François Fournier Sarlovèze, l'un des plús célèbres colonels du 12e de hussards

Le 12e de hussards qui luttait seul contre la cavalerie ennemie, a fait des prodiges (général Berthier - 1800)

Le 12e de hussards s'est couvert de gloire (Bulletin de la Grande Armée)

Historique des régiments

Les hussards de la montagne
An II - An XII

  Jérôme CROYET.

Docteur en Histoire, archiviste adjoint aux A.D. Ain

Conférencier à l'Université Lumière Lyon II


Le 16 brumaire An II (6 novembre 1793), se monte à Bayonne, suite à un arrêté des représentants du peuple à l’armée des Pyrénées Orientales Cavaignac, Pinet et Monestier, un escadron de cavalerie légère. 

La création, dès 1792, d’un grand nombre de corps franc de cavalerie ou d’infanterie avait pour but d’augmenter le nombre de troupes légères. L’accès à ces troupes ne se fait qu’aux volontaires, qui doivent avoir 18 ans, être valide et bien constitué. Chacun de ces corps francs ou de ces légions franches est mis en place sur l’arrière d’une des armées de la République [1] : les Hussards des Alpes à Vienne, Lyon, Mâcon et Bourg , les Eclaireurs de Fabrefonds à Nancy, ou les Hussards de Jemmapes dans le Hainault.

 

Un corps franc sur les arrières de l'armée des Pyrénées

Si le premier escadron est formé à Bayonne, rapidement un second l’est à Orthez et un troisième, au dépôt, qui est alors à Sainte Foy en Gironde. Le 15 Frimaire An II (5 décembre 1793), les trois escadrons sont réunis en un régiment qui prend le nom de Hussards de la Montagne. Les cadres du régiment sont incorporés en plusieurs étapes par les représentants du peuple. Du 1er au 26 Frimaire An II (21 novembre - 16 décembre 1793), ils nomment vingt quatre des cinquante deux officiers du régiment, puis, durant l’hiver, ce sont six autres officiers qui sont nommés.

Parmi les officiers du corps, tous n’ont pas fait toute leur carrière militaire à l’armée des Pyrénées-Orientales. Certains ont combattu en Vendée, en Belgique, en Italie ou à Saint-Domingue avant d’entrer au 12e hussard. Si la grande majorité d’entre eux sont originaires du sud-ouest de la France, certains viennent d’autres régions, ainsi on compte parmi eux deux bretons et un alsacien. A la vue des contrôle du régiment, il paraît évident que dans ce corps, la tourmente révolutionnaire, dont il est issu, a largement contribué à l’essor et à l’accomplissement social de la petite bourgeoisie laborieuse. Ainsi, on compte sur trente-sept officiers, sept fils d’agriculteurs et dix fils de marchands, de négociants ou fabricants. Les autres sont des enfants de gens lettrés ou aisés, architecte, médecin, receveur, juge, greffier, capitaine de marine et propriétaire. Dix d’entre eux sont des fils d’hommes de loi. De même, tous ces officiers ne sont pas des militaires de carrière. Seulement neuf d’entre eux ont commencé leur carrière avant la Révolution [2], les vingt-huit autres ont pris les armes à différents moments de la Révolution. Onze d’entre eux exerçait la profession de marchands ou négociants avant 1789. Seulement deux étaient agriculteurs. Huit étaient étudiants. Tous ont servi dans différents corps avant d’avoir l’honneur de servir comme officier de hussard. Quatre ont commencé leur carrière militaire dans l’infanterie. Huit l’ont commencé dans les dragons. Deux dans les chasseurs à cheval et les hussards. Un dans le génie. Un dans les Gardes du Corps du Roi d’Espagne. Mais vingt et un l’ont commencé dans la Garde Nationale, les Volontaires ou les Compagnies Franches.

 

Filiation

1794 : 12e régiment de hussards
1803 : dissous (30e dragons)
1813 : (12e régiment de hussards
1814 : dissous

Le régiment de ligne

Afin d’éviter un trop grand nombre de troupes irrégulières au financement inégal [3], la Convention décide de comprendre dans les troupes de ligne tous les corps francs et légions franches. Ainsi, le 21 Pluviôse An II (9 février 1794), le Comité de Salut Public transforme les Hussards de la Montagne en 12e régiment de hussards. Il est formé à Bayonne avec l’adjonction d’un 4e escadron formé à Sainte Foy. Un 5e et 6e escadrons sont formés à Libourne le 1er Floréal an II (20 avril 1794). Durant l’été, ce sont cinq autres bas officiers qui sont envoyés au régiment. Mais aucun, y compris ceux nommés plus tôt, n’ont de commission pour leur grade [4].

L’uniforme est alors celui de Chamborant [5], sauf que le collet est bleu. Le gilet, bleu, est aussi tressés mais avec trois rangées de boutons seulement. La sur culotte très moulante à la façon d’une hongroise, est caractéristique des tenues des troupes légères révolutionnaires. Elle est bleue avec une rangée de boutons la fermant sur le côté et deux nœuds hongrois sur l’ouverture du pont. La sabretache est bleue, avec un galon tricolore, un faisceau licteur et le chiffre 12. Si le mirliton est l’apanage des hussards révolutionnaire, il semble que ceux du 12e firent figure de précurseurs en adoptant une sorte de bonnet à poil avec flamme rouge. Avec la pénurie de laiton et de cuivre, les sabres de cavalerie de dragons et de hussards, sont montés en fer [6]. Ce système d’armement, plus fragile que l’ancien, est regroupé sous la dénomination de système modèle an IV.

Le 12e hussard fait alors campagne à l’armée des Pyrénées-Orientales. Il combat à Bergara et Olquonto. Le sous-lieutenant Jean Pierre Perpin se distingue particulièrement à la bataille de Tolosa. Le régiment est alors en garnison à Libourne et reçoit ses ordres de l'adjudant général Sabès alors chef d'état-major de la 7e division, dite des Côtes Maritimes. Il est sous les ordres su citoyen Laroche Belin. Le 28 Nivôse an III (17 janvier 1795), à Livourne, le conseil d’administration passe en revue les officiers afin de les proposer au ministre de la guerre pour l’obtention d’une commission. Tous les officiers ne sont pas présents. Seuls trente-six d’entre eux sont là, les autres sont détachés [7]. Tous les officiers présents [8], sont reconnus apte par le Conseil d’Administration pour être confirmé dans leurs grades [9]. Le régiment compte alors un chef de brigade, trois chef d’escadrons, onze capitaines, un quartier-maître, douze lieutenants et vingt-quatre sous lieutenants. Parmi les officiers présents, onze d’entre eux sont reconnus très compétents et aptes à de l’avancement [10]. Parmi ces derniers sept d’entre eux sont issus des Garde Nationale, des Volontaires ou de Compagnies Franches. La politisation de l’armée, lié au génie militaire, porte aux nues une génération méritante d’hommes que l’engagement révolutionnaire a favorisé. En effet, sur ces officiers reconnus très compétents, quatre seulement sont des militaires de carrière. Les autres sont étudiants, hommes de loi, fabricant voire même agriculteur.

Avec la paix signée entre la France et l’Espagne, le 4 thermidor An III (22 juillet 1795), les hussards de la Montagne sont envoyés à l’armée de l’Ouest, bien que jusqu'au 10 vendémiaire an IV (2 octobre 1795), il reçoive encore ses ordres de la 7e division des Côtes Maritimes de Bordeaux.

 

Un lieutenant indélicat

En Pluviôse An IV (janvier 1796), le régiment fait partie intégrante de l'armée de l'Ouest et ne reçoit ses directives que du quartier général d'Angers. Le régiment est alors en garnison à Maixent et ses officiers logés dans les environs. Durant cette période d'inactivité, la discipline se relâche, surtout parmi le corps des officiers. 

En effet, le médecin Pérreau, de Fontenay le Peuple, loge le sous-lieutenant Dufault et lui prodigue toutes les civilités dues à son grade, voire même plus, puisque Dufault se fait passer auprès de son hôte pour un capitaine et profitant de ces largesses parvient à lui emprunter 72 livres en numéraire, contre une simple promesse de remboursement signée sur un morceau de papier. Mais le départ incognito et secret de l'officier alerte le médecin. Sachant qu'il "est passé en Bretagne ou en Normandie contre les chouans" [11], il préfère ne pas en faire usage et patiente en vain. Pensant, à juste titre, ne plus revoir ses 72 livres en pièces, le médecin alerte le conseil d'administration, le 8 Prairial an IV (27 mai 1796) et lui demande d'inviter Dufault à payer. Le pauvre médecin ne reçoit, le 24 Messidor (12 juillet), que trois promesses de mandat de 20 livres chacune délivrées de mauvais gré par Dufault : "une lettre que vient de recevoir notre colonel…me force à vous payer la somme de 72 livres" [12]. "Comme ce n'est pas ainsi qu'on doit en agir entre honnêtes gens, j'ai cru devoir renvoyer ledit paquet au conseil d'administration de son corps" [13]. Le médecin, face à l'avanie des officiers responsables du régiment, décide de s'adresser au général Hédouville, chef d'état-major de l'armée des Côtes de l'Océan pour obtenir son remboursement et menace de prévenir le ministre de la Guerre s'il n'obtient pas son remboursement. Cette fois-ci, le stratagème de Pérreau fonctionne et le 6 Fructidor (23 août) Hédouville demande expressément au colonel du 12e à faire payer son sous-lieutenant. Cette anecdote est riche en renseignement.

En effet, outre la mauvaise volonté et l'esprit de corps qui règne entre les hussards, l'aventure du médecin Pérreau met bien en évidence les carences financières du régiment et les défauts de payement de solde. A ceci se rajoute l'état misérable des uniformes que le colonel signale au général de la 13e division militaire à Brest. Mais si cela inquiète le colonel, il n'en est pas de même de l'administration de la guerre, et du général Hoche, qui sont relancés par le général de la 13e division militaire le 27 Frimaire an V (17 décembre 1796), pour que ceux-ci délivrent des fonds afin de renouveler les tenues.

 

Des hussards aux dragons

Officiers tués ou blessés durant la période 1804-1815

Officiers tués: 5
Officiers morts de leurs blessures: 0
Officiers blessés : 20

(source : Tony Broughton)

Colonels et Chefs de Brigade.

1795: Hay (?) - Chef de Brigade.
1795: La Rochelin (?) - Chef de Brigade.
1797: Joliet (?) - Chef de Brigade.
1799: Fournier-Sarloveze (François) - Chef de Brigade.
1802: Dupre (Jean-François) - Chef de Brigade.
1813: Colbert (Louis-Pierre-Alphonse) - Colonel.
1814: Galbois (Nicolas-Marie-Mathurin) - Colonel.

(source : Tony Broughton)

Stationné à Redon, le régiment est ramené à quatre escadrons le 20 Thermidor an IV (7 août 1796). En Germinal an V (mars-avril 1797), il amalgame les Chasseurs à Cheval de la Vendée, organisés à Cholet en Brumaire de la même année par Hoche à partir des compagnies de guides de l’armée de l’Ouest. 

En l’an VII, le régiment participe à l’expédition d’Irlande (en fait, c'est un détachement de 12 cavaliers qui sert d'escorte Humbert - NDLR), durant laquelle le brigadier Ponsonnet, blessé d’un biscaïen, ne quitte pas son poste, à bord du Hoche, et exhorte les membres de l’équipage à continuer la lutte et ne pas ramener le pavillon. Néanmoins le régiment est en grande partie capturé par les Anglais. A son retour, le 12e hussard est placé à l’armée de réserve de Dijon puis à l’armée d’Italie. Le commandement du régiment étant vacant. François Fournier-Sarlovèze se présente alors pour obtenir la place de colonel. Reconnu inapte par le ministre de la guerre, il essuie un refus. En bon hussard, il ne laisse pas facilement tomber l’affaire et se fait confectionner une tenue de colonel du 12e hussards et lors d’une manœuvre du régiment, il se présente au front des troupes et en prend la direction. 

Superbe cavalier, officier rempli de ressources, d’audace et de savoir, il se montra si familiarisé dans les évolutions qu’à son retour, il n’eut pas de peine....à être élu leur chef par les officiers et par les hussards ” [14]

Lors du franchissement du col du Grand Saint Bernard, le 12e hussards, commandé par Fournier-Sarlovèze, est à l’avant garde et contribue à la victoire de Montebello, et participe à la bataille de Marengo (brigade Rivaud, dans la division Murat). 

Batailles et combats

1794: Bergara, Oloqueta.
1800
: Châtillon, La Chiusella, Montebello, Marengo, Pozzolo.
1801
: Bassano.
1812
: Barbastro (9e bis de hussards en Espagne).
1813
: Diar, Borga, and Sausse (9e bis de hussards en Espagne).
1813
: Gross-Beeren, Medergersdorf, Leipzig, Hanau.
1814
: Macon, Limonest, Saint-Donat.

(source : Tony Broghton)

Le 1er vendémiaire An XII (24 septembre 1803), il devient 30e régiment de Dragons [15]. La transformation du régiment ne plait pas à Fournier-Sarlovèze ni à ses hommes qui “ ne voulaient pas changer leur pelisse pour une clarinette ” [16], autrement dit le fusil modèle 1777 modifié An IX pour les dragons. En raison de ce refus de changement, Fournier-Sarlovèze est appelé à Paris et remplacé à la tête de son régiment. Les hussards, devenus dragons, continuèrent néanmoins de porter leur dolman durant près d’un an, en concurrence du casque de dragon, par manque d’habit veste vert. (17)



[1] Le 5 mars 1793, par un décret de la Convention Nationale, les compagnies des Hussards de la mort et de l'égalité réunies sont incorporés aux hussards de la Légion de l'armée du midi dite Légion des Alpes. Les chasseurs à cheval de la légion Rozenthal réunis au précédent formeront le 13e Régiment de Chasseurs à Cheval. Le 25 Mars 1793, la Convention décrète que le corps des Hussards de la Liberté de l'Armée de Belgique est compris dans les régiments de hussards sous le numéro 10.  Le 3 Mai 1793, la Convention prend un décret qui ordonne aux officiers, sous-officiers et hussards composant les trois premières compagnies du 10e régiment de Hussards dit de la Liberté de rejoindre incessamment leur corps, car ils ont été licenciés arbitrairement par Dumouriez.

[2] Parmi ces neuf officiers, cinq sont des hauts officiers (capitaine, chef d’escadron et colonel).

[3] Le 13 Mars 1793 un décret déclare les hussards noirs du nord à la solde de la République : vingt cinq sous par jour et armé par le ministre de la guerre.

[4] Etat nominatif des officiers du 12e hussards, 20 nivôse an III. S.H.A.T. Xc 259.

[5] Dolman marron avec tresses et galons blancs. Cinq rangées de boutons blancs.

[6] Le 13e hussard, lors de sa présence dans l’Ain, en l’an III, est équipé de sabres similaires à montures de fer.

[7] Il semble que le troisième escadron soit absent.

[8] Le colonel, un chef d’escadron, le trésorier, huit capitaines, neuf lieutenants et quinze sous-lieutenants.

[9] Un sous-lieutenant est déclaré nul et hypocrite.

[10] Six sont sous lieutenant, quatre lieutenants et un capitaine.

[11] Lettre du médecin Pérreau au conseil d'administration du 12e hussard, Fontenay le Peuple, 8 prairial an IV. Collection de l'auteur.

[12] Lettre du sous lieutenant Dufault au médecin Pérreau, Redon, 24 messidor an IV. Collection de l'auteur.

[13] Lettre du médecin Pérreau au général Hédouville, Fontenay le Peuple, 25 thermidor an IV. Collection de l'auteur.

[14] Brunon (Raoul et Jean) : Le 12e régiment de hussards in Carle Vernet la Grande Armée, 4e série, Marseille, n.d.

[15] Le 30e Dragons, il reçoit quatre Aigles et guidons mod. Challiot en 1804. En 1812, quatre aigles sont en service. Il conserve son Aigle et son étendard après la retraite de Russie.

[16] Brunon (Raoul et Jean) : Le 12e régiment de hussards in Carle Vernet la Grande Armée, 4e série, Marseille, n.d.

[17] Le 17 février 1813, le 12e régiment de hussards est reconstitué et opère en Espagne puis en Allemagne. Il fait la campagne de France de 1814, avant d'être dissous après la Première Abdication. (NDLR)