3 mai 1809 - Ebelsberg

(Si l'ennemi veut défendre la Traun, il choisira sûrement   Ebelsberg, position qui lui est favorable - Napoléon à Masséna)


Épilogue

Le monument aux Volontaires Viennois -Ce monument se trouce vans le parc du château (Schlossweg). "Aux héros volontaires viennois, tombés ici le 3 mai 1809". Photo: R. Ouvrard. Ebelsberg: la fontaine du souvenir. - "Je reste un témoin muet de la détresse et de la peine endurée par Ebelsberg, en l'année 1809". Photo: R. Ouvrard

Ce "combat inutile" causa des pertes énormes des deux cotés, eu égard à la brièveté de la bataille (à peine cinq heures).

Coté autrichien: 19 officiers tués, 120 officiers blessés ou prisonniers, 7200 soldats tués, blessés, prisonniers ou disparus.

Coté français et alliés, la division Claparède eu 850 tués, 1200 blessés et 800 prisonniers; la division Legrand 150 tués, 550 blessés; les Badois déplorent 3 officiers et 40 tués ou blessés.

Claparède: "Le champ de bataille est couvet de morts, le nombre des blessés est grand. Le général Coehorn a eu son cheval blessé sous lui; le général Lesuire a eu le sien blessé, celui de mon chef d'état major, l'adjudant-commandant Normand, a été percé d'une balle; le général Ficatier a eu le chapeau traversé par une balle, et moi le bras effleuré par une autre. Le colonel Cardeneau a été tué. 3 autres colonels, MM. Rebin, Landy et Salmon blessés; plusieurs chefs de bataillon tués ou blessés . J'ai éprouvé une très-grande perte dans les autres grades et, parmi les sous-officiers et soldats."

Legrand: "Le 26e régiment a perdu, tant en tués qu'en blessés, environ 400 hommes. Le 18e régiment a perdu à peu près 200 hommes. Le bataillon de tirailleur badois a eu plusieurs hommes blessés.

Le 26e régiment d'infanterie de ligne a eu 2 officiers tués, 8 blessés, 31 soldats tués et 357 soldats blessés; le 18e régiment 30 officiers blessés, 21 soldats tués et 255 blessés; le bataillon de tirailleurs de Son Altesse le grand-duc de bade, un officier blessé, 18 soldats blessés et un de tué; le 1er régiment d'infanterie de ligne, 3 soldats blessés sur le pont et un du 2e régiment, ce qui forme un total de 2 officiers tués, 12 blessés, 53 soldats tués et 634 soldats blessés."

Masséna: ""Dans cette journée, la perte fut considérable des deux cotés. Les autrichiens ont avoué 566 morts, 1,731 blessés et 2,216 prisonniers, ou 4,513 hommes hors de combat. Nous en perdîmes 2,800, dont 1,880 blessés. Sur ce total, la division Legrand comptait 55 morts et 646 blessés. Le colonel Cardeneau fut tué et trois autres blessés. Nous restâmes maîtres de 2 canons et d'un drapeau."

Plus horrible: dans l'enfer de flammes d'Ebelsberg périrent près de 1 000 blessés !

Le général Marbot. Jean-Sébastien Rouillard(1789-1852) - Château de Versailles (RMN)Marbot: "Il (Masséna) attaqua donc pour passer une rivière < déjà passée >; il réussi, mais il eut plus de 1 000 soldats tués et 2 000 blessés !. L'Empereur blâma ce déplorable abus du sang des hommes."

Marulaz: "Bientôt un incendie général se manifesta dans toute la ville, les cadavres dont les rues étaient jonchées y furent brûlés... spectacle horrible !"

Bellot de Kergorre: "Ebersberg était en flammes, démoli à moitié par le canon. Des milliers de blessés s'étaient jetés dans les maisons, où les flammes les atteignirent; ils moururent dans les tourments de l'enfer. Les maisons vis-à-vis le pont, en étaient remplies; des monceaux de cadavres plus ou moins brûlés gisaient pêle-mêle avec les décombres; les poutres embrasées faisaient le plus affreux spectacle; lorsque nous y entrâmes, il y régnait un silence de mort. Un grand nombre de corps étaient encore sur le pont; d'autres, jetés par dessus, pour faire place à l'artillerie, formaient des entassements sur les bas-fonds. Les pertes, sur ce point, étaient immenses; on pouvait juger par les victimes entassées du nombre de celles que le torrent avait entraînées, près de la porte si bien attaquée et défendue. Un détachement de troupes de la confédération du Rhin, bivouaquant sur le pont, avait formé avec des corps un retranchement circulaire pour se mettre à l'abri du vent. C'est au milieu de ce mur de morts qu'étaient son feu et sa marmite.

Monument commémoratif des combats d'Ebelsberg. - Il se trouve un peu avant le pont, sur le coté gauche de la rue principale, en direction de Linz. "Aux soldats autrichiens tombés le 3 mai 1809 en combat héroique, parmi eux, de nombreux volontaires viennois". Photo: R. Ouvrard.La rivière passée, l'horreur augmentait à la vue de cette ville dont le feu n'avait rien épargné, excepté l'église. Nous marchions à pied avec précaution au milieu des cadavres et des poutres renversées. Une odeur insupportable s'exhalait de ces corps. Les horribles contorsions de leurs membres exprimaient les plus affreuses douleurs. Ne pouvant les éviter, nos roues les écrasaient. La chaleur, les exhalaisons effrayaient quelquefois nos chevaux, qui reculaient ou se cabraient. Nous apercevions parfois quelques blessés sortant des ruines éteintes; leurs souffrances nous eussent déchiré l'âme si, au milieu de ces diverses scènes, nous n'eussions été étourdis comme le soldat l'est au milieu du feu.... Plus on approchait du château, plus on trouvait de morts"

Le bivouac de Napoléon Ier - Château de Versailles (RMN)Napoléon accourt, averti par ses aides de camp. Un spectacle affreux s'offre à ses yeux: à la clarté des flammes, il avance sur un sol jonché de milliers de cadavres français et autrichiens. Une odeur épouvantable de chair grillée soulève le cœur; son cheval glisse sur des corps déchiquetés. Ici, ce n'est qu'un bourbier sanglant.

Masséna: "Napoléon parcourait le champ de bataille, encore jonché de cadavres à demi brûlés, examinait les positions qui venaient d'être conquises, et se faisait rendre compte de toutes les circonstances du combat. On remarquait que sa figure, ordinairement impassible, exprimait tour à tour le regret et l#admiration; les tirailleurs corses, qui s'étaient particulièrement distingués, reçurent de lui des éloges; il leur demanda en italien s'ils avaient perdu beaucoup de monde, l'un deux lui répondit < Oh ! il y en a encore pour deux fois !> Il fit un à Coehorn un accueil plus paternel que sévère, et lui reprocha cependant son imprudente ardeur. < Si vous aviez attendu > lui dit-il < les troupes qui vous suivaient pour attaquer, le même résultat eût été obtenu, et nous n'aurions pas à déplorer la mort de tant de braves gens  > "

Marbot: "Napoléon se rendit de Wels à Ebelsberg (... ) Arrivé sur le champ de bataille, la vue de ce grand  nombre d'hommes, si inutilement tués, le navra de douleur; il s'éloigna et ne vit personne de la soirée !"... ) Arrivé sur le champ de bataille, la vue de ce grand  nombre d'hommes, si inutilement tués, le navra de douleur; il s'éloigna et ne vit personne de la soirée !"

Savary: "Tous les malheureux blessés qui s'y étaient réfugiés furent brûlés. Les rues et les maisons présentaient le plus hideux spectacle des maux que souffre l'humanité pour les querelles des rois et il n'y a pas d'amour de la gloire qui puisse justifier pareil massacre. Pour achever le tableau, il suffira de dire  que l'incendie était à peine achevé que l'on fut obliger de faire passer les cuirassiers d'abord, puis l'artillerie, à travers la ville pour les porter sur la route de Vienne. Que l'on se figure tous ces hommes morts cuits par l'incendie, foulés ensuite aux pieds des chevaux, et réduits en hachis sous les roues du train d'artillerie. Pour sortir de la ville par la porte où le général Coehorn avait perdu tant de monde, on marchait dans un bourbier de chair humaine cuite qui répandait une odeur infecte. Cela fut au point que, pour tout enterrer, on dut se servir de pelles comme pour nettoyer un chemin boueux." figure tous ces hommes morts cuits par l'incendie, foulés ensuite aux pieds des chevaux, et réduits en hachis sous les roues du train d'artillerie. Pour sortir de la ville par la porte où le général Coehorn avait perdu tant de monde, on marchait dans un bourbier de chair humaine cuite qui répandait une odeur infecte. Cela fut au point que, pour tout enterrer, on dut se servir de pelles comme pour nettoyer un chemin boueux."

Lejeune: "Les jambes des chevaux s'enfonçaient dans cette boue de chair et de sang humain encore chaud; nous éprouvâmes un vif sentiment de dégoût et d'horreur dont je n'ai jamais perdu le souvenir."

Cadet de Gassicourt: "Le tableau qu'offrait cette malheureuse ville, quelques heures après le combat, réunissait tous les genres d'horreurs; le pont couvert de morts et de blessés; la rivière remplie de cadavres et de débris ; toutes les maisons écroulées et fumantes, les rues jonchées de corps mutilés et brûlés, conservant encore après la mort l'attitude et l'expression de la plus horrible douleur; des femmes, des malheureux enfants consumés dans les bras l'un de l'autre; et, dans ce désastre général, une armée traversant ce théâtre de destruction au bruit d'une musique guerrière, les voitures roulant sur quinze cents morts, brisant leurs crânes et emportant les lambeaux de leur dépouille. "

Savary: "Pour sortir de la ville par la porte où le général Cohorn avait perdu tant de monde, on marchait dans un bourbier de chair humaine cuite qui répandait une odeur infecte. Ce fut au point que pour tout enterrer, on fut obligé de se servir de pelles comme pour nettoyer un chemin bourbeux.       L' Empereur vint voir cet horrible tableau; en le parcourant, il nous dit: < Il faudrait que tous les agitateurs des guerres vissent une pareille monstruosité ; ils sauraient ce que leurs projets coûtent de maux à l'humanité >."

Combat inutile, car le but poursuivi ne fut pas atteint: Hiller alla passer le Danube à Krems

Les témoignages de ceux qui passèrent par Ebelsberg, dans les jours et les semaines qui suivirent, sont éloquents.

Stendhal: qui est alors dans l'état-major de Daru:

"A trois heures, nous partîmes de Wels pour Ebelsberg, sur la Traun. Chemin superbe dans une plaine bordée de jolis coteaux, mais d'ailleurs assez plate, jusqu'à un poteau; à coteau du poteau, un homme mort. Nous prenons à droite, la route se complique, les voitures se serrent, et enfin il s'établit une file. Nous parvenons enfin à un pont de bois extrêmement long sur la Traun, semée de bas fonds.

Le corps du maréchal Masséna s'est battu ferme pour passer ce pont, et, dit-on, mal à propos, l'empereur tournant ce pont.

En arrivant sur le pont nous trouvons des cadavres d'hommes et de chevaux, il y en a une trentaine encore sur le pont; on a été obligé d'en jeter une grande quantité dans la rivière qui est démesurément large; au milieu, à quatre cent pas au-dessous du pont, était un cheval droit et immobile; effet singulier. Toute la ville d'Ebersberg achevait de br1uler; la rue où nous passâmes était garnie de cadavres, la plupart français, et presque tous brûlés. Il y en avait de tellement brûlés et noirs qu'à peine reconnaissait-on la forme humaine du squelette. En plusieurs endroits, les cadavres étaient entassés; j'examinais leur figure. Sur le pont, un brave Allemand, mort, les yeux ouverts; courage, fidélité et bonté allemande étaient peints sur sa figure, qui n'exprimait qu'un peu de mélancolie.

Peu à peu, la rue se resserrait, et enfin, sous la porte et avant, notre voiture fit obligée de passer sur ces cadavres défigurés par les flammes. Quelques maisons brûlaient encore, Ce soldat qui sortait d'une maison avait l'air irrité. J'avoues que cet ensemble me fit mal au cœur.

Ce spectacle frappant, je l'ai mal vu. Montbadon, que j'ai retrouvé à Enns toujours se faisant adorer partout, est monté au château, qui était bien pire que la rue, en ce que cent cinquante cadavres y brûlaient actuellement, la plupart français, des régiments de chasseurs à pied. Il a visité une charge à la baïonnette, faites sur quelques pièces de bois entreposées au bord e la Traun, où il a trouvé les rangées entières à leur poste de bataille. Il distinguait les Français aux favoris.

Un très bel officier mort; voulant voir par où, il le prend par la main; la peau de l'officier y reste, Ce beau jeune homme était mort d'une manière qui ne lui faisait pas beaucoup d'honneur; d'une balle qui, entrant par le dos, s'était arrêtée dans le cœur."

Il écrira aussi: "J'eus réellement envie de vomir (... ) en voyant les roues de ma voiture faire jaillir les entrailles des corps des pauvres petits chasseurs á moitié brûlés..."

Girault: "La veille, après un combat acharné, on l'avait (l'ennemi) chassé d'Ebersberg. Pendant le combat, le village avait été incendié, et le feu s'étant mis aux ponts, une division qui avait passé la rivière se trouva alors isolée des autres corps et eut à supporter les attaques de toute l'armée autrichienne.

Pendant ce temps, le malheureux village d'Ebersberg continuait de brûler. Comme le combat de la veille avait été très meurtrier, les maisons, les rues, les bords de la rivière étaient encombrés de morts et de blessés qui furent atteints par l'incendie, et, lorsque l'on put pénétrer dans le village, on n'y trouva plus que des monceaux de cadavres à demi brûlés. Le spectacle était si horrible, qu'on voulut en épargner la vue à l'armée; on la fit défiler à droite du village, sur un chemin que l'on fit exprès. La curiosité me porta à aller visiter cette scène de carnage. Jamais je n'ai rien vu de plus effrayant que ces cadavres grillés n'ayant plus aucune ressemblance humaine. Près de l'extrémité du village, il y en avait un tas qui bouchait l'entrée d'une rue: c'était un amoncellement de bras et de jambes, de corps informes à moitié carbonisés. A cette vue, le cœur me manqua, les jambes se dérobaient sous moi et je ne pouvais plus ni avancer, ni reculer, restant malgré moi immobile à contempler cet affreux spectacle. Il y avait là plusieurs officiers et généraux que la curiosité avait, eux aussi, poussés là. Ils étaient comme moi atterrés. Des larmes roulaient dans tous les yeux et personne n'osait proférer une parole. Mon général me fit signe de me retirer. Je ne me le fis pas dire deux fois, et je m'éloignai de ce lieu de désolation. J'avais parcouru bien des champs de bataille, mais je n'avais jamais éprouvé autant d'émotion."

Boulard: "Le bourg d'Ebersberg était entièrement brûlé, de nombreux cadavres gisaient encore dans le rues, c'était un spectacle horrible."

Et le 22 mai (le jour d'Essling !), Maurice de Tascher découvre une ville morte:

"Nous sommes venus passer la Traun à Ebersberg. La ville et ses environs attesteront longtemps l'horreur des batailles: de longs corps de cheminées isolés, des pans de murailles, des toits demi-croulés et fumants encore, les rues parsemées de débris, les murs teints de sang et criblés de mitraille, tel est le hideux spectacle qu'offre aujourd'hui la ville d'Ebelsberg... Que dis-je ?... La ville !.. La ville n'est plus... Ce qui existe encore n'est que le squelette d'une ville ! Ce n'est plus qu'un amas de ruines fumantes et de cadavres, et, de ces affreux débris, on chercherait vainement une maison intacte, un habitant vivant."

Fin