez mon escadre de Toulon en situation de mettre à la voile.


Burgos, 17 novembre 1808

A Alexandre, prince de Neuchatel, major-général, à Burgos

Mon Cousin, faites connaître au commandant de Miranda qu'il est responsable de la tranquillité de la ville, qu'il doit faire fusiller sur place le premier soldat qui pille, et qu'il ait à prendre des mesures pour le prompt rétablissement de l'ordre. Donnez ordre à l'intendant général d'établir un magasin de farine de 100,000 rations, ce qui peut se faire par des réquisitions provenant de tout l'arrondissement.


Burgos, 17 novembre 1808

Au maréchal Bessières, duc d'Istrie, commandant la réserve de la cavalerie de l'armée d'Espagne, à Aranda

Mon Cousin, il est une heure, et je n'ai encore que les nouvelles d'hier à midi, de votre entrée à Aranda. Je suppose cependant qu'hier au soir vous m'avez écrit, et je suis surpris que vos dépêches, qui doivent contenir les renseignements que vous aurez recueillis, ne me soient pas encore arrivées.

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P. S. Il est quatre heures, et je n'ai pas de vos nouvelles.


Burgos, 17 novembre 1808

A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples

Avant de faire des maisons d'éducation et autres établissements de cette espèce qu'on peut faire avec le temps, faites donc payer à mes troupes l'arriéré qui leur est dû.


Burgos, 17 novembre 1808

A M. Gaudin, ministre des finances

Le sieur Lavallette fait des contes. Il ne prend pas des mesure efficaces pour assurer le service des postes. Le passage de la grande armée rendait nécessaires, à chaque poste des Landes, 20 ou 30 chevaux. Mais les administrateurs des postes sont des ganaches accoutumées à d'anciennes routines, dont on ne peut les faire sortir. Il faut que le million de gratification soit employé en grand partie à faire le service des postes dans les Landes. En général, le commissaire des postes marche mal et n'a ni tact ni prévoyance; ses rapports ne contiennent que des babioles. On me fait voyager plus lentement qu'un autre; j'ai fait huit lieues avec les mêmes chevaux. Cependant mon temps et ma santé sont assez précieux. J'ai fait la moitié du chemin à franc étrier; sans cela j'aurais éprouver six jours de retard.

(Lecestre)

Burgos, 18 novembre 1808


Burgos, 17 novembre 1808

A Joachim Napoléon, roi de Naples

Je suppose que vous avez fait confisquer les biens que le duc del Infantado et les autres grands d'Espagne possèdent dans votre royaume. Mes sujets français et italiens ont été pillés en Espagne, et je veux les indemniser sur ces biens. Ne perdez pas un moment à faire mettre le séquestre sur ces biens, si vous ne l'avez déjà fait. On m'assure que la moitié du royaume de Naples appartient à ces grands d'Espagne. Faites faire l'inventaire de toutes ces possessions, et ne levez pas le séquestre sans ma permission. Je perds assez à ces affaires d'Espagne.

(Lecestre)


Burgos, 18 novembre 1808

Au prince Cambacérès, Archichancelier de l'Empire, à Paris

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 12. Les bulletins vous feront connaître que les affaires vont grand train.

Mon intention est de donner le titre de comte au sieur Isolé, préfet du département de la Côte-d'Or. Il établira en conséquence un majorat. Vous me présenterez ses lettres patentes à signer.


Burgos, 18 novembre 1808

Au comte Régnier, Grand-Juge, ministre de la Justice, à Paris

Monsieur le Comte Régnier, nous avons résolu de faire placer dans la salle de notre Conseil d'état les statues en marbre des sieurs Tronchet et Portalis, rédacteurs du premier projet du Code Napoléon, et dont nous avons été à même d'apprécier les grands talents dans les conférences qui ont eu lieu lors de la rédaction dudit code. Notre intention est que nos ministres, conseillers d'état et magistrats de toutes nos cours, voient dans cette résolution le désir que nous avons d'illustrer leurs talents et de récompenser leurs services, la seule récompense du génie étant l'immortalité et la gloire. Nous avons fait connaître nos volontés à notre grand maréchal du palais et à l'intendant de notre Maison; mais nous vous chargeons spécialement de porter tous vos soins à ce que les statues soient promptement faites et ressemblantes. Nous désirons que vous fassiez connaître ces dispositions à nos différentes cours.


Burgos, 18 novembre 1808

Au comte de Romanzof, ministre des affaires étrangères de Russie, à Paris

Monsieur le Comte de Romanzof, j'ai reçu votre lettre du 7 novembre; je l'ai lue avec le plus grand plaisir. Elle m'a trouvé au milieu des camps et des mouvements militaires. J'ai fait connaître à Champagny de quelle manière il doit répondre à la note anglaise. Je suis parfaitement de votre opinion , que la proposition d'admettre au congrès les insurgés espagnols n'est pas une condition sine qua non, puisque les Anglais eux-mêmes déclarent qu'ils ne sont pas leurs alliés. Je prends la confiance de vous envoyer mes idées sur la manière dont je pense que vous pourriez répondre; je m'y crois autorisé par l'amitié qui m'unit à l'Empereur, par l'estime particulière que j'ai pour vous, et par l'intérêt commun que nous avons. Vous ferez à cette note les modifications que vous jugerez convenables. J'insiste seulement pour que vous disiez d'une manière ou d'autre que l'empereur Alexandre a reconnu le roi Joseph et que nos intérêts sont communs et irrévocablement unis. Cela bien dit sera, je crois, un fort argument. J'espère être à Paris plus tôt qu'on ne le pense généralement, et, dans ce cas, j'aurai un vrai plaisir à vous revoir et à vous donner des preuves plus particulières de l'estime que je vous porte.

NOTE.

Le soussigné, ministre des affaires étrangères de Sa Majesté l'empereur de toutes les Russies, a l'honneur de répondre à la note de M. Canning, que l'admission des rois alliés de l'Angleterre au congrès ne peut être l'objet d'aucune discussion, et que la Russie et la France y consentent; que la proposition d'y admettre les insurgés espagnols est contraire aux engagements de Sa Majesté l'empereur de Russie, qui a reconnu le roi Joseph Napoléon; que, si l'Angleterre veut la paix, elle ne peut exiger que ce qu'elle a la puissance de réaliser; que certes elle ne peut se flatter de dominer la France sur terre; que le continent, après quinze ans de guerre, a besoin de repos; que l'alliance de l'empereur Alexandre avec l'empereur Napoléon est à l'abri de tout événement; que l'Angleterre, autant qu'aucune autre puissance, a besoin de la paix; que la Russie et la France sont résolues à ne faire qu'une paix juste et égale, et dans aucun cas ne sépareront leurs intérêts.

Le soussigné réitère la proposition déjà faite d'envoyer des plénipotentiaires dans la ville du continent qu'il plaira à Sa Majesté Britannique de désigner, d'admettre les plénipotentiaires des rois alliés de l'Angleterre; consent de traiter sur la base de 1'uti possidelis, et surtout sur la base de la puissance respective des parties belligérantes, et accepte toute base qui aurait pour but de conclure une paix juste, honorable et égale pour tous les partis.


Burgos, 18 novembre 1808, midi

Au maréchal Bessières, duc d'Istrie, commandant la réserve de cavalerie de l'armée d'Espagne, à Aranda.

Mon Cousin, le major général vous envoie vos ordres de mouvement. Le maréchal Ney se rend sur Almazan et Soria, soit pour couper la retraite de Castafios, soit pour soumettre Soria, ce qui est important. Vous devez lui donner la brigade du général Beaumont, et vous mettre en mesure de lui donner une brigade de dragons, si cela est nécessaire. Il faut, si les localités le permettent, qu'une forte partie de votre cavalerie éclaire sa droite sur la rive gauche du Duero, d'abord jusqu'à Puente de Gormas, et même plus loin.

La 3e brigade de Latour-Maubourg est à la Chartreuse. Je vais la voir à midi, et je la mettrai immédiatement en marche pour Lerma, afin qu'elle puisse vous joindre demain, ou après-demain de bonne heure. Vous aurez ainsi six régiments de dragons qu'il est bon de tenir dans la main. Envoyez le général Lasalle à moitié chemin de Somo-Sierra, et que tout soit éclairé jusq'au pied de cette montagne.

Le maréchal Lannes est parti pour prendre le commandement du corps du maréchal Moncey et de la division Lagrange, marcher droit sur Tudela et attaquer l'ennemi. J'attends demain ici le corps du maréchal Victor.

Le corps du maréchal Soult doit être entré aujourd'hui à Santander. Le général Milhaud poursuit les débris de tout ce qui s'est échappé de la Montana.

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P. S. Si le porteur d'ordres n'était pas encore arrivé, prévenez-en le maréchal Ney, afin qu'il prépare son mouvement. Faites préparer, à Aranda, du biscuit et des vivres pour 40,000 hommes, pour après-demain. L'ennemi occupe-t-il la citadelle de Ségovie ?


Burgos, 18 novembre 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Je suis aussi étonné qu'indigné de ce que je lis dans la dépêche de Carlsruhe du 8 novembre. Écrivez au ministre de la police pour l'inviter à envoyer à Bade un officier de gendarmerie pour arrêter ces individus et les amener à Parîs; entendez-vous avec lui pour cela. Vit-on jamais pareille extravagance ? Vous auriez dû me faire connaître davantage ce que c'est que ces messieurs. On dit que ce Rayneval a la décoration de la Légion d'honneur. Faites- moi connaître ce que cela veut dire.

(Lecestre)


Burgos, 18 novembre 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

J'ai lu la lettre de Mlle Patterson. Répondez à Turreau qu'il lui fasse connaître que je recevrai avec plaisir son enfant, et que je m'en chargerai, si elle veut l'envoyer en France; que, quant à elle, tout ce qu'elle peut désirer lui sera accordé; qu'elle peut compter sur mon estime et sur mon désir de lui être agréable; que, lorsque je me suis refusé à la reconnaître, j'y ai été conduit par des considérations de haute politique; que, à cela près, je suis résolu à assurer à son fils un sort tel qu'elle peut le désirer. Il faut du reste traiter cette affaire doucement et secrètement.

(Lecestre)


Burgos, 18 novembre 1808

A M. Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je reçois votre lettre du 11. Faites mettre à l'École militair Saint-Cyr le jeune Saint-Aignan. Vous ferez connaître que c'est ma volonté. Vous lui ferez connaître également que mon intention n'est pas qu'il se marie qu'il n'ait fait deux campagnes. Vous ferez effectivement conduire. Cette méthode, il faut la prendre pour plusieurs de même espèce.

(Lecestre)


Burgos, 18 novembre 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, les biens qie possèdent les Espagnols en Italie doivent être confisqués et les revenus versés dans une caisse pour en être disposés selon ce qui sera jugé convenable. Les Espagnols ont beaucoup de biens en Italie. Faites mettre le séquestre sur tous ces biens, et faites-en dresser l'inventaire. On a pillé en Espagne mes sujets français et italiens; il faut qu'ils soient indemnisés.

(prince Eugène)


Burgos, 19 novembre 1808

Au prince Cambacérès, Archichancelier de l'Empire, à Paris

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 14 novembre. J'approuve que l'on ne mette le code criminel à exécution que le 1er janvier 1810, si telle est l'opinion du Conseil. Pour le reste des lois, lorsqu'elles auront été portées au Corps législatif, je pense comme vous que , le 15 décembre, ce corps pourrait être dissous.


Burgos, 19 novembre 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Vous trouverez ci-joint un projet de note en réponse à celle de M. Canning. Vous pourrez laisser passer deux ou trois jours à vous consulter avec M. de Romanzof. Ensuite vous ferez partir un courrier intelligent, qui répandra que l'Espagne est soumise ou sur le point de l'être entièrement; que déjà 80,000 insurgés espagnols sont détruits, et qu'un grand nombre arrivent prisonniers en France.

NOTE

Le soussigné a mis sous les yeux de l'Empereur son maître, la note de M. Canning.

Si la guerre ne produisait aucun inconvénient pour l'Angleterre, le soussigné concevrait peu d'espoir d'arriver à la paix.

Les deux Empereurs s'étaient flattés qu'on ne se serait point mépris à Londres sur le but de leur démarche. Le ministère anglais paraît l'attribuer à faiblesse, impuissance et besoin; les vrais hommes d'État y verront de la magnanimité et l'expression de la puissance. La France et la Russie peuvent et sont résolues à soutenir la guerre aussi longtemps qu'on ne sera pas revenu, à Londres, à des dispositions justes et égales.

La proposition d'admettre à la négociation les insurgés espagnols ne peut être considérée, de la part du Gouvernement francais, que comme une insulte qui ne devait point trouver sa place dans une note qui doit avoir pour but, non d'irriter, mais de chercher à se concilier et à s'entendre. Qu'aurait dit le Gouvernement anglais si le Gouvernement francais eût proposé d'admettre les insurgés catholiques d'Irlande ? La France, sans avoir de traité avec eux, a eu aussi avec eux des rapports, leur a fait des promesses et souvent envoyé des secours.

L'Angleterre serait dans une étrange erreur si, contre l'expérience du passé, elle avait encore l'idée de lutter avec avantage sur le continent contre les armées françaises. Quel espoir atirait-elle aujourd'hui surtout que la France est irrévocablement unie à la Russie ?

Le soussigné est chargé de réitérer la proposition d'admettre tous les alliés du roi d'Angleterre à la négociation, soit le roi qui règne au Brésil, soit le roi qui règne en Suède, soit le roi qui règne en Sicile, de prendre pour base l'uti possidetis, surtout de n'oublier jamais ce qui résulte de la puissance respective des États; et qu'enfin une paix, pour être solide, doit être en même temps honorable et égale entre toutes les grandes puissances.


Burgos , 19 novembre 1808.

A M. Cretet, ministre de l'intérieur, à Paris

Monsieur le Ministre Cretet, j'ai nommé une commission de négociants, qui doit se réunir à Bayonne, pour recevoir les réclamations des Francais qui ont essuyé des pertes en Espagne par suite de pillages, confiscations, etc. , dans les provinces insurgées. Mon intention est véritablement de les indemniser; indépendamment de la confiscation des laines que j'ai ordonnée pour cet objet, j'ai les moyens de le faire moi-même. Le duc de l'Infantado et les grands d'Espagne possèdent à eux seuls la moitié du royaume de Naples; évaluer leurs propriétés dans ce royaume à 200 millions n'est pas trop. Ils ont en outre des possessions en Belgique, en Piémont et en Italie, que mon intention est de séquestrer. Cela n'est qu'une première idée. Je désire que vous rédigiez un règlement et que vous le fassiez passer au Conseil d'État, s'il y a lieu; que vous prévoyiez tout, et fassiez en sorte que tous ceux qui ont fait des pertes soient indemnisés.


Burgos, 19 novembre 1808.

A M. Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je désire que vous fassiez mettre dans les journaux de Hollande, d'Allemagne et même dans ceux de Paris, mais par des voies indirectes et sous divers indices, des articles qui donnent l'éveil sur, l'expédition de Sicile. Par exemple, dans l'un on peut dire qu'il n'y a en Sicile que quatre régiments anglais, ou émigrés , ou à la solde de l'Angleterre, faisant à peine 4,000 hommes ; dans un autre, on peut mettre que la première nouvelle des préparatifs a porté l'alarme en Sicile, que l'on a embarqué du canon de bronze et que la cour fait emballer ses effêts les plus précieux; dans un autre, que le roi Joachim se rend à Reggio; dans un autre, que deux divisions françaises, chacune de 9,000 hommes, se réunissent dans la Calabre. Enfin, lorsque pendant l'espace de huit jours ces nouvelles auront circulé, faites connaître dans les journaux de Hollande que le roi Joachim est débarqué en Sicile avec 30,000 hommes, Francais, Italiens et Napolitains. Mettez pour détail qu'il est débarqué au Phare, que le général Reynier commande une division, le général Partouneaux une autre, le général Lamarque une troisième. Faites répéter dans d'autres journaux, et avec d'autres indices, qu'en s'embarquant le Roi a laissé la régence à la Reine. Enfin soutenez de toutes les manières l'attention publique sur l'expédition de Sicile, afin que l'on puisse y croire à Londres et que cela puisse les alarmer. Ceci doit être bien mené, être le résultat de l'opinion venant de tous côtés et l'ouvrage d'une douzaine d'articles bien combinés dans différents journaux.


Burgos, 19 novembre 1808

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel

Mon Frère, j'accepte votre division d'infanterie, si ces troupes viennent volontiers. Il faut que ces troupes soient munies d'une capote, de deux paires de souliers dans le sac, et qu'elles soient en bon état; que les compagnies soient de 140 hommes et les bataillons de six compagnies ; ce qui fait 800 hommes par bataillon. Il faut que les régiments de cavalerie soient de trois escadrons, de 250 hommes chacun, et que le 4e escadron reste en Westphalie pour recruter les trois premiers. Il est nécessaire également que les régiments d'infanterie laissent un bataillon en Westphalie, pour recruter et tenir au complet les bataillons de guerre. Mais il ne faut faire cela qu'autant que vos soldats viendraient volontiers, et ne les faire partir qu'avec de bonnes capotes. Il faut aussi qu'elles soient commandées par un homme ferme. Le régiment de chevau-légers a donné lieu à beaucoup de plaintes sur la route.


Burgos, 19 novembre 1808

A Joseph Napoléon, roi d'Espagne

J'ai fait donner l'ordre au payeur de remettre à votre ministre des finances 300,000 francs sur les 6 millions qu'il y a ici, qui sont retenus sur le produit de la vente des laines. Cela ne doit pas empêcher votre ministre des finances de se procurer des ressources sur le cinquième qui vous est déjà acquis pour droit d'extraction de ces laines. Je ferai donner aux personnes avec lesquelles il traitera toutes les assurances qu'elles voudront.

(Lecestre)


Burgos, 19 novembre 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, je reçois votre lettre du 9; fgaîtes reconna1itre les ouvrages qu'on fait à Tarvis, ce lieux m'en parait (propre main) peu susceptible. Avant de s'expliquer là-dessus, il est nécessaire d'avoir des renseignements plus précis.

(prince Eugène)


Burgos, 20 novembre 1808 

A M. Cretet, minsitre de l'intérieur, à Paris

Monsieur Cretet, les hôpitaux de Parme et de Plaisance ont besoin d'une organisation particulière. Faites-vous rendre compte, et proposez-moi les mesures nécessaires.


Burgos, 20 novembre 1808

A M. Cretet, minsitre de l'intérieur

20,000 balles de laine, valant 15 à 20 millions, sont transiportées de Burgos à Bayonne. Une grande quantité a été trouvée à Santander et sera également transportée. Cela doit alimenter nos manufactures pour deux ans. Faites annoncer dans la journée la vente de ces laines aux enchères publiques. On m'assure qu'il y a à Valladolid et à Santander de grands dépôts de coton. Tout cela sera envoyé en France. Le prix en sera restitué aux propriétaires qui reviendront; le reste, appartenant, aux Anglais ou aux individus qui les auront suivis, sera séquestré et confisqué.

(Lecestre)


Burgos, 20 novembre 1808

A Alexandre, prince de Neuchatel, major-général, à Burgos

Écrivez au maréchal duc de Dalmatie:

"L'Empereur a donné ordre au maréchal duc de Danzig de se porter sur Carrion (Carrion de los Condes). Il sera là dans un excellent pays, à deux bonnes journées de Reinosa, et à portée de menacer Léon, Toro, de se porter sur Valladolid et de couvrir Burgos. Le général Mermet se rend en toute diligence à Reinosa ; il est nécessaire que vous mettiez des postes entre Carrion et Reinosa pour pouvoir correspondre. Il paraît qu'il y a un corps anglais à Toro; que l'armée de Blake, qui a longé les montagnes, cherche à se réunir à Léon; qu'un autre rassemblement existe à Benavente. La cavalerie qui inonde la plaine s'est déjà rapprochée de ces points, et le maréchal duc de Danzig sera bien placé à Carrion pour éclairer tout le pays. Il faut que vous lui renvoyiez tout ce que vous avez de son corps, soit cavalerie, infanterie ou artillerie."

Quant à vous, l'Empereur attend que vous lui fassiez connaître tout ce que vous avez fait pour dégager la montagne, et les mémoires qui vous ont été demandés sur les moyens de protéger la situation de Santander, pour vous envoyer des ordres définitifs.


Burgos, 20 novembre 1808

A Alexandre, prince de Neuchatel, major-général, à Burgos

Donnez ordre au général Mermet de se rendre à Reinosa, où il sera sous les ordres du maréchal duc de Dalmatie. Vous lui ferez connaître que le 31e doit faire partie de la division Merle (ce qui la porte à plus de 6,000 hommes), dont il doit prendre le commandement, le général Merle étant employé ailleurs.


Burgos, 20 novembre 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan

Mon Fils, je recois l'état des travaux faits dans le mois de septembre. Je vois qu'on n'a pas fait grand'chose. Les travaux publics marchent bien lentement en Italie; cela pourrait aller plus vite.


Burgos, 20 novembre 1808

A Joseph Napoléon, roi d'Espagne, à Burgos

Mon Frère, les provinces de Santander, de la Biscaye , de Soria et, probablement demain ou après, toute celle de la Castille, sont entièrement soumises. Mais, pour qu'un pays soit bien soumis, il faut que les intendants, corrégidors et magistrats supérieurs auxquels les peuples ont l'habitude d'obéir, soient nommés par vous et se rendent dans ces provinces, fassent des proclamations, pardonnent aux révoltés qui rentrent et portent leurs armes, et surtout fassent des circulaires aux alcades et curés, et que par là ceux-ci comprennent qu'ils sont sous votre gouvernement. Cette mesure aura l'avantage de réorganiser la police, les finances, et de donner une direction à ces peuples. Il est aussi nécessaire que les intendants et corrégidors communiquent avec vos ministres, et leur fassent connaître les différents renseignements qui arrivent à leur connaissance. Je crois qu'il y avait six ou sept intendants dans la Vieille-Castille. Je pense qu'il est très-important que vous preniez des mesures sur tout cela; dans les circonstances présentes, elles sont plus fractueuses que les proclamations. Je pense donc qu'il serait bon de faire beaucoup de circulaires aux alcades et aux curés.

Mes troupes sont entrées à Santander, et l'on m'assure qu'une grande quantité de personnes de la Biscaye, qui étaient insurgées, rentrent et ne demandent pas mieux que de poser les armes, si elles ont l'assurance d'être pardonnées et de n'être pas recherchées.


Burgos, 21 novembre 1808

Au prince Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Écrivez au général Miollis pour que tous les revenus du Pape soient employés à payer la dette publique. Cette manigance des prêtres est dirigée contre nous. Il faut que l'arriéré de la dette publique soit mis au courant. Il faut également que le pain soit à bon marché à Rome. Le général Miollis est autorisé à prendre toutes les mesures en conséquence.

(Lecestre)

Note : Dans (prince Eugène) la lettre commence par : Mon Fils, donnez des ordres au général Miollis.


Burgos, 21 novembre 1808

A Alexandre, prince de Neuchatel, major-général, à Burgos

Donnez l'ordre au convoi des 50 voitures de vivres qui sont parties hier et aux 50 caissons partis aujourd'hui de se réunir à Lerma, où ils attendront de nouveaux ordres, leurs papiers en règle. Donnez ordre également aux fusiliers de la Garde de partir demain de Lerma pour Aranda, où ils prendront des ordres du maréchal Bessières. Donnez ordre aux caissons de la Garde partis aujourd'hui de se rendre à Lerma; ce qui fera demain à Lerma 150 caissons de vivres.

Donnez l'ordre à l'administration du petit quartier général de se rendre demain à Lerma; au chirurgien en chef avec son ambulance légère, à l'ordonnateur Faviers, de se rendre demain à Lerma, ainsi qu'à la moitié de vos officiers d'état-major. L'intendant général continuera à rester ici.

Donnez l'ordre au général hollandais qui commande à Bilbao de garder simplement les deux bataillons hollandais, et de diriger sur Burgos les autres troupes d'infanterie qu'il aurait.

Donnez l'ordre au général Thouvenot, à Saint-Sébastien, de réunir en entier un des deux bataillons qu'il a, et de l'envoyer à Bilbao pour y tenir garnison. Donnez-lui l'ordre de compléter à six compagnies chacun des deux bataillons qu'il a.


Burgos, 21 novembre 1808

A Alexandre, prince de Neuchatel, major-général

Mon Cousin, donnez l'ordre sur-le-champ au général Lahoussaye de faire partir pour Burgos, demain matin, pour venir coucher à Lerma, la brigade de sa division qui est arrivée hier à Burgos. Vous lui ordonnerez de laisser un petit dépôt de tous ses hommes écloppés, qui se joindra à celui de la Chartreuse. La brigade qui arrive aujourd'hui à Burgos se reposera demain.


Burgos, 21 novembre 1808, cinq heures après midi

A Alexandre, prince de Neuchatel, major-général

Mon Cousin, je passerai, demain matin à neuf heures du matin, la revue des divisions Lapisse et Ruffin, dans la position où elles se trouvent ce soir à Villa de Buniel et à Tardajos. Tous les hommes isolés de ces corps partiront ce soir de Burgos pour rejoindre leurs corps dans ces deux endroits, afin que demain à ma revue ces corps soient aussi complets que possible. L'artillerie enverra ce soir 250,000 cartouches à ces deux divisions. L'intendant général fera partir ce soir tout le pain qui est ici sur des caissons, afin que la distribution leur en soit faite dans la nuit. Aussitôt après que j'en aurai passé la revue, ces divisions se rendront par la traverse qui conduit à Sarracin sur la route de Lerma, de manière à pouvoir aller demain, une division à Madrigalejo, et l'autre à Gogollos. Le général Senarmont, avec l'artillerie et le parc, se rendra directement à Cogollos ; également les ambulances, fourgons et bagages des corps qui sont à Burgos; et chacun rejoindra son corps à mesure qu'il passera.

La division Villatte ira en avant de Lerma aussi loin qu'elle pourra sur la route d'Aranda.


Burgos, 21 novembre 1808

A M. Prina, ministre des finances du royaume d'Italie, à Milan

NOTE SUR L'UNVERSITÉ DE PISE.

On voit, par le rapport, que 122,000 francs suffisent pour la dépense de l'université de Pise; qu'au moyen du produit des examens il y aurait un excédant de la recette sur la dépense, et qu'ainsi 100,000 francs doivent suffire.

Le pensionnat et les établissements de Florence sont une chose à part. Les établissements de Florence doivent être portés sur le budget de cette ville. Au lieu de pensionnats, il doit être formé trois lycées organisés comme ceux de France et établis, l'un à Florence, l'autre à Pise,l'autre à Sienne.

L'intention de Sa Majesté est, en conséquence, qu'à dater de l'année prochaine l'université de Pise jouisse d'une dotation de 100,000 francs en domaines, sauf, par la suite, à convertir cette dotation en une rente.

Quant à la question de savoir si cette université doit être placée sous la dépendance de l'université impériale, l'afrirmative ne peut faire aucun doute.


Burgos, 21 novembre 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le vice-amiral Decrès, je vous envoie un projet bien raisonné et fait par un homme qui paraît être du métier. Je ne compte pas sur la réalité, mais la promesse de faire un vaisseau qui ne tire que dix pieds, qui navigue mieux et soit plus fort que nos vaisseaux à trois ponts, est séduisante. Il faut examiner ce projet avec attention, et si vous pensez que cela en mérite la peine, vous pourriez en faire le modèle, afin de bien comprendre en quoi consiste le jeu de la dérive.

(Ministre de la Marine)


Aranda, 24 novembre 1808

A Joseph Napoléon, roi d'Espagne, à Burgos

Mon Frère, M. le maréchal Ney est entré à Soria le 22 à midi. Quelques coups de fusil ont été tirés et quelques paysans sabrés. Ses forces sont à Siguenza sur la route de Madrid, à Agreda sur la route de Pampelune, et à Medina-Celi sur la route de Saragosse et de Madrid. Il serait nécessaire que vous envoyassiez sur-le-champ quelqu'un à Soria pour organiser le pays. Un gouvernement provisoire y a été nommé, mais ce chef-lieu de province est important.


Aranda, 25 novembre 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, je suis fâché de l'événement de l'officier de gendarmerie de Leipzig. J'ai du reste ordonné que toute la gendarmerie qui est en Allemagne rentrât en France, hormis une compagnie, qui reste attachée au duc d'Auerstaedt. Je trouve très-convenable que le roi de Westphalie ait fait un arrangement avec les Russes pour les déserteurs ; c'est un moyen d'éviter tous les inconvénients. Je trouve cette mesure fort sage.

J'ai nommé un ministre à Bade, mais, en le nommant, j'ai supposé qu'il n'était pas marié avec Mlle ......... et mon intention a été qu'elle n'approchât pas de quarante lieues de Bade. S'il en était autrement, prévenez ce ministre de donner sa démission; je l'emploierai d'une autre manière dans l'intérieur. Cette femme est trop déshonorée, et, s'il la faisait venir en cachette, il s'exposerait à un affront.


Aranda, 25 novembre 1808.

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, les camps de Blankenberghe et d'Ecloo et le camp de Pontivy sont dissous. Donnez ordre aux détachements et dépôts qui en faisaient partie de rejoindre leurs bataillons.

Le 3e régiment provisoire de hussards est dissous; tous les détachements qui appartiendraient à des régiments qui sont en Espagne les rejoindront. Les autres détachements rejoindront leurs dépôts.


Aranda, 25 novembre 1808.

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris

Aussitôt que Berlin sera évacué, vous pourrez renvoyer les officiers, sous-officiers et soldats prussiens. Vous en garderez le plus que vous pourrez soit comme ouvriers, soit comme voulant s'établir en france, soit comme soldats.

(Brotonne)


Aranda, 25 novembre 1808

A Alexandre, prince de Neuchatel, major-général

Mon Cousin, donnez l'ordre au duc d'Abrantès de porter son quartier général à Bayonne et d'y centraliser tout son corps d'armée. Il est convenable que son quartier général soit porté à Bayonne le 5 décembre, et que son corps y soit centralisé avant le 10.


Aranda, 25 novembre 1808

A Alexandre, prince de Neuchatel, major-général

Mon Cousin, le bataillon du 86e peut se reposer quelques jours à Burgos. Faites passer la revue de son habillement et de son armement, afin qu'il parte en bon état.

Le parc du 4e corps restera jusqu'à nouvel ordre à Burgos, ainsi que tout ce qui appartiendrait à ce corps. Le général Mathieu Dumas l'enverra à Castrojeriz, lorsqu'on saura que le maréchal Lefebvre est descendu dans la plaine.


Aranda, 25 novembre 1808

DÉCISION

Le général Clarke, ministre de la guerre, prend les ordres de l'Empereur au sujet d'une demande du roi des Deux-Siciles pour être autorisé à échanger les prisonniers d'après un cartel proposé par le général anglais Stuart. Défendre tout cartel d'échange et toute communication avec l'Angleterre.

Aranda, 25 novembre 1808.

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je reçois votre lettre du 19. Empêchez les journaux de donner des nuvelles ridicules. C'est toujours le même homme de Bayonne qui hier écrivait en mal et qui aujourd'hui écrit des absurdités. Ne serait-il pas concevable que les journaux attendent les nouvelles officielles ?

(Brotonne)


Aranda, 25 novembre 1808.

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Lancez un mandat d'arrestation contre les sieurs Rayneval, de Pons et de Villaines. Faîtes-les mettre à Vincennes et que les scellés soient apposés sur leurs papiers. Votre mandat sur ces individus sera conçu en ces termes : comme s'étant permis des intrigues à l'étranger dans la cour de Bade, sans l'aveu de leur gouvernement.

(Brotonne)


Aranda, 25 novembre 1808.

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, je désirerais avoir des détails sur ce que le parlementaire venu de Cadix a appris à Barcelone.

(Brotonne)


Aranda, 26 novembre 1808

Au prince de Cambacérès, Archichancelier de l'Empire, à Paris

Mon Cousin , je reçois votre lettre du 20 novembre. Voici mon opinion sur le monument à faire élever.

A la Madeleine, j'ai fait élever un Monument à la gloire de la Grande Armée. Il faut que le Corps législatif fasse ériger sur le haut de Montmartre une espèce de temple de Janus qui porte pour titre :

Les députés des départements au Corps législatif et les membres des colléges électoraux de l'Empire francais ont fait élever ce temple, etc. Dans ce temple se feraient les premières publications solennelles de la paix et la distribution des prix décennaux. Ce sera une espèce de temple de Janus. Il ne peut coûter moins de trente ou quarante millions. Le Corps législatif doit me présenter une pétition pour solliciter une loi par laquelle chaque membre des colléges électoraux (et ils sont au nombre de 30 ou 40,000) soit invité à verser 1,000 ou 3,000 francs, selon sa fortune, et chacun payera cette somme par cinquième chaque année. Par ce moyen on aura en cinq ans trente ou quarante millions, qui seront employés à pousser vivement les travaux, et on fera de ce temple un des plus beaux monuments de l'univers. Cela ne gênera pas les électeurs, qui sont riches, qui d'ailleurs pourront faire ce payement en cinq ans , et qui auront la faculté de donner ou 3,000 francs ou seulement 1,000 francs, selon l'état de leur fortune. Je mettrai sur cette pétition un renvoi au Conseil d'état, qui présentera un projet de loi. Le concours sera ouvert immédiatement, et les travaux commenceront en 1809.


Aranda, 26 novembre 1808

Au prince Cambacérès, Archichancelier de l'Empire, à Paris

Je suis choqué et indigné de tout ce que j'entends dire de la caisse Lafarge. Je désire qu'avant huit jours le Conseil d'état ait prononcé et que bonne justice soit faite à ces 100,000 actionnaires.


Aranda, 26 novembre 1808.

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris

La bataille de Tudela fait le pendant de celle d'Espinosa. L'armée d'Andalousie que commande Castanos, celle d'Aragon que commande Palafox, celles de Valence et de la Nouvelle-Castille, sont détruites et éparpillées. On leur a pris canons, bagages et grand nombre de prisonniers; les ducs d'Elchingen et de Bellune coupent, pendant ce temps, les communications de cette armée avec Madrid.

J'ai reçu de Barcelone des états d'où il résulte que cette place est approvisionnée pour longtemps. Tout porte à penser qu'on ne tardera pas à y arriver.


Aranda, 26 novembre 1808

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le général Clarke, je désire que vous ordonniez les dispositions suivantes :

1. Tenez la main à l'exécution de l'ordre que j'ai donné pour que le 52e et le 102e, qui étaient à l'armée de Naples, rentrassent en Italie et fussent remplacés par les détachements que j'ai prescrits dans mon ordre.

2° Donnez l'ordre que les cadres des 3e bataillons du 8e et du 18e léger rejoignent leurs 4e bataillons à l'armée d'Italie. Donnez le même ordre pour les 3e, bataillons des 5e, 23e, 79e et 60e; de sorte qu'il restera en Dalmatie quatorze bataillons de ces régiments et du 81e, et trois bataillons du 11e, ce qui fera dix-sept bataillons, et que, des huit régiments de l'armée de Dalmatie, il y aura en Italie quinze bataillons, savoir les 3e, et 4e, des 8e et 18e légers, des 5e, 23e, 79e, 81e et 60e, et le 4e bataillon du 11e. Vous donnerez l'ordre que ces six cadres, formant ensemble près de 1,000 hommes, marchent ensemble sous les ordres d'un officier supérieur de l'armée de Dalmatie, et avec le plus grand ordre. Le reste des 3e bataillons sera incorporé dans les deux premiers pour porter les compagnies à 140 hommes effectifs. On emploiera une partie des compagnies de grenadiers et voltigeurs des 3e bataillons pour compléter les compagnies de grenadiers et voltigeurs des deux premiers bataillons à l'effectif de 140 hommes par compagnie; mais le surplus restera avec ces compagnies en Italie. Vous donnerez l'ordre au vice-roi, comme commandant de mon armée, qu'aussitôt que les cadres de ces six nouveaux bataillons seront arrivés, il les fasse compléter. J'ai mis un soin particulier à avantager dans la conscription ces régiments. Il n'y en aura aucun qui ne recoive au moins 800 conscrits; et, comme les 3e bataillons sont généralement complets, il s'ensuit que ces quinze bataillons seront au grand complet et auront un effectif de l2,000 hommes. S'il manquait quelque chose pour former ce nombre , on le prendrait sur la conscription de 1810. A cette occasion, je ne puis trop vous recommander de réitérer l'ordre que tout ce qu'il y a de disponible aux dépôts, en France, des régiments qui appartiennent à l'armée d'italie, sur les anciennes conscriptions , en parte au 1er janvier pour rejoindre ces corps. Cette saison est favorable parce qu'elle permet aux soldats de s'aclimater, et l'on ne saurait croire quelle influence le passage en Italie au mois de janvier ou au mois de juin a sur la santé du soldat. Il faut que les dépôts de la 7e division militaire et du Piémont soient épuisés pour compléter les bataillons de guerre à l'armée d'Italie.

Faites partir pour le Hanovre le régiment de marche qui est à Louvain, mais seulement les détachements appartenant aux régiments qui composent l'armée du Rhin; n'en laissez partir aucun de ceux appartenant aux régiments des divisions Legrand et Carra-Saint-Cyr, qui sont en situation de rentrer en France. Ceux de ces détachements compris dans le régiment de marche de Louvain doivent retourner à leurs dépôts.

Faites dissoudre les régiments de marche de cavalerie, et que tous les détachements appartenant à l'armée du Rhin rejoignent ces régiments. Il me semble qu'il faut diriger tout cela sur le Hanovre.

Ne formez point de nouveaux régiments de marche, ni d'infanterie, ni de cavalerie. Il est préférable que les soldats passent l'hiver à se former aux dépôts, afin qu'on puisse, au printemps, réaliser le projet de porter l'armée du Rhin au grand complet, conformément à l'état que je vous ai envoyé.

Vous donnerez également l'ordre que les cadres des 3e bataillons du 61e de ligne et du 14e léger, qui sont à Corfou, rentrent à l'armée d'Italie. A cet effet, tous les soldats disponibles de ces 3e bataillons seront incorporés dans les deux premiers, en ayant soin de ne retirer des compagnies de grenadiers et de voltigeurs du 3e bataillon que ce qui est nécessaire pour compléter l'effectif de ces compagnies des deux premiers bataillons à 140 hommes chacune. Comme j'ai donné près de 600 hommes à ces deux régiments dans la distribution de la conscription, et que j'ai déjà donné en Italie 800 hommes à chacun des 4e bataillons, ce sera encore deux bataillons d'augmentation pour l'armée d'Italie, sans diminuer sensiblement la force de la garnison de Corfou.

Donnez des ordres précis pour qu'il ne soit ôté aucun officier ou sous-officier des cadres des six bataillons venant de Dalmatie, non plus que des deux bataillons de Corfou.

Quant à la conscription levée tout nouvellement, faites-moi connaître le nombre d'hommes qu'on pourrait demander à chaque dépôt d'envoyer à l'armée d'Italie avant le ler février. Il serait fort utile que ces recrues arrivassent avant le mois de mars, pour s'acclimater avant les chaleurs.


Aranda, 26 novembre 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Nous sommes entrés à Bilbao et à Santander. Mon intention est que tous les officiers, sous-officiers et soldats des marins de ma Garde, revenus d'Andalousie en différents temps, se réunissent à Bayonne pour reformer le bataillon. Ils ne sont pas prisonniers de guerre. Donnez l'ordre également qu'une partie des officiers de marine qui étaient en Portugal se préparent à y retourner pour réorganiser le port de Lisbonne, entre autres le capitaine Magendie et les principaux.

Dirigez sur Santander et Bilbao deux ou trois bricks, des avisos , de petits bâtiments et même de grasses péniches. Ces bâtiments-là nous seront très-utiles.

Puisque vous avez des bâtiments en mer, il en entrera à Barcelone. Cette ville a pour deux mois de vivres, mais elle sera secourue avant le 15 décembre. Faites-y toujours passer du blé; il se vendra, même après que tout sera calmé, au poids de l'or; ainsi c'est toujours une bonne spéculation.

Envoyez un grand nombre de bulletins dans nos colonies, pour qu'elles les fassent passer dans les colonies espagnoles.

Envoyez ici le capitaine Baste.


Aranda, 26 novembre 1808

A Jérôme Napoléon, roi de Westphalie, à Cassel

Mon Frère, je reçois votre lettre du 20 octobre. Puisque les domaines dont vous me parlez sont donnés, ils ne m'appartiennent plus, et mon droit de souveraineté ne s'étend pas sur la propriété. Si, sur ces six objets de discussion, il y en a qui ne soient point donnés, il n'y a pas de difficulté à ce que vous les repreniez et que vous les remplaciez par des biens d'égale valeur. Autrement, voue devez traiter de gré à gré, avec les propriétaires. C'est là la loi civile.


Aranda, 26 novembre 1808.

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, je suppose que vous envoyez au moins une fois par semaine un courrier à Saint-Pétersbourg porter les bulletins de l'armée. Vous avez annoncé la bataille d'Espinosa, vous annoncerez celle de Tudela.

(Brotonne)


Aranda, 27 novembre 1808

A M. de Talleyrand, prince de Bénévent, vice Grand-Électeur, à Paris

Mon Cousin, le Corps législatif est composé de beaucoup d'individus qui voudraient se rendre importants, qui sont blessés de n'avoir point de titres, et qui, ayant essuyé la révolution, se supposent encore en assemblée nationale. Aucune loi n'est parfaite; le code Napoléon lui-même, qui cependant produit tant de bien, est loin de l'être. Pourquoi, au lieu de donner leur voix par scrutin contre la loi, ne demandent-ils pas un comité secret dans lequel chacun donnerait son opinion ? On saurait par le procès-verbal s'ils ont tort ou raison. Mais rejeter une loi sans donner ses motifs, c'est montrer peu de zèle, peu d'amour du bien et peu de considération pour moi. Trouvent-ils à cette loi de grands inconvénients ? La commission du Corps législatif, qui est composée d'hommes graves, l'a cependant trouvée bonne. Mais si cela est, il me semble qu'au lieu de donner une boule noire ils doivent demander à la discuter dans un comité secret, comme le permettent nos constitutions, et faire connaître ce qu'ils lui reprochent.


Aranda, 27 novembre 1808

A Alexandre, prince de Neuchatel, major-général, à Aranda

Mon Cousin, donnez l'ordre au maréchal Mortier de se diriger avec son corps d'armée sur Burgos, et faites-lui savoir que je compte que la tête y sera arrivée le 11. Ces troupes ne prendront de séjour qu'à Vitoria.

Donnez ordre au général Thouvenot de faire bon logis et de bien établir la division Delaborde, qui se rend à Saint-Sébastien pour s'y établir, et de faire diriger de suite sur Bilbao les quatre bataillons qui étaient à Saint-Sébastien. Donnez l'ordre au général Delaborde de prendre dans sa division le 4e bataillon du 47e. Ainsi il aura dans sa division deux bataillons de ce régiment. Ce bataillon est composé du cadre des compagnies qui étaient à Bayonne et des quatre compagnies qui étaient en Portugal. Il faut qu'il soit complété avec les conscrits qui étaient à Bayonne et ce que le 2e bataillon a de trop, la force du bataillon ne devant pas être de plus de 840 hommes. Ces deux bataillons seront commandés par le major, auquel il faut donner l'ordre de rejoindre.


Aranda, 27 novembre 1808

A Joseph Napoléon, roi d'Espagne, à Burgos

Mon Frère, vous pouvez vous mettre en marche avec votre garde, pour venir coucher à Lerma et être le 29 à Aranda.

Les affaires d'Espinosa, mais surtout celle de Tudela, font voir ce que c'est que ces troupes espagnoles. Il y avait cependant à Tudela 30,000 hommes de troupes d'élite, 60 pièces de canon : 6,000 hommes des nôtres ont à peine pu donner. Castafios et Palafox ont commencé la déroute.

Envoyez à Pampelune un officier espagnol intelligent pour causer avec les 3 ou 4,000 prisonniers qu'on a faits, et connaître bien les noms des régiments qui se trouvaient là.

Si le maréchal Ney ne s'en était pas laissé imposer par les habitants, et ne fût pas resté le 22 et le 23 à Soria, parce qu'il s'imaginait que les Espagnols avaient 80,000 hommes, et autres bêtises, il devait être arrivé le 23, d'après mon ordre, à Agreda, et pas un homme n'eût échappé.

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P. S. Si cette lettre vous arrivait trop tard, il suffirait que vous soyez ici le 30 au soir, en ne partant que le 29.


Aranda, 27 novembre 180

A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples

J'ai lu avec attention le mémoire remis, par votre ministre secrétaire d'état de la justice, sur le code Napoléon. La considération la plus importante dans ce code est celle du divorce; elle en est le fondement. Vous ne devez y toucher d'aucune manière; c'est la loi de l'État. Je préférerais que Naples fût à l'ancien roi de Sicile plutôt que de laisser ainsi châtrer le code Napoléon. Le divorce n'est point contraire à la religion ; les dispositions en sont d'ailleurs extrêmement modérées. Ceux qui, au reste, en ont la conscience blessée, ne le mettront point en usage. Je ne puis consentir, en ma qualité de garant de la Constitution, à des modifications au code Napoléon. Il est adopté dans tout la royaume d'Italie; Florence l'a, Rome l'aura bientôt, et il faut bien que les prêtres cessent de caresser les préjugés et se mêlent de leurs affaires.

Mettez-vous dans un juste milieu. Ce n'est point en cajolant le prêtres que vous en ferez quelque chose ; s'ils croient que vous avez très-grand besoin d'eux, ils vous manqueront.

Il est ridicule, par exemple, que vous ayez donné la décoration des Deux-Siciles aux archevêques et évêques, en masse cela n'a pa de sens et convertit cette décoration en espèce d'uniforme; c'est l'avilir et manquer votre but. Vous pouviez, si vous êtes content de tous vos archevêques et évêques, les nommer individuellement; mais dire dans un décret : "Tous les archevêques de notre royaume, qui ont prêté ou qui ont été appelés à prêter le serment de fidélité entre nos mains, sont nommés commandants de notre Ordre royal des Deux-Siciles, etc.", faire pareille chose, c'est n'avoir pas d'idée de gouvernement.


Aranda de Ducro, 27 novembre 1808

Au général Caulaincourt, ambassadeur à Saint-Pétersbourg

Je reçois votre lettre sans date que je suppose être du 5 novembre. J'imagine que M. de Champagny vous aura fait connaître par des courriers tout ce qui se passe d'important dans ce pays, tel que le combat de Burgos, les affaires d'Espinosa, celle de Tudela, où les armées de Galice, des Asturies, d'Estrémadure, d'Aragon, d'Andalousie, de Valence et de Castille ont été détruites. Le général Saint-Cyr, aussitôt que Rosas sera pris, ce qui n'est pas éloigné, marchera en Catalogne, pour faire sa jonction avec le général Duhesme, qui a 15,000 hommes à Barcelone, bien approvisionnés et dans le meilleur état. Vous pouvez dire à l'empereur que je serai dans six jours à Madrid, d'où je lui écrirai un mot. Il n y a rien de mauvais comme les troupes espagnoles : 6,000 de nos gens en bataille en chargent 20, 30 et jusqu'à 36,000. C'est véritablement de la canaille; même les troupes de La Romana, que nous avions formées en Allemagne, n'ont pas tenu. Au reste, les régiment Zamora et de la Princesse ont subi le sort des traîtres; ils ont péri. Les Anglais se concentrent en Portugal. Ils ont fait avancer des divisions en Espagne; mais, à mesure que nous approchons, ils reculent.

J'ai envoyé il y a peu de jours à Champagny mes ordres pour répondre à la note de l'Angleterre. Quant à l'Autriche, sa contenance n'est que ridicule. Je laisse en Allemagne 100,000 hommes; j'en ai 150,000 en Italie, et la moitié de ma conscription marche. D'ailleurs ici la grosse besogne est déjà faite.

Le ministre de Russie à Madrid a été insulté par la canaille, qui s'est amusée à pendre et à traîner dans les rues deux Français qui étaient à son service; mais, dans peu de jours, il sera délivré.

(Lecestre)


Aranda, 28 novembre 1808

Au général Clarke, ministre de la guerre, à Paris

Je recois votre lettre du 21. Mon intention est que toute l'artillerie qui est à Magdeburg, soit évacuée sur France, ne laissant dans cet place que ce qui est nécessaire pour l'armée, et s'arrangeant de manière qu'on puisse, selon l'occasion, tirer de l'armement de la place un équipage de siège suffise pour prendre Küstrin et Stettin. Mais les 1,500 pièces d'artillerie et cette grande quantité de boulets qui sont dans Magdeburg doivent rentrer en France. A cet effet, il faudrait voir si, par Hambourg, on ne pourrait pas faire arriver tout cela à Anvers. Il faut, au reste, prendre vos mesures de manière que si, d'ici à trois mois, Magdeburg était pris, on ne prît que l'artillerie de la place. Par suite de ce principe, je désire qu'il y ait peu d'artillerie à Strasbourg, Mayence et Wesel, et que les grands dépôts soient à Metz et à Maestricht, qui sont des places du second ordre. Ainsi, il ne faut pas évacuer de Mayence sur Strasbourg, mais sur Metz. Metz doit être considéré comme le grand dépôt de l'artillerie de France. Cette place est éloignée de la frontière, est très-forte et a l'avantase de communiquer avec la frontière du Rhin par la Moselle.


Aranda, 28 novembre 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Je suis étonné que les communications par Calais aient lieu. Elles ne doivent avoir lieu que pour les courriers du cabinet, et les parlementaires doivent aller à Morlaix. Tenez la main à l'exécution du présent ordre.

Mon escadre ne sort donc pas de l'Escaut ? Si vous m'aviez mis là Allemand, elle serait déjà en pleine mer; mais Missiessy ne veut rien faire. Mes escadres de Rochefort et de Lorient sont-elles enfin sorties ? Il ne faut pas se dissimuler que les négociants sont insuffisants pour approvisionner mes colonies. L'arrivée de ces deux escadres seules les mettra dans l'état que je dois désirer.

Il faut que de Toulon on fasse sortir des bâtiments pour nettoyer la côte; il n'y a qu'une seule frégate, de Livourne à l'ile d'Elbe, pour maintenir la communication.

Je vous ai mandé que je désirais que deux frégates sortissent. Faites-les croiser au large de la Corogne et du Mexique; elles feraient des prises par milliards.


(sans lieu), 28 novembre 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le vice-amiral Decrès, l'escadre de Toulon doit tenter la conquête de la Sicile. Elle se compose de 15 vaisseaux de ligne, dont trois à 3 ponts, 8 frégates, plusieurs corvettes et transports; elle peut porter 17 à 18,000 hommes. Les chevaux seraient embarqués de la campagne de Naples, ce qui économiserait l'espace, l'eau, etc. Murat réunirait 20,000 hommes à Scylla avec des felouques canonnières etc. D. C. a toujours pensé que la Sicile peut être abordée par une expédition de la flotille qui, préparée à terre sur les plages de Scylla, Fafacuma, s'emparerait par un coup de main imprévu, dans une de ces occasions fréquentes où l'ennemi repoussé du détroit par un vent du nord, qui empêche même de sortir de Messine, au besoin de trois ou quatre jours, pour remonter jusqu'au phare.

(Ministre de la Marine)


Aranda, 28 novembre 1808

Au prince Cambacérès, Archichancelier de l'Empire, à Paris

Mon Cousin, les bulletins ne sont pas des piéces avouées. Ils doivent paraître dans le Moniteur sans qu'on sache d'ù ils viennent. Vous devez seul en prendre connaissance et ne les montrer à qui que ce soit. En agir autrement, ce serait alors leur donner une signature qu'ils n'ont pas.

(Brotonne)


Aranda, 28 novembre 1808

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, faîtes faire des instances pour que j'aie satisfaction sur les bâtiments américains. Causez avec le grand juge pour savoir s'il est vrai qu'il ne soit entremêlé dans cette affaire qui ne le regarde pas. Demandez un inventaire de tous les biens que les Espagnols ont dans le royaume de Naples.

(Brotonne)


Aranda, 28 novembre 1808

Au général Menou, gouverneur du Grand-Duché de Toscane

Maret vous envoie un décret qui ne doit être publié qu'après l'exécution. Faites désarmer la vallée; faites arrêter 30 ou 40 individus, les plus connus pour avoir dans tous les temps pris part aux insurrections, quelle que soit leur conduite actuelle. L'exécution de cet ordre ne comporte aucun délai : que quarante-huit heures après la réception de ma lettre, ces 30 ou 40 individus soient arrêtés. Faites-moi connaître en même temps leurs noms, leur famille, leur fortune, le rôle qu'ils ont joué en différents temps. Ceux qui échaperaient, faites séquestrer leurs propriétés. Vous les ferez tous conduire dans la citadelle de Fénestrelle. Il est nécessaire, pour la tranquillité de l'Italie, de donner un exemple à cette ville d'Arezzo, qui en a besoin.

(Lecestre)


Aranda, 28 novembre 1808

Au général Menou, gouverneur général du Grand-Duché de Toscane

Je reçois de Paris une proclamation signée de vous, du 3 novembre, qui ne signifie rien.A quoi bon menacer ? Il faut plut1ot frapper. Que répondra la ville de Sienne, qui n'est pas organisée ? Toutes les proclamations ne servent qu'à réjouir nos ennemis et à leur faire croire que la Toscane est en feu. N'était-il pas plus simple de marcher avec deux ou trois colonnes de 3 à 400 voltigeurs, de nommer une commission militaire, de faire fusiller les principaux mutins, de prendre des otages dans les villes qui se comportent mal, et de désarmer les plus mauvais cantons ? C'était le moyen de tout finir. Il faut d'ailleurs rendre des comptes aux ministres de la guerre et de la police, et vous ne leur dîtes rien.

(Lecestre)


Aranda, 28 novembre 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, le 52e ct lc 102e qui sont à l’armée de Naplcs, doivent déjà être rendus à Rome, et les 4e bataillons du 10e et du 62e doivent être en marche pour remplacer ces régiements à l’armée dc Naples. Si ce mouvement n’avait pas eu lieu, écrivez-en au ministre de la guerre, car c’est ma volonté. Vous ferez passer la revue de ces régiments, et les préparerez à rendre un bon service. Le ministre de la guerre vous fera connaître les ordres que j’ai donnés pour que les cadrcs de six bataillons des régimcnts de l’armée de Dalmatie, ainsi que les 3e bataillons des deux régiments qui sont à Corfou, rentrent en Italie. Ainsi, avec les conscrits que vous recevrez, vous aurez a l’armée d’Italie une augmentation de huit bataillons; et il n’y aura plus de régiments provisoircs. Les 3e et 4e bataillons seront commandés par les majors, comme les 1e et 2e bataillons seront commandés par les colonels à l’armée de Dalmatie et à Corfou. J’ai réitéré l’ordre que l’on vous envoyât tous les hommes qui sont disponibles aux dépôts provenant des conscriptions antérieures, l’hiver étant la saison la plus favorable pour acclimater les recrues en Italie. Causez avec les colonels, et s’il y avait aux dcpôts en France des hommes des anciennes conscriptions pour porter vos 4e bataillons au complet de guerre, faîtes-les demander.

(prince Eugène)


Aranda, 28 novembre 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, les troupes qui se trouvent en Toscane font partie de l'armée d'Italie. S'il y avait de grands mouvements qui troublassent la tranquillité de ce pays, vous devez vous en occuper. Je vois une proclamation du général Menou, qui n'a pas de sens. Envoyez quelqu'un en Toscane, pour savoir ce qui se passe.

(prine Eugène)


Buitrago, 30 novembre 1808, six heures du soir

A Joseph Napoléon, roi d'Espagne, à Aranda

Mon Frère, nous avons eu une affaire. Un corps de 9,000 hommes occupait la Somo-Sierra ; 4,000 hommes étaien en position à Sepulveda. Celui de Somo-Sierra a été battu, son canon pris, une cinquantaine de voitures de bagages, un grand nombre de prisonniers, et le reste s'est disséminé dans les montagnes, à un tel point qu'à Buitrago on a appris cette affaire par une cinquantaine d'officiers qui se sauvaient au grand galop, suivis par nos hussards, qui sont arrivés quelques moments après. Ma cavalerie est ce soir à Saint-Augustin.

L'autre corps s'est jeté dans les montagnes. La cavalerie le poursuit. Il se retirera probablement sur Ségovie.

Notre perte est presque rien. Nous n'avons eu qu'une dizaine d'hommes d'infanterie tués ou blessés et une quinzaine de Polonais de la Garde, qui ont fait une charge brillante.

Venez aussi vite que vous pourrez; mais venez avec votre garde de peur de quelques brigands qui errent dans les montagnes.

Vous trouverez ci-joint la Gazette de Madrid du 29.


Buitrago, 39 novembre 1808, au soir

Au général Lery, commandant le génie à l'armée d'Espagne, à Buitrago

Il faut faire le projet de retrancher le plateau de Somo-Sierra. Le fossé, une bonne double palissade, deux ou trois batteries, mettront 2 ou 300 hommes à l'abri d'un coup de main, surtout de la part de paysans. Comme on va y mettre un bataillon en garnison, ce bataillon servira à travailler aux retranchements. Le général d'artillerie laissera six pièces de celles qui ont été prises à l'ennemi. On établi dans l'église (la chapelle) un magasin de biscuit, de riz et de toutes les choses nécessaires.


Quartier général de Chamartin, près Madrid, 2 décembre 1808

BULLETIN DE L'ARMÉE D'ESPAGNE

Le 29, le quartier général de l'Empereur a été porté au village Boceguillas. Le 30, à la pointe du jour, le duc de Bellune s'est présenté au pied du Somo-Sierra. Une division de 13,000 hommes de l'armée de réserve espagnole défendait le passage de cette montagne. L'ennemi se croyait inexpugnable dans cette position ; il avait retranché le col, que les Espagnols appellent Puerto, et y avait placé soixante pièces de canon. Le 9e d'infanterie légère couronna la droite, le 96e