16 – 31 Octobre 1809

 

Schönbrunn, 16 octobre 1809.

Au prince Poniatowski, commandant l’armée polonaise, à Cracovie

Le prince de Neuchâtel vous fera connaître le traité de paix et les conditions de la convention militaire pour son exécution. Je charge votre aide de camp de vous remettre un sabre comme un témoignage de ma satisfaction de votre conduite dans la présente guerre.


Schönbrunn, 16 octobre 1809

A M. Gaudin, duc de Gaète, ministre des finances, à Paris

Comme les provinces d'Illyrie, c'est-à-dire Trieste, Fiume, etc., doivent former des provinces à part jusqu'à nouvel ordre, il est nécessaire que vous y envoyiez un directeur des douanes intelligent, pour établir le service à Trieste.


Schönbrunn, 16 octobre 1809

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je suis indigné d'apprendre que le général Gouvion Saint-Cyr ait abandonné ses troupes. S'il avait quitté l'armée sans votre autorisation et sans avoir remis le commandement à un maréchal, vous donnerez ordre qu'il soit arrêté. Épargnez-lui ce désagrément si vous le pouvez, et faites-lui connaître combien cette conduite est extraordinaire. (Le général Gouvion Saint-Cyr avait cru pouvoir quitter le 7e corps avant l'arrivée du maréchal Augereau, désigné depuis trois mois pour le remplacer dans ce commandement).


Schönbrunn, 16 octobre 1809

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Vienne

Je pense qu'il est nécessaire d'expédier au roi de Saxe la partie du traité qui le regarde. Vous ferez connaître au sieur Bourgoing que j'aurais eu beaucoup de choses à arranger avec le roi, et que, si ce prince manifestait directement ou indirectement le désir de venir à Paris, soit qu'il y vînt seul, soit qu'il fût accompagné par la reine et sa fille, je les y recevrai avec plaisir; que cela a été prévu et qu'il sera bien reçu en France. Dans ce cas, il sera nécessaire que le sieur Bourgoing avertisse un peu à l'avance à la frontière, afin que des ordres soient donnés pour la réception du roi. Mais je ne désire pas que le sieur Bourgoing le presse de faire ce voyage, qui pourrait déranger ce monarque, qui en a tant fait cette année.


Passau, 19 octobre 1809

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Mon Cousin, il est huit heures du matin. J'ai attendu exprès l'arrivée de l'estafette qui est partie le 17 à minuit. Vous m'écrivez qu'il n'y a rien de nouveau. Je vais continuer et me rendre à Munich, où j'attendrai de vos nouvelles. Les pavillons vont mal, parce que les directeurs font faire des signaux pour s'exercer. Écrivez sur toute la ligne qu'on ne fasse aucun signal que de transmettre celui qui serait fait à Vienne. Je désire que, toutes les fois qu'il y aurait quelque chose de nouveau, vous fassiez partir une estafette sans attendre minuit.

Vous me dites dans une de vos lettres que le prince de Ponte-Corvo demande le général Girard. Répondez au prince de Ponte-Corvo que cela nuirait à cet officier, parce que j'ai pour principe de n'accorder d'avancement aux officiers qui servent dans les états-majors qu'autant qu'ils servent dans la ligné dans deux grades, et mon intention est que le général Girard serve plusieurs années dans la ligné avant de passer dans les états-majors.

J'ai vu avec plaisir qu'il y avait trois bastions de Vienne de sautés.

J'espère qu'on fera sauter aussi les courtines et les demi-lunes. Il faut continuer à faire sauter successivement les deux autres bastions, afin qu'il n'y ait aucune possibilité de rétablir ces fortifications. Je vous ai mandé hier que ma Garde à pied devait rester à Saint Pölten, et que vous ne lui donneriez l'ordre de partir qu'après l'échange des ratifications, en faisant partir les grenadiers un jour après les chasseurs et les faisant aller par Linz. Vous ferez passer les grenadiers à cheval, les dragons et l'artillerie par Steyer et par Wels.

Il sera nécessaire, lorsqu'on évacuera, de faire passer quelques troupes par Baden, pour épargner la forêt de Vienne. Vous ferez passer les Wurtembergeois, non à Linz, mais dans le cercle de Linz, sur la rive gauche du Danube; mais ils devront rester à une ou deux marches de Krems, jusqu'au moment de l'échange des ratifications. Si l'échange n'avait pas lieu par raison principale, et que vous puissiez conjecturer que la guerre aurait lieu, vous pourrez faire revenir les Wurtembergeois et ma Garde à Vienne. Par ce moyen, j'y trouverais réunis ma garde, les Wurtembergeois, le corps du maréchal Oudinot et le 11e corps. Quant aux chevau-légers polonais et à mes chasseurs à cheval, je leur donnerai moi-même des ordres. Si les ratifications éprouvaient un retard principal, vous feriez travailler à Spitz; vous feriez rétablir la redoute qu'on a dégradée; vous feriez finir le blockhaus et la tête de pont du côté de Leopoldau, puisque nous ne pouvons plus compter sur Vienne. On mettrait toute l'artillerie de Vienne en batterie à Spitz et dans la tête de pont de Leopoldau; on ferait transporter le biscuit et les munitions de guerre dans l'île Tabor et dans les ouvrages de Spitz, et j'aurais également cela dans ma place de réserve. Cette place de réserve serait défendue, sur la droite, par la tête de pont de Leopoldau, vis-à-vis la maison qu'a occupée le maréchal Oudinot, et, si cette tête de pont était prise, par la première île Tabor, et, du côté de la rive gauche, par les beaux ouvrages de Spitz. Il faut donc qu'on travaille avec activité à ces ouvrages, si les ratifications ne sont pas échangées.


Nymphenburg, 20 octobre 1809, deux heures après midi

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Mon Cousin, je suis arrivé à Nymphenburg, près Munich, ce matin à neuf heures. J'attends votre estafette de ce soir pour continuer ma route ou rester encore demain ici. Les signaux n'ont rien signalé.


Munich, 21 octobre 1809

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Mon Cousin, je vous envoie quatre notes que j'ai dictées sur les ouvrages de Passau. Transmettez-les au général Bertrand, qui enverra des ordres, avec des développements, au général Chambarlhac. J'ai été en général content de ces ouvrages.

PREMIÈRE NOTE.

Ce qui a fixé l'attention sur Passau, ce sont les deux ponts du Danube et de l'Inn. Sa première propriété doit donc être d'assurer ces deux ponts.

PONT SUR L'INN. - Pour être maître du pont sur l'Inn, il faut avoir un ouvrage en amont, du côté de la rive gauche, et à six cents toises à peu près entre le fort Maximilien et la redoute de Thann. Il faut avoir également une redoute à même distance sur la rive droite.

On doit s'arranger de manière que les deux redoutes, qui ne sont éloignées que de cent toises, se défendent entre elles et se coordonnent avec les forts Maximilien et de Thann. En aval, du côté de la rive gauche, c'est le Danube; on en parlera lorsqu'il sera question du pont du Danube. Du côté de la rive droite, il faut avoir un ouvrage aussi près que possible de l'Inn, sans qu'il soit cependant dominé, c'est-à-dire qu'il faut qu'il soit soumis aux redoutes d'Abensberg et d'Eckmühl. Il pourra se coordonner avec la redoute placée sur le Danube.

PONT SUR LE DANUBE. - Le pont du Danube ne peut rester où il est, puisque, pour défendre ce pont, il faudrait occuper la maison du Hackelberg; mais on doit le placer à quatre cents toises en descendant de l'endroit où il est aujourd'hui, c'est-à-dire à deux cents toises de la batterie ronde. En amont, il suffira d'occuper par une redoute une position près la maison d'Eggendobel. En aval, il faudra occuper la position qui a été déjà désignée pour le pont de l'Inn. Par ce moyen, il sera impossible à l'ennemi d'établir aucun mortier qu'à huit cents toises des ponts, et l'on pourra dès lors les considérer comme suffisamment défendus.

 

DEUXIEME NOTE.

La plus importante propriété de Passau est sa propriété offensive, puisque tout ce que l'on a à Passau peut être considéré comme étant à Vienne, pouvant s'y rendre en quatre jours par le Danube.

La position offensive de Passau est nécessairement attachée aux ouvrages de la rive droite de l'Inn. Ces ouvrages consistent dans le fort Napoléon et dans les redoutes de Wagram, de Thann, d'Eckmühl et d'Abensberg.

De la redoute de Thann à la redoute d'Abensberg, il y a sept cents toises. Il est nécessaire d'établir une couronne fermée que l'on appellera couronne de Znaym, de sorte qu'il n'y ait que deux cents toises du fort aux bastions de la couronne, ce qui, avec les redoutes, dont on a parlé dans la première note, à établir en amont et en aval de la rivière, formera six redoutes et une couronne embrassant un développement de quinze à seize cents toises. Les deux redoutes en amont et en aval sont secondaires et doivent être de simples ouvrages de campagne; elles ne peuvent être forcées, puisqu'elles sont soumises aux redoutes de la hauteur; elles seront suffisamment fortes lorsqu'elles seront il l'abri d'un coup de main. L'une et l'autre ont l'avantage d'appuyer les flancs des réduits. Le premier intérêt est que les redoutes de Wagram et de Thann ne fassent qu'un, c’est-à-dire soient liées par une caponnière, de manière que le canon puisse rapidement se porter de l'une à l'autre; celles d'Eckmühl et d'Abensberg devront avoir la même propriété. Par ce moyen, ces quatre redoutes n'en formeront pour ainsi dire que deux. Tous les moyens pourront se combiner pour la défense commune, les garnisons être une, se relever pour le service de nuit, et les magasins être communs à deux.

On sent l'immense avantage de ce système. Ainsi, du fort Napoléon il y aura un chemin qui ira droit à la redoute de Wagram, et un autre qui ira droit à la porte Séverin; du fort Napoléon il y aura un autre chemin qui ira droit à la redoute d'Eckmühl. Par ce moyen, la communication sera prompte. Un chemin général couvrira toutes les redoutes.

La grande route prendra un embranchement par la vallée de Muthertal et par la vallée de Lindenthal. On aura ainsi trois grandes communications pour arriver au pont de l'Inn.

Chaque redoute aura un blockhaus; chaque blockhaus servant de réduit pourra contenir à la rigueur cent hommes, comme caserne.

Les parois de chaque blockhaus auront quatre pieds d'épaisseur. Il y aura outre cela dans chaque redoute deux petits blindages, un pour l'artillerie et un pour les vivres, placés de droite et de gauche en dos d'âne, formés par des arbres appuyés l'un contre l'autre. Il y aura un petit plancher pour mettre le tout à l'abri de l'humidité. Il y aura dans chaque redoute de gros gabions ayant six pieds de diamètre, remplis de terre et disposés de manière à ne pas prendre de place sur la ligne des parapets, qui pourront servir à se mettre à l'abri des bombes el des obus.

Le fort Napoléon est contre le réduit du camp retranché. Il est composé de trois fronts, chaque front n'ayant que cent toises et ayant deux cents toises de gorge. Il serait utile d'y établir trois beaux cavaliers pouvant contenir trois batteries de six pièces chacune; ce qui augmenterait considérablement les moyens de défense. Les quatre redoutes de Thann, d'Essling, de Znaym et d'Abensberg prises, le fort Napoléon et les redoutes de Wagram et d'Eckmühl sont encore susceptibles d'une grande résistance. Il n'y a que six cents toises de la redoute de Wagram à celle d'Eckmühl ; il faudrait donc, à soixante ou quatre-vingts toises des saillants des deux bastions, deux lunettes qui feraient système avec la place, le fort Napoléon et les redoutes de Wagram et d'Eckmühl. Il faudrait également qu'un chemin couvert liât les redoutes d'Eckmühl, de Wagram avec les deux nouvelles lunettes. Trois blindages pour l'artillerie et les vivres, un blockhaus en forme de réduit, et quelques magasins qu'on se procurerait dans Innstadt (partie de Passau, qui se trouve entre la vieille ville et l’Inn), seront suffisants pour le fort Napoléon. Supposant que le fort Napoléon soit pris, il reste l'enceinte d'Innstadt, qui peut, pendant trois jours, essuyer le feu des hauteurs, donner le temps de couper le pont et de déblayer ce qu'il y aurait; il fau même penser que l’enceinte d'Innstadt est assez importante pour que les troupes puissent revenir dedans et chasser l'ennemi des forts qu’ils auraient occupés.

Deux choses sont à faire à Innstadt 1° nettoyer les fossés et établir un pont levis avec barrière et tambour ; 2° raser les toits des portes, de manière à en former des plates-formes, garder trois tours, et blinder pour que les canonniers se trouvent à l’abri de la fusillade des hauteurs.

 

TROISIÈME NOTE.

 

PLACE DE PASSAU PROPREMENT DITE. Passau n'est attaquable que du coté du Spitzberg. Le fort Maximilien a besoin d'un blockhaus et de deux ou trois blindages; il a besoin que les crémaillères ferment elles-mêmes à la gorge. Le fort Maximilien est à 400 toises de l'enceinte de la ville; il y a donc 1,000 toises de l'extrémité du fort à la batterie circulaire. L'enceinte a moins de 300 toises; on doit pouvoir en tirer un grand parti. Il y a une belle contrescarpe, un fossé profond, un rempart en terre-plein. Il faut établir (au tracé près, qui est irrémédiable) ce terre-plein comme dans les ouvrages modernes, profiter des trois tours pour avoir trois beaux cavaliers, avoir un beau chemin couvert avec glacis, couvrant trois demi-lunes, une à la porte du milieu et les deux autres sur le Danube et sur l’Inn. Elles doivent être à 120 toises l'une de l'autre et se coordonner entre elles. Le fort Maximilien enlevé, cette enceinte sera encore très-redoutable. Il faudra prendre une des trois demi-lunes, faire sauter la contrescarpe et faire brèche à l'escarpe. La muraille est ancienne et bonne, fondée en rochers; c'est une des plus belles ressources de la place de Passau.

Sur le quai de l'Inn comme sur celui du Danube, il y a plusieurs fours qu'il faut raser; déblayer les décombres, et abattre ce qui est inutile.

 

QUATRIEME NOTE.

 

RIVE GAUCHE DU DANUBE. - Le fort Eugène et le fort Alexandre ont besoin chacun d'un blockhaus et de deux blindages. Moyennant la redoute faite à Eggendobel, à 150 toises en avant des crémaillères, cette rive gauche se trouvera assez forte.

 

Du fort Eugène à la citadelle, il y a 400 toises. Pour rendre impossible à l'ennemi de se loger entre, il faudrait établir entre la citadelle et le fort un ouvrage qui se rattache à la citadelle et couvre le front d'attaque, de manière qu'on ne puisse arriver à la citadelle qu'après que cet ouvrage aurait été pris. La citadelle n'a que 100 toises de front; cet ouvrage en couronne, lié à la citadelle, pourrait former un des plus beaux fronts de défense de la citadelle, et la couvrirait parfaitement; alors cet ouvrage à corne, qui ferait partie de l'enceinte de la citadelle, la rapprocherait tellement du fort Eugène et du fort Alexandre, qu'il en serait comme l'ouvrage avancé; il n'y aurait plus que 100 à 200 toises d'intervalle; il serait impossible à l'ennemi de s'intercaler entre.

Le fort Rivoli n'est nécessaire à la place qu'autant qu'il protége la redoute qui sera placée pour empêcher l'effet des batteries que l'ennemi pourrait établir sur la rive gauche du Danube pour rompre le pont. Mais il est indispensable de maintenir la communication entre le fort Rivoli et la citadelle. Pour cela, une caponnière bien placée, avec une bonne redoute intermédiaire, parait indispensable. Cette redoute paraîtrait devoir être construite du côté de la maison Fravengel, qui n'est qu'à 200 toises des batteries le plus près du fort.

Après ces travaux terminés, il restera encore à établir des magasins dans la place. L'hôpital Saint-Nicolas, le Niederhaus, l'ancien château du Prince et autres maisons situées dans la ville paraissent nécessaires à occuper, à blinder et arranger de manière qu'on sache où placer un million de cartouches, soit en barils, soit confectionnées, un millier de voilures, un million de biscuit et trente mille quintaux de farine.


Munich, 21 octobre 1809

Au général Lacuée, comte de Cessac, directeur général de la conscription et des revues, à Paris

Je reçois l'état de répartition de 36,000 conscrits. Je désire que, sur les 8,000 que vous envoyez à Paris, il ne vienne rien des départements de la Doire ni de Marengo; que les 1,500 hommes que vous envoyez dans la 12e division militaire, les 2,000 de la 13e division, les 3,000 hommes de la 11e division, viennent du Piémont, et que dès lors, sur les 11,208 que vous portez pour les dépôts, il n'y en ait point du Piémont. Vous pouvez également prendre en Piémont tout ce qui est pour la 8e division militaire. Mon but en prescrivant cela est celui-ci: ces 36,000 conscrits doivent aller en Espagne; je les aurais appelés à Bayonne, si je n'avais été persuadé qu'ils seront mieux habillés aux dépôts. D'un autre côté, je n'étais pas sûr de la paix, et j'étais bien aise que mes cadres d'Allemagne reçussent des renforts. Aujourd'hui que tout va en Espagne, je désire que toute la conscription du Piémont aille dans les 12e, 11e et 13e divisions militaires (c'est à peu près sur leur chemin), et qu'on fasse marcher les conscrits de manière que, arrivés aux dépôts, ils ne se détournent pas de la route directe de plus de cinq où six marches que s'ils avaient été directement de chez eux à Bayonne.


Munich, 21 octobre 1809

A M. Fouché, duc d’Otrante, ministre de la police générale, à Paris

J’ai reçu vos lettres; je réponds à celle du 15. Vous êtes comme Quichotte; vous vous battez contre des moulins à vent. Je n'ai entendu dire partout que du bien de vous. Les reproches que je vous ai faits tenaient de mes observations, parce que j'aime que toutes les opérations de mes ministres soient légales, et du désir que j'avais que vous eussiez mis plus d'ordre dans tout ce que vous avez fait; mais cela est loin d'effacer le mérite de ce que vous avez fait  pour mon service. Vous savez que, lorsque j'ai lieu d'être mécontent, je sais le témoigner ; mais vous avez l'habitude de vous exagérer toujours ce que je vous dis.


Munich,  21 octobre 1809

Au comte Mollien, ministre du trésor public, à Paris

Monsieur Mollien, j'ai nommé le conseiller d'État Dauchy (Luc-Jacques-Édouard Dauchy, 1757 – 1817, conseiller d’État) intendant général de mes finances dans les provinces d'Illyrie. Les provinces d’Illyrie comprennent le pays entre la Save et l'Isonzo jusqu'à la Bosnie. Mon intention est d'avoir à Laybach un caissier, comme celui que j'ai à Turin. Choisissez pour remplir cette place un des caissiers qui sont à l'armée. Les revenus de toute espèce que produira l'Illyrie, c'est-à-dire le cercle de Villach, la Carniole, Trieste, Fiume et tout le littoral, la Croatie, le comté de Goritz, doivent entrer au trésor public. Il faut donc que tous les produits soient versés dans une caisse et soient affectés aux dépenses de l'armée que j'entretiendrai dans ce pays. Ces dépenses entreront dans le budget de l’État, comme les recettes entreront au trésor. Vous donnerez ces instructions au sieur Dauchy, aux receveur et caissier que vous aurez là.

Le 11e corps sera le seul stationné dans ces provinces. Il sera traité comme il l'était en Dalmatie, hormis que j'ai lieu de penser que les revenus du pays seront équivalents aux dépenses de ce corps. Envoyez un inspecteur du trésor prendre connaissance du pays.


Munich, 21 octobre 1809

Je vois que vous avez acheté 600 mulets à Niort pour le 11e bataillon des équipages militaires et 600 chevaux à Commercy. Je pense qu'il serait convenable de résilier le marché de Commercy et d'acheter 650 autres mulets à Niort et de faire venir à Niort le matériel du 11e bataillon de Commercy. Quand je vous ai écrit de former ce 11e bataillon à Commercy, j'ignorais si je le ferais servir en Espagne ou en Allemagne. Et aujourd’hui que la paix est signée, je désire que le 11e bataillon soit attelé de mulets comme le 10e. Par ce moyen, dans le courant de novembre, j'aurai ces deux bataillons prêts à partir de Bordeaux et de Bayonne. Le principal est que le personnel arrive promptement. Le 1er bataillon provisoire des équipages militaires qui était à Vienne, ayant 180 voitures, est parti avec 180,000 paires de souliers, qui se dirigeront sur Bayonne. Ces bataillons provisoires joindront le bataillon définitif en Espagne aussitôt que cela sera possible. Faites connaître dans les états les différents éléments qui composent ces bataillons provisoires.


Munich, 21 octobre 1809

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

J'ai lu les observations du duc d'Istrie sur l'île de Walcheren.

Faites-lui connaître que je veux reprendre l'île de Walcheren et Flessingue; que tout ce qu'il dit sur l'impossibilité de reprendre Flessingue est controuvé; que j'ai voulu en laisser les Anglais maîtres jusqu'aux gelées, persuadé qu'ils y perdraient un monde immense, mais que mon intention est de les attaquer en novembre et en décembre ; qu'il fasse donc ses dispositions en conséquence; que ses observations sur Flessingue sont erronées et que rien ne se passera comme il le pense, parce que d'abord les Anglais ne peuvent tenir dans l'Escaut à cause des vents et des glaces; qu'ainsi Flessingue sera isolé et qu'on aura le temps d'en prendre la garnison prisonnière; que l'idée que, une fois les Français à Flessingue, les Anglais voulussent les attaquer par mer, est sans fondement; que ce n'est qu'avec une nombreuse armée et des moyens maritimes immenses, des bombardes, etc., qu'une pareille opération peut être tentée; qu'ils n'auraient pas pris Flessingue, s’ils avaient eu affaire à un brave homme. Les observations que fait le maréchal sur la grande difficulté de l'artillerie de terre sont contraire à la vérité; l'artillerie est peu de chose par mer, sa supériorité est immense par terre; la différence est d'un à sept, c'est-à-dire  que dix mortiers par terre font autant d'effet que soixante-dix par mer. Si l’artillerie par terre a eu peu d'effet, c'est qu'il n'y avait pas de mortiers et que les moyens des ennemis étaient du côté de la mer ; qu’il se sont peu approchés de la place, et que le canon contre la place ne pouvait rien faire, vu qu'il fallait qu'ils s'approchassent pour faire une brèche. Faites-lui connaître que la première opération à faire pour reprendre Flessingue est de placer des batteries considérables sur le Sloe pour chasser les petits bâtiments anglais et se rendre maître du passage ; que des chaloupes canonnières françaises et hollandaises doivent venir sur le Sloe, pour embarquer les troupes sur les bords de l’île du Sud-Beveland  et les débarquer dans l'île de Walcheren ; que je suis mécontent que le maréchal n'ait pas visité les bords du Sud-Beveland; qu'il fasse établir deux cents canons et mortiers pour battre les débouchés du Sloe et empêcher les bâtiments d'y entrer et de sortir ; que les commandants du génie et de l’artillerie français, de concert avec les officiers hollandais, doivent prendre des mesures pour l'établissement et l'armement de ces batteries.

En général, je vous dirai, pour vous, que l'avis qu'ouvre le maréchal me donne une faible opinion de son talent. C'est un excellent officier de cavalerie, parce qu’il a l’usage de cette arme et qu'il l'entend bien ; mais il n'a pas les premières notions de l'art de la guerre.

Faîtes-lui entendre que, lorsque l'opération sera mûre, il trouvera une main plus forte que la sienne l'exécuter : que j'y serai; qu’en attendant il visite avec attention le Sud-Beveland et fasse placer force batteries. Répétez-lui bien que je crois facile de reprendre l'île de Walcheren, et surtout que je veux la reprendre; que les inondations ne nous en empêcheront pas plus que les Anglais; qu'il fallait armer le fort de Bath sans doute, mais que quarante pièces de canon suffisaient, et qu'on met ses moyens dans la défensive lorsqu'il faut l'offensive.

Quoique je sois à Munich, j'ai voulu vous écrire cette lettre pour que vous ne perdiez pas une heure pour réitérer l'ordre qu'on place contre l’île de Walcheren deux ou trois cents pièces de canon en batterie et qu’on jette des bombes sur tout ce qui est à portée.


Nymphenburg, 21 octobre 1809

A l’impératrice Joséphine, à La Malmaison

Je suis ici depuis hier, bien portant. Je ne partirai pas encore demain. Je m'arrêterai un jour à Stuttgart. Tu seras prévenue vingt-quatre heures d'avance de mon arrivée à Fontainebleau. Je me fais une fête de te revoir, et j'attends ce moment avec impatience. Je t'embrasse. Tout à toi.


Munich, 22 octobre 1809

Au prince Cambacérès, archi-chancelier de l’empire, à Paris

Mon Cousin, je serai le 26 ou 27 à Fontainebleau. Aussitôt que vous saurez que j'y suis arrivé, venez et engagez les ministres à y venir arec leurs portefeuilles. Les grands dignitaires peuvent également y venir.

Je désirc que vous parliez au ministre des finances pour que Lavallette fasse mettre une grande quantité de chevaux sur la route de Fontainebleau. Je suis fort désireux de vous voir. J'ai attendu à Munich que les ratifications fussent échangées. Champagny m'apprend qu'elles l'ont été le 19, à onze heures du soir. Je ne perdrai donc plus que quelques douzaines d'heures à Stuttgart et dans les résidences qui sont sur ma route.


Munich, 22 octobre 1809, six heures du matin

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, une lettre de Champagny du 19, à onze heures du soir,  m'instruit de l'échange des ratifications. Je pars, et je serai à Fontainebleau le 27. Vous aurez fait partir ma Garde le 20, pour continuer sa route. Mon intention est qu'elle séjourne un on deux jours à Linz, à Steyer, à Wels; après quoi vous la ferez continuer sa route sur Passau et sur Braunau. Si, lorsqu'elle sera arrivée dans ces deux villes, vous n'aviez pas reçu mes ordres, vous la ferez filer dans la direction de Strasbourg. Cependant vous êtes toujours le maître de l'arrêter, si les circonstances changeaient. Faites connaître aux généraux Walther, Lepic, Saint-Sulpice, Guyot, Dorsenne, Curial, et à un des deux généraux de brigade majors des chasseurs et des grenadiers à pied, qu'ils sont autorisés à se rendre en toute diligence à Paris. La Garde sera commandée, savoir: les grenadiers à cheval, par major Chastel; les chasseurs et les dragons, par un major ; les autres régiments de grenadiers à pied et les chasseurs à pied par un des majors généraux de brigade.

Le 1er bataillon provisoire des équipages militaires, chargé de 180,000 paires de souliers, a eu ordre de partir de Vienne pour Linz; il séjournera là le nombre de jours nécessaire pour se réparer, et il continuera sa route sur Strasbourg. Je suppose que le régiment de Nassau part de Vienne pour Passau.


Fontainebleau, 26 octobre 1809

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, j'arrive à Fontainebleau aujourd'hui à dix heures du matin. Je n'ai encore vu personne. Je n'ai point de nouvelles de vous depuis votre lettre du 20, par laquelle vous m'annonciez l'échange des ratifications. Le temps est ici superbe.


Fontainebleau, 26 octobre 1809

DÉCISIONS

Sire, en exécution des ordres que Votre Majesté a daigné me donner par sa lettre du 21 septembre dernier, relativement aux missions à l'intérieur, j'ai écrit aux archevêques et aux évêques de l'Empire, le 19 du même mois, et, de son côté, le ministre de la police générale a écrit aux préfets et commissaires généraux de police.

Tous les évêques ont protesté de leur empressement à se conformer aux intentions de Votre Majesté. Ils ont seulement présenté quelques doutes sur l'exécution. Il parait aussi que plusieurs préfets et maires ont mal entendu les instructions qui leur ont été données. Il est même arrivé qu'un conseiller de préfecture du département de la Creuse, en l'absence du préfet, a pensé que l’évêque de Limoges, qui avait commencé avec un de ses chanoines des instructions dans une de ses paroisses, devait les cesser pour ne pas contrevenir aux ordres de Votre Majesté. Les préfets du Calvados et de Gènes, et le maire de Quimper, ont également cru que les évêques ne pouvaient pas faire prêcher un ecclésiastique dans leur diocèse hors de la paroisse dans laquelle il est établi.


Il m'a semblé que les ordres contenus dans la lettre de Votre Majesté du 19 septembre, pris dans toute leur étendue, embrassent trois objets :

1° Les prêtres errants qui font état d'aller prêcher d'un diocèse dans l'autre;

2° Les membres de congrégations ayant le titre de missionnaires;

3° Les missions qui sont des rassemblements des habitants et des prêtres de plusieurs paroisses. Si telles sont, comme je le présume, les intentions de Votre Majesté, je pourrais donner aux questions qui se sont élevées les réponses suivantes :

 

1e question, un évêque peut-il employer un prêtre étranger à son diocèse pour y prêcher ?

Réponse du ministre. Il me semble que chaque diocèse doit se suffire à lui-même, et, si l’on admettait qu’un évêque peut autoriser des prêtres étrangers, la prohibition des prêtres errants deviendrait impossible à exécuter.

2e question. Un évêque peut-il employer pour prêcher ou pour donner des instructions pastorales dans une  paroisse de son diocèse, un ou deux prêtres d’une autre paroisse ?

Réponse du ministre. Cela ne lui est pas défendu; cela est même nécessaire lorsque,  dans une paroisse, la place de pasteur se trouve vacante, par mort, maladie, défaut de sujets ou autrement, ou dans le cas de désordres extraordinaires dans un canton, pourvu qu’aucune dévotion ou cérémonie particulière  n'ait lieu les autres jours que les dimanches ou fêtes conservées.

3e question. Un évêque peut-il employer pour la prédication un ecclésiastique de son diocèse, qui, s'étant plus particulièrement adonné à ce ministère, n'a point d'emploi fixe, tel que celui de chanoine, curé, desservant ou vicaire ?

Réponse du ministre. On pense qu'il peut employer cet ecclésiastique, par la double raison qu'il peut être en état de prêcher avant d'avoir obtenu un emploi fixe, et qu'il y aurait de l'inconvénient à priver de jeunes prédicateurs d’une occasion d'exercer leur talent, pourvu toutefois que ce soit sous les yeux de l'évêque, ou qu'il en ait prévenu le ministre des cultes, en déclarant qu'il s'en rend responsable.

Oui, avec l'approbation du,ministre des cultes.

 

 


Oui, sans permission

 

 

 

 

 

Oui, 1° s'il a été reçu docteur ou gradué en théologie dans nos écoles; 2° s'il a prêté le serment de professer les quatre propositions ; 3° s’il n'a pas été missionnaire, s'il n'est pas sorti de France; enfin s'il ne tient à aucune coterie, église particulière, et s'il n'a de relations qu'avec son évêque, ou curé, ou chapitre.

 

Je donnerai ces réponses par une nouvelle circulaire, si elles reçoivent l'approbation de Votre Majesté.

Je suis avec un profond respect, etc.


Fontainebleau, 26 octobre 1809

Au comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, à Paris

Dans les faubourgs Saint-Denis et Saint-Martin il y a trois fontaines qui manquent d'eau. Les gens de ces faubourgs pensent que c’est par la négligence des personnes chargées de l'entretien de ces fontaines. Faîtes-moi un rapport là-dessus.


Fontainebleau, 27 octobre 1809

NOTE SUR LA VENTE DE L’OUVRAGE DE LA COMMISSION D’EGYPTE

Sa Majesté n'est pas dans l'intention de faire verser an trésor le produit de cet ouvrage. Elle veut qu'il soit employé, soit pour l'encouragement des arts, soit à l'avantage de l'Institut, de la Bibliothèque impériale et du Jardin des Plantes.

Le ministre de l'intérieur proposera la distribution pour encouragement et l’emploi des fonds à 5 pour 100 au profit de ceux des coopérateurs de l’ouvrage qui ont parcouru l’Égypte. Il sera fait une retenue de 5 pour 100 qui sera affectée à l'achèvement de l’ouvrage.

Un comité sera formé pour l'examen de l'emploi des fonds; il sera composé de commissaires choisis parmi les membres de l'Institut et parmi les administrateurs de la Bibliothèque et du Jardin des Plantes.


Fontainebleau, 27 octobre 1809

A M. Fouché, duc d’Otrante, ministre de la police générale, à Paris

Monsieur le Duc, j'ai l'honneur de rappeler à Votre Excellence le désir manifesté par Sa Majesté, afin que vous fassiez connaître aux préfets, par une circulaire d'une demi-page, ce qui vient de se passer au sujet des congréganistes, l'intention où est Sa Majesté qu'aucune  société ne se réunisse dans les églises, qui ne doivent être consacrées qu'à la prière et où les prêtres seuls peuvent exercer des fonctions, et la nécessité de dissoudre ces sociétés et d'en saisir les papiers.

 

Sa Majesté juge convenable que vous communiquiez ensuite cette circulaire au ministre des cultes, qui, de son côté, fera connaître aux évêques que Sa Majesté ne peut tolérer des abus aussi contraires aux véritables intérêts de la religion.

 

Par ordre de l’Empereur, Le ministre secrétaire d’État, duc de Bassano


 

Fontainebleau, 27 octobre 1809

Au comte Bigot de Préameneu, ministre des Cultes, à Paris

Monsieur le Comte. Sa Majesté désire que vous engagiez M. l'évêque de Nantes à se rendre à Paris, que vous y mandiez M Fontanes, chef d'ordre des Barnabites, qui a la réputation d'un théologien habile et qui a été envoyé à Arcis-sur-Aube; il est aussi dans l'intention de Sa Majesté que vous fassiez venir à Paris M. le cardinal Mattei.


Fontainebleau, 28 octobre 1809.

Au comte Aldini, ministre secrétaire d’État du royaume d’Italie, en résidence à Paris

Je vous prie de me faire un mémoire historique tendant à prouver la question suivante: " Les Papes ont toujours été les ennemis de la puissance qui prédominait en Italie. Quand les Allemands triomphaient, ils appelaient les Français; quand la victoire avait rendu les Français les maîtres, ils se liguaient avec les Allemands et les chassaient. "


Fontainebleau, 28 octobre 1809.

Au prince Cambacérès, archi-chancelier de l’Empire, à Paris

Mon Cousin, je vous envoie des notes sur lesquelles je désire que vous méditiez et que vous me présentiez des idées claires. Apportez-moi demain tout ce qui est relatif au sénatus-consulte pour les biens de la Couronne, car j'ai hâte de finir cette affaire.


NOTES.

 

Rédiger un projet de sénatus-consulte sur les résultats suivants:

1° Indépendamment des candidats présentés par le Corps législatif pour la présidence de ce corps, les grands dignitaires sont aptes à présider le Corps législatif, et l'Empereur peut leur déférer la présidence pour un an.

Il serait impossible, dans l'ordre actuel de nos idées, de nommer, par exemple, le sieur Tupinier. Si le Corps législatif ne présente pas des hommes plus considérables pour cette place, il y aura de l'avantage à nommer, pour le présider, un grand dignitaire. Il y aura aussi de l’avantage pour le Corps législatif, qui se trouve par là plus rapproché de l'Empereur.

2° Aucun corps ne peut se dire représentant de la nation. Toutes les autorités la représentent également.

3° Toutes les fois qu'il n'y aurait aucun changement à faire aux codes civil et criminel, au système des impositions, Sa Majesté peut ajourner à une autre année la session du Corps législatif, et, dans ce dernier cas, avant la fin de l'année, une commission de cinquante membres est appelée pour recevoir le compte général des finances, le faire imprimer et publier, présenter des observations à l'Empereur s'il y a lieu, et délibérer s'il y a ou non enquête particulière à faire sur le dernier compte, rédiger dans ce cas une très humble pétition à l'Empereur pour demander la convocation du Corps Législatif. L'Empereur devra entendre la lecture de cette pétition.

Si les règlements faits dans l'année apportaient dans le système des finances des changements tels que la convocation du Corps législatif devint nécessaire, la commission pourrait dénoncer au Sénat les mesures des ministres ou du Conseil d'État comme inconstitutionnelles.

4° Quant aux formes, il paraîtrait convenable que dans le sénatus-consulte on proposât de changer quelque chose aux formes. Il semble que les idées monarchiques s'arrangent mal de ces doubles signatures. L'Empereur signe d'abord le projet de loi discuté au Conseil, l’envoie ensuite au Corps législatif, et, après cela, il le proclame. Il serait mieux que la proposition se fît au nom du Conseil d'État, spécialement autorisé par Sa Majesté, ou autre formule analogue, laquelle comporterait l'obligation d'avoir soumis le projet à l'Empereur et d'avoir obtenu son approbation antérieure. Alors, si le Corps législatif rejette ou modifie, cela porte sur un décret du Conseil d'État; l'Empereur est au milieu. De cette manière les formes paraissent mieux gardées.


Fontainebleau, 28 octobre 1809

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Donnez l'ordre au colonel Henry de se rendre en poste dans le département de la Sarre. Vous y dirigerez soixante gendarmes d'élite, en prenant la tête de ceux qui arrivent d'Allemagne et qui doivent avoir dépassé Nancy. Il vous fera un rapport tous les jours et vous fera connaître à fond le caractère de cette insurrection et les vrais motifs des troubles qui ont eu lieu. Cette expédition terminée, il se rendra dans l'Ourthe pour anéantir les deux bandes qui se sont formées là.

Même lettre au ministre de la police, avec cette addition :

Vous lui (au colonel Henry) remettrez 6,000 francs pour dépenses secrètes dans cette mission.


Fontainebleau,  28 octobre 1809

Au comte d’Hauterive, chargé par intérim du portefeuille des relations extérieures, à Paris

Monsieur d'Hauterive, faites-moi un rapport sur la conduite qu'a tenue la Prusse pendant la guerre actuelle, dans la formation de ses camps, dans l'affaire de Schill, et de ses officiers, dans ce qui est relatif au prince d'Orange, et autres griefs de cette nature, afin que ces matériaux servent à régler ma conduite et les démarches à faire.


Fontainebleau,  28 octobre 1809

Au comte d’Hauterive, chargé par intérim du portefeuille des relations extérieures, à Paris

Monsieur d'Hauterive, apportez-moi la constitution de Hollande, apportez-moi aussi le dernier décret du roi de Hollande sur la noblesse. Faites-moi connaître si ce décret n'a pas blessé  les principes fondamentaux de la constitution.


Fontainebleau,  28 octobre 1809

Au comte d’Hauterive, chargé par intérim du portefeuille des relations extérieures, à Paris

Monsieur d’Hauterive, je désire que vous fassiez réunir dans les archives des relations extérieures et que vous puissiez me remettre le plus tôt possible les pièces touchant mes discussions avec la cour de Rome. Vous y joindrez ma correspondance particulière avec le Pape sur le même objet, et vous demandez au ministre des cultes les bulles et brefs relatifs à cette affaire. Vous me ferez l'analyse de ces pièces, afin que j'y mette des notes pour la direction à donner qui doit être lu au Sénat et accompagner le sénatus-consulte qui déclare les Etats ecclésiastiques réunis à la France et partie intégrante de l'Empire.


Fontainebleau,  28 octobre 1809

Au comte d’Hauterive, chargé par intérim du portefeuille des relations extérieures, à Paris

Monsieur d'Hauterive, je vous renvoie le portefeuille des relations extérieures. Apportez-moi lundi un projet de lettre pour  M. de Dreyer (ministre plénipotentiaire du Danemark à Paris) et un pour M. de Didelot Ministre plénipotentiaire français à Copenhague). Vous ferez connaître à M. de Dreyer que j’ai vu avec peine qu'Altona était devenue colonie anglaise; que les denrées coloniales y étaient apportées par des vaisseaux prétendus américains et qu'on en formait un entrepôt à Hambourg pour être de là répandue dans l’Allemagne; que j'ai vu dans cette tolérance de la contrebande une violation du traité d'alliance avec la France; que la guerre sera perpétuelle, si les puissances du continent négligent ce moyen efficace de nuire à l'Angleterre. Quant à la Suède, vous ajouterez que j'ai fait connaître à cette puissance que je n'admettrais aucun arrangement qu'au préalable elle ne souscrivît aux mesures de blocus adoptées par les puissances continentales. Vous enverrez au sieur Didelot copie de la lettre à M. de Dreyer, et vous lui prescrirez de faire des instances pour que les marchandises anglaises soient mises sous le séquestre. Vous rapporterez dans les deux lettres les détails contenus dans la lettre de mon ministre à Hambourg.

Vous me présenterez également des projets de lettre à MM. de Brockausen (ministre de Prusse à Paris) et Saint-Marsan (Ministre de France à Berlin), pour leur rappeler que depuis la guerre la Prusse n'a rien payé, et pour savoir quand elle remplira ses engagements.


Fontainebleau, 30 octobre 1809

Au prince de Neuchâtel et de Wagram, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, si, comme je le pense, tout se passe convenablement en Autriche, dirigez toute ma Garde sur Strasbourg, et faites-moi connaître quand elle y arrivera. Donnez ordre au régiment provisoire de dragons qui est dans le Vorarlberg et au bataillon du 46e de se rendre à Huningue. Le 55e suivra la même direction, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, c'est-à-dire lorsque nous serons maîtres d'Innsbruck et que le Tyrol sera soumis; ce qui, je suppose, doit déjà avoir lieu à l'heure qu'il est.


Fontainebleau, 30 octobre 1809

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Donnez l'ordre au duc de Raguse de partir le 4 novembre, pour être rendu le 12 à Vicence et pouvoir de là se rendre à Laybach, où se trouve réuni le 11e corps, avant le 16 ou le 17 du mois.

Donnez ordre au général Reynier, qui commande les Saxons à Presbourg, de se rendre, aussitôt que les Saxons auront quitté le territoire de l'Autriche, en toute diligence à Paris, pour y être employé à une armée.


Fontainebleau, 30 octobre l809

Général Clarke, je vous ai fait connaître l'intention où j’étais que la division Loison, qui sera forte de 12,000 hommes tant en infanterie qu'en cavalerie, pût entrer en Espagne le plus tôt possible, et avant le 1er décembre.

Je vous ai fait connaître l'intention où j'étais que la division Reynier, qui sera forte de 15,000 hommes d'infanterie et de 4,000 hommes de cavalerie, pût être réunie à Bayonne vers la fin de décembre.

Enfin, je vous ai fait connaître que mon intention était que le 8e corps fut dirigé sur Paris et Huningue, et pût y être arrivé avant le 30 novembre.

Les divisions Loison et Reynier seront successivement incorporées dans les cadres qui sont en Espagne, puisque les corps dont elles sont composées appartiennent déjà à l'armée d'Espagne.

Mais je dois aussi vous faire connaître mes intentions sur l’organisation du 8e corps, que je désire pouvoir faire entrer en Espagne dans les derniers jours de janvier. Ce corps sera commandé par le duc d'Abrantès. La 11e division sera composée des quatre bataillons du 22e de ligne et des huit bataillons actuellement existants à la division Rivaud ; total, douze bataillons. Tous ces bataillons seront mis au grand complet de 840 hommes par l'incorporation soit de ce qu'ils ont ou auront de disponible à leur départ d'ici au 1er décembre, soit de ce qu'ils auraient dans les six demi-brigades provisoires qui sont au Nord. Par exemple, le 19e a 360 hommes dans la 6e demi-brigade, le 25e y a 300 hommes, le 28e y a 400 hommes, le 36e, 200 hommes, etc. Je suppose que d'ici au 1er décembre je pourrai avoir disponible une partie de ces demi-brigades provisoires; mon intention est de retirer tout ce qui sera possible. Cette 1re division sera donc composée de 10,000 hommes, présents sous les armes et formant deux brigades.

La 2e division, commandée par le général Lagrange, sera composée de trois bataillons du 65e, d'un bataillon du 46e et de huit bataillons des huit régiments qui sont à Paris; ce qui fera en tout douze bataillons ou 10,000 hommes.

Les 3e et 4e divisions seront formées de tout ce que les dépôts de France pourront fournir au 1er décembre. C'est peu que d'évaluer à 10,000 hommes la force à laquelle chacune de ces divisions pourra ainsi être portée ; ce qui réunira sous les ordres du duc d'Abrantès un corps de 40,000 hommes environ. Pour pouvoir l'organiser convenablement, je désire que le chef de vos bureaux qui a fait le travail que vous m'avez remis, pour la formation d'une réserve de 100,000 hommes destinés pour l'Espagne, vienne à Fontainebleau. Il fera connaître au sieur Monnier, secrétaire du cabinet, qu'il est arrivé; il apportera les états qu’il peut avoir et fera cette organisation sous mes yeux. Entre autres matériaux et renseignements dont il devra se munir, il aura soin d'apporter un état de situation de toutes les demi-brigades provisoires et régiments de marche qui existent, un état de tout ce qui est disponible dans les différents dépôts en France, un état de la situation où se trouvent tous les ler, tous les 2e, tous les 3e, tous les 4e bataillons et les 1e, 2e, 3e et 4e compagnies des 5e bataillons. En travaillant une couple d'heures avec moi, cet employé comprendra de quelle manière je veux faire ce travail.

Quant à la cavalerie, je ferai également faire cette formation par votre employé. Mon intention est que la cavalerie de ce corps d'armée soit composée de tous les 3e et 4e escadrons des vingt-quatre régiments de dragons, et je crois pouvoir réunir ainsi vers le 1er  décembre un total de 10,000 chevaux.

Cela portera donc le corps du duc d'Abrantès à 50,000 hommes.

La division de Loison doit être de 12,000 hommes; celle de Reynier sera de près de 20,000 hommes; cela formera donc une armée de 85,000 hommes à envoyer en Espagne.

Après le 8e corps, il restera à former une 3e division de réserve d'une vingtaine de mille hommes, tant cavalerie qu'infanterie. Cette division pourrait entrer en Espagne à la fin de mars; ce qui compléterait  les 100,000 hommes que l'on peut, à ce qu'il me paraît, facilement réunir.


Fontainebleau, 30 octobre 1809

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Je vous ai écrit trois lettres, une sur l'organisation de la division Loison, une sur l'organisation de la division Reynier, la troisième sur l'organisation du 8e corps commandé par le duc d'Abrantès, et enfin pour la formation d'un 4e corps ou 3e division de réserve.

J'ai supposé que la division Loison pourrait être de 12,000 hommes, que la division Reynier pourrait être de 20,000, que le 8e corps serait de 50,000 à 60,000, enfin que la 3e division de réserve pourrait être de 20,000.

Au milieu de toutes les occupations qui m'assiégent, je n'ai pu faire de travail que très à la hâte. Il est instant cependant que vous donniez des ordres conformément à mes différentes lettres. Mais si, fixant votre attention sur ce sujet, vous pensiez qu'on pût rendre ces corps plus nombreux, je désire que vous me le proposiez.

Les besoins en Espagne sont successifs; il faut d'abord un corps qui soutienne les derrières. Etant en novembre, il serait impossible de réunir tous nos moyens avant le commencement de janvier, et surtout la poudre et l'artillerie; et, dans cette presqu’île coupée de hautes montagnes, les froids et les neiges de janvier ne permettraient de rien faire.

Ainsi donc, les envois de troupes me semblent devoir être divisés de la manière suivante :

1° La division Loison, forte de 12,000 hommes; j'espère qu'elle pourra entrer en Biscaye avant le ler décembre;

2° La division Reynier; j'espère qu'elle pourra y entrer dans les premiers jours de janvier;

3° Le corps du duc d'Abrantès; j'espère qu'il pourra entrer en Espagne dans les premiers jours de février;

4° La division de réserve, qui pourra entrer vers le commencement de mars.

Je désire que le chef de vos bureaux travaille dans ce sens, et que, lorsqu’il aura terminé ainsi son travail, il me l’apporte lui-même pour que je puisse ensuite discuter avec lui la formation des divisions et les autres détails secondaires. Mais ce qui m'importe aujourd’hui, c'est de ne pas perdre un moment pour faire marcher la division Loison.


Fontainebleau, 30 octobre 1809

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

La légion portugaise se compose de trois gros détachements, d'une demi-brigade qui est au corps d'Oudinot, d'un bataillon qui est à Hanovre, et d'un bataillon parti de Strasbourg et que j'ai dirigé sur Ratisbonne. Donnez ces renseignements au duc d'Auerstaedt pour qu’il réunisse tous les Portugais en un seul corps, et qu'il le tienne éloigné des côtes. Cela fera 2,000 à 2,500 hommes. Je suppose qu'il n'y a aucun Allemand dans ce corps.


Fontainebleau, 30 octobre 1809

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Il me paraît difficile que vous preniez le titre de duc d'Hunebourg; mais je ne vois aucun inconvénient que vous gardiez le titre de comte d'Hunebourg en y joignant celui de duc de Feltre.


Fontainebleau, 31 octobre 1809

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

On peut dissoudre le corps de réserve du duc de Conegliano.

Donnez l'ordre à ce maréchal de se rendre à Paris pour diriger la gendarmerie, vous mettrez les gardes nationales qui sont sous ses ordres sous ceux d'un général de division, sous le duc d'Istrie. Ce sera un état-major de moins et plus de simplicité.


Fontainebleau, 31 octobre 1809

Au général Clarke, duc de Feltre, ministre de la guerre, à Paris

Vous trouverez ci-joint l'état de la flottille hollandaise. Vous verrez que la Hollande ne me fournit rien. Elle n'a que soixante et dix bateaux canonniers dans l'Escaut oriental et pas une chaloupe; et, dans les autres canaux de la Meuse, vous voyez qu'elle n'a que cinq chaloupes canonnières. Soixante et dix bateaux canonniers ou rien, c'est à peu près la même chose. S'il y avait eu l'ombre d'une Hollande, il devrait y avoir cent chaloupes canonnières. Écrivez au Roi, par un officier, pour savoir sur quoi compter et pour le presser d'augmenter sa flottille.

Vous trouverez, par cet officier, au sieur la Rochefoucauld, pour qu'il fasse les plus fortes instances pour faire venir dans l'Escaut oriental le nombre de chaloupes canonnières nécessaire pour l'expédition. Vous lui sentir que jamais la Hollande n'a été si nulle, que la république m’avait fourni à Boulogne, pour une expédition étrangère, hors du pays, cinquante chaloupes canonnières et cent cinquante bateaux canonniers, et ces cinquante chaloupes canonnières étaient de superbes bâtiments; ici je n'en vois pas. Vous écrirez au roi de Hollande, par cet officier, pour que les troupes de Hollande se mettent en mouvement, pour avoir 16,000  hommes pour coopérer avec mes troupes à la reprise de l'île de Walcheren.


Fontainebleau, 31 octobre 1809

A M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, répondez au sieur Kourakine que j’accorderai toutes les autorisations nécessaires pour l’emprunt que l’empereur de Russie veut faire à Paris; que mon intention, dans cette affaire comme dans toute autre, est de remplir les désirs de l’empereur. Quant au sieur Cassini, vous aurez avec le prince Kourakine une explication à son sujet. Vous lui ferez connaître que, soit le sieur Cassini, soit tout autre, né mon sujet, qui serait dans le même cas, n'est justiciable que de mes ministres; que nous n'admettons pas le principe de la naturalisation; que nous nous sommes brouillés pour cela avec M. de Markof; que je ne puis reconnaître à la Russie le droit de protéger un sujet français; que, tant qu'on n’aura pas trouvé le secret de la transfusion du sang, un Français est Français, et que ce caractère est indélébile; qu'il serait étrange que la Russie voulut soustraire à ma juridiction un sujet dont je suis mécontent ; que je ne protège aucun Russe en Russie, et que la Russie ne doit protéger aucun Français en France. Parlez là-dessus à M. de Kourakine, sans faire aucune note, et écrivez dans le même sens à M. de Caulaincourt.

Écrivez au général Clarke que je ne conçois rien aux principes du ministère de la guerre; que, si des sujets russes se sont engagés volontairement dans mes troupes, on doit les y laisser, et que, dans notre législation, ce serait un crime de les rendre à leur maître; qu’il doit témoigner mon mécontentement au duc de Valmy de ce que, pour être agréable à la Russie, il a élevé cette difficulté. Il faut laisser échapper ces hommes et fermer les yeux, et tout est dit.


1 – 15 octobre 1809