1 - 15 Mars 1804


Paris, 1 mars 1804

Au général Soult, commandant le camp de Saint-Omer

Vous savez sans doute que Pichegru a été arrêté hier. Il n'a pu servir de ses pistolets ni de son poignard. Il s'est battu une demi-heure avec trois ou quatre gendarmes d'élite à coups de poing. Le plaisir qu'a éprouvé le peuple de Paris de cette arrestation fait son éloge. J'ai fait fermer les barrières de Paris et investir les murailles de sentinelles. J'ai fait rendre une loi qui condamne à mort tout individu qui recèlerait Georges et ses compagnons. Il est dit dans la loi qu'ils sont soixante, parce que des dépositions le portent; pour moi, je ne pense pas qu'ils soient plus de trente à quarante. J'ai d'ailleurs lieu d'être satisfait de la contenance de Paris et de toute la France.

Je ne puis concevoir comment les quatre chaloupes d'Étaples ne sont pas encore armées, et comment vous en avez encore à Boulogne une en armement et deux en construction. Faites-moi connaître quand elles seront finies.

Je vous prie de me faire connaître si les matelots sont complets sur la flottille de transport, car il serait très-malheureux d'avoir là des bâtiments et pas de matelots.

Je désire également que, dans le premier état que vous m'enverrez de la flottille, vous fassiez porter les bateaux destinés à porter des pièces de campagne, et les chaloupes canonnières qui ne seraient pas encore installées en belle. Faites-moi aussi connaître comment  sont installées les 50 péniches qui sont à Boulogne.

Les corps ont quelques malades; d'un autre côté, les malades qu'ils avaient à leur arrivée au camp doivent avoir rejoint leurs dépôts. Les conscrits doivent aussi commencer à arriver. Je désire donc que vous fassiez appeler les chefs de corps, que vous leur demandiez le nombre d'hommes qu'ils pourraient tirer des dépôts, afin de compléter leurs bataillons à 800 hommes.

Causez avec le général Lacrosse pour savoir si les chaloupes et bateaux canonniers sont, à l'heure qu'il est, installés conformément à l'ordre qui a été donné. Allez vous-même visiter les magasins de biscuit, et voyez celui qui y est depuis le plus de temps, afin de vous s'il est gâté. Allez aux caves, et goûtez quelques pièces de vin prises au hasard; faites-en autant pour l'eau-de-vie. Il ne faut pas attendre au dernier moment où l'on s'apercevrait qu'une partie des vivres serait gâtée, ce qui serait sans remède.

J'imagine que les ambulances de l'armée sont organisées, et qu'il y a existant, de médecins, chirurgiens et administrateurs, le nombre suffisant.

Faites passer au général Davout la nouvelle relative à Pichegru.


Paris, 1er mars 1804

Au contre-amiral Decrès

Je vous prie, Citoyen Ministre, de faire exécuter le plus promptement possible les dispositions suivantes :

Il sera formé une flottille de péniches composée de huit divisions, chacune composée de quatre sections, ou bataillons; chaque section, ou bataillon, composée de neuf péniches.

Chaque division de péniches sera commandée par un officier ayant le grade de capitaine de frégate, ou au moins de lieutenant de vaisseau.

Les sections, ou bataillons, seront organisés de manière que seulement il y en ait trois qui portent des obusiers de 6 pouces, et six qui portent des pièces de 4.

La flottille de péniches se trouvera ainsi composée de 288.

Les 72 péniches actuellement à Boulogne ou Calais formeront les deux premières divisions.

Le commandant de la flottille désignera, dans le port de Boulogne, le lieu où devront se tenir toutes les péniches.


Paris, 2 mars 1804

Au citoyen Réal, conseiller d'État

Le citoyen Réal doit faire arrêter, ce soir ,deux principaux agents des intrigues qui se trament ici. Il serait nécessaire de saisir en même temps leurs papiers.

La Rochefoucauld demeure rue du Faubourg-Saint-Denis, n° 16, à gauche, maison un peu enfoncée, chez un boucher dont la femme est sœur de la femme de chambre de Madame La Rochefoucauld. Il doit y avoir là des papiers. Il est bon de les faire saisir en même temps que se fera l'arrestation au rendez-vous où ils doivent être.


Paris, 2 mars 1804

DÉCISION

Le ministre de la guerre propose d'établir un poste français à Meppen,  en donnant les explications convenables au duc d'Aremberg, pour intercepter des marchandises anglaises. 

Accordé. Vous écrirez au général de l'armée de Hanovre qu'il aura l'air de le faire sans ordre et qu'il tiendra bon jusqu'à nouvel ordre.

DÉCISION

Le ministre de la guerre rend compte que la compagnie franche du Liamone rend à Paris; il prie le Premier Consul de lui désigner une destination.

Ils seront dirigés sur Sens.  On leur donnera là six jours de repos, et, comme ils auront probablement besoin de souliers, on leur en fera trouver là 80 paires. On les fera marcher de manière qu'ils aient, tous les trois jours, séjour. On les dirigera de là sur le camp d'Ambleteuse, où ils feront partie du 3e bataillon du 3e régiment d'infanterie légère, qui se trouve à ce camp. Le ministre donnera également ordre à Antibes, au dépôt de ce bataillon, qu'on le passe en revue, et qu'on fasse partir tout ce qui est disponible pour la même destination. 


Paris, 2 mars 1804

Au général Soult, commandant le camp de Saint-Omer

Citoyen Général Soult, je reçois votre lettre du 8 ventôse. Je désire que vous mettiez des écuries pour 400 chevaux à la disposition des deux régiments de la brigade de cavalerie du camp de Montreuil.

Je vous prie également de me faire connaître combien il y a d'écuries à Calais qui ne doivent point venir à Boulogne parce qu'elles firent trop d'eau, pour que j'en dispose également pour la réserve de cavalerie, afin que toute la cavalerie de l'armée ait déjà une partie des écuries qui lui sont nécessaires. Par ce moyen il ne restera plus, à mesure que les écuries arriveront, qu'à compléter ce que chacun doit avoir.

Par l'état que vous m'avez envoyé, il résulte que nous aurions des écuries pour 6,188 chevaux. Il faut ajouter 1,000 chevaux qui seront embarqués sur les bateaux canonniers ou sur les corvettes armées en guerre, et 1,000 chevaux que fournira la flottille Nous aurions donc 8,188 chevaux.

Nos besoins se composent :

De 2,000 pour l'artillerie;
  1,600 pour la Garde, compris 300 pour l'artillerie;
     600 pour votre brigade de cavalerie;
     600 pour celle de Montreuil;
     600 pour celle de Bruges;
  1,800 pour la réserve de cavalerie.

Il en resterait donc un millier pour l'état-major, ce qui est plus que suffisant, et les chevaux des administrations, ambulances, etc.

J'ai donné l'ordre au ministre de la marine pour la formation d'une flottille de péniches.

Faites-moi connaître si l'on a pris des mesures pour construire l'écluse de chasse, ainsi que les dégradations que la mer a faites, au 15 ventôse, soit au fort en bois dit Fort-Rouge, soit aux forts de l'Heurt et de la Crèche, et si tout se prépare pour qu'au premier beau temps on puisse reprendre et terminer ces ouvrages.


Paris, 2 mars 1804

Au contre-amiral Decrès

Je suis instruit, Citoyen Ministre, que Nelson a écrit à l'amiral Latouche pour lui proposer un échange de prisonniers. Je désire savoir quelle réponse il lui a faite. Dans tous les cas, faites-lui connaître que tout échange est impossible; que le roi d'Angleterre n'a voulu établir aucun échange, ayant persisté à y mettre des conditions inusitées et arbitraires.

Mon intention est de ne recevoir aucun parlementaire à Toulon, et j'attends que ces dispositions seront sévèrement exécutées. Les parlementaires des Anglais ne sont que des espionnages. D'ailleurs, vous leur avez, je crois, désigné la Ciotat. C'est donc là qu'ils doivent se rendre.


Paris, 3 mars 1804

NOTE POUR LE CITOYEN REAL

Un nommé Valcour, qui est un des agents ordinaires de l'armée de Condé, doit être dans une campagne près de Thionville. Voyez d'ailleurs Fouché. Expédiez en poste un officier intelligent avec trois gendarmes d'élite pour l'arrêter. 


Paris, 4 mars 1804

NOTE POUR LE CITOYEN RÉAL

Le bailli de Crussol a été capitaine des gardes du comte d'Artois. Il va chez madame Grolier, qui peint et voit des artistes. Il ne serait pas inutile d'avoir un agent introduit dans cette société. Il serait bon aussi d'avoir un historique de la conduite de ce Crussol, et de savoir quand il a quitté l'armée des princes.


Paris, 4 mars 1804

DÉCISION

Caffarelli, préfet maritime, fait connaître l'impression produite à Brest par l'arrestation du général Moreau. (Louis-Marie-Joseph, comte de Caffarelli, 1760-1845, premier préfet maritime de Brest)

Il n'y aurait pas d'inconvénient d'écrire à Caffarelli, d'ordonner au  frère de Moreau, lieutenant de vaisseau, de se rendre à Morlaix, dans sa famille, et d'y rester jusqu'à nouvel ordre.

DÉCISION

Rapport du citoyen Cretet sur les ports de Dielette et Carteret (Manche) 

Il serait bien Plus convenable que l'ingénieur de Cherbourg,
Cachin, se rendît sur les lieux. Mon intention serait d'avoir à Carteret un port capable de contenir une flottille d'une centaine de chaloupes et bateaux canonniers, pouvant porter 8 à 10.000 hommes, force plus que suffisante pour s'emparer des îles Jersey.


Paris, 4 mars 1804

Au général Soult, commandant le camp de Saint-Omer

Citoyen Général Soult, je vous laisse le maître de mettre en liberté les trois marins de Boulogne; mais recommandez-leur bien de ne plus se laisser prendre par les Anglais, car l'expérience a prouvé que les pêcheurs ne sont pris que lorsqu'ils le veulent bien, et que cela est très-suspect.

Faites-moi donner des renseignements sur le capitaine Lostanges, de l'honneur duquel la marine est parfaitement sûre.


Paris, 4 mars 1804

Au contre-amiral Decrès

Je désire, Citoyen Ministre, que vous fassiez connaître par une lettre officielle, au général Truguet, que le Gouvernement l'autorise à prendre le titre d'amiral. Faites-lui connaître également que la somme de 5,000 fr. sera mise chaque mois à sa disposition pour les dépenses extraordinaires que ce nouveau titre exigera, ainsi que pour les dépenses secrètes qui seront nécessaires, soit pour surveiller son escadre, soit pour avoir des nouvelles des escadres ennemies.


Paris, 5 mars 1804

Au général Berthier

Le bataillon des vélites, Citoyen Ministre, placé à Saint-Germain, est près d'une trop grande ville. D'ailleurs, d'un moment à l'autre, il est probable que le château de Saint-Germain sera utilisé pour d'autres établissements. Je désirerais donc que les vélites fussent placés soit au château d'Écouen, soit à celui de Villers-Cotterets, ou dans tout autre château de ce genre, pourvu cependant qu'il soit éloigné de Paris de plus de trois lieues et moins de douze. Faites faire les recherches et proposez-moi l'emplacement convenable.


Paris, 6 mars 1804

Au citoyen Melzi

Citoyen Melzi, Vice-Président de la République italienne, j'ai chargé Marescalchi de vous instruire de tout ce qui se passe ici. Vous devez ajouter une pleine foi au rapport qui m'a été fait par le grand juge. Il n'y a rien de plus que cela. Cette affaire en serait à peine une pour moi, sans la part qu'y a le général Moreau, qui s'est rendu complice de ces misérables, chose que j'ai été trois jours sans pouvoir me la persuader. Mais les preuves se sont multipliées tellement qu'il ne m'a plus été possible d'arrêter le cours de la justice. Paris et la France ne sont qu'une famille, n'ont qu'un sentiment, une opinion.

Faites-en part à la Consulte d'État. N'ajoutez aucune croyance à tous les faux bruits qu'on pourrait répandre. Je n'ai couru aucun danger réel, car la police avait les yeux sur toutes ces machinations. J'ai eu la consolation de ne pas trouver un seul homme, de tous ceux que j'ai placés dans cette immense administration, dont j'aie à me plaindre. Moreau est le seul; mais il était depuis longtemps éloigné du Gouvernement.


Paris, 6 mars 1804

Le secrétaire d'État au général Berthier

Le Premier Consul, Citoyen Ministre, désire avoir sous les yeux la correspondance du général en chef de l'armée de Rhin-et-Moselle en l'an V. Dans les correspondances militaires du Directoire qui sont aux archives du Gouvernement, il ne reste que quelques pièces de celles dont il s'agit. Le dossier de cette armée a passé, après le 18 fructidor, dans le cabinet du ministre Scherer, et la plus grande partie des pièces qui le composaient n'a pas été rendue; elle doit se retrouver dans vos bureaux.

Je vous prie, Citoyen Ministre, de donner des ordres pour qu'on remette au porteur tout ce qu'on pourra recueillir, dans vos bureaux ou au dépôt de la guerre, de la correspondance du général en chef de l'armée de l'armée de Rhin-et-Moselle; cette recherche est urgente.


Paris, 7 mars 1804

DÉCISION

Le ministre de la guerre soumet au Premier Consul des renseignements transmis par le général Leval, commandant la 5e division militaire, et un rapport du commandant d'armes de Huningue sur un mouvement des Autrichiens dans le canton de Schaffhouse,

Envoyer sur-le-champ un adjudant général pour se rendre à à Schaffhouse, et dans toutes les possessions autrichiennes en Souabe; de là, parcourir le Tyrol, aller jusqu'à Salzburg et Passau. S'il voyait des mouvements extraordinaires de troupes, il en préviendrait par un courrier, et continuerait sa route.


Paris, 7 mars 1804

Au général Soult, commandant le camp de Saint-Omer

Dans le Moniteur ci-joint, vous verrez le nom des brigands jusqu'à ce moment à notre connaissance; hormis Georges, tous les plus importants sont déjà arrêtés.

Une lettre d'Angleterre à Munich, que nous avons arrêtée, charge à Paris de faire des adresses aux armées pour qu'on prenne la défense de Moreau et Pichegru; et des fonds considérables sont déjà envoyés dans ce pays pour arriver à cet objet.

J'ai ordonné au général Moncey de prescrire au commandant de la gendarmerie de votre camp d'arrêter tous les marchands ou individus qui, sous quelque figure que ce soit, tiendraient des propos. Portez-y une attention particulière; les Anglais, envoient partout des agents; ils font des sacrifices considérables pour arriver à leurs fins. Ayez une commission militaire composée d'hommes énergiques, et faites des exemples. Vous êtes à Boulogne inondé d'espions.

J'imagine que vous recevrez, par les vents qui règnent ces jours-ci, un grand nombre de bâtiments. Je brûle d'apprendre que vous avez plus de 100 chaloupes canonnières dans votre port.

Instruisez-vous si chaque péniche, bateau on chaloupe canonnière a des grappins pour l'abordage.

J'ai renvoyé tous les criminels dont il est question au tribunal criminel de la Seine, qui commence la procédure. Sous quinze jours cela sera terminé.

Nous avons d'assez bonnes nouvelles des Indes, où les Anglais éprouvent beaucoup d'échecs. Nos frégates corsaires font des prises immenses.

Je désire beaucoup que tous les bataillons soient au moins à 800 hommes; dès que les conscrits seront habillés, je pense que les chefs de corps feront bien de les faire venir. Je pense qu'ils pourront mieux s'instruire au camp qu'ils ne pourront le faire au dépôt.

Nous attendons les nouvelles d'Angleterre; la mort du roi ou sa folie (Georges III, 1738-1820. En janvier et mars, il a eu de nouvelles attaques. On pense de nos jours, que le roi était atteint de porphyrie aigue) sera un nouveau sujet de calamité pour le pays.

Il doit être arrivé un certain nombre de caïques à Boulogne; faites-moi connaître combien il y en a d'arrivées.


Paris, 7 mars 1804

Au général Soult

En vous écrivant de mettre à la disposition du camp de Montreuil des écuries pour 400 chevaux, je ne songeais pas qu'il n'y avait encore qu'un régiment; n'en mettez donc que pour 300 chevaux.

Dans votre prochaine lettre, faites-moi connaître quand l'écluse de chasse pourra être finie.

Je ne sais pourquoi on retire les sommes à votre disposition et qui sont très-utiles par la manière dont vous les employez pour que le service ne cesse pas.

Je désirerais que vous fissiez vérifier si les pièces de 16 en bronze que nous avons peuvent aller sur les affûts marins de 18.

J'attendrai, pour faire la distribution entre les différents ports des bâtiments-écuries et autres, que j'aie reçu un croquis sur la situation de ces ports.


Paris, 8 mars 1804

DÉCISION

Rapport du grand juge sur la division marquée des nobles et des roturiers, à Turin, dans les bals du carnaval.

Renvoyé au ministre de l'intérieur, pour faire connaître combien cette division me déplaît et est contraire aux principes du Gouvernement.

DÉCISION

Mémoire du citoyen Lepaultre sur le commerce, les manufactures, le régime intérieur d'une partie de la Russie, et sur les villes et ports de la mer Noire et de la mer d'Azof.

Renvoyé au ministre de l'intérieur pour prendre connaissance de ce mémoire, qui paraît fort important. 


La Malmaison, 8 mars 1804

Au général Dessolle 

Citoyen Général Dessolle, commandant l'armée de Hanovre par intérim, j'ai reçu votre lettre du 10 ventôse. Je suis bien aise que, dans ces circonstances, vous vous trouviez avoir le commandement de l'armée de Hanovre. Vos sentiments pour la République et pour moi me sont connus depuis bien des années. Je désire que vous exerciez la plus grande surveillance pour arrêter les espions et agents anglais dont vous devez être inondé. Une correspondance de Drake, ministre anglais à Munich, que j'ai interceptée, me démontre que les Anglais mettent tout en oeuvre pour faire des dupes de vos cotés.

Dans tous les cas, si, dans cette circonstance fâcheuse, vous perdez des hommes qui vous aimaient, restez persuadé que j'ai toujours pensé que j'avais auprès de vous la priorité et l'ancienneté. Rien n'égale la profonde bêtise de toute cette trame, si ce n'est sa méchanceté. Le cœur humain est un abîme qui trompe tous les calculs; les regards les plus pénétrants ne peuvent le sonder.

Tous les jours nous faisons des arrestations. Je crois avoir la certitude que Georges est encore à Paris avec plusieurs hommes de sa bande. Je doute qu'il échappe encore longtemps à la police.   


Paris, 8 mars 1804

DÉCISION

Le citoyen Lebrun (Il s'agit du fils du Consul Lebrun), aide de camp du Premier Consul, demande des instructions concernant le service des marins 
de la Garde qui sont à Rouen.

Je prie le ministre de la marine de donner des ordres pour le service des marins de la Garde. Il n'est pas juste qu'ils soient sous les ordres de tout le monde; ils ne doivent connaître que leurs officiers.


Paris, 9 mars 1804

Au contre-amiral Decrès

J'ai là votre rapport sur les approvisionnements du Nord. Il n'y pas les documents nécessaires pour établir le compte en argent et en matière des trois individus qui ont géré cette affaire. Je pense qu'il convient de le faire examiner par une commission du Conseil d'État.

Les dépenses à faire cette année sont bien considérables. Il sera peut-être bon de ne dépenser que 1,500,000 francs, si c'est possible, pour le dernier semestre, et l'on pourrait fournir les sept autres dans les premiers mois de l'an XIII.


Paris, 9 mars 1804

DÉCISION

Le ministre de l'intérieur propose de nommer le citoyen Vauquelin (Louis Nicolas Vauquelin, 1763-1829. Chimiste éminent. Il fera partie de la première promotion de la Légion d'Honneur) professeur au Muséum d'histoire naturelle.

Refusé, attendu que le Premier Consul ne veut pas que trois places soient réunies sur la même tête, et que le citoyen Vauquelin en occupe deux; s'il veut renoncer à l'une d'elles, le Premier Consul verra avec plaisir la désignation d'un savant aussi distingué.


Paris, 9 mars 1804

Au général Dejean

Il faut faire faire, Citoyen Ministre, des drapeaux pour les troupes des camps de Saint-Omer, Montreuil, Bruges, pour l'infanterie de ligne seulement. La cavalerie et l'infanterie légère en ont eu. Faites-les garder en dépôt à Saint-Omer jusqu'à mon arrivée. Mon intention est de les donner moi-même aux corps.


Paris, 9 mars 1804

Au général Soult

J'ai reçu votre lettre du 16 ventôse. Les deux profils des ports d'Ambleteuse et Wimereux me paraissent clairs. Je désire en avoir de pareils tous les quinze jours. Faites-m'en faire de pareils pour Boulogne et Étaples.

Je désire qu'on puisse, à Ambleteuse, dans le premier compartiment, creuser un emplacement pour quatre ou cinq bricks, et qu'on creuse pour mettre cette petite portion au niveau du fond de l'entrée des jetées.

J'ai donné les ordres qu'on commençât sur-le-champ l'écluse de chasse; faites-moi connaître si on s'en occupe.

Il n'est pas dit de quel calibre sont les obusiers dont vous me parlez. Je désire savoir si toutes les chaloupes ont un obusier de 8, et, dans le cas contraire, pourquoi elles n'en ont pas.

Vous mettez que les caïques n'ont qu'une pièce de 12; ce doit être une erreur; ce sont des pièces de  24 dont elles doivent être armées.


Paris, 9 mars 1804

Au général Moncey, premier inspecteur général de la gendarmerie

Citoyen Général Moncey, il paraît que des brigands ont cherché à se rembarquer au Havre, et qu'il se passe quelque chose d'extraordinaire sur cette côte. Il est convenable d'y envoyer un officier intelligent.


Paris, 9 mars 1804

Au général Rapp, en mission à Toulon

Citoyen Général Rapp, je désire que vous preniez des renseignements détaillés qui me fassent connaître le temps où les quatre vaisseaux désarmés et en radoub pourront être réunis à l'escadre qui est  en rade. Ces renseignements une fois pris, vous vous rendrez à Marseille pour y observer l'esprit des troupes et des habitants. Vous vous arrêterez un jour à Toulouse et à Lyon pour le même objet. Vous reviendrez en toute diligence à Paris.


Paris, 9 mars 1804

Au général Davout, commandant le camp de Bruges

Citoyen Général Davout, je reçois votre lettre du 16 ventôse. J'ai fait connaître à l'amiral Ver Huell que je n'approuvais pas que les bateaux canonniers passassent par les canaux. Il n'y a pas d'inconvénient de faire suivre cette route aux bateaux de transport. J'imagine que d'Ostende à Flessingue vous avez établi des détachement de cavalerie mobile; la côte doit en être couverte, de manière que si un bâtiment venait à échouer, il fût sur-le-champ protégé. Vous devez aussi avoir des batteries mobiles d'artillerie légère, d'une pièce au moins par lieue, pour pouvoir protéger un bâtiment qui sera coupé et poursuivi. C'est par là que, sur les côtes de Bretagne, de Normandie et du Boulonnais, nous avons conservé un grand nombre de bâtiments, et plus que tout cela l'honneur attaché à notre pavillon en déconcertant l'ennemi, qui voit nos expéditions et nos mouvement sans pouvoir les empêcher.

Il est convenable que toutes les fois que vous attendrez des convois de Flessingue, et qu'en général la mer sera bonne, une portion de vos chaloupes canonnières, bateaux canonniers et péniches, soit en rade pour protéger leur arrivée.

Voilà le moment où la guerre va s'engager entre vôtre rade et 1es Anglais. Il faut ne point épargner les boulets et les bombes, et, dès l'instant que l'ennemi est à portée, faire tirer avec la plus grand activité. Les canonniers de vos côtes sont quelquefois en retard. Je crois que vous n'avez point de pièces de canon de 24 légères. Dans ce cas, vous pourrez toujours vous servir avantageusement de six pièces de 12 et de six obusiers. Je ne sais si vous avez des obusier que nous appelons prussiens, qui vont plus loin que les autres et dont la chambre contient quatre livres de poudre. Ces douze pièces d'artillerie seraient partagées à droite et à gauche du port, et seraient destinées à se porter sur la laisse de basse mer, pour protéger les bâtiments en rade ou dont on signalerait l'arrivée.

Faites lever un plan de la rade, et faites-y tracer la ligne d'embossage que doit prendre la flottille toutes les fois qu'elle sortira pour exercer ou pour protéger l'arrivée de bâtiments. Ayez soin que la distance des batteries de la laisse de basse mer aux mortes et vives eaux y soit exactement marquée.

Les corvettes de pêche doivent rester à Dunkerque. S'il y a un malentendu, écrivez au commandant de la marine à Dunkerque. Dès qu'elles seront toutes réunies là, allez en passer la revue, formez-en les garnisons, et faites-les aller plusieurs fois en rade.

Le général Dumas méprise sans doute cette lettre anonyme, quoique signée, qu'il a reçue.

Nous arrêtons tous les jours, à Paris, quelques brigands subalternes, de ceux portés sur la liste qui a été imprimée.

Le procès de Moreau, Pichegru, etc., s'instruit au tribunal criminel de la Seine. Les preuves sont très-nombreuses.

Je désire que vous m'envoyiez un profil où vous ferez marquer le montant de la mer aux moyennes, vives et mortes eaux, dans les ports d'Ostende et de Nieuport.

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A 9 heures du soir.

Georges vient d'être arrêté, à sept heures du soir, sur la place de l'Odéon. Ce brigand a tiré quatre coups de pistolet, qui heureusement n'ont blessé qu'un homme. Il a été pris vivant et sans avoir aucun mal. Il était déguisé en fort de la halle, et allait à un rendez- vous pour avoir des renseignements sur la possibilité de franchir les murailles des barrières, qui, comme vous le savez, sont investies de sentinelles à cinquante pas de distance. Des brigands s'y sont présentés et ont été pris ou fusillés. Nous gardons le blocus encore quelques jours pour quatre ou cinq brigands d'une certaine importance.

Cette nouvelle est déjà sue dans Paris et fait sur le peuple un plaisir touchant. Faites-la passer à Marmont et Monnet.


La Malmaison, 9 mars 1804

Au contre-amiral Ver Huell

Monsieur le Contre-Amiral Ver Huell, j'ai reçu votre lettre du 15 ventôse. J'ai appris avec plaisir votre arrivée à Ostende; je vous fais mon compliment sur la manœuvre hardie qui vous y a conduit. Je n'approuve point qu'on fasse passer les bateaux canonniers par  les canaux où passent les transports. Il faut que les bâtiments de guerre s'accoutument à la mer. Je désire donc qu'ils passent tous, dans des temps favorables et de la manière dont vous le déciderez, par mer.

Faites vérifier si, sur le rivage d'Ostende à Cadzand, il y a des batteries mobiles, afin que, s'il arrivait que des bâtiments échouassent sur la côte, ils fussent protégés, et que, dans aucun cas, l'armement et les hommes ne soient perdus.

J'apprends avec plaisir qu'on vous a fourni les matelots nécessaires; armez promptement votre seconde partie, car partout tout se prépare.


Paris, 10 mars 1804

Au général Berthier

Vous voudrez bien, Citoyen Ministre, donner ordre au général Ordener, que je mets à votre disposition, de se rendre dans la nuit, en poste, à Strasbourg. Il voyagera sous un autre nom que le sien; il verra le général de la division.

Le but de sa mission est de se porter sur Ettenheim, de cerner la ville, d'y enlever le duc d'Enghien, Dumouriez, un colonel anglais et tout autre individu qui serait à leur suite. Le général de la division, le maréchal des logis de gendarmerie qui a été reconnaître Ettenheim, ainsi que le commissaire de police, lui donneront tous les renseignements nécessaires.

Vous ordonnerez au général Ordener de faire partir de Schelestadt 300 hommes du 26e de dragons, qui se rendront à Rheinau, où ils arriveront à huit heures du soir.

Le commandant de la division enverra quinze pontonniers à Rheinau, qui y arriveront également à huit heures du soir, et qui, à cet effet, partiront en poste ou sur les chevaux de l'artillerie légère. Indépendamment du bac, il se sera assuré qu'il y ait là quatre ou cinq grands bateaux, de manière à pouvoir passer d'un seul voyage les 300 chevaux.

Les troupes prendront du pain pour quatre jours, et se muniront de cartouches. Le général de la division y joindra un officier de gendarmerie et une trentaine de gendarmes.

Dès que le général Ordener aura passé le Rhin, il se dirigera droit sur Ettenheim, marchera droit à la maison du duc et à celle de Dumouriez. Après cette expédition terminée, il fera son retour sur Strasbourg.

En passant à Lunéville, le général Ordener donnera ordre que l'officier de carabiniers qui a commandé le dépôt à Ettenheim se rende à Strasbourg en poste pour y attendre ses ordres.

Le général Ordener, arrivé à Strasbourg, fera partir bien secrètement deux agents, soit civils, soit militaires, et s'entendra avec eux pour qu'ils viennent à sa rencontre.

Vous donnerez ordre que le même jour et à la même heure, 200 hommes du 26e de dragons, sous les ordres du général Caulaincourt, auquel vous donnerez des ordres en conséquence, se rendent à Offenborg, pour y cerner la ville et arrêter la baronne de Reich, si elle n'a pas été prise à Strasbourg, et autres agents du Gouvernement anglais dont le préfet et le citoyen Méhée, actuellement à Strasbourg, lui donneront les renseignements.

D'Offenburg, le général Caulaincourt dirigera des patrouilles sur Ettenheim, jusqu'à ce qu'il ait appris que le général Ordener a réussi. Ils se prêteront des secours mutuels.

Dans le même temps, le général de la division fera passer 300 hommes de cavalerie à Kehl, avec quatre pièces d'artillerie légère, et enverra un poste de cavalerie légère à Willstett, point intermédiaire entre les deux routes.

Les deux généraux auront soin que la plus grande discipline règne; que les troupes n'exigent rien des habitants. Vous leur donnerez, à cet effet, 19,000 francs à chacun.

S'il arrivait qu'ils ne puissent pas remplir leur mission, et qu'ils eussent l'espoir, en séjournant trois ou quatre jours et en faisant faire des patrouilles, de réussir, ils sont autorisés à le faire.

Ils feront connaître aux baillis des deux villes que, s'ils continuent à donner asile aux ennemis de la France, ils s'attireront de grands malheurs.

Vous ordonnerez que le commandant de Neuf-Brisach fasse passer 100 hommes sur la rive droite, avec deux pièces de canon.

Les postes de Kehl, ainsi que ceux de la rive droite, seront évacués dès l'instant que les deux détachements auront fait leur retour.

Le général Caulaincourt aura avec lui une trentaine de gendarmes. Du reste, le général Caulaincourt, le général Ordener et le général de la division tiendront un conseil et feront les changements qu'ils croiront convenables aux présentes dispositions.

S'il arrivait qu'il n'y eût plus à Ettenheim ni Dumouriez ni le duc d'Enghien, on rendrait compte, par un courrier extraordinaire, de l'état des choses, et on attendrait de nouveaux ordres.

Vous ordonnerez de faire arrêter le maître de poste de Kehl, et autres individus qui pourraient donner des renseignements.


Paris, 10 mars 1804

Au général Ney, commandant le camp de Montreuil

Citoyen Général Ney, je reçois votre lettre du 18 ventôse.

J'ai appris avec plaisir votre arrivée, et j'ai lu avec intérêt votre ordre du jour. 

Convenez avec le général Soult du point de séparation de la côte, entre Étaples et Boulogne, qui sera du ressort de chaque armée, afin que, s'il arrive des accidents et des bateaux échoués qui ne seraient point protégés par des batteries mobiles, on sache l'officier qui en est responsable. Établissez le service comme vous l'entendrez pour que, depuis Saint-Valery-sur-Somme, la côte soit surveillée par des piquets de cavalerie et d'artillerie légère.

Exigez que les généraux de brigade ou les officiers que vous chargez de cette inspection soient continuellement à cheval, et que tout bâtiment qui échouerait sur la côte soit, à l'heure même, protégé, et soustrait aux croisières ennemies.

Faites-moi faire un profil du fond d'Étaples, de la baie, depuis le point vis-à-vis la ferme Guilbert jusqu'à l'extrémité du banc aux Chiens, et faites-y coter les vives, moyennes et mortes eaux, à toutes les cent toises.

Faites exercer à la nage, sur des péniches et même sur des bateaux canonniers, votre division. Votre division de trente-six bateaux canonniers sera bientôt complète. Vous avez dans la baie un bel espace. Faites-moi connaître combien un bateau canonnier et une péniche peuvent parcourir d'espace dans une demi-heure, à la rame, sans voile et au moment du flot. 

Je n'ai pas besoin de vous dire de faire manœuvrer beaucoup vos troupes. La dernière fois que je les ai vues, il m'a paru quelles en avaient besoin. J'avais fait des instructions pour former des carrés dans toute espèce de direction.

J'avais ordonné une route d'Étaples à Boulogne par Neufchâtel; faites-moi connaître si elle est finie, afin que l'armée puisse, par cette route, se porter rapidement sur Boulogne.

Par le plan que vous m'avez envoyé, je vois  que les sondes sont marquées dans le mouillage d'appareillage, pour le banc aux Chiens, à 3 et 4. Je ne puis croire que ce soient des pieds; ce serait trop peu de chose; si c'étaient des mètres, ce serait plus que je ne croyais. L'officier du génie a oublié de marquer si ces cotes sont en pieds ou en mètres.

Il est difficile, jusqu'à ce que les ports d'Ambleteuse, Wimereux et Boulogne soient entièrement achevés, de déterminer la partie de votre corps d'armée qui s'embarquera à Étaples et celle qui s'embarquera à Boulogne.

Je crois donc, dans cette incertitude, qu'il ne faudrait faire aucun changement de campements parce que cela vous coûterait du bois et des transports; et, lorsque les bateaux seront arrivés et que l'expédition approchera, nous pourrons, avec des tentes, les faire placer où nous voudrons.

Le grand embarras est l'embarquement des chevaux, puisqu'il nous en faut près de 8,000. L'artillerie a fait des chariots extrêmement légers, qui équivalent aux chevaux que vous voulez attacher à vos bataillons; cependant il est vrai de dire que des mulets portant quelques caisses de cartouches ont souvent de grands avantages. Vous avez parfaitement senti cela en voulant employer des hussards et des chasseurs; et, dans ce cas, je préférerais des paniers, de simples sacs goudronnés, dans lesquels on jetterait des cartouches.

Vous devez avoir de mauvais fusils. On a toujours tardé dans l'idée que la mauvaise saison et le temps ne peuvent que les dégrader; mais quinze jours avant l'embarquement, nous ferons distribuer des fusils à tout le monde.

J'ai ordonné la rentrée du 27e de ligne à votre camp. Du moment que les travaux de Boulogne seront plus avancés, et qu'une seconde division de bateaux sera arrivée à Étaples, je ferai rentrer vos détachements.

La police a saisi hier Georges. Ce brigand était dans un cabriolet. Il a tué un inspecteur de police et a grièvement blessé l'autre. Le peuple s'est porté en foule et l'a arrêté lorsqu'il s'échappait.

Dans tout ce que vous avez à faire relativement à la flottille, ménagez l'amour-propre de la marine; vous voyez dans ce moment combien nous avons besoin d'eux.


La Malmaison, 11 mars 1804

Au citoyen réal, chargé du 1er arrondissement de la police générale

Citoyen Réal, Conseiller d'État, je vous prie d'envoyer la dernière lettre écrite par Drake, au citoyen Maret, afin qu'il la fasse imprimer à la suite du recueil des pièces relatives à cette affaire. Il est  nécessaire d'y joindre deux notes : l'une qui fasse connaître que l'aide de camp du général supposé n'est autre chose qu'un officier envoyé par le préfet de Strasbourg; l'autre, pour faire connaître que l'histoire de l'huissier est une pure invention de l'agent; qu'il n'y a pas un huissier ni employé près du Gouvernement dont les sentiments d'honneur ne les mettent au-dessus de l'or corrupteur de
l'Angleterre.


Paris, 12 mars 1804

Au citoyen Réal

Le premier Consul fait prévenir le citoyen Réal qu'il va passer quelques jours à la Malmaison; il y sera ce soir.


La Malmaison, 12 mars 1804

Au citoyen Réal

Le Premier Consul me charge de vous prévenir, Citoyen Conseiller d'État, qu'il vous attend ce soir à la Malmaison, de neuf à dix heures. Une chaise vous attendra au pont de Neuilly, pour que vous puissiez y arriver avec plus de facilité.


Paris, 12 mars 1804

ORDRE
LE MINISTRE DE LA GUERRE AU CITOYEN CAULAINCOURT

Le Premier Consul ordonne au citoyen Caulaincourt, son aide de camp, de se rendre en poste à Strasbourg.

Il y accélérera la construction et la mise à l'eau des bâtiments légers qu'on y construit pour la marine.

Il prendra des renseignements près du préfet et du citoyen Méhée, pour faire arrêter les agents du Gouvernement anglais qui sont à Wissembourg et à Offenburg, notamment la baronne de Reich, si elle n'est pas déjà arrêtée.

Le chef de bataillon Rosey, envoyé près des ministres anglais et qui a toute leur confiance, lui donnera tous les renseignements nécessaires sur les complots formés contre la tranquillité de l'État et la sûreté du Premier Consul.

Le citoyen Caulaincourt fera connaître aux baillis des villes de la rive droite qu'ils peuvent s'attirer de grands malheurs en donnant asile aux personnes qui cherchent à troubler la tranquillité en France; et il se concertera avec le général commandant la 5e division militaire pour employer, au besoin, une force suffisante pour l'exécution
du présent ordre.

Il rendra un compte particulier au Premier Consul du résultat de la mission du chef de bataillon Rosey.


La Malmaison, 19 mars 1804

Au général Soult

Citoyen Général Soult, le 72e ne me paraît pas encore assez fort pour avoir un second bataillon au camp. Je vois que son premier bataillon n'est en réalité que de 750 hommes. Il faudra qu'il le complète, car je tiens spécialement à ce que les bataillons, à l'embarquement, soient plutôt à 800 hommes qu'à moins. Il ne faut point perdre de vue que j'ai aussi besoin de troupes en France, et qu'il m'est facile d'en former promptement, lorsque je laisse beaucoup de cadres d'officiers et sous-officiers. Si les préparatifs m'obligent à retarder encore l'expédition, et que les circonstances me permettent de les porter à 900 hommes, je le préférerais, en diminuant même quelques cadres de l'armée.

Je donne ordre à la 1e légère italienne de se rendre à Calais. Elle y sera casernée. Je vous recommande de porter une attention particulière à son instruction et de l'exercer à toute espèce de service.

Je ne me souviens plus de l'ordre que j'ai donné pour la formation des détachements de la 1e division de dragons à Saint-Valery. Faites-moi connaître de combien d'hommes ils sont, par régiment. Il faut les laisser embarquer pour garnisons.

J'approuve ce que vous avez fait relativement à la commission militaire.

Je ne suis pas assez gardé à mon quartier général. Il me faudrait des casernes ou baraques de quoi contenir trois compagnies de grenadiers. Faites choisir à cet effet une maison dans le village pour cet objet, assez à portée du village et sans cependant être trop près. S'il n'y en a pas, faites faire trois baraques en planches contenant chacune trois compagnies de grenadiers, établies sur le derrière de la maison, à peu près à cent cinquante pas. Voyez si dans le village on peut se procurer de quoi loger 50 hommes de cavalerie, outre le piquet que j'ai coutume d'y tenir.

Nul doute que vous n'ayez une bande d'assassins organisée à Boulogne. Soyez donc inflexible et faites-les saisir et fusiller. Vous avez des gendarmes d'élite. Ils doivent se déguiser en bourgeois et courir la ville. Quand j'y serai, je ferai venir des agents de Paris; à présent j'en ai besoin partout. Ces misérables Anglais nous portent la corruption sur toute la côte.

Depuis l'arrestation de Georges, nous avons arrêté des brigands subalternes; mais nous avons encore quelques brigands à arrêter : Villeneuve, Saint-Vincent et Barco. Paris est toujours cerné, et le sera jusqu'à ce que ces brigands soient arrêtés. Je vous dirai, pour vous seul, que j'ai espoir de prendre Dumouriez. Ce misérable est près de nos frontières.


La Malmaison, 12 mars 1804

Au général Davout

Citoyen Général Davout, il y a à Anvers, à Gand et à Ostende, des prames en armement. Faites-m'en connaître les noms et le nombre. J'ai donné des ordres pour leur faire fournir des garnisons de cavalerie. Désignez les détachements que vous pourrez fournir pour les garnisons de ces prames. Puisque l'on doit y embarquer des chevaux, c'est la cavalerie qui doit en fournir les garnisons. Si la nécessité des préparatifs retarde encore quelque temps l'expédition, je ne mets pas en doute que vous aurez des combats à Ostende. Quelques-unes de ces prames vous serviront beaucoup pour appuyer votre ligne d'embossage. J'ai ordonné que, si l'on n'a pas de suite des pièces de 24 pour armer les deux prames de Flessingue, on y pourvoie de celles de la frégate. Faites-moi connaître comment vous en ferez fournir aux autres. Il ne faut pas dégarnir la côte, surtout la rade d'Ostende, car il faut beaucoup de pièces de canon pour protéger l'embossage de votre ligne.

Depuis l'arrestation de Georges, nous avons arrêté quelques brigands subalternes. Nous avons encore à prendre Villeneuve, Saint-Vincent et Barco, ce qui nous oblige à maintenir encore le blocus de Paris. Écrivez au général Monnet que, s'il arrive des individus de Londres, il prenne des renseignements sur Dumouriez. On le dit sur les frontières; si ce qu'on m'assure est vrai, il sera possible de l'avoir sous peu de jours dans nos mains. Vous devez avoir autour de vous beaucoup d'espions; ne les épargnez pas.

Je désirerais que vos bataillons pussent être portés à 800 hommes; les dépôts des corps ont dû recevoir des conscrits. Dès qu ils auront des vestes et des culottes, et qu'ils marcheront au pas, on pourrait en faire venir aux corps, en nombre suffisant pour les compléter. Quoique je vous demande des nouvelles de la mer, il faut néanmoins vous concerter avec les officiers de marine; nous en avons besoin, il faut qu'ils soient contents.

Le Corps législatif se terminera le 30 ou dans les premiers jours de germinal. Je compte qu'à cette époque les affaires de la conspiration seront finies. J'aurai bien du plaisir à vous voir. Je désire fort passer la revue des neuf bataillons de corvettes de pêche qui sont en rade de Dunkerque, et des vingt bataillons de la flottille batave qui sont à Ostende. Je désire aussi que, pour lors, les écuries et les bateaux de transport destinés pour Boulogne et Calais soient partis.


La Malmaison, 12 mars 1804

Au général Marmont, commandant le camp d'Utrecht

Citoyen Général Marmont, j'ai reçu avec plaisir votre lettre du 16, par laquelle vous m'annoncez que, dans le courant de germinal, vous pourrez être prêt. Envoyez-moi l'état de situation de votre armée et celui au juste de chaque corps; envoyez-le-moi sous le format d'un petit livret in-12. Faites-moi connaître le nombre de conscrits que vous avez déjà reçus et la situation de vos hôpitaux.

Trois chaloupes canonnières de Liège doivent avoir descendu la Meuse; faites reconnaître où elles sont.

Ayez l'œil sur tout ce qui se fait en Hollande. Si vous trouvez des espions, faites-les traduire devant une commission militaire , et faites-les fusiller; vous devez en avoir, ces misérables Anglais nous en inondent.

Familiarisez-vous avec les détails des grandes manœuvres d'infanterie. La saison va bientôt commencer de faire exercer vos troupes; et vous en sentez toute l'importance, surtout dans la guerre, où les premiers moments seront les plus chauds et décisifs. Il faut donner le ton aux officiers pour que tous s'en occupent.

Nous avons arrêté quelques brigands subalternes depuis l'arrestation de Georges. Nous avons encore trois chefs, Villeneuve, Saint-Vincent, Burban dit Barco. Paris est toujours cerné jusqu'à ce que ces misérables soient arrêtés. Je vous prie de recueillir et d'aller aux enquêtes, dans le pays où vous êtes, pour savoir ce qu'on dit de Dumouriez; on dit qu'il est sur le continent.

Voyez beaucoup le soldat, et voyez-le en détail. La première fois que vous arriverez au camp, bordez la haie par bataillon, et voyez huit heures de suite les soldats un à un ; recevez leurs plaintes, inspectez leurs armes, et assurez-vous qu'il ne leur manque rien. Il y a beaucoup d'avantages à faire ces revues de sept à huit heures ; cela accoutume le soldat à rester sous les armes, lui prouve que le chef ne se livre point à la dissipation et s'occupe entièrement de lui; ce qui est pour le soldat un grand motif de confiance. Laissez-les donc dans la croyance qu'avant l'embarquement je me rendrai au camp, et que je viendrai les voir manœuvrer et leur donner des drapeaux.


Paris, 13 mars 1804

ARRÊTÉ
ORGANISATION DES COMPAGNIES DE VOLTIGEURS

TITRE 1er. 

ARTICLE 1er. - Il y aura, dans chaque bataillon des régiments d'infanterie légère, une compagnie qui portera la dénomination de Compagnie de voltigeurs.
ART. 2. - Cette compagnie sera composée d'hommes bien constitués, vigoureux et lestes, mais de la plus petite taille. Les sous-officiers et soldats qui y seront admis ne pourront avoir plus de 1 mètre 598 millimètres (4 pieds 11 pouces), les officiers plus de 1 mètre 625 millimètres (5 pieds).
ART. 3. - Cette compagnie sera constamment entretenue au pied de guerre et composée ainsi qu'il suit : 1 capitaine, 1 lieutenant, 1 sous-lieutenant, 1 sergent-major, 4 sergents, 1 fourrier, 8 caporaux , 104 voltigeurs, 2 instruments militaires; total, 123.
Au lieu de tambours, cette compagnie aura pour instruments militaires des petits-cors de chasse appelés cornets.
ART. 4. - Les officiers de ces compagnies seront pris sur la totalité du régiment, dans leur grade respectif  sur la présentation de trois sujets faite au ministre de la guerre par le colonel. Ces officiers seront remplacés dans leurs compagnies primitives. Ainsi le nombre des officiers sera augmenté, par bataillonn, d'un capitaine, d'un lieutenant et d'un sous-lieutenant.
ART. 5. - Le nombre des sous-officiers de chaque bataillon sera augmenté de même d'un sergent-major, de quatre sergents, d'un fourrier et de huit caporaux; mais la force du bataillon, aux trois officiers près, restera telle qu'elle est fixée par l'arrêté d'organisation pour l'an XII. A cet effet, la force de chaque compagnie d'infanterie légère, celle des carabiniers exceptée, sera diminuée de quinze hommes.

TITRE II
ARMEMENT, HABILLEMENT ET INSTRUCTION DES VOLTIGEURS

ART. 6. - Les voltigeurs seront armés d'un sabre d'infanterie et d'un fusil très-léger, modèle de dragon.
Les officiers et sous-officiers auront, au lieu de fusil, une carabine rayée.
ART. 7. - Les voltigeurs seront vêtus comme l'infanterie légère; ils porteront les marques distinctives de leurs corps, respectifs; un collet de drap chamois.
ART. 8. - Les voltigeurs étant spécialement destinés à être transportés rapidement par les troupes à cheval dans les lieux où leur présence sera nécessaire, ils seront exercés à monter lestement et d'un saut en croupe d'un homme à cheval, et à en descendre avec légèreté; à se former rapidement, et suivre à pied un cavalier marchant au trot.
Les voltigeurs seront aussi particulièrement exercés à tirer avec promptitude et beaucoup de justesse.

TITRE III
PREMIÈRE FORMATION DES COMPAGNIES DE VOLTIGEURS

ART. 9- - Les officiers et sous-officiers des compagnies de voltigeurs seront nommés de suite; les officiers, ainsi qu'il a été dit article 4. Le Premier Consul nommera leurs remplaçants, et les prendra soit dans le corps, soit au dehors.
Les sous-officiers seront nommés par le colonel sur la présentation, qui lui sera faite par le capitaine des voltigeurs, de trois sujets pour chaque place, mais toujours avec les conditions relatives à la taille.
ART. 10. - Il sera choisi, par chaque capitaine de voltigeurs, quarante-huit soldats sur la totalité du bataillon , à raison de six par compagnie; ils ne pourront être pris que parmi les douze hommes les plus petits de chaque compagnie; ils formeront le noyau et la tête des compagnies.
ART. 11. - Les compagnies de voltigeurs seront complétées de suite avec des conscrits des années XI et XII , pris parmi ceux qui ont été exemptés de marcher par défaut de taille, mais dont la constitution sera forte et robuste. Le contingent de chaque département sera déterminé d'après les bases fixées par l'arrêté du 29 fructidor an XI.
ART. 12. - En l'an XIII et suivants, il sera désigné à chaque département un contingent particulier pour les compagnies de voltigeurs. Ce contingent sera pris parmi les individus de la classe qui auront moins de 1 mètre 598 millimètres. Ceux qui seront désignés seront remboursés des sommes qu'ils ont été tenus de payer en exécution de l'arrêté du 29 fructidor an XI.

TITRE IV
SOLDE DES COMPAGNIES DE VOLTIGEURS

ART. 13. - La solde des compagnies de voltigeurs sera la même que celle des compagnies de carabiniers.
ART. 14. - Le ministre de la guerre est chargé de l'exécution du présent arrêté.


La Malmaison, 13 mars 1804

A S. S. Le Pape

Très-saint Père, le sénateur Lucien Bonaparte, mon frère, désire séjourner à Rome pour se livrer à l'étude des antiques et de l'histoire. Je prie Votre Sainteté de l'accueillir avec cette bonté qui lui est toute particulière, et de croire au désir que j'ai de lui être agréable.


La Malmaison, 14 mars 1804

Au général Brune

Citoyen Général Brune, Ambassadeur à Constantinople, Jaubert est porteur d'une lettre pour l'empereur. Elle est en français et en turc; ainsi l'empereur la pourra lire sans la montrer à personne. Jaubert vous montrera la copie. Procurez-lui les moyens de la remettre lui-même, ou, dans tous les cas, faites comme vous jugerez à propos, pourvu que l'empereur sache que cette lettre est de moi et qu'elle n'est que pour lui. Il y a plusieurs jours que j'ai fait venir l'ambassadeur aux Tuileries; j'ai causé avec lui dans le sens de ma lettre. Il y a huit jours qu'il a dû expédier son courrier pour en rendre compte. Faites savoir à l'empereur que, quand il fera sa réponse, il vous la fasse passer directement. Vous pourrez éviter la curiosité publique en disant que c'est une petite lettre relative aux affaires de la conspiration. Vous aurez vu les détails relatifs à cette dernière affaire, et le rapport du grand juge. Quand vous lirez ceci, le tribunal criminel de la Seine aura prononcé.

J'ai reçu votre lettre et je l'ai lue avec grand intérêt. Ajoutez foi à ce que j'ai écrit à l'empereur. Je désire soutenir l'empire; je désire qu'il puisse reprendre un peu d'énergie; et profitez de ma lettre pour, toutes les fois qu'il sera nécessaire, communiquer avec l'empereur; il pourra vous désigner un homme de sa confiance particulière.

Dans la position actuelle de l'Europe, ma direction est toute sur l'Angleterre. J'ai à Boulogne 1,000 canonnières et bateaux qui porteront 100,000 hommes et 10,000 chevaux.

Nous avons des nouvelles des Indes; notre escadre y est arrivée heureusement et s'est réunie à l'escadre hollandaise. Elles font le plus grand mal à l'Angleterre. Ceylan est en pleine révolte, le roi fou, et l'Angleterre très-agitée.

La mission que vous avez est très-importante; soit que je marche sur Londres, soit que je fasse la paix, elle aura encore une plus grande importance.

Éclairez-nous le plus possible sur les affaires de la Perse.

Croyez à l'estime que je vous porte et au désir que j'ai de vous en donner des preuves dans toutes les circonstances.


La Malmaison, 15 mars 1804

Au citoyen Réal, chargé du 1er arrondissement de la police générale

Citoyen Réal, Conseiller d'État, je reçois un courrier de Strasbourg. C'est dans la nuit du 23 au 24 que l'expédition a dû se faire, Il paraît certain que Dumouriez était à Ettenheim depuis un mois,

Vous trouverez ci-joint le rapport fait par l'envoyé de Méhée à Drake, une lettre de change, une lettre en encre sympathique écrite par Drake au général républicain, une note des individus arrêtés à Strasbourg, parmi lesquels le célèbre Demougé, qu'on a fait partir pour Paris, et la baronne de Reich, qui paraît avoir été arrêtée à Offenburg ; un paquet intitulé Carte pour servir à avoir de l'or.

Expédiez sur-le-champ un courrier à Strasbourg, pour que les individus portés dans la note comme dangereux, et qui ne sont point arrêtés, le soient sur-le-champ. Ordonnez l'arrestation du curé de Saint-Laurent, chez lequel demeurait la baronne de Reich. Il est impossible qu'il ne soit pas coupable , puisqu'il donnait asile à cette misérable. Du reste, pour cette dernière arrestation, ordonnez à l'officier de gendarmerie de prendre des renseignements locaux du préfet.

Écrivez au général Caulaincourt que j'ai reçu sa lettre ; que, si l'on capturait soit le duc d'Enghien, soit Dumouriez, il les expédie, dans deux voitures différentes, sous bonne et sûre garder et les dirige sur Paris.

Faites appeler, dans la journée de demain, le commandant de Vincennes ; demandez-lui des renseignements sur les individus qui demeurent à Vincennes, sur la situation de ce château et sur l'endroit où l'on pourrait mettre des prisonniers.

Méhée est parti depuis deux jours de Strasbourg; il a passé par Bade et Fribourg. Faites-moi connaître s'il est à Paris à l'heure qu'il est.

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Il est nécessaire de garder quelque secret sur tout ceci


La Malmaison, 15 mars 1804

DÉCISION

Rapport du général Moncey sur l'arrestation du citoyen Leroux, chirurgien à Boulogne, et de l'émigré d'Avaugour, qui a une ressemblance parfaite avec le brigand Guillemot.

Savoir si cet émigré a une surveillance du grand juge, qui peut seul l'autoriser à rester. Un passeport d'un agent de la République ne peut pas l'autoriser à revenir.


16 - 31 mars 1804