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L'insurrection du Tyrol de 1809

"Demain à l’aube verra la dernière attaque. Avec l’aide de Notre Sainte Mère, nous voulons nous saisir des Bavarois ou les détruire et nous nous sommes recommandé au Saint Cœur de Jésus ! " - Andreas Hofer

Offensive bavaroise et seconde bataille d’Innsbruck (mai-juillet)


Pendant les évènements du Tyrol, les affaires autrichiennes ont pris une mauvaise tournure dans le sud de l’Allemagne. L’archiduc Charles est contraint à la retraite en direction de Vienne. Certes, l’archiduc Jean, après sa victoire de Caldiero n’est pas loin de menacer Venise, mais il ne peut guère compter sur un soutien venant du Tyrol, car Chasteler, devant l’avance des français sur le Danube, s’empresse de remonter vers le nord. Au grand dam des tyroliens, il ne laisse dans la région qu’un faible contingent dans la région.

François Joseph Lefebvre,  duc de Dantzig (1755-1820)Entre les tyroliens et les troupes autrichiennes, ce n’est pas, par ailleurs, le beau fixe. La co-ordination entre troupes autonomes et troupes officielles s’avère difficile. Hofer est même contesté dans son rôle, l’affaire est porté à la connaissance d’Hormayr. Mais celui-ci pense pour le moment à quitter Vienne, devant l’avance des français et on en reste là.

Napoléon, justement, avant que d’entreprendre la bataille qu’il pense décisive, entend bien se débarrasser rapidement de l’affaire tyrolienne qui pourrait gêner ses arrières: ordre est donné à Lefebvre de réoccuper le Tyrol.

Ce dernier commande le VII corps, qui se trouve depuis le 24 avril à Salzbourg. L’offensive commence le 10 mai, selon un plan très simple: la 1ère division bavaroise (prince héritier Louis) couvrira l’opération, la 3e (Deroy) avancera par Traunstein et Kufstein, et la 2e (Wrede) par Reichenhall et le Pass Strub.

Carl Philipp Wrede (1755-1813)Bernhard Erasmus von Deroy (1743-1812)Repoussant devant eux les autrichiens de Fenner et les compagnies de chasseurs tyroliens, les bavarois atteignent rapidement Wörgl. Mais ils font connaissance avec la guerre de guérilla, contre une ennemi qui se dérobe souvent à leur regard. Les atrocités répondent aux atrocités, et Wrede doit , le 12 mai à Ellmau, rappeler ses troupes à l’ordre: "Soldats ! Je vous le demande: comment votre sentiment de l’humanité est-il tombé si bas ces deux derniers jours ?"

 

 

 

Monument de Wörgl commémorant les combats de mai 1809 - Photo: OuvrardQuoiqu’il en soit, ils battent Chasteler, accouru d’Innsbruck avec 3000 hommes, dans ce village et le contraignent à battre en retraite. N’arrivant même pas à mobiliser quelques 8000 miliciens tyroliens accourus aux nouvelles, mais fortement alcoolisés, il ne s’arrête même pas à Innsbruck, mais à Steinbach am Brenner… De leur coté, les chefs tyroliens ont sur le cœur le manque de soutien qu’ils étaient en droit d’attendre de la division Jellacic, rendue disponible par l’avance française et qui aurait pu leur venir en aide. Or Jellacic vient de recevoir l’ordre de se diriger sur Graz, ce qui scelle en fait l’abandon du Tyrol !

Dans la vallée de l’Inn, la retraite des autrichiens continue, de plus en plus difficile (Wrede a été rejoint à Rattenberg par la division Deroy, qui vient de ravitailler la forteresse de Kufstein), et ils doivent de nouveau, malgré l’héroïque défense de la milice, subir une lourde défaite, perdant 3000 soldats et insurgés, 9 canons et 3 drapeaux à Schwaz. 

 

Schwaz: fresque à la mémoire du capitaine Peter Nikolaus Porer, capitaine des tirailleurs de Schwaz. - Photo: Ouvrard Les 15 et 16 mai, le village de Schwaz est la proie de flammes. Après 36 heures de cessez-le-feu, suite à une offre de Lefebvre, Innsbruck est, le 19 mai, réoccupée par les bavarois, sans combats.

Dans les autres parties du Tyrol, les affaires ne vont guère mieux pour les autrichiens. L’indécision de l’archiduc Jean y est pour beaucoup, qui envoie des ordres contradictoires. Le 16 mai, Chasteler prend la décision de retirer l’ensemble de ses troupes sur le Brenner. Le 18, l’archiduc Jean lui fait savoir qu’il peut, certes, tenir le temps qu’il pourra le Tyrol, mais qu’il "lui laisse de décider s’il ne serait pas plus avantageux de joindre ses troupes aux siennes".

Le lendemain, il fait savoir à Chasteler qu’il doit "défendre le Tyrol comme une forteresse indépendante, aussi longtemps que possible, au pire, rassembler l’ensemble de ses troupes et chercher <à se faire de l’air> quelque part". Mais il "s’en remet à lui" !

Pauvre Chasteler, dont il est question, justement, dans un ordre du jour de Napoléon: "Un dénommé Chasteler, soi-disant général au service de l’armée autrichienne, sera, le cas se présentant, considéré comme chef de brigands, responsable des assassinats commis sur les prisonniers français et bavarois et , comme instigateur du soulèvement tyrolien, mis hors la loi, présenté à un conseil de guerre et exécuté dans les vingt-quatre heures." On comprend alors qu’il donne bientôt l’ordre de réunir toutes les troupes autrichiennes du Tyrol à Lienz, et de quitter le pays dès que les conditions le permettront.

Cet ordre, Buol, qui se trouve toujours au Brenner, ne le reçoit pas….car il a été fait prisonnier par des insurgés ! Ce qui fait que si des troupes autrichiennes participeront au prochain combat du Bergisel, ce sera plus une affaire d’honneur, compte tenu du nombre de soldats disponibles.

Du coté des tyroliens, les nouvelles de "victoire" de l’armée principale (la bataille d’Essling s’est déroulée les 21 et 22 mai) amènent de nouveaux espoirs. Andreas Hofer a fait placarder son célèbre appel: "Mes frères de l’Oberinntal ! Pour Dieu, l’Empereur et notre chère Patrie ! Demain à l’aube verra la dernière attaque. Avec l’aide de Notre Sainte Mère, nous voulons nous saisir des Bavarois ou les détruire et nous nous sommes recommandé au Saint Cœur de Jésus ! Venez nous aider, mais si vous pensez être plus avisé que la Providence, nous nous passerons de vous ! Andreas Hofer, Commandant en Chef !". Et il réunit un conseil de guerre à Sterzing.

Du coté allié, on croyait si bien la rébellion éteinte, que Lefebvre n’avait élevé aucune objection à l’ordre de Napoléon d’envoyer deux de ses divisions dans la vallée du Danube pour renforcer son dispositif principal, laissant à Deroy le soin de s’occuper des affaires en Tyrol.

Très rapidement, ce dernier est informé du renforcement des troupes du coté des insurgés, dont Hofer est "naturellement" devenu leur chef. Des renforts sont de toutes part recrutés, sous l’impulsion de Josef Eisenstecken, Josef Speckbacher et Martin Teimer. L’attaque est décidée pour le 25 mai, une fois encore sur le Bergisel. De tous les cotés lui arrivent des renseignements montrant la détermination des tyroliens, qui investissent Innsbruck pratiquement totalement. Deroy met ses troupes (3850 fantassins, 400 cavaliers, 12 canons) en état d’alarme.

En face, Hofer est désormais à la tête de troupes beaucoup mieux organisées qu’en avril, et qui s’élèvent déjà à environ 6 500 hommes. Son plan est simple: attaquer les bavarois là où on les rencontre et les rejeter au-delà des montagnes.

Cette première attaque n’est pas vraiment une réussite pour Hofer et ses troupes (ainsi que les autrichiens de Buol): les bavarois résistent bien et réussissent à garder leurs positions. Mais Deroy, tout en étant confiant pour sa ligne de communication avec Salzbourg, n’en demeure pas moins inquiet, d’autant qu’il est bientôt informé que la ville de Zirl vient de tomber aux mains des tyroliens.. Il maintient ses troupes en alerte.

Monument Speckbacher à Hall im Tyrol - Monument de Ludwig Penz (1908) - photo: OuvrardLe 29, tyroliens et autrichiens relancent l’attaque sur Innsbruck. Ce sont maintenant près de 13 500 fantassins (12 000 tyroliens, 1 270 autrichiens), 87 chevau-légers autrichiens et six canons dont dispose Hofer. L’attaque sur Innsbruck doit être dirigée à l’est, au sud et à l’ouest de la ville, tandis qu’on se saisira des ponts de Hall et Volders. C’est d’ailleurs là que les tyroliens enregistrent leurs premiers succès, malgré une défense héroïque des bavarois, coupant la ligne de retraite de Deroy.

Du coté du Bergisel, les évènements ressemblent étrangement à ceux d’avril. Les bavarois ne peuvent déloger les tyroliens de la colline, mais ces derniers ne parviennent pas à franchir l’espace situé entre cette dernière et la ville. Hofer espère un moment l’effet démoralisant d’une attaque de flanc par une colonne venue de Zirl, sous le commandement de Teimer. Mais celui-ci avance avec trop de circonspection, et est même repoussé par les bavarois.

À quatre heures de l’après-midi, un cessez-le-feu est observé, officiellement pour permettre aux autrichiens de négocier avec Deroy une reddition de la ville, plus certainement parce que les tyroliens sont à court de munitions. Bientôt, la nuit survient, et avec elle, la fin de cette deuxième bataille du Bergisel (elle a coûté 130 morts et 500 blessés aux bavarois, 90 morts et 160 blessés aux austro-tyroliens)

Car Deroy, dont les troupes sont quelque peu démoralisées (ils ne veulent pas combattre ces "paysans, que l’on ne voit jamais avant d’être blessé, contre qui il n’y a aucun honneur à gagner") va profiter de la nuit pour, faisant appel à une vieille ruse de guerre, quitter Innsbruck. Demandant à ses avant-postes d’allumer des feux, de mener de nombreuses patrouilles de reconnaissance et même de fraterniser avec les lignes ennemies, il fait assourdir les roues de ses chariots et les fers de ses chevaux. Et la 3e division s’éloigne en silence d’Innsbruck, atteignant Vomp le 30 mai à six heures du matin. Le soir même, malgré un harcèlement permanent des insurgés locaux, Deroy fait entrer ses troupes en sécurité dans la forteresse de Kufstein.

Et lorsque le jour se lève sur Innsbruck, ce matin du 30, les tyroliens découvrent une ville vidée de sa garnison, qu’ils réoccupent dans la liesse populaire.

Le 2 juin, Deroy, après s’être un peu "refait " à Kufstein, a quitté le sol bavarois. Pour la deuxième fois, le Tyrol est libre.

Le jour même de cette deuxième bataille du Bergisel, de Wolkersdorf, près de Vienne (voir les pages Wagram), l’empereur François écrivait sa célèbre Proclamation (le billet de Wolkersdorf):

"Après bien des évènements funestes, et après que l'ennemi se soit emparé de la capitale du Royaume, Mes Armées ont réussi à battre le gros de l'armée française, sous le commandement de Napoléon lui-même, dans le Marchfeld, les 21 et 22 mai, et à la repousser au delà du Danube. L'Armée et le Peuple sont pleins d'enthousiasme; tout porte aux plus grandes espérances. Confiant en Dieu et en Mon bon Droit, je réitère ici à mon fidèle comté du Tyrol, y compris le Voralberg, qu'il ne pourra jamais être séparé de l'empire autrichien, et que Je ne signerai d’autre paix, que celle qui attachera irréversiblement cette province à Ma Monarchie. Dès que cela lui sera possible, Mon Très Cher Frère l’archiduc Jean se rendra au Tyrol, pour être avec le conducteur et le protecteur de mes fidèles tyroliens, jusqu’à ce que tout danger aux frontières du comté du Tyrol soit écarté".

Malgré la résistance de l’archiduc Jean, qui voit le danger d’une position si tranchée à l’égard du Tyrol, cette proclamation est rapidement connue de tous les tyroliens: ils savent maintenant qu'ils ne seront jamais abandonnés !

Jusqu’en août, Hormayr, qui est revenu à Innsbruck et a repris la direction des affaires (Hofer et ses amis sont pratiquement mis sur la touche…), va s’efforcer de réorganiser le pays.

Mais une nouvelle tentative de reprendre Kufstein, dont le siège reprend le 12 juin, échoue encore une fois……

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