10 - 14 Janvier 1809

Valladolid, 10 janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la polica générale, à Paris

La Gazette de France du....... dit que j'ai accordé 25.000 francs de gratification au sieur Touron, intendant de la province d'Erfurt. Demandez à ce journal où il a pris cette nouvelle et faîtes-la démentir.

(Brotonne)


Valladolid, 10 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, je reçois votre lettre du ler, avec la relation de la révolution de Constantinople. Faites faire une notice sur toutes ces données pour mettre dans les journaux.


Valladolid, 10 janvier 1809

Au général Clarke, comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Le roi de Naples demande 400 Français pour sa garde, à prendre dans mes régiments. Faites-lui connaître que cela n'est pas possible; que mes régiments peuvent à peine suffire au recrutement de ma Garde; que je l'ai refusé aux rois de Hollande et d'Espagne, mais que je lui accorde, comme à ceux-ci, 400 bons conscrits, qui se formeront à son service. Qu'il vous fasse connaître ses désirs là-dessus et de quels départements il les voudrait de préférence.


Valladolid, 10 janvier 1809

Au général Clarke, comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

J'ai besoin d'avoir à Toulon, pour une expédition que je projette, six compagnies d'artillerie à pied, quatre compagnies du train, une compagnie d'ouvriers et quatre compagnies de sapeurs. Donnez ordre que tout cela se réunisse à Valence, savoir : la lle compagnie du 2e bataillon du ler régiment d'artillerie, la 5e du 1er bataillon du 3e régiment, la 2e compagnie du ler bataillon du 5e régiment, la 3e du 1er bataillon du 51e régiment, la 11e du 2e bataillon du 5e régiment, la 11e du 1er bataillon du 7e régiment. La première est à Strasbourg, la deuxième à Toulouse, la troisième, la quatrième et la cinquième à Metz, et la sixième à Mayence. Donnez ordre que ces six compagnies se rendent à Valence avec leurs officiers, même leurs capitaines en second, et là soient complétées à 180 hommes présents sous les armes.

Vous dirigerez sur Toulon une compagnie d'ouvriers des trois qui sont à Toulouse, et vous la ferez compléter à 140 hommes.

Quant aux compagnies du train, réunissez à Valence la 1e et la 4e compagnie du 4e bataillon, qui sont aux divisions Molitor et Boudet; la 5e et la 6e du même bataillon, que vous ferez venir de la Grande Armée. Vous ferez venir les chefs de bataillon à ces quatre compagnies, qui seront mises à un tiers au-dessus du complet en hommes; en chevaux, il suffira de 500 chevaux; en harnais, ils en auront 1,500.

Quant aux sapeurs, vous ferez venir deux compagnies de celles qui sont à Alexandrie, complétées à 150 hommes chacune.

Vous dirigerez également sur Valence une compagnie de mineurs, que vous compléterez à 150 hommes.

De sorte que le corps d'artillerie et du génie de l'expédition sera composé de 900 canonniers, 600 soldats du train, 150 ouvriers, 150 armuriers, 300 sapeurs et 150 mineurs, total, 2,250 hommes. Vous y formerez de plus une compagnie de pionniers de 250 hommes, qui se réunira à Toulon; ce qui fera 2,500 hommes pour l'artillerie et le génie de l'expédition.


Valladolid, 10 janvier 1809

Au général Clarke, comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

J'aurai besoin au ler mars à Toulon, pour l'expédition que je projette, de vingt-quatre pièces de 4 et de quarante-huit affûts, de douze pièces de 12 et de vingt-quatre affûts, de douze obusiers et de vingt-quatre affûts; total, quarante-huit bouches à feu et quatre-vingt-seize affûts ; de vingt-quatre caissons de 4, de douze caissons de 12, de douze caissons d'obusiers, de dix forges et de vingt chariots à munitions; de douze mille cartouches à balles ou à boulets de 4, de six mille cartouches à balles de 12, de six mille cartouches à balles d'obusiers; total, 24,000 cartouches, renfermées dans des coffrets qui puissent être portés à dos de mulet; de fers, de bois de rechange et d'acier pour faire quarante-huit affûts et soixante chariots à munitions; d'un million de cartouches dans des caissons à porter à dos de mulet, d'un million à porter dans des caissons ordinaires ; de 200 milliers de poudre et de 150 milliers de plomb. J'ai également besoin à Toulon de douze pièces de 24 courtes, de six mortiers de 8 pouces, de six mortiers de 12 pouces, avec double crapaud ou affût; de douze mille boulets de 24, de six mille bombes de 8 pouces, de trois mille bombes de 12 pouces, avec plates-formes, armement et approvisionnement ; de 30,000 outils de pionniers, roches à feu , de tourteaux goudronnés, de flambeaux à éclairer les convois et d'artifices propres à une expédition ; de 10,000 fusils d'infanterie, de 3,000 sabres, de 3,000 paires de pistolets, de 10,000 baïonnettes de rechange, et de 10,000 pièces de rechange.

Chargez le général Pernety de se rendre à Toulon pour former cet équipage. Vous y attacherez un garde-magasin particulier; vous y joindrez un artificier, qui vérifie les artifices et soit certain de leur bonne composition. Faites joindre à cet équipage tout ce qui est nécessaire en acier, en fer et en bois pour son entretien pendant deux ans de marche, surtout en acier et en fer. Je crois qu'une partie de ces objets doit se trouver à Toulon, à Marseille ou à Nice. Vous tireriez ce qui manquerait d'Auxonne, de Grenoble et de Toulouse.

Dirigez sur Toulon une compagnie entière d'ouvriers de 100 hommes, qui y sera rendue le plus tôt possible, afin de réparer le matériel de cet équipage.

Il existe beaucoup de ces caisses de montagne à Toulon et à Nice; toutefois il y en a beaucoup à Douai et dans le Nord que vous pourriez faire filer sur Toulon jusqu'à concurrence nécessaire.


Camp impérial de Valladolid, 10 janvier 1809

DÉCRET

Article 1er. - L'escadre de l'amiral Ganteaume sera prête à mettre à la voile au ler rnars prochain , composée des vaisseaux ci-après : à Toulon, le Commerce-de-Paris, le Majestueux, l'Austerlitz, de 120 canons, le Robuste, le Donauverth, de 80 canons (en armement), l'Ajax, le Magnanime, le Lion, le Suffren, le Génois, le Borée, le Danube, de 74 canons (en armement), l'Annibal, de 74 canons (en réparation), l'Ulm, de 74 canons (en construction aux 16 vingt-quatrièmes) ; à Gênes, le Breslau, de 74 canons; total, quinze vaisseaux de ligne; des neuf frégates ci-après : à Toulon, la Fée, la Pomone, la Pauline, la Danaé, la Pénélope, l'Incorruptible, la Thémis, la Médée et l'Amélie, cette dernière en armement; des vaisseaux russes ci-après : à Toulon, le Moscou et le Saint-Pierre, de 74 canons ; des corvettes ci-après : à Toulon, le Mohavk et la Fauvette, de 20 canons; à Port-Vendres, la Tactique, de 20 canons; à la Spezia, l'Abeille et l'Endymion, de 16 canons; à Gènes, le Janus, de 12 canons, la Ligurie, de 10, l'Adonis, de 16; à Livourne, la Victorieuse, de 90 canons; total, neuf corvettes ou bricks; des goëlettes, demi-chebecs, tartanes, felouques ci-après : à Barcelone, le Cerf, de 10 caronades , le Neptune, de 8, la Jalouse, la Gentille, la Provençale, de 3, la Julie (prise), la Décidée, l'Aventurière, de 3, la Bretonne, de 1 ; à Toulon, l'Osiris, de 1 (désarmé), la F'lèche (en armement) ; en Corse, la Fortune, de 10, la Gauloise (prise), la Sirène, de 10; à Gênes, la Riche, la Levrette, de 12, la Gazelle, de 1 , l'Éclair, la Sentinelle, de 12; à l'île d'Elbe, le Bamberg, demi-chebec de 4; total, vingt petits bâtiments; et des gabares ou transports ci-après : à Toulon, la Baleine, de 800 tonneaux, la Nourrice, de 600, la Durance, de 400, la Lamproie, de 450, la Champenoise, de 170, la Languedocienne, de la Normande, de 124, employés aux transports du 6e arrondissement, le Castor, de 250 (sert de bagne), le Rhinocéros, de 350 (est désarmé), l'Ami-de-la-Vertu, de 135, la Gasconne, de 98, l'Indien, de 700, le Grandin, de 350, la Bourguignonne, de 50, l'Alsacienne, de 48; en construction : à Marseille, aux 5 vingt-quatrièmes, le Dromadaire, de 800; aux 3 vingt-quatrièmes, le Mérinos, de 800; à La Ciotat, aux 3 vingt-quatrièmes, la Caravane, de 800; aux 5 vingt-quatrièmes, le Girafe, de 800; à Marseille, aux 5 vingt-quatrièmes, la Persane, de 800; soit, 8,725 tonneaux; total, vingt transports, formant 9,000 tonneaux.

ART. 2. - Cette escadre, ainsi composée de soixante et quinze voiles, et pouvant transporter 32,000 hommes et 600 chevaux, sera approvisionnée, 1° pour son équipage, à cinq mois de vivres; 2° pour les troupes de passage qu'elle peut transporter, à deux mois de vivres. Elle sera approvisionnée de deux mois d'eau pour tout le monde, et munie de tout ce qui est nécessaire pour porter 32,000 hommes dans un point quelconque de la Méditerranée.

ART. 3. - Tous les vaisseaux de guerre et frégates qui, de l'Océan, arriveraient à Toulon seront joints à ladite escadre.

ART. 4. - L'embarquement aura lieu à raison de 800 hommes par vaisseau de 120, de 700 par vaisseau de 80, de 550 par vaisseau de 74, de 300 par frégate, de 100 par corvette ou brick, de 50 par goëlette ou aviso, et d'un homme et demi par tonneau pour les transports. Chaque vaisseau de ligne et frégate portera 6 chevaux; chaque corvette, brick ou goëlette portera 3 chevaux; chacune des gabarres ou flûtes portera 4 chevaux; ce qui fera 300 chevaux. Les 300 autres chevaux seront embarqués sur des écuries, en prenant les transports les plus capables de servir à cet usage.

ART. 5. - Notre ministre de la marine donnera les ordres convenables pour l'armement de tous ces bâtiments et leur réunion à Toulon, avec les vivres et tout ce qui est nécessaire.

ART. 6. - Douze mille boulets de 24, six mille bombes de 8 pouces, trois mille bombes de 6 pouces, six mille boulets de 12, six mille boulets de 4, et cent milliers de plomb, seront répartis comme lest entre quatre frégates.

ART. 7. - Notre ministre de la marine est chargé de l'exécution du présent décret.


Valladolid, 10 janvier 1809

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le vice-amiral Decrès, je suppose que vous avez envoyé à mes frégates , qui ont été expédiées dans les colonies pour les approvisionner, l'ordre de revenir dans la Méditerranée. S'il en était autrement, vous voudrez bien sur-le-champ donner cet ordre à celles qui sont parties. Donnez ordre que les deux frégates qui sont au Havre soient armées; que la frégate la Néréide soit mise à l'eau à Saint-Malo.

Faites donc partir les escadres de Lorient et de Rochefort.

Faites mettre à l'eau à Lorient le vaisseau l'Eylau.

Faites armer à Nantes la Clorinde et la Renommée.

Faites mettre au Havre 2 vaisseaux en construction.

Faites mettre le Triomphant à l'eau à Rochefort.

 Comment la frégate le Niémen n'est-elle pas encore à l'eau à Bordeaux ? Donnez ordre que les gabarres la Dorade et la Gironde se rendent à Rochefort, et y prennent des membrures pour remplacer le Vénitien et la Couronne.

Faites mettre le Béarnais et le Basque en rade à Bayonne. Faites mettre en rade l'Austerlitz et le Donauwerth, l'Amélie, l'Étourdi et le Coureur, ainsi que l'Annial.

Faites terminer les 4 flûtes qui sont à Marseille et les 4 de la Ciotat. Faites mettre à l'eau le Danube et et l'Ulm. Les affaires de Constantinople doivent assez vous dire qu'il faut que j'aie une grande escadre dans la Méditerranée. Que le Breslaw se rende donc à Toulon. Je ne sais pourquoi il n'y a à Anvers que 7 vaisseaux en construction : il me semble qu'il devrait y en avoir 9. J'ai pris aujourd'hui un décret pour l'escadre de Toulon. Prenez toutes les mesures pour que je puisse embarquer 6oo chevaux et 30 à 32,000 hommes dans la Méditerranée.

(Decrès)


Valladolid, 10 janvier 1809

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Monsieur le vice-amiral Decrès, vous reoucerez ci-joint une lettre pour le contre-amiral Willaumez. Vous désignerez le bâtiment qu'il laissera à Brest. L'éqiopage en sera réparti sur les autres bâtiments. Il n'y a de danger que pour l'atterage, car les Anglais ne tiennent plus de forces considérables devant Cadix. Donnez des ordres précis pour que l'on atterre dans une autre.

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Les ordres ont été connés le 17 par courrier extraordinaire; les 20 et 21, par dépêches chargées à la poste.

(Decrès)


Valladolid, 10 janvier 1809

Au comte Régnier, Grand-Juge, ministre de la justice, à Paris

Je reçois votre lettre du 1er janvier dans laquelle vous me rendez compte que dix des prévenus dans l'affaire de l'arrestation de la diligence de Rouen ont été condamnés à mort.

(Brotonne)


Valladolid, 10 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d'Espagne

Renvoyez-moi à Valladolid le duc de Dantzick; il ne commandera plus le 4e corps. Le corps peut être conservé en en donnant le commandement au maréchal Jourdan, qui peut rester votre chef d'état-major; il sera, par ce moyen, plus dans votre main. Ce corps sera destiné à la garde du centre. Il est composé de la division Sébastiani, forte de quatre régiments ou seize bataillons, el près de 12,000 hommes; 3,000 sont à Léon, et 4,000 à Bayonne venant de Paris. Cette belle division, composée de nos meilleurs régiments, vous la garderez à Madrid pour la garde de cette ville et de votre personne. Le général de division est excellent; les deux généraux de brigade sont ce qu'il y a de mieux dans l'armée. Comme les dépôts de ces régiments sont à Paris, je les maintiendrai toujours au grand complet.

La 2e division du 4e corps est la division Leval, qui est composée d'un régiment de Bade, d'un régiment de Hesse-Darnistadt, d'un régiment de Nassau, d'un bataillon du prince primat, et d'une brigade hollandaise. Tout cela fait 4,000 hommes. Ayez soin qu'elle ait 10 pièces de canon. Faites-la partir pour Talavera de la Reyina; que le général Lasalle, avec ses quatre régiments de cavalerie, se porte au pont d'Almaraz, et batte la plaine jusqu'au delà de Truxillo. Le général Leval commandera, comme étant le plus ancien général de division; il correspondra avec le général Valence, dont vous réunirez la division à Tolède. Laissez cette division à Madrid deux jours, pour lui donner les effets d'habillement dont elle a besoin. Les lanciers polonais resteront à Tolède, ce qui portera la di vision Valence à 5,000 hommes; ayez soin qu'elle ait 8 pièces de canon.

Les divisions Sébastiani et Milhaud resteront à Madrid. La division Mlilliaud a besoin de se refaire; elle peut avoir des postes à Tolède, à Aranjuez, et être prête à se porter sur tous les points. Cela vous met à même de renvoyer au maréchal Victor le 2e de hussards et ce que vous auriez de la division Latour-Maubourg. La division Dessolles, qui doit être arrivée le 7 à Madrid, doit avoir besoin de repos. Comme elle est du corps du maréchal Ney, qui est en Galice, vous pouvez lui donner des ordres directement.

Ainsi donc, les divisions Sébastiani, Leval et Valence, formant le 4e corps, recevront des ordres directement du maréchal Jourdan, comme commandant ce corps. La division de cavalerie du général Milhaud et la division Dessolles recevront des ordres de vous et et maréchal Jourdan comme votre chef d'état-major. La division Latour-Maubourg, le 26e de chasseurs et le 2e de hussards, ce qui fera huit régiments de cavalerie, et les sept régiments d'infanterie du maréchal Victor, recevront les ordres du maréchal Victor, et du maréchal Jourdan comme chef d'état-major transmettant vos ordres.

Si la division Leval avait besoin d'êtres secourue, vous la feriez soutenir par la division Valence, et vous garderiez les divisions Milhaud, Dessolles et Sébastiani à Madrid, dans votre main. Il faut vous appliquer à compléter l'artillerie de la division Sébastiani à 12 pièces, celle de la division Dessolles à 12 pièces, et celle de la division Milhaud à 6 pièces. J'attache une grande importance à ce que Lasalle soit bien au pont d'Aimaraz, et batte la plaine au delà de Truxillo.

Le maréchal Lannes est parti aujourd'hui pour Saragosse, et faire sa jonction avec le général Saint-Cyr. Le général Lapisse est à Zamora; 4,000 à 5,000 hommes sont nécessaires à Avila pour poursuivre Pignatelli. Ayez-y un intendant, et prêtez main-forte à vos agents. Le duc d'Elchingen est à Villafranca; le duc de Dalrnatie doit être à Lugo depuis longtemps; ma garde est concentrée ici. La division Heudelet, qui est ici, va marcher sur Astorga; la division Loison est à Léon.

Il est désirable qu'en entrant à Madrid vous ayez le plus de troupes possible, en bonne tenue. Je pense que vous devriez créer un bataillon de Royal-irlandais; parmi les prisonniers, il y en a beaucoup qui demandent du service; on pourrait les diriger sur l'Escurial. En y mettant quelques bons officiers irlandais, vous attireriez tous les Irlandais qui étaient au service d'Espagne.

Vous ordonnerez au général Leval de faire travailler à une petite tête de pont à Almaraz, et d'y mettre un bataillon pour appuyer la cavalerie. La saison est fort mauvaise; hormis le maréchal Victor, qui doit être en grand mouvement à l'heure qu'il est, je désire que le reste prenne du repos, autant du moins que les circonstances pourront le permettre.

Je vous ai mandé, je crois, de former un régiment espagnol. Vous avez un colonel de Murcie, qui est un fort brave homme; vous avez des officiers sûrs; vous pouvez donc former ce régiment. Il sera bon au moins pour la police. Le général Valence peut détacher un bataillon pour garder le pont d'Aranjuez.

Je ne suis pas content de la police de Madrid; Belliard est trop faible. Avec les Espagnols il faut être sévère. J'ai fait arrêter ici quinze des plus méchants, et je les fais fusiller. Faites-en arrêter une trentaine.à Madrid. Quand j'en suis parti, on avait fait des enquêtes, et on était sur le point de les saisir. Quand on la traite avec douceur, cette canaille se croit invulnérable; quand on en pend quelques-uns, elle commence à se dégoûter du jeu, et devient soumise et humble comme elle doit être. Je vous envoie une relation de la révolution de Constantinople; faites-la mettre dans gazettes.

(Lecestre)


Valladolid, 11 janvier 1809

Au général Clarke, comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, j'ai vu par une de vos dernières lettres que vous m'avez fait connaître que vous réunissiez tous les détachements de dragons disponibles à Tours. Je pense qu'il ne faut pas presser cette mesure, parce que les majors ou les commandants de dépôts envoient alors des hommes et des chevaux mal équipés et mal harnachés, que les besoins actuels de l'armée d'Espagne ne sont pas pressants, et que les différents dépôts de cavalerie à l'armée sont tous considérables. Ceux de Pau, d'Aranda, de la Chartreuse, de la Nava, comprennent près de 5,000 chevaux ; c'est nécessairement la plus grande force que puissent avoir ces dépôts, qui diminueront tous les jours. C'est le résultat des grandes marches qu'a faites la cavalerie. Elle a laissé des dépôts à Versailles. Il est nécessaire que tous les hommes qui ont fait la guerre rejoignent; par ce moyen , il y aura en Espagne plus de cavalerie qu'il n'en faut. Il suffira d'avoir, vers le mois de mai , deux milliers d'hommes montés pour pouvoir renforcer les dragons.

Prévenez les corps qu'on leur demandera dans le mois de mars des hommes pour renforcer les régiments. Que jusque-là ils les gardent aux dépôts ; qu'ils y soient bien exercés et bien tenus. Que chaque régiment me fasse connaître ce qu'il pourra faire partir au 1er mars et ce qu'il pourra faire partir au 1er mai. Vous me mettrez cet état sous les yeux, et vous ne ferez rien partir sans mon ordre. Si cependant il y avait des détachements qui fussent en marche, comme il ne faut jamais faire de mouvements rétrogrades, vous les laisseriez continuer leur marche et vous m'en donneriez avis.

Je vous prie d'écrire au ministre Dejean pour qu'il presse les magasins d'habillement et d'équipement des dépôts des armées de Dalmatie et de Naples, dans les 7e et 8e divisions militaires. J'ai là 6,000 hommes que je désire faire partir du 15 février au 1er mars , afin qu'ils puissent arriver en Italie pour l'ouverture de la campagne; et, par les états que vous m'avez envoyés, je vois qu'il y a beaucoup à faire.

Vous trouverez ci-joint un état que le gouverneur général des départements au delà des Alpes m'envoie tous les quinze jours. Je désire que vous m'en fassiez faire un pareil par les commandants des 1e, 8e, 7e, 10e, 23e, 24e, 25e, 26e et 5e divisions militaires; une fois tous les mois, cela sera suffisant. Chargez ces généraux de passer la revue de tous ces dépôts et de dresser tous un état de situation au 1er février, afin que je connaisse bien la situation de tous ces dépôts, ce qui leur manque et ce qui peut aller aux armées.

Actuellement je vais appeler les nouveaux conscrits. Un grand nombre des corps de Dalmatie et de Naples, qui sont encore faibles, recevront beaucoup de monde. Vous sentez bien que, si les conscrits de la dernière levée sont encore nus quand les nouveaux conscrits arriveront aux dépôts, autant vaudrait que je ne levasse point de conscrits, et que je me trouverais singulièrement contrarié. Prenez toutes les mesures que vous jugerez convenables avec le ministre Dejean, mais il est indispensable que les 80,000 hommes que j'ai levés et ceux que je vais lever se trouvent habillés avant le commencement d'avril.

J'ai formé les 121e et 122e régiments de cinq légions. Il est nécessaire que le ministre Dejean fournisse des habits aux dépôts de ces deux corps, comme il a fait avec deux nouveaux régiments, pour que les dépôts puissent expédier aux régiments des souliers et des habits.

Si les cinq dépôts contiennent trop d'officiers pour former deux 5e bataillons de quatre compagnies chacun, vous pourrez me proposer de former un ou deux cadres de 5e bataillon, pour ceux qui n'en ont que quatre.

Je viens de passer la revue de la division Heudelet. J'ai renvoyé au dépôt un cadre des bataillons du 82e, ainsi qu'un du 6e.

Je désire fort que vous fassiez partir les compagnies du 32e que vous avez gardées à l'île d'Aix. Il faut que vous ordonniez que les 82e, 66e et 26e préparent chacun 800 hommes pour tenir garnison à l'île d'Aix au mois de mai , de manière qu'il y ait à l'île d'Aix une brigade de 2,400 hommes, comme c'est d'usage pendant l'été.

Il y a une légion qui a un bataillon à Belle-Île; ce détachement peut être réuni dans le 47e et faire partie de son bataillon.


Valladolid, 11 janvier 1809

Au général Clarke, comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Il me revient des plaintes sérieuses contre le général Monnet, qui commande à Flessingue. Mon intention est de le remplacer et de l'employer à la guerre. Proposez-moi pour ce poste important un homme d'une probité à l'épreuve.


Valladolid, 11 janvier 1809

Au vice-amiral comte Decrès, ministre de la marine, à Paris

Il faut faire mettre dans le Moniteur les différents combats suutenus par mes frégates et mes corvettes; ce qui me fera voir ce que je puis espérer un jour de ma marine, lorsqu'elle sera à force égale avec celle des ennemis.


Valladolid, 11 janvier 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général, à Valladolid

Mon Cousin, faites connaître au général Saiut-Cyr que deux régiments du grand-duc de Berg, un régiment de Würsburg et un bataillon des contingents des petits princes, formant près de 6,000 hommes, se rendent à Perpignan sous les ordres d'un général de brigade. Ce corps renforcera le général Reille et le mettra à même d'assiéger Girone. Je désire que ce siège soit commencé vers le 1er février. Il sera nécessaire de protéger cette opération par quelques marches pour balayer tout ce qui pourrait se trouver aux environs. Vous lui ferez connaître que le maréchal Lannes se trouve devant Saragosse avec le 5e et le 3e corps; qu'ils doivent tâcher de communiquer ensemble; qu'une des premières choses qu'il y a à faire est de prendre Tarragone , et d'y mettre garnison, et de fortement approvisionner Barcelone. S'il était possible de s'emparer aussi de Tortose, dans ces premiers moments où on n'a pas pu s'y attendre, ce serait un grand pas de fait pour pouvoir combiner ses mouvements sur Valence. Il faudrait envoyer cette dépêche au général Reille, qui a un chiffre avec le général Saint-Cyr, et qui en fera faire trois ou quatre copies, qu'il fera passer en diverses circonstances. Écrivez également au général Reille que les troupes composant la division ci-dessus se rendent à Perpignan.


Valladolid, 11 janvier 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général, à Valladolid

Faites connaître au général d'Avenay que vous m'avez mis les yeux sa lettre du 11; qu'il ne faut pas qu'il se laisse faire des contes. Qu'il fasse arrêter une trentaine des individus les plus coupables; qu'il fasse brûler le village où les pièces de ma garde ont été prises; qu'il fasse notifier que tout le monde ait à rentrer sous peine de confiscation des biens; qu'il agisse avec la plus grande activité; qu'il nomme un corrégidor pour la ville de Toro, et qu'il ne garde à Toro qu'un seul bataillon en envoyant les autres à Zamora.

Répondez au général Darricau qu'il a bien fait de s'emparer de Zamora; mais qu'il aurait dû y laisser le 6e; qu'un seul bataillon suffit à Toro et qu'il réunisse tout à Zamora pour marcher sur Salamanque; que j'ai accordé toutes les grâces qu'il a demandées.

Écrivez au général Maupetit qu'il faut qu'il envoie des reconnaissances jusqu'aux frontières du Portugal et à Salamanque, mais en force, de manière à n'éprouver aucun échec. Vous aurez soin de diriger le bataillon de marche de Valladolid, formé ici ce matin, qui appartient à la division Lapisse, sur Toro, et de là sur Zamora. Recommandez aux généraux Maupetit et Darricau de se procurer des capotes et des souliers à Zamora pour leurs corps, et de recueillir des renseignements sur ce qui se passe à Salamanque et du côté Portugal.

Indépendamment des hommes que les généraux d'Avenay Darricau feront pendre à Toro et à Zamora, donnez-leur ordre de prendre des otages et de les envoyer à Ségovie, et d'envoyer des députations nombreuses de ces villes à Madrid. Envoyez-leur ides proclamations de la ville de Valladolid, et des proclamations de Madrid, pour qu'ils les punlient. Mandez-leur d'en faire faire par les principaux magistrats et membre du clergé de ces villes, et de les faire imprimer et afficher partout.

(Lecestre)


Valladolid, 11 janvier 1809

Au maréchal Bessières, duc d'Istrie, commandant la réserve de cavalerie.

Les chasseurs à cheval et les chevau-légers polonais de notre Garde partiront demain 12 janvier de Valladolid pour se rendre à Duenas , le 13 à Villodrigo, le 14 à Burgos, le 15 à Briviesca, le 16 à Miranda, le 17 à Vitoria, où ils resteront jusqu'à nouvel ordre.

Les dépôts de notre Garde qui sont à Madrid en partiront pour se rendre à Valladolid; ceux qui pourraient être sur la route d'Aranda à Burgos et de Burgos à Vitoria seront réunis à Vitoria, où ils attendront de nouveaux ordres.


Valladolid, 11 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d'Espagne, au Pardo

Mon Frère, je désire que vous me fassiez donner des renseignements le plus tôt possible sur les routes : 1° de Bilbao à Valmaseda; 2° de Valmaseda à Villarcayo; quelles sont les villes qu'on rencontre, leur population; quelle espèce de hauteurs l'artillerie peut-elle passer ? 3° de Villarcayo à Orduaa; 4° de Villarcayo à Burgos; 5° de Villarcayo à Miranda ou tout autre point longeant l'Ebre ; 6° de Villarcayo à Santander; 7° de Villarcayo à Reinosa. Dans chacune de ces routes, l'artillerie peut-elle passer ? Il faut des détails sur chacune de ces routes. Faites faire ces notes, soit par le ministre de la guerre espagnol, soit par des hommes pratiques du pays, et aussi par des officiers français qui aient vu et qui aient été dans le pays. Faites-moi tracer sur une carte la grande route de Tolosa à Pampelune, la grande route de Pampelune à Vitoria. Ces renseignements me sont nécessaires avant dix heures du matin.

J'ai besoin aussi des renseignements suivants, mais pourvu que je les aie demain, cela est suffisant : décrire la route depuis Pampelune jusqu'à Madrid ; est-ce une chaussée faite ? Connaître quelles villes on trouve sur cette route, quelle est leur population ; quelles rivières, quelles gorges , quels obstacles naturels on rencontre. Je désire avoir les mêmes détails de la route de Saragosse à Madrid par Daroca. Ces notes doivent être faites très en détail ; on peut y mettre le temps, pourvu que je les aie demain dans la journée. Ce que je recommande pour toutes ces cartes, c'est qu'on établisse l'échelle en lieues de France, ou du moins, qu'on fasse bien connaître le tout et partie du nombre de toises qu'elles contiennent.


Valladolid, 11 janvier 1809, midi.

A Joseph Napoléon, roi d'Espagne, au Pardo

Mon Frère, je reçois votre lettre du 8 janvier. J'espère que le maréchal Victor se sera mis en marche le 9. Vous aurez vu , par ma lettre d'hier et par les ordres qui vous ont été envoyés avant-hier, que je désirais que la division Dessolle se reposât à Madrid. Si le maréchal Victor avait besoin d'être soutenu, ce que je ne puis croire, il pourrait être soutenu par le général Valence ; mais, avec l'infanterie qu'il a, la division Latour-Maubourg, le 26e de chasseurs et le 2e de hussards , il a dix fois ce qu'il faut. Cependant un millier d'hommes, placés à Aranjuez pour garder le pont et maintenir les communications, pourraient être utiles. J'y avais destiné la brigade hollandaise, mais elle a eu ordre depuis de se rendre à Talavera de la Reina avec la division Leval. Alors un des régiments du général Valence, qui sont arrivés depuis plusieurs jours à Tolède, étant reposé, peut, avec 3 ou 400 hommes de cavalerie, se porter sur les derrières du maréchal Victor et garder ses communications.

Je pense que vous avez bien fait de ne pas aller au corps d'expédition contre l'Infantado. Cette expédition n'a pas un but certain. L'infantado se retirera sur Valence, et l'issue n'en produira rien. Vous auriez donc mal fait de vous y porter. Puisque vous avez le désir bien naturel d'assister à une expédition , celle où vous devez vous trouver est celle d'Andalousie ; mais elle ne peut pas se faire avant vingt jours d'ici. Alors, avec deux bons corps formant une quarantaine de mille hommes , vous surprendrez l'ennemi par une route inattendue et vous le soumettrez. C'est l'opération qui finira les affaires d'Espagne : je vous en réserve la gloire.

Faites faire une tête de pont à Almaraz. Procurez-vous des mulets ou des boeufs pour atteler un équipage de douze pièces de 24. Écrivez à Somo-Sierra pour faire venir les six pièces qui y sont encore. Faites mettre sur des charrettes les mortiers. Ce petit équipage vous est nécessaire pour prendre Séville.

La copie de la lettre du sieur Fréville serait juste si ces blés devaient être vendus ; mais, puisqu'ils sont d'abord destinés à nourrir l'armée, il faut d'abord les prendre. Je fais écrire dans ce sens à l'intendant. Je verrai avec plaisir que tout ce qui a été pris aux rebelles soit employé aux besoins de l'armée.

Je suis obligé de me tenir à Valladolid pour recevoir les estafettes de Paris en cinq jours. Les événements de Constantinople, la situation actuelle de l'Europe, la nouvelle formation de mes armées d'Italie, de Turquie et du Rhin, veulent que je ne m'éloigne pas davantage. C'est bien à regret que je me suis vu forcé de partir d'Astorga.

Il y a à Madrid un millier d'hommes appartenant à ma Garde : envoyez-les-moi.

Voici les dernières nouvelles de Galice. On n'a eu aucune espèce de nouvelles de la Romana. La plupart des colonels ont licencié leurs troupes; une partie file en Andalousie, les autres s'en vont avec les Anglais. Les canonniers espagnols n'ont pas voulu remettre leurs canons aux Anglais.

Le 8, l'ennemi occupait, par une arrière-garde, Lugo. Le duc de Dalmatie était depuis le 6 en présence. L'infanterie est arrivée le 7. La division Marchand était à mi-chemin de Villafranca à Lugo pour soutenir le duc de Dalmatie.

Vous pouvez faire votre entrée à Madrid quand vous le jugerez convenable. Je suppose qu'aujourd'hui 11 le duc de Danzig est arrivé , que le 13 Talavera de la Reina sera occupé, et que Victor aura éloigné et dissipé les craintes ridicules qu'inspire l'Infantado. Si cela est, vous pouvez faire votre entrée le 14. Que toutes les troupes soient sous les armes et que les habitants viennent vous recevoir dehors , avec les cérémonies d'usage. Allez occuper le palais ; laissez-y un appartement pour moi, dans le cas où cela ne vous gênerait pas trop.

Ne vous exposez à aucun événement militaire, hormis l'expédition d'Andalousie, qui ne peut être faite qu'après les pluies. Que faut-il préparer ? du biscuit et l'équipage de pièces de 24 et de mortiers. Occupez-vous de cela tous les jours. Cette opération aura de l'éclat. Pour le biscuit, il vous faut 300,000 rations ; faites-en faire à Tolède et à Talavera. J'ai 300 caissons des transports militaires qui les porteront. Aussitôt que le général Lapisse aura fini à Zamora, je le ferai marcher sur Salamanque, qui est encore en révolte et où il y a 3 ou 4,000 hommes.

Faites donc pendre une douzaine d'individus à Madrid; il n'y manque point de mauvais sujets ; sans cela il n'y aura rien de fait. Les 3,000 prisonniers espagnols qui sont à Valladolid ont fort dégrisé ce pays-ci par leur présence et par leurs propos. Les prisonniers anglais arrivent par gros convois.

Je vous recommande la province d'Avila. Envoyez-y un intendant. Ce misérable Pignatelli n'a pas dix hommes avec lui. Un bataillon de 400 hommes du régiment de Royal-Étranger sera là à merveille. Cela servira d'ailleurs à établir la correspondance entre Salamanque et Madrid , lorsque la division Lapisse sera arrivée dans cette ville.

Il parait que le chargé d'affaires d'Espagne, qui était à Vienne, a quitté cette ville et s'en est allé par Trieste.

Il serait essentiel que vos ministres ne jetassent pas l'argent pour payer vos agent à l'étranger, hormis celui qui est en Russie, qui se comporte bien.


Valladolid, 11 janvier 1809, dix heures du soir.

A Joseph Napoléon, roi d'Espagne, au Pardo

Mon Frère, Zamora n'a pas voulu se soumettre; il a fallu yentrer de vive force. Le général Darricau s'y est porté, dans la journée du 10, avec quatre bataillons, l'a battu en brèche et l'a enlevé d'assaut. Il a eu dix hommes tués. Le général Darricau s'occupe de désarmer la place, et le général d'Avenay désarme la province de Toro. L'un et l'autre sont chargés de pousser des reconnaissances sur les frontières du Portugal et sur Salamanque.

Aussitôt que vous aurez un intendant à Avila, chargez-le de se mettre en correspondance avec le commandant de mes troupes à Salamanque, dès qu'elles y seront.


Valladolid, 11 janvier 1809

Au général comte Dejean, ministre directeur de l'administration de la guerre, à Paris.

Monsieur Dejean,je trouve ridicule que vous fassiez confectionner à Bordeaux l'habillement du 1er régiment d'infanterie légère et celui du 42e. Ces deux régiments sont à Barcelone et il était bien plus naturel que leur habillement soit confectionné à Monstpellier ou à Perpignan. Mon intention pour remédier à cette bévue est que les habits confectionnés à Bordeauxpour ces deux régiments soient envoyés à Bayonne et que vous ne fassiez confectionner à Perpignan d'autres habillements pour ces corps.

(Brotonne)


Valladolid, 12 janvier 1809

Au général Clarke, comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le général Clarke, le roi de Westphalie m'a annoncé une division de 6,000 hommes. Je vous prie de diriger ces troupes sur Lyon, et d'envoyer mon aide de canip pour savoir quand les deux premiers mille hommes se mettront en route. Activez leur départ. Je destine cette division, ainsi que les divisions du grand-duc de Würzbourg, de Berg et de Saxe, à faire le siége de la place de Girone.


Valladolid , 12 janvier 1809

Au général Clarke, comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Je vous renvoie les pièces trouvées chez le général Vedel. Il me semble que ces pièces sont nécessaires au procès. Il faut les remettre au procureur impérial et les faire parafer par le général. Il sera inutile d'imprimer les injures de Morla, qui ne font rien à la question. Le reste est important à connaître par la partie publique et par les juges. Il me semble qu'elles jettent beaucoup de jour sur cette affaire.

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P. S. Les détails de cette malheureuse affaire excitent toujours l'indignation. Vous verrez dans la correspondance du général Vedel que, le 3 août, un chef de bataillon qui était, avec 300 hommes, à Manzanares , c'est-à-dire à mi-chemin d'Andujar à Madrid, a eu la lâche bêtise de s'aller mettre dans la capitulation. Faites des recherches pour savoir le nom de ce misérable, afin qu'à son retour il soit arrêté, traduit à une commission militaire et passé par les armes.


Valladolid, 12 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan

Mon Fils, donnez l'ordre à la frégate la Caroline de s'approvisionner pour six mois de vivres et quatre mois d'eau, et de partir de Venise pour se rendre à Ancône. Vous ferez partir avec la Caroline un aviso et deux bricks, si vous les avez disponibles. Le capitaine aura sous ses ordres la Princesse-Auguste et 1'Iéna. Cette division, ainsi composée d'une frégate, de deux ou trois bricks et de quelques bâtiements légers, pourra sortir d'Ancône, toutes les fois qu'elle le jugera convenable, contre les bâtiments de Sicile et d'Angleterre qui vont à Trieste. Elle sera d'ailleurs mieux placée à Ancône, d'où elle peut se porter à Raguse et aux bouches de Cattaro, qu'à Venise, d'où elle ne peut jamais sortir.


Valladolid, 12 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan

Mon Fils, j'ai dicté aujourd'hui des notes sur la ligne à prendre en Italie et sur les fortifications à faire cette année. Ces notes ne vous seront envoyées que demain. Elles sont importantes, et contiennent le développement des motifs qui me portent à fortifier la ligne de l'Adige plutôt que celle de la Piave, qui me paraît si ingrate.


Valladolid, 12 janvier 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major-général, à Valladolid

Écrivez au général Maupetit de faire fusiller le chef des insurgés de Zamora, don Henri Spinosa.

Il doit vous faire connaître le nombre des habitants pris les armes à la main. Faîtes fusiller les plus coupables et ceux qui ont été les chefs.

(Brotonne)


Valladolid, 12 janvier 1809.

A Joseph Napoléon, roi d'Espagne, à Madrid

Je reçois votre lettre du 10 janvier. Je vous ai mandé hier au soir la prise de Zamora. Je vais faire marcher sur Salamanque. Vous avez très bien fait de dissoudre tous les bataillons de marche, et d'envoyer aux divisions Villatte et Ruffin les détachements qui leur appartiennent. Vous verrez si vous jugez nécessaire d'envoyer le 2e de hussards à  Aranjuez pour battre la plaine. Quant aux hommes isolés des sept régiments d'infanterie qui appartiennent au corps du maréchal Victor, réunissez-les à Madrid, et, après deux jours de repos, envoyez-les à  Aranjuez, du moment qu'ils seront au nombre de 300 hommes.

Je suppose qu'à  l'heure qu'il est la division Leval marche sur la Talavera, et que la division Valence garde Tolède et Aranjuez. Des bataillons de marche de plusieurs miniers d'hommes, apparte­ nant au corps du maréchal Victor et au 4' corps, partent aujour­ d'hui pour Madrid ..

Je vous ai mandé de faire votre entrée à  Madrid et de prendre le gouvernement de l'État, en mettant à  cela la plus grande pompe possible. Je désire fort que vous puissiez faire votre entrée le 14, le 15 ou le 16. Je pense que votre entrée à  Madrid et la prise de possession entière de votre gouvernement sont nécessaires et importantes. Je n'ai pas encore de nouvelles des Anglais; on était en présence de leur arrière-garde le 8. J'ai donné ordre à  un bataillon de 600 hommes qui est à  Soria, dès qu'il serait relevé, de se rendre à  Madrid, vous pouvez l'incorporer dans votre garde. De nombreux détachements de conscrits sont en marche.

L'opération qu'a faite Belliard est excellente. Il faut faire pendre une vingtaine de mauvais sujets. Demain. j'en fais pendre ici sept, connus pour avoir commis tous les excès, et dont la présence affligeait geait tous les honnêtes gens, qui les ont secrêtement dénoncés, et qui reprennent courage depuis qu'ils s'en voient débarrassés. Il faut faire de même à  Madrid. Si l'on ne se débarrasse pas d'une centaine de boute-feux et brigands, on n'a rien fait. Sur ces cent, faites-en fusiller ou pendre douze ou quinze, et envoyez les autres en France aux galères. Je n'ai eu de tranquillité en France qu'en faisant arrêter 200 boute-feux, assassins de septembre et bandits que j'ai envoyés aux colonies. Depuis ce temps, l'esprit de la capitale a changé comme par un coup de sifflet.

(Lecestre)


Valladolid, 13 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Chmapagny, je reçois votre lettre du 4 janvier. Je désire que M. de Romanzof reste à Paris jusqu'au ler février.

Tant qu'un traité n'est pas ratifié, il n'y a rien de fait.

Ecrivez au sieur la Rochefoucauld qu'aucun Français ni Italien ne doit passer en Angleterre, ni par conséquent s'embarquer en Hollande; qu'ainsi il doit refuser à tous.

Je suis étonné que l'aide de camp du roi de Wurtemberg, s'il avait une lettre à me remettre, ne soit pas venu me trouver. Toutes les fois qu'un roi allié m'envoie un officier avec une lettre, il n'y a pas obstacle à ce qu'il vienne me joindre.


Valladolid, 13 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, écrivez à mon ministre à Cassel que je désire que le roi de Westphalie mette des hommes habiles et sûrs à la tête de la rédaction de ses gazettes; qu'il les charge de lire avec soin les gazettes de Vienne et de Presbourg, et qu'il s'attache à faire tourner en ridicule les articles que ces gazettes contiendraient contraires à la France et à la Confédération, en faisant sentir les funestes effets qu'a eus, dans tous les temps, l'ambition de la maison d'Autriche. Écrivez au sieur Otto et à mes ministres en Allemagne que je verrai avec plaisir qu'ils s'attachent à détruire, dans les gazettes de Munich et autres, ce que les gazettes de Vienne et de Presbourg disent contre la France ou la Confédération.


Valladolid, 13 janvier 1809.

Au général Clarke, comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Vous verrez, par le bulletin, que le duc de Dalmatie est entré à Lugo le 9 ; le 10 il a dû être à Betanzos. Les Anglais paraissent vouloir s'embarquer à la Corogne ; ils ont déjà perdu 3,000 hommes faits prisonniers, une vingtaine de pièces de canon, cinq à six cents voitures de bagages et de munitions , une partie de leur trésor et 3,000 chevaux, qu'ils ont eux-mêmes abattus, selon leur bizarre coutume. Tout me porte à espérer qu'ils seront atteints avant leur embarquement et qu'on les battra. J'ai quelquefois regret de n'y avoir pas été moi-même, mais il y a d'ici plus de cent lieues ; ce qui avec les retards que font éprouver aux courriers les brigands qui infestent toujours les derrières d'une armée, m'aurait mis à vingt jours de Paris : cela m'a effrayé, surtout à l'approche de la belle saison qui fait craindre de nouveaux mouvements sur le continent.

Le duc d'Elchingen est en seconde ligne, derrière le duc de Dalmatie. La force des Anglais est de l8,000 hommes. On peut compter qu'en hommes fatigués, malades, prisonniers et pendus par les Espagnols, l'armée anglaise est dimminuée d'un tiers ; et, si à ce tiers on ajoute les chevaux tués qui rendent inutiles les hommes de cavalerie, je ne pense pas que les Anglais puissent présenter 15,000 hommes bien portants et plus de 1,500 chevaux. Cela est bien loin des 30,000 hommes qu'avait cette armée.

Faites envoyer aux journaux des articles qui peignent la folie des plans d'opération de l'armée anglaise, la honte qu'elle est venue recueillir et la destruction dont elle est menacée si elle ne parvient pas à s'échapper, et, si elle s'échappe, l'état déplorable dans lequel elle va rentrer, affaiblie de moitié et privée de tout, et, dans les deux hypothèses, la masse de honte qui attend cette expédition, la plus forte qu'ait faite l'Angleterre.

La Galice montre un bon esprit. Tout se soumet et s'arrange.


Valladolid, 13 janvier 1809

Au général Clarke, comte d'Hunebourg, ministre de la guerre, à Paris

Monsieur le Général Clarke, faîtes connaître au duc d'Auerstaedt que le territoire de la Confédération du Rhin est inviolable; que, sous quelque prétexte que ce soit, il ne doit rien laisser passer sur le territoire de Bayreuth; que cette notification est faite par courrier à Vienne.


Valladolid, 13 janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Il y avait à Berlin une gazette allemande intitulée le Télégraphe. Elle s'imprime actuellement à Erfurt. Il n'y a pas de difficulté qu'elle s'y imprime encore quelque temps; mais je désire qu'elle vienne ensuite s'établir à Düsseldorf. Écrivez là-dessus au duc d'Auerstaedt et au sieur Beugnot. Cette gazette serait destinée à détruire en Allemagne le mauvais effet qu'y produisent les gazettes de Vienne et de Presbourg. Faites connaître à mon ministre à Cassel qu'il fasse tourner en ridicule, par les gazettes de Westphalie, tous les articles des gazettes de Vienne et de Presbourg dirigés contre la France et la Confédération du Rhin. Donnez des ordres dans ce sens aux gazettes allemandes de Mayence et de Strasbourg.


Valladolid, 13 janvier 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Nous sommes en 1809. Je pense qu'il serait utile de faire faire quelques articles, bien faits, qui comparent les malheurs qui ont affligé la France en 1709 avec la situation prospère de l'Empire en 1809. Il faut considérer la question sous le point de vue du territoire et de la population, sous le point de vue de la prospérité intérieure, sous le point de vue de la gloire extérieure, sous le point de vue des finances, etc. Vous avez des hommes capables de faire, sur cette matière fort importante, cinq à six bons articles qui donnent une bonne direction à l'opinion. Louis XIV s'est occupé de faire bâtir Versailles et des maisons de chasse. On s'est occupé d'améliorer Paris, depuis les eaux jusqu'aux palais, depuis les marchés jusqu'au temple de la Victoire, jusqu'à la Bourse. Tout était à faire, tout se fait. On peut partir de là pour parler de la perfection qu'ont acquise nos institutions, leur simplicité et l'heureux cours des idées en 1809. En 1709, on révoquait l'édit de Nantes, on persécutait les protestants; le maréchal de Villars perdait ses talents dans les Cévennes ; le Père Lachaise tyrannisait la conscience du vieux roi. En 1809, on rétablit les autels ; les religions sont tolérées. Par les rapports avec les moeurs, les évêques ne vont ni au . . . . .ni dans les antichambres, mais restent dans leurs diocèses. Il y a là de beaux articles à faire. Mais il ne faut pas entreprendre un long ouvrage qu'on ne finirait pas. On peut faire un article tous les mois , sous les mêmes titres : 1709 et 1809.


Valladolid, 13 janvier 1809

Au comte Regnier, Grand-Juge, ministre de la justice, à Paris

Témoignez ma satisfaction aux président et procureur impérial de la cour criminelle de Rouen, pour le courage avec lequel ils ont résisté à l'esprit de parti qui voulait sauver les coupables d'un crime le plus inquiétant pour la société, appartenant à des familles distinguées. La loi est une pour les citoyens, et la considération de la naissance et de la fortune ne peut jamais être, pour Sa Majesté et les magistrats, un motif pour faire fléchir la justice et même pour faire grâce; au contraire, elle rend ceux qui les commettent d'autant plus coupables qu'ils ont un rang distingué dans la société.


Camp impérial, Valladolid, 13 janvier 1809

Au cardinal Fesch, Grand-Aumonier de l'Empereur, archevêque de Lyon

Mon Cousin, ayant destiné pour cette année un fonds de 60,000 francs pour soulager les pauvres veuves et enfants de mes soldats et autres pauvres de mon Empire, j'ai ordonné à mon grand maréchal du palais de tenir à votre disposition un crédit de 5,000 francs par mois. Ces 5,000 francs seront distribués sur vos mandats aux personnes que vous désignerez.


Valladolid, 13 janvier 1809, au soir

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan

Mon Fils, je reçois votre lettre, dans laquelle vous m'apprenez que les Autrichiens forment des approvisionnements considérables à Goritz. Je suppose que vous avez fait vérifier ce fait pour savoir à quoi vous en tenir. Il me paraît extraordinaire que les Autrichiens réunissent des approvisionnements si près de nous ; ils auraient donc pris une étrange confiance : il est vrai qu'ils ont commis déjà bien des extravagances. Ils me croient occupé loin d'eux; ils seront bien attrapés lorsque, dans quelques jours, ils sauront que je suis à Paris et que mes troupes rétrogradent. Ici, les Anglais battus et acculés à la mer ont achevé de dessiller les yeux. Je suppose que Palmanova est parfaitement approvisionnée, C'est là le principal. Pour peu que des troupes autrichiennes viennent à s'approcher de l'Isonzo, ordonnez sur-le-champ que la place soit réarmée. Je suppose aussi que vous avez réuni à Palmanova une certaine quantité de biscuit, suffisante pour servir d'approvisionnement extraordinaire à l'armée. Faites écrire par les colonels aux majors et vous-même écrivez aux commandants des divisions militaires, pour qu'on presse l'habillement et le départ des hommes disponibles qui sont aux dépôts. Les divisions Boudet et Molitor sont à Lyon, qui se reposent. Du moment que la saison aura fléchi , je les enverrai en Italie; ce sera un renfort de sept régiments d'infanterie et de quatre de cavalerie, et, en outre, de sapeurs et de troupes d'artillerie.

Je suppose que le roi de Naples a renvoyé tout ce qu'il devait renvoyer dans la haute Italie. Je vous ai écrit avant-hier relativement à mon armée italienne; je suppose que vous pourrez disposer de 9,000 hommes d'infanterie de ma Garde, de 16,000 hommes d'infanterie de ligne, tous à l'école de bataillon, ce qui pourra me former deux bonnes divisions , plus 2,000 chevaux, à peu près, et qu'au total mon armée italienne pourra m'offrir une force de 20,000 hommes environ.

Écrivez au général Marmont tout ce que vous apprenez des Autrichiens, mais écrivez-le-lui en chiffre; marquez-lui que, si les hostilités viennent à commencer, il doit centraliser ses forces sur Zara, approvisionner cette ville et manoeuvrer de manière à opérer sa jonction du côté de Laybach.


Valladolid, 14 janvier 1809

A Georges, Prince Héréditaire de Mecklembourg-Strélitz

Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 20 décembre. Je suis charmé d'avoir fait une chose agréable à votre grand-mère. Vous pouvez compter que je saisirai avec plaisir toutes les occasions de donner des marques d'intérêts à votre famille.

(Brotonne)


Valladolid, 13 janvier 1809

A Joseph Napoléon, roi d'Espagne, au Pardo

Mon Frère, l'ennemi est resté dans la journée du 8 sur les hauteurs de Castro. Dans la matinée du 9, le duc de Dalmatie se résolut à l'attaquer, son artillerie et son infanterie étant arrivées le 8. La position de Castro n'est attaquable que par la gauche, la droite étant appuyée à la rivière. Le duc de Dalmatie fit faire un mouvement pour tourner la gauche de l'ennemi, qui , s'en étant aperçu, partit à la nuit tombante et continue sa retraite toute la nuit du 8. On a trouvé à Lugo 300 malades anglais et 18 pièces de canon. Les Anglais ont détruit la plus grande partie de leurs munitions. Dans la journée du 9, on a fait 500 prisonniers. Voilà donc déjà 3,000 prisonniers anglais que nous avons. On a compté 700 chevaux abattus par eux dans la ville de Lugo; ce qui fait plus de 2,500 chevaux qu'ils perdent.

Le duc de Dalmatie espérait arriver le 10 à Betanzos, à peu de lieues de la Corogne. Les Anglais ont à la Corogne 400 bâtiments.

Les habitants de la Galice paraissent animés du meilleur esprit. L'évêque de Lugo et le clergé sont restés. La ville de Lugo a été pillée par les Anglais, et a beaucoup souffert à la retraite de ceux-ci, qui se portent à tous les excès imaginables.

Faites mettre ces nouvelles dans les gazettes. Faites aussi que les gazettes de Madrid arrivent à Valladolid, et que vos ministres écrivent à vos intendants.

On m'a assassiné deux gendarmes d'élite à la poste, à l'intersection des chemins de Guadarrama et de l'Escurial. J'avais demandé qu'on y envoyât 25 à 30 hommes du Royal-Étranger.

Je ne vois pas d'incouvénient que vous preniez des prisonniers, dont on pourrait être sûr, pour former vos régiments ; mais il ne faut pas prendre d'officiers.


Valladolid, 14 janvier 1809

Au comte de Champagny, ministre des relations extérieures, à Paris

Monsieur de Champagny, j'envoie Deponthon à Saint-Pétersbourg. Écrivez aux sieurs Otto, Durand et Bourgoing, pour qu'ils aient l'éveil sur les mouvements de l'Autriche. Écrivez-leur qu'il est nécessaire que les troupes de la Confédération du Rhin se tiennent prête, à marcher; que l'Autriche paraît avoir perdu la tête ; que les affaires d'Espagne sont terminées ; que je suis au mieux avec la Russie, mais que les Anglais dominent à Vienne. Vous ajouterez au sieur Otto que je désire que la Bavière arme ses places et surtout les forteresses de Passau et Burghausen. On peut envoyer à Paris un ingénieur avec les plans de ces deux forteresses, pour arrêter les travaux à faire; mais, en attendant, y mettre une garnison et les approvisionner.


Valladolid, 14 janvier 1809

Au général Clarke, comte d'Hunebourg, minstre de la guerre, à Paris

Les habitants de Turin se plaignent qu'ils ont, au faubourg de la Dora, beaucoup de poudres qui les alarment. Ne pourrait-on pas placer ces poudres à Fenestrelle et à Alexandrie ?


Valladolid, 14 janvier 1809

PROJET DE NOUVELLE ORGANISATION DE LA GENDARMERIE IMPÉRIALE.

On s'arrête au projet suivant :

Former un seul régiment. de grenadiers à deux bataillons, chaque bataillon composé de quatre compagnies de 200 hommes; ce qui fait 1,600 grenadiers; c'est à peu près le même nombre qu'aujourd'hui; et, comme les grenadiers coûtent extrêmement cher, ce serait une grande économie. On pourrait toujours en emmener à la guerre 1,200, et les maintenir à ce nombre pendant le cours de la campagne. Former de même un seul régiment de chasseurs. Ces deux régiments sont en Espagne.

Laisser les deux régiments de fusiliers comme ils sont, et, des cadres du second régiment de grenadiers, former un régiment de grenadiers-conscrits de la Garde, payé comme l'infanterie de ligne, hormis les officiers et sous-officiers, qui seraient de la Garde. Faire de même, avec le cadre du second régiment de chasseurs, un régiment de conscrits-chasseurs.

On aurait donc : un régiment de grenadiers, un régiment de fusiliers-grenadiers, un régiment de conscrits-grenadiers,, un régiment de chasseurs, un régiment de fusiliers-chasseurs, un régiment de conscrits-chasseurs ; total, six régiments, douze bataillons, vingt quatre compagnies, ou 2,600 hommes. Si le mot conscrits était d'un mauvais effet, on pourrait se servir du mot tirailleurs.

On suppose qu'en maintenant constamment à la guerre ces régiments à 1,200 hommes chacun, on aurait toujours en ligne 7,200 hommes présents sous les armes, et à Paris un dépôt de 2,400 hommes pour la garde des palais et pour le repos des hommes fatiguéss. C'est là la meilleure manière. Un bataillon de 800 hommes effectifs, c'est-à-dire de 600 hommes présents sous les armes, est suffisant.

Les fusiliers ont déjà un mauvais pli : c'est d'être, entre la Garde et la ligne, un corps intermédiaire qui coûte le double de la ligne. Il vaut bien mieux former un corps de tirailleurs qui ne coûte pas plus que la ligne. Le pli est déjà : c'est le dépôt des conscrits de la Garde à Paris. Restera donc à former les deux nouveaux régiments dont les cadres doivent être de 3,200 conscrits ; ce nombre existe à peu près au dépôt de la Garde à Paris.

La Garde actuelle n'est, je crois, que de 7,000 hommes ; je vais la porter à 9,000, et il serait possible qu'elle ne me coûtât pas davantage, car 3,200 simples fantassins ne doivent pas coûter beaucoup plus que 800 des anciens soldats que j'ai dans la Garde. En temps de paix, c'est une assez belle récompense pour l'armée que d'avoir 3,200 places dans ma Garde. En temps de guerre, je tirerai toujours plus de profit des fusiliers et des tirailleurs que des grenadiers et des chasseurs, qu'on craint d'exposer parce qu'ils sont trop précieux.


Valladolid, 14 janvier 1809

Au maréchal Davout, duc d'Auerstaedt, commandant l'armée du Rhin, à Erfurt

Mon Cousin , j'ai reçu vos différentes lettres. Il ne faut pas trop chicaner la Saxe sur l'entretien et la nourriture de ses troupes ; laissez le Roi se nourrir et s'approvisionner comme il l'entend.

On demande trop pour mon armée. Songez que je suis obligé à des dépenses énormes. L'Espagne me coûte beaucoup et ne me rend rien. Mes armées viennent d'être augmentées ; ce qui exige de ma part de très-fortes dépenses.

Vous avez recu des ordres du ministre de la guerre qui vous font connaître quelle doit être l'organisation de votre armée à la fin de février ou au commencement de mars. Les 4e bataillons, tant de vos quatre divisions que du corps d'Oudinot, doivent être à l'armée, ce qui portera le corps d'Oudinot à trente-six bataillons ou à trois divisions, et votre corps à quatre-vingt-trois bataillons ce qui ferait cent dix-neuf bataillons. Faites-moi connaître ce qui vous manque pour cela. Mandez-moi si tous vos régiments de cavalerie, soit cavalerie légère, soit grosse cavalerie, sont à 1,000 chevaux présents, et si vos compagnies d'infanterie sont à 140 hommes effectifs. Faites-moi connaître ce qui vous manque pour que vos troupes soient dans cette situation.


Valladolid, 14 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan

Mon Fils, j'expédie le décret pour les fonds des travaux du génie; mais le rapport que vous m'envoyez n'est pas suffisant : il aurait fallu me dire ce que j'avais accordé pour l'an 1808, ce qui avait été dépensé, ce qui restait. Mon intention est qu'on travaille sans délai à Saint-Georges; donnez des ordres pour cela. Tout ce qu'on a fait à Pietole est de l'argent perdu si Saint-Georges n'est pas fait, car c'est là qu'on se battra. Comme le général Chasseloup est fort entêté, il faut lui donner des ordres positifs pour qu'il travaille, sans écouter la saison ni aucune raison. Quant à Venise, il faut établir un projet général et finir d'abord quelque chose. C'est particulièrement à Malghera et Brandolo qu'il faut travailler. Mais. comme je ne sais pas ce qui a été fait et que je n'ai point les mémoires ni les plans sous les yeux., je ne puis décider.

Vous trouverez ci-joint le tracé d'Osoppo; faites-le exécuter, c'est ma volonté. Quant à Ancône, je n'ai point arrêté le projet. Je désire savoir les fonds que j'y ai destinés cette année et ce qui a été dépensé. Vous verrez que je désire qu'on finisse Palmanova.


Valladolid, 14 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan

Mon Fils, la digue de Ca-Zanetti à Mantoue doit partir de la terre ferme, de manière que, Pietole pris, la digue reste intacte. L'ouvrage de Ca-Zanetti ne sera point fait cette année; lorsque la digue sera faite et que l'ouvrage de Saint-Georges sera terminé, on verra s'il convient de mettre un petit ouvrage en avant de la digue. La digue n'a besoin d'aucune défense; on y construira un pont-levis qui suffira pour la défendre, et on pourra la tracer de manière qu'on puisse y placer une batterie; en sorte que, si on établit un ouvrage en avant, ce sera dans le seul but d'avoir une sortie de plus et non d'empêcher l'ennemi de couper la digue. On pense que l'ennemi a peu d'intérêt à la couper; une sortie de plus est peu utile; de sorte qu'un petit ouvrage de 25 à 30,000 francs donnera de ce côté-là un pied suffisant, sans que l'ennemi perde son temps et ses munitions à s'en emparer, on préfère Saint-Georges à tout, parce que c'est la grande commnication qui conduit à l'Adige, parce que Saint-Georges est près de la citadelle, parce que c'est une espèce d'ouvrage avancé qui couvre toute la mauvaise enceinte. Il faut faire travailler à Saint-Georges le plus tôt possible. Il serait malheureux que Mantoue fût assiégée et qu'on n'eût pas là un point de fortification permanente. Qu'arriverait- il ? C'est que le gouverneur y ferait construire un ouvrage de fortification de campagne, qui emploierait un millier d'hommes, qui finirait par être pris, et la chute de ce poste contribuerait à celle de la place. On a perdu un an en projets et contre-projets ; il ne faut plus perdre un moment. Il faut diriger les travaux de manière à avoir un point solide à Saint-Georges, ne fût-ce qu'une partie de ce que l'on projette de faire. On a adopté trois ouvrages ; s'il y en avait un des trois de fait, ce serait suffisant. L'ennemi ne dirigera pas ses attaques de ce côté-là lorsqu'il y aura un ouvrage quelconque.

Résumé : faire la digue là où elle pourra coûter le moins ; mais l'appuyer à la place, afin qu'elle ne dépende pas de Pietole; ne point faire actuellement de fortifications à la tête de la digue, et se ménager une batterie défendue par un pont-levis à un point quelconque de la digue. On pourra, par la suite, établir une flèche ou un petit ouvrage en avant de la digue ; mais, en attendant qu'elle soit faite, il faut travailler sans délai à Saint-Georges, de manière qu'un des trois ouvrages projetés soit terminé et susceptible de toute sa défense.


Valladolid, 14 janvier 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d'Italie, à Milan

Mon Fils, vous enverrez de ma part l'ordre suivant au général Marmont; vous aurez soin de le lui envoyer en chiffre, et de le faire porter par un officier intelligent et sûr; quelques jours après vous lui en enverrez le duplicata. Vous lui enverrez, mais sans les mettre en chiffre, les bulletins des affaires d'Espagne, le détail de nos avantages, et l'avis que je suis sur mon retour, que ma Garde et une partie de mes troupes rétrogradent en ce moment, parce que les affaires d'Espagne sont finies.

Voici ce qu'il faut mettre en chiffre : L'Empereur m'écrit de son quartier général de Valladolid , en date du 14 janvier, et me charge de vous envoyer les instructions suivantes. La maison d'Autriche fait des mouvements ; le parti de l'impératrice parait vouloir la guerre. Nous sommes toujours au mieux avec la Russie, qui probablement ferait cause commune avec nous. Si les Autrichiens portaient des forces considérables sur l'Isonzo et la Dalmatie, l'intention de l'Empereur est que son armée de la Dalmatie soit disposée de la manière suivante : Le quartier général à Zara avec toute l'artillerie de campagne, le 8e, le 18e d'infanterie légère, le 5e, le 11e et le 8le de ligne, les cavaliers et les vélites royaux, s'ils ne sont pas déjà passés en Italie, le 23e, le 60e et le 79e, formant, avec le peu de cavalerie qu'il y a, l'artillerie et les sapeurs, en tout 17,000 hommes. Tous les hôpitaux que l'armée peut avoir en Dalmatie, concentrés à Zara. Une compagnie d'artillerie française aux bouches de Cattaro ; une compagnie d'artillerie française à Raguse. Tous les sapeurs de l'armée, à Zara; un officier supérieur du génie avec deux ingénieurs et une escouade de 15 sapeurs à Zara; autant aux bouches de Cattaro. Une compagnie d'artillerie italienne à Cattaro, une compagnie italienne à Raguse, de sorte qu'il y aura près de 200 hommes d'artillerie dans chacune de ces deux places. Le 3e bataillon du régiment de Dalmatie aux bouches de Cattaro ; le 3e bataillon d'infanterie légère italienne aux bouches de Cattaro; ce qui fera 1,000 hommes qui, avec 200 canonniers et sapeurs, feront une garnison de 1,200 hommes. Le 4e bataillon du régiment de Dalmatie à Raguse; un bataillon français de 600 hommes à Raguse; ce qui fera une garnison de 12 à 1300 hommes à Raguse. Un général de brigade à Raguse, un général de brigade à Cattaro. Une garnison de 200 hommes à Castelnovo, pour la défense du fort, prise sur ce qu'on laisse à Cattaro. On aura soin d'approvisionner ce fort, les bouches de Cattaro et Raguse pour six mois de vivres. Il faudrait réunir également dans ces places des approvisionnements suffisants en poudre, munitions et tout ce qui peut être nécessaire pour leur défense. Dans cette situation de choses, l'armée de Dalmatie, qui a 20,000 hommes présents sous les armes, non compris les hommes qui sont aux hôpitaux, aurait 1,200 hommes à Cattaro, 1,200 hommes à Raguse, 400 hommes de plus, soit à Raguse, soit à Cattaro, et 17,000 hommes réunis sous Zara. Cette dernière place serait aussi approvisionnée pour six mois.

Le général Marmont, avec ses 17,000 hommes, doit prendre position sur la frontière pour obliger les Autrichiens à lui opposer d'égales troupes, et manoeuvrer de manière à opérer sa jonction autant que possible. En cas d'échec, il peut se retirer sur son camp retranché de Zara, derrière lequel on doit pouvoir se défendre un an. Le général qui sera chargé de la défense des bouches de Cattaro doit former un bataillon de Borchèses, des plus fidèles, pour aider à la défense du pays. Le général qui reste en Dalmatie doit de son côté organiser un semblable bataillon, composé de gens du pays. Et si le général Marmont entrait en Allemagne, il laisserait une compagnie de chacun de ses régiments, composée des hommes malingres et écloppés, mais commandés par de bons officiers. Il laisserait en outre un régiment pour la garnison de Zara, et avec le reste il prendrait part aux opérations de la campagne ; bien entendu que ce régiment assisterait aux batailles qui seraient données avant la jonction ; 12 ou 1500 hommes des dépôts suffiront dans ces premiers moments pour garder la Dalmatie ; mais, une fois la jonction opérée, ce régiment rétrograderait pour venir assurer la défense de Zara et de la province. Par cette disposition du général Marmont, l'armée active en Italie se trouverait augmentée de 15,000 hommes des meilleures troupes de France.

L'instruction à donner aux commandants de Cattaro et de Raguse doit être de défendre le pays autant que possible, mais de se restreindre à la défense des places, du moment qu'il y aurait un débarquement et que l'ennemi se présenterait trop en force. Ceci est une instruction générale qui doit servir dans tous les temps, quand le général Marmont ne recevrait plus d'ordres, toutes les fois que ses courriers seraient interceptés, et qu'il verrait les Autrichiens se mettre en hostilité, chose cependant qu'on a encore peine à croire. Dans cette situation, si les bouches de Cattaro et de Raguse étaient bloquées, elles devraient correspondre avec Ancône et Venise par mer, et pourraient être assurées qu'avant huit mois elles seraient dégagées. En conséquence, il est indispensable de munir de poudre et de boulets les bouches de Cattaro et de Castelnovo, et d'approvisionner ces deux places en biscuit, en blé, en bois, qui sont les objets principaux. Il est également nécessaire qu'il y ait une grande quantité de blé, de farine et de biscuit à Raguse, pour le même objet. L'intention de l'Empereur est que ses troupes ne soient point disséminées ; elles ne doivent occuper que les points de Raguse, Cattaro, Castelnovo et Zara. Dans le cas où l'armée de Dalmatie se porterait en Allemagne, il faut préparer des mines pour faire sauter les châteaux fermés qu'il peut y avoir dans le pays, et qui donneraient de la peine à reprendre quand l'armée. Les gardes nationales seraient suffisantes pour garder les côtes pendant tout le temps que l'armée marchera contre rennemi, dont les forces, occupées ailleurs, ne pourraient rien tenter de ce côté. On voit, par le dernier état du 15 décembre, qu'il y a à Raguse et à Cattaro 14,000 quintaux de blé, ce qui fait pour 4,000 hommes pendant plus d'un an; cet approvisionnement est suffisant. L'approvisionnement de Spalatro et Sebenico serait porté sur Zara; ce qui ferait 5,000 quintaux à Zara, c'est-à-dire pour 5,000 hommes pendant cent jours, et de plus le biscuit qui rendrait cet approvisionnement plus que suffisant ; mais il faut avoir soin que ce blé soit converti en farine, afin de n'éprouver aucun embarras ni obstacle dans les derniers moments. A tout événement, ce serait une bonne opération que de réunir sur Zara 10,000 quintaux de blé, en faisant en sorte, cependant, que les fournisseurs soient chargés de 1a conservation, et que cela ne se perde pas.


Valladolid, 14 janvier 1809

NOTES SUR LA DÉFENSE DE L'ITALIE.

Palmanova a un rôle défensif et offensif. L'armée française veut-elle se porter sur Laybach dans la Carniole ? Palmanova est son dépôt et la place où se termine sa ligne d'opération; ses parcs, ses malades , ses magasins peuvent s'y réunir et s'y former; en cas d'échec, l'armée peut venir s'y réorganiser. Veut-on , après avoir menacé l'ennemi dans la Carniole et sur l'Isonzo, se porter par une marche de gauche sur Klagenfurt, se réunir à l'armée d'Allemagne qui aurait marché sur Salzburg ? Palmanova est encore important. Les troupes destinées à former sa garnison forment le rideau qui masque , pendant deux jours, ses mouvements à l'ennemi. Les bagages , les malades, les traînards se renferment dans cette place. Dans cette seconde hypothèse , Osoppo joue un rôle inverse de Palmanova; si on veut se porter sur Klagenfurt, il sert de dépôt à sa ligne d'opération; si au contraire l'armée, après avoir menacé de se porter sur Klagenfurt, livre bataille à l'ennemi qui est sur l'Isonzo, tous les hommes laissés du côté de Tarvis pour masquer le mouvement se retirent à Osoppo et en forment la garnison. Ainsi ces deux places sont importantes pour la guerre offensive. Mon intention pour 1809 est qu'on dépense un million à Palmanova et qu'on dépense 200,000 francs à Osoppo.

Si, par des circonstances quelconques, l'armée d'Italie se trouvait trop faible, et qu'elle fût abandonnée à ses propres forces, soit par l'infériorité numérique, soit par suite d'une bataille perdue, la place de Palmanova pourrait demander d'être défendue et occupée par un peu de monde : 1,500 hommes de bonne infanterie et 1,000 sapeurs, mineurs et dépôts seraient plus que suffisants; 4 ou 500 hommes suffiraient à Osoppo. Ainsi, avec 3 ou 4,000 hommes, dont moitié serait de peu de jeu en rase campagne, ces places importantes seraient gardées. C'est cette considération qui a fait préférer l'établissement de simples lunettes au tracé des ouvrages à corne ou à couronne qui avaient été proposés. Les neuf lunettes ne demandent pas un homme de plus pour la défense de Palmanova, au lieu que les ouvrages à corne ou à couronne auraient demandé des forces indépendantes de la place; c'est aussi ce qui a porté à désirer que toutes les demi-lunes fussent revêtiies. Mon opinion est qu'un ouvrage en terre a quelquefois des avantages sur un ouvrage en maçonnerie, parce que les boulets s'y enterrent; mais l'avantage de la maçonnerie, c'est de permettre une économie dans la garnison qui garde une place. Cette considération, dans beaucoup de circonstances, est tellement importante, que je désire voir toutes les lunettes revêtues. Quant à Osoppo, j'ai adopté un camp retranché en terre, avec fossé plein d'eau et chemin couvert, formant une simple couronne soumise à la domination de la montagne. Le chemin couvert , ayant 600 toises de développement, peut contenir douze bataillons, et l'intérieur du camp retranché, ayant 100 toises sur 300, peut contenir plusieurs divisions. Vu la faculté que l'on a de remplir les fossés d'eau, toute maçonnerie devient inutile; il suffit de pratiquer quelques flèches dans le flanc de la montagne, qui auront de la domination sur la tranchée et qui , probablement, ôteront à l'ennemi l'envie d'attaquer ce camp retranché. Un des principaux avantages de ce camp retranché, c'est de n'exiger que peu de monde de plus qu'Osoppo. La montagne et un large fossé plein d'eau le défendent suffisamment; 100 hommes dans chaque bastion suffisant pour rendre toute attaque impraticable. Ainsi donc, avec 3,000 hommes de toutes armes et de toutes espèces de troupes, Palmanova et Osoppo se défendront longtemps , et, dans d'autres circonstances, tous les magasins de l'armée et 12 , 15 ou 20,000 hommes peuvent trouver secours et protection sous le feu de ces places.

Une fois obligé d'abandonner ces places , où doit-on s'arrêter ? Ma première idée fut pour la Piave , ce qui a donné lieu au mémoire que j'ai dicté il y a six mois. Mais la Piave est guéable les trois quarts de l'année, mais la Piave tournée peut donner lieu à de fausses manoeuvres du général français, mais enfin la Piave est fort loin de Mantoue, de Peschiera, où se trouve le centre de la défense de l'Italie; et la crainte qu'on peut avoir, si l'ennemi tournait la ligne de la Piave sur la gauche , de n'arriver qu'après lui devant ces places qui demandent des garnisons si considérables , rendrait nécessairement moins hardi le général français. Ce qui a dû fixer ma première idée sur la Piave, c'est que la Piave couvre Venise, ef qu'il faut perdre une bataille avant d'abandonner ce grand arsenal , cette grande ville, et qu'il est bien malheureux de faire un détachement de plusieurs milliers d'hommes pour laisser une garnison dans Venise. Ces avantages sont majeurs, mais ne serait-il pas possible de donner à la ligne de l'Adige la même propriété ? La ligne de l'Adige ne peut jamais avoir la propriété de couvrir Venise, parce qu'elle n'est pas assez en avant; mais on peut tirer des eaux de la Brenta, de l'Adige et des torrents qui se jettent dans l'une et l'autre de ces rivières, rassembler ces eaux et rendre le terrain tellement impraticable entre l'Adige et la Brenta qu'il soit impossible à l'ennemi de couper Venise de l'Adige , et dès lors il sera obligé de passer l'Adige pour bloquer Venise. Il n'y a guère que deux ou trois lieues de l'embouchure de la Brenta à l'embouchure de l'Adige; le pays est déjà marécageux et impraticable. L'art de l'ingénieur doit être de réunir toutes ces eaux , de s'en couvrir et d'établir un poste de 3 ou 400 toises de développernent défendu par les eaux, qui soit inabordable et qui protége un chemin qui aille sur l'Adige et à Chioggia, de manière qu'il soit impossible à l'ennemi de bloquer Venise sans passer l'Adige; et peut-être trouvera-t-on dans ce système le meilleur moyen de fortifier Brandolo. C'est là le premier travail qu'il faut faire ; il faut que le terrain entre la Brenta et l'Adige, déjà marécageux, le devienne davantage, au point qu'il y ait impossibilité absolue de pénétrer avant de s'emparer du poste défendu par les eaux , et si difficile lui-même à enlever. Cela une fois posé, l'armée française a tous les avantages : un courant d'eau considérable et extrêmement rapide, des digues sur la rive droite qui rendent facile sa défense, une grande proximité de Mantoue et de Peschiera, l'existence d'une place centrale déjà considérable, Legnago. Par cette ligne, Mantoue, Peschiera, Legnago , qui ont été placées par le hasard, qui étaient décousues et sans système entre elles, s'aident, ne font qu'un tout , et réunissent leur sphère d'activité pour la défense de l'Italie.

Dans cette situation , il faut fortifier l'Adige , et la place de Legnago existe. On propose de faire, cette année 1809, à Porto-Legnago , 200,000 francs de dépense pour améliorer cette partie de la place. Le chemin de Legnago à Padoue et de Legnago à Mantoue doit être tenu dans le meilleur état. Les ingénieurs des ponts et chaussées du royaume d'Italie doivent avoir l'ordre de mettre en état cette route, qui doit être celle des opérations de l'armée. En 1809, le vice-roi doit y faire dépenser des sommes importantes. Supposons que l'ennemi, après avoir forcé le Tagliamento et la Piave, se porte sur Padoue et sur Vicence; il peut vouloir se porter sur Vérone, mais il n'a pour cela qu'un seul chemin ; il faut qu'il passe à Villanova. De Villanova à Arcole il n'y a qu'une lieue et demie ; en établissant à Arcole une place forte, en forme de tête de pont, qui rende toujours l'armée française maîtresse de passer à Ronco et de déboucher sur Villanova en une heure de temps, jamais l'ennemi n'osera s'avancer sur Vérone; la cavalerie légère, les hussards et les coureurs pourront seuls s'y hasarder. Mon intention est de destiner 200,000 francs pour la place d'Arcole, dans l'année 1809. J'en ai fait faire sur le plan le tracé tel que je le désire; le tracé du général Chasseloup ne m'a pas paru convenable. Outre l'avantage d'empêcher l'ennemi de se porter sur Vérone, la place d'Arcole a encore celui d'empêcher l'ennemi d'occuper la position de Caldiero, que l'ennemi a déjà occupée deux fois avec succès. Arcole doit être en terre; les eaux doivent en faire la défense. Il ne doit point y avoir de maçonnerie, ou peu; il faudra un pont sur pilotis au point marqué au plan; indépendamment de ce pont, il faudra un chemin qui conduise à Villanova, tant pour la facilité du commerce du pays que pour rendre plus faciles les mouvements de l'armée sur Villanova.

L'Alpone passe près de Villanova; s'il était possible, sans des dépenses trop considérables, d'écluser le pont de l'Alpone, de manière à faire refluer ses eaux jusqu'à Villanova, et qu'il y eût six à sept pieds d'eau, on pourrait alors construire une redoute de 35 toises de côté, en maçonnerie, sur la hauteur, laquelle battrait la route, défendrait les ouvrages en terre qui seraient derrière l'Alpone, et ferait que la garnison d'Arcole appuierait ses postes jusqu'à Villanova et laisserait une centaine d'hommes dans la redoute de gauche. Alors même les troupes légères ne pourront se porter sur Vérone. Cette deuxième partie demande à être étudiée, mais le succès ne fait rien à la chose; ce serait pour la tranquillité de cette grande ville de Vérone; car enfin, quand même l'ennemi s'y présenterait, il serait arrêté devant Peschiera , et, la ligne d'opération de l'armée française étant sur Mantoue, cette crainte d'avoir l'ennemi à Vérone ne pourrait pas sérieusement ébranler la résolution du général francais.

Après Arcole et Legnago , une ou deux autres places paraissent être utiles entre Legnago et Venise; une à peu près dans la direction du grand chemin de Padoue à Ferrare, vers Anguillara, peut-être un poste à Castelbaldo; mais cette place ou ces deux places doivent tirer leur principale force des eaux, doivent être des places de campagne, ayant la propriété de pouvoir contenir l'ennemi sur la rive gauche s'il le fallait, ou de pouvoir être abandonnées à leur propre force avec 400 ou 500 hommes, s'il le fallait, dans une autre hypothèse. J'accorde 100,000 francs pour chacune de ces places. Cette année, les projets en seront faits et me seront présentés dans le mois de février. Arcole, Legnago , Castelbaldo , Anguillara ou tous autres postes étant établis, il faut qu'il y ait sur chacun des points un pont sur pilotis ou de bateaux. Un pont sur pilotis à Anguillara sera d'une grande utilité pour le commerce; un pont de bateaux à Castelbaldo, en temps de guerre, pourra être suffisant.

L'armée ayant quatre débouchés sur l'Adige, appuyant sa droite à Malghera convenablement fortifié, sa gauche à la place d'Arcole, son front couvert par l'inondation existant entre la Brenta et l'Adige, que fera l'ennemi ? S'il se porte sur Vérone, toute l'armée débouche par Arcole, le prend en flagrant délit. S'il masque chacun de ces quatre points, on débouche au moment inattendu par un d'eux, et on culbute successivement les divers corps , comme des capucins de cartes. Enfin, s'il remonte la Brenta pour arriver à Trente et se porter sur Monte-Baldo et Vérone, appuyant sa ligne d'opération dans le Tyrol, il fait alors un détachement de huit à dix jours d'absence; il s'affaiblit d'autant; s'il est peu considérable, il n'est d'aucune considération, peu d'hommes à Rivoli l'arrêteront et le culbuteront ; s'il est considérable, il affaiblit d'autant son armée.

L'ennemi établit-il son quartier général à Padoue et cherche-t-il à passer l'Adige entre Legnago et Arcole ? Mais alors, abandonnant une légère garnison à Arcole et dans les autres places , l'armée peut déboucher au pont d'Anguillara , ou même se jeter dans Venise, et , par Brandolo ou par Malghera, déboucher sur tout ce qui bloque cette place, intercepter les communications dans toutes les directions, et mettre cette armée dans la position la plus dangereuse. Quelque chose que fasse l'ennemi, le terrain est disposé de manière qu'avec la moitié des forces et égalité de talent tout est facile au général français, tout lui présage et lui indique la victoire; tout est difficile et scabreux pour l'ennemi. C'est le seul avantage que les fortifications puissent offrir à la guerre. Comme les canons, les places ne sont que des armes qui ne peuvent remplir seules leur objet, elles demandent à être bien employées et bien rnaniées. On sent que, pour ces opérations, il est nécessaire que les communications depuis Ronco, par la rive droite de l'Adige, jusqu'à Anguillara et Venise, soient soignées ; on doit les faire reconnaître et les tenir en état, afin de pouvoir porter, pendant la nuit et en deux ou trois marches, l'armée sur une de ses extrémités. Aucun général expérimenté et prudent ne se hasardera devant ce grand rentrant de fortifications depuis Ronco jusqu'à Malghera, où l'armée française, manoeuvrant derrière les eaux, rend tout espionnage et communication impossible à l'ennemi, et peut se trouver à tous les levers du soleil à trois marches sur ses derrières , ou sur un de ses flancs, avec toutes ses forces réunies contre ses forces à lui disséminées. Si l'on dit, mais l'ennemi prendra Arcole : Arcole, environné d'eau, n'est pas facile à prendre. Si l'on dit, l'ennemi prendra Legnago, qu'on croit encore plus important pour lui : on a fait le plus bel éloge de la ligne qu'on propose, car, si elle n'est attaquable qu'en prenant une place forte, le but est rempli. On ne peut espérer d'une ligne que les avantages suivants : rendre la position de l'ennemi tellement difficile, qu'il se jette dans de fausses opérations et qu'il soit battu par des forces inférieures, ou, si on a en tête un général prudent et de génie, l'obliger à franchir méthodiquement des obstacles créés à loisir, et ainsi gagner du temps; du côté, au contraire, de l'armée française, aider à la faiblesse du général, rendre sa position tellement indiquée et facile qu'il ne puisse point commettre de grandes fautes, et enfin lui donner le temps d'attendre des secours. Dans l'art de la guerre, comme dans la mécanique, le temps est le grand élément entre le poids et la puissance.

En parlant de la ligne de l'Adige, on pourra dire que l'ennemi viendra par Inspruck (Innsbruck) sur Trente; mais alors l'ennemi se dégarnit devant d'autres forces, et enfin les positions de Monte-Baldo et de Rivoli ne laissent rien à désirer. Est-on maître de Rivoli ? L'ennemi ne peut point se porter sur Vérone. Est-on maître de Monte-Baldo ? Il ne peut pas l'être de Rivoli. La nature a tout fait de ce côté et ne laisse rien à désirer. Tout est fait dans le système où l'ennemi, maître de Vérone, aurait passé l'Adige sans doute, mais sans avoir tourné l'armée française; car, en supposant l'hypothèse la plus exagérée que l'ennemi ait son centre à Vérone, sa droite à Peschiera, sa gauche à Trévise, l'armée française aurait sa droite à Venise , sa gauche à Mantoue, son centre à Legnago, et appuierait Peschiera et Arcole comme vedettes. On sent que, dans cette hypothèse, l'avaintage serait pour l'armée française appuyée dans toutes ses extrémités à des places fortes, manoeuvrant à volonté entre elles contre des ennemis dont la gauche, la droite et le centre seraient également en l'air et également attaquables.

Plus nous réfléchissons sur cette position et plus nous pensons qu'avec 30,000 hommes on ne peut pas en craindre 60,000 de même valeur; ou du moins qu'on doit pouvoir gagner plusieurs mois.


Valladolid, 14 janvier 1809

A Georges, prince héditaire de Mecklembourg-Strélitz

Mon Cousin, j'ai reçu votre lettre du 20 décembre. Je suis charmé d'avoir fait une chose agréable à votre grand-mère. Vous pouvez compter que je saisirai avec plaisir toutes les occasions de donner des marques d'intérêt à votre famille.

(Brotonne)


14 janvier 1809

Au général Caulancourt, ambassadeur à Saint-Pétersbourg

Je reçois à  l'instant même votre lettre du 20 décembre. Je vous expédie Deponthon, parce qu'il m'a paru qu'il était agréable à  l'empereur. L'empereur peut l'employer comme il lui plaira et autant de temps qu'il voudra.

Nous sommes entrés le 9 à  Lugo. Le duc de Dalmatie était le 9 à  Betanzos, près de la Corogne. Les Anglais ont perdu près de la moitié de leur armée, 600 voitures de munitions et de bagages et 3 ou 4,000 prisonniers. Le corps de La Romana est entièrement détruit et dispersé. Vous pouvez croire exactement les bulletins; ils disent tout. Le roi fait son entrée solennelle dans Madrid dans quatre jours. La nation est bien changée depuis deux mois, elle est lasse de tous ces mouvements populaires et bien désireuse de voir un terme à  tout ceci.

Je vous ai fait connaître que, du moment que l'on voulait considérer le duc d'Oldenbourg comme étant de la famille impériale, il n'y avait pas l'ombre de difficulté. Si l'empereur lui donne le titre d'Altesse Impériale, tout est terminé; même à  Paris il serait traité comme tel. L'empereur de Russie peut faire ce qu'a fait l'empereur d'Autriche et ce que j'ai fait moi-même. Tous les membres d'une famille sont traités dans les cours étrangères de la même manière qu'ils sont traités dans leurs cours respectives. Ce principe détruit tout obstacle. Vous avez eu tort de faire la moindre difficulté là­dessus. Chacun est maîre de faire pour sa farniile les lois qu'il veut

 

du moment qu'elles sont faites à  titre de famille, aucun ambassadeur ne peut se mettre de pair. Vous ne devez pas céder le pas au prince d'Oldenbourg, pas à son père, mais au beau-frère de l'empereur de Russie, s'il lui donne ce rang dans sa cour. Mais en voilà  assez sur cet objet.

Quant à  l'Autriche, ce qui arrive je l'avais pr´rvu. Si l'empereur avait voulu parler ferme à  Erfurt, cela ne serait pas arriv´r. Elle avait promis de fournir des armes aux insurgés et déjà  des convois étaient prês de partir de Trieste. Elle a des engagements secrets avec l'Angleterre et n'attend que l'affaire de la Porte pour se déclarer. L'empereur peut compter là-dessus. La guerre est inévitable sur le continent, si l'empereur ne parle pas haut. L'Autriche tombera à  nos genoux, si nousfaisons une démarche ferme de concert, et menaçons de retirer nos ministres, si l'on n'accorde pas ce que nous demandons. La reconnaissance du roi Joseph n'est rien par elle-même. Elle n'est importante que parce qu'un refus encourage l'Angleterre et fait présager des troubles sur le continent. Le désarmement de l'Autriche, voilà  le principal. L'Autriche ne peut dire que cet armement soit un état militaire permanent. Elle n'a pas les moyens de le soutenir. Elle met l'Europe en crise; elle en payera les pots cassés.

Pour vous seul. - Quand vous lirez ceci, je serai à Paris. Je compte y être de retour le 20 de ce mois. Toute ma garde est réunie à  Valladolid, et 2,000 de mes chasseurs à  cheval sont à  Vitoria. Je viens d'ordonner une levée de 80,000 hommes de la conscription de cette année. Je suis prêt à  tout. Mais notre alliance ne peut maintenir la paix sur le continent qu'avec un ton décidé et une ferme résolution.

Quant aux affaires de Prusse, je ne sais de quoi vous me parlez. Le traité avec la Prusse est antérieur aux conférences d'Erfurt, et on n'y a rien changé depuis. J'ai mandé M. de Romanzoff resté à  Paris jusqu'au 1er février. Je désire le voir à  Paris, et nous verrons s'il convient de faire une nouvelle démarche.

Les affaires ont été ici aussi bien qu'on pouvait le désirer. J'avais mannoeuvré de manière à  enlever l'armée anglaise; deux accidents m'en ont empêché; 1° le passage du Puerto de Guadarrama, qui est une montagne assez haute et tellement impraticable, quand nous l'avons passée, qu'elle a apporté deux jours de retard dans notre marche. J'ai été obligé de me mettre à  la tête de l'infanterie pour la faire passer. L'artillerie n'est passée que dix-huit heures après. Nous avons trouvé des pluies et des boues, qui nous ont encore retardés douze heures. Les Anglais n'ont échappé que d'une marche. Je doute que la moitié s'embarque; s'ils s'embarquent, ce sera sans chevaux, sans munitions, bien harassés, bien démoralisés, et surtout avec bien de la honte. Du moment que je serai à  Paris, je vous écrirai.

(Lecestres)


Valladolid, 14 janvier 1809

Au général Caulaincourt, ambassadeur à Saint-Pétersbourg

Vous trouverez ci-jointe la lettre que je voulais écrire à  l'empereur; mais j'ai trouvé qu'il y avait beaucoup trop de choses pour une lettre qui reste. Je vous l'envoie pour que vous vous en serviez comme d'instruction générale. J'écrirai à  l'empereur une lettre moins signifiante.

Projet de lettre à  l'empereur Alexandre, jointe à  la précédente.

Monsieur mon frère, il y bien longtemps que je n'ai écrit à Votre Majesté Impériale. Ce n'est pas cependant que je n'aie souvent pensé, même au milieu du tumulte des armes, aux moments heureux qu'elle m'a procurés à  Erfurt. J'ai espéré pendant un moment annoncer à  Votre Majesté la prise de l'armée anglaise; elle n'a échappé que de douze heures; mais des torrents qui, dans des temps ordinaires, ne sont rien, ont débordé par les pluies, et des contrariétés de saison ont retardé ma marche de vingt-quatre heures. Les Anglais ont été vivement poursuivis. On leur a fait 4,000 prisonniers anglais et tout le reste du corps de La Romana; on leur a pris 18 pièces de canon, 7 à  800 chariots de munitions et de hagages, et même une partie de leur trésor; on les a obligés à  tuer eux-mêmes leurs chevaux, selon leur bizarre coutume. Les chemins et les rues des villes en étaient jonchés. Cette manière cruell de tuer de pauvres animaux a fort indisposé les habitants contre eux. Je les ai poursuivis moi-même jusqu'aux montagnes de la Galice. J'ai laissé ce soin au maréchal Soult. J'ai l'espérance que, si les vents leur sont contraires, ils ne pourront s'embarquer. Ils ne rembarqueront pas de chevaux; il ne leur en reste pas 15 ou 1,800.

Le roi fait après-demain son entrée à  Madrid. La menace de les traiter en pays conquis et la crainte de perdre leur inclépendance à fort agi sur eux. Ils n'ont plus d'armée. Si l'on n'a pas occupé tout le pays, c'est que le pays est grand et qu'il faut du temps.

Quand Votre Majesté lira cette lettre, je serai rendu dans ma capitale. Ma garde, et une partie de mes v:ieux cadres sont en mouvement rétrograde sur Bayonne. Je voulais former mon camp de Boulogne, qui aurait donné beaucoup d'inquiétude aux Anglais; mais les armements de l'Autriche m'en ont empêché. J'avais réuni 20,000 hommes à  Lyon, pour les embarquer sur mon escadre de Toulon et menacer les Anglais de quelque expédition d'Égypte ou de Syrie, qu'ils redoutent beaucoup; les armements de l'Autriche m'en ont encore empêché. Je vais leur faire passer les Alpes et les faire entrer en Italie. J'ai des preuves certaines que l'Autriche a pris l'engagement de ne pas reconnaître le roi Joseph. Son chargé d'affaires a suivi les insurgés. Il a fui de Madrid, et il est à  Cadix. J'ai des preuves certaines que l'Autriche avait promis de fournir 20,000 fusils aux insurgés. L'espérance de l'Angleterre était de soutenir les troubles de l'Espagne, de nous faire rompre avec la Turquie et de faire déclarer l'Autriche, et, avec la Suède, de contre­balancer notre puissance. J'ai regret que Votre Majesté n'ait pas adopté à  Erfurt des mesures énergiques contre l'Autriche. La paix avec l'Angleterre sera impossible, tant qu'il y aura la plus légère probabilité d'exciter des troubles sur le continent. Votre Majesté comprendra aisément que je n'attache. aucune importance à  la reconnaissance du roi Joseph par l'Autriche. J'en attache bien davantage à  ce qu'elle désarme et fasse cesser l'état d'inquiétude où elle tient l'Europe. Je prévois que la guerre est inévitable, si Votre Majesté et moi ne tenons envers l'Autriche un langage ferme et décidé, et si nous n'arrachons son faible monarque du tourbillon d'intrigues anglaises où il est entraîné. Votre Majesté sait le peu de cas que je fais de ses forces et de ses armes. Qui les connait mieux que Votre Maajesté ? Il n'en est pas moins vrai que l'Europe est en crise, el il n'y aura aucune espérance de paix avec l'Angleterre que cette crise ne soit passée. Si l'Autriche veut la paix, Votre Majesté et moi la garantissons. Qu'elle désarme; qu'elle reconnaisse la Valachie, la Moldavie, la Finlande sous la domination de Votre Majesté, et qu'elle cesse de faire un obstacle aux intérêts de nos deux puissances. Si au contraire elle s'y oppose, qu'une démarche soit faite de concert par nos ambassadeurs, et qu'ils quittent à  la fois. L'empereur ne les laissera pas partir, et la paix sera rétablie.

S'il est assez aveugle pour les laisser partir, que vous et moi prenions des arrangements pour en finir avec une puissance qui, depuis quinze ans, toujours vaincue, trouble toujours la tranquillité du continent et flatte en secret le penchant de l'Angleterre. Mon désir est sans aucun doute celui de Votre Majesté, c'est que l'Autriche soit heureuse, tranquille, qu'lle désarme et n'intervienne près de moi que par des moyens conciliants et doux, et non par la force. Si cela est impossible, il faut la contraindre par les armes; c' est le chemin de la paix. Votre Majesté voit que je lui parle clairement. Des intelligences très directes me font connaître que l'Angleterre était déjà  très alarmée de la marche de mes divisions sur Boulogne. L'Autriche lui a rendu un service essentiel en m'obligeant à  la contrernander. Votre Majesté est sans doute bien persuadée du principe qu'un seul nuage sur le continent empêchera les Anglais de faire la paix ; or il ne doit pas y en avoir, si nous sommes unis de coeut, d'intérêts et d'intentions; mais il faut de la confiance et une ferme volonté.

(Lecestre)


Valladolid, 14 janvier 1809.

A Alexandre Ier, Empereur de Russie

Il y a bien longtemps que je n'ai écrit à  Votre Majesté Impériale, quoique j'aie souvent pensé à  elle. Je la félicite de ses succès en Finlande. De sanglantes révolutions se succèdent à  Constantinople. La contenance de l'Autriche donne des espérances aux Anglais, qui se raccrocheront à  tout, même an roseau; ils seront confondus là  comme en Espagne. Votre Majesté veut-elle me permettre de lui souhaiter une bonne année et un beau petit autocrate de toutes les Russies.

Toutefois que Votre Majesté ne doute jamais de l'intérêt que je lui porte et de tous les sentiments d'estime et de haute considération qu'elle m'a inspirés.

(Lecestre)


15 - 31 janvier 1809