Les conséquences
Les batailles d'Essling et de Wagram sont du point de vue humain, et pour les deux pays particulièrement dramatiques.
"Cette bataille (Essling) ouvrait l'ère des grandes hécatombes qui allaient, dès lors, marquer les campagnes de l'Empereur" (Louis Madelin)
"Quatre jours après on ramassait au milieu des blés des militaires qui achevaient de mourir aux rayons du soleil sur des épis piétinés, couchés et collés par du sang: les vers sattachaient déjà aux plaies des cadavres avancés Au milieu des morts, sur le champ de bataille de Wagram, Napoléon montra limpassibilité qui lui était propre et quil affectait afin de paraître au-dessus des autres hommes; il dit froidement, ou plutôt il répéta son mot habituel dans de telles circonstances:: <Voilà une grande consommation>" (Chateaubriand, Vie de Napoléon)
"Imagine une plaine immense de plusieurs miles couverte de peut-être 20000 cadavres non ensevelis, les villages transformés en tas de ruines et de cendres, tous les habitants ayant fuis, aucun arbre et pas deau, au sous le soleil brûlant de la canicule, et au milieu de cette chaleur pestilentielle quelques centaines de blessés, seuls depuis trois jours, sans soins, sans nourriture et sans rien à boire ..Lénorme chaleur faisait que presque toutes les blessures étaient remplies de vers et que toute aide viendrait vraisemblablement trop tard. .Dans beaucoup dendroit lodeur était si insupportable que nous nous empressions de fuir " (Rühle von Liechstenstein)
"Beaucoup de ces infortunés, perdus dans les blés, à lardeur du soleil, ne furent retrouvés vivants quau bout de cinq jours datroces souffrances. Quelques-uns étaient à moitié brûlés par le feu qui avait pris aux moissons pendant la bataille;plusieurs autres, sans pouvoir se traîner au loin pour sécarter des corps en décomposition des hommes tués à coté deux, étaient altérés par une fièvre ardente Plusieurs même, et je souffre de le rappeler, furent réduits à boire leur propre urine pour étancher la soif horrible qui les dévorait " (Lejeune)
"On a vu de ces malheureux couverts dinsectes au point dêtre méconnaissables par lenflure causée par leurs piqûres. Cette sorte de mouche que nous voyons sobstiner autour des boucheries, eh bien ! elles étaient là par essaims, mordant, dévorant les malheureux blessés, les rendant fous de douleur, redoublant ainsi par leurs souffrances une torture déjà insupportable; et sur ces plaies encore fraîches et saignantes, on voyait les vers sattacher et faire de lhomme encore vivant leurs pâtures." (Larrey)
"Sur la rive gauche (du Danube) nous parcourûmes Gross-Aspern, pris et repris cinq ou six fois: il ne restait que quelques débris de murs, les riches moissons qui auparavant couvraient la plaine avaient disparues" (Bellot) (du Danube) nous parcourûmes Gross-Aspern, pris et repris cinq ou six fois: il ne restait que quelques débris de murs, les riches moissons qui auparavant couvraient la plaine avaient disparues" (Bellot)
"Le lendemain nous traversâmes le champ de bataille jonché de cadavres. On en comptait plus de cinq cents dans les redoutes d'un village, dont le tiers était des Français. Un grand nombre d'Autrichiens, se traînant sur les genoux, avaient ramassé des baïonnettes, des morceaux de baguettes ou de bois de fusils, en avaient planté chacun trois ou quatre à terre, y avaient étendu leur mouchoir en forme de dais, et la tête passée sous cet abri, étaient morts le visage à l'ombre; les uns avaient le sac au dos, les autres s'en étaient servis en guise d'oreiller; plusieurs avaient une main placée sous la joue et tous paraissaient dormir paisiblement. Il était aisé de voir que le soleil les avait vivement incommodés. Je regardais avec indifférence les morts et les blessés qu'on achevait d'enlever, mais à l'aspect des chevaux mutilés, mes larmes coulèrent malgré moi; ceux qui n'avaient qu'une jambe emportée nous suivaient en boitillant et nous demandaient de les secourir par des hennissements si expressifs, que je leur répondais en moi-même < Pauvre cheval, je t'entends, mais je e puis rien pour toi, tu dois mourir ici >. Un magnifique cheval, dont la mâchoire était fracassée vint mettre sa tête sur l'épaule d'un officier et semblait lui dire: < Voilà mon mal, guérissez-moi >. Si je pris plus d'intérêt aux chevaux blessés qu'aux hommes, c'est que les uns recevaient des secours et que les autres n'en avaient pas."
"Par places, c'était un tableau horrible à voir, et il était facile de juger que, de part et d'autre, c'état surtout la mousqueterie qui avait fait le plus grand mal....Les champs d'Essling et de Gross-Aspern étaient plus affreux à voir" (Boulart)
"Je gagnai alors le village de Markgraf Neusiedel. Une partie des maisons étaient en flammes; les autres livrées au pillage; les blessés, les mourants étaient étendus au milieu des débris enflammés. Le malheureux soldat mutilé voyait approcher les flammes qui allaient l'envelopper. En vain il appelait ses camarades..." (Tascher)
"14 octobre - Spectacle affreux de tous les villages déserts et saccagés, remplis de blessés autrichiens et français; des plaines immenses couvertes de moissons embrasées." (Tascher)"19 octobre - Nous traversons encore tout le champ de bataille. Chose que je croirais pas si mais yeux ne l'avaient pas vue, outre les chevaux morts, les boulets, les débris de toute espèce qui couvrent ces plaines, on y aperçoit encore beaucoup de cadavres. On peut même encore distinguer leur régiment à quelques lambeaux d'uniforme. Quelques-uns sont étendus sur la route et, depuis cinq mois, sollicitent en vain des hommes un triste et pénible devoir. Les corbeaux, plus fidèles aux vues de la nature, en hâtant la destruction de ces débris infects, les rendent au néant qui les réclame...Quel tableau !.....Ces plaines, il y a un an si fertiles et si peuplées, n'offrent plus que l'image de la destruction et le silence d'un vaste cimetière....." (Tascher)
Pendant la bataille de Wagram, de nombreux châteaux des environs furent transformés en hôpitaux de campagne. Nombreux furent les blessés qui succombèrent à leurs blessures.
Montbrun à Marmont: "Le parti qui a été envoyé sur Marchegg a trouvé beaucoup de blessés à Schönkirchen, il y en avait aussi beaucoup à Gänzersdorf..Au village d'Enzersdorf, nous avons trouvé un hôpital ou il y avait beaucoup de blessés..."
Les deux tableaux ci-dessous essayent de faire le point, selon les sources, sur les pertes autrichiennes et françaises, à Essling et à Wagram (B : blessés - T : tués - P : prisonniers - D : disparus).
Bataille d'Essling
Autriche | France et Alliés | ||||||||
Source | T | B | P | D | Total | T | B | P | Total |
Thiers | 26000 | 16000 | |||||||
Smith | 4000 | 15000 | 680 | 19680 | 23000 | 3000 | 26000 | ||
Wöber | 4270 | 16300 | 840 | 1900 | 23310 | 7300 | 35000 | 2300 | 44600 |
Castle | 4280 | 16300 | 840 | 1900 | 23320 | 7000 | 16000 | 23000 |
Bataille de Wagram
| Autriche | France et Alliés | |||||||
Source | T | B | P | D | Total | T | B | P | Total |
Thiers | 24000 | 12000 |
| 26000 |
|
|
| 18000 | |
Smith | 5600 | 18000 | 7500 |
| 31100 | 8200 | 3700 | 1600 | 13500 |
Rother | 5600 | 18000 | 7500 |
| 31100 | 14000 | 7000 | 21000 | |
Castle | 23750 | 7500 | 10000 | 41250 | 27500 | 10000 | 37500 |
Les Autrichiens ont notamment perdu 4 généraux (Vukassovich du 3e corps, Nordmann et dAspre de la réserve des grenadiers et Vecsey de lavant-garde de Nordmann)
Coté français les pertes sont tout aussi lourdes :
5 généraux tués: Duprat, Gautier (IIe corps), Guiot de Lacour (IIIe corps) ; Lasalle (cavalerie légère de réserve ), von Hartitzsch, (IXe corps) ;
3 adjudants-commandants (Ducomet, Dupont, Magnac) ;
7 colonels: Delga (2e de ligne), Gallet (9e de ligne), Horiot (23e léger), Huin (13e de ligne), de Laborde (8e hussards), Leduc (19e chasseurs), Oudet (17e de ligne).
Les traces dans les esprits furent longues à s'effacer.
Maurice de Tascher retourne, le 14 octobre, sur le champ de bataille:"J'arrive enfin au travers des débris de cet infortuné village de Grossaspern. au trop fameux Esslingen, pris et repris tant de fois. Des fossés profonds, des monceaux de terre fraîchement remuée, des débris, quelques cadavres défigurés et, mieux encore (sic) d'horribles nuées de corbeaux peignent au voyageur effrayé les scènes dont ces lieux furent témoins et font frémir encore ceux qui en furent les acteurs.. La ville n'est plus; mais de longs corps de cheminées, des poutres à demi brûlées, les murailles des rues restées debout présentent encore le hideux squelette d'une ville. Le clocher, couvert en plomb à moitié fondu par les flammes, s'est écroulé sur la maison du pasteur; le sanctuaire,, criblé de boulets, présente encore un tabernacle, à moitié consumé. Je cherche en vain, près de ces murs criblés de balles, à quelle place un homme eût pu rester sans recevoir le coup mortel et je n'en trouve aucune."
Rapport du représentant de l'Autorité Impériale
en date du 6 Février 1810.
Dans la nuit du 20 au 21 Mai 1809, un groupe de troupes étrangères, qui, les jours précédant, venant de la Lobau, avaient traversé le Danube à hauteur de Gross-Enzersdorf et Asparn, a pénétré dans la ville, en détruisant les portes et s'est livré au pillage dans presque toutes les maisons, brisant les portes, détruisant les armoires des pièces, éparpillant leur contenu, visitant les greniers, les caves et les souterrains, et emportant tout ce qui pouvait leur être utile, y compris beaucoup d'argent.
Le 22 Mai, alors que la plupart des habitants, dans la nuit, avaient fuit la ville en hâte, remplis de terreur, celle-ci fut occupée par deux compagnies de fusiliers, le pillage devint général et, jusqu'au commencement de la bataille de l'après-midi, toutes les provisions en aliments, bétail et moyens de transport furent emmenés dans le camp ennemi.
Dans la nuit du 4 juillet la deuxième attaque ennemie est intervenue, la ville mise en flamme par des bombardements par ces mêmes ennemis, 23 maisons furent la proie des flammes, qui détruisirent ce qui restait des biens, toutes les autres maisons étant plus ou moins endommagées et de nouveau pillées. Les habitants qui se trouvaient encore dans la ville n'avaient que la préoccupation de fuir ces risques mortels et de trouver refuge dans une fuite éperdue.
Ceux qui n'avaient pas de chevaux n'eurent pas la possibilité, du 22 Mai au 4 Juillet, de se mettre quelque part en sécurité.
L'authenticité de ces évènements tragiques est attestée par la présente.
(in Stadt Groß-Enzersdorf - Beiträge zu ihrer Geschichte - Band 4 - A. Rother 1965)
Groß-Enzersdorf après la bataille
(d'après Schweickhardt, Das Marchfeld - Wien, 1842)
Nous avons ici montré l'amour du prochain vis à vis d'un ennemi, qui, avant la bataille, ne s'était pas montré peu arrogant. Il ne faut pas s'étonner, alors, que dès le 8 juillet, sur les principales places de Vienne, on pouvait lire la plus émouvante proclamation, pleine de reconnaissance envers les habitants de la capitale, pour tant de charité."
Larmée française va poursuivre les autrichiens, qui mènent une retraite parfaitement ordonnée, et déconcertante pour lEmpereur, qui ne découvre pas tout de suite dans quelle direction larchiduc Charles se replie.
Des combats darrière garde, notamment à Hollabrunn, ou Napoléon avait déjà rencontré les russes, quatre ans plus tôt, sur la route dAusterlitz, ne peuvent empêcher les autrichiens daccepter la dernière confrontation, à Znaim, le 10 juillet, où, pendant 36 heures, se déroule une sanglante bataille. Larchiduc Charles réalise que ces combats nont plus de raison dêtre, et, pendant quils font rage, il dépêche le prince de Liechtenstein auprès de Napoléon, pour discuter des termes dun armistice. Le cessez-le-feu est annoncé le 11 juillet en fin daprès-midi, et la suspension d'armes le lendemain 12, entre Berthier et le baron de Wimpfen.
La traité de Vienne sera signé en octobre. Entre temps, linfortuné archiduc Charles aura démissionné de son commandement en chef des armées autrichiennes.
"Ordre du jour du 14 octobre 1809.
Aujourdhui 14 octobre, à 9 heures du matin, la Paix a été signée par Monsieur le comte de Champagny, Ministre des affaires Extérieures de Sa Majesté lEmpereur de France et Roi dItalie, et Monsieur le prince Jean de Liechtenstein, représentant sa Majesté lEmpereur dAutriche.
Messieurs les Maréchaux annonceront cette nouvelle par des salves dArtillerie.
Prince de Neuchâtel
Alexandre
Il reste encore, dans les hôpitaux de Vienne, huit mille soldats français.
FIN