27 – 30 juin 1809


Schönbrunn, 27 juin 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je vois avec peine que vous vouliez faire des articles sur Rome.

C'est une mauvaise route. Il ne faut en parler ni en bonne ni en mauvaise part, et il ne doit pas en être question dans les journaux. Les hommes instruits savent bien que je n'ai pas attaqué Rome. Les faux dévots, vous ne les changerez pas; partez de ce principe. Je suis fâché même que vous ayez laissé mettre le décret dans les gazettes avant qu'il ait été communiqué au Sénat.


Schönbrunn, 27 juin 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie

Mon Fils, le général .... (Louis-Michel Sahuc, 1755 – 1813. Son nom ne figure pas dans l’édition originale des Mémoires du prince Eugène, mais se trouve dans la lettre reprise par Lecestre) des s’est mal comporté en Italie, où il a laissé prendre le 35e; il s’est mal comporté à la bataille de Raab; je vois par vos relations qu’il a laissé charger un régiment seul, pendant qu’il en avait quatre pour le soutenir. Je désire qu’il soit renvoyé en France. Le général Gérard commandera 3 des régiments qui composaient cette division.

 

J’en retirerai le 4e, pour le joindre à une brigade de cavalerie légère dont je donne le commandement au général de brigade Thiry, qui sort de la garde. Quant aux généraux de division, j’ai les généraux Lasalle et Montbrun, tous deux généraux de division de cavalerie légère, qui sont suffisants.

(Eugène)


Schönbrunn, 27 juin 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie

Mon fils, je reçois votre lettre du 26, à dix heures du soir. Je vois avec peine que vous n’ayez pas réussi à couper le pont de Komorn. Si les moulins ne sont pas bons pour cela, il faut lancer un seul bateau; cela sera suffisant. Je vois avec plaisir que vous nous envoyez de la farine. Vous en faites partir 1,000 quintaux le 27; tâchez d’en envoyer autant tous les jours, soit farine, soit blé. Lorsque le duc d’Auerstaedt aura fini le feu contre Presbourg, il enverra 4 mortiers de 6 pouces et ses 2 obusiers à Raab. Je donne ordre au général Lariboisière d’y envoyer 1,000 à  2,200 boulets ou obus, ce qui augmentera d’autant les moyens de Raab. Correspondez avec le duc d’Auerstaedt, pour être certain que ce convoi est entré dans Raab avant que cette ville soit abandonnée à elle-même.

 

(Eugène)


Schönbrunn, 27 juin 1809.

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, je reçois votre rapport du 18 juin, par lequel vous m'annoncez que vous faites partir pour l'armée 48 élèves de l'école d'artillerie, et qu'il en reste encore 50 qui sont depuis six mois à l'école d'application. Six mois à l’école d'application sont suffisants ; faites partir ces 50 élèves sans délai et en poste. Tous mes cadres ici sont vides; je serais, à défaut d'officiers, obligé de prendre d'anciens sergents, qui ne les vaudraient pas. Je ne puis pas entrer dans le détail des mouvements d'artillerie que vous me proposez dans votre rapport du 16 juin. Affaiblissez quelques compagnies d'artillerie de l'armée d'Espagne, si cela est possible, et orga­nisez l'artillerie du due d'Abrantès le mieux que vous pourrez. Vous me marquez que cette artillerie est déjà portée à vingt-quatre bouches à feu; augmentez-la encore un peu. Je vois dans votre rapport du 20 juin que le bataillon du 46e était encore à Paris cette époque.


Schönbrunn, 27 juin 1809.

Au général Clarke, comte d’Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Je reçois votre lettre du 21. Il était inutile de parler dans le Moniteur de l'artillerie brisée et perdue; cela n'est bon qu'à exciter les nombreux ennemis que nous avons partout.


Schönbrunn, 27 juin 1809

Au général comte Dejean, ministre directeur de l’administration de la guerre, à Paris

Le défaut d'effets de harnachement et de selles nous ruine: il nous tient dans les dépôts un grand nombre de chevaux qui mangent et ne font rien. Il n'est cependant pas difficile, avec les immenses ressources de la France, de procurer des selles et des brides à ma cavalerie, et de mettre ainsi mes remontes dans le cas de servir.


Schönbrunn, 27 juin 1809.

Au prince Poniatowski, commandant les troupes polonaises du 9e corps, à Pulawy

L'Empereur, Monsieur le Prince Poniatowski, suppose les Russes arrivés à Cracovie. Vous devez les engager à se porter sur Olmütz, et, s'il est possible, vous devez vous y porter vous-même ou partout ailleurs, afin de remplir le même but, qui est d'occuper le corps de l'archiduc Ferdinand. Sous peu de jours, nous aurons vraisemblablement passé le Danube, sur lequel nous avons deux ponts de pilotis et un de bateaux.


Schönbrunn, 27 juin 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

J'ai reçu votre lettre du 21 juin. Vous me parlez des correspon­dances de l'armée. Sans doute, les lettres que vous avez eues sous les yeux ont été écrites par des fournisseurs; les lettres de l'année sont dans un autre esprit. On y doit parler de morts et de blessés, sans doute; la guerre ne se fait pas autrement; mais jamais l' armée n'a été mieux disposée. Ainsi, ces correspondances, si elles ne se composent pas de lettres de fournisseurs et autres aventuriers qui suivent les armées, sont évidemment controuvées.

(Lecestre)


Schönbrunn, 28 juin 1809, neuf heures du matin

Au général Marmont, duc de Raguse, commandant l’armée de Dalmatie, à Graz

Le 27 vous n'étiez pas à Graz. Vous avez fait la plus grande faute militaire qu'un général puisse faire. Vous auriez dû y être le 23 à minuit, ou le 24 au matin. Vous avez 10,000 hommes à commander, et vous ne savez pas vous faire obéir. Au fond, votre corps n'est qu'une division. Je crois que Montrichard n'est pas grand'chose; mais vous avez mauvaise grâce à vous plaindre. Que serait-ce si vous commandiez 120,000 hommes ? D'ailleurs une désobéissance serait criminelle; c'est un malentendu, et comment peut-il y en avoir quand on n'a que 10,000 hommes ? Marmont, vous avez les meil­leurs corps de mon armée; je désire que vous soyez à une bataille que je veux donner, et vous me retardez de bien des jours. Il faut plus  d’activité et de mouvement qu'il ne paraît que vous vous en donnez pour faire la guerre.

Vous avez peut-être enfin battu aujourd'hui Gyulai. Il est bien nécessaire que je puisse savoir à quoi m'en tenir, où vous êtes, et où se  ralliera l'ennemi autour de Graz. Il est important qu'il soit dispersé de manière qu'il ne puisse pas se réunir de bien des jours.


Schönbrunn, 28 juin 1809, dix heures du matin.

Au général Marmont, duc de Raguse, commandant l’armée de Dalmatie, à Graz.

J'ai mis, Monsieur le Général Marmont, votre lettre du 27 sous les yeux de l'Empereur. Sa Majesté ne comprend pas et n'approuve pas vos dispositions. Vous deviez être le 24 à Graz, et vous n'y étiez pas le 27. Sa Majesté me charge de vous dire que ce qui convient à la guerre est simplicité et sûreté, et la simplicité et la sûreté de vos mouvements voulaient que vous allassiez directement à Graz; là, vous vous seriez trouvé sur la droite de la Mur; vous y auriez eu des nouvelles de l'ennemi, c'est l'avantage des grandes villes; alors le 26 vous auriez pu prendre un parti convenable. Au lieu de cela, vous vous êtes porté sur Wildon, n'ayant pas la facilité de vous porter sur les deux rives de la Mur, et vous avez perdu deux jours, ce qui nuit beaucoup aux projets de l'Empereur, en retardant l'instant de la grande bataille que Sa Majesté veut livrer à l'ennemi. Quant au géné­ral Montrichard (Joseph-Hélie-Désiré Perruquet de Montrichard, 1760 – 1828), Sa Majesté n'en a pas une très-grande opinion, mais elle ne peut croire que, s'il avait eu des ordres positifs, il n'eût pas marché. Sa Majesté pense donc que les ordres ont été mal donnés. Faîtes-moi connaître ce qui en est, car, si le général Montrichard n'a pas exécuté votre ordre, Sa Majesté le fera traduire à un conseil de guerre.

L'Empereur suppose qu'aujourd'hui vous serez maître de Graz, que vous aurez suivi le général Gyulai, Il est probable que, si vous avez une affaire, il en résultera que le fort de Graz sa rendra. Toutefois, Général, l'intention de Sa Majesté n'est pas que vous vous éloigniez en poursuivant l'ennemi; vous devez vous mettre en mesure d'attendre des ordres. Quand l'Empereur saura comment les choses se sont passées, son projet est de vous donner l'ordre de vous déployer à grandes marches sur Vienne.

Ce n'est pas la réserve de cavalerie que je vous avais demandée, c'est la réserve d'artillerie que le général Broussier avait dit avoir, et qui portait quinze cent mille cartouches d'infanterie. Faites filer de suite sur Vienne cette réserve de munitions, et faites partir également sur-le-champ pour Vienne deux compagnies du 8e régiment d'artillerie à pied. Faîtes-leur faire de grandes journées.

Aussitôt que vous n'aurez plus absolument besoin du général Broussier et de ses troupes, envoyez-le sur Neustadt, route de Vienne. Si cependant les événements de la journée d'aujourd'hui vous avaient conduit à cinq ou six lieues sur la route de la Hongrie, et que le général Broussier fût plus près d'OEdenburg, vous le dirigeriez sur cette ville et m'en préviendriez.

Sa Majesté trouve que vous avez manœuvré de manière à donner tout l'avantage sur vous à l'ennemi. Vous deviez être à Graz avant lu et, comme vous n'avez qu'un petit corps, y arriver le 28. Telle est l'opinion de Sa Majesté.


Schönbrunn, 28 juin 1809, dix heures du matin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, vous trouverez ci-joint une lettre d'OEdenburg; vous y verrez que le général Chasteler paraissait se diriger sur Stein am Anger. Le général Gyulai était sur Graz ; Marmont a dû l'attaquer hier. Je vous ai déjà mandé qu'il fallait faire un fort détachement de cavalerie, d'infanterie et d'artillerie sur les derrières de Chasteler; il est impossible que ce détachement ne prenne pas quelque chose. Il ne m'est pas possible de faire le mouvement que je médite, si l'on n'a éloigné l'ennemi de ce côté.


Schönbrunn, 28 juin 1809.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, je vous envoie une lettre du général Chasteler et des renseignements sur sa marche. Je ne sais pas où est Marulaz. Il est impossible que vous n’ayez pas de votre côté des renseignements. Ce serait un grand bonheur si l’on pouvait tomber sur Chasteler : il ne doit pas être en force, car Marmont et Broussier me mandent que, le 25, ils marchaient contre Giulay, qui était entre Graz et Wildon. Il est bien important da prendre Chasteler, ou de l’obliger à prendre promptement un parti sur sa droite ou sur sa gauche. S’il ne se dirige pas sur Pest, c’est qu’il hésite s’il ne passera pas à Komorn. Envoyez Macdonald manoeuvrer sur lui; il ne s’engagera pas s’il apprend qu’il s’est décidé à  gagner Pest.

 

(Eugène)


Schönbrunn, 28 juin 1809.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, il est bien nécessaire que vous réitériez l’ordre que tous les hommes sans chevaux, et les chevaux éclopés, que vous avez laissé dans des petits dépôts de cavalerie du côté de Raab, dans la Carinthie, et jusqu’à Osopo, se rendent à Schönbrunn, où ils feront partie du dépôt de cavalerie qui y est établi sous les ordres du général Bron.

 

(Eugène)

 


Schönbrunn, 28 juin 1809.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, j’ai ici 800 hommes de cavalerie 1égere à pied. On m’assure qu’il serait facile de se procurer en peu de temps, où vous êtes, 800 petits chevaux qui paissent dans des îles, mêlés avec des boeufs à demi sauvages, et que, si on voulait les payer, on les aurait à 100 ou 150 florins la pièce. Je suppose que vos régiments de cavalerie se seront procurés des chevaux. Répondez-moi sur ces 800 chevaux; si vous pouvez les trouver, j’enverrai des hommes pour les prendre.

 

(Eugène)


Schönbrunn, 28 juin 1809, onze heures du matin

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, je reçois vos deux lettres du 27 à midi et à six heures du soir. Les caisses n'ont été saisies ni à Graz, ni à Klagenfurt, ni nulle part; il y avait plusieurs millions dans les caisses de ces villes.

Désormais il n'y a plus d'armée d'Italie; vos troupes font partie de la Grande Armée. Les événements ont été trop vifs pour qu'on se soit occupé de donner des gratifications; on n'a donné un sou à personne; on ne s'est pas non plus occupé de l'habillement. J'ai accordé 40,000 francs à chaque corps pour les achats indispensables : cela sera donné au corps de l’armée d'Italie comme aux autres. Il faut que toutes les contributions soient versées dans la caisse du sieur la Bouillerie, que tous les comptes d'administration soient rendus à l'intendant général et que toutes les munitions des parcs soient à la disposition du général La Riboisière. Il n'y a aucune espèce de raison pour établir une distinction entre les corps de l'armée d'Italie et les autres.

Marmont a assez mal manoeuvré; Broussier, encore plus mal. Il n'a pas dépendu d'eux que je n'aie perdu le 81e, qui a été bloqué pendant dix-neuf heures el qui a trouve dans son courage de quoi suppléer aux faux mouvements qu'on a faits. Il a fait aux mauvais Croates du général Gyulai plusieurs centaines de prisonniers et a pris deux drapeaux. Le régiment s'est couvert de gloire.


Schönbrunn, 28 juin, dix heures du soir.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, donnez ordre à la brigade badoise de se rendre sans délai à Ebersdorf.

Faites-moi connaître la situation du général Lasalle, et si le général Marulaz l'a rejoint, et quelle est la force des généraux Lasalle et Marulaz réunis.


Schönbrunn, 28 juin 1809.

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Italie, à Schönbrunn

Le major général écrira au général Vandamme pour le prévenir que, la brigade Pajol ayant fait un mouvement, il place un régiment de cavalerie wurtembergeois entre Nussdorf et Klosterneuburg.

Ordre à la brigade Pajol de partir demain de ses cantonnements pour aller s'établir du côté de Laxenburg, où elle sera réunie le plus tôt possible afin d'être prête à marcher au premier ordre.


Schönbrunn, 28 juin 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, chargez le général Monthion de se rendre dans les prisons de Vienne et de s'informer pourquoi il y a 175 Français prisonniers. Ce nombre me parait bien considérable.


Schönbrunn, 28 juin 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, envoyez un officier au roi de Westphalie pour lui faire connaître que mon intention est qu'avec ses propres troupes, la division hollandaise, les troupes saxonnes, les troupes françaises et du grand-duché de Berg, qu'il a sous ses ordres, il porte son quartier général à Dresde et se prépare à entrer en Bohême; que j'ordonne au duc d'Abrantès d'envoyer de Bayreuth la division Rivaud avec un régiment de cavalerie et douze pièces de canon pour le soutenir; mais que, si par des raisons quelconques il ne pouvait pas entrer à Dresde et menacer la Bohême, les divisions françaises doivent rester du côté de Bayreuth.


Schönbrunn, 28 juin 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, écrivez au prince de Ponte-Corvo d'augmenter la division Dupas de 2,000 Saxons, afin de porter cette division à 5 ou 6,000 hommes. Ces Saxons, mêlés avec des troupes françaises et commandés par des généraux français, rendront plus de services. Par ce moyen, le prince de Ponte-Corvo aura trois divisions de 5 à 6,000 hommes chacune.


Schönbrunn, 28 juin 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, réitérez l'ordre que tous les soldats de l'armée qui sont à Vienne reçoivent tous les jours une bouteille de vin. Les caves de Vienne sont pleines; il est ridicule que mes soldats manquent de vin. Les corps qui sont dans la ville iront à la distribution. Pour les corps qui sont éloignés, les ordonnateurs prendront des mesures pour le transport.


Schönbrunn, 28 juin 1809.

Au général comte Bertrand, commandant le génie de l’armée d’Allemagne, à Ebersdorf

Monsieur le Général Bertrand, je désire que demain, au jour, vous alliez reconnaître et faire reconnaître par un capitaine de pontonniers le Danube, vis-à-vis le Hansel-Grund. Je voudrais jeter là mon pont de radeaux. On passerait, comme je l'ai ordonné, dans le Hansel-Grund sur un petit pont qui serait préparé dans l'île, et, aussitôt que l'opération serait faite, on jetterait le pont de radeaux. Faites-moi connaître si cela est possible, et quelle est la largeur du Danube en cet endroit. Ce pont, qui serait jeté en vingt-quatre heures, serait un moyen de passage en cas de retraite ou d'événements extraordinaires.


P. S. Il faudrait aussi assurer la communication du pont actuel à l'embouchure, vis-à-vis du village de Mannswœrth, où il y a deux ou trois petits filets d'eau.


Vienne, 28 juin 1809.

VINGT-TROISIÈME BULLETIN DE L'ARMÉE D'ALLEMAGNE.

Le 25 de ce mois, Sa Majesté a passé en revue un grand nombre de troupes sur les hauteurs de Schönbrunn. On a remarqué une superbe ligne de 8,000 hommes de cavalerie, dont la Garde faisait partie, et où ne se trouvait pas un régiment de cuirassiers. On a remarqué également une ligne de deux cents pièces de canon. La tenue et l'air martial des troupes excitaient l'admiration des spectateurs.

Samedi 24, à quatre heures après midi, nos troupes sont entrées à Raab. Le 25, la garnison, prisonnière de guerre, est partie. Le compte fait, elle s'est trouvée monter à 2,500 hommes. Sa Majesté a donné au général de division Narbonne le commandement de cette place et de tous les comitats hongrois soumis aux armes françaises.

Le duc d'Auerstaedt est devant Presbourg. L'ennemi travaillait à des fortifications ; on lui a intimé de cesser ses travaux, s'il ne voulait pas attirer de grands malheurs sur les paisibles habitants. Il n'en a tenu compte : 1,000 bombes et obus l'ont forcé de renoncer à son projet; mais le feu a pris dans cette malheureuse ville, et plusieurs quartiers ont été brûlés.

Le duc de Raguse avec l'armée de Dalmatie a passé la Drave le 22, et marchait sur Graz.

Le 24, le général Vandamme a fait embarquer à Melk 300 Wurtembergeois, commandés par le major Kechler, pour les jeter sur l'autre rive et avoir des nouvelles. Le débarquement s'est fait. Ces troupes ont mis en déroute deux compagnies ennemies et ont pris 2 officiers et 80 hommes du régiment de Mittrovski.

Le prince de Ponte-Corvo et l'armée saxonne sont à Saint-Pölten. Le duc de Danzig, qui est à Linz, a fait faire une reconnaissance sur la rive gauche par le général de Wrede : tous les postes ennemis ont été repoussés; on a pris plusieurs officiers et une vingtaine d'hommes. L'objet de cette reconnaissance était aussi de se procurer des nouvelles.

La ville de Vienne est abondamment approvisionnée de viande; l’approvisionnement de pain est plus difficile, à cause des embarras qu'on éprouve pour la mouture. Quant aux subsistances de l'armée, elles sont assurées pour plus de six mois. Elle a des vivres, du vin et des légumes en abondance. Le vin des caves des couvents a été mis en magasin, pour fournir aux distributions à faire à l'armée. On a réuni ainsi plusieurs millions de bouteilles.

Le 10 avril, au moment même où le général autrichien prostituait son caractère et tendait un piége au roi de Bavière en écrivant la lettre qui a été insérée dans tous les papiers publics, le général Chasteler insurgeait le Tyrol et surprenait 700 conscrits français qui allaient à Augsbourg, où étaient leurs régiments, et qui marchaient sur la foi de la paix. Obligés de se rendre et faits prisonniers, ils furent massacrés. Parmi eux se trouvaient 80 Belges nés dans la même ville que Chasteler. 1,800 Bavarois, faits prisonniers à la même époque, furent aussi massacrés. Chasteler, qui commandait, fut le témoin de ces horreurs. Non-seulement il ne s'y opposa point, mais on l'accusa d'avoir souri à ce massacre, espérant que les Tyroliens, ayant à redouter la vengeance d'un crime dont ils ne pouvaient espérer le pardon, seraient ainsi plus fortement engagés dans leur rébellion.

Lorsque Sa Majesté eut connaissance de ces atrocités, elle se trouva dans une position difficile. Si elle voulait recourir aux repré­sailles, 20 généraux, 1,000 officiers, 80,000 hommes, faits prisonniers pendant le mois d'avril, pouvaient satisfaire aux mânes des malheureux Français si lâchement égorgés. Mais des prisonniers n'appartiennent pas à la puissance pour laquelle ils ont combattu; ils sont sous la sauvegarde de l'honneur et de la générosité de la nation qui les a désarmés. Sa Majesté considéra Chasteler comme étant sans aveu; car, malgré les proclamations furibondes et les discours violents des princes de la Maison de Lorraine, il était impossible de croire qu'ils approuvaient de pareils attentats, Sa Majesté fit en conséquence publier l'ordre du jour suivant :

 

ORDRE DU JOUR.

Quartier général impérial à Enns, 5 mai 1809.

D'après les ordres de l'Empereur, le nommé Chasteler, soi-disant général au service d' Autriche, moteur de l'insurrection du Tyrol, et prévenu d'être l'auteur des massacres commis par les insurgés sur les prisonniers bavarois et français, sera traduit à une commission militaire aussitôt qu'il sera fait prisonnier, et passé par les armes, s'il y a lieu, dans les vingt-quatre heures qui suivront sa saisie.

Le prince de Neuchâtel, vice-connétable, major général de l'armée,

 

A la bataille d'Essling, le général Durosnel, portant un ordre à un escadron avancé, fut fait prisonnier par 25 uhlans. L'empereur d'Autriche, fier d'un triomphe si facile, fit publier un ordre du jour conçu ,en ces termes :

 

COPIE D'UNE LETTRE DE S. M. L'EMPEREUR D'AUTRICHE AU PRINCE CHARLES.

Wolkersdorf, 25 mai 1809,

Mon cher Frère, j'ai appris que l'empereur Napoléon a déclaré le marquis de Chasteler hors du droit des gens. Cette conduite injuste et contraire aux usages des nations, et dont on n'a aucun exemple dans les dernières époques de l'histoire, m'oblige d'user de représailles. En conséquence, j'ordonne que les généraux français Durosnel et Fouler soient gardés comme otages, pour subir le même sort et les mêmes traitements que l'empereur Napoléon se permettrait de faire éprouver au général Chasteler. Il en coûte à mon cœur de donner un pareil ordre; mais je le dois à mes braves guerriers et à mes braves peuples, qu'un pareil sort peut atteindre au milieu des devoirs qu'ils remplissent avec tant de dévouement. Je vous charge de faire connaître cette lettre à l'armée, et de l'envoyer par un parlementaire au major général de l'empereur Napoléon.

 

Aussitôt que cet ordre du jour parvint à la connaissance de Sa Majesté, elle ordonna d'arrêter le prince de Colloredo, le prince de Metternich, le comte Pergen et le comte de Hardeck, et de les conduire en France pour répondre des jours des généraux Durosnel et Fouler. Le major général écrivit au chef d'état-major de l'armée autrichienne la lettre ci-après :

 

A M. LE GÉNÉRAL DE L'ARMÉE AUTRICHIENNE.

Schönbrunn, 6 juin 1809.

Monsieur, S. M. l'Empereur a eu connaissance d’un ordre donné par l'empereur François, qui déclare que les généraux français Durosnel et Fouler, que les circonstances de la guerre ont mis en son pouvoir, doivent répondre de la peine que les lois de la justice infligeraient à M. Chasteler, qui s'est mis à la tête des insurgés du Tyrol et a laissé égorger 700 prisonniers français et 18 à 1.900 Bavarois, crime inouï dans l'histoire des nations, qui eût pu exciter une terrible représaille contre 40 feld-maréchaux-lieutenants, 36 généraux-majors, plus de 300 colonels ou majors, 1.200 officiers et 80,000 soldats, qui sont nos prisonniers, si Sa Majesté ne regardait les prisonniers comme placés sous sa foi et sous son honneur, et d'ailleurs n'avait eu des preuves que les officiers autri­chiens du Tyrol en ont été aussi indignés que nous.

Cependant Sa Majesté a ordonné que le prince de Colloredo, le prince de Metternich, le comte Frédéric de Hardeck et le comte de Pergen seraient arrêtés et transférés en France pour répondre de la sûreté des généraux Durosnel et Fouler, menacés par l'ordre du jour de votre souverain. Ces officiers pourront mourir, Monsieur, mais ils ne mourront pas sans vengeance: cette vengeance ne tombera sur aucun prisonnier, mais sur les parents de ceux qui ordonneraient leur mort.

Quant à M. Chasteler, il n'est pas encore au pouvoir de l'armée, mais, s'il est arrêté, vous pouvez compter que son procès sera instruit, et qu'il sera traduit à une commission militaire.

Je prie Votre Excellence de croire aux sentiments de ma haute considération.

Le major général, ALEXANDRE.

 

La ville de Vienne et le corps des États de la basse Autriche sollicitèrent la clémence de Sa Majesté, et demandèrent à envoyer une députation à l'empereur François, pour faire sentir la déraison du procédé dont on usait à l'égard des généraux Durosnel et Fouler, pour représenter que Chasteler n'était pas condamné, qu'il n'était point arrêté, qu'il était seulement traduit devant les tribunaux; que les pères, les femmes, les enfants, les propriétés des généraux autrichiens étaient entre les mains des Français, et que l'armée française était décidée, si l'on attentait à un seul prisonnier, à faire un exemple dont la postérité conserverait longtemps le souvenir.

L'estime que Sa Majesté accorde aux bons habitants de Vienne et au corps des États, la détermina à accéder à cette demande. Elle autorisa M. de Colloredo, de Mettemieh, de Pergen et de Hardeck à rester à Vienne, et la députation à partir pour le quartier général de l'empereur d'Autriche.

Celle députation est de retour. L'empereur François a répondu à ses représentations qu'il ignorait le massacre des prisonniers français en Tyrol, qu'il compatissait aux maux de la capitale et des provinces, que ses ministres l'avaient trompé, etc. Les députés firent observer que tous les hommes sages voient avec peine l'existence de cette poignée de brouillons qui, par les démarches qu'ils conseillent, par les proclamations, les ordres du jour, etc., qu'ils font adopter, ne cherchent qu'à fomenter les passions et les haines et à exaspérer un en­nemi maître de la Croatie, de la Carinthie, de la Carniole, de la Styrie, de la haute et de la basse Autriche, de la capitale de l'empire et d'une grande partie de la Hongrie; que les sentiments de l'empereur pour ses sujets devaient le porter à calmer le vainqueur plutôt qu'à l'irriter, et à donner à la guerre le caractère qui lui est naturel chez les peuples civilisés, puisque ce vainqueur pouvait en appesantir les maux sur la moitié de la monarchie.

On dit que l'empereur d'Autriche a répondu que la plupart des écrits dont les députés voulaient parler étaient controuvés; que ceux dont on ne désavouait pas l'existence étaient plus modérés; que les rédacteurs dont on se servait étaient d'ailleurs des commis français, et que, lorsque ces écrits contenaient des choses inconvenantes, on ne s'en apercevait que quand le mal était fait. Si cette réponse, qui court dans le public, est vraie, nous n'avons aucune observation à faire. On ne peut méconnaître l'influence de l'Angleterre, car ce petit nombre d'hommes traîtres à leur patrie est certainement à la solde de cette puissance.

Lorsque les députés ont passé à Bude, ils ont vu l'impératrice. C'était quelques jours avant qu'elle fût obligée de quitter cette ville. Ils l'ont trouvée changée, abattue et consternée des malheurs qui menacent sa Maison. L'opinion de la monarchie est extrêmement défavorable à la famille de cette princesse. C'est cette famille qui a excité à la guerre. Les archiducs Palatin el Rainer sont les seuls princes autrichiens qui aient insisté pour le maintien de la paix. L'impératrice était loin de prévoir les événements qui se sont passés. Elle a beaucoup pleuré; elle a montré un grand effroi du nuage épais qui couvre l'avenir; elle parlait de paix, elle demandait la paix; elle conjurait les députés de parler à l'empereur François en faveur de la paix. Ils ont rapporté que la conduite de l'archiduc Maximilien avait été désavouée, et que l'empereur d'Autriche l'avait envoyé au fond de la Hongrie.


Schönbrunn, 29 juin 1809, onze heures du matin

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 29 à deux heures du matin.

Voici les dispositions générales que j'ai arrêtées. Le 1er ou le 2, vous serez relevé à votre poste par une division du vice-roi, et vous vous mettrez en marche pour Ebersdorf, où il est nécessaire que vous soyez rendu le 3. Le 4, tout le corps du vice-roi doit y être rendu. Le 5, je compte attaquer l’ennemi. J'attendrai un dernier rapport pour savoir si l'on doit occuper Kittsee ou non. Combien croyez-vous qu'il faille de troupes pour contenir devant Presbourg le général Bianchi ?

Je pense que de votre personne vous pouvez venir ici un peu plus tôt, afin de prendre connaissance de l'état des choses, de ce que vous aurez à faire, et de vous assurer du bon état de votre artillerie, de votre réserve, de vos vivres.

Le général Puthod avec sa division me paraît très-suffisant. Faites rapprocher le général Lasalle, afin que dans un jour et demi il soit sur vous; le vice-roi doit, en attendant, le garder près de Pres­bourg. Je réunis à Vienne toutes mes troupes. Le vice-roi ne laisse qu'une garnison de 1,000 hommes à Raab; il laissera aussi un corps d'observation devant Presbourg. Je fais revenir également Marmont et Broussier de Graz; la concentration est générale. Prenez toutes les mesures pour qu'aucun homme ne reste en arrière, et qu'on ne perde absolument rien.


Schönbrunn, 29 juin 1809, onze heures du matin

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, envoyez-nous donc des vivres; nous sommes dans la plus grande pénurie. Nous n'avons encore reçu que 5,000 quintaux de blé ou de farine, soit du duc d'Auerstaedt, soit de vous; cependant rien que ce qui était sur les bateaux montait à 9,000 quintaux. Je vous avais demandé 2,000 quintaux de farine, ce qui aurait fait 11,000; de nous envoyer 6,000 quintaux de blé, pris dans le pays que vous occupez, ce qui aurait fait 17,000 quintaux. Nos besoins en vivres sont tout à fait pressants.


Schönbrunn, 29 juin 1809, onze heures du matin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, je reçois votre lettre du 28 à deux heures après midi.

J'approuve les instructions que vous avez données au général Macdo­nald. Marmont est arrivé le 27 à Graz, à la pointe du jour; Gyulai s'était retiré du côté de Güns. Le général Marmont avait jugé à propos de se reposer le 27, ce qui était une nouvelle faute qu'il avait faite, et devait se mettre le 28 à la poursuite de l'ennemi. J'ai donné ordre à Marmont et à Broussier d'être arrivés le 4 sur Vienne. J'ai donné ordre au général Rusca de laisser une garnison suffisante à Klagenfurt, en tenant des postes entre Laybach et Klagenfurt, et entre Klagenfurt et Osoppo, et de se rendre à marches forcées sur Bruck, de manière à y être arrivé entre le 3 et le 4. Je lui ai fait donner l'ordre d'écrire en Italie pour que tous les détachements venant d'Italie soient réunis à Osoppo, jusqu'à ce que cela forme une colonne de 4,000 hommes. Je lui ai cependant mandé que, si les 500 cuirassiers et les 500 chasseurs qui ont dû arriver le 26 à Osoppo pouvaient rejoindre sa colonne, il les fit doubler de marche. Vous voyez donc par là mes projets. Il faut que le 4 au soir, tout votre corps d'armée soit rendu à Ebersdorf. Tout le monde doit marcher à grandes journées.

Il suffit que vous commenciez votre mouvement le 2; car je compte que de Raab à ici il n'y a pas plus de trois jours de marche. Disposez vos autres corps de manière qu'ils soient déjà sur la route et qu'ils soient moins fatigués. Vous avez déjà déterminé la garnison de Raab; un rideau de cavalerie légère pourra rester vingt-quatre heures de plus entre Raab el Komorn, afin de masquer davantage votre mouvement. La garnison de Raab pourra tenir des détachements d'infanterie aux différents ponts, qu'il faudra détruire afin de défendre Raab le plus longtemps possible. Il est nécessaire qu'une de vos divisions puisse être devant Presbourg le 2, afin que ce jour-là le duc d'Auerstaedt puisse partir pour Ebersdorf et remettre ses postes à la division que vous enverrez.

Ainsi vous devez avoir tout votre corps à la bataille, hormis une garnison d'un millier d'hommes que vous laisserez dans Raab, et un corps d’observation devant Presbourg.


Schönbrunn, 29 juin 1809, deux heures après midi.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, j'ai écrit au vice- roi d'ordonner au général Baraguey d'Hilliers d'aller, demain au soir ou après-demain, vous trouver. Je le destine, avec la division Severoli et un régiment de cavalerie légère du vice-roi, à former un corps d'observation vis-à-vis Presbourg et entre Raab et Presbourg, et à soumettre le pays vis-à-vis Presbourg, entre Ebersdorf et Presbourg et entre le lac et Raab. Ce général aura par ce moyen 4,000 à 4,500 hommes, ce qui doit être suffisant pour empêcher l'ennemi de déboucher et pour maintenir la commu­nication entre lui et Ebersdorf. Il sera convenable que vous conseilliez à ce général, après lui avoir montré les positions qu'il doit occuper, d'aller de Presbourg au lac et de Presbourg à Ebersdorf, afin qu'il ait une idée du terrain et de ce qu'il y a à faire.

Quant à votre mouvement et à celui de l'armée d'Italie, il serait de quelque importance que l'ennemi ne le vît pas. Il me semble que depuis Presbourg on longe toujours le Danube. On n'allongerait pas beaucoup le chemin en passant par Bruck, et on serait alors tout à fait hors de vue de l'ennemi.


Schönbrunn, 29 juin 1809.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, voici comme je conçois que votre corps pourrait être composé:

Aile droite. - Macdonald, Division Broussier, 6,000 hommes; division Lamarque, 5,000; artillerie, 500; total, 12,000 hommes.

Corps de Grenier. - Division Seras, 4,000 hommes; division Durutte, 4,500; artillerie, 500; total, 9,000 hommes.

Réserve. - Division Pacthod, 4,000 hommes ; Garde, 2,000; dragons, 3,000; cavalerie légère, 1,600; total, 10,600 hommes.

Ce qui fait 30 à 32,000 hommes que vous auriez à la bataille.

Corps d'observation devant Presbourg. - Baraguey d' Hilliers. Division Severoli, 4,000 hommes, un régiment de cavalerie légère.

Corps d'observation de Bruck et du Semmering et garnisons. - Division Rusca, 3,000 hommes; garnison de Raab, 1,200; de Klagenfurt, 1,200 hommes.

J'ai expédié les ordres pour ce mouvement.

Ce qui porte votre armée à 42,000 hommes. Vous pourrez faire à l'itinéraire les changements que vous jugerez convenables. Il me faut à la bataille de bonnes troupes, car les mauvaises ne servent de rien. Ainsi vous aurez quatre divisions formant deux ailes, une division de dragons et une de cavalerie légère, et une réserve dans votre main, composée de la division Pacthod el de votre garde; ce qui vous for­mera un beau corps de 30 à 32,000 hommes. Envoyez le général Baraguey d'Hilliers, de sa personne, reconnaître Presbourg el les positions à occuper. Comme de raison, je désire qu'il empêche l'en­nemi de déboucher de Presbourg. L'ennemi n'a dans les îles que six bataillons; il a aussi quelques landwehr, mais ce sont de très-mau­vaises troupes. Le général Baraguey d'Hilliers, en fournissant la garnison de Raab, peut avoir 3,000 hommes et six pièces de canon. Vous joindrez à sa colonne un de vos régiments de cavalerie légère. J'avais eu l'intention de lui envoyer une brigade de cavalerie légère, que j'ai formée d'un régiment de chasseurs provisoires et d'un régi­ment wurtembergeois, sous les ordres du général Thiry; mais je placerai ce millier de chevaux à Bruck pour éclairer le pays depuis le lac jusqu'ici. Ils seront sous les ordres du général Baraguey d'Hilliers. Par ce moyen, toute la division Montbrun, la brigade Colbert et vos trois régiments de l'armée d'Italie se trouveront à la bataille. La divi­sion Baraguey d'Hilliers sera forte de 4,000 hommes, qui suffisent pour empêcher l'ennemi de déboucher devant Presbourg et pour maintenir la communication avec Ebersdorf. En cas d'événement, le général Baraguey d'Hilliers ne doit jamais se laisser couper d'Ebers­dorf, et doit se retirer graduellement.

Le général Rusca a les mêmes instructions du côté de Bruck. L’important est que, demain ou après-demain, le général Baraguey d'Hilliers aille trouver le duc d'Auerstaedt afin de bien reconnaître les positions et ce qu'il a il faire.


P. S. J'ai reçu votre projet de proclamation aux Hongrois; je désire que vous remettiez à faire cette proclamation après la bataille.


Schönbrunn, 29 juin 1809.

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, donnez ordre au duc de Danzig de faire partir, le 1er de juillet, toute la division Wrede, infanterie, cavalerie et artillerie, et de compléter les pièces d'artillerie à quarante, sur les soixante qu'a le duc de Danzig. Cette division se rendra à Melk, où elle arrivera le 3, de bonne heure, et de manière à pouvoir faire encore trois lieues. Le général de Wrede enverra un aide camp, qui fera connaître l'heure où il arrivera, et qui pourra lui porter des ordres sur sa destination définitive.

Vous écrirez au duc de Danzig que, moyennant la fortification de Linz, la division qui s'y trouve doit être suffisante; qu'enfin je le laisse maître d'y faire venir une partie de la division Deroy, s'il croit pouvoir le faire sans inconvénient pour Salzburg; que ces mouvements sont pour appuyer une opération qui ne devrait durer que deux ou trois jours. Vous ferez remarquer au duc de Danzig qu'il peut ordonner au général Rouyer de placer un de ses bataillons pour garder la ligne depuis Passau jusqu'à Linz; ce qui lui économisera un bataillon de 600 hommes; qu'également 100 hommes sont suffisants pour garder la redoute d'Enns; que 100 hommes sont suffisants pour la ville d'Enns; que 300 chevaux et 100 hommes d'infanterie sont suffisants pour garder Amstetten, et qu'ainsi il pourrait réunir plus de 6,000 hommes disponibles pour garder le pont de Linz.

Écrivez au général Vandamme que, s'il n'y a rien de nouveau, il soit rendu ici, de sa personne, demain à midi.


Schönbrunn, 29 juin 1809.

Au comte Gaudin, ministre des finances, à Paris

Monsieur Gaudin, mon intention est de ne rien ôter au général Miollis.

Recommandez à la Consulte, à Rome, de faire tous ses efforts pour contenter les Romains; dites-lui que je n'ai pas fait de la réunion de Rome une affaire de finances, et qu'il ne faut pas que ce pays éprouve des charges nouvelles; qu'au contraire je désire que ce qu'on appelle la ville de Rome soit libéré autant que possible de toutes charges, et qu'on ne paye que ce qui est nécessaire pour la ville.

Répétez-leur que je ne veux retirer aucun avantage pécuniaire de la réunion de Rome; que je désire que les habitants soient contents, et que ce qui resterait de libre sur les revenus soit employé à la libé­ration et au bien de la ville.


Schönbrunn, 30 juin 1809.

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Faites donc voir qui est-ce qui dirige le ministre de Prusse. (Il s’agit de von Brockhausen). Les bêtises et les infamies qu'il envoie à sa cour ne peuvent se concevoir. Cet homme est-il bête ou malin, ou est-il mystifié par un intrigant de Paris ? Il écrit à Berlin que mes affaires sont désespérées, que le mécontentement en France est au comble, et le résultat de tout cela est pour faire que la Prusse ne me paye pas. Il faut que cet homme soit bien bête ou bien malveillant.


Schönbrunn, 30 juin 1809.

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Monsieur Fouché, je reçois votre lettre du 24, avec l'état des individus détenus dans les prisons de Bastia qui ont été renvoyés en France. Je trouve, comme vous, cette liste bien nombreuse. Je vois là des jeunes gens de seize à dix-sept ans, qu'il me semble qu'on pourrait placer, soit à l'école de Châlons, soit dans des lycées, selon l'existence qu'ils ont. Le sénateur Casabianca (Raphael Casabianca, 1738 – 1825) pourrait vous faire connaître si ce sont des gens bons à quelque chose, ou si ce ne sont que des paysans. Je suppose que ce mot de brigandage veut dire esprit de vendette qui, dans les mœurs de ce peuple, ne déshonore pas. Il faudrait leur faire subir un interrogatoire et prendre un parti, car il n'est pas possible de retenir tant de monde en prison sans enquête. Appelez Casabianca et les autres personnes qui peuvent donner des renseignements, et faites-moi une espèce d'enquête sur cela. Si un si grand nombre d'individus devaient être retenus en prison, il vaudrait mieux en former une colonie quelque part. Voyez à faire une information particulière sur chacun d'eux, el surtout à utiliser les jeunes gens.


P. S. J'ai autorisé le duc de Valmy à envoyer le comte de Reuss en surveillance à Metz.


Schönbrunn, 30 juin 1809.

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je vous envoie une lettre du duc de Dalmatie et une information d'un lieutenant de gendarmerie sur un événement original et tout à fait extraordinaire. Un nommé Argenton, adjudant-major au 18e régiment de dragons, en Espagne, qui a servi avec nous, qui a fait la campagne d'Égypte, que je ne connais pas personnellement, mais qui passait pour un homme sûr et dévoué, a été, je ne sais par quel moyen, séduit par les Anglais. Vous verrez, par plusieurs lettres saisies sur lui et que je vous envoie, qu'il est marié à Tours; vous prendrez des informations sur ses parents. Le colonel Lafitte, dont il est question dans cette affaire, est un des militaires les plus dévoués et dont tout le monde répond. Tout cela est bien extraordinaire

(Lecestre)


Schönbrunn, 30 juin 1809, onze heures du malin,

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, j'ai reçu votre lettre du 29 à dix heures du matin. Je crois qu'il est important que M. de Metternich ne s'aperçoive pas de nos mouvements. En conséquence, renvoyez-le à Vienne, jusqu'à ce qu'il soit fait de nouvelles dispositions pour l'échange.

Je reçois en même temps votre lettre du 29 à cinq heures et demie du soir. Il y a beaucoup d'indices qui portent à penser que l'ennemi fait un grand mouvement. Hier, les postes vis-à-vis l'île Lobau ont été beaucoup diminués; un grand nombre de camps qu'on avait l'habitude de voir ont disparu; je prends des mesures pour m'assurer de cela. De votre côté redoublez de surveillance et mandez­ moi ce que vous apprendrez.

Par la lettre de Marmont, il paraît que Gyulai se retire en bas.

On n'a point de nouvelles de Chasteler. Si l'ennemi avait évacué ses positions devant Vienne, il serait possible que je ne me décidasse point à vous faire venir; il est donc convenable de retarder votre mouvement.

Si les vingt-quatre escadrons qu'on a aperçus sur la rive gauche étaient de l'insurrection hongroise, ce ne serait pas grand'chose; si c'étaient d'autres troupes, ce serait différent. Observez bien Komorn et reconnaissez vous-même la Raab depuis son embouchure, afin que, si vous deviez être dans le cas de la défendre, vous connaissiez bien les positions qu'il faudrait prendre. Je vous écrirai ce soir. Ne contremandez rien et agissez comme si vous deviez être le 4 ou le 5 ici. J'ai bien de la peine à comprendre quels pourraient être les projets de l'ennemi s'il évacuait sa position vis-à-vis de Vienne.


Schönbrunn, 30 juin 1809, quatre heures après midi.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Italie, devant Presbourg

Mon Cousin, votre aide de camp m'amène le fils du baron de La Tour, du Piémont, un adjoint à l'état-major de l'archiduc Jean, qui est son espèce de factotum, et deux autres officiers. Cet adjoint pré­tend que, si vous vous emparez de l'île, il vous sera facile de vous rendre maître de la tête de pont, parce que vos batteries la prendront en travers. Vous savez l'importance que j'attache à avoir cette île. Il paraît que les anciennes troupes qui étaient là ont été retirées et remplacées par les troupes de l'armée d'Italie. L'archiduc Jean doit être à Presbourg. Si la tête de pont peut être enlevée, ce sera une très­ bonne et très-importante affaire. Je n'ai pas besoin de vous dire que vous pouvez rester le 1er, le 2 et le 3 pour vos opérations; vous savez que mon armée ne sera réunie que le 5.

L'ennemi paraissait avoir fait des mouvements devant l'île Lobau.

Le fait est qu'hier, aux avant-postes, on n'y voyait que le tiers du monde qu'ils y ont ordinairement. Cependant, du haut de la tour de Vienne La tour de la cathédrale Saint-Etienne), on croit apercevoir les mêmes positions.

Prenez-moi donc cette vilaine tête de pont.

Il paraît que l'adjoint supposait que vos troupes devaient se retirer pour se concentrer. Il m'a assuré qu'il avait même été sur le point de faire passer quelques hommes dans un bateau. Le colonel blessé, qui est Flamand, pourrait vous donner quelques renseignements.


Schönbrunn, 30 juin 1809, quatre heures après midi.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Italie, devant Presbourg

Mon Cousin, je reçois votre lettre du 30 à midi, avec un officier que vous m'avez envoyé. J'ai fait, ce soir à cinq heures, jeter l'ancien pont dans l'île; il a été jeté en une heure. Au premier coup de canon, l'ennemi s'est retiré jusqu'à Essling; et, ce qui me paraît vraiment extraordinaire, à sept heures on ne voyait aucun mouvement; il n'y avait qu'un seul bataillon à Essling, un ou deux à Enzersdorf et 2 ou 3,000 hommes de cavalerie à Aspern; de sorte que, s'il fût entré dans mes projets de m'emparer de toutes leurs redoutes, je pouvais le faire. On a fait réparer la tête de pont, et demain, au jour, nous verrons si l'ennemi est là ou non.

On me mande d'OEdenburg que l'insurrection hongroise commandée par Eszterhazy était en vue, et que les Polonais qui sont là s'attendent à être attaqués demain. Je crois Marulaz à portée de ce point. Faites-moi connaître positivement où est Lasalle.

Demain, à la pointe du jour, je serai dans l'île.

Ce petit officier de La Tour, que vous m'avez envoyé, assure que les ouvrages du côté de Presbourg n'avaient d'autre but que de couvrir cette ville. Si vous prenez la tête de pont, ce sera une très-bonne affaire. S'il était vrai que l'ennemi ne fût pas en force ici, et qu'il voulût tenter quelque chose devant Presbourg, l'opération que nous avons faite ce soir le dérangerait beaucoup. Il doit lui être difficile à présent de jeter un pont à Presbourg.


Schönbrunn, 30 juin 1809, dix heures du soir.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Raab

Mon Fils, les Polonais que j'ai à OEdenburg avaient en présence aujourd'hui l'insurrection hongroise. Ils croyaient Chasteler du côté de Papa. Ils supposaient qu'ils seraient attaqués demain.

Le maréchal Davout vous aura instruit d'une attaque qu'il a faite d'une île, où il a fait une centaine de prisonniers, un colonel et plusieurs officiers. Toute l'armée de l'archiduc Jean est sur Presbourg.

J'ai, ce soir, fait jeter un pont sur le bras de l'île Lobau. L'ennemi a pris la fuite et a évacué toute la rive gauche à une demi-lieue. Nous verrons ce qu'il fera demain


Schönbrunn, 30 juin 1809, onze heures et demi du soir.

Au général Marmont, duc de Raguse, commandant l’armée de Dalmatie, à Gleisdorf

J'ai mis votre lettre du 29 juin, Monsieur le Duc, sous les yeux de Sa Majesté. Vous n'indiquez pas l'heure à laquelle vous écrivez; cependant cela est très-important. Hier, 29, au soir, quatre hussards rouges ont été pris par des insurgés hongrois dans la petite ville de Güns. Nous supposons que ce sont quatre hommes du 6e de hussards.

Vous avez dû être le 29 au soir à Gleisdorf, et vous vous serez dirigé le 30, pour arriver à Vienne, par OEdenburg, et il est possible que vous fassiez de la bonne besogne.

Le comte Esterhazy, avec quelques milliers d'hommes d'infanterie et quelques mille de cavalerie de l'insurrection hongroise, a paru du côté d'OEdenburg, menaçant d'attaquer OEdenburg. Nous espérons que vous tomberez sur les derrières de cette colonne et que vous écraserez son arrière-garde.

Sa Majesté a vu avec peine que vous fassiez peu de cas de ses ordres. Son intention est que les deux compagnies d'artillerie qui vous servent vous restent, et que les deux autres reviennent an quartier général. L'exécution de cet ordre ne souffre aucune modification et tient au bien du service. La route que vous avez ordonnée à vos convois, de Laybach à Klagenfurt, est très-hasardeuse, et par cette communication on s'expose à perdre beaucoup de monde.

Sa Majesté espère que vous êtes en grande marche sur Vienne, que vous passez par OEdenburg, et que le général Broussier file à grande marche sur Neustadt.

Les nouvelles sont que le général Chasteler est du côté de Papa; il serait bien près du vice-roi. Il paraît que Chasteler et Gyulai n'ont que l'instruction de battre le pays en partisans.

Ayez bien soin, si vous passez par la Hongrie, aux deux choses ci-après:

1° De n'avoir pas de traîneurs;

2° Que tout ce qui viendrait vous joindre de Graz passe par Neustadt et non par la route de Hongrie; sans quoi vous perdriez beaucoup de monde, ce qui est arrivé au vice-roi. Que tout cela vienne de Graz à Bruck, et suive de là la route de Neustadt.

Il faut même envoyer au-devant de vos convois, pour que rien ne vienne à Graz et que tout se dirige droit sur Bruck. Ces précautions sont bien importantes et peuvent seules sauver les hommes qui viennent à la suite.