16 - 31 mars 1808


Paris, 16 mars 1808

Au Grand-duc de Berg, Lieutenant de l'Empereur en Espagne

Je reçois votre lettre du 12 mars, à six heures du matin. Vous aurez reçu les lettres du major général. Ainsi je suppose que ma lettre ne vous trouvera pas loin de votre destination. Ne dérangez d'aucune manière la division Duhesme; laissez-la où elle est. Elle garde Barcelone et contient cette province; elle remplit suffisamment son but. Lorsque les 6,000 hommes de renfort qui vont rejoindre cette division, et qui seront à Barcelone vers le 5 ou le 6 avril, seront arrivés, ce sera autre chose : alors il aura un corps capable de se porter partout.

Vous avez dû rencontrer Tournon le 15. Il vous aura fait connaître la dernière situation des choses à Madrid.

Au moment où vous recevrez cette lettre, la tête du général Verdier touchera aux confins d'Espagne, et le général Merle devra se trouver à Burgos. Continuez à tenir de bons propos. Rassurez le Roi, le prince de la Paix, le prince des Asturies , la Reine. Le principal est d'arriver à Madrid, d'y reposer vos troupes et d'y refaire vos vivres. Dites que je vais arriver afin de concilier et d'arranger les affaires.

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P. S. Surtout ne commettez aucune hostilité, à moins d'y être obligé. J'espère que tout peut s'arranger, et il serait dangereux de trop effaroucher ces gens-là.


Paris, 16 mars 1808

A Joseph Napoléon, roi de Naples

J'ai ordonné que les cardinaux et prélats napolitains qui étaient à Rome vous fussent envoyés pour vous prêter serment. J'apprends que vous donnez ordre au général Miollis de les envoyer à Alexandrie. Je ne conçois rien à cette conduite. Que diable craignez-vous de deux ou trois vieux prêtres, tandis que l'exemple éclatant du serment qu'ils vous rendent doit être du meilleur effet pour l'Europe ? Un de mes principaux différends avec le Pape est parce qu'il vous appelle le Prince Joseph, et qu'il vous fait refuser le serment par les cardinaux vos sujets. Si vous en êtes à craindre, à Naples, deux ou trois malheureux vieillards, vous y êtes tristement assis.


Paris, 16 mars 1808

A Louis Napoléon, roi de Hollande

Si vous pensez que les vingt-trois bâtiments vous soient plus utiles en Hollande, vous pouvez les garder. Envoyez-en seulement deux ou trois en Danemark, pour avoir le prétexte d'avoir à Copenhague un très-bon officier de marine, qui vous instruira de tout ce qui se passe et assistera de ses conseils et de ses moyens le passage de mes troupes. Activez l'armement de vos escadres le plus qu'il vous sera possible ; cela est très-important.

J'ai ordonné qu'une de vos divisions rentrât en Hollande. Je ne vous dissimule pas que j'ai fort peu de troupes disponibles. J'ai 120,000 hommes en Espagne; j'en ai autant dans le Nord et dans l'Italie; j'en ai 300,000 à la Grande Armée; de sorte que je n'ai que le camp de Rennes pour défendre la Bretagne et la Normandie, et le camp de Boulogne, qui est assez faible. C'est donc sur vous que je compte pour défendre l'île de Walcheren et mon escadre de Flessingue, ainsi que le Texel. Faites-moi connaître les dispositions que vous pourriez faire, moyennant la division qui vous rentre et les troupes que vous avez déjà, pour garder l'embouchure de l'Escaut et le Texel. Ma conscription se lève, et, avant juin, j'aurai une soixantaine de mille hommes de plus. Je pourrai alors, selon les circonstances, former quelques régiments provisoires pour défendre l'embouchure de l'Escaut. Je pense que vous devez avoir à Middelburg un camp de 2 à 3,000 hommes et un de 3,000 hommes à Flessingue, afin que ces 5,000 hommes puissent, en cas d'événement, se réunir à mes troupes et repousser un débarquement. Je pense que vous devez avoir à Utrecht et au Texel 7,000 hommes pour défendre l'embouchure de la Meuse. Vous aurez donc besoin d'une douzaine de mille hommes. La division qui vous rentre est de 6,000 hommes; vous en avez déjà 6,000 au moins. Songez que je ne parle que de présent sous les armes et non d'effectif, car l'effectif ne se bat pas ; je parle donc de ceux qui se trouveront sur le champ de bataille en cas d'événement.


Paris, 16 mars 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, tous les cardinaux et prélats napolitains qui n'ont quitté Rome que par la force, ne doivent plus y rentrer. Immédiatement après qu'ils auront prêté leur serment, s'ils ne restent pas à Naples, ils seront employés á Bologne, où ils resteront en surveillance. J'ai vu avec peine qu'on ait relâché le commandant des troupes du pape, qui n'a pas voulu obéir à l'ordre du général Miollis; il fallait le faire conduire sous bonne escorte à Fenestrelle. Avec les Romains, il ne faut pas rire.  Je vous ai fait connaître que le général Miollis devait renvoyer de Rome les cardinaux et prélats, mes sujets, soit comme empereur, soit comme roi d'Italie, , toscans, génois ou piémontais. Le général Miollis doit mettre à l'ordre du jour des troupes romaines que je leur témoigne ma satisfaction; que les soldats ne doivent pas plus prendre l'ordre des prêtres que des femmes; que des soldats seuls doivent commander à ses soldats; que je leur donne l'assurance qu'ils ne rentreront plus sous les ordres des prêtres, et que je leur donne des chefs dignes, par leur bravoure, de les commander. Vous ferez conna1itre au colonel des troupes du pape que je l'ai confirmé dans son grade de colonel, pour sa bonne conduite. Vous lui enverrez la décoration de la Couronne de fer, et vous lui écrirez une lettre dans le sens de l'ordre du jour, où vous lui direz que les soldats d'Italie doivent être commandés par des hommes qui puissent les mener au feu. Le courrier du pape, á ce qu'il paraît, n'a apporté que des bêtises, car il n'y a rien de bête comme ces gens-là. Je vous ai demandé des renseignements sur les quatre provinces que commande le général Lemarois.  Mon intention étant de les organiser en préfectures, sous-préfectures, justice de paix, etc. d'un moment à l'autre je vous enverrai le décret. Il faut en finir avec ces bêtes. Il faut m'envoyer l#état de situation de mon armée italienne dans un livret, et non dans un grand état. Il faut mettre une feuille pour chaque régiment, où la situation des régiments soient exposée.

(Brotonne)


Paris, 17 mars 1808

NOTE POUR M. FROCHOT, PRÉFET DE LA SEINE.

Sa Majesté désire avoir, dans le conseil de samedi prochain, des réponses sur les questions suivantes :

Pourquoi n'établit-on pas à Paris un entrepôt à la halle aux vins ? Cette halle peut contenir 20,000 barriques. Dans l'état actuel des choses, où elle n'est qu'un magasin et point un entrepôt, elle est bien loin de contenir cette quantité.

Dans quelle proportion est la quantité de 20,000 barriques, qui peuvent être placées dans cet entrepôt, avec les besoins réels du commerce de la ville de Paris ?

Quelle est la quantité de vins actuellement entreposée hors de Paris, depuis la Râpée jusques et y compris Bercy ? et quel est le maximum des quantités de vins que le commerce de Paris a entreposées en même temps, à une époque quelconque, dans les magasins ou abris particuliers hors de Paris ?

Le ministre de l'intérieur propose l'établissement d'un entrepôt de vins à l'Arsenal : l'administration de l'octroi a-t-elle, dans l'intérêt des finances de la ville de Paris, quelques objections à faire à cet établissement ?


Paris, 17 mars 1808

NOTE SUR UN RAPPORT POUR LE RECRUTEMENT ET L'AUGMENTATION DE LA GENDARMERIE

Renvoyé au ministre de la guerre. La gendarmerie est assez nombreuse, il ne s'agit que de la bien répartir. Dans le temps où dix- huit départements de la France étaient presque en insurrection, que
les lois de l'Etat faisaient tant d'ennemis au Gouvernement et lui aliénaient une grande partie de l'opinion, cette gendarmerie a suffi. Aujourd'hui que tout est à l'inverse, qu'il n'y a plus de nobles, de prêtres à surveiller, que les dix-huit départements de l'Ouest vont aussi bien que les autres, la gendarmerie serait susceptible plutôt de diminution que d'augmentation. Je désire que le ministre me remette tous les mois un livret de la situation de la gendarmerie, par division et par compagnie, qui me fera connaître les hommes à pied, à cheval, les présents, les malades, les hommes détachés soit aux armées, soit ailleurs.


Paris, 17 mars 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, je crois inutile de publier l'ouvrage sur les progrès et la politique de la Russie. Cet ouvrage ressemble plutôt à un pamphlet qu'à un ouvrage sérieux. Il y a trop de sottises contre la Russie.

(Brotonne)


Paris, 18 mars 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, les 4e, 9e et 25e de chasseurs, et les 28e et 29e de dragons, ont leur 3e et 4e escadrons en Italie. Il est urgent de les porter à leur complet, c'est-à-dire à 240 chevaux par escadron, de manière que ces dix escadrons puissent fournir 2.400 chevaux en campagne. Je trouve que les 7e, 24e et 30e régiment de dragons, les 6w et 8e de chasseurs, et le 6e de hussards, ne sont pas encore à leur complet, c’est-à-dire à 1,000 chevaux par régiment. Rendez-moi la raison de cela, et faites-moi connaître quand ils seront au complet. Vous ne devez pas tarder à recevoir la nouvelle organisation de l'infanterie. Chaque régiment sera, par cette organisation, de 28 compagnies et de 5 bataillons, dont 4 bataillons de guerre de 6 compagnies. Aussitôt que cette organisation sera faite dans les régiments qui sont en Italie, il sera nécessaire qu'avant le 1er mai mes troupes fassent un mouvement et se réunissent dans des camps; la 1e division du corps du Frioul, commandée bar le général Séras, campera aux environs d'Udine, et la 2e division, du général Broussier, campera près d’Osopo, en choisissant des lieux très-sains et voisins des bois. Ces camps ne doivent pas coûter cher :  ce doit être de simples baraques. Les régiments auront là des plaines pour s'exercer, et, ce qui sera encore plus avantageux, ils seront dans un pays sain. Donnez des ordres pour préparer ces camps. Les troupes devront y entrer du 1er au 15 mars. Les bois viendront, je crois, facilement et en abondance par le Tagliamento. Surtout choisissez des lieux très-sains. Les généraux camperont avec leurs troupes. La division du général Souham, composée du 1er léger et du 46e de ligne, on verra ces huit bataillons de guerre au camp de Monte-chinro, du 1er au 15 mars. Vous pourrez y envoyer, avec cette division, quatre bataillons italiens. Les troupes resteront là deux ou trois mois, et s'exerceront à toutes sortes de manoeuvres. Palmanova, Gradisca, le cours de l'Isonzo, y compris Udine, seront gardés par un régimcnt italien. Veillez à ce que je n'aie point de dragons ni aucune troupe française à Cremone, Mantoue, Legnago, Venise, passé le 15 mai, ni dans aucun pays malsain. Toutes mes troupes devront être réunies dans les trois camps que j’ai indiqués ci-dessus. Lorsque la récolte sera faite, VOus réunirez les quatre régiments de cavalerie à Montechiaro, pour s'y exercer, et les deux régiments de cavalerie de la division du Frioul dans un lieu où ils puissent cantonner, car le bivouac fait beaucoup de tort à la sellerie. Il est nécessaire cependant qu'ils soient cantonnés dans des lieux où ils puissent se réunir tous les jours, par régiment, et deux ou trois fois par semaine par division et par brigade, pour qu'ils s'accoutument à toute espèce d'évolution. Faites-moi connaître en détail les dispositions que vous prendrez pour tout cela.

(Prince Eugène)


Paris, 19 mars 1808

Au général Clarke, ministre de la guerre

Monsieur le Général Clarke, les étapes sont très-mal organisées de Chambéry au mont Cenis; il est nécessaire que vous me proposiez une nouvelle répartition. Les journées sont trop fortes; il faut diviser l'espace eu journées égales, en donnant un séjour à Saint-Jean-de-Maurienne, qui est le seul endroit de ces montagnes où l'en puisse séjourner. Lorsque vous aurez réglé ces étapes pour cette année, il faudra vous informer auprès du ministre de l'intérieur des lieux où passera la nouvelle route; et, dans les endroits où séjourneront les troupes, me proposer la construction d'une petite caserne pour loger un bataillon; mais il faut que ces casernes soient bâties selon l'usage du pays et coûtent 40 ou 50,000 francs au lieu de 100,000 écus que coûteraient les grandes constructions de nos ingénieurs. Il m'a été soumis différents projets pour la caserne de Lans-le-Bourg; il serait urgent qu'on me soumît enfin un projet définitif. Je veux des maisons à l'usage des montagnes, et non comme on les fait à Paris. Donnez des ordres pour que le commandant du mont Cenis ait un logement au couvent, en attendant que la caserne qui doit être établie au couvent soit faite, et pour que les brigades de gendarmerie y soient logées. Vous recommanderez à l'officier qui commande au mont Cenis de veiller à ce qu'il soit donné à chaque soldat allant eu Italie ou en revenant une bouteille de vin. Je désirerais même qu'on pût leur donner une bonne soupe, une demi-ration de pain et une ration de viande. Ce serait une dépense peu considérable et qui serait d'une grande conséquence pour la santé du soldat. Je désire qu'en hiver il y ait une étape au mont Cenis, surtout pour les conscrits et les détachements moindres de 300 hommes. La journée de Lans-le-Bourg à Suze est l'origine de beaucoup de maladies. Mon intention est donc que vous donniez des ordres au commandant du mont Cenis pour que les détachements qui ne seront pas plus de 200 hommes soient logés au couvent, chauffés, nourris et bien traités. Lorsqu'ils seront de plus de 300 hommes, 300 seront établis au couvent, 200 à la Poste et à la Ramasse , et 200 à la Grande-Croix, ce qui fera un bataillon. Ceci est pour cette année et jusqu'au ler juin, époque à laquelle les commandants des détachements seront maîtres de faire la route en un seul jour, en faisant halte au couvent et en s'y rafraîchissant. Mais l'année prochaine, lorsque la caserne sera faite, et les maisons que j'ai ordonnées, construites, un régiment entier logera au couvent, et à l'avenir le passage du mont Cenis, à moins d'événements pressés, se fera en deux jours.


Paris, 19 mars 1808

A M. Dejean, ministre directeur de l'administration de la guerre

Monsieur Dejean, je reçois votre rapport sur l'expédition des souliers que vous avez envoyés à Bordeaux et à Perpignan. Aucun de ces souliers ne me sera utile. Il est de fait que les souliers qui arriveront le 8 avril à Perpignan ne me serviront à rien; c'est de l'argent jeté; j'avais espéré de les avoir au 30 mars. A-t-on vu envoyer des souliers de Paris à Perpignan ? Ils se perdront en route. Avignon, Toulouse, Perpignan, Nîmes sont-ils les déserts de l'Arabie, et les hommes dans ces villes ne portent-ils pas des souliers ? Si, comme je m'y attendais, vous en eussiez commandé dans ces villes, on vous en eût fait 6,000 paires en un mois. Toutes ces mesures sont mal prises. Quant aux hommes de la réserve, il ne fallait pas beaucoup de soins pour ordonner que les draps et la doublure fussent fournis à Bordeaux; Bordeaux n'est pas un village. Que m'importe que cette doublure arrive quand les hommes sont à cent lieues de là ? Si le ministre de l'administration de la guerre me rendait compte, comme le ministre de la guerre, de l'exécution de mes ordres, je serais à même de lui faire connaître comment j'entends qu'ils soient exécutés. Si, par exemple, il m'eût répondu, « Je fais partir, tel jour, telle quantité de souliers pour Bordeaux ou Perpignan, » je lui aurais dit, « Cela ne me convient pas. Il reste à savoir à présent en combien de jours ces souliers arriveront à Bayonne.


Paris, 19 mars 1808

Au prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée

Mon Cousin, vous donnerez l'ordre au maréchal Bessières de partir demain pour Burgos, où il sera rendu le 26. Il prendra le commandement, 1° de toute ma Garde impériale à pied et à cheval qui se trouve à Burgos; 2° de la 1e et de la 2e division des Pyrénées occidentales que commandent les généraux Verdier, Duhesme et Merle. Vous lui remettrez l'état des mouvements de ces deux divisions, et vous lui ferez connaître que son but est, 1° de maintenir la tranquillité sur les derrières de l'armée du grand-duc de Berg qui marche sur Madrid, et dans les pays compris entre le Duero et les Pyrénées ; 2° de surveiller le corps espagnol qui peut se trouver en Galice. Vous lui ferez connaître que le grand-duc de Berg, avec les corps du maréchal, Moncey et du général Dupont, sera arrivé à Madrid ; que le grand-duc de Berg a cependant eu l'ordre de laisser à Valladolid la 3e division du corps du général Dupont que commandait le général Mahler; que cette division serait sous ses ordres pour s'opposer aux mouvements que ferait la division espagnole qui est en Galice; que, le 25 mars, le général Verdier avec sa division et douze pièces de canon se trouvera à Vittoria, et le général Merle à Burgos avec sa division et ses douze pièces de canon; que la Garde impériale est déjà toute réunie à Burgos, et que la 2e brigade est depuis le... mars à Bayonne; que différents régiments de marche de cavalerie au nombre de 12 à 1500 hommes, et différents bataillons de marche d'infanterie formant le même nombre d'hommes, vont renforcer la division du général Merle. Vous autoriserez le maréchal Bessières à s'arrêter à Bayonne pour passer la revue de la 2e colonne de ma Garde, composée de deux régiments de fusiliers et de plusieurs détachements à pied et à cheval. S'il la trouve suffisamment reposée, vous l'autoriserez à la faire entrer en Espagne, en la dirigeant sur Burgos et en laissant quelques piquets de cavalerie en échelons de Bayonne à Burgos pour mon passage. Il réunira tout le reste de la cavalerie de la 1e colonne de ma Garde, pour, avec la cavalerie des régiments de marche, avoir un corps de 2,000 chevaux pour maintenir la tranquillité dans le pays et s'opposer au corps espagnol de la Galice, s'il faisait quelque mouvement. Vous lui ferez connaître que tout est encore pacifique avec l'Espagne, et que ce ne sont que des mesures de précaution. Vous lui ferez connaître également que la route de l'armée est par Aranda; qu'il doit veiller à réunir à Burgos 3 ou 400,000 rations de biscuit, dont il fera filer une partie sur Aranda, où il doit toujours y avoir une centaine de milliers de rations.


Paris, 19 mars 1808

Au Grand-duc de Berg, Lieutenant de l'Empereur en Espagne

Je reçois votre lettre du 13 à huit heures du soir. Je suppose que vous recevrez cette lettre à Madrid, où j'ai fort à coeur d'apprendre que mes troupes sont entrées paisiblement et de l'aveu du Roi; que tout se passe paisiblement. J'attends d'un moment à l'autre l'arrivée de Tournon et d'lzquierdo, pour savoir le parti à prendre pour arranger les affaires. Annoncez mon arrivée à Madrid. Tenez une sévère discipline parmi les troupes. Ayez soin que la solde soit payée, afin qu'ils puissent répandre de l'argent.

Je suppose que le général Merle est actuellement arrivé à Burgos, et que par là vos derrières sont bien couverts.


Palais des Tuileries, 19 mars 1808

OBSERVATIONS FAITES DANS LE CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'EXTÉRIEUR.

L'Empereur fait examiner la question de l'établissement d'un entrepôt de vins à Paris. Après avoir entendu diverses observations sur les emplacements proposés, sur l'étendue qu'il est nécessaire de leur donner et sur les besoins du commerce, l'Empereur prescrit les dispositions suivantes :

Le ministre de l'intérieur réunira chez lui le préfet de la Seine, le directeur général des droits réunis et six des principaux marchands de Paris. Après les avoir entendus, il rédigera le projet de décret pour l'établissement d'un entrepôt de vins à l'embouchure du canal de l'Ourcq. Le projet doit concilier l'usage de l'entrepôt avec celui des magasins de réserve. Il doit offrir non-seulement au commerce des halles couvertes, mais encore une grande quantité de caves qu'on puisse louer aux particuliers. Il doit déterminer toutes les conditions de l'entrepôt, qui doit entrer en activité au 1er janvier 1809.

Sa Majesté charge le ministre de l'intérieur de faire tracer, dès ce moment, l'alignement du quai entre le pont d'Austerlitz et la barrière de la Râpée jusqu'aux boulevards neufs. Ce quai sera une sorte de boulevard avec six rangées d'arbres.

Elle désire que le projet de décret et les plans sur l'entrepôt soient présentés samedi prochain au conseil d'administration ; que, dans le même conseil, le ministre lui présente les plans de promenades à faire au faubourg Saint-Antoine à l'instar des Champs-Élysées; qu'il lui soit rendu compte des dispositions à prendre pour terminer la place du Châtelet, et donner à cette place les dimensions nécessaires afin d'en faire un marché pour tout ce qui se vend sur le quai de la Ferraille.


Paris, 19 mars 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, le général Miollis a mal fait de laisser partir le courrier d'Espagne. Ce courrier portera des lettres qui remueront les esprits en Espagne, ce que je voulais éviter.

(Prince Eugène)


Paris, 19 mars 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, faites connaître au sieur Serra, mon résident à Varsovie, que mon intention est de n'accorder le passage à aucune troupe prussienne de Marienwerder à Graudenz, vu que le territoire de la confédération du Rhin est inviolable. Il doit faire connaître cela au gouverneur de Graudenz et aux commandants des troupes prussiennes pour que, sous quelque orétexte que ce soit, ils ne demandent aucun passage de troupes et qu'ils s'arrangent comme ils voudront. Recommandez au sieur Serra d'être très circonspect sur les nouvelles qu'il donne et de bien s'assurer de leur véracité, car les Polonais sont de grands faiseurs de nouvelles et d'un esprit fort inquiet.

(Brotonne)


Paris, 20 mars 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, je vous envoie une lettre du roi de Naples relative aux cardinaux napolitains. Je donne ordre que le cardinal Ruffo, qui a autrefois commandé les Calabrais, soit envoyé à Paris, et que le cardinal Ruffo, de Scilla, archevêque de Naples , soit envoyé à Bologne, ainsi que deux autres dont le roi de Naples croit la présence dangereuse à Naples. Je désire que toutes les troupes du Pape se rendent à Ancône, et que le général Lemarois les réunisse là et les traite bien.

Vous devez rassurer le général Miollis et lui faire connaître qu'il n y a aucune transaction possible avec la cour de Rome, et, puisque le Pape ne garde aucune mesure et que les ordres du général Miollis sont méprisés, le général Miollis doit s'emparer du gouvernement temporel. Désormais les bataillons doivent traverser le Vatican. La parade doit se faire sur la grande place, sans s'embarrasser si le Pape y demeure. Les troupes françaises doivent monter la garde aux portes du palais du Pape, comme les troupes italiennes; et les troupes du Pape doivent toutes être réunies à Ancône. S'il arrivait que le Pape fit dans le carême quelques cérémonies religieuses, il ne faut lui faire aucune pompe. Au lieu du titre que porte aujourd'hui le général Miollis, il prendra celui de général commandant les troupes dans les États de Rome. Il est nécessaire que l'ordre du jour où il est dit que les prêtres ne doivent pas plus commander à des soldats que les femmes soient mis dans les journaux d'Italie. Il est convenable aussi que le général Miollis fasse faire un journal qui donne des nouvelles du monde, pour donner une direction à l'esprit public. Il ne doit avoir aucun égard aux représentations du chargé d'affaires d'Espagne, dont il doit se moquer. Je vous ai demandé de réunir tous les renseignements sur les quatre Légations pour les organiser en préfectures, sous-préfectures, justices de paix, et arrêter vos choix sur les préfets, de manière que, en quarante-huit heures, après que je vous aurai écrit, ce travail soit fait, et les individus nommés.

A vous dire vrai, pour finir les affaires de Rome, je voudrais laisser passer le carême. Je vous ai déjà fait connaître que mon intention était que les cardinaux italiens, toscans, génois, français, fussent envoyés chacun chez eux. Je vous ai déjà fait connaître également que le général Miollis ne devait souffrir l'établissement d'aucun nouvel impôt.


Paris, 20 mars 1808

Au général Marmont, commandant de l'armée de Dalmatie

J'ai vu avec peine ce qui est arrivé à l'île de Lussin-Grande le 14 février. Je conviens que cette île est trop éloignée pour y mettre des Français; mais pourquoi n'y mettez-vous pas 80 au 100 Dalmates, qui empêcheraient les vaisseaux et frégates d'y débarquer et d'insulter les habitants ? Il faut que les Français et les Italiens proprement dits soient toujours réunis; mais les Dalmates peuvent être disséminés dans les îles. Envoyez-y des fusils pour armer des gardes nationales qui seconderont les Dalmates, et deux pièces de canon de fer de 6, ce qui sera un armement suffisant pour mettre ces îles à l'abri d'une insulte.


Paris, 20 mars 1808

DÉCISION

M. Gaudin, ministre des finances, soumet à l'Empereur l'état, que vient de lui adresser M. Dauchy, des biens, rentes et créances composant les menses des trois archevêchés et des dix-sept évêchés de la Toscane. Les revenus sont évalués à 3 pour cent et s'élèvent à 443,744 francs; les capitaux, montant à 19,859,668 francs, sont grevés de 5,066,000 francs de dettes. M. Dauchy présente, à la suite de son travail statistique, quelques considérations sur les réformes dont l'organisation ecclésiastique lui parait susceptible dans le duché de Toscane.

Renvoyé à M. Gaudin. Des explications sont nécessaires pour comprendre ce que le sieur Dauchy veut dire. Mon intention n'est pas de faire aucun changement dans l'organisation du clergé régulier, ni parmi les évêques et curés; il faut les laisser comme ils sont. Nous aurons assez à faire de toucher aux moines. Le ministre me fera connaître, à son prochain travail, quelles sont les lois en activité à Parme sur les moines; ce sont celles que je voudrais établir en Toscane.


Paris, 21 mars 1808

A M. Cretet, ministre de l'intérieur

Monsieur Cretet, j'ai signé le décret relatif à la vente des canaux. J'attache une grande importance à ce que les canaux Napoléon, de Bourgogne et du Nord, soient poussés avec la plus grande activité. Ces canaux ont leurs ressources que j'estime à 5 ou 600,000 francs chaque par année. J'ai affecté 2 millions aux dépenses de chacun d'eux par année. Pour employer ces sommes, il faut que les travaux soient vivement pressés.

J'ai destiné un fonds de 10 millions pour les travaux de Paris, dont 2 millions doivent être dépensés cette année, et un autre fonds de 7 millions pour la communication du canal de l'Ourcq avec la Meuse, pour l'amélioration de la navigation de la Seine et de la Marne, et pour faire tous les travaux qui accroissent les moyens de communication avec Paris. Sur cette dernière somme , j'emploie, cette année, 1 million; ce qui fera 9 millions qui devront être dépensés cette année sur le produit de la vente des canaux.

Je désire connaître l'emploi des fonds destinés à des travaux à Paris; je voudrais dépenser cet argent de manière à ce que j'en retire l'intérêt.

Vous concevez bien quel est mon principe, qui est de vendre au fur et à mesure les canaux et autres objets que j'aurais pour améliorer, construire et acquérir de nouveaux revenus. C'est ainsi que, du moment que les marais du Cotentin et de Rochefort seront desséchés, je désire en vendre le produit, pour être, ladite somme, employée à d'autres desséchements. Je ne sais pas à quoi se monte ce que payeraient les particuliers pour des marais desséchés ou pour des polders, etc. Si cela pouvait faire une somme convenable, je serais d'avis de l'employer à d'autres desséchements. Vous comprenez , je pense, ce que je demande.

Parmi les travaux à faire à Paris, je désirerais faire construire un pont devant l'hôtel des Invalides, puisqu'il ne nuirait point à la navigation. Un pont qui, comme celui des Arts , coûterait 6 à 700,000 francs , rendrait bien son argent; et, lorsqu'il sera terminé, j'en vendrais les actions pour faire d'autres constructions. En général, à mesure que je ferai quelque chose produisant revenu, je le vendrai pour employer les capitaux à d'autres objets.


Saint-Cloud, 22 mars 1808

A M. Cretet, ministre de l'intérieur

Monsieur Cretet, faites connaître au maire de la ville de Boulogne-sur-Mer que mon intention est qu'une tuerie soit établie hors de la ville. Cette ville est fort riche de l'argent qu'y a dépensé l'armée. Cette tuerie doit être établie sans délai, soit aux frais de la ville, soit aux frais des bouchers; donnez des ordres précis en conséquence.

Ordonnez aussi que des mesures soient prises pour transporter hors de la ville les immondices , et pour qu'aucun des moyens de propreté, si nécessaires à la santé du soldat, ne soit négligé; cela doit être fait également aux frais de la ville.

Il est nécessaire que vous fassiez faire un projet pour l'assèchement du territoire de Calais et pour l'écoulement des eaux, qui serve de règle aux travaux des particuliers.

Il faudrait aussi terminer la route de Maldeghem à Breskens ; ces trois ou quatre lieues de route sont nécessaires pour la communication de Flessingue.


Saint-Cloud, 23 mars 1808

NOTE POUR M. REGNIER, GRAND JUGE, MINISTRE DE LA JUSTICE

Sa Majesté charge le grand juge de poursuivre devant qui de droit le teinturier de Lyon qui a donné un mauvais teint aux tentures fournies pour Saint-Cloud, et de le faire condamner à des indemnités dont Sa Majesté ne veut pas, mais qui seront données soit aux hospices, soit en encouragements à la fabrique de Lyon.


Saint-Cloud, 23 mars 1808 , 3 heures après midi

Au prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée

Mon Cousin, envoyez avant de vous coucher un courrier extraordinaire au prince de Ponte-Corvo. Faites-lui connaître que vous venez de recevoir les lettres du 1er mars; que je considère les troupes qui sont sur le territoire de Holstein comme si elles étaient à Hambourg, puisqu'elles peuvent s'y porter en peu de marches; que , par la présente, vous l'autorisez à faire passer à Copenhague les deux divisions espagnoles et la division française; ce qui , je pense, fera une force de 22 à 24,000 hommes; que ces troupes seront prêtes à partir de Copenhague les huit premiers jours d'avril; que les troupes hollandaises et celles françaises du général Dupas restent où elles se trouvent jusqu'à ce que je sache positivement le lieu où elle sont arrêtées; que des frontières de Russie à Abo il y a un mois de route; qu'ainsi les Russes ne peuvent y être arrivés que du 20 au 25 mars; qu'il est nécessaire, avant que le maréchal Bernadotte entre en Scanie, de connaître, 1° si les Russes sont arrivés à Abo; 2° le nombre de troupes que les Danois veulent employer dans l'expédition de Scanie. L'expédition de Suède doit être tentée, mais seulement avec toute sûreté de réussir. Mon intention n'est pas que le prince de Ponte-Corvo passe en Scanie avant d'être certain d'avoir sous ses ordres 36,000 hommes, indépendamment des secours que peut lui offrir la Norvège. Les divisions espagnoles et la division française formeront, je pense, un présent sous les armes de 22,000 hommes. Il faut donc que les Danois fournissent 14,000 hommes pour arriver à 36,000. Les choses étant ainsi, je laisse carte blanche an prince de Ponte-Corvo, ayant soin, en arrivant en Suède, de ménager mes troupes sans faire une guerre d'invasion. Les Danois peuvent ôter toutes les troupes qui sont dans le Holstein, et le prince de Ponte-Corvo est maître de disposer d'une division hollandaise pour garder le Holstein et maintenir ses communications. Le sieur Didelot a écrit que les Danois ont des moyens suffisants pour faire passer 30,000 hommes en Scanie. Si cela est ainsi, je désire que le prince passe d'abord avec 12,000 Danois, 12,000 Espagnols et 8,000 Français. Les autres deux mille Danois, les mille ou deux mille Espagnols et les autres mille Français passeront avec le second convoi. Il faut aussi que le prince royal ait des troupes pour garder le Seeland. Je n'aurai point,de difficulté qu'un régiment de la division Dupas, celui qui se trouve le plus près de la Fionie, avec deux régiments hollandais, passe à Copenhague aussitôt que le prince de Ponte-Corvo sera en Suède, pour aider les Danois à garder Copenhague. J'enverrai alors deux autres régiments hollandais et le 58e, qui est à Hambourg, pour garder le Holstein et la Fionie. En résumé, j'approuve que le prince n'ait fait aucun mouvement rétrograde. J'approuve même qu'il laisse où elles sont les troupes hollandaises. Je l'autorise dès à présent à passer à Copenhague. Je ne l'autorise à passer en Scanie, pour faire la guerre, qu'avec deux divisions danoises formant 14,000 hommes; ce qui complétera son armée à 36,000 hommes. Dans ce cas , je l'autorise à disposer d'une division hollandaise et d'un régiment de la division Dupas pour garder la Fionie et Copenhague. Mais je lui défends expressément de passer en Suède si les Danois n'ont 14,000 hommes à joindre à ses troupes. Je n'ai point un assez grand intérêt à l'expédition de Suède pour la hasarder à moins de 36,000 hommes. Je ne veux pas non plus que, quand mes troupes seront en Suède et séparées du continent par la mer, les Danois soient tranquilles à Copenhague; cela n'aurait pas de sûreté pour moi. Une fois débarqué en Scanie, le prince de Ponte-Corvo doit faire une guerre réglée; fortifier un point comme tête de pont, en cas d'événement; s'emparer, s'il est possible, des points qui interceptent le Sund , pour empêcher la communication des Anglais avec les Suédois; enfin publier des proclamations dans le pays, et produire le plus de mécontentement contre le roi de Suède. Je ne l'autorise à marcher sur Stockholm qu'autant qu'il serait assuré d'y avoir un parti puissant pour le seconder. Dans ses proclamations, il ne doit jamais appeler le roi actuel roi de Suède, je ne le reconnais point comme tel, mais l'appeler le chef de la nation suédoise, se servir du mot générique de Gouvernement; et, quand il est obligé de lui parler à lui-même, l'appeler toujours le chef de la nation suédoise; dire que nous ne le reconnaissons plus comme roi depuis que la constitution de 1778 a été culbutée. Vous ferez connaître au prince de Ponte-Corvo que je m'en repose sur lui pour maintenir la dignité qui est due à son caractère et à la Majesté Impériale; qu'il ne doit signer aucun armistice, convention ni acte quelconque, qu'il n'y soit appelé prince de Ponte-Corvo et non maréchal Bernadotte, commandant en chef l'armée impériale française, et non commandant les troupes françaises; que le roi de Suède s'est mal comporté avec le maréchal Brune. Vous lui ajouterez que, du moment qu'il aura donné tous les ordres, il se rendra à Copenhague pour y voir le prince royal et lui faire connaître mes intentions.


Saint-Cloud, 23 mars 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, je vous ai fait connaître qu'après le carême passé mon intention était de réunir les quatre Légations au royaume d'Italie. Il faut donc qu'il y ait à Ancône assez de troupes pour être maître de ces provinces. Il serait nécessaire d'y avoir un régiment entier de cavalerie italien et 2,000 hommes d'infanterie italiens , indépendamment des Français qui se trouvent à Ancône, avec trois ou quatre pièces de canon attelées. Vous savez qu'en cas d'insurrection il faut qu'elle soit étouffée promptement. Je vous ai mandé de préparer une division du territoire, la nomination des commandants, de province, des préfets , sous-préfets, etc., etc. Il est nécessaire que cela soit fait d'avance, afin que, une fois le principe déclaré, cette organisation marche avec une grande rapidité. Je désire que vous m'envoyiez vous-même ces projets de décrets, afin que je les signe. Ecrivez au général Lemarois de faire courir le bruit dans ces provinces qu'elles vont être réunies au royaume d'Italie. Cela refrénera d'autant et contiendra les folies du Pape.


Saint-Cloud, 23 mars 1808

NOTE DICTEE PAR L'EMPEREUR, DANS LA SÉANCE DU CONSEIL DE LA GUERRE.

Le ministre de l'administration de la guerre fait des difficultés qui sont très-faciles à lever. Il serait sans doute plus simple de faire des marches et contre-marches; il en coûterait à la vérité 4 ou 500,000 francs pour frais de transport; mais cette méthode serait plus commode pour les bureaux. Les quatre compagnies qui composent les dépôts vont se rendre aux lieux désignés pour ne plus les quitter, quel que soit le mouvement des corps. Cependant ces dépôts ne seront rendus aux lieux fixés que dans un mois ou six semaines; il pourrait y arriver plus tôt des conscrits, et il y aurait de l'inconvénient à ce qu'un petit nombre y arrivât sans y trouver personne. C'est par cette considération qu'on a donné l'ordre à un officier et à deux ou trois sous-officiers de se rendre aux lieux des dépôts. Ils seront suivis, à la distance d'un mois, par les quatre compagnies.

Quant aux magasins, ils consistent en armes et en draps. Le ministre de la guerre a ordonné que les armes et les draps ne quittassent point l'emplacement de l'ancien dépôt, où se forme le 4e bataillon, et qu'une partie des ouvriers restât dans le même lieu pour achever de confectionner les habillements, tandis que l'autre partie suivrait aux nouveaux dépôts les quatre compagnies.

On a dit au ministre de l'administration de la guerre de diriger les nouveaux effets d'habillement sur le nouveau dépôt. Il peut exécuter cette disposition au moyen d'une circulaire, par laquelle il prescrira aux fournisseurs de diriger sur le nouveau dépôt tout ce qui n'est pas parti. Ainsi, pour tout ce qui est à fournit, il n'y aura pas de mouvement rétrograde; ce qui se trouvera avoir dépassé les nouveaux dépôts ira à l'ancien emplacement, où est le 4e bataillon , et y sera confectionné. Alors le major, après avoir retenti les conscrits aux nouveaux dépôts le temps nécessaire pour les immatriculer et leur donner une nouvelle formation, les enverra au 4e bataillon dans la proportion des habits qu'il saura qui s'y trouvent. Cette marche offrira l'avantage de n'avoir pas un si grand nombre de conscrits aux dépôts. Lorsqu'il n'y aura plus ni habits ni armes aux 4e bataillons, les majors qui en seront informés habilleront et armeront les conscrits aux dépôts avant de les faire partir. Un exemple expliquera mieux comment les choses vont se passer. Le 8e régiment d'infanterie légère est à Venise; son 4e bataillon est dans le même lieu, et doit y rester; son dépôt est à Marseille; les conscrits qui leur seront donnés sont choisis dans le Languedoc; ils iront à Marseille , qui se trouve sur leur route. S'il y a à ce dépôt des effets d'habillement envoyés par le ministre, ils y seront habillés, sinon , ils seront dirigés sur le 4e bataillon à Venise, où on les habillera.

Tout ceci n'est qu'une mesure transitoire pour passer de l'ancienne organisation à la nouvelle.


Saint-Cloud, 23 mars 1808

Au Grand-duc de Berg, Lieutenant de l'Empereur en Espagne

Je suppose que vous êtes arrivé aujourd'hui ou que vous arriverez demain à Madrid. Vous tiendrez là une bonne discipline. Si la cour est à Aranjuez, vous l'y laisserez tranquille et vous lui montrerez de bons sentiments d'amitié; si elle s'est retirée à Séville, vous l'y laisserez également tranquille. Vous enverrez des aides de camp au prince de la Paix pour lui dire qu'il a mal fait d'éviter les troupes françaises; qu'il ne doit faire aucun mouvement hostile; que le roi d'Espagne n'a rien à craindre de nos troupes. Je suppose que je ne vais pas tarder à recevoir des nouvelles de tout ce qui se sera passé à Madrid le 17 et le 18.

Le maréchal Bessières doit arriver le 26 à Burgos pour prendre le commandement des deux divisions des Pyrénées occidentales et de ma Garde.

Je suppose que vous vous faites faire votre biscuit à Madrid, pour avoir toujours quinze à vingt jours de biscuit devant vous. Vous devez veiller à ce que les magasins d'Aranda et de Buitrago soient parfaitement approvisionnés, et qu'il y ait sur chacun de ces points 200,000 rations de biscuit ou farine, avec trois fours pour faire du pain.

Les circonstances générales m'ont forcé à retarder mon départ. La Russie a déclaré la guerre à la Suède. Les troupes russes sont entrées en Finlande, et mon armée, commandée par le prince de Ponte-Corvo, est à Copenhague et va se réunir à l'armée russe sous les murs de Stockholm.


Saint-Cloud, 23 mars 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, écrivez au général Miollis de désarmer les gardes du pape qui porteraient un autre uniforme, une autre cocarde, que ceux qu'ils avaient coutume de porter ; de les faire arrêter, et de les enfermer au château Saint-Ange. Si le pape crée un autre corps, comme on dit qu'il en a l'envie, qu'il s'y oppose. En général, il ne doit reconnaître aucun homme armé, ni aucune troupe, s'ils ne sont sous ses ordres.

(Prince Eugène)


Saint-Cloud, 23 mars 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon fils, j'accepte l'offre que me fait le commerce de Venise. Ecrivez-lui à cette occasion des choses agréables de ma part. Je vous envoie une note de M. Aldini, et je désire que vous fassiez connaître ce qu'il est possible de faire. Il parait être dans une situation embarrassée ; ses biens sont-ils libres, valent-ils 200,000 francs de rentes ?

(Prince Eugène)


Saint-Cloud, 23 mars 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, faites connaître au sieur Lefebvre que le ton de sa dépêche n'est pas tel qu'il doit être envers son ministre, qu'il doit tâcher de saisir ses intentions et non de faire des épigrammes, suivre la direction qu'on lui donne et non en donner, qu'en lisant sa dépêche, j'ai demandé l'âge qu'il avait, qu'elle m'a paru être faite par une jeune homme de 20 ans. Vous lui ajouterez que si le pape lève un nouveau corps, fait de nouvelles publications, il ait à demander ses passeports et à partir sur-le-champ avec sa légation.

(Brotonne)


Saint-Cloud, 24 mars 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine

Je désire que vous donniez ordre à la frégate qui est à Toulon d'appareiller de cette rade avec le Requin et un autre brick pour se diriger sur Alger. Arrivé devant Alger, le commandant demandera que le sieur Dubois Thainville lui soit remis. Il établira ensuite une croisière de ce côté et prendra tous les bâtiments algériens qu'il pourra. Il aura soin d'effectuer son retour avec précaution. Cette expédition n'aura lieu qu'autant que l'amiral Ganteaume le jugera convenable. Je désire qu'il y ait deux frégates. Si l'amiral Ganteaume ne voit aucun inconvénient à l'expédition, elle aura lieu; s'il la juge hors de saison, le préfet maritime la contremandera. Je désire que la frégate qui devait être armée en flûte soit armée en guerre, afin d'avoir devant Alger deux frégates au lieu d'une. Si cela devait causer du retard, la Danaé et le Requin, avec un gros brick, seront suffisants. Ces trois bâtiments sont plus forts que toute la marine algérienne.


Saint-Cloud, 24 mars 1808

A M. Fouché, ministre de la police générale

La négligence que vous portez dans la surveillance des journaux, cette partie si importante de vos fonctions, me force à supprimer le Publiciste. Cela fera des malheureux, et vous en serez la cause. Ayant nommé un rédacteur, c'est à vous à le diriger. Vous enverrez copie de mon décret aux autres journaux, et vous leur ferez connaître que j'ai supprimé ce journal parce qu'il montrait des sentiments anglais, qu'il peignait les soldats français comme des monstres, et faisait sa cour aux Suisses, en montrant la nation la plus douce et la plus humaine comme une nation de tigres. Vous donnerez de nouvelles instructions au Journal de l'Empire et à la Gazette de France, et vous leur ferez connaître que, s'ils ne veulent pas être supprimés, il faut qu'ils évitent de rien mettre dans leurs feuilles qui soit contraire à la gloire des armées françaises et qui tende à calomnier la France et à faire leur cour aux étrangers. Recommandez-leur aussi d'être plus circonspects sur les bulletins qu'ils reçoivent et qui leur viennent presque tous d'agents anglais.

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P. S. Cependant je préfère destituer seulement le rédacteur; présentez-m'en un autre.


Saint-Cloud, 24 mars 1808

Au général Duroc, grand maréchal du Palais

Monsieur le Général Duroc, j'ai pris un décret pour transférer à Saint-Cyr l'École militaire de Fontainebleau. Le manége de l'École militaire sera acheté par moi pour 100,000 francs. Faites-en prendre possession au ler avril prochain, et voyez ce qu'il convient d'en faire. A cette occasion, présentez-moi une note sur les travaux de Fontainebleau. On aura tout juillet , août et la moitié de septembre pour arranger le bâtiment que l'École militaire laisse vacant, abattre le pavillon de la grille, et faire des réparations qui donnent plus de local qu'au dernier voyage.


Saint-Cloud, 24 mars 1808

Au colonel Lacoste, aide de camp de l'Empereur, en mission

Monsieur le colonel Lacoste, je reçois vos différentes lettres. S'il vous est possible, allez visiter la tour de Cordouan, et, comme ingénieur, faites votre profit de cette construction, qui est citée comme très-hardie. Voyez aussi le port de Blaye en détail, et faites-en un rapport. Après, vous vous rendrez à Bayonne, d'où vous m'instruirez, tous les jours, de tous les mouvements qui ont lieu dans cette place.


Saint-Cloud, 24 mars 1808

Au prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée

Mon Cousin, donnez l'ordre aux maréchaux Victor, Soult, Davout et Mortier de se préparer, au premier ordre qu'ils recevront, à faire camper leurs corps par divisions, et de vous faire connaître le lieu où sera tracé le camp de chaque division, en vous en envoyant le croquis, afin qu'à la réception de leurs projets j'en ordonne la mise à exécution. On ne doit point camper sans mon ordre; mais il est probable que je l'enverrai avant le mois de mai; en attendant, on doit tout préparer. Les trois divisions du ler corps camperont en Prusse, les trois du 5e corps en Silésie, les quatre du 4e corps entre la Vistule et l'Oder. Une division du 3e corps campera du côté de Rustrin , et les deux autres en arrière de Varsovie. Vous direz dans votre lettre un mot qui fasse comprendre à ces maréchaux l'avantage qu'il y a de tenir pendant quatre mois les troupes campées; la discipline , l'instruction, la santé du soldat, tout y gagne. En vous envoyant leurs projets de campement, ils vous feront connaître le jour où ils penseront que les troupes pourront commencer à camper.


Saint-Cloud, 24 mars 1808

Saint-Cloud, 24 mars 1808

Au prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée

Mon intention est de distribuer 800,000 francs de gratification à la Garde, cavalerie, infanterie, artillerie. Les officiers ayant déjà eu leur gratification, les 800,000 francs seront pour les sous-officiers et soldats. Je désire en conséquence que vous fassiez prévenir le général qui commande la Garde, pour que l'état vous soit présenté. Ceux qui se sont trouvés à trois des cinq batailles recevront trois jours de gratification; deux jours à ceux qui n'ont été qu'à deux. Je n'entends pas être à la bataille ceux qui étaient à vingt lieues derrière, mais qui y étaient réellement. La distribution ainsi faite, vous me ferez connaître combien de parts à trois jours et combien à deux jours je puis accorder avec la somme précitée.


Saint-Cloud, 25 mars 1808

Au Grand-duc de Berg, Lieutenant de l'Empereur en Espagne

Je reçois votre lettre du 18 mars. J'apprends avec peine que le temps est mauvais. Il fait ici le plus beau temps du monde. Je suppose que vous êtes arrivé à Madrid depuis avant-hier. Je vous ai déjà fait connaître que votre première affaire était de reposer et approvisionner vos troupes, de vivre dans la meilleure intelligence avec le Roi et la cour, si elle restait à Aranjuez; de déclarer que l'expédition de Suède et les affaires du Nord nie retiennent encore quelques jours, mais que je ne veux pas tarder à venir. Faites dans le fait arranger une maison. Dites publiquement que vos ordres sont de rafraîchir à Madrid et d'attendre l'Empereur, et que vous êtes certain de ne pas sortir de Madrid que Sa Majesté ne soit arrivée.

Ne prenez aucune part aux différentes factions qui partagent le pays. Traitez bien tout le monde et ne préjugez rien du parti que je dois prendre. Ayez soin de tenir toujours bien approvisionnés les magasins de Buitrago et d'Aranda.


Saint-Cloud, 26 mars 1808

A M. Cretet, ministre de l'intérieur

Monsieur Cretet , je vous renvoie votre projet sur les lycées; il n'est pas rédigé dans la forme qui me convient. Je désire que vous me le renvoyiez en le rédigeant sur les principes contenus dans la note ci- jointe. L'état dont il est question doit être fait en conséquence de la situation du budget des communes et proportionnellement à leur richesse, en répartissant ce fardeau de manière qu'il ne soit pas trop lourd pour les communes. Je pense que celles qui ont plus de 20,000 francs doivent y contribuer, les moindres pour demi-bourses ou deux tiers de bourse. Les budgets des communes qui ont plus de 20,000 francs se montent, je crois, à 60 millions de francs. En leur demandant 2 millions, ce ne sera pas un vingt-cinquième ; je pense qu'il n'est pas même nécessaire de leur demander plus de 1,500,000 francs. Pour cette année, la caisse d'amortissement fournira les fonds nécessaires aux communes qui n'auraient plus de fonds pour cet objet. Il ne faut point les prendre sur les fonds de la mendicité, parce que cela complique l'administration, et qu'il ne faut pas faire et défaire. Si la somme à payer par les communes se montait à 1,500,000 francs, comme elles ne payeraient que le dernier semestre, ce ne serait que 750,000 francs. Vous pourrez ajouter à votre projet de décret que tout individu qui voudra fonder une bourse ou une demi-bourse dans un lycée sera maître de le faire, et pourra s'en réserver la nomination.


Saint-Cloud , 26 mars 1808

Au général Clarke, ministre de la guerre

J'approuve les deux ouvrages qui, dans le projet du comité , défendent les accès du retranchement du village de l'île d'Aix. Des 200,000 fr. accordés pour cette année, on emploiera 100,000 fr. à faire ces deux ouvrages, auxquels on donnera plus de capacité, et on les rapprochera un peu du retranchement, s'il se peut. Ils auront escarpe, contrescarpe, glacis et chemin couvert. On emploiera 50,000 francs pour fermer la droite du retranchement et pour réparer l'enceinte des fronts d'attaque, et 50,000 francs pour commencer le fossé, dans le roc, de la batterie à la mer; j'accorderai 200,000 francs l'année prochaine. Je désire qu'avec ces 400,000 francs on dispose les travaux de telle sorte qu'un millier d'hommes et quarante pièces de canon puissent protéger la rade et s'y défendre contre une attaque par terre.


Saint-Cloud, 26 mars 1808

Au général Clarke, ministre de la guerre

J'adopte le plan d'achever le système qui a été commencé et de faire sur la hauteur du renard un fort pareil à ceux qui ont été exécutés, avec réduit en maçonnerie et en terre.

On fera un ouvrage pareil sur le plateau du moulin à l'huile

On fera un réduit en maçonnerie, et on achèvera l'enceinte des ouvrages en terre à la positon de Varoquerie.

On fera le réduit en maçonnerie indiqué au projet dans l'intérieur de l'ouvrage A sur la hauteur d'Outreau.Il parait nécessaire et pourra servir dans tout le système.

Quand ces six forts seront terminés, on verra ce qu'il faut en faire et le parti définitif qu'il faudra prendre.

J'accorde 500.000 francs pour les travaux de cette année à Boulogne. Il faut les employer à élever de préférence les quatre réduits en maçonnerie, et prendre des mesures telles que cela soit fini pour le mois de septembre. Ce surplus de fonds sera employé à remuer des terres. Si, au mois de septembre, les choses établies ainsi, les évènements devenaient pressants, on achèverait salors les ouvrages en terre qui auraient été tracés, et, comme ce sont des ouvrages qio se font à force de bras, on les aurait bientôt mis en état.


Saint-Cloud, 26 mars 1808

Au général Clarke, ministre de la guerre

La défense de Flessingue est fondée sur l'inondation. En cas que l'ennemi se présente, on doit couper les digues et mettre l'île sous l'eau. Cependant l'ennemi peut toujours cheminer sur les digues. D'ailleurs, il faut défendre l'entrée du port pour conserver la communication avec le continent. Il faut donc qu'on occupe un point sur chaque digue à environ mille toises de l'entrée du chenal, de manière
que de chaque côté l'ennemi ne puisse s'établir qu'à environ douze cents toises. Dès lors le canon est sans effet, et dès ce moment Flessingue ne peut plus être bloqué. Je désire donc qu'on construise sur chaque digue, à une distance de mille toises, loin de l'entrée du chenal, deux forts qui défendent la digue, battent la mer et empêchent les approches de ce côté.

Les 200,000 francs que j'ai accordés cette année sont destinés à pousser ces deux forts de front; on emploiera 100,000 francs à chaque. Ces forts doivent être environnés d'eau de tous côtés, et la défense en sera facile. On construira dans ces forts des bâtiments militaires. Si l'on était pressé, on construirait des baraques en bois. Mais je désire qu'à la fin de la campagne les batteries qui défendront la rade soient en état de servir et les ouvrages fermés. On me présentera un projet pour l'année prochaine, tant pour achever ces deux forts que pour en placer un troisième à mille toises de l'entrée du port, sur la route de Middelburg.


Saint-Cloud, 26 mars 1808

Au général Dejean, ministre de l'administration de la guerre

Monsieur Dejean, je vous envoie tous les rapports qu'on me remet sur la situation des équipages militaires de la Grande Armée. J'ai là huit bataillons qui, à 140 voitures par bataillon, font 1,120 voitures. Si ces 1,120 voitures étaient bien attelées, bien organisées, et que ce fût surtout de bonnes voitures, elles seraient d'une ressource immense pour l'armée. Mais une grande partie de ces voitures manque, une autre partie n'est pas couverte, beaucoup de chevaux sont hors de service, beaucoup d'hommes n'ont point d'armes , etc. Le sieur Thevenin dit, dans son rapport, qu'une grande quantité de caissons est en construction à Berlin, à Varsovie, à Magdeburg; il y a longtemps que j'entends dire cela. J'ai dépensé beaucoup d'argent, et je n'ai rien. Des chevaux, des harnais, des voitures, des armes, on peut se procurer de tout cela en Allemagne. La seule chose qui pouvait réellement manquer, ce sont des hommes; il paraît qu'il y en a aujourd'hui suffisamment. Quant à l'armement, je désire que les officiers, le major inspecteur lui-même, soient armés d'une carabine ou mousqueton, d'une paire de pistolets dans les fontes et d'un sabre; que les maréchaux des logis et les brigadiers aient le même armement, de sorte que les officiers et sous-officiers puissent, en cas d'événement, se réunir, éloigner quelques cosaques ou hussards, et surtout faire face à quelques voleurs. Les soldats auront une carabine, un baudrier et un sabre. Il y aura un soldat pour deux chevaux; chaque soldat aura sa carabine; et dans le temps d'exercice on les exercera à charger, à tirer, à tenir leurs armes propres et à faire les évolutions les plus nécessaires. Par ce moyen, les soldats des équipages, en renfermant leurs convois dans une maison ou dans un enclos, pourraient faire le coup de fusil. Je vous prie de correspondre avec le sieur Daru pour que ces équipages soient mis promptement dans le meilleur état. L'avenir est incertain, et, quand on a une armée, il faut la tenir en bonne situation. Si, après la bataille d'Austerlitz, on eût réorganisé les équipages, cela eût été d'un bien incalculable pour la guerre qui a suivi.

Faites-moi connaître les caissons que les corps sont tenus de se procurer, ceux qui ont reçu de l'argent pour cet objet, et ce qu'ils ont aujourd'hui.

Pourquoi le 7e et le 8e bataillon des équipages, qui ont été formés en France, ont-ils de si horribles chevaux ? Ce sont tous des chevaux de réforme. Qui est-ce qui les a fournis ? Est-ce la compagnie Breidt, ou sont-ce des marchés que vous avez passés ?


Saint-Cloud, 26 mars 1808

A M. Fouché, ministre de la police générale

J'apprends qu'un nommé Merle de Beaufonds, receveur à Semur, département de la Côte-d'Or, porte la croix de Hollande. Comme je ne l'y ai point autorisé, la faire ôter et savoir pourquoi il la porte.


Saint-Cloud, 26 mars 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fil, faîte-moi connaître quand les cinq vaisseaux de guerre qui sont en construction à Venise seront mis à l'eau, ainsi que les deux frégates la Couronne et la Favorite. Vous ne m'avez pas encore fait connaître si l'on a commencé les travaux de Venise et d'Ancône. Les uns et les autres m'importent beaucoup. Si la frégate la Couronne est à l'eau, comme je le pense, il serait convenable de l'armer le plus promptement possible, de la diriger sur Ancône, où elle achèverait son armement. Il serait avantageux d'avoir là une frégate qui en imposerait aux bricks ennemis. Faites sortir la corvette la Caroline pour savoir si elle marche bien. Dans vos états de situation, vous confondez la Charlotte, qui est un très-petit bâtiment, avec la Caroline. Si ce bâtiment marche bien, faites le sortir.

(Prince Eugène)


Saint-Cloud, 26 mars 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, je reçois votre lettre du 16 mars. Le Pape ne doit pas avoir de garde; puisqu'il en abuse, il faut la lui ôter.

Le major qui a distribué les nouvelles cocardes doit être arrêté, s'il périt un homme par suite des troubles que l'on cherche à susciter, il en répondra sur sa tête.


Saint-Cloud, 26 mars 1808, 10 heures du matin

Au maréchal Bessières, commandant la Garde impériale en Espagne et les divisions d'observation des Pyrénées occidentales

Mon Cousin, vous aurez appris l'insurrection de Madrid dont le résultat parait être, 1° que le Roi ne partira pas; 2° que mes troupes seront bien reçues à Madrid. Dans cette situation des choses, il faut profiter des détachements de cavalerie qui entrent à tout moment en Espagne pour servir à mes escortes de Bayonne à Aranda. Il est nécessaire que j'aie à chaque poste 50 hommes de cavalerie et quelques hommes de gendarmerie. Le général Verdier, qui doit être arrivé à Vittoria, fera arrêter quelques détachements d'infanterie sur les positions où cela sera nécessaire, telles que des montagnes où l'on va lentement. D'ailleurs, étant sur les lieux, vous devez voir mieux que moi ce qu'il est nécessaire de faire.

Faites partir mes pages, mes chevaux de selle, hormis une brigade, mes cuisiniers et tout ce que j'ai à Burgos, pour Madrid, comme je vous l'ai mandé par ma lettre d'hier. Faites aussi partir ma Garde, infanterie, cavalerie et artillerie, de manière que toutes ces troupe arrivent à Madrid le plus tôt possible, car je ne vais pas tarder à m'y rendre de ma personne. Vous sentez combien il est important que j'aie à Madrid toute l'artillerie de ma Garde, et l'infanterie et la cavalerie. Le grand-duc de Berg a déjà emmené avec lui 3 ou 400 hommes de ma Garde; le reste doit suivre le plus vite possible Partagez-la en plusieurs colonnes. Les meilleurs marcheurs doivent faire dix ou douze lieues par jour; on peut de Burgos aller en neuf jours à Madrid. La seconde partie de ma Garde, composée des fusiliers et d'à peu près 500 hommes à cheval, attendra à Burgos, où je pense qu'elle n'arrivera guère que le 2 ou le 3 avril ; elle sera fatiguée et aura besoin de repos. Prenez des mesures pour qu'il y ait des moyens de transport, pour les bagages et ma suite, de Burgos à Madrid. Si le chemin de Burgos à Madrid était très-mauvais, je ne suis pas très-effrayé d'aller à franc étrier.

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P. S. Le 1er escadron de marche, composé de 410 hommes, qui arrive le 3 avril à Bayonne; le 2e escadron de marche, fort de 240 hommes, qui arrive le 25 mars à Bayonne, et le 3e escadron de marche, fort de 160 hommes , qui arrive le 10 à Bayonne; ces trois corps, dis-je, formant plus de 800 hommes de cavalerie , pourront fournir une escorte entre Bayonne et Vittoria, et en même temps se reposeront.

Les 3 ou 400 hommes de cavalerie de ma Garde , partis de Bayonne le 24 mars, pourront fournir une escorte de Vittoria à Burgos; et le régiment provisoire, fort de 400 hommes, que commande le général Lagrange, pourra fournir celle de Vittoria à Aranda.


Palais de Saint-Cloud, 26 mars 1808

OBSERVATIONS FAITES DANS LE CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'INTÉRIEUR.

Sont présents les ministres de l'intérieur et de la police générale, les conseillers d'Etat Frochot, préfet de la Seine, et Dubois, préfet de police.

Sa Majesté prescrit les dispositions suivantes :

Aussitôt que les ponts et chaussées auront prononcé sur le mérite des projets qui ont été rédigés pour le canal de navigation de la Villette à la Gare, pour l'aqueduc qui doit mener les eaux au marché des Innocents, pour celui qui doit les conduire à Monceaux , et reconnu que c'est le premier pas qu'il convient de faire pour parvenir à la distribution des eaux dans la capitale, le ministre de l'intérieur présentera ce travail à l'approbation de Sa Majesté.

Le ministre nommera ensuite des commissaires pour faire l'expertise des terrains nécessaires au canal de navigation de la Villette à la Gare, en y comprenant un espace suffisant pour avoir de larges quais et construire de droite et de gauche de belles maisons, qui pourront être vendues par la commune de Paris. Les terrains et bâtiments seront achetés pour une valeur actuelle, et sans avoir égard à la valeur accidentelle que leur donnerait le canal. Les huit chutes d'eau, qui peuvent mettre en mouvement seize usines, seront définitivement affectées à seize moulins, dont l'établissement sera coordonné avec celui des grands magasins qu'on va construire à l'Arsenal.

Les trois ouvrages dont il vient d'être question sont évalués 

1° Le canal de navigation de la Villette à la Gare, non compris l'acquisition des terrains et bâtiments, à deux millions;

2° L'aqueduc de la Villette au marché des Innocents, un million ou 1,100,000 francs;

3° L'aqueduc de la Villette à Monceaux, 1,500,000 francs.

Pour faire ces travaux à la fois, il faudrait cinq ans.

On commencera cette année par l'aqueduc qui doit conduire au marché des Innocents, et dont les travaux seront conduits de manière à ce qu'au mois d'octobre l'eau de la Beuvronne soit rendue à ce marché; mais, pour y parvenir, il faut établir la réserve de la Villette et y conduire la Beuvronne. Ces derniers travaux coûteront 1,100,000 fr.; cette somme sera prise sur les fonds ordinaires du canal de l'Ourcq. La somme d'un million, nécessaire pour l'aqueduc de la Villette aux Innocents, sera prêtée par le ministre de l'intérieur à la commune sur le million de la navigation destiné aux embellissements de Paris. Ce prêt sera fait moyennant un intérêt de 5 pour 100, et aux conditions qui seront réglées par un projet de décret que le ministre doit présenter.

Le 14 octobre prochain, jour anniversaire des batailles d'Ulm et d'Iéna, on célébrera par une fête municipale l'arrivée des eaux du canal de l'Ourcq à Paris.

Les terrains sur lesquels doit passer le canal de navigation de la Villette à la Gare sont estimés, par aperçu, à un million. Les estimations précises seront faites d'ici au mois de septembre; on avisera alors aux moyens de subvenir à cette dépense par un emprunt. Les travaux seront conduits de manière que les démolitions soient terminées au mois de février prochain, et que l'on puisse alors régler, dans des conseils d'administration, les opérations qui seront entreprises à l'ouverture de la campagne.

Les deux projets de communication avec l'Aisne par Soissons seront soumis sans délai au comité des ponts et chaussées. Aussitôt que ce comité aura donné son avis, le projet jugé le meilleur sera présenté à l'approbation de Sa Majesté, et les mesures seront prises pour que les travaux commencent sur-le-champ. On pourra cette année y employer 200,000 francs, qui seront pris sur les deux millions destinés à la navigation des environs de Paris.

Le ministre de l'intérieur donnera des ordres pour que le projet de canal de l'Aisne à la Meuse soit incessamment dressé.

Le ministre de l'intérieur rend compte de divers projets de travaux au sujet desquels Sa Majesté prescrit les dispositions suivantes :

Il sera fait un projet pour placer l'entrepôt des vins à la balle aux vins et dans les terrains environnants. Le ministre présentera mercredi prochain un projet de décret pour ordonner cet établissement, régler les conditions de l'entrepôt et déterminer les précautions à prendre pour assurer les droits de l'octroi municipal.

Le ministre présentera les plans et devis de l'établissement du quai de la Râpée, avec une chaussée et un port pavés, sans plantation d'arbres.

Il fera préparer le projet d'une promenade, aux abords du pont d'Austerlitz.

Le nouveau projet de l'arc de triomphe de l'Étoile, avec une seule porte de 42 pieds, ayant des ouvertures latérales d'une même dimension , et dont la dépense est estimée à 4,500,000 francs y compris les 700,000 francs déjà dépensés, est approuvé, à l'exception des ornements proposés.

Le projet d'une chaussée en face du pont d'Iéna est ajourné jusqu'au moment où ce pont sera terminé.

Le projet par aperçu du palais des Arts sur l'emplacement des chantiers du quai Bonaparte sera présenté de nouveau lorsqu'il aura été plus mûrement examiné et qu'on y aura joint des explications, détails et devis estimatifs.

Il sera présenté incessamment des projets pour l'achèvement des hôpitaux de la Charité, de Saint-Louis et de Saint-Antoine, afin que l'on puisse démolir sans délai la portion de l'Hôtel-Dieu dont l'emplacement est pris pour la prolongation du quai.

Le ministre présentera mercredi prochain le travail des dépôts de mendicité dans l'état où il se trouve.


Saint-Cloud, 27 mars 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Monsieur de Champagny, faites faire un travail particulier sur les archives de Venise, de Sardaigne et de Gênes. Ces archives doivent être transportées à Paris. On en extrairait tout ce qui serait susceptible d'être publié, tendant à justifier la conduite du gouvernement français depuis Charles VIII. Vous ferez des pièces relatives aux événements qui se sont passés dans ma première campagne d'Italie l'objet d'un recueil particulier.


Saint-Cloud, 27 mars 1808

A M. Daru, intendant général de la Grande Armée

Monsieur Daru, le major général m'a remis un rapport du sieur Thevenin, en date du 27 février, qui ne me fait pas connaître la situation réelle de mes équipages. Il y a des voitures qui manquent, d'autres qui ne sont pas couvertes, d'autres en mauvais état. Vous verrez par un décret que j'ai pris quel armement je donne aux bataillons. Vous leur ferez sur-le-champ fournir des carabines de mes magasins, et vous consulterez le général Bourcier sur la manière la plus commode de porter les carabines. Peut-être serait-il plus avantageux qu'elles pussent se porter comme celles des chasseurs, car je ne vois pas pourquoi les conducteurs d'un convoi, pouvant détacher leurs porteurs, ne se réuniraient pas à l'escorte pour défendre leurs voitures. Il sera nécessaire de les exercer aux manoeuvres essentielles de l'infanterie, comme à charger leurs armes, à tirer, et surtout à marcher à pied, afin qu'ils puissent garder leurs convois. Il en résultera un grand avantage pour la sûreté des convois, et de l'honneur pour le corps, qui se trouvera assimilé au train de l'artillerie et à l'armée. Les officiers, même le major inspecteur, peuvent porter la carabine pour donner l'exemple. Je suppose que vous leur avez donné un uniforme général, avec une distinction sur le bouton.

Je désire que les bataillons ne soient point déplacés sans mon ordre. Le 7e était autrefois à Varsovie; aujourd'hui, c'est le 2e. Mettez de côté les harnais et les voitures qui ne valent rien, et occupez-vous de la réorganisation de ces équipages sans faire trop d'éclat. Je vous rends responsable si vous n'avez pas au mois de mai huit fois 140 voitures, c'est-à-dire 1,120, très-bonnes , avec les chevaux harnachés et pouvant faire leur service. Les corps d'armée sont composés de trois et de deux divisions. Il faut attacher aux corps à trois divisions un bataillon. Une compagnie sera affectée à chaque division, et la 4e compagnie sera à la disposition de l'ordonnateur et de l'état-major. Chaque compagnie d'équipages est, je crois, de trente caissons, indépendamment de la prolonge et de la forge; ainsi chaque compagnie pourrait porter trois jours de pain complets, qui, en campagne, peuvent servir quatre et cinq jours. Ajoutez à cela les caissons des corps de la division, qui pourraient en porter pour un jour. Cet état serait satisfaisant. Les corps d'armée à deux divisions, tels que le 5e et le 6e corps, auraient trois compagnies, dont une attachée à chaque division et une à l'état-major; la 4e compagnie restera au bataillon. Voici donc comme je conçois la destination des huit bataillons : 1er corps, un bataillon, puisqu'il a trois divisions; 3e corps, un bataillon ; 4e corps , un bataillon ; 5e corps, trois compagnies; 6e corps , trois compagnies ; corps du prince de Ponte- Corvo, trois compagnies. Cela serait donc le fond de six bataillons. Il resterait pour le quartier général deux bataillons entiers et trois compagnies des bataillons qui ne fourniraient que trois compagnies, en plus de quatre cents caissons. Proposez-moi donc une répartition conforme à ces bases : un bataillon aux corps à trois divisions; trois compagnies aux corps à deux divisions, et une compagnie au quartier général. Vous pouvez laisser les 4e et 5e bataillons en Silésie; il y aurait six compagnies aux corps d'armée et deux au quartier général. Mon intention est que ces caissons soient employés uniquement à porter du pain. Pour porter l'avoine, la paille, le foin, les selles, les hommes éclopés, la cavalerie a plus de moyens que l'infanterie ; ainsi il est inutile d'y penser. Aucun bagage des officiers ni des généraux ne doit être souffert sur ces voitures. Les officiers des équipages en sont responsables, et le major général doit être prévenu s'il y a des ordres à donner à ce sujet, pour qu'il puisse les donner.

Pour les ambulances, j'avais prescrit que les corps devaient se les procurer, et j'avais mis à leur disposition des fonds pour cette dépense. Je n'ai point présent à l'esprit ce que j'ai ordonné là-dessus ; mais il me semble que chaque bataillon doit avoir son caisson. Les régiments ont-ils le nombre de caissons qu'ils doivent avoir ? S'ils ne les ont pas, quel en est le motif ? C'est à vous d'écrire aux commandants et d'exiger que cela soit. S'ils ont touché l'argent, ils doivent avoir leurs caissons ; s'ils ne l'ont pas touché, il faut le leur faire toucher. Je suppose que l'armée, si tout est organisé comme il doit l'être, doit avoir 200 caissons de corps ; il est possible que les caissons des corps destinés aux ambulances et aux emmagasinements ne suffisent pas, et qu'il en faille quatre ou six pour porter les effets de la division. En ce cas, il faut le faire connaître pour avoir le nombre de caissons qui est nécessaire pour porter le pain.

J'attends un rapport de vous sur cela, pour faire exécuter les règlements. Il faut aussi que les ordonnateurs et employés aient leurs caissons; c'est leur affaire.


Saint-Cloud, 27 mars 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, faites donner 3,000 francs au sieur Pontévis, et faites-moi un rapport sur lui. Son ouvrage, que j'ai parcouru, contient de bonnes choses.


Saint-Cloud, 27 mars 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon fils, vous trouverez ci-joint un ordre du jour. Envoyez-le sur-le-champ au général Lemarois pour qu'il le fasse imprimer dans les journaux de Milan et de Florence. Les gardes du pape doivent être arrêtés. Le général Miollis a mal fait d'ôter nos troupes du pape leur ancienne cocarde, pour faire prendre la nouvelle. Immédiatement après la réception de votre ordre, il pourra leur faire porter la cocarde italienne ou française à leur choix. Recommandez-lui de faire exécuter rigoureusement mon ordre, et de faire passer par les armes tout porteur ou distributeur de cocardes, fut-ce même un cardinal. Le général Miollis a mal fait de faire tirer le canon le jour anniversaire de la naissance du pape, puisqu'il se comporte si mal envers lui; il doit lui rendre mauvais traitement pour mauvais traitement. Que pendant le carême il tienne les troupes en main; et qu'à la moindre émeute il la réprime avec la mitraille : Les bons procédés enhardissent les lâches.

P.-S. Faites arrêter tout individu convaincu de distribuer des cocardes, et retenez-les en prison longtemps. Vous verrez dans le Moniteur de demain qu'une première semence de révolution a eu lieu à Madrid.

(Prince Eugène)


Saint-Cloud, 27 mars 1808

Au Grand-duc de Berg, Lieutenant de l'Empereur en Espagne

Je reçois votre lettre du 20, par laquelle je vois que vous serez le 23 à Madrid, Je ne dois donc pas tarder à recevoir de là de vos nouvelles. Je ne puis que vous répéter ce que je vous ai déjà mandé, de réunir les corps de Moncey et de Dupont à Madrid. La 3e division de Dupont peut venir à Ségovie. Vous pourrez placer du monde à l'Escurial, mais vous devez faire voir toutes vos forces à Madrid, surtout vos beaux régiments de cuirassiers.

Le maréchal Bessières, qui est à Burgos, doit avoir un corps suffisant de troupes pour pourvoir à tout, puisque les divisions Merle et Verdier doivent s'y trouver à peu près réunies.

Vous devez empêcher qu'il ne soit fait aucun mal ni au Roi, ni à la Reine, ni au prince de la Paix. Si on lui faisait son procès, j'imagine qu'on me consultera. Vous devez dire à M. Beauharnais que je désire qu'il intervienne et que cette affaire soit assoupie. Jusqu'à ce que le nouveau roi soit reconnu par moi, vous devez faire comme si l'ancien roi régnait toujours ; vous devez attendre pour cela mes ordres. Comme je vous l'ai déjà mandé, maintenez à Madrid la police et le bon ordre, empêchez tout armement extraordinaire. Employez à tout cela M. Beauharnais jusqu'à mon arrivée, que vous devez déclarer imminente.

J'approuve fort l'idée de faire camper la meilleure partie de mes troupes. Approvisionnez-vous de biscuit, de vivres, de fourrages pour le plus de temps possible.

J'ai fait partir pour Madrid le sieur Laforest, sans aucun titre. Vous aurez soin de le bien accueillir. C'est un homme de mérite et qui est propre à tout.  Je ne vais pas tarder à partir. J'espère à mon arrivée trouver les corps bien reposés, approvisionnés et en bon état. Le général Duhesme aura à la même époque son corps renforcé de 5 à 6,000 hommes, et Bessières aura également ses deux divisions complètes.

J'ai donné ordre que toute la partie de ma Garde arrivée avec vous à Burgos soit envoyée à Madrid. Elle doit être en route. Organisez vos transports, votre artillerie. Ayez des vivres pour huit jours. Ayez soin de la santé de vos troupes, et reposez-les. Vous dites toujours que vous n'avez pas d'instructions : je ne cesse de vous en donner toutes les fois que je vous dis de tenir vos troupes reposées, de refaire vos vivres, de ne préjuger en rien la question. Il me semble que vous n'avez pas besoin de savoir autre chose.


Saint-Cloud, 29 mars 1808

Au Grand-duc de Berg, Lieutenant de l'Empereur en Espagne (voir l'article à ce sujet)

Monsieur le Grand-Duc de Berg, je crains que vous ne me trompiez sur la situation de l'Espagne, et que vous ne vous trompiez vous-même. L'affaire du 20 mars a singulièrement compliqué les événements. Je reste dans une grande perplexité.

Ne croyez pas que vous attaquiez une nation désarmée, et que vous n'ayez que des troupes à montrer pour soumettre l'Espagne. La révolution du 20 mars prouve qu'il y a de l'énergie chez les Espagnols. Vous avez affaire à un peuple neuf; il a tout le courage, et il aura tout l'enthousiasme que l'on rencontre chez des hommes que n'ont point usés les passions politiques.

L'aristocratie et le clergé sont les maîtres de l'Espagne. S'ils craignent pour leurs privilèges et pour leur existence , ils feront   contre nous des levées en masse qui pourront éterniser la guerre. J'ai des partisans; si je me présente en conquérant, je n'en partirai plus.

Le prince de la Paix est détesté, parce qu'on l'accuse d'avoir livré l'Espagne à la France; voilà le grief qui a servi l'usurpation de Ferdinand; le parti populaire est le plus faible.

Le prince des Asturies n'a aucune des qualités qui sont nécessaires au chef d'une nation; cela n'empêchera pas que, pour nous l'opposer, on n'en fasse un héros. Je ne veux pas que l'on use de violence envers les personnages de cette famille; il n'est jamais utile de se rendre odieux et d'enflammer les haines. L'Espagne a plus de 100,000 hommes sous les armes, c'est plus qu'il n'en faut pour soutenir avec avantage une guerre intérieure; divisés sur plusieurs points , ils peuvent servir de noyau au soulèvement total de la monarchie.

Je vous présente l'ensemble des obstacles qui sont inévitables; il en est d'autres que vous sentirez : l'Angleterre ne laissera pas échapper cette occasion de multiplier nos embarras; elle expédie journellement des avisos aux forces qu'elle tient sur les côtes du Portugal et dans la Méditerranée; elle fait des enrôlements de Siciliens et de Portugais.

La famille royale n'ayant point quitté l'Espagne pour aller s'établir aux Indes, il n'y a qu'une révolution qui puisse changer l'état de ce pays : c'est peut-être celui de l'Europe qui y est le moins préparé. Les gens qui voient les vices monstrueux de ce gouvernement et l'anarchie qui a pris la place de l'autorité légale font le plus petit nombre; le plus grand nombre profite de ces vices et de cette anarchie. Dans l'intérêt de mon empire, je puis faire beaucoup de bien à l'Espagne. Quels sont les meilleurs moyens à prendre ?

Irai-je à Madrid ? Exercerai-je l'acte d'un grand protectorat en prononçant entre le père et le fils ? Il me semble difficile de faire régner Charles IV : son gouvernement et son favori sont tellement dépopularisés qu'ils ne se soutiendraient pas trois mois. 

Ferdinand est l'ennemi de la France, c'est pour cela qu'on l'a fait roi. Le placer sur le trône sera servir les factions qui, depuis vingt-cinq ans, veulent l'anéantissement de la France. Une alliance de famille serait un faible lien : la reine Élisabeth et d'autres princesses françaises ont péri misérablement lorsqu'on a pu les immoler impunément à d'atroces vengeances. Je pense qu'il ne faut rien précipiter, qu'il convient de prendre conseil des événements qui vont suivre. Il faudra fortifier les corps d'armée qui se tiendront sur les frontières du Portugal et attendre.

Je n'approuve pas le parti qu'a pris Votre Altesse Impériale de s'emparer aussi précipitamment de Madrid. Il fallait tenir l'armée à dix lieues de la capitale. Vous n'aviez pas l'assurance que le peuple et la magistrature allaient reconnaître Ferdinand sans contestation. Le prince de la Paix doit avoir dans les emplois publics des partisans; il y a, d'ailleurs, un attachement d'habitude au vieux Roi, qui pouvait produire des résultats. Votre entrée à Madrid, en inquiétant les Espagnols, a puissamment servi Ferdinand. J'ai donné ordre à Savary d'aller auprès du nouveau Roi (ainsi au Mémorial; les autres textes imprimés portent : Vieux Roi. En effet, Savary avait été envoyé auprès de Charles IV et non auprès de Ferdinand VII)  voir ce qui s'y passe : il se concertera avec Votre Altesse Impériale. J'aviserai ultérieurement au parti qui sera à prendre; en attendant, voici ce que je juge convenable de vous prescrire :

Vous ne m'engagerez à une entrevue, en Espagne, avec Ferdinand, que si vous jugez la situation des choses telle, que je doive le reconnaître comme roi d'Espagne. Vous userez de bons procédés envers le Roi, la Reine et le prince Godoy. Vous exigerez pour eux et vous leur rendrez les mêmes honneurs qu'autrefois. Vous ferez en sorte que les Espagnols ne puissent pas soupçonner le parti que je prendrai: cela ne vous sera pas difficile, je n'en sais rien moi-même.

Vous ferez entendre à la noblesse et au clergé que , si la France doit intervenir dans les affaires d'Espagne, leurs privilèges et leurs immunités seront respectés. Vous leur direz que l'Empereur désire le perfectionnement des institutions politiques de l'Espagne, pour la mettre en rapport avec l'état de civilisation de l'Europe, pour la soustraire au régime des favoris. Vous direz aux magistrats et aux bourgeois des villes, aux gens éclairés, que l'Espagne a besoin de recréer la machine de son gouvernement; qu'il lui faut des lois qui garantissent les citoyens de l'arbitraire et des usurpations de la féodalité, des institutions qui raniment l'industrie, l'agriculture et les arts; vous leur peindrez l'état de tranquillité et d'aisance dont jouit la France, malgré les guerres où elle est toujours engagée, la splendeur de la religion, qui doit son rétablissement au Concordat que j'ai signé avec le Pape : vous leur démontrerez les avantages qu'ils peuvent tirer d'une régénération politique . L'ordre et la paix dans l'intérieur, la considération et la puissance dans l'extérieur; tel doit être l'esprit de vos discours et de vos écrits. Ne brusquez aucune démarche ; je puis attendre à Bayonne; je puis passer les Pyrénées, et, me fortifiant vers le Portugal, aller conduire la guerre de ce côté.

Je songerai à vos intérêts particuliers, n'y songez pas vous-même. Le Portugal restera à ma disposition. Qu'aucun projet personnel ne vous occupe et ne dirige votre conduite; cela me nuirait et vous nuirait encore plus qu'à moi.

Vous allez trop vite dans vos instructions du 14; la marche que vous prescrivez au général Dupont est trop rapide, à cause de l'événement du 19 mars. Il y a des changements à faire; vous donnerez de nouvelles dispositions. Vous recevrez des instructions de mon ministre des affaires étrangères.

J'ordonne que la discipline soit maintenue de la manière la plus sévère ; point de grâce pour les plus petites fautes. L'on aura pour l'habitant les plus grands égards; l'on respectera principalement les églises et les couvents.

L'armée évitera toute rencontre, soit avec les corps de l'armée espagnole, soit avec des détachements; il ne faut pas que, d'aucun c'ôté, il soit brûlé une amorce.

Laissez Solano dépasser Badajoz ; faites-le observer; donnez vous-même l'indication des marches de mon armée, pour la tenir toujours à une distance de plusieurs lieues des corps espagnols. Si la guerre s'allumait, tout serait perdu.

C'est à la politique et aux négociations qu'il appartient de décider des destinées de l'Espagne. Je vous recommande d'éviter des explications avec Solano, comme avec les autres généraux et les gouverneurs espagnols.

Vous m'enverrez deux estafettes par jour; en cas d'événements majeurs, vous m'expédierez des officiers d'ordonnance; vous me renverrez sur-le-champ le chambellan de Tournon, qui vous porte cette dépêche; vous lui remettrez un rapport détaillé.


Saint-Cloud, 29 mars 1808

A M. Gaudin, ministre des finances

Je suis instruit que les Anglais se servent de la méthode suivante pour faire entrer leurs marchandises en Hollande et en France : ils chargent des bâtiments américains de marchandises anglaises , et ils les escortent jusque près des côtes de Hollande; et, là, ces bâtiments entrent, déclarant qu'ils viennent en droite ligne d'Amérique, et qu'ils n'ont rencontré aucun Anglais en mer. Par ce moyen, les corsaires ne peuvent pas les prendre et les autorités locales les reçoivent. Il est nécessaire que vous en écriviez à mes consuls en Hollande pour savoir si c'est vrai , et que vous chargiez le directeur général des douanes de veiller sur ces frauduleuses opérations.


Saint-Cloud, 29 mars 1808

Au vice-amiral Decrès, ministre de la marine

Je reçois des lettres de Corfou du 15 mars. L'amiral Ganteaume et Cosmao s'étaient réunis le 12 à Corfou. Ils avaient laissé dans Corfou la flûte, et débarqué la poudre qu'ils avaient à leur bord. La Tactique se trouvait avec l'amiral Ganteaume ; l'amiral était parti de Corfou le 15, et paraissait avoir le projet de se rendre le plus immédiatement possible à Toulon.

Faites passer cette lettre, que j'ai trouvée dans le paquet.

Comme l'amiral était entré à Corfou le 12 , et qu'il n'en est sorti que le 15, je suppose que tout ce qu'il aura emmené avec lui aura débarqué.

Je ne puis que vous réitérer mes ordres pour faire achever promptement un ou deux vaisseaux à Lorient, un à Rochefort et autant à Toulon, le Tonnerre à Brest, de sorte que j'aie là 5 vaisseaux et 4 frégates.

Je suppose que vous aurez donné des ordres pour l'Océan.

Je compte donc que j'aurai à Rochefort 4 vaisseaux, à Lorient, 4; savoir : les 2 qui y sont, Le Polonais et l'Eylau ou le Marengo, et 6 frégates; que j'aurai 2 frégates à Saint-Malo, 2 à Bordeaux, 2 à Nantes, 1 à Cherbourg; que l'Austerlitz et le Donawerth seront mis à l'eau à Toulon; de sorte que je me trouverai à la fin de septembre avec 8 vaisseaux français et 2 frégates hollandaises à Flessingue; 8 vaisseaux hollandais et 2 frégates au Texel; 5 vaisseaux et 4 frégates à Brest; 4 vaisseaux à Lorient et 4 à Rochefort; 8 vaisseaux français à Cadix et 15 espagnols; et à Toulon,  12 vaisseaux, dont 3 à trois ponts; ce qui ferait 41 vaisseaux français, 10 vaisseaux russes, 8 hollandais et 15 espagnols, en tout 74 vaisseaux; ce qui, avec une armée de Bayonne à Cadix, une à Lisbonne, une à Boulogne, une à Brest et une au Texel, peut donner, dans le courant de l'hiver, lieu à des chances sérieuses contre l'Angleterre.

Vos 12 vaisseaux de Toulon peuvent être augmentés du Superbe, à Gênes, et de 2 vaisseaux russes qui sont à l'île d'Elbe. Si nous achetions ces deux vaisseaux, alors j'aurais 15 vaisseaux de guerre à Toulon; et, si je venais à faire sortir cet hiver cette escadre, elle donnerait lieu à des événements importants. Alors les 41 vaisseaux français seraient portés à 43, et, y ajoutant les 2 de Lisbonne, 45.

Je désire que vous fassiez une relation pour le Moniteur de la croisière des deux frégates de la Martinique.


Saint-Cloud, 29 mars 1808

Au prince de Neuchâtel, major-général de la Grande Armée

Mon Cousin, il est nécessaire que vous envoyiez sur-le-champ, par un courrier extraordinaire, le Moniteur d'aujourd'hui au prince de Ponte-Corvo. Il tiendra ces nouvelles secrètes aussi longtemps qu'il le pourra. Il en causera avec le commandant des troupes espagnoles, et prendra toutes les mesures nécessaires pour que les derniers événements ne produisent aucun mauvais effet sur les soldats. Sans doute, la haine que ces troupes, comme tous les Espagnols, portaient au prince de la Paix, leur rendra cette nouvelle agréable; mais comme on m'assure qu'il y a un parti formé en faveur du roi Charles IV, qui a été forcé de donner sa démission, et qu'il est possible que le prince des Asturies ne soit pas longtemps à la donner aussi, il est nécessaire de dérober le plus longtemps possible à ces troupes la connaissance de ces événements.


Saint-Cloud, 29 mars 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon Fils, dans la situation actuelle de l'Europe, il faut toujours se tenir en mesure et ne point perdre de vue que, d'un moment à l'autre, on peut avoir besoin de courir aux armes. Cette circonstance m'a porté à appeler la conscription de cette année, qui se lève en ce moment, et qui sera rendue sous les drapeaux au mois de mai. Vos cadres en recevront une augmentation considérable, qui les complétera. Voici l'augmentation que je donnerai à mon armée d'Italie, si jamais elle est dans le cas d'agir.

Le corps du Frioul composerait deux divisions de 12 bataillons chacune. Les 8 bataillons de Vérone et quatre autres bataillons,  qui lui seraient fournis par le Piémont, formeraient la troisième division.

Les 8 bataillons de Toscane, qui seraient portés à 12 par 4 bataillons que lui fournirait également le Piémont, composeraient la quatrième division. La cinquième division serait formée de huit 4e bataillons de l'armée de Dalmatie et de quatre 4e bataillons de Naples. La sixième division serait formée de huit autres 4e bataillons de l'armée de Naples et de quatre bataillons que je retirerais de la même armée de Naples. Vous auriez donc six divisions formant 72 bataillons qui, à 840 hommes chacun, formeraient un effectif de 60,000 hommes. Les 4 régiments de dragons et les 3 régiments de
chasseurs et de hussards qui sont en Italie seraient augmentés de 3 régiments de chasseurs tirés de l'armée de Naples, et présenteraient une force de 9,000 hommes à cheval. Chaque division d'infanterie aurait 152) pièces de canon attelées, ce qui ferait 72 pièces de canon. Chaque régiment de cavalerie aurait 2 pièces, ce qui ferait 92, et 6 pièces au parc, ce qui ferait une artillerie de 98 pièces de canon. Les sapeurs , le train , les canonniers , composeraient environ 4,000 hommes et porteraient votre armée à 72 ou 74,000 Français.

L'armée de Dalmatie qui a un effectif de 26,000 hommes, compléterait votre effectif à 100,000 hommes de troupes françaises. Les troupes italiennes composeraient deux divisions de 18,000 hommes d'infanterie et 2,500 chevaux, de 1,500 hommes d'artillerie; ce qui fera 22 à 24,000 hommes et complétera votre armée à plus de 120,000 hommes effectifs. L'armée italienne aura 36 pièces de canon attelées. Ainsi, sans affaiblir ma Grande Armée ni mes armées d'Espagne, vous pourrez entrer en campagne avec 120,000 hommes effectifs, c'est-à-dire 100,000 hommes présents, ce qui fera la plus belle armée qu'on ait vue en Italie.

J'ai déjà ordonné que les deux divisions du Frioul campassent, cet été, l'une à Udine et l'autre à Osoppo; que celle de Vérone campât à Montechiaro ; que les huit bataillons de l'armée de Dalmatie se réunissent à Trévise et à Padoue. Il faudrait réunir les douze 4e bataillons de l'armée de Naples à Borne et à Ancône. Proposez-moi les mouvements à faire pour cet objet et les dispositions à prendre pour la réunion de l'armée que je viens de vous indiquer, si cela était nécessaire. Vous ne devez envoyer aux nouveaux dépôts que les cadres des dépôts, et n'envoyer avec eux ni armes, ni draps, ni fonds de magasins; sauf aux majors d'envoyer les conscrits joindre les 4e bataillons, où ils trouveront des armes et des habits. J'ai donné ordre cependant que les dépôts qui n'auraient pas reçu leurs draps les reçussent aux nouveaux emplacements de dépôt; pour ceux qui n'auraient qu'une partie au dépôt actuel et qui auraient à en recevoir une autre partie, il faut faire diviser les ouvriers.


Saint-Cloud, 29 mars 1808

A Joseph Napoléon, roi de Naples

Je reçois votre lettre du 20 mars avec les dépêches de Corfou du 15. Il me semble que Corfou doit se trouver enfin dans une situation raisonnable. Il devrait y avoir au moins 200 milliers de poudre et une vingtaine de mille quintaux de blé et de farine. Il y avait un grand besoin d'argent.

Faites-moi connaître si l'amiral a emmené avec lui la Ville-de-Paris et quelques bricks italiens, et enfin quelle croisière il a laissée dans l'Adriatique.

Vous avez vu dans le Moniteur d'aujourd'hui les nouvelles d'Espagne. Je n'ai pas encore la nouvelle de l'entrée de mes troupes à Madrid; elles doivent y être du 23, le grand-duc de Berg à leur tête.

Placez mes troupes pendant l'été dans des pays sains, afin qu'elles éprouvent le moins de pertes possible. Faites fortifier le fort de Scilla, car il n'est pas impossible que l'ennemi fasse des efforts pour reprendre ce point. Placez en échelons la division qui défend le pays. Il faut que celui qui commande en Calabre ait son plan fait d'avance pour réunir son monde et se porter promptement au secours de Scilla. Il faut que cette place ait des vivres au moins pour deux mois, un bon commandant, de bonnes batteries qui battent le détroit, et de bonnes fortifications du côté de terre. Il est peut-être fâcheux qu'au moment où vous pouviez tirer quelques services de l'expérience du général Reynier, et de la connaissance qu'il a du terrain, vous lui ayez permis de revenir.

Il faut avouer que l'amiral Ganteaume a été horriblement contrarié par les temps, puisqu'ils lui ont fait perdre une vingtaine de jours pendant lesquels on aurait pu faire tant de choses. Mais cela nous sert toujours de preuves de ce que nous pouvons faire. J'ai dix vaisseaux à Flessingue; j'en ai à Brest; j'ai une nouvelle escadre à Rochefort et à Lorient. Il faudrait me faire connaître d'une manière plus précise comment est fortifié le Phare.


Saint-Cloud, 30 mars 1808

DÉCISION

Le vice-amiral Decrès, ministre de la marine, demande si des Français peuvent employer, d'une manière simulée, les pavillons de Hambourg, de Brème et celui des Etats-Unis.

Sa Majesté n'autorise plus de simulation de pavillon.


Saint-Cloud, 29 mars 1808

A M. Fouché, ministre de la police générale

Faites arrêter le nommé Favier, ancien procureur, rue Aumaire, n° 23. Faites-le interroger et tenez-le en prison jusqu'à nouvel ordre.

(Brotonne)


Saint-Cloud, 30 mars 1808  

Au Grand-duc de Berg, Lieutenant de l'Empereur en Espagne

Je reçois vos lettres avec celles du roi d'Espagne. Arrachez des mains de ces gens-là le prince de la Paix. Mon intention est qu'il ne lui soit fait aucun mal, et, puisqu'il est à deux lieues de Madrid et presque en votre pouvoir, j'aurais beaucoup de chagrin d'apprendre qu'il lui arrivât du mal.

Le Roi dit qu'il se rendra dans votre camp. J'attends de savoir qu'il y est en sûreté pont vous faire connaître mes intentions.

Vous avez bien fait de ne pas reconnaître le prince des Asturies. Vous devez faire placer le roi Charles IV à l'Escurial, le traiter avec le plus grand respect, déclarer qu'il commande toujours en Espagne jusqu'à ce que j'aie reconnu la révolution.

Je suppose que le prince de la Paix viendra par Bayonne. Je donne des ordres à Bessières en conséquence. Du reste, je vais me rendre à Bayonne.

Dans ces circonstances imprévues, j'approuve fort la conduite que vous avez tenue. Je suppose que vous n'aurez pas laissé périr le prince de la Paix, et que vous n'aurez pas laissé aller le roi Charles à Badajoz. S'il est entre vos mains, il faut dissimuler avec Beauharnais, dire que vous ne pouvez pas reconnaître le prince des Asturies que je ne l'aie reconnu; qu'il faut laisser venir le roi Charles à l'Escurial ; que la première chose que je demanderai en arrivant sera de le voir. Prenez toutes les mesures pour ne point compromettre sa vie. Je vous le répète, ce serait un malheur si vous l'aviez laissé aller à Badajoz. J'espère que la position où vous vous trouvez vous aura donné de bons conseils.


Saint-Cloud, 30 mars 1808

Au maréchal Bessières, commandant la Garde impériale en Espagne, etc.

Mon Cousin, je vous recommande, si vous êtes à portée de protéger le roi Charles, la reine et le prince de la Paix, de ne pas manquer de le faire. Il est possible que le prince de la Paix se rende en France; protégez sa marche. Je n'ai à m'en plaindre d'aucune manière; il n'est envoyé en France que pour le sauver. Vous devez le rassurer par tous les moyens. Accueillez avec les plus grands égards le roi Charles IV et la reine, si le grand-duc de Berg les dirigeait de votre côté. Témoignez-leur les plus grandes démonstrations de respect et d'honneur, comme si la révolution n'avait pas eu lieu. Aussi bien je n'ai pas reconnu le prince des Asturies, et le roi Charles IV est toujours roi. Sans entrer dans la question politique, dans les occasions où vous serez obligé dé parler du prince des Asturies, ne l'appelez point Ferdinand VII , éludez la difficulté en appelant ceux qui gouvernent à Madrid « le Gouvernement ». Je vais partir pour Bayonne


Saint-Cloud, 31 mars 1808

A M. de Champagny, ministre des relations extérieures

Faites faire une note au landammann de la Suisse pour témoigner mon mécontentement de ce que le recrutement des régiments suisses ne marche plus. Voici l'état des hommes qui manquent depuis longtemps ; vous verrez qu'il est de plus de 3,000 hommes. Parlez-en également au ministre de Suisse ici, et recommandez à mon ministre de presser le landammann et les cantons pour que le recrutement soit poussé avec activité.

Faites une note au ministre d'Amérique sur ce qu'un grand nombre de bâtiments américains chargés de denrées coloniales se supposent venant d'Amérique, mais viennent bien réellement de Londres. Tout bâtiment chargé de denrées coloniales doit être confisqué; car l'embargo que les Américains ont mis dans leurs ports donne l'assurance que ces bâtiments ne viennent pas d'Amérique.


Saint-Cloud, 31 mars 1808

Au maréchal Davout, chargé du 1er commandement de la Grande Armée, à Varsovie

Mon Cousin, on se plaint en Russie d'une proclamation qui excite à la désertion les Russes. L'empereur a montré cette proclamation à Caulaincourt. Écrivez-en à celui-ci. C'est probablement une proclamation de quelque Polonais. 

La légion polacco-italienne prend le nom de légion de la Vistule. Elle sera à Paris dans quelques jours; je l'ai prise à mon service. Elle sera complétée à 140 hommes par compagnie.

Je vous enverrai, dans le courant de mai, l'ordre de camper; ayez soin de vous y préparer. Je suppose que vous avez des effets de campement. Je suis au mieux avec la Russie, je suis très-bien avec l'Autriche; je ne vois point de probabilités pour la guerre; mais, quand on a une armée, il faut qu'elle soit toujours en mesure.

Le grand-duc de Berg est entré à Madrid le 24 avec les corps du maréchal Moncey et du général Dupont, c'est-à-dire avec plus de 50,000 hommes. Le maréchal Bessières commande un corps à Burgos , et le général Duhesme est à Barcelone. J'occupe toutes les places fortes d'Espagne. Vous aurez vu dans le Moniteur les événements qui se sont passés à Madrid, du 18 au 20; mais le roi Charles a été forcé; il a imploré ma protection. Je vais me rapprocher des Pyrénées.

La conscription marche avec rapidité. J'ai levé 80,000 hommes; il n'y a pas de doute que, dans le courant de l'été, toutes les compagnies seront renforcées de manière à avoir 1,110 hommes devant l'ennemi.

Maintenez le plus possible l'harmonie avec les Russes, et contenez vos Polonais, qui sont des têtes ardentes.

Il ne faut pas que l'on fasse comme on a fait en Bavière, que l'idée de rentrer s'oppose au parfait équipement des troupes.


Saint-Cloud, 31 mars 1808

A M. Daru, intendant général de la Grande Armée

Monsieur Daru, je ne conçois pas que la convention passée le ler mars avec le roi de Westphalie ne soit pas encore parvenue aux relations extérieures.

Il est inutile d'acheter des chevaux; la levée n'est pas assez pressée pour cela; en la faisant doucement et insensiblement, on arrivera à mon but.

Je vous ai fait connaître que mon intention était que les onze cents voitures qui sont à la Grande Armée fussent mises en état, neuves ou mises à neuf, attelées de quatre chevaux, avec un charretier pour deux chevaux, et de bons harnais. Je crois vous avoir dit également que j'entendais que les corps eussent leurs caissons d'ambulance, comme je l'ai ordonné avant la dernière campagne, et que les généraux, les ordonnateurs, pas même le major inspecteur, ne disposassent d'aucun de ces caissons. La quantité de chevaux que vous avez donnée à l'artillerie sur les 8,000 que vous avez requis me paraît suffisante, pourvu que l'artillerie la reçoive exactement.

Faites-moi passer la situation de mes magasins au ler mai. Vous n'avez pas sans doute trop désapprovisionné Varsovie et Danzig.

Il ne faudrait pas conclure de ces préparatifs que j'aie la moindre inquiétude sur la durée de la paix; mais l'expérience du passé doit servir de règle; puisqu'on a une armée, il ne faut pas, pour économiser deux ou trois millions, la laisser se désorganiser.

Faites en sorte que tous les corps aient leurs capotes, leurs souliers et leur habillement en bon état. Avant la fin de l'été, ils seront considérablement renforcés; il n'y aura aucune compagnie qui ne soit à 140 hommes. Faites en sorte que les soldats aient leurs marmites et leurs effets de campement, parce que du 1er au 30 mai je vais faire camper toute l'armée par divisions. Cette manière de passer l'été est la plus favorable pour la santé, l'instruction et la discipline des troupes. Entendez-vous avec les généraux Bourcier et Songis pour que l'artillerie et la cavalerie ne manquent de rien.

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P. S. Faites passer cette lettre (cette lettre n'a pas été retrouvée) au général Caulaincourt par un courrier extraordinaire.


Saint-Cloud, 31 mars 1808

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie

Mon fils, vous aurez lu hier dans le Moniteur les nouvelles d'Espagne. J'y ajouterai, pour vous seul, que mes troupes sont rentrées à Madrid le 24; que le roi Charles proteste contre tout ce qui a été fait; il croit sa vie en danger, et a imploré ma patience. Mes troupes sont nombreuses en Espagne, et elles y ont été parfaitement reçues. Je n'ai pas besoin de vous dire que je n'ai pas reconnu le nouveau roi. Le grand-duc de Berg ne l'a pas non plus reconnu. Ils se sont complimentés sans se voir, ne pouvant le saluer comme roi qu'autant que je l'aurais reconnu. Il serait très-possible que je partisse d'un moment à l'autre (Propre main) Madrid. Cela est pour votre gouverne et pour vous seul.

(Prince Eugène)


..... , mars 1808 (sans autre date à la minute)

NOTES POUR LE VICE-AMIRAL DECRÈS, MINISTRE DE LA MARINE.

La flottille de Boulogne est trop considérable. Il est constant qu'elle ne pourrait sortir de la rade toute ensemble. Ce projet de centraliser ne serait bon que s'il y avait une belle et bonne rade. Dans cette situation de choses, il faut prendre une place plus vaste.

1° L'expédition du Texel doit être réorganisée comme elle l'était du temps du général Marmont, et capable de porter 15,000 hommes et sur de gros transports.

2° Une seconde expédition doit être réunie à Flessingue. Elle doit être escortée par les 8 vaisseaux de guerre que j'y ai; elle doit pouvoir porter 20,000 hommes. Arrivé le mois de novembre, où le climat est bon, on formerait un camp à Flessingue; et, à tous moments, cette escadre, composée de 10 vaisseaux (on pourrait, d'ici en novembre, en réunir 2 autres) et d'une quarantaine de transports, serait prête à mettre à la voile. Je pense qu'il faut d'abord réunir à Flessingue toute la flottille batave. Les chaloupes canonnières seraient utiles au jeu de nos vaisseaux. On pourrait y réunir aussi les transports, qui, jusqu'à cette heure, étaient réunis à Calais, de sorte que les 20 ou 25,000 hommes puissent être facilement transportés de Flessingue en Hollande.

3° Le camp de Boulogne sera organisé de manière que 80,000 hommes puissent débarquer sur la côte.

L'escadre de Flessingue sera d'ailleurs renforcée toute l'année.

Les difficultés à ce système sont : trouver des matelots pour l'armement des 10 vaisseaux et des 30 ou 40 transports. Il faut pour cela faire des levées à Hambourg , Brème, Lubeck et en Danemark.

On peut avoir très-bien 10 vaisseaux à Flessingue, au mois de novembre, qui porteront 6,000 hommes. Il faut se procurer 20 grosses flûtes portant chacune 1,000 hommes; ce qui fera plus de 26,000 hommes. Il faut ensuite toute la flottille batave, chaloupes canonnières, tant pour faciliter le débarquement que pour donner le change aux Anglais sur la véritable destination, car il est évident pour les Anglais que les chaloupes canonnières ne pourront être destinées que pour la côte d'Angleterre. Les chaloupes canonnières seraient d'ailleurs utiles pour tout le mouvement de la côte et la protection de l'escadre.

Il faudrait donc que les Anglais eussent tout l'été une flottille contre cette flottille et une escadre contre l'escadre, genre de guerre qui les occupera beaucoup.

En même temps, j'aurai à Corfou, à Tarente et Naples, des préparatifs pour une expédition de Sicile ou d'Égypte.

J'aurai à Cadix une expédition préparée.

Je puis, au mois de novembre, en supposant que tout réussisse, avoir 16 vaisseaux français et 8 espagnols dans le port de Toulon. Je les ferai partir comme pour la Sicile, et je les enverrai devant Cadix où ils se réuniront à 8 vaisseaux français et à 8 espagnols que j'aurai là; ce qui me fera 26 vaisseaux français, ou du moins 24, et 12 espagnols; total, 36 vaisseaux. Ou je les conduirai devant Lisbonne, où ils se rallieront à 2 vaisseaux français et 10 vaisseaux russes; ou, s'il n'y a rien à gagner à cette opération, je les ferai emmancher, soit pour venir devant Boulogne, soit pour entrer à Cherbourg, soit pour venir à Flessingue.

Il sera si évident qu'on en veut à la Sicile et à l'Égypte, les opérations qui se feront à Constantinople l'indiqueront tellement, que les Anglais ne pourront pas s'y tromper.


1 - 15 mars 1808