Historique des régiments

Cette page, destinée à mettre à la portée des visiteurs de ce site, des résumés d'historiques des régiments de la période 1792 - 1815,  est ouverte à toutes les contributions. Elles s'ouvrent sur quelques extraits des ouvrages indispensables - mais rares (1) - du général Andolenko (2)

Infanterie

Il importe maintenant de dire suivant quels principes s'établit en France la filiation d'un corps de troupe.

Il est admis que chaque unité perpétue les traditions d'un numéro. L'historique du régiment à proprement parler, n'est pas l'historique d'un corps déterminé, qui continue sans cassures, ni interruptions, malgré les changements de nom et de numéro, mais l'historique d'un numéro à travers l'Histoire. Cette entorse aux règles élémentaires de la généalogie a été rendue nécessaire par suite de nombreux remaniements subis par l'Infanterie. Passons les en revue, en ce qui concerne les régiments d'infanterie.

De 1569 à 1794 les régiments continuent sans interruption. Leur filiation est directe, sûre et facile à suivre. Certains changent fréquemment de nom ou de numéro. Cela importe peu; jusqu'en 1794 on applique la règle de la filiation directe.

En 1794, les effectifs de l'infanterie sont triplés, voire même quadruplés. A côté des régiments d'active, solides et disciplinés, on voit surgir nombre de bataillons de volontaires, certes enthousiastes, mais inexpérimentés et souvent indisciplinés. Il importait de leur donner un noyau actif. De là le Premier Amalgame et la formation de « Demi-Brigades de Bataille », par la réunion d'un bataillon d'active avec deux bataillons de volontaires. C'est la dispersion de vieux régiments, écartelés entre les demi-brigades.

Deux ans après, l'infanterie subissait encore une transformation radicale. De nombreuses demi-brigades ont souffert sur les champs de bataille au point d'être réduites à quelques dizaines d'hommes. A côté d'elles, existaient des unités plus ou moins régulières, des demi-brigades dites « provisoires », des demi-brigades portant soit des numéros « bis », soit des noms de départements, des « légions », etc.

Il fallait remettre de l'ordre dans l'infanterie de la République. Au début de 1796, une loi prescrivait une réorganisation complète de l'infanterie par l'amalgame de tous les éléments existants en 140 demi-brigades nouvelles. Certaines ont été conservées presque sans changement, d'autres durent être constituées par la fusion de huit à dix corps différents. Les numéros à attribuer aux nouvelles demi-brigades furent répartis entre les Armées, puis, dans chacune de celles-ci, tirés au sort. Cette opération est connue dans l'Histoire sous le nom du « Deuxième Amalgame », elle donna naissance aux « Demi-Brigades de Ligne ».

Ces deux mesures sonnaient le glas de la vieille infanterie française, dont les régiments étaient définitivement détruits. Disons en passant, que l'Infanterie seule, avait subi tous ces amalgames ; la cavalerie et l'artillerie passaient à travers pour cette fois-ci.

Cependant, les jeunes demi-brigades de la République ne tardaient pas à moissonner une nouvelle gloire. Dénommées « Régiments » en 1803, elles formaient cette Armée Impériale qui porta ses drapeaux victorieux aux quatre coins du Monde, l'esprit de corps, si vif sous l'Ancien Régime, renaissait avec une force nouvelle.

Le retour des Bourbons en 1815 détruisait tout ce qui rappelait le Grand Empereur. Ses régiments étaient disloqués, dissous, proscrits, le n° même disparaissait de l'annuaire de l'infanterie. La Cavalerie et l'Artillerie subissaient le même sort.

Fin 1815 voyait la naissance des Légions Départementales, qui ne se rattachaient d'aucune manière ni à l'Armée Impériale, ni à l'Armée Royale. C'était la troisième coupure profonde, taillée dans le corps de l'infanterie.

En 1820 les Légions devenaient des Régiments d'Infanterie de Ligne ou légers ; cette fois- ci pour longtemps; puisque, jusqu'en 1919, ils ne devaient plus subir de transformations importantes.

Mais les législateurs de 1794, de 1796 et de 1815 s'y étaient si bien pris que l'Armée Française était devenue la plus jeune d'Europe. Ses régiments d'infanterie n'avaient aucune histoire, aucune tradition.

C'est la Monarchie de Juillet qui dotera ces jeunes régiments d'un passé. Il n'était pas, en effet, juste, de priver l'Armée de l'héritage de gloire accumulé par des générations successives de Français sur des innombrables champs de bataille, fut-ce sous les bannières fleurdelysées ou tricolores.

Rétablir la filiation réelle de nouveaux régiments, il ne fallait pas y songer; les coupures ont été trop profondes, trop bien faites. On admit alors le principe que chaque régiment serait déclaré héritier de ceux qui ont porté le même numéro que lui dans les armées de l'Empire, de la République ou de la Royauté.

Dans son rapport, adressé au Roi, le général Cubières, Ministre de la Guerre, s'exprimait ainsi :

« S'il est utile de perpétuer le souvenir des actions de guerre, c'est surtout pour entretenir et fortifier le goût des armes, la tradition des noms et des faits, qui honorent en particulier chaque régiment, forment et nourrissent l'esprit de corps, qui, avec la discipline, constitue la force morale des armées. Bien dirigée, cette force est un des premiers éléments de succès et la meilleure sauvegarde des empires. »

C'est la circulaire ministérielle du 18 avril 1839 qui fixait les règles suivant lesquelles devait s'établir la filiation des corps de troupe. Confirmée depuis par celles du 3 juin 1872 et du 16 mai 1886, elle est toujours en vigueur.

C'est ainsi que le jeune 5e de ligne, organisé en 1820, s'est vu attribuer l'héritage du 5e de l'Empire, des 5e demi-brigades de la République et du 5e d'infanterie, ci-devant régiment de Navarre (...)

Seule mesure importante est la transformation des vingt-cinq régiments d'infanterie légère en régiments de ligne (du 76e au 100e). De ce fait, ces régiments possèdent un double héritage : celui du régiment de ligne et du régiment léger.

 

Cavalerie

(...) 

De 1635 à 1815, les régiments continuent sans interruption. Ils sont plus heureux que leurs collègues d'infanterie, cassés et disloqués une première fois en 1794 et une deuxième en 1796. Certains, comme les régiments de gentilshommes, changent fréquemment de nom (à chaque mutation de colonel). En 1791, les noms sont remplacés par les numéros, mais jusqu'en 1815, la filiation est directe. La cavalerie de l'Empire est issue de celle du Roi ; le retour des Bourbons en 1815 détruit tout ce qui rappelle le Grand Empereur. Tous ses régiments sont disloqués, dissous, proscrits, le numéro même disparaît de l'annuaire. Fin 1815 voit la naissance de nouveaux corps qui ne se rattachent pas à l'armée impériale.

Les législateurs de 1815 ont fait de l'armée française la plus jeune d'Europe. Ses régiments n'ont aucune histoire, aucune tradition. C'est la Monarchie de juillet qui les dotera d'un passé. Il n'était pas en effet juste de priver l'Armée de l'héritage de gloire accumulé par des générations successives de Français sur les champs de bataille de la Royauté, de la République ou de l'Empire. Rétablir la filiation réelle de nouveaux régiments était peut-être encore possible pour certains corps de cavalerie (1) mais en ce qui concerne l'infanterie, il ne fallait pas y songer, les coupures ont été trop profondes, trop bien faites. On admit alors le principe général que chaque régiment serait déclaré héritier de ceux qui ont porté le même numéro que lui dans les armées de la Républq4ue ou de l'Empire.

(...)

C'est la circulaire ministérielle du 18 avril 1839 qui fixait les règles suivant lesquelles devait s'établir la filiation des corps de troupe. Confirmée depuis par celles du 3 juin 1872 et du 16 mai 1886, elle est toujours en vigueur. Ainsi le jeune 3e dragons, formé en 1825 avec les Dragons de la Garonne, mis sur pied en 1816, a reçu l'héritage du 3e dragons de l'Empire qui continuait depuis 1791 le Bourbon-Dragons, créé en 1649 sous le nom d'Enghien.

Jusqu'en 1919, sauf exceptions, les régiments ne subissent plus de transformations notables. Chacun possède un historique, souvent détaillé, et les corps ont à coeur de se rattacher aux vieilles traditions de leurs devanciers.


 

 

(1) Je remercie ici tout particulièrement mon ami Patrick, pour avoir mis ces deux volumes à ma disposition, et dont je me suis servi pour ajouter certains détails aux articles qui m'ont été envoyés.

(2) Général Andolenko. Recueil d'historiques de l'infanterie française. Eurimprim Éditeurs, Paris, 1969 - Recueil d'historiques de l'arme blindée et de la cavalerie. Euriprim, Paris, 1968.