16 - 31 Octobre - 1805


(sans date)

DÉCISIONS

Le maréchal Berthier propose :  
1° D'interdire jusqu'à la paix l'importation des pierres à feu; Refusé par l'Empereur
2° De décider que le maréchal Bessières touchera, comme les autres maréchaux, le traitement de 40,000 francs, et que l'état-major général de la garde touchera, comme les autres états-majors de l'armée, la somme de 6,000 francs par mois pour dépenses de bureau. Approuvé par l'Empereur.

(Picard)


Abbaye d'Elchingen, 17 octobre 1805

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, mon plan s'est exécuté tel que je l'avais conçu. J'ai trompé parfaitement l'ennemi, et de cette armée de 100,000 hommes plus de la moitié est prise, tuée, blessée ou désertée. Le découragement de l'ennemi est extrême, et encore n'est-il pas sûr qu'il se sauve. Le maréchal Soult occupe Biberach, et le prince Ferdinand, avec ses régiments, a fait sa retraite sur ce point. Les combats de Wertingen, Günzburg, d'Albeck et les journées d'Ulm et de Memmingen n'ont point été meurtriers; j'ai pris l'ennemi en détail; ses dispositions ont été constamment fausses, et jamais il n'a deviné mes projets. Je marcherai dans peu de jours à l'armée russe. Le prince de Liechtenstein capitule pour la place d'Ulm. J'ai fait occuper toutes les hauteurs; la ville est cernée; je prendrai là 15,000 hommes. Demain je vous écrirai pour savoir si vous pouvez venir à Augsbourg. Vous savez que nous sommes à Munich; mais l'ennemi a, dans son désespoir, détaché plusieurs partis sur toutes les routes; i1 faut être sûr avant tout qu'elles sont nettoyées.


Abbaye d'Elchingen, 17 octobre 1805, 2 heures après midi

Au prince Murat

Je reçois votre lettre du 25 vendémiaire de Hausen. Je vous félicite des succès que vous avez obtenus. Mais point de repos; suivez l'ennemi l'épée dans les reins, et coupez-lui toutes les communications.

Le 22e de chasseurs doit être arrivé aujourd'hui à Noerdlingen; Rivaud doit être arrivé à Donauwoerth. La division batave, qui est à Augsbourg, arrivera ce soir à Donauwoerth. Ramassez tout  cela et suivez l'ennemi partout où il se serait porté.

Il y a dans Ulm 90,000 hommes qui capitulent; ils seront prisonniers de guerre. J'ai une grande impatience d'avoir de vos nouvelles, de savoir positivement où en est la tête de la colonne ennemie, si elle m'a intercepté quelque chose à Noerdlingen. Toutes ces nouvelles me sont de la plus grande importance, et j'envoie exprès le général Mouton pour savoir, avant minuit, à quoi m'en tenir, parce que cela doit régler mes mouvements. Faites-vous joindre par les 22e et 61e de chasseurs; ce dernier doit se trouver aujourd'hui sur la route de Heilbronn à Ellwangen. Votre mission est de nettoyer de partis ennemis toutes les communications. De Noerdlingen, si les mouvements de l'ennemi vous obligent à vous porter par là, ou d'Ellwangen, expédiez un courrier à Strasbourg pour instruire de nos brillants succès et de notre position. Il me semble que vous auriez dû coucher au lieu où est le 9e léger, afin de pouvoir, à la pointe du jour, marcher à la suite de l'ennemi et le gagner de vitesse._


Abbaye d'Elchingen, 17 octobre 1805, 4 heures après midi.

Au prince Murat

Tous les hommes qui se sont distingués seront récompensés. Je reçois votre lettre de la route de Heidenheim. J'attends avec impatience de vos nouvelles de Heidenheim, pour savoir la position qu'a prise l'ennemi. Je suis impatient d'apprendre que mes communications sont libres et rétablies, et que mon parc, mes dépôts de cavalerie, le trésor que j'ai à Heilbronn et mes courriers sont en toute sûreté: Marchez donc de l'avant.


Abbaye d'Elchingen, 18 octobre 1805, 2 heures après midi

Au prince Murat

Je viens de recevoir la nouvelle de votre marche. La division Oudinot est partie avant le jour et sera, avant ce soir, à Heidenheim, ainsi que le reste de la division Nansouty.

Le maréchal Lannes commandera l'une et l'autre; faites-lui passer des ordres. Il a avec lui quatre régiments de cavalerie; ainsi il a 3,000 chevaux. La division Beaumont est en marche; vous avez donc la cavalerie nécessaire pour faire beaucoup de mal à l'ennemi.

La division Bourcier est sur Geistingen, Goeppingen et Stuttgart, afin de couper les communications. J'attendrai encore ici, toute la journée de demain, de vos nouvelles. Poursuivez sans relâche l'ennemi, prenez ses 500 chariots, et que mes communications se trouvent entièrement rétablies.

Ulm est rendu ; 4,000 hommes en occupent la moitié; les troupes sont prisonnières de guerre, les officiers iront chez eux sur parole jusqu'à l'échange. Je me trouve prendre là 16,000 hommes et une grande quantité d'artillerie.


Camp impérial d'Elchingen, 18 octobre 1805

MESSAGE AU SÉNAT.

Sénateurs, je vous envoie quarante drapeaux conquis par mon armée dans les différents combats qui ont eu lieu depuis celui de  Mertingen. C'est un hommage que moi et mon armée faisons aux sages de l'Empire; c'est un présent que des enfants font à leurs pères. Sénateurs, voyez-y une preuve de ma satisfaction pour la manière dont vous m'avez constamment secondé dans les affaires les plus importantes de l'Empire. Et vous, Français, faites marcher vos frères; faites qu'ils accourent combattre à nos côtés, afin que, sans effusion de sang, sans efforts, nous puissions repousser loin de nous les armées que forme l'or de l'Angleterre et confondre les auxiliaires des oppresseurs des mers. Sénateurs, il n'y a pas encore un mois que je vous ai dit que votre Empereur et son armée feraient leur devoir; il me tarde de pouvoir dire que mon peuple a fait le sien. Depuis mon entrée en campagne, j'ai dispersé une armée de 100,000 hommes; j'en ai fait près de la moitié prisonnière; le reste est tué, blessé, ou déserté, et réduit à la plus grande consternation. Ces succès éclatants, je les dois à l'amour de mes soldats, à leur constance à supporter la fatigue. Je n'ai pas perdu 1,500 hommes, tués ou blessés. Sénateurs, le premier objet de la guerre est déjà rempli : l'Électeur de Bavière est rétabli sur son trône. Les injustes agresseurs ont été frappés comme de la foudre, et, avec l'aide de Dieu, j'espère, dans un court espace de temps, triompher de mes autres ennemis.


Camp impérial d'Elchingen, 18 octobre 1805

AUX ARCHEVÊQUES ET ÉVÊQUES

Monsieur l'Évèque du diocèse de . . . . . .les victoires éclatantes que viennent d'obtenir mes armes contre la ligue injuste qu'ont fomentée la haine et l'or de l'Angleterre veulent que moi et mon peuple adressions des remerciements au Dieu des armées et l'implorions afin qu'il soit constamment avec nous. Nous avons déjà reconquis les États de notre allié, et l'avons rétabli dans sa capitale. Veuillez donc, au reçu de la présente, faire chanter dans les églises de notre empire un Te Deum en action de grâces, notre intention étant que les différentes autorités y assistent.


Abbaye d'Elchingen, 18 octobre 1805

A l'électeur de Wurtemberg

Mon Frère, sachant que je devais me rapprocher de vos États, j'ai voulu tarder à vous écrire jusqu'à ce que je vous eusse défait de toute appréhension. L'armée autrichienne n'existe plus; plus de 50,000 hommes ont été faits prisonniers. Je ne pense pas que, de cette armée de 100,000 hommes, le cinquième puisse retourner en Autriche. Grâce aux mauvaises dispositions qui ont présidé aux conseils de nos ennemis, je n'ai perdu que 1,500 hommes. Je vais donc demain m'éloigner de vos États pour me porter sur l'Inn. Je désire que le corps de Wurtembergeois se réunissent à Geistingen pour me joindre à Munich. Je désire que vous m'envoyiez le prince Paul; vous n'aurez point à vous repentir de l'avoir confié à mes soins; il peut être appelé à gouverner. L'armée de Wurtemberg est trop peu considérable pour y apprendre le métier de la guerre; il vaut mieux qu'il serve sous mes ordres dans l'armée française. Je regarderai d'ailleurs comme une preuve de son amitié et de sa confiance en moi qu'il se rende à cette invitation. Je n'ai point de nouvelles de M. Didelot; on me dit qu'il a rencontré le corps du prince Ferdinand opérant sa retraite, et qu'il a été fait prisonnier; j'espère qu'il aura bientôt été remis en liberté. Je serais fâché qu'on eût fouillé ses malles et qu'on y eût pris le traité dont je venais de signer la ratification à Augsbourg. Au reste, ce serait un petit mal : le temps approche où il faut parler à haute voix. Il me reste à vous faire agréer, Mon Frère, tous mes remerciements du bon accueil que vous m'avez fait, à me rappeler au souvenir de l'Électrice, et me mettre aux pieds de la princesse Paul.


Elchingen, 18 octobre 1805

6e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE.
                       
La journée d'Ulm a été une des plus belles journées de l'histoire de France. La capitulation de la place est ci-jointe, ainsi que l'état des régiments qui y sont enfermés. L'Empereur eût pu l'enlever d'assaut; mais 20,000 hommes, défendus par des ouvrages et par des fossés pleins d'eau, eussent opposé de la résistance, et le  vif désir de Sa Majesté était d'épargner le sang. Le général Mack, général en chef de l'armée, était dans la ville : c'est la destinée des généraux opposés à l'Empereur d'être pris dans des places. On se souvient qu'après les belles manœuvres de la Brenta, le vieux feld-maréchal Wurmser fut fait prisonnier dans Mantoue; Melas le fut dans Alexandrie; Mack l'est dans Ulm.

L'armée autrichienne était une des plus belles qu'ait eues l'Autriche : elle se composait de 14 régiments d'infanterie formant l'armée dite de Bavière, de 13 régiments de l'armée du Tyrol et de 5 régiments venus en poste d'Italie, faisant 32 régiments d'infanterie, et de 15 régiments de cavalerie.

L'Empereur avait placé l'armée du prince Ferdinand dans la même situation où il plaça celle de Melas. Après avoir hésité longtemps, Melas prit la noble résolution de passer sur le corps de l'armée française; ce qui donna lieu à la bataille de Marengo. Mack a pris un autre parti : Ulm est l'aboutissant d'un grand nombre de routes; il a conçu le projet de faire échapper ses divisions par chacune de ces routes, et de les réunir en Tyrol et en Bohême. Les divisions Hohenzollern et Werneck ont débouché par Heidenheim. Une petite division a débouché par Memmingen. Mais l'Empereur, dès le 20 (12 octobre) accourut d'Augsbourg devant Ulm, déconcerta sur-le-champ les projets de l'ennemi, et fit enlever le pont et la position d'Elchingen , qui remédia à tout.

Le maréchal Soult, après avoir pris Memmingen, s'était mis à la poursuite des autres colonnes. Enfin il ne restait plus au prince Ferdinand d'autre ressource que de se laisser enfermer dans Ulm ou d'essayer, par des sentiers, de rejoindre la division de Hohenzollern. Ce prince a pris ce dernier parti; il s'est rendu à Aalen avec quatre escadrons de cavalerie.

Cependant le prince Murat était à la poursuite du prince Ferdinand. La division Werneck a voulu l'arrêter à Langenau : il lui a fait 3,000 prisonniers, dont un officier général, et lui a enlevé deux drapeaux. Tandis qu'il manœuvrait par sa droite à Heidenheim, le maréchal Lannes marchait par Aalen et Noerdlingen. La marche de la division ennemie était embarrassée par 500 chariots et affaiblie par le combat de Langenau. A ce combat, le prince Murat a été très-satisfait du général Klein. Le 20e régiment de dragons, le 9e d'infanterie légère et les chasseurs de la garde impériale se sont particulièrement distingués. L'aide de camp Brunet a montré beaucoup de bravoure.

Ce combat n'a point retardé la marche du prince Murat. Il s'est porté rapidement sur Neresheim, et le 25 (17 octobre), à cinq heures du soir, il est arrivé devant cette position. La division de dragons du général Klein a chargé l'ennemi. Deux drapeaux, un officier général et 1,000 hommes ont été de nouveau pris au combat de Neresheim. Le prince Ferdinand et sept de ses généraux n'ont eu que le temps de monter à cheval. On a trouvé leur dîner servi. Depuis deux jours, ils n'ont aucun point pour se reposer. Il paraît que le prince Ferdinand ne pourra se soustraire à l'armée française qu'en se déguisant ou en s'enfuyant avec quelques escadrons par quelque route détournée d'Allemagne.

L'Empereur, traversant une foule de prisonniers ennemis, un colonel autrichien témoignait son étonnement de voir l'Empereur des Français trempé, couvert de boue, autant et plus fatigué que le dernier tambour de l'armée; un de ses aides de camp lui ayant expliqué ce que disait l'officier autrichien, l'Empereur lui fit répondre : "Votre maître a voulu me faire ressouvenir que j'étais un soldat; j'espère qu'il conviendra que le trône et la pourpre impériale ne m'ont pas fait oublier mon premier métier."

Le spectacle que l'armée offrait dans la journée du 23(15 octobre) était vraiment intéressant. Depuis deux jours la pluie tombait à seaux, tout le monde était trempé; le soldat n'avait point eu de distributions; il était dans la boue jusqu'aux genoux; mais la vue de l'Empereur lui rendait la gaieté, et, du moment qu'il apercevait des colonnes entières dans le même état, il faisait retentir le cri de Vive l'Empereur !

On rapporte aussi que l'Empereur répondit aux officiers qui l'entouraient et qui admiraient comment, dans le moment le plus pénible, les soldats oublient toutes les privations et ne se montrent sensibles qu'au plaisir de le voir : « Ils ont raison, car c'est pour épargner leur sang que je leur fais essuyer de si grandes fatigues. »

L'Empereur, lorsque l'armée occupait les hauteurs qui dominent Ulm, fit appeler le prince de Liechtenstein, général major, enfermé dans cette place, pour lui faire connaître qu'il désirait qu'elle capitulât, lui disant que, s'il la prenait d'assaut, il serait obligé de ce qu'il avait fait à Jaffa, où la garnison fut passée au fil de l'épée; que c'était le triste droit de la guerre; qu'il voulait qu'on lui épargnât, et à la brave nation autrichienne, la nécessité d'un acte effrayant; que la place n'était pas tenable; qu'elle devait donc se rendre. Le prince insistait pour que les officiers et soldats eussent la faculté de retourner en Autriche. "Je l'accorde aux officiers et non aux soldats, a répondu l'Empereur; car, qui me garantira qu'on ne les fera point servir de nouveau ?  Puis, après avoir hésité un moment, il ajouta : "Eh bien ! je me fie à la parole du prince Ferdinand. S'il est dans la place, je veux lui donner une preuve de mon estime, et je lui accorde ce que vous me demandez, espérant que la cour de Vienne ne démentira pas la parole d'un d'un de ses princes." Sur ce que M. de Liechtenstein assura que le prince Ferdinand n'était point dans la place : "Alors je ne vois pas, dit l'Empereur, qui peut me garantir que les soldats que je vous renverrai ne serviront pas. 

Une brigade de 4,000 hommes occupe une porte de la ville d'Ulm. Dans la nuit du 24 au 25 (16 au 17 octobre), il y a eu un ouragan terrible; le Danube est tout à fait débordé et a rompu la plus grande partie de ses ponts, ce qui nous gêne beaucoup pour nos subsistances.

Dans la journée du 23 (15 octobre), le maréchal Bernadotte a poussé ses avant-postes jusqu'à Wasserburg et Haag sur la chaussée de Braunau. Il a fait encore 4 à 500 prisonniers à l'ennemi, lui a enlevé un parc de dix-sept pièces d'artillerie de divers calibres; de sorte que, depuis son entrée à Munich, sans perdre un seul homme, le maréchal Bernadotte a pris 1,500 prisonniers, dix-neuf pièces de canon, 200 chevaux et un grand nombre de bagages.

L'Empereur a passé le Rhin le 9 vendémiaire (1er octobre), le Danube le 14 (6 octobre - en fait le 7) à cinq heures du matin; le Lech le même jour, à trois heures de l'après-midi; ses troupes sont entrées à Munich le 20 (12 octobre). Ses avant-postes arrivés sur l'Inn le 23 (15 octobre). Le même jour il était maître de Memmingen et, le 25 (17 octobre), d'Ulm.

Il avait pris à l'ennemi, aux combats de Wertingen, de Günzburg, d'Elchingen, aux journées de Memmingen et d'Ulm, et aux combats d'Albeck, de Langenau et de Neresheim, 40,000 hommes, tant infanterie que cavalerie, plus de quarante drapeaux, un très-grand nombre de pièces de canon, de bagages, de voitures, etc. Et, pour arriver à ces grands résultats, il n'avait fallu que des marches et des manœuvres.

Dans ces combats partiels, les pertes de l'armée française ne se montent qu'à 500 morts et à 1,000 blessés. Aussi le soldat dit-il souvent : "L'Empereur a trouvé une nouvelle méthode de faire la guerre, il ne se sert que de nos jambes et pas de nos baïonnettes." Les cinq sixièmes de l'armée n'ont pas tiré un coup de fusil, ce dont ils s'affligent. Mais tous ont beaucoup marché, et ils redoublent de célérité quand ils ont l'espoir d'atteindre l'ennemi.

On peut faire en deux mois l'éloge de l'armée : elle est digne de son chef.

On doit considérer l'armée autrichienne comme anéantie. Les Autrichiens et les Russes seront obligés de faire beaucoup d'appels de recrues, pour résister à l'armée française, qui est venue à bout d'une armée de 100,000 hommes sans éprouver, pour ainsi dire, aucune perte.


Abbaye d'Elchingen, 19 octobre 1805

A l'Impératrice Joséphine

J'ai été, ma bonne Joséphine, plus fatigué qu'il ne le fallait. Huit jours toute la journée l'eau sur le corps et les pieds froids m'ont fait un peu de mal; mais la journée d'aujourd'hui, où je n'ai pas sorti (sic), m'a reposé.

J'ai rempli mon dessein; j'ai détruit l'armée autrichienne par de simples marches; j'ai fait 60,000 prisonniers, pris 120 pièces de canon, plus de 90 drapeaux et plus de 30 généraux.

Je vais me porter sur les Russes. Ils sont perdus. Je suis content de mon armée. Je n'ai perdu que 1,500 hommes, dont les deux tiers faiblement blessés.

Adieu, ma Joséphine, mille choses aimables partout. Le prince Charles vient couvrir Vienne.

Je pense que Masséna doit être à cette heure à Vicence. Dès l'instant que je serai tranquille pour l'Italie, je ferai battre Eugène. Mille choses aimables à Hortense.


Camp impérial d'Elchingen, 19 octobre 1805

Au maréchal Bernadotte

Mon Cousin, de l'armée de 80,000 hommes qui était sur l'Iller, il ne reste plus que des débris. Plus de 40,000 hommes ont été prisonniers, beaucoup ont été tués ou blessés; un grand nombre est éparpillé. Le prince Ferdinand s'était échappé avec une colonne de la place d'Ulm : plus de la moitié a été prise, et les lieutenants généraux Werneck, Baillet, Hohenzollern, les généraux Vogl, Mecséry, Hohenfeld, Weber, Dinnersberg se sont rendus prisonniers de guerre avec leurs corps. Plus de 2,000 hommes de cavalerie ont mis pied à terre et abandonné leurs chevaux. Enfin, je tiens 3,000 hommes de cavalerie et 15,000 hommes d'infanterie, qui se sont rendus dans Ulm. Le prince Murat, qui est à Noerdlingen, me mande qu'il déborde le prince Ferdinand, qu'il s'est déjà emparé de 400 voitures qui forment son parc, et qu'il espère ne pas tarder à avoir le reste.

Le maréchal Soult est en grande marche pour retourner à Landsberg et entrer en Bavière; moi-même, je serai probablement demain à Augsbourg, et je ne tarderai pas à vous joindre. Le maréchal Davout, qui est derrière vous, doit, à votre moindre avis, marcher à votre secours. Mais que peut aujourd'hui contre nous une armée de 30,000 Russes et de 25,000 Autrichiens ? Mon aide de camp Caffarelli vous donnera des détails sur tout.


Camp impérial d'Elchingen, 19 octobre 1805 

Au maréchal Davout

Mon Cousin, l'armée autrichienne est détruite. Indépendamment du corps qui est dans Ulm, et qui s'est rendu par capitulation, le corps de Werneck vient de mettre bas les armes à Noerdlingen, et s'est rendu au prince Murat. Le prince Ferdinand, à la poursuite duquel il est, est cerné de tous côtés et sera probablement obligé de se rendre. Le maréchal Soult se rend à Landsberg. Réunissez votre corps d'armée, de manière à pouvoir être en peu d'heures à Munich et en mesure de secourir le maréchal Bernadotte. Je vais me rendre moi-même à Augsbourg, et votre tour va venir.


Camp impérial d'Elchingen, 19 octobre 1805

Au maréchal Bernadotte

Mon Cousin, la garnison d'Ulm pose demain les armes, à trois heures après midi. Il y a 27,000 hommes, dont 3,000 à cheval, et 60 pièces de canon attelées. Le prince Murat a fait mettre bas les armes à la division Werneck; il y a 3 lieutenants généraux, 7 généraux et plusieurs milliers d'hommes. L'armée autrichienne est donc entièrement détruite. Le tour de votre armée et des Bavarois va enfin venir. Les généraux Soult et Marmont se mettent en grande marche pour se rendre sur l'Inn. Moi-même, je partirai demain au soir.


Camp impérial d'Elchingen, 19 octobre 1805

Au maréchal Soult

Mon Cousin, il est vrai qu'un corps de 19,000 hommes d'infanterie et de 2,000 de cavalerie a filé sur le Tyrol; mais il doit être arrivé à l'heure qu'il est. Le corps d'armée renfermé dans Ulm met demain bas les armes; il y a 27,000 hommes, dont 3,000 de cavalerie, 10 généraux et 60 pièces de canon attelées. Le prince Murat a fait mettre bas les armes, par capitulation, au corps du général Werneck, composé de 30 escadrons de cavalerie et de 30 bataillons d'infanterie; 3 lieutenants généraux et 7 généraux ont mis bas les armes; le parc de réserve a été pris. Le prince Murat est à la poursuite du prince Ferdinand. Si vous croyez pouvoir, en tardant d'un jour, donner une bonne frottée au corps qui est parti d'Ulm, je n'y verrai aucun inconvénient; mais, je vous le répète, je pense qu'il a sur vous une avance de deux jours. On m'assure que vous avez manqué de bien près ce corps; que si, de Memmingen, vous aviez poussé droit devant vous votre avant-garde, vous le preniez.

J'ai reçu vos drapeaux de Memmingen; ils complètent la soixantaine. 12,000 Russes sont arrivés. Avant huit jours, ils seront 25,000, c'est à quoi se monte cette armée tant renommée.

On m'assure que le prince Charles évacue l'Italie.

Il faut arriver à Landsberg.


Elchingen, 19 octobre 1805

7e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Le 26 vendémiaire (18 octobre) à cinq heures du matin, le prince Murat est arrivé à Noerdlingen et avait réussi à cerner la division Werneck. Ce général avait demandé à capituler. La capitulation qui lui a été accordée n'arrivera que dans la journée de demain. Les lieutenants généraux Werneck, Baillet, Hohenzollern, les généraux Vogl, Mecséry, Hohenfeld, Weber et Dinnersberg, sont prisonniers sur parole, avec la réserve de se rendre chez eux. Les troupes sont prisonnières de guerre et se rendent en France. Plus de 2,000 hommes de cavalerie ont mis pied à terre, et une brigade de dragons à pied a été montée avec avec leurs chevaux. On assure que le parc de réserve de l'armée autrichienne, composé de 500 chariots, a été pris. On suppose que tout le reste de la colonne du prince Ferdinand doit, à l'heure qu'il est, être investi, le prince Murat ayant débordé sa droite par Aalen, et le maréchal Lannes sa gauche par Noerdlingen. On attend le résultat de ces manœuvres. Il ne reste au prince Ferdinand que peu de monde.

Aujourd'hui, à deux heures après midi, l'Empereur a accordé une audience au général Mack; à l'issue de cette audience, le maréchal Berthier a signé avec le général Mack une addition à la capitulation qui porte que la garnison d'Ulm évacuera la place demain 28 (20 octobre). Il y a dans Ulm 27,000 hommes, 3,000 chevaux, 18 généraux et soixante ou quatre-vingts pièces de canon attelées.

La moitié de la garde de l'Empereur était déjà partie pour Augsbourg, mais Sa Majesté a consenti à rester la journée de demain pour voir défiler l'armée autrichienne. Tous les jours on est davantage dans la certitude que, de cette armée de 100 000 hommes, il n'en sera pas échappé 20,000, et cet immense résultat est obtenu sans effusion de sang.

L'Empereur n'est pas sorti aujourd'hui d'Elchingen. Les fatigues et la pluie continuelle que, depuis huit jours, il a essuyées ont exigé un peu de repos. Mais le repos n'est pas compatible avec la direction de cette immense armée. A toute heure du jour et de la nuit arrive des officiers avec des rapports, et il faut que l'Empereur donne des ordres. Il parait fort satisfait de l'activité et du zèle du maréchal Berthier.

Demain 28 (20 octobre), à trois heures après midi, 27,000 soldats autrichiens, soixante pièces de canon, 18 généraux défileront devant l'Empereur, et mettront bas les armes. L'Empereur a fait présent au Sénat des drapeaux de la journée d'Ulm. Il y en aura le double de ce qu'il a annoncé, c'est-à-dire 80.

Pendant ces cinq jours, le Danube a débordé avec une violence qui était sans exemple depuis cent ans. L'abbaye d'Elchingen, dans laquelle est établi le quartier général de l'Empereur, est située sur une hauteur d'où l'on découvre tout le pays.

On croit que demain au soir l'Empereur partira pour Munich. L'armée russe vient d'arriver sur l'Inn.


Camp impérial d'Elchingen, 20 octobre 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, il faut que M. Lebrun soit devenu fou. J'écris à la hâte au prince Eugène des lettres qu'il a l'imprudence d'envoyer à M. Lebrun telles quelles, et M. Lebrun les rend publiques; en vérité, à soixante ans, c'est trop de légèreté.


Elchingen, 20 octobre 1805

A M. Lebrun

Je ne sais pas où vous avez vu que l'on imprimait les lettres qu'on reçoit, surtout celles qui ne vous sont pas adressées. Je ne puis que vous en témoigner mon extrême mécontentement. Vous pouvez imprimer tout ce qu'il vous plaît d'écrire et si cela n'était pas ainsi, il me serait impossible de jamais vous écrire.

(De Brotonne)


Camp impérial d'Elchingen, 20 octobre 1805

Au prince Eugène

Mon Cousin, je vois avec étonnement que M. l'architrésorier a communiqué des lettres que je vous avais écrites. C'est votre faute : vous deviez lui en envoyer des extraits. Vous ne devez communiquer mes lettres à personne; que cela ne vous arrive plus désormais.


Elchingen, 20 octobre 1805

A M. Régnier

Je suis fâché de voir que mon tribunal de commerce ne fasse pas son métier. Les billets de banque ne sont pas une monnaie et ne portent point l'empreinte du prince. Le payement en billets n'est plus une obligation. Dans un pays où la justice transige, il n'y a plus d'ordre social. Il faut que la banque échange ses billets de l'argent, à bureau ouvert, ou qu'elle ferme ses bureaux si elle manque d'argent. Quant à moi, je ne veux pas de papier-monnaie.


Camp impérial d'Elchingen, 20 octobre l805

Au général Lemarois

Le général Lemarois se rendra en poste à Stuttgart; de là, à Heilbronn; il verra si les relais dont j'avais ordonné l'établissement pour faire passer en poste les capotes, souliers et autres objets d'approvisionnement sont en activité. Il prendra l'état du biscuit, des souliers et capotes, caissons d'ambulance et transports militaires qui se trouvent à Heilbronn, et il fera tous ses efforts pour que ces objets soient transportés par les relais, avec la plus grande diligence, à Augsbourg. De là, il se rendra à Strasbourg par Spire; il verra l'Impératrice et lui fera connaître tout ce qui s'est passé. Il écrira longuement au maréchal Augereau, qui doit être à Fribourg, et il viendra me joindre en toute diligence à Augsbourg ou à Munich, où il sera de retour au plus tard dans six jours. Il prendra à Strasbourg l'état des conscrits qui y sont arrivés depuis le commencement de ce mois et l'état de situation de tous les 3e bataillons qui forment la réserve du maréchal Kellermann.


Elchingen, 20 octobre 1805

Au prince Murat

Ayez soin de respecter le territoire prussien, surtout si l'ennemi n'y passe pas. J'ai déjà des querelles assez sérieuses avec cette puissance pour le premier passage. J'ai de grands intérêts à la ménager. Dirigez mon trésor sur Augsbourg, et le parc sur Donauwoerth. De Noerdlingen expédiez un courrier à M. Otto pour lui faire connaître ce que l'armée a fait. Je monte à l'instant à cheval pour passer en revue les corps de la garnison d'Ulm ; demain ils partent pour la France.


Elchingen, 20 octobre 1805

8e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Voici les deux capitulations annoncées dans le bulletin d'hier, conclues par ordre du prince Murat : l'une signée par le chef d'état- major du prince Murat, l'autre par le général Fauconnet.

L'Empereur a passé aujourd'hui 28 (20 octobre), depuis deux heures après midi jusqu'à sept heures du soir, sur la hauteur d'Ulm, où l'armée autrichienne a défilé devant lui. 30,000 hommes, dont 2,000 de cavalerie, soixante pièces de canon et 40 drapeaux ont été remis aux vainqueurs. L'armée française occupait les hauteurs. L'Empereur, entouré de sa Garde, a fait appeler les généraux autrichiens; il les a traités avec les plus grands égards. Il y avait 7 lieutenants généraux, 8 généraux et le général en chef Mack. On donnera dans le bulletin suivant le nom des généraux et des régiments.

On peut donc évaluer le nombre des prisonniers faits depuis le commencement de la guerre à 60,000, le nombre des drapeaux à 80, indépendamment de l'artillerie, des bagages, etc. Jamais victoires ne furent plus complètes et ne coûtèrent moins. On croit que l'Empereur partira dans la nuit pour Augsbourg et Munich, après avoir expédié ses courriers.


Elchingen, 20 octobre 1805

ORDRE DU JOUR

L'Empereur témoigne sa satisfaction au corps d'armée du Prince Murat, à celui de MM. les maréchaux Ney, Lannes et Soult, ainsi qu'à celui du général Marmont et à la garde impériale, pour les marches qu'ils ont faites, pour la patience avec laquelle ils ont supporté les fatigues et les privations de toute espèce, qui ont valu les succès suivants.

Memmingen a capitulé entre les mains de M. le maréchal Soult, donné 5.000 prisonniers, 9 drapeaux, un grand nombre de canons et beaucoup de magasins.

Ulm a capitulé, ce qui a valu 25.000 prisonniers, 18 généraux, 50 pièces de canon attelées, 3.000 chevaux de cavalerie pour monter nos dragons à pied, et 40 drapeaux.

Le passage audacieux du pont d'Elchingen par le corps d'armée du maréchal Ney, la prise de cette formidable position, ont valu 3.000 prisonniers, dont un général, et plusieurs pièces de canon.

Le combat de Langenau, de Neresheim, et la capitulation de Nordlingen, par M. le prince Murat, ont valu 5 ou 6.000 prisonniers, 2.000 chevaux pour remonter nos dragons à pied, plusieurs drapeaux, un grand parc, quantité considérable de canons attelés, 3 lieutenants généraux et 7 généraux majors.

Au combat d'Elchingen, les 16e et 69e régiments d'infanterie et le 18e de dragons se sont successivement distingués.

Au combat d'Albeck, le 9e d'infanterie légère, le 32e et le 96e se sont couverts de gloire.

Aujourd'hui, à 3 heures après midi, la partie de l'armée autrichienne prisonnière dans Ulm, ayant à sa tête son général en chef, défile sur les glacis d'Ulm, devant l'Empereur.

Enfin, l'avant-garde du corps d'armée de Bavière a pris, entre l'Isar et l'Inn, plusieurs pièces de canon et beaucoup de bagages du corps d'armée du général Kienmayer.

Le résultat de tous ces événements glorieux est que l'armée autrichienne, forte de 100.000 hommes, est détruite ; 50.000 sont prisonniers, 80 drapeaux sont en notre pouvoir, presque toute l'artillerie ennemie et ses magasins.

L'Empereur fait connaître qu'il est content de son armée.

(Picard)


Quartier impérial, Elchingen, 21 octobre 1805

PROCLAMATION

Soldats de la Grande Armée, en quinze jours nous avons fait une campagne. Ce que nous nous proposions est rempli. Nous avons chassé les troupes de la Maison d'Autriche de la Bavière, et rétabli notre allié dans la souveraineté de ses États. Cette armée qui, avec autant d'ostentation que d'imprudence, était venue se placer sur nos frontières, est anéantie. Mais qu'importe à l'Angleterre ? Son but est rempli. Nous ne sommes plus à Boulogne, et son subside ne sera ni plus ni moins grand.

De 100,000 hommes qui composaient cette armée, 60,000 sont prisonniers; ils iront remplacer nos conscrits dans les travaux de nos campagnes : deux cents pièces de canon, tout le parc, 90 drapeaux, tous les généraux sont en notre pouvoir; il ne s'est pas échappé de cette armée 15,000 hommes.

Soldats, je vous avais annoncé une grande bataille; mais, grâce aux mauvaises combinaisons de l'ennemi, j'ai pu obtenir les mêmes succès sans courir aucune chance; et, ce qui est sans exemple dans l'histoire des nations, un aussi grand résultat ne nous affaiblit pas de plus de 1,500 hommes hors de combat.

Soldats, ce succès est dû à votre confiance sans bornes dans Empereur, à votre patience à supporter les fatigues et les privations de toute espèce, à votre rare intrépidité.

Mais nous ne nous arrêterons pas là : vous êtes impatients de mener une seconde campagne. Cette armée russe que l'or de l'Angleterre a transportée des extrémités de l'univers, nous allons lui faire éprouver le même sort. A ce combat est attaché plus spécialement l'honneur de l'infanterie; c'est là que va se décider pour la seconde fois cette question qui l'a déjà été en Suisse et en Hollande : si l'infanterie française est la seconde ou la première de l'Europe. Il n'y a point là de généraux contre lesquels je puisse avoir de la gloire à acquérir; tout mon soin sera d'obtenir la victoire avec le moins possible d'effusion de sang; mes soldats sont mes enfants.


Camp impérial d'Elchingen, 21 octobre 1805

DÉCRET

NAPOLÉON, Empereur des Français, Roi d'Italie, Considérant que la Grande Armée a obtenu, par son courage et son dévouement, des résultats qui ne devaient être espérés qu'après une campagne, et voulant lui donner une preuve de notre sa satisfaction impériale,

Avons décrété et décrétons ce qui suit

ARTICLE ler. - Le mois de vendémiaire de l'an XIV sera considéré comme une campagne à tous les individus composant la GrandeArmée.
Ce mois sera porté comme tel sur les états pour l'évaluation des pensions et pour les services militaires.
ART. 2. - Nos ministres de la guerre et du trésor public sont chargés de l'exécution du présent décret.


Camp impérial d'Elchingen, 21 octobre 1805

DÉCRET

ARTICLE ler. - Il sera pris possession de tous les États de Souabe de la Maison d'Autriche.
ART. 2. - Les contributions de guerre qui y seront levées, ainsi que les contributions ordinaires, seront toutes au profit de l'armée. Tous les magasins qui seraient pris à l'ennemi, autres que les magasins d'artillerie et de subsistances, seront également à son profit.
Chacun aura une part, dans ces contributions, proportionnée à ses appointements.
ART. 3. - Les contributions particulières qui auraient été levées, ou les objets qui auraient été tirés des magasins de l'ennemi, seront restitués à la masse générale, personne ne devant profiter du droit de la guerre pour faire tort à la masse générale de l'armée.
ART. 4. - Il sera incessamment nommé un trésorier et un directeur général, qui rendront compte, chaque mois, à un conseil d'administration de l'armée, des contributions qui auront été levées; l'état en sera imprimé, avec la répartition.
ART. 5. - La solde sera exactement payée sur les fonds de notre trésor impérial.
ART. 6. - Notre ministre de la guerre est chargé de l'exécution du présent décret.


Elchingen, 21 octobre 1805

9e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

L'Empereur vient de faire la proclamation et de rendre les décrets ci-joints (voir ci-dessus)

A midi, Sa Majesté est partie pour Augsbourg.

On a enfin le compte exact de l'armée renfermée dans Ulm : elle se monte à 33,000 hommes, ce qui, avec 3,000 blessés, porte la garnison prisonnière à 36, 000 hommes. Il y avait aussi dans la place 60 pièces de canon avec leur approvisionnement, et 50 drapeaux.

Rien ne fait un contraste plus frappant que l'esprit de l'armée française et celui de l'armée autrichienne. Dans l'armée française, l'héroïsme est porté au dernier point; dans l'armée autrichienne, le découragement est à son comble. Le soldat est payé avec des cartes; il ne peut rien envoyer chez lui, et il est très-maltraité. Le Français ne songe qu'à la gloire. On pourrait citer un millier de traits comme le suivant : Brard, soldat du 76e, allait avoir la cuisse amputée; il avait la mort dans l'âme. Au moment où le chirurgien se préparait à faire l'opération, il l'arrête : "Je sais que je n'y survivrai pas; mais n'importe : un homme de moins n'empêchera pas le 76e de marcher, la baïonnette en avant et sur trois rangs, à l'ennemi"

L'Empereur n'a à se plaindre que de la trop grande impétuosité des soldats. Ainsi, le 17e d'infanterie légère, arrivé devant Ulm, se précipita dans la place : ainsi, pendant la capitulation, toute l'armée voulait monter à l'assaut, et l'Empereur fut obligé de déclarer fermement qu'il ne voulait pas d'assaut.

La première colonne des prisonniers faits dans Ulm part dans ce moment pour la France. Voici le compte de nos prisonniers, du moins de ceux actuellement connus, et les lieux où ils se trouvent : 10,000 dans Augsbourg; 33,000 dans Ulm; 12,000 à Donauworth et 12,000 qui sont déjà en marche pour la France. LEmpereur dit dans sa proclamation que nous avons fait 60,000 prisonniers; il est probable qu'il y en aura davantage. Il porte le nombre des drapeaux pris à 90; il est probable aussi que nous en aurons davantage.

L'Empereur a dit aux généraux autrichiens qu'il avait appelés près de lui pendant que l'armée ennemie défilait :

"Messieurs, votre maître me fait une guerre injuste : je vous le dis franchement, je ne sais point pourquoi je me bats; je ne sais ce qu'on veut de moi.

Ce n'est pas dans cette seule armée que consistent mes ressources. Cela serait-il vrai, mon armée et moi ferions bien du chemin. Mais j'en appelle au rapport de vos propres prisonniers, qui vont bientôt traverser la France : ils verront quel esprit anime mon peuple, et avec quel empressement il viendra se ranger sous les drapeaux. Voilà l'avantage de ma nation et de ma position. Avec un mot, 200,000 hommes de bonne volonté accourront près de moi, et en six semaines seront de bons soldats; au lieu que vos recrues ne marcheront que par force, et ne pourront qu'après plusieurs années faire des soldats.

Je donne encore un conseil à mon frère l'empereur d'Allemagne : Qu'il se hâte de faire la paix. C'est le moment de se rappeler que tous les empires ont un terme; l'idée que la fin de la dynastie de la Maison de Lorraine serait arrivée doit l'effrayer. Je ne veux rien sur le continent. Ce sont des vaisseaux, des colonies, du commerce que je veux, et cela vous est avantageux comme à nous."

M. Mack a répondu que l'empereur d'Allemagne n'aurait pas voulu la guerre, mais qu'il y a été forcé par la Russie : 

"En ce cas, a répondu l'Empereur, vous n'êtes donc plus une puissance ? »

Du reste la plupart des officiers généraux ont témoigné combien cette guerre leur était désagréable, et avec quelle peine ils voyaient une armée russe au milieu d'eux, Ils blâmaient cette politique assez aveugle pour attirer au cœur de l'Europe un peuple accoutumé à vivre dans un pays inculte et agreste, et qui, comme ses ancêtres, pourrait bien avoir la fantaisie de s'établir dans de plus beaux climats.

L'Empereur a accueilli avec beaucoup de grâce le lieutenant général Klenau, qu'il avait connu commandant le régiment de Wurmser; les lieutenants généraux Gyulai, Gottesbeim, Riesch, le prince de Liechtenstein, etc.

Il les a consolés de leur malheur, leur a dit que la guerre a ses chances, et qu'ayant été souvent vainqueurs, ils pouvaient être quelquefois vaincus.


Augsbourg, 22 octobre 1805

Au prince Joseph

Mon Frère, vous aurez appris, par les bulletins qui vous sont envoyés, les brillants succès que nous avons obtenus. Tout va au mieux. J'ai lieu d'être extrêmement satisfait de l'esprit d'héroïsme et d'attachement à ma personne qui anime l'armée.


Camp impérial d'Augsbourg, 22 octobre 1805

A M. Cambacérès

Mon Cousin, j'espère que vous serez content des nouvelles que je vous envoie. Une armée de 100,000 hommes a été détruite comme par enchantement; tous ses généraux, son artillerie, ses drapeaux, ses bagages ont été pris. Il ne s'en est pas échappé en réalité plus de 12,000 hommes. Vous en aurez plus de 70,000, qui sont actuellement en marche pour la France.


Augsbourg, 22 octobre 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, près de 70,000 prisonniers se rendent en France. Il faut que vous écriviez aux préfets pour que les propriétaires qui veulent en employer aux travaux de leurs terres fassent les demandes et qu'on disperse ces prisonniers dans les différents départements. Il faut cependant éviter d'en mettre dans les départements frontières de l'Allemagne, de peur qu'ils ne s'échappent. M. Cretet pourrait en former des bataillons de pionniers, comme j'ai fait en l'an VIII. Ces prisonniers me coûteront fort cher; voyez à les utiliser. Du reste, tout va ici au mieux. Je n'ai rien à ajouter aux relations que vous avez vues.

J'attends avec impatience le rapport que vous me ferez, d'ici à quinze ou vingt jours, de l'état de la levée de la conscription.


Augsbourg, 22 octobre 1805

A l'électeur de Wurtemberg

Ayant pris tous les parcs de l'armée autrichienne, j'ai ordonné qu'on disposât à Donauwoerth d'une division de six pièces de canon autrichiennes, que je désire que vous receviez comme une preuve du bien que je veux à vous et à votre Maison. Vous pourrez donc les envoyer chercher quand vous le jugerez convenable.


Camp impérial d'Augsbourg, 22 octobre 1805

Au maréchal Bernadotte

Mon Cousin, j'apprends que les ennemis ont sommé Passau. Je vous ai écrit, il y a plus de dix jours, de faire renforcer ce poste. Dites au général Deroy d'y faire filer des troupes, et faites tout ce qui est en votre pouvoir pour que la citadelle de Passau ne nous échappe pas. Il serait malheureux qu'après l'avoir conservée si longtemps nous la perdions dans un moment où elle nous sera si utile. Je serai probablement après-demain à Munich. Vous aurez su le résultat du combat de Nuremberg, où le prince Murat est arrivé à temps pour défaire entièrement l'archiduc Ferdinand, qui ne s'est échappé qu'avec très-peu de monde; les 500 chariots qu'il emmenait ont été pris.

Faites-moi connaître, par le retour de mon courrier, ce qui a été fait pour Passau, et sur quoi je puis compter.

Augsburg, 22 octobre 1805


ORDRE

Il y aura tous les jours un ordre du jour imprimé, signé par le major général et publié à 9 heures du matin. Celui de demain contiendra tous les ordres du jour que l'Empereur a ordonné qu'on imprimât.

(Picard)


Camp impérial d'Augsbourg, 22 octobre 1805

ORDRE GÉNÉRAL DE L'ARMÉE

Tous les soldats restés en arrière ou sortant des hôpitaux, qui rejoindraient l'armée, seront dirigés sur Augsbourg.

Il y aura dans cette ville un adjudant-commandant de l'état-major et deux adjoints. Tous les individus des différentes armées qui arriveront à Augsbourg se rendront chez cet adjudant-commandant, qui les fera loger dans la maison qui aura été désignée pour recevoir les dépôts du corps d'armée auquel ils appartiendront. Ils n'en partiront pour rejoindre leurs corps que lorsqu'il y aura 50 hommes du même corps d'armée, et sous la conduite d'un officier. Le major général instruira chaque jour cet adjudant-commandant du lieu où se trouvera chaque corps d'armée.

Les maisons qui seront désignées pour servir de dépôts aux différents corps d'armée seront assez considérables pour que 400 hommes au moins puissent y loger, la volonté de l'Empereur étant qu'elles servent en même temps d'hôpitaux de convalescence, de manière que les hommes trop fatigués de la route ou convalescents puissent s'y reposer quinze jours et reprendre des forces.

Il y aura un médecin attaché à chacun de ces dépôts.

Comme l'artillerie a des armes et des cartouches à Augsbourg, les commandants des dépôts veilleront à ce que les hommes partant pour l'armée soient armés et aient les 45 cartouches que chaque homme doit avoir.

Tous les détachements venant de France pour rejoindre l'armée auront un jour de repos à Augsbourg, et l'officier chargé de la surveillance des dépôts les passera en revue, pour s'assurer qu'avant de quitter Augsbourg leur armement est en règle et qu'ils ont le nombre de cartouches nécessaire.


Camp impérial d'Augsbourg, 22 octobre 1805

ORDRE DU JOUR

S. M. l'Empereur charge le corps des inspecteurs aux revues de la levée des contributions ordonnées par décret impérial d'hier, et compte sur le zèle et la sévère probité qui out toujours distingué ce corps pour que les intérêts de l'armée soient scrupuleusement ménagés.

L'inspecteur en chef aux revues Villemanzy aura la correspondance avec les différents inspecteurs aux revues et travaillera avec le ministre de la guerre.

L'inspecteur aux revues Fririon est nommé intendant général des biens appartenant à la Maison d'Autriche en Souabe. Il veillera à que les contributions qui auraient été levées, par quelque corps que ce soit, rentrent dans la caisse générale.

Le sieur la Bouillerie est nommé receveur général, chargé recevoir tout l'argent provenant des contributions.

Le sieur Villemanzy présentera un inspecteur aux revues, pour être envoyé comme intendant à Fribourg et dans le pays d'Ortenau, un autre pour être envoyé dans l'évêché d'Eischtadt, et un autre pour être envoyé dans le pays de Mergentheim.

Il sera frappé sur ces pays deux contributions : l'une en nature pour la levée de laquelle le sieur Villemanzy s'entendra avec le sieur Petiet, intendant général; l'autre en argent, au profit de l'armé, laquelle contribution sera partagée et assignée à chaque individu de l'armée, au prorata de la solde.

La contribution en argent sera de la même somme que celle qu été frappée par l'armée française en l'an VIII et en l'an IX.


Augsbourg, 22 octobre 1805

10e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Lors de la capitulation du général Werneck près Noerdlingen, le prince Ferdinand, avec un corps de 1,000 chevaux et une partie du parc, avait pris les devants; il s'était jeté dans le pays prussien, et s'était dirigé par Gunzenhausen sur Nuremberg. Le prince Murat le suivit à la piste et parvint à le déborder, ce qui donna lieu à combat sur la route de Fürth à Nuremberg, le 29 (21 octobre) au soir. Tout le reste du parc d'artillerie, tous les bagages sans exception ont été pris. Les chasseurs à cheval de la garde impériale se sont couverts de gloire; ils ont culbuté tout ce qui s'est présenté devant eux; ils ont chargé le régiment de cuirassiers de Mack. Les deux régiments de carabiniers ont soutenu leur réputation.

On est rempli d'étonnement lorsqu'on considère la marche du prince Murat depuis Albeck jusqu'à Nuremberg. Quoique se battant toujours, il est parvenu à gagner de vitesse l'ennemi, qui avait deux marches sur lui. Le résultat de cette prodigieuse activité a été la prise de 1,500 chariots, de 50 pièces de canon, de 16,000 hommes, y compris la capitulation du général Werneck, et d'un grand nombre de drapeaux; 18 généraux ont posé les armes, 3 ont été tués.

Les colonels Morland, des chasseurs à cheval de la garde impériale, Cochois, du 1er régiment de carabiniers, Rouvillois, du ler régiment de hussards, et les aides de camp Flahault et Lagrange se sont particulièrement distingués. Le colonel Cochois a été blessé.

Le 29 (21 octobre) au soir, le prince Murat a couché à Nuremberg, où il a passé la journée du 30 (22 octobre) à se reposer.

Au combat d'Elchingen, le 23 vendémiaire (15 octobre) , le 69e régiment de ligne s'est distingué. Après avoir forcé le pont, en colonne serrée, il s'est déployé à portée du feu des Autrichiens avec un ordre et un sang-froid qui ont rempli l'ennemi de stupeur et d'admiration.

Un bataillon de la garde impériale est entré aujourd'hui à Augsbourg. Quatre-vingts grenadiers portaient chacun un drapeau. Ce spectacle a produit sur les habitants d'Augsbourg un étonnement que partagent les paysans de toutes ces contrées.

La division des troupes de Wurtemberg vient d'arriver à Geislingen. Les bataillons de chasseurs qui avaient suivi l'armée depuis son passage à Stuttgart sont partis pour conduire en France une colonne de 10, 000 prisonniers. Les troupes de Bade, fortes de 3 à 4,000 hommes, sont en marche pour se rendre à Augsbourg.

L'empereur vient de faire présent aux Bavarois de 20,000 fusils autrichiens, pour l'armée et les gardes nationales.

Il vient aussi de faire présent à l'électeur de Wurtemberg de 6 pièces de canon autrichiennes.

Pendant qu'a duré la manœuvre d'Ulm, l'électeur de Wurtemberg a craint un moment pour l'Électrice et sa famille, qui se sont rendues alors à Heidelberg; il a disposé ses troupes pour défendre le cœur de ses États.

Les Autrichiens sont détestés de toute l'Allemagne, bien convaincue que, sans la France, l'Autriche la traiterait comme ses pays héréditaires.

On ne se fait pas une idée de la misère de l'armée autrichienne; elle est payée en billets qui perdent quarante pour cent; aussi nos soldats appellent-ils très-plaisamment les Autrichiens des soldats de papier. Ils sont sans aucun crédit; la Maison d'Autriche ne trouverai nulle part à emprunter 10,000 francs. Les généraux eux-même n'ont pas vu une pièce d'or depuis plusieurs années. Les Anglais du moment qu'ils ont su l'invasion de la Bavière, ont fait à l'empereur d'Autriche un petit présent qui ne l'a pas rendu plus riche; il se sont engagés à lui faire remise des quarante-huit millions qu'il lui avaient prêtés pendant la dernière guerre. Si c'est un avantage pour la Maison d'Autriche, elle l'a déjà payé bien cher.


Augsbourg, 22 octobre 1805

Au maréchal Berthier

Mon Cousin, donnez ordre que tous les fusils autrichiens qui sont à Donauwerth soient remis à l'armée bavaroise, hormis mille des meilleurs qui seront réservés pour le service de l'armée française, et soient mis à la disposition de M. le baron de Gravenreuth, ministre de l'Électeur près de moi.

(De Brotonne)


Augsburg, 22 octobre 1805

Au maréchal Berthier, major général

Mon Cousin, donnez ordre au 65e régiment de ligne, qui est à Paris, de se rendre à Boulogne, au 5e d'infanterie légère de se rendre à Versailles, au 86e de se rendre également à Versailles. Par ce moyen, le cantonnement de Poitiers ne sera plus composé que de trois corps, les 7e, 82e et 66e.

(Picard)


Augsbourg, 23 octobre 1805

A M. Maret

Monsieur Maret, partez avec vos bureaux et rendez-vous en droite ligne, par Spire et Heilbronn, en suivant la route de l'armée, jusqu Munich. La députation du Tribunat peut également se rendre jusqu'à Augsbourg, où je lui ferai connaître quand je la recevrai.


Augsbourg, 23 octobre 1805

A l'électeur de Bavière

Depuis dix jours, nos armées sont entrées à Munich. L'armée autrichienne qui, la première, a attenté à la paix en envahissant, avec autant de violence que d'injustice, vos États, a été faite prisonnière avec ses généraux, ses drapeaux, ses parcs d'artillerie. Je vais, dans peu de jours, manœuvrer sur l'Inn. Je désire que vous reveniez à Munich, où je ne pense pas que vous ayez plus rien à redouter de qui que ce soit, car, avec l'aide de Dieu, j'espère donner tant de besogne à l'Autriche, dans le centre même de ses pays héréditaires, que je ne pense pas qu'elle cherche même à troubler ses voisins. Vous ne pouvez douter du plaisir que j'aurai à faire votre connaissance et à vous répéter de vive voix l'assurance de tous les sentiments d'amitié et de constante protection que j'accorderai à votre Maison.


Augsburg, 23 octobre 1805

ORDRES DU JOUR (imprimé)

A LA GRANDE ARMÉE

Soldats,

La guerre de la troisième coalition est commencée. L'armée autrichienne a passé l'Inn, violé les traités, attaqué et chassé de sa capitale notre allié.

Vous-mêmes, vous avez dû accourir à marches forcées à la défense de nos frontières. Mais déjà vous avez passé le Rhin : nous ne nous arrêterons plus que nous n'ayons assuré l'indépendance du Corps germanique, secouru nos alliés et confondu l'orgueil des injustes agresseurs. Nous ne ferons plus de paix sans garantie : notre générosité ne trompera plus notre politique.

Soldats, votre Empereur est au milieu de vous. Vous n'êtes que l'avant-garde du grand Peuple; s'il est nécessaire, il se lèvera tout entier à ma voix, pour confondre et dissoudre, cette nouvelle ligne qu'ont tissue (sic) la haine et l'or de l'Angleterre.

Mais, soldats, nous aurons des marches forcées à faire, des fatigues et des privations de toute espèce à endurer : quelques obstacles qu'on nous oppose, nous les vaincrons, et nous ne prendrons de repos que nous n'ayons planté nos aigles sur le territoire de nos ennemis.

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Par ordre de Sa Majesté

Le major général de la Grande Armée,

Maréchal Berthier,

A l'armée bavaroise

Soldats bavarois,

Je me suis mis à la tête de mon armée pour délivrer votre patrie d'injustes agressions.

La Maison d'Autriche veut détruire votre indépendance et vous incorporer à ses vastes Etats. Vous serez fidèles à la mémoire de vos ancêtres qui, quelquefois opprimés, ne furent jamais abattus et conservèrent toujours leur indépendance, leur existence politique, premiers biens des nations, comme la fidélité à la Maison Palatine est le premier de vos devoirs.

En bon allié de votre souverain, j'ai été touché des marque d'amour que vous lui avez données dans cette circonstance importante. Je connais votre bravoure ; je me flatte qu'après la prernière bataille, je pourrai dire à votre prince et à mon peuple que vous êtes dignes de combattre dans les rangs de la Grande Armée.

Napoléon

(Picard)


Augsburg, 23 octobre 1805

ORDRE DU JOUR

L'Empereur témoigne sa satisfaction aux carabiniers, aux chasseurs de sa garde, aux dragons de la division du général Kleon, et aux autres corps de l'armée, qui composent celui aux ordres de M. le prince Murat, qui, après avoir battu l'ennemi au combat de Langenau, à Neresheim, avoir fait capituler le corps du général Werneck, avoir poursuivi le prince Ferdinand jusqu'à Nürnberg, a culbuté et dispersé sa cavalerie.

Une marche aussi rapide, l'intrépidité des différentes charges seront à jamais célèbres dans nos annales militaires.

Les chasseurs de la garde, au nombre de quatre cents, ont seuls chargé l.500 hommes d'élite de la cavalerie ennemie au combat de Nürnberg. Les carabiniers ont soutenu leur réputation. Le colonel Cochois a été blessé.

L'Empereur a appris avec plaisir la conduite du général de brigade Millet, commandant les dépôts de dragons de Nordlingen.

Le résultat de l'expédition du maréchal prince Murat a été la prise de 16.000 hommes, 15 étendards ou drapeaux, tous les parcs d'artillerie de l'ennemi, et plus de 1.500 chariots de munitions et de bagages.

Le prince Ferdinand n'a pu s'échapper qu'avec quelques tirailleurs des hommes d'élite les mieux montés.

(Picard)


Camp impérial d'Augsbourg, 24 octobre 1805

A M. Otto

J'ai écrit à l'Électeur de venir à Munich; s'il veut me voir, il faut qu'il ne perde point de temps, car je vais, dans très-peu de jours, me porter sur l'Inn, afin d'essayer d'enlever l'armée russe et faire sentir tous les malheurs de la guerre aux États héréditaires. J'imagine que vous avez donné exactement des nouvelles de l'armée en Hanovre et à Berlin. Il y a plus de quinze jours que je n'ai reçu de nouvelles de Berlin. Je ne reçois plus de nouvelles de M. Talleyrand; j'imagine qu'il a pensé que la route n'était pas assez sûre.


Augsbourg, 24 octobre 1805

Au général Duroc

Monsieur le Général Duroc, j'ai besoin de vos services près de moi. Demandez au Roi une audience de congé et venez me joindre à Munich. Il vous sera facile de faire comprendre que, dans les circonstances actuelles, j'ai besoin de vous. Le but, d'ailleurs, pour lequel vous restiez à Berlin est manqué, puisqu'il n'est plus question d'alliance. Je ne suis pas au fait de ce qui se fait à Berlin, étant depuis quinze jours sans nouvelles de M. Talleyrand et des vôtres; mais j'entends dire partout que la Prusse est fort mal pour moi, qu'elle veut arracher mes aigles des bords de l'Elbe. Laissez entrevoir, avec ménagement, que mes aigles n'ont jamais souffert d'affront et que nous sommes encore la même nation qui a résisté à la Prusse, à l'Autriche, à la Russie et à l'Angleterre réunies; ne dites cela que lorsqu'il le faudra. Prenez votre audience de congé et partez immédiatement pour venir me joindre. Dites au Roi en prenant congé :

"Sire, l'Empereur me mande près de lui. Il voulait écrire à Votre Majesté pour l'informer de ses succès, mais il n'ose plus, étant vaguement instruit, par les bruits de l'Allemagne, que ses ennemis lèvent la tête à Berlin, et triomphent auprès d'elle. Sire, vous avez dans l'Empereur un ami capable de venir des extrémités du monde à votre secours. L'Empereur est peu connu en Europe : c'est plus un homme de cœur encore qu'un homme de politique. Serait-il possible que Votre Majesté voulût, par une conduite douteuse, aliéner un homme d'un si grand caractère et qui lui est si attaché ? L'affaire d'Anspach n'est qu'un vain prétexte; le territoire de cette province n'est pas compris dans le traité; ce motif a suffi au prince Ferdinand, qui s'est échappé par là. L'Empereur, d'ailleurs, comme commandant en chef ses armées, auraient (sic) dû être informé de cette nouvelle disposition. Sire, je conjure Votre Majesté, je le dois aux sentiments que m'ont inspirés ses bontés pour moi dans les différentes missions que j'ai remplies près d'elle, de ne point perdre, par une conduite douteuse, un ami que la nature a formé incapable de plier aux menaces, et que j'ai toujours connu disposé à tout faire pour plaire à Votre Majesté. » 

Dites-lui ces mots d'une parole claire, envoyez-en l'extrait à M. Laforest pour qu'il le communique à MM. Hardenberg et Lombard. Vous y ajouterez que l'Empereur ne tient pas au Hanovre, mais qu'il faut qu'on y mette des formes; qu'il est incalculable ce que peut faire l'Empereur ; que l'Empereur est l'homme du monde sur lequel les menaces ont le moins d'effet et qui s'en irrite le plus; qu'il sait bien que Frédéric, avec la Prusse, a résisté à l'Europe entière; qu'il vaut mieux que Frédéric, et la France que la Prusse; que le comité de salut public a résisté aussi à l'Europe entière, et que tout le monde sait que l'Empereur a des armées différentes de celles du comité de salut public. Dites à M. Lombard qu'il y a eu de la gloire à se mettre le premier contre moi , mais qu'il y a de la lâcheté à s'y mettre le dernier, après que j'ai fait tout ce qu'a voulu la Prusse; que si les Russes sont des ennemis barbares et à redouter, je ne suis pas un ennemi à dédaigner. C'est surtout à M. Lombard qu'il faut dire : 

"L'Empereur m'écrit qu'on veut arracher ses aigles des bords du Weser; on doit savoir qu'elles n'ont jamais souffert d'affront."

D'ailleurs faites comprendre que j'ignorais l'état de la question; que je ne suis instruit que par les bruits de l'Allemagne.

Du reste, écrivez au général Barbou, qui commande en Hanovre, qu'il doit se retirer dans les places, les défendre contre tout le monde et ne les rendre que sur un ordre de moi, qui lui serait porté par un de mes aides de camp.


Augsbourg, 24 octobre 1805

A M. Otto

J'imagine que vous avez fait passer des nouvelles, an fur et à mesure qu'il y en a eu, au commandant en Hanovre. Je ne pense pas que les Prussiens aient l'audace de se porter en Hanovre pour arracher mes aigles; cela ne pourrait se faire sans du sang. Les drapeaux français n'ont jamais souffert d'affront. Je ne tiens point au Hanovre, mais je tiens à l'honneur plus qu'à la vie. Je serai ce soir à Munich. Les prisonniers sont aujourd'hui sur la route de France.


Augsbourg, 24 octobre 1805

Au général Barbou (Gabriel Barbou d'Escourières, 1761-1827)

Monsieur le Général de division Barbou, j'ignore ce qui se prépare; mais, quelle que soit la puissance dont les armées veuillent entrer en Hanovre, serait-ce même une puissance qui ne m'eût pas déclaré la guerre, vous devez vous y opposer. N'ayant point assez de forces pour résister à une armée, enfermez-vous dans les forteresses et ne laissez approcher personne sous le canon de ces forteresses. Je saurai venir au secours des troupes renfermées dans Hameln. Mes aigles n'ont jamais souffert d'affront. J'espère que les troupes que vous commandez seront dignes de leurs camarades et sauront conserver l'honneur, la plus belle et la plus précieuse propriété des nations. Vous ne devez rendre la place que sur un ordre de moi, qui vous serait porté par un de mes aides de camp.


Augsbourg, 24 octobre 1805

Ordre au colonel Lebrun

L'aide de camp Lebrun se rendra à Donauwoerth, et de là à Noerdlingen, jusqu'à ce qu'il trouve le grand parc.

Il verra pourquoi le grand parc ne vient pas à Augsbourg. Il prendra note du nombre de voitures, canons, chevaux, infanterie d'escorte; combien de pièces, chariots, munitions, on a pris à l'ennemi.

Il prendra à Donauwoerth une patrouille d'une cinquantaine de chasseurs, et se rendra avec sur la route de Noerdlingen à Aalen, par la montagne. Il ramassera les chariots, etc., restés, et requerra les baillis pour faire conduire le tout à Donauwoerth.


Augsbourg, 24 octobre 1805

Au général Songis

Je vous ai fait donner l'ordre d'armer la place d'Augsbourg. A Ulm, il y a quelques grosses pièces, car l'ennemi nous a tiré quelques coups de canon, qui sont au moins du 16. Faites faire des recherches, soit à Ulm , soit à Donauwoerth , ou dans quelque place de la Bavière, car il serait utile d'avoir du canon d'un calibre supérieur à 16, pour armer Augsbourg. Établissez-y un petit arsenal, une grande salle d'artifice, un magasin de cartouches et de poudre, des magasins de bourrelier pour vos attelages, et enfin tous les objets que mon intention est de tenir dans cette ville. Laissez le nombre d'officiers d'artillerie nécessaire pour bien organiser le service de la place. Établissez-y une salle d'armes, un atelier d'armurier, et réunissez dans cette place les fusils et canons qui ont été pris aux Autrichiens.


Augsbourg, 24 octobre 1805

A M. Petiet, intendant général de l'armée

Nous avons marché sans magasins; nous y avons été contraints par les circonstances. Nous avons eu une saison extrêmement favorable pour cela; mais, quoique nous ayons été constamment victorieux et que nous ayons trouvé des légumes dans les champs, nous avons cependant beaucoup souffert. Dans une saison où il n'y a point de pommes de terre dans les champs, ou si l'armée éprouve quelques revers, le défaut de magasins nous conduirait aux plus grands malheurs.

J'imagine que d'ici à quinze jours les moyens de transport de la compagnie Breidt seront arrivés à Augsbourg. Je désire que d'ici ce temps-là vous ayez Augsbourg 1,000,000 de rations de biscuit, des fours pour pouvoir cuire 80,000 rations par jour, et des farines en magasin pour pouvoir cuire 2,000,000 de rations; 300,000 boisseaux d'avoine, et 100,000 pintes d'eau-de-vie.

La place d'Augsbourg est forte; je la fais armer. Elle sera toujours munie de troupes pour se défendre en cas d'attaque. J'ai déterminé qu'elle serait le dernier terme d'évacuation pour les malades et les blessés. C'est ici qu'il faut centraliser tous les magasins. Je ne saurais trop vous recommander ces objets importants; la moindre négligence, le moindre retard peuvent avoir les effets les plus funestes pour l'armée et pour l'Empire.


Augsbourg, 24 octobre 1805

A M. Petiet

Mettez 5,000 paires de souliers à la disposition du général Marmont, pour être distribuées à son corps d'armée. Faites-en passer 5.000 à Munich pour être partagées entre les corps qui composent le corps d'armée du maréchal Soult. Envoyez-en 5,000 à Landshut, faites-les partir demain à la pointe du jour; ces souliers sont destinés à la division Oudinot, corps du maréchal Lannes. Ils pourront être escortés par les détachements de grenadiers qui escortaient le biscuit que je vous ai donné l'ordre de faire rentrer en magasin. Faites aussi distribuer demain 1,000 paires de souliers à ma Garde; et, puisque Augsbourg ne fournit pas les moyens d'avoir des souliers, voyez si Donauwoerth, Ulm ou toute autre ville vous offriraient plus de ressources, et faites en sorte de vous procurer, indépendamment des souliers que doivent recevoir les corps, une cinquantaine de mille paires. Rien n'est aussi important que cela. Je ne sais point si Nuremberg ne pourrait pas en fournir; c'est une ville qui a l'avantage d'être un centre de commerce et d'être peu éloignée d'ici. Voyez à y envoyer quelqu'un pour y faire faire une centaine de milliers de paires de souliers.


Munich, 24 octobre 1805 (date présumée)

Au maréchal Berthier, major général

J'arrive á Munich; j'attends de vos nouvelles; je suis toujours assez bien portant.

(Picard)


Munich, 24 octobre 1805 (date présumée)

DÉCISION

Le ministre de la guerre propose d'accorder des exemptions de service à 24 conscrits des ans XI, XIV et XV, demandés par le ministre de la marine pour être employés dans les fonderies de canons Refusé.

(Picard)


Quartier impérial, Munich, 25 octobre 1805

ORDRE GÉNÉRAL

Ce qui restait de la garde impériale détaché au corps du prince Murat, à Ingolstadt, a ordre de se rendre à Munich.

Le premier corps, aux ordres du maréchal Bernadotte, part demain de Munich et environs, et se dirige sur Wasserburg, où son avant-garde doit arriver le soir, si l'ennemi ne s'y trouve pas en force, et son arrière-garde doit dépasser Oberndorf. Ce corps est destiné à conquérir le pays de Salzburg.

Le corps bavarois suit les mouvements du premier corps, en laissant un régiment à Donauwoerth, un bataillon à Bain, un à Landsberg et une brigade à Ulm.

Le 2e corps, Marmont, divisions Grouchy et Boudet, sont en marche d'Augsbourg sur Munich; elles arriveront demain aux environs. La division batave, qui est à Ingolstadt, a ordre de partir demain pour Landshut.

Le 3e corps, maréchal Davout, qui est à Freising, doit prendre position demain entre Freising et Mühldorf,, en passant par Erding et Dorfen.

Le 4e corps, maréchal Soult, en marche de Landsberg sur Munich, doit arriver demain à deux lieues en avant de Munich, sur le chemin de Mühldorf, sa cavalerie légère devant joindre le prince Murat, qui sera demain à Hohenlinden.

Le 5e corps, maréchal Lannes, qui se concentre à Landshut, doit se rendre le plus tôt possible à Vilsbiburg.

Le 6e corps doit quitter Ulm demain, pour se rendre à Landshut, excepté la division Dupont, qui, se trouvant à Neustadt, doit marcher sur Landshut.

Le 7e corps, maréchal Augereau, qui arrive à Fribourg, doit marcher sur Kempten.

Du corps de réserve aux ordres du prince Murat, la division de cavalerie Nansouty doit se rendre demain de Neustadt à Landshut, où elle sera aux ordres du maréchal Lannes.

La division d'Hautpoul, qui est entre Freising et Munich, passe demain l'Isar pour se rendre à Hohenlinden.

La 1e division de dragons, Klein, a ordre de se rendre d'Ingolstadt à Landshut.

La 2e et la 3e se rendront des environs de Munich à Hohenlinden. La 4e division, Bourcier, a eu ordre de se rendre de Geislingen à Augsbourg.

Des dragons à pied, une brigade, en partie montée à Ulm , arrive à Augsbourg; l'autre est à Ingolstadt.

Le grand parc achève d'arriver à Augsbourg.

L'équipage de pont part demain de Munich, pour aller à quatre lieues, sur la rive de Hohenlinden, avec les sapeurs et mineurs de l'état-major général.


Munich, 26 octobre 1805

A l'électeur de Bade

Mon Frère, je reçois votre lettre du 22 octobre. Je vous remercie des choses aimables que vous me dites. Je sais que vous prenez part à mes succès, et par votre propre intérêt, et par les sentiments que vous me portez. 


Munich, 26 octobre 1805

A M. Fouché

Renvoyez le commissaire autrichien de Strasbourg. Faites mettre au cachot le prisonnier anglais Wright, ce misérable assassin qui a voulu s'échapper du Temple. Empêchez qu'on ne mette dans les journaux de Paris ce que M. Lebrun fait imprimer à Gênes, entre autres des lettres supposées de moi, dans lesquelles on me fait parler comme un savetier.


Munich, 26 octobre 1805

11e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

L'Empereur est arrivé à Munich le 2 brumaire (24 octobre), à neuf heures du soir. La ville était illuminée avec beaucoup de goût. Un grand nombre de personnes avaient décoré le devant de leurs maisons d'emblèmes qui étaient les expressions de leurs sentiments.

Le 3 (25 octobre), au matin, les grands officiers de l'Électeur, les chambellans et gentilshommes de la cour, les ministres, les généraux, les conseillers intimes, le corps diplomatique accrédité près S.A. S. Électorale, les députés des États de Bavière et les magistrats de la ville de Munich ont été présentés à Sa Majesté, qui les a entretenus fort longtemps des affaires économiques de leur pays.

Le prince Murat est arrivé à Munich. Il a montré dans son expédition une prodigieuse activité. Il ne cesse de se louer de la belle charge des chasseurs de la garde impériale et des carabiniers. Un trésor de 200,000 florins est tombé en leur pouvoir; ils ont passé outre sans en rien toucher et ont continué à poursuivre l'ennemi.

Le prince Ferdinand s'est trouvé au dernier combat et s'est sauvé sur le cheval d'un lieutenant de cavalerie.

Toute la ville de Nuremberg a été témoin de la bravoure des Français. Un grand nombre de déserteurs et de fuyards des débris de l'armée autrichienne remplissent la province de Franconie, où ils commettent beaucoup de désordres. Tous les bagages de l'ennemi ont été pris.

Le soir, l'Empereur s'est rendu an théâtre, où il a été accueilli par les démonstrations les plus sincères de joie et de gratitude.

Aujourd'hui l'Empereur, après avoir vu défiler les troupes du corps d'armée du maréchal Soult, est allé à la chasse à Nymphenburg, maison de plaisance de l'Électeur.

Tout est en mouvement; nos armées ont passé l'Isar et se dirigent sur l'Inn, où le maréchal Bernadotte d'un côté, le général Marmont d'un autre, et le maréchal Davout seront ce soir.


Munich, 27 octobre 1805

Au prince Joseph

Mon Frère, je pense qu'il est assez convenable de ne rien mettre dans le Moniteur des bruits que l'on répand. A mesure que je m'éloigne, on en répandra de faux qu'on sera obligé de démentir. Il faut donc laisser le temps aux nouvelles réelles d'arriver.

J'espère qu'à la fin du mois je pourrai vous témoigner ma satisfaction sur l'arrivée des conscrits. Je n'ai point encore fait de grandes pertes. Cependant, s i la guerre se prolonge, il faut que je calcule sur une forte armée à laisser dans le nord, pour protéger la Hollande.

La Prusse se conduit d'une manière assez équivoque.

Je n'ai appelé que la réserve de cinquante-quatre départements; ce n'est pas que je n'eusse besoin de la réserve entière, mais c'est qu'il y a des départements dont je crains le mauvais esprit. Si le ministre de l'intérieur ne voit pas d'inconvénients à faire l'appel de la réserve des autres départements, qu'il la fasse. Quant au lieu de leur destination, il faut les diriger toutes sur Strasbourg. J'indiquerai au ministre de la guerre les corps dans lesquels je désire que ces hommes soient incorporés.

Je manœuvre contre l'armée russe, qui est en position sur l'Inn, et assez forte.

Avant quinze jours, j'aurai en tête 100,000 Russes et 60,00 Autrichiens venus soit d'Italie, soit des autres corps qui étaient en réserve dans la monarchie. Je les vaincrai, mais probablement cela me coûtera quelques pertes.

J'imagine que le ministre Dejean prend les mesures nécessaires pour assurer l'habillement des conscrits. Notre absence de la France doit lui épargner beaucoup de subsistances et de frais qu'il était obligé de faire lorsque nous étions au camp de Boulogne.


Munich, 27 octobre 1805

A M. Champagny

Monsieur Champagny, proposez-moi un préfet pour le département du Rhône; il est instant de le nommer. Voyez à vous concerter avec le ministre de la police pour faire marcher la réserve des départements. Je n'ai point appelé la réserve de tous les départements, parce qu'il y en a que j'ai voulu ménager. Écrivez aux préfets des départements dont je n'ai pas appelé la réserve de vous faire connaître s'ils pensent que l'appel de leur réserve ne nuira pas à la conscription de l'an XIV. Ils feront, dans ce cas, comme s'ils avaient reçu le décret, et dirigeront sur-le-champ leurs conscrits sur Strasbourg.


Munich, 27 octobre 1805

A M. Fouché

J'ai reçu vos différents bulletins. J'imagine que vous avez donné suite à l'affaire d'Aix. Je suis fâché de voir qu'il y a dans cette ville un mauvais esprit, et qu'on y ait saisi cette circonstance pour se conduire si mal. Vous pouvez dire à Siméon et à Portalis d'écrire que je l'ai appris avec peine au fond de l'Allemagne. Il paraît que les prêtres se comportent fort bien. Je n'ai pas appelé la réserve de la conscription de tous les départements; il y en a plusieurs dont je craignais le mauvais esprit. S'il en est que les préfets croient pouvoir faire marcher sans inconvénient, concertez-vous avec le ministre de l'intérieur pour les faire diriger sur Strasbourg.

Dites au préfet de Toulouse que je n'entends pas raillerie; qu'il faut que la conscription marche, sans quoi j'en conclurai qu'il a donné une mauvaise direction à son département. Écrivez la même chose à Bordeaux.


Munich, 27 octobre 1805

Au roi de Prusse ( La minute de cette pièce porte en marge : On ignore si cette lettre a été envoyée) 

Monsieur mon Frère, j'apprends que la lettre que j'ai écrite de Ludwigsburg à Votre Majesté ne lui a pas paru une suffisante satisfaction. Cependant c'était la pure vérité. J'ignorais absolument que le passage d'une partie de mes troupes sur le territoire d'Anspach pût être une question. Le traité de Bâle et l'exemple de deux guerres qui ont eu lieu depuis m'avaient empêché de considérer que ce passage pût être un sujet de difficultés. Lorsque l'électeur de Bavière m'en donna quelques soupçons, mes troupes étaient déjà sur les marquisats. Ces pays ne tiennent pas à sa monarchie. Il eût été difficile au prince Ferdinand de n'en point violer le territoire dans les dernières circonstances où il s'est trouvé. Mais Votre Majesté est maître sans doute d'établir dans ses États, quelle que soit leur situation, police et la règle qu'il lui plaît. Ce qui doit prouver à Votre Majesté la bonne foi dans laquelle j'étais sur ce point, c'est le nombre et la puissance des ennemis que j'ai en tête : comment aurais-je pu penser à m'en susciter un si puissant, que tant de raisons de politique et tant de sentiments me portaient à honorer ? Sire, je désire que les autres princes soient aussi disposés que moi à saisir toutes les circonstances qui puissent convaincre Votre Majesté et l'Europe de mon parfait attachement et de l'extrême ménagement que je porte à ses intérêts. Il n'est aucune espèce de satisfaction que je ne sois prêt à donner à Votre Majesté. Qu'elle se rappelle que c'est moi-même lui ai proposé d'accroître ses États de tout l'Électorat, ce qui toutefois me rendait plus difficile la paix avec l'Angleterre. Je n'y ai mis aucune clause, puisque je laissais Votre Majesté maîtresse de ne se déclarer qu'un an après. Depuis, j'ai consenti à lui donner le Hanovre en dépôt, et si toutes les conditions n'ont point eu son assentiment, Sire, elles n'ont point été imaginées; elles sont, mot pour mot, les propres propositions de votre ministre, comme le constatent les dépêches de M. Laforest, il y a trois mois. Il est vrai qu'alors je n'avais qu'une guerre maritime à soutenir; que, depuis, une coalition continentale s'est déclarée contre moi; mais je comptais sur la générosité de Votre Majesté, qui ne voudrait pas profiter de circonstances que l'ambition de la Russie, qui pèse tant sur ses voisins, a seule fait naître. D'ailleurs ces conditions n'étaient point un ultimatum. Tout ce qui m'offrira les moyens de regagner l'amitié et la confiance de Votre Majesté, je suis prêt à le faire. Mais, Sire, je vous conjure d'écouter, non uniquement la voix de mes ennemis, et, j'ose le dire, de ceux de la Prusse, mais un sentiment que je me flatte que Votre Majesté conserve encore dans son cœur pour moi. Qu'elle ne mette pas, moi et mon peuple, dans la cruelle nécessité de n'avoir aucun refuge entre son inimitié et le déshonneur. Mes drapeaux ne sauraient supporter la honte. Il n'est aucun Français qui ne préfère la mort. Votre Majesté peut, par ses résolutions actuelles, puissamment aider les armées russes; mais, j'ose le dire à Votre Majesté, les conséquences en seront funestes pour toute l'Europe, et surtout pour les voisins de la Russie. Cette lettre, Votre Majesté verra que c'est mon cœur qui l'a dictée; je désire qu'il n'y ait rien qui l'offense, étant écrite dans le but de lui plaire. Sur ce, je prie Dieu, Monsieur mon Frère, qu'il veuille tenir Votre Majesté en sa sainte et digne garde.

Votre bon Frère, Napoléon.


Munich, 27 octobre 1805

12e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Au cinquième. bulletin de l'armée il faut joindre la capitulation de Memmingen, qui a été oubliée.

On travaille dans ce moment avec la plus grande activité aux fortifications d'Ingolstadt et d'Augsbourg.

Des têtes de pont sont construites à tous les ponts du Lech, et des magasins sont établis sur les derrières.

Sa Majesté a été extrêmement satisfaite du zèle et de l'activité du général de brigade Bertrand, son aide de camp, qu'elle a fréquemment employé à des reconnaissances.

Elle a ordonné la démolition des fortifications des villes d'Ulm et de Memmingen.

L'électeur de Bavière est attendu à tout instant. L'Empereur a envoyé son aide de camp, colonel Lebrun, pour le recevoir et lui offrir sur sa route des escortes d'honneur.

Un Te Deum a été chanté à Augsbourg et à Munich. La proclamation (de l'électeur de Bavière) ci-jointe a été affichée dans toutes les villes de Bavière. Le peuple bavarois est plein de bons sentiments; il court aux armes et forme des gardes volontaires pour défendre le pays contre les incursions des Cosaques.

Les généraux Deroy et Wrede montrent la plus grande activité : ce dernier a fait beaucoup de prisonniers autrichiens; il a servi, pendant la guerre passée, dans l'armée autrichienne, et il s'y est distingué.

Le général Mack, ayant traversé en poste la Bavière pour retourner à Vienne, rencontra le général Wrede aux avant-postes près l'Inn. Ils eurent une longue conversation sur la manière dont les Français traitaient l'armée bavaroise.

" Nous sommes mieux qu'avec vous, lui dit le général Wrede, nous n'avons ni morgue, ni mauvais traitements à essuyer; et loin d'être exposés aux premiers coups, nous sommes obligés de demander les postes périlleux, parce que les Français se les réservent de préférence. Chez vous, au contraire, nous étions envoyés partout où il y avait de mauvaises affaires à essuyer."

Un officier d'état-major vient d'arriver de l'armée d'Italie. La campagne a commencé le 26 vendémiaire (18 octobre). Cette armée formera bientôt la droite de la Grande Armée.

L'Empereur a donné hier un concert à toutes les dames de la Cour; il a fait un accueil très-distingué à madame de Montgelas, femme du premier ministre de l'Électeur, et distinguée d'ailleurs par son mérite personnel.

Il a témoigné son contentement à M. de Winter, maître de musique de l'Électeur, sur la bonne composition de ses morceaux, tous pleins de verve et de talent.

Aujourd'hui dimanche, 5 brumaire (27 octobre), l'Empereur a entendu la messe dans la chapelle du palais.

Voici les noms des généraux autrichiens qui ont été faits prisonniers. Le nombre des officiers est de 1,500 à 2,000. Chaque officier a signé sa parole d'honneur de ne pas servir; on espère qu'ils la tiendront exactement; s'il en était autrement, les lois de la guerre seraient suivies dans toute leur rigueur.

ÉTAT DES OFFICIERS GÉNÉRAUX AUTRICHIENS
FAITS PRISONNIERS AUX AFFAIRES D'ELCHINGEN, WERTINGEN, MEMMINGEN, ULM, ETC.

M. le baron Mack, feld-maréchal- lieutenant, quartier-maître général;

MM. le prince de Hesse-Hombourg, le baron de Stipsicz, feld-maréchaux-lieutenants;

MM. le comte de Gyulai, le baron de Laudon, le comte de Klenau, le comte de Gottesheim, le comte de Riesch, le comte Baillet, le comte de Werneck, le prince de Hohenzollern, feld-maréchaux-lieu tenants, quartiers-maîtres généraux de l'armée du prince Ferdinand.

MM. le prince de Liechtenstein, le baron d'Abele, le baron dUlm, le baron de Weidenfeld, le comte d'Auersperg, le comte de Ghenedegg, le comte de Fresnel, le comte de Sticker, le comte de Herrmann, pris à Elchingen; le comte de Hermann, pris à Ulm; le comte de Richter, le comte de Dinnersberg, le comte de Mecséry, le comte de Vogl, le comte de Weber, le comte de Hohenfeld , le baron d'Aspre, le comte de Spangen, généraux-majors.


Munich, 27 octobre 1805

Au maréchal Berthier, major général de la Grande Armée

Mon Cousin, demandez aux maréchaux Brune, Kellermann et Lefebvre et au général Gouvion l'état de leur résertve au 1er brumaire et de ce qu'ils ont perdu et gagné depuis le 1er vendémiaire. Recommandez-leur que les états soient de la plus grande exactitude. Faîtes-moi faire également un état de situation de tous les corps de l'empire au 1er vendémiaire, du nombre de conscrits qu'ils recevront par l'appel de la réserve et de ce qu'ils recevront par la conscription de l'an 14, afin que je connaisse l'état de ces régiments au 1er frimaire, époque à laquelle je pense que les appels de la réserve et une grande partie de la conscription de l'an 14 seront arrivés.

(Brotonne)


Haag, 28 octobre 1805

13e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Le corps d'armée du maréchal Bernadotte est parti de Munich le 4 brumaire; il est arrivé le 5(27 octobre) à Wasserburg, sur l'Inn, et est allé coucher à Altenmarkt. Six arches du pont étaient brûlées. Le comte Minucci, colonel de l'armée bavaroise, s'est porté de Rott à Rosenheim; il avait trouvé également le pont brûlé et l'ennemi de l'autre côté. Après une vive canonnade, l'ennemi céda la rive droite. Plusieurs bataillons français et bavarois passèrent l'Inn, et le 6 (28 octobre), à midi, l'un et l'autre pont étaient entièrement rétablis. Les colonels du génie Morio et Somis ont mis la plus grande activité à la réparation desdits ponts. L'ennemi a été vivement poursuivi dès qu'on a pu passer; on a fait à son arrière-garde 50 prisonniers.

Le maréchal Davout, avec son corps d'armée, est parti de Freissing le 4 (26 octobre), et s'est trouvé le 5 (27 octobre) à Mühldorf. L'ennemi a défendu la rive droite, où il avait établi des batteries très-avantageusement situées. Le pont était tellement détruit qu'on a eu de la peine à le rétablir. Le 6 (28 octobre), à midi, une grande partie du corps du maréchal Davout était passé au delà.

Le prince Murat a fait passer une brigade de cavalerie sur le pont de Mühldorf, a fait rétablir les ponts d'OEtting et de Marktl, et les a passés avec une partie de sa réserve. L'Empereur s'est porté de sa personne à Haag.

Le corps d'armée du maréchal Soult a bivouaqué en avant de Haag; le corps du maréchal Marmont couche ce soir à Vilsbiburg; celui du maréchal Ney à Landsberg; celui du maréchal Lannes sur la route de Landshut à Braunau. Tous les renseignements que l'on a sur l'ennemi portent que l'armée russe marche en retraite.

Il a beaucoup plu toute la journée. Tout le pays situé entre l'Isar et l'Inn n'offre qu'une forêt continue de sapins : pays fort ingrat. L'armée a eu beaucoup à se louer du zèle et de l'empressement des habitants de Munich à lui fournir les subsistances qui lui étaient nécessaires.


Munich, 28 octobre 1805 (de la main de Maret, non signée)

DÉCISION

Le maréchal Berthier propose de transformer en compagnie de canonniers gardes-côtes la compagnie franche de l'île de Caprera. Approuvé
Projet de décret relatif aux travaux des commissions mixtes réunies dans la place de Liége et dans les postes militaires de Huy, Hasselt et Maaseyk Renvoyé en Conseil d'État.
Le ministre de la guerre propose de renvoyer au Conseil d'État un projet de décret sur le travail de la commission pour la supression de la place de Charleroi Renvoyé en Conseil d'État.

(Picard)


Braunau, 30 octobre 1805

Au prince Joseph

Mon Frère, je suis arrivé à Braunau aujourd'hui. Il tombe de la neige à gros flocons. L'armée russe paraît fort épouvantée du sort de l'armée autrichienne. Elle m'a laissé Braunau, qui est une des clefs de l'Autriche; cette place a une belle enceinte et est munie de magasins de toute espèce. Nous allons voir ce que fera cette armée russe; elle a perdu la tête. On est fort mécontent, en Autriche, des Russes, qui pillent, volent et violent partout. Ils dédaignent avec mépris les Autrichiens, qui commencent à ne plus se battre qu'à regret, les officiers russes s'entend, car les soldats sont tout à fait brutes et ne savent pas distinguer un autrichien d'un Français.


Camp impérial de Braunau, 30 octobre 1805

MESSAGE AU SÉNAT CONSERVATEUR

Sénateurs, j'ai jugé devoir nommer à la place éminente de sénateur deux citoyens de Gênes des plus distingués par leur rang, leur talents, les services qu'ils m'ont rendus et l'attachement qu'ils m'ont montré dans toutes les circonstances. Je désire que le peuple de Gènes voie dans cette nomination une preuve de l'amour que je lui porte.


Braunau, 30 octobre 1805

A M. Cambacérès

Je vous remercie de ce que vous me dites dans votre lettre. Nous avons un très-mauvais temps, ce qui ne nous empêche pas de faire de grandes marches et d'aller droit à notre but. Nous bivouaquons et marchons dans la boue; mais heureusement que, si ce temps nous fait souffrir, il fait encore plus souffrir l'armée russe, qui se retire dans le plus grand désordre.


Braunau, 30 octobre 1805

A M. Talleyrand

Monsieur Talleyrand, je suis enchanté de la prise de Braunau, qui est une place forte que j'ai trouvée remplie de magasins, de poudre et de munitions de toute espèce. Ces gens-ci n'ont plus de chef; la peur panique s'est emparée d'eux. Je pense qu'il ne faut envoyer mes bulletins de l'armée qu'en Italie, à l'Impératrice et au prince Joseph, et non à Berlin. Il ne faut pas qu'on y connaisse ma position. L'empereur Alexandre y est, et peut très-bien en profiter pour envoyer des ordres à son armée. Tout bien pensé, il ne faut pas envoyer de bulletin à Berlin. Écrivez à mon ministre, à la Haye, de voir le Grand Pensionnaire pour l'engager à faire tous ses efforts pour mettre la Hollande dans un bon état de défense et armer les places; pour lui faire connaître que je saurai, en temps et lieu, envoyer à son secours une colonne de mon armée; qu'il ne doit rien épargner pour avoir des chevaux d'artillerie, des magasins, et pour que les places soient parfaitement approvisionnées et armées; et que l'activité et l'éclat qu'on y mettra en imposeront beaucoup à l'ennemi.


Braunau, 30 octobre 1805

14e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE

Le maréchal Bernadotte est arrivé le 8 (30 octobre), à dix heures du matin, à Salzburg. L'Électeur en était parti depuis plusieurs jours. Un corps de 6,000 hommes, qui y était, s'était retiré précipitamment la veille.

Le quartier général impérial était le 6(28 octobre) à Haag, le 7 (29 octobre) à Mühldorf et le 8 (30 octobre) à Braunau.

Le maréchal Davout a employé la journée du 7(29 octobre) à faire réparer entièrement le pont de Mühldorf. 

Le 11e régiment de chasseurs a exécuté une belle charge sur l'ennemi, lui a tué une vingtaine d'hommes et lui a fait plusieurs prisonniers, parmi lesquels s'est trouvé un capitaine de hussards.

Dans la journée du 7 (29 octobre), le maréchal Lannes est arrivé avec la cavalerie légère au pont de Braunau. Il était parti de Landshut. Le pont était coupé. Il a sur-le-champ fait embarquer sur deux bateaux une soixantaine d'hommes. L'ennemi, qui d'ailleurs était poursuivi par la réserve du prince Murat, a abandonné la ville; l'audace des chasseurs du 13e a contribué à précipiter sa retraite.

La mésintelligence entre les Russes et les Autrichiens commence à s'apercevoir. Les Russes pillent tout. Les officiers les plus instruits d'entre eux comprennent bien que la guerre qu'ils font est impolitique, puisqu'ils n'ont rien à gagner contre les Français, que la nature n'a pas placés pour être leurs ennemis.

Braunau, comme il se trouve, peut être considéré comme une des plus belles et des plus utiles acquisitions de l'armée. Cette place est entourée d'une enceinte bastionnée avec pont-levis, demi-lune et des fossés pleins d'eau. Il y a de nombreux magasins d'artillerie et tous en bon état; mais, ce qui paraîtra difficile à croire, c'est qu'elle est parfaitement approvisionnée. On y a trouvé 40,000 rations de pain, prêtes à être distribuées, plus de 1,000 sacs de farine. L'artillerie de la place consiste en quarante-cinq pièces de canon avec double affût de rechange, en mortiers approvisionnés de plus de 40,000 boulets et obusiers. Les Russes y ont laissé une centaine de milliers de poudre, une grande quantité de cartouches, de plomb, un millier de fusils, et tout l'approvisionnement nécessaire pour soutenir un grand siège.
L'Empereur a nommé le général Lauriston, qui arrive de Cadix, gouverneur de cette place, où il a établi le dépôt du quartier général de l'armée.


Braunau, 31 octobre 1805, 11 heures du matin. 

Au prince Murat

Je reçois vos nouvelles de la bonne conduite de ma cavalerie à Ried. Je désire beaucoup savoir le nom du maréchal des logis du 8e de dragons.

Voici mon ordre de marche :

Le maréchal Davout suit la route de Braunau, Altheim, Ried, Lambach, d'où je le dirigerai sur Steyer.

Le maréchal Soult suit la route d'Obernberg, Zell, Neumarkt et Wels; mais il ne sera que ce soir, tout au plus, à Obernberg.

Le maréchal Lannes arrivera aujourd'hui à Schaerding, et suivra la route de Linz par Willibald et Efferding.

Le général Marmont ne sera que demain à Strasswalchen, suivra la route de Strasswalchen, Voecklabrück et Gmunden.

Le maréchal Bernadotte, qui est à Salzburg, ne bougera que pour servir de réserve, à moins que mes rapports ne m'apprennent que l'ennemi est dans une très-forte position. Le maréchal Ney marche sur Inspruck.(Innsbruck)

Le général Dupont se porte sur Passau, pour occuper cette place. Mais il faut donner un peu le temps à tout le monde de faire son mouvement. Il ne faut donc point aller si vite. Si l'ennemi tient à Wels, il est nécessaire que le maréchal Davout ne dépasse pas aujourd'hui Ried, ayant son avant-garde à Haag. Si, au contraire, l'ennemi évacuait Wels, il n'y aurait aucun inconvénient que ce général allât à Lambach.

Il faut marcher avec prudence. Les Russes ne sont pas encore entamés; ils savent aussi attaquer, et il serait malheureux que les derrières du maréchal Davout, qui sont faibles et exténués, fussent attaqués dans cette position. Il faut aussi que le maréchal Davout procure du pain et de la viande aux soldats.

J'ai nommé le général Lauriston gouverneur de Braunau, qui est pour nous d'une ressource immense.


Braunau, 31 octobre 1805

15e BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE.

Plusieurs déserteurs russes sont déjà arrivés, entre autres un sergent-major natif de Moscou, homme de quelque intelligence. On s'imagine bien que tout le monde l'a questionné. Il a dit que l'armée russe était dans des dispositions bien différentes pour les Français que dans la dernière guerre; que les prisonniers qui étaient revenus de France s'en étaient beaucoup loués; qu'il y en avait six dans sa compagnie, qui, au moment du départ de Pologne, avaient été envoyés plus loin; que si on avait laissé dans les régiments tous les hommes revenus de France, il n'y avait pas de doute qu'ils n'eussent tous déserté; que les Russes étaient fâchés de se battre pour les Allemands qu'ils n'aiment pas, et qu'ils avaient une haute idée de la valeur française. On lui a demandé s'ils aimaient l'empereur Alexandre; il a répondu qu'ils étaient trop misérables pour lui porter de l'attachement; que les soldats aimaient mieux l'empereur Paul, mais que la noblesse préférait l'empereur Alexandre; que les Russes, en général, étaient contents d'être sortis de chez eux, parce qu'il vivaient mieux et étaient mieux payés; qu'ils désiraient tous ne pas retourner en Russie, et qu'ils préféraient s'établir dans d'autres climat à retourner sous la verge d'une aussi rude discipline; qu'ils savaient que les Autrichiens avaient perdu toutes leurs batailles et ne faisaient que pleurer.

Le prince Murat s'est mis à la poursuite de l'ennemi. Il a rencontré l'arrière-garde des Autrichiens, forte de 6,000 hommes, sur la route de Mernbach. L'apercevoir et la charger n'a été qu'une même chose pour sa cavalerie. Cette arrière-garde a été disséminée sur les hauteurs de Ried. La cavalerie ennemie s'est alors ralliée pour protéger le passage de l'infanterie par un défilé; mais le 1e régiment de chasseurs et la division de dragons du général Beaumont l'ont culbutée, et se sont jetés avec l'infanterie ennemie dans le défilé. La fusillade a été assez vive, mais l'obscurité de la nuit a sauvé cette division ennemie. Une partie s'est éparpillée dans les bois; il n'a été fait que 500 prisonniers. L'avant-garde du corps du prince Murat a pris position à Haag. Le colonel Montbrun , du 1er de chasseurs, s'est couvert de gloire.

Le 8e régiment de dragons a soutenu sa vieille réputation. Un maréchal des logis de ce régiment, ayant eu le poignet emporté, dit devant le prince, au moment où il passait : 

"Je regrette ma main, parce qu'elle ne pourra plus servir notre brave Empereur"

L'Empereur, en apprenant ce trait, a dit :

" Je reconnais bien là les sentiments du 8e : qu'on donne à ce maréchal des logis une place avantageuse et selon son état dans le palais de Versailles."

Les habitants de Braunau, selon l'usage, avaient porté dans leurs maisons une grande partie des magasins de la place. Une proclamation a tout fait rapporter. Il y a à présent un millier de sacs de farine, une grande quantité d'avoine, des magasins d'artillerie dé toute espèce, une très-belle manutention et 60,000 rations de pain, dont nous avions grand besoin; une partie a été distribuée au corps du maréchal Soult.

Le maréchal Bernadotte est arrivé à Salzburg. L'ennemi s'est retiré sur la route de Carinthie et de Wels. Un régiment d'infanterie voulait tenir au village de Hallein; il a dû se retirer sur le village de Golling, où le maréchal espérait que le général Kellermann parviendrait à lui couper la retraite et à l'enlever.

Les habitants assurent que, dans son inquiétude, l'empereur d'Allemagne s'était porté jusqu'à Wels, où il avait appris le désastre de son armée. Il y avait appris aussi les clameurs de ses peuples de Bohême et d'Autriche contre les Russes, qui pillent et violent d'une manière si effrénée, qu'on désirait l'arrivée des Français pour les délivrer de ces singuliers alliés.

Le maréchal Davout, avec son corps d'armée, a pris position entre Ried et Haag. Tous les autres corps d'armée sont en grand mouvement. Mais le temps est affreux; il est tombé un demi-pied de neige, ce qui a rendu les chemins détestables.

Le ministre secrétaire d'État Maret a joint l'Empereur à Braunau. L'électeur de Bavière est de retour à Munich. Il a été reçu avec le plus grand enthousiasme par le peuple de sa capitale.

Plusieurs malles de Vienne ont été interceptées : les lettres les plus récentes étaient du 28 octobre; on commençait à y avoir des nouvelles de l'affaire de Wertingen; elle y avait répandu la consternation. Les vivres y étaient d'une cherté à laquelle on ne pouvait atteindre; la famine menaçait Vienne; cependant la récolte a été abondante; mais la dépréciation du papier-monnaie et des assignats, qui perdaient plus de 40 pour cent, avait porté tout au plus haut prix. Le sentiment de la chute du papier-monnaie autrichien était dans tous les esprits; le cultivateur ne voulait plus échanger ses denrées contre un papier de nulle valeur. Il n'est pas un homme en Allemagne qui ne considère les Anglais comme les auteurs de la guerre, et les empereurs François et Alexandre comme victimes de leurs intrigues. Il n'est personne qui ne dise : Il n'y aura point de paix tant que les oligarques gouverneront l'Angleterre, et les oligarques gouverneront tant que Georges respirera. Aussi le règne du prince de Galles est-il désiré comme le terme de celui des oligarques, qui, dans tous les pays, sont égoïstes et insensibles aux malheurs du monde.

L'empereur Alexandre était attendu à Vienne; mais il a pris un autre parti : on assure qu'il s'est rendu à Berlin.


Braunau, 31 octobre 1805

DÉCISION

Le ministre de la guerre a soumis à l'approbation de l'Empereur, un rapport du général Gouvion, commandant le camp volant de la Vendée, par lequel il demande le remplacement du détachement du 82e qui est à l'île d'Aix, pour assurer son habillement et son instruction à Poitiers. L'Empereur a décidé que ce détachement pouvait rentrer sans être relevé.

(Picard)


1 - 15 octobre 1805