15 - 19 juin 1809


Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Schönbrunn, 15 juin 1809,

J'ai reçu votre lettre du 9 juin avec les gazettes anglaises qui y étaient jointes. Il faut tenir la main à ce qu'il ne soit fait aucune in­ novation pour les ouvriers pendant que je suis absent de Paris, et qu'on leur laisse leurs usages et habitudes. Ces gens s'imaginent qu'on veut les traiter défavorablement parce que je n'y suis pas et qu'ils ne peuvent pas réclamer; de là le sentiment qu'on leur fait une injustice.


Schönbrunn, 15 juin 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, faites connaître au général Oudinot que mon intention est que dans la journée de demain il fasse prendre les seize pièces de canon et les seize caissons que l'artillerie doit lui délivrer. Faites éga­lement connaître au duc de Rivoli qu'il doit faire prendre les seize pièces qui sont destinées à son corps d'armée. Le duc de Rivoli doit en avoir vingt-quatre, ce sera huit qu'il faudra lui fournir de nouveau. Le général Oudinot doit en avoir trente-quatre, à raison de deux par régiment. Ces seize pièces seront un à-compte qu'il recevra et qui augmentera d'autant son artillerie. Les seize pièces du général Oudinot seront données aux régiments suivants: deux au 3e, deux au 57e, deux au 72e, deux au 105e. Les huit autres seront données: deux à la 1e demi-brigade de ligne, deux à la 3e demi-brigade, deux à la 5e demi-brigade, et deux à la 7e demi-brigade. Ce qui fera une augmentation de quatre pièces par division et de deux par brigade. Les seize pièces du duc de Rivoli seront données de préférence aux quatre régiments de la division Molitor et aux trois régiments de la division Boudet; deux pièces seront données au 4e de ligne. Vous engagerez ces généraux à vous faire demain soir ou après-demain matin un rapport qui vous fasse connaître si ces pièces ont été remises aux différents corps et organisées.


Schönbrunn, 15 juin 1809.

Au général comte Bertrand, commandant le génie de l’armée d’Allemagne, à Ebersdorf

Monsieur le Général Bertrand, faites-moi un rapport écrit, que vous me renverrez par mon officier d'ordonnance, sur les questions ci-jointes, pour me faire connaître positivement où en sont les choses, pour que l'on prenne jour. Tout cela sera-t-il prêt le 20 ? Répondez catégoriquement à toutes ces questions, sans si ni mais.


P.S. Faites dire à Lariboisière que je l'attends ce soir.

1 ° Quand est-ce que le pont actuel sera à l'abri de tout événement, c'est-à-dire quand est-ce que les pilotis seront établis et liés avec des chaînes ou des cinquenelles ? - Le 20 (Les réponses sont celles de Bertrand, peut-être écrites de la main de  Napoléon)

2° Quand est-ce que le pont sur pilotis du premier bras sera terminé, de manière à avoir sur ce premier bras deux ponts ? ­ Il l'est.

3° Le pont sur pilotis sur le second bras est-il possible? - Oui. Cela étant, quand l'aura-t-on? - Le 20

S'il n'est pas possible, quand aura-t-on un pont sur le pilotis actuel, qu'on achèvera ensuite avec des bateaux ou radeaux, de manière à avoir deux communications sur ce bras ?

4° Quand est-ce que j'aurai le nombre de bateaux suffisant pour jeter le pont à l'embouchure avec trois ou quatre barques armées de canons, montées par des marins, afin de faire la descente de vive force dans les bois près de l'embouchure ? - Le 20.

5° Quand est-ce que les trois ponts sur pilotis sur le petit canal où sont les ouvrages seront terminés ? - Le 20.

6° Quand est-ce que le marais qui est à l'embouchure du bras de l'île Lobau dans la rivière où l'on doit jeter un pont sera suffisamment comblé pour y établir des batteries et y avoir une large chaussée ? - Le20.

La doubler.

7° Peut-on dès demain commencer la tête de pont de ce côte-ci, afin que cela ait couleur d'ici à quatre ou cinq jours ?

8° Quand est-ce que les ouvrages de la tête de pont dans l'île Lobau seront fraisés et palissadés ? - Le 20.

9° Si, comme chef de la marine, vous vous êtes engagé à fournir à l'artillerie des marins ou quelques moyens pour jeter les pontons, quand pourrez-vous les fournir ? - Le 17.

10° Si vous devez concourir soit à jeter une estacade, soit à tendre une cinquenelle pour mettre le pont qui doit être jeté du côté de la Maison-Blanche à l'abri de tout accident, quand est-ce que vous serez prêt ? - Le 20.

11° Le Danube est-il aussi bas que lors de notre premier passage, c'est-à-dire les bancs de sable sont-ils découverts ?


Schönbrunn, 15 juin 1809, quatre heures après midi.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Szamdhegy

Mon Fils, l'officier d'ordonnance Montesquiou arrive, qui m'ap­porte votre lettre datée de Szemere, le 13 à minuit.

Votre instruction générale est de poursuivre l'archiduc Jean et de lui faire le plus de mal que vous pourrez sans vous compromettre.

Il est probable que Raab n'est pas suffisamment fortifié pour que l'ennemi ose y mettre une garnison considérable de ses bonnes troupes. S'il n'y met que de mauvaises troupes, la ville étant investie, elle se rendra; ce qui nous donnera l'avantage de lui prendre du monde et d'avoir un bon poste. S'il y a là un camp retranché et que toute l'armée veuille y tenir, vous le menacerez et vous le couperez de ses communications avec Körmönd. Enfin, si l'archiduc fuit devant vous, vous le poursuivrez, pour qu'il ne puisse pas passer le Danube à Komorn, où il n'y a pas, je crois, de pont, et pour qu'il soit obligé de se réfugier à Bude, sans vous éloigner davantage de moi. La ligne derrière la Raab me convient pour vous, puisque mes ponts sur le Danube vont s'achever et que je pourrai vous rappeler en quatre jours, en en dérobant au moins deux à l'ennemi; ce qui vous permettra de vous trouver à la bataille, tandis que l'ennemi ne pourra pas y être. Votre but est donc de l'empêcher de passer à Komorn, et alors de l'obliger à se jeter sur Bude, ce qui l'éloigne de Vienne.

Votre principale opération doit être de prendre Raab; s'il se peut, d'éloigner le prince Jean des frontières de la Styrie, et de faire tomber la citadelle de Graz. Il me tarde d'apprendre que Marmont soit arrivé à Graz, afin d'être assuré que ce point important est à l'abri de toute attaque, et d'avoir cette mauvaise citadelle.


Schönbrunn, 16 juin 1809

A Auguste Amélie de Bavière, vice-reine d’Italie, à Milan

Ma Fille, j'ai reçu votre lettre du 2 juin. Je vous remercie de ce que vous m'y dites. J'ai été instruit de la bonne conduite que vous avez tenue pendant les affaires d'Italie et du courage que vous avez montré. Je suis bien aise de ces nouveaux titres que vous avez acquis à mon estime.

Eugène est en Hongrie, où il bat l'ennemi.


P. S. Au moment même, je reçois la nouvelle qu'Eugène a remporté, le l4, anniversaire de la bataille de Marengo, une victoire à Raab en Hongrie contre l'archiduc Jean et l'archiduc duc palatin (l’archiduc Joseph), leur a pris 3,000 hommes, plusieurs pièces de canon et quatre drapeaux.


Schönbrunn, 16 juin 1809

A l’impératrice Joséphine, à Plombières

Je t'expédie un page pour t'annoncer que, le 14, anniversaire de Marengo, Eugène a gagné une bataille contre l'archiduc Jean et l'archiduc palatin à Raab en Hongrie; qu'il leur a pris 3,000 hommes, plusieurs pièces de canon, quatre drapeaux, et les a poursuivis fort loin sur le chemin de Bude.


Vienne, 16 juin 1809.

DIX-NEUVIÈME BULLETIN DE L'ARMÉE D'ALLEMAGNE.

L'anniversaire de la bataille de Marengo a été célébré par la vic­toire de Raab, que la droite de l'armée, commandée par le vice-roi, a remportée sur les corps réunis de l'archiduc Jean et de l'archiduc palatin.

Depuis la bataille de la Piave, le vice-roi a poursuivi l'archiduc Jean l'épée dans les reins. L'armée autrichienne espérait se cantonner aux sources de la Raab, entre Saint-Gotthard et Körmönd.

Le 5 juin, le vice-roi partit de Neustadt et porta son quartier général à OEdenburg en Hongrie.

Le 7, il continua son mouvement et arriva à Güns. Le général Lauriston avec son corps d'observation le rejoignit sur sa gauche.

Le 8, le général Montbrun avec sa division de cavalerie légère força le passage de la Rabnitz, auprès de Sovénybâza, culbuta 300 cavaliers de l'insurrection hongroise et les rejeta sur la Raab.

Le 9, le vice-roi se porta sur Sárvár. La cavalerie du général Grouchy rencontra l'arrière-garde ennemie à Vasvár, et fit quelques prisonniers.

Le 10, le général Macdonald, venant de Graz, arriva à Körmönd. Le 11, le général de division Grenier rencontra à Karakó une colonne de flanqueurs ennemis qui défendaient le pont, et passa la rivière de vive force. Le général Debroc, avec le 9e de hussards, a fait une belle charge sur un bataillon de 400 hommes, dont 300 ont été faits prisonniers.

Le 12, l'armée déboucha par le pont de Merse sur Pápa. Le vice­ roi aperçut d'une hauteur toute l'armée ennemie en bataille. Le général de division Montbrun, général de cavalerie et officier d'une grande espérance, déboucha dans la plaine, attaqua et culbuta la cavalerie ennemie, après avoir fait plusieurs manœuvres précises et vigou­reuses. L'ennemi avait déjà commencé sa retraite. Le vice-roi passa la nuit à Pápa.

Le 13, à cinq heures du matin, l'armée se mit en marche pour se porter sur Raab. Notre cavalerie et la cavalerie autrichienne se rencontrèrent au village de Csanak. L'ennemi fut culbuté, et on lui fit 400 prisonniers.

L'archiduc Jean, ayant fait sa jonction avec l'archiduc palatin près de Raab, prit position sur de belles hauteurs, la droite appuyée à Raab, ville fortifiée, et la gauche couvrant le chemin de Komorn , autre place forte de la Hongrie.

Le 14, à onze heures du matin, le vice-roi range son armée en bataille, et avec 35,000 hommes en attaque 50,000. L'ardeur de nos troupes est encore augmentée par le souvenir de la victoire mé­morable qui a consacré cette journée. Tous les soldats poussent des cris de joie à la vue de l'armée ennemie, qui était sur trois lignes et composée de 20 à 25,000 hommes, restes de cette superbe armée d'Italie qui naguère se croyait déjà maîtresse de toute l'Italie, de 10,000 hommes commandés par le général Haddick et formés des réserves des places fortes de Hongrie, de 5 à 6,000 hommes com­posés des débris réunis du corps de Jellachich et des autres colonnes du Tyrol échappées aux mouvements de l'armée par les gorges de la Carinthie, enfin de 12 à 15,000 hommes de l'insurrection hongroise, cavalerie et infanterie.

Le vice-roi plaça son armée : la cavalerie du général Montbrun, la brigade du général Colbert et la cavalerie du général Grouchy sur sa droite; le corps du général Grenier, formant deux échelons, dont la division du général Seras formait l'échelon de droite, en avant; une division italienne, commandée par le général Baraguey d'Hilliers, formant le troisième échelon, et la division du général Puthod en réserve. Le général Lauriston avec son corps d'observation, soutenu par le général Sahuc, formait l'extrême gauche et observait la place de Raab.

A deux heures après midi, la canonnade s'engagea. A trois heures, le premier, le second et le troisième échelon en vinrent aux mains. La fusillade devint vive; la première ligne de l'ennemi fut culbutée, mais la seconde ligne arrêta un instant l'impétuosité de notre premier échelon, qui fut aussitôt renforcé et la culbuta. Alors la réserve de l'ennemi se présenta. Le vice-roi, qui suivait tous les mouvements de l'ennemi, marcha de son côté avec sa réserve: la belle position des Autrichiens fut enlevée, et à quatre heures la victoire était décidée.

L'ennemi en pleine déroute se serait difficilement rallié, si un défilé ne s'était opposé aux mouvements de notre cavalerie. 3,000 hommes faits prisonniers, six pièces de canon et quatre dra­peaux sont les trophées de cette journée. L'ennemi a laissé sur le champ de bataille 3,000 morts, parmi lesquels on a trouvé un général major. Notre perte s'est élevée à 900 hommes tués ou blessés. An nombre des premiers se trouve le colonel Thierry, du 23e régiment d'infanterie légère, et parmi les derniers le général de brigade Valentin et le colonel Espert.

Le vice-roi fait une mention particulière des généraux Grenier, Montbrun, Seras et d'Anthouard. La division italienne Severoli a montré beaucoup de précision et de sang-froid. Plusieurs généraux ont eu leurs chevaux tués, quatre aides de camp du vice-roi ont été légèrement atteints. Ce prince a été constamment au milieu de la plus grande mêlée. L'artillerie, commandée par le général Sorbier, a soutenu sa réputation.

Le champ de bataille de Raab avait été dès longtemps reconnu par l'ennemi, car il annonçait fort à l'avance qu'il tiendrait dans cette belle position. Le 15, il a été vivement poursuivi sur la route de Komorn et de Pest.

Les habitants du pays sont tranquilles et ne prennent aucune part à la guerre. La proclamation de l'Empereur a mis de l'agitation dans les esprits. On sait que la nation hongroise a toujours désiré son indépendance. La partie de l'insurrection qui se trouve à l'armée avait déjà été levée par la dernière diète; elle est sous les armes, et elle obéit.


Schönbrunn, 16 juin 1809, quatre heures après midi.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, l'officier du prince Eugène qui a passé par vos avant­ postes, parti le 11, à deux heures après midi, est arrivé, et, deux heures après, le général Caffarelli, parti le 14 au soir. Ils m'ont apporté la relation de la bataille du 14, anniversaire de Marengo et de Friedland. La journée a été belle, les armées réunies de l'archiduc Jean et de l'archiduc palatin ont été mises en déroute. Des prisonniers qui passeront par chez vous, envoyez-moi en poste le général major et quelques principaux officiers; faites interroger les autres et faites-moi connaître le résultat des interrogations:

Il est inutile que le général Gudin aille jusqu'à Raab; placez-le entre Raab et vous. Il serait malheureux qu'il se mêlât avec les troupes du vice-roi; et il est probable qu'aussitôt que je vais avoir des nouvelles du vice-roi, d'hier soir, s'il n'y avait rien d'extraordinaire, je vous ordonnerai de rappeler la division Gudin devant Presbourg, car il est important que dans une marche et demie vous puissiez être rendu au pont d'Ebersdorf. Cependant j'attache beaucoup d'importance à la prise de Raab. Si elle n'est prise, faites-y passer sur-le­ champ vos mortiers, et chargez le général Lasalle de les mettre en batterie avec son bataillon de Hessois et trois ou quatre obusiers que vous lui fournirez; cela fera feu dans le temps que le général Lauriston, que je charge d'investir la place, fera feu de son côté avec les obusiers du vice-roi. Il faut bombarder la ville jusqu'à ce qu'elle se rende.

Envoyez des munitions de 6, de 12 et d'obusier au vice-roi, et renvoyez vos caissons vides sur Vienne, pour les remplir. Je donne l'ordre au général Lariboisière d'envoyer, soit de votre parc, soit du parc du général Oudinot, trente caissons de 6, dix de 12 et trente d'obusier de 24. Ayez soin que tous les caissons vides du vice-roi aillent jusqu'à ce qu'ils rencontrent le convoi, et que là se fasse l'échange des munitions.

Je vous ai déjà fait mander de détruire le pont de Komorn, s'il existe; c'est une chose très-facile, à moins que l'ennemi n'ait fait une estacade, ce que je ne crois pas. Je suppose que vous avez envoyé vos pontonniers et vos marins pour rétablir les ponts au-dessous de Raab, afin que la communication avec le vice-roi soit facile et prompte. Je m'en repose sur vous pour ces détails si importants. 'Tâchez d'apprendre des prisonniers s'il y a un pont à Komorn, ou simplement un bac. Il est très-important, s'il y a un pont, de le détruire.

Pour ne point perdre de temps, comme je n'écrirai au vice-roi que dans deux heures, expédiez-lui copie de cette lettre, pour qu'il comprenne qu'il faut faire tous les efforts pour prendre Raab, et qu'il charge de cette opération le général Lauriston.


Schönbrunn, 16 juin 1809, cinq heures du soir

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö

Mon Fils, l'officier que vous avez fait partir le 15 à deux heures après midi est arrivé le premier; deux heures après est arrivé le général Caffarelli. Je vous félicite sur la bataille de Raab, c'est une petite-fille de Marengo et de Friedland. Je suppose que le 15 toute votre cavalerie et votre artillerie légère se sont mises à la poursuite de l'ennemi. Ou l'ennemi a un pont à Komorn, ou il n'en a pas; s'il en a un, il faut l'abattre, car il n'aura pas pu faire une estacade, ce qui est un travail long ;il faut l'abattre en jetant dessus, au cou­rant de l'eau, des moulins et de grands bateaux que vous ferez détacher, surtout pendant la nuit.

Le général Macdonald et votre parc ont dû rafraîchir vos munitions.

Vous avez dû jeter des ponts sur la Raab afin de bien établir votre communication par ici avec le maréchal Davout. J'ai ordonné à ce maréchal de vous envoyer toutes les munitions qu'il pourrait, de faire passer des marins au général Lasalle, de lui envoyer six mortiers et trois ou quatre obusiers, et d'en dresser des batteries contre Raab de son côté. Chargez le général Lauriston d'en faire autant de votre côté et de bombarder la ville jusqu'à ce qu'elle se rende. Faites même un simulacre de siége, si cela est nécessaire. Vous aurez sans doute mis Macdonald, qui est frais, à là poursuite de l'ennemi, pour l'empêcher de se placer vis-à-vis de Komorn et l'obliger à se réfugier sur Pest. Je suppose que vous allez fait filer tous vos caissons vides par la route de Presbourg. J'ai envoyé trente caissons de 6, dix de 12 et trente d'obusier de 24, qui remonteront vos caissons, les chargeront et s'en reviendront. Vous ne devez pas craindre de manquer de munitions. Le duc d'Auerstaedt avait fait approcher de vous le général Gudin avec 6,000 hommes; mais il est nécessaire que le général Gudin ne passe pas Raab, et que même, s'il n'y a rien de nouveau, il puisse rejoindre le duc d'Auerstaedt. Cependant je n'en donne pas encore l'ordre, j'attends pour cela vos derniers renseignements. J'ai envoyé l'ordre à Marmont de venir à Graz. Aussitôt qu'il y sera arrivé, je vous ferai rejoindre par le reste du corps de Macdonald. Placez des partis sur votre droite, car, si Chas­teler ou Gyulai s'étaient dirigés par là, vous pourriez leur jouer un mauvais tour; cela est probable, ils ne doivent pas avoir beaucoup de cavalerie. J'ai envoyé 200 de mes chevau-légers polonais à OEdenburg pour me tenir éclairé de ce côté.

Puisque vous avez attaqué en échelons par la droite, pourquoi n'avoir pas mis vingt-cinq pièces de canon à la tête de vos échelons ? Cela eût fortifié votre attaque et intimidé l'ennemi. Le canon, comme toutes les autres armes, doit être réuni en masse si l'on veut obtenir un résultat important.

Je suppose que vous m'avez envoyé en poste le général que vous avez fait prisonnier et quelques officiers, afin que je puisse prendre des renseignements. Je suppose également que les prisonniers auront passé par les postes du duc d'Auerstaedt.

Vous trouverez ci-joint une copie de l'ordre du jour. Témoignez ma satisfaction à l'armée.


P. S. J'ai écrit à l'Impératrice et à la vice-reine.


Schönbrunn, 16 juin 1809.

Au comte Paradisi (Giovanni Paradisi, 1760-1826), président du Sénat du royaume d’Italie, à Milan

Monsieur le Président du Sénat de mon royaume d'Italie j'agrée, les sentiments que contient la lettre du Sénat du 28 mai; je connais l'attachement qu'il porte à ma personne et à la patrie. Je désire que mes peuples d'Italie sachent la satisfaction que j'ai éprouvée de leur conduite dans ces dernières circonstances. Ils ont repoussé avec mépris et indignation les suggestions calomnieuses et l'appel à la sédition et à la révolte qui leur a été fait par les princes de cette Maison ingrate et parjure dont le sceptre de plomb a pesé pendant tant de siècles sur notre Italie infortunée. Déchirée tour à tour par les factions de la cour de Rome et par celles des empereurs allemands, elle fut longtemps subjuguée et morcelée. La Providence m'a réservé la singulière consolation de la voir, réunie sous mes lois, renaître aux idées grandes et libérales que nos ancêtres, les premiers entre les modernes, proclamèrent après les âges de barbarie. Je ne suis pas moins satisfait du courage et de la bravoure qu'ont déployés mes troupes italiennes sur les bords de la Baltique, sur les bords de l’Ebre, comme sur ceux du Danube. Elles ont montré qu'elles étaient du sang des anciens Italiens.


Schönbrunn, 16 juin 1809.

Au général Caffarelli (Marie-François-Auguste Caffarelli du Falga, 1766 – 1849, le 4e des Caffarelli), ministre de la guerre du royaume d’Italie, à Schönbrunn

Monsieur le Général Comte Caffarelli, envoyez la lettre ci-jointe au commandant de l'escadre russe à Trieste. Écrivez au commandant français pour qu'il donne les autorisations nécessaires pour l'exécution dudit ordre. Donnez l'ordre à Palmanova pour qu'on fournisse les fusils, sabres, gibernes nécessaires. Enfin écrivez à Venise pour que quelqu'un soit chargé de dresser procès-verbal de la remise des différents objets. Ecrivez à mon commandant à Trieste d'approvisionner la citadelle pour 1,000 hommes pendant trois mois; qu'il pourvoie à son armement et y réunisse des munitions de toute espèce. Vous lui ferez connaître qu'il peut demander, si elles lui sont nécessaires, dix pièces d'artillerie de gros calibre pour défendre le môle. Je vous envoie sous cachet volant la lettre que j'écris au comman­dant russe, afin que vous en preniez connaissance pour donner les ordres nécessaires en Italie. Après, vous la cachetterez. Avant de faire partir votre officier, envoyez-le à M. de Czernitchef, qui lui donnera une lettre pour le commandant russe.


Schönbrunn, 16 juin 1800.

Au commandant de l’escadre russe, à Trieste

Monsieur le Commandant de l'escadre russe en relâche à Trieste, le général comte Caffarelli, mon ministre de la guerre, m'a fait connaître les bonnes dispositions que vous avez faites pour repousser l'attaque des Anglais. Mais, Trieste étant l'extrémité de ma ligne, le peu de garnison qui s'y trouve doit, en cas d'événement, se retirer dans le fort, ce qui compromettrait vos équipages. L'empereur de Russie, mon auguste allié, ayant déclaré la guerre à l'Autriche, a fait entrer en Galicie une armée russe sous le commandement du prince Galitzine. Dans cet état de choses, mon intention est que vous exécutiez ponctuellement les dispositions suivantes.

Vous ferez embarquer sur le transport que vous avez, et sur d'autres si celui-là n'est pas suffisant, toute votre artillerie, vos munitions de guerre, cordages, ancres, voiles, et généralement tout ce qui peut être utile et avoir une valeur, et vous dirigerez tous ces objets sur mon port de Venise. Les vaisseaux seront mis en désarmement et laissés sous la garde de quinze matelots, deux ou trois maîtres et deux officiers de marine. Avec tous vos équipages vous vous rendrez à Palmanova, où vous les organiserez en trois bataillons. On vous fournira là des fusils et un armement complet. Aussitôt que je saurai votre arrivée dans cette place, je vous enverrai l'ordre de vous diriger sur Vienne. Vous donnerez le même ordre à tous les hommes formant les équipages de la flottille que vous avez à Venise; ils consi­gneront leurs bâtiments à ma marine vénitienne sur procès-verbaux et états en règle, et ils se rendront à Palmanova, où ils formeront un quatrième bataillon et où ils seront armés.

La frégate la Diomède partira aussitôt qu'elle le pourra pour se rendre à Venise ou à Ancône.

Cet ordre est conforme aux intentions de l'empereur Alexandre, qui désire avoir des équipages dans la Baltique. Il est d'ailleurs nécessaire d'empêcher vos équipages de tomber, par les vicissitudes de la guerre, entre les mains des Autrichiens ou des Anglais.

Vos vaisseaux étant en mauvais état et incapables de naviguer, il ne faut pas, pour conserver de vieilles carcasses, exposer les armes russes à un affront et vos braves équipages à être prisonniers. Enfin vous ne sauriez mettre trop d'activité dans l'exécution du présent ordre; et, si des événements imprévus en empêchent l'entier accom­plissement, vous ne devez pas perdre de vue que votre premier soin est de sauver les hommes. Vous embarquerez vos pavillons et ne laisserez sur vos vaisseaux désarmés que la flamme russe, de sorte que les Anglais ou les Autrichiens, venant à Trieste, ne puissent prendre que des carcasses désarmées.

Si le commandant de Trieste le désire, vous pouvez laisser à Trieste dix pièces de 36 avec les affûts, l'armement et l'approvisionnement nécessaires pour la défense du môle. Si quelques pièces de canon et munitions de guerre pouvaient être utiles pour la défense de la citadelle, vous pouvez les laisser en faisan t dresser procès-verbal en règle.


Schönbrunn, 16 juin 1809

NOTE POUR LE GÉNÉRAL ANDRÉOSSY, gouverneur de Vienne

Faîtes arrêter un major nommé Werner et saisir ses papiers et un nommé Sauverau, ex-aumônier de la landwehr, actuellement logé chez le curé de ... (en blanc dans le texte).

Envoyer des gendarmes d'élite déguisés à l'Aigle d'or de Klosterneuburg où il y a des hommes qui passent sur des radeaux pour communiquer avec l'ennemi.

(Brotonne)


Schönbrunn, 16 juin 1809

Au prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne

Écrivez au roi de Westphalie, commandant le 10e corps d'armée, que je n'ai aucune situation, que je ne reçois aucun rapport, que j'ignore où sont mes troupes, que, depuis dix-sept jours que l'affaire de Schill s'est passée, je n'en ai pas encore reçu de rapport officiel; que si, comme commandant du 10e corps, il ne correspond pas fréquemment avec vous et ne vous rend pas compte de tout ce qui intéresse ce corps d'armée, je me verrai obligé d'y nommer un autre commandant.

(Lecestre)


Schönbrunn, 17 juin 1809

A Joachim Napoléon, roi de Naples

Le général Lemarois, par une raison que je ne puis expliquer, a relâché à Rome les Espagnols qui n'ont pas prêté serment au roi d'Espagne. Ordonnez au général Miollis de les faire arrêter et tra­duire en France sous bonne et sûre escorte.

Recommandez au général Miollis et à la junte de ne souffrir à Rome aucun conteste avec les autorités, de faire arrêter et passer par les armes toutes les personnes qui s'opposeraient à la réunion. Faites passer Pacca (Bartolomeo Pacca, 1756 – 1844. Il sera fait prisonnier, en même temps que le pape, le 8 juillet) en France, ainsi que tout ce qui était ministre du Pape, hormis ceux dont on peut tirer des renseignements utiles.

Il faut aussi envoyer l'ancien agent de police. Le général Radet (Etienne Radet, 1762 – 1825.  C’est lui qui va bientôt arrêter le pape), avec 240 gendarmes, doit être arrivé à Rome. Qu'on mette la rigueur, la suite et la fermeté convenables dans ces mesures.

Quant au Pape, s'il met de l'opposition, il ne faut pas y faire plus d'attention qu'à un évêque ordinaire. L'immunité dont doivent jouir ses palais ne doit s'entendre qu'autant qu'il se soumettra de bon gré et ne fera rien contre la tranquillité intérieure de l'État.

(Lecestre)


Schönbrunn, 17 juin 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale , à Paris

J'ai reçu votre lettre du 10 juin. J'ai lu avec plaisir dans le bul­letin ce qui est relatif au chef de chouans qui a été détruit; il faut saisir son second. Cela prouve l'importance de ne point perdre de vue ce pays-là, et de frapper. Ils prennent de l'indulgence pour de la faiblesse.

Je vois avec plaisir que vous avez donné ordre au colonel Henry de séjourner; vous êtes le maître, lorsqu'il ne sera plus utile, de le faire aller ailleurs. Je crois que la promenade de ces 80 gendarmes d'élite dans les différents points de l'Empire ne peut être que très­ utile. C'est d'ailleurs leur véritable destination.


Schönbrunn, 17 juin 1809

Au général Clarke, comte d’Hunbourg, ministre de la guerre, à Paris

Je réponds à votre lettre relative au sieur Carnot (il s’agit bien de l’ancien ministre de la guerre, qui vient de demander à Clarke de reprendre du service)  et à la connaissance qu'il vous a donnée de l'état fâcheux de ses affaires (suite à un abus de confiance, Carnot a pedu la presque totalité de son patrimoine). N'aurait-il que contribué au déblocus de Maubeuge, il aura toujours des droits à ma reconnaissance et à mon intérêt. Comme ministre de la guerre, il a droit à une pension de retraite; présentez-moi un projet pour en fixer la quotité. Il est bon à beaucoup de choses. Je ne ferai point de difficulté de l'employer selon son désir. Enfin faites-moi connaître la nature de son embarras et ce qu'il faudrait faire pour l'en tirer entièrement.


Schönbrunn, 17 juin 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Mon Cousin, envoyez un officier d'état-major visiter les ouvrages de Passau ; il en rapportera un plan, un état de situation, le nombre de pièces d'artillerie qui se trouvent dans chaque ouvrage, un état de l'approvisionnement de la place et un rapport sur la manière dont se fait le service, si chaque ouvrage a un commandant et si tout est disposé pour recevoir l'ennemi. Plus j'attache d'importance à Passau, et moins j'en entends parler. Le général Rouyer a fait la même chose en Pologne; il était devant Graudenz, et je ne pouvais en recevoir aucun renseignement. Mon intention est que vous chargiez le général Bourcier du commandement de Passau et des frontières depuis Ratisbonne, et du haut Palatinat. Vous lui ferez connaître qu'il aura sous ses ordres le régiment provisoire de dragons qui est à Ratisbonne, et un autre que vous donnerez ordre au général Beaumont de lui faire passer. Il nommera un général de brigade, de ceux qui sont au dépôt, pour commander ces deux régiments, et avec cela il fera respecter ces frontières, et en cas d'événements il se repliera sur Passau. Il pourra joindre aux partis qu'il enverra pour éclairer le pays quelques compagnies de la division qui sera sous son commandement. Vous lui ferez connaître également que la défense de Passau, son armement et son approvisionnement le regardent; que tout est sous ses ordres; que j'entends avoir tous les jours un rapport sur les progrès des travaux et sur la situation des approvision­nements de guerre et de bouche, un second rapport sur le dépôt de cavalerie, et un troisième sur les frontières de Bohême. Si l’estafette ne passe pas par Passau, il enverra un courrier porter ses dépêches à Linz ou à Braunau; il s'arrangera pour cela. Recommandez au gé­néral Bourcier que, si les landwehr sortent de leurs montagnes, il leur donne de bonnes leçons; qu'il donne aux ouvrages avancés de Passau des commandants permanents; que, vingt-quatre heures après la réception de votre ordre, il y ait au moins deux ou trois pièces de canon dans chaque ouvrage, et que le génie donne des noms à chacun de ces ouvrages pour qu'on s'entende; qu'au lieu d'écouler les réclamations contre les démolitions il les fasse faire toutes dans le même instant, en promettant des indemnités. Écrivez au général Bourcier pour savoir combien de chevaux il a achetés, combien d'argent il a à sa disposition, où en est la confection des selles et quelles mesures il a prises pour cet objet. Recommandez-lui d'accélérer l'arrivée de l'artillerie qui doit être envoyée d'Angsbourg pour armer Passau. Il y a six pièces à Straubing, il faut les faire venir ; il y a six pièces à Rain, à la tête de pont du Lech, il faut également les faire venir. Qu'il prenne des mesures pour procurer au général Rouyer quatre pièces de canons bavarois attelés, afin d'en donner aux colonnes qu'il jugera à propos de faire marcher pour contenir l'ennemi. Ainsi vous ferez connaître au général Beaumont que tout ce qui regarde la surveillance du haut Palatinat, avec deux régiments provisoires de dragons, est sous les ordres du général Bourcier.


Schönbrunn, 17 juin 1809

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Écrivez au duc de Danzig que je n'ai pas de nouvelles, ni de l'ar­mement de la tête de pont de Linz, ni de la situation de cette place, ni de la manière dont sont placées ses troupes, ni de ce qui se passe du côté de Salzburg, ni de la situation de l'ennemi en Bohême, ni du placement de ses postes; qu'il fasse des expéditions pour avoir des prisonniers, tenir l'ennemi en haleine et l'inquiéter de toutes les manières; que je l'autorise même, si l'ennemi n'était pas en force, à pousser jusqu’à Mauthausen et Freystadt; que je lui recommande de fournir journellement 3,000 travailleurs bavarois pour la tête de pont, qu'il faut rendre inexpugnable; qu'il vous fasse savoir si la redoute à l'embouchure de l'Enns, vis-à-vis Mauthausen, est com­mencée; qu'il envoie des rapports sur tout cela et sur la situation du pays de Salzburg, sur lequel nous sommes sans nouvelles.


Schönbrunn, 17 juin 1809,

A Alexandre, prince de Neuchâtel, major général de l’armée d’Allemagne, à Schönbrunn

Le major général renverra cette lettre (lettre non retrouvée) au duc de Ragusc, en lui demandant s'il est vrai qu'il ait abandonné 400 blessés au milieu de la Croatie.


Schönbrunn, 17 juin 1809, quatre heures après midi.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kittsee

Mon Cousin, je suis fâché que les prisonniers faits par le vice-roi ne passent pas de votre côté ; ils auront passé par OEdenburg. Je suppose que le vice-roi aura laissé le général Lauriston vis-à-vis Raab. Il faut bombarder cette ville des deux côtes pour essayer de l'avoir. Je pense que vous pouvez rapprocher le général Gudin de vous, et que le bataillon hessois avec la cavalerie du général Lasalle sont (sic) suffisants pour surveiller les bords de la rivière et investir Raab. Faites votre affaire particulière de rétablir les ponts. Donnez ordre au général Lasalle de favoriser l'évacuation des blessés du vice-roi sur OEdenburg et Bruck, du côté de Vienne. Chargez votre ordonna­teur d'établir un hôpital à OEdenburg, afin que, si j'ordonnais un mouvement rétrograde de l'armée du vice-roi sur Vienne, rien ne l'embarrassât. Je vous enverrai ce soir plusieurs milliers de proclamations.

Envoyez-nous, par réquisition ou autrement, 2,000 bœufs, que vous prendrez depuis Raab jusqu'à la position que vous occupez. Si, à présent que vous vous êtes étendu et que votre cavalerie est en seconde ligne, vous pouvez nous envoyer aussi quelques milliers de quintaux de farine, ne manquez pas de le faire.

Je suppose que le général Lasalle aura placé des postes au confluent du Danube et de Wieselburg au Donau (sic), afin que rien ne puisse sortir de la place.


Schönbrunn, 17 juin 1809, quatre heures après midi.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönvö

Mon Fils, je reçois votre lettre du 16, que m'apporte l'officier d’état-major Fontenilles. J'y remarque deux omissions: 1° vous ne mettez point l'heure; 2° vous ne relatez point celle de mes lettres à laquelle vous répondez.

Je désirerais connaître les régiments auxquels appartiennent les prisonniers que vous avez faits, la route que vous leur avez fait tenir. Vous devriez les faire passer par chez le duc d'Auerstaedt.

J'apprends avec plaisir que les ponts sont établis sur la Raab; désormais c'est par là qu'il faut communiquer. Je vous ai écrit hier 16 à cinq heures du soir. J'insiste sur la nécessite de bombarder Raab jusqu'à ce qu'elle se rende ; mais il était naturel que le commandant ne se rendît que lorsqu'il saurait que les princes étaient battus et en fuite. Il faut lui envoyer un parlementaire pour lui faire part de ce qui se passe et le rendre responsable des malheurs auxquels il exposerait une si grande ville et sa nombreuse population, et après cela, commencer le bombardement des deux côtés.

Si l'ennemi a un pont à Komorn, j'espère que vous l'aurez abattu en lançant dessus des moulins et de grands bateaux chargés de pierres.

Hier à huit heures du soir, le major général vous a écrit pour vous demander des renseignements sur Raab et sur le système de défense pratiqué tout autour; faites-en faire la reconnaissance. Je vous envoie les plans de Raab, de Komorn, tels qu'ils se sont trouvés au Dépôt de la guerre. Ces plans sont très anciens; depuis, Raab avait été négligée, et l'opinion était à Vienne qu'elle était en mauvais état. Je suppose que vous avez laissé Lauriston vis-à-vis Raab; envoyez-lui ce plan, il peut être bon à quelque chose.

Faites évacuer vos blessés sur Bruck, chemin de Vienne, et sur OEdenburg, de sorte que vous puissiez, si cela est nécessaire, vous reporter sur Vienne à grandes marches sans rien laisser derrière vous. Si vous avez quelques embarras ou des caissons non attelés, faites­ les passer du côté de Bruck. Envoyez les caissons vides de votre parc pour les remplir. Faites donner les deux pièces de canon que vous avez prises au régiment qui s'est le plus distingué, et qui les attellera et s'en servira avec une escouade de canonniers volontaires.

Comme l'officier qui a apporté hier votre lettre est parti hier à deux heures après midi et qu'il est actuellement quatre heures, qu'il est ainsi resté vingt-six heures en route, que je suppose que vous m'aurez écrit hier soir, et que je dois recevoir une lettre de vous dans la journée, je ne vous donne aucune instruction. Répandez à force par des partis les proclamations aux Hongrois que je vous envoie, et tâchez d'avoir des nouvelles. Si Raab se défend longtemps, assurez vos ponts et votre passage par une tête de pont. J'ai ordonné au duc d'Auerstaedt de vous envoyer des pontonniers et des marins, pour qu'on construise deux beaux ponts.


Schönbrunn, 17 juin 1809

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie

Mon Fils, j’envoie le général Caffarelli en Italie pour prendre le commandement supérieur de toutes les troupes qui se trouvent dans le royaume et pourvoir à la sûreté des provinces et des places. Je le charge de presser la réunion et l’organisation de tous les détachements qui doivent partir des dépôts, qui doivent se former à Osoppo et de là rejoindre les bataillons de guerre. Il vous rendra des comptes, comme au commandant en chef de mon armée d’Italie.

 

(Eugène)


Schönbrunn, 17 juin 1809.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie,

Mon Fils, vous trouverez ci-joint le rapport que me fait mon officier d’ordonnance. Ces 80 caissons arrivent aujourd’hui, 17, devant Presbourg. Je suppose que vous avez déjà fait filer vos caissons vides à leur rencontre, afin de charger les munitions. Ne laissez toucher à aucun caisson, à aucun cheval, à  aucun homme, vu qu’ils appartiennent à d’autres corps ; vous devez seulement prendre les munitions.

 

Prenez des mesures efficaces pour faire faire des ponts sur la Raab afin d’avoir votre communication directe.

 

(Eugène)


Schönbrunn, 17 juin 1809

Au général comte Lariboisière, commandant l’artillerie de l’armée d’Allemagne, à Vienne

Monsieur le général de Lariboisière , on me rend compte qu'il n'y a point d'artillerie en batterie à Passau. Ordonnez que l'on en envoie d'Augsbourg et d'Ingolstadt, et de la tête de pont de Rain, où il y en a, je crois, six pièces. Ordonnez, en attendant, que l'on place, en les prenant à la citadelle de Passau, deux pièces de canon dans chacun des ouvrages avancés de la droite de l'Inn, total, six pièces; trois dans l'ouvrage sur les hauteurs de l'enceinte, six autour de la ville, trois dans l'ouvrage en avant de Passau; total général, dix-huit pièces. Cela sera bien faible, mais au moins cela mettra les ouvrages à l'abri de la cavalerie et des landwehr. Faites-moi connaître avec un plan quel doit être l'armement de cette place, le per­sonnel et le matériel d'artillerie qu'il y a, et ce que je puis espérer si cette place était attaquée. La division alliée et les dépôts de cavalerie qui sont là n'ont aucune artillerie; s'il n'y en avait pas de disposée dans les ouvrages, ils ne pourraient pas se défendre contre une attaque. II y a aussi à Straubing six pièces de canon, faites-les venir à Passau.


Schönbrunn, 17 juin 1809.

A Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, commandant le 10e corps de l’armée d’Allemagne, à Cassel

Mon Frère, je n'ai point de nouvelles de la prise de Stralsund, ni de Schill. Je suppose que vos courriers auront été interceptés.

Je vous ai mandé, et vous l'aurez probablement fait, de réunir la division Gratien soit sur Magdeburg, soit sur Wittenberg, afin de vous trouver à même de fortifier, s'il est nécessaire, le roi de Saxe. La division hollandaise a deux compagnies d'artillerie légère; elle en a, je crois, une de trop. Si cela est, envoyez-en une à Passau. J'ai formé un corps d'observation dans le haut Palatinat sous le commandement du général Bourcier. Un régiment de cavalerie qui est à Ratisbonne, et qui fait partie de ce petit corps, doit patrouiller dans le haut Palatinat. Les Autrichiens menacent sur toute la ligne de faire des invasions sur les derrières; déjà les seules gardes nationales ba­varoises sont égorgées dans leurs postes; ils annoncent partout de 7 à 8,000 hommes; le fait est que ce sont des partis qui ne tiennent pas. L'ordre du jour ci-joint vous fera connaître de quelle manière la droite de mon armée a célébré l'anniversaire de Marengo (ordre du jour relatant la victoire de Raab).


Schönbrunn, 17 juin 1809.

Au général comte Caffarelli, ministre de la guerre du royaume d’Italie, à Schönbrunn

Monsieur le Général Comte Caffarelli, vous partirez sans délai pour l'Italie. Vous prendrez les dépêches de M. de Champagny, que vous ferez partir par mer pour la Bosnie. Arrivé en Italie, vous expé­dierez par un courrier la lettre ci-jointe au roi de Naples. Les troupes qui sont dans les Etats du Pape font partie de mon armée de Naples. Vous prendrez le commandement supérieur des autres troupes qui sont en Italie, et vous pourvoirez à la sûreté de mes provinces et de mes places d'Italie. Vous aurez soin que les généraux qui commandent à Venise et dans le Frioul vous écrivent, et vous prendrez des mesures selon les circonstances. Lemarois va se rendre à Osoppo pour mettre en ordre et organiser en colonnes les détachements qui doi­vent s'y réunir, pour de là venir renforcer les corps qui sont à l'armée. Si quelque événement rendait nécessaire la présence de quelques forces en Italie, vous vous concerterez avec le prince Borghèse, gouverneur général du Piémont, qui a quelques troupes à sa disposition. Ecrivez exactement au ministre de la guerre en France pour l'instruire de ce qui se passe. Ecrivez aussi au vice-roi, qui conserve le commandement général de mon armée d'Italie.

Du 25 juin au 2 juillet, 4,000 hommes d'infanterie et 1,000 hommes de cavalerie doivent être réunis à Osoppo. Donnez ordre que cette colonne soit mise en ordre et, après qu'elle sera bien organisée, se dirige par Klagenfurt pour rejoindre l'armée en marchant toujours réunie et bivouaquant tous les soirs, comme en temps de guerre.


Schönbrunn, 17 juin 1809.

A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples

Je reçois la lettre de Votre Majesté, du 8 juin. Vous aurez appris dans ce moment la mort de Lannes et de Saint-Hilaire. Durosnel et Fouler (Albert-Louis-Emmanuel de Fouler, 1769 – 1831) ont été faits prisonniers dans des charges très-éloignées.

Je désirerais beaucoup que vous fussiez près de moi. Mais dans ces circonstances il est convenable que vous ne vous éloigniez pas de Naples. A une autre campagne, lorsque les choses seront tout à fait assises de votre côté, il sera possible de vous appeler à l'armée.

Vous aurez vu par mes décrets que j'ai fait beaucoup de bien au Pape; mais c'est à condition qu'il se tiendra tranquille. S'il veut faire une réunion de cabaleurs, tels que le cardinal Pacca, il n'en faut rien souffrir et agir à Rome comme j'agirais envers le cardinal-archevêque de Paris. J'ai voulu vous donner cette explication. On doit parler au Pape clair, et ne souffrir aucune espèce de conteste. Les commissions militaires doivent faire justice des moines et agents qui se porteraient à des excès.

Une des premières mesures de la Consulte doit être de supprimer l'Inquisition.


Schönbrunn, 18 juin 1809, neuf heures du malin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö (aujourd’hui Gönyü, sur la route entre Györ et Komaron – 12.000 fantassins se trouvent autour de ce village, l’avant-garde s’installant à Acs, où se trouve, en fait, Eugène, au château du comte Zichy – source : F. Wöber) )

Mon Fils, l'officier de vos gardes d'honneur Frangipani, d'Udine, arrive et m'apporte votre lettre datée de Gönyö, à midi, sans indication du jour. Comme cet officier m'assure être parti hier à quatre heures après midi, j'en conclus que votre lettre est du 17. Je fais sur cette lettre la même observation que sur les autres. Par les renseignements que me donne votre officier, je suppose que mon officier d'ordonnance Chlapowski (Désiré Chlapowdki, 1788 – 1879, officier polonais au service de la France), parti d'ici le 16 à cinq heures après midi, vous était arrivé. Il est bien important de commencer toujours vos lettres par m'accuser la réception de celles auxquelles vous répondez.

Je vous ai fait écrire ce matin par le major général que votre prin­cipale route était par Raab, Abda, passant là la Rabnitz, Wieselburg, Bruck (Bruck an der Mur) et Vienne; que c'est par là qu'il faut diriger vos blessés et tous vos embarras; que vous devez envoyer quelqu'un commander à Bruck, pour vous servir de poste intermédiaire et vous instruire. Vous pouvez également, ayant besoin de communiquer avec OEden­burg, passer par Arpas, Egyed, Kapuvar, Szent-Miklos et OEdenburg; mais il faut tout à fait abandonner la route de Szany et Papa, qui est indéfendable, ainsi que toute autre communication avec Graz que celle par Neunkirchen, OEdenburg, et de là sur vous. Dans toute opération, le premier soin est de bien établir sa ligne. Vous avez fait une faute en envoyant vos prisonniers par l'ancienne route; il y avait à parier un contre vingt qu'ils seraient délivrés (ils ont en effet été repris le 16 juin, près de Sárvár, sur la route d’OEdenburg). Il faut dé­sormais les faire passer par la route directe. Il fallait surtout faire passer par cette route les généraux et quelques officiers prisonniers, en les faisant voyager en poste et en toute diligence.

Voici la note des lettres que j'ai reçues de vous depuis le 15; si vous m'en avez écrit d'antres, je ne les ai pas reçues. S'il y avait des lettres perdues, envoyez-m'en des copies. J'ignore donc si l'ennemi a un pont à Komorn, et s'il a pu passer sur la rive gauche.

Il n'y a pas de difficulté que vous vous appuyiez sur Raab, car c'est par Bruck que vous devez venir sur Vienne, et non par Papa. Je crois vous avoir mandé de faire jeter un pont sur la Rabnitz, et de faire construire une tête de pont sur la Raab. Je vous ai aussi recommandé d'envoyer vos caissons vides, aussitôt que le pont sera terminé, sur la direction du duc d'Auerstaedt; si vous les aviez dirigés par votre ancienne route, ce serait un grand malheur. La chose importante aujourd'hui est de prendre Raab et de disperser les 5,000 hommes qui sont sur vos flancs, en continuant d'éclairer Komorn, de faire des ponts sur la Raab, afin que le duc d'Auerstaedt puisse venir à votre secours, s'il était nécessaire, et vous-même pas­ser de l'autre côté de la Raab aussitôt que j'en aurai besoin. Je n'ai point d'autres instructions générales à vous donner : culbuter le pont de Komorn, battre le pays et répandre un grand nombre de proclamations, prendre Raab, avoir des ponts pour votre communication avec Vienne, envoyer des partis sur votre droite et tâcher de culbuter les 5,000 hommes. Quant au pays à garder, évacuez vos blesses sur OEdenburg, par la route la plus près de vous, et sur Bruck. Il y a même une route qui va de Raab à OEdenburg, que vous pouvez prendre, et qui part des faubourgs de Raab par la rive gauche de la Raab; cela vous évitera de descendre jusqu'à Abda. Toutefois il faut avoir des postes, et vous maintenir maître et à l'abri de tout événement jusque-là.


P. S. J'ai envoyé le général Vignolle (Martin Vignolle, 1763 – 1824) pour être employé auprès de vous en qualité de chef d'état-major. Le général Charpentier (Henri-François-Marie Charpentier, 1769 – 1831) ne donne pas de ses nouvelles et ne prend pas les mesures qui regardent l'état- major. Vous pouvez le garder comme inspecteur, ou sous tout autre titre. Faites lever toute la Raab.

Metternich part d'ici aujourd'hui à midi et couche à Bruck; le 19 il couchera à Altenburg, Vous ferez connaître aux avant-postes qu'il est arrivé avec sa légation pour être échangé, selon ce qui a été convenu entre les deux états-majors, et vous demanderez si l'on a fait venir mon chargé d'affaires Dodun avec les personnes qui composent la légation française. M. de Metternich restera à Altenburg jusqu'à ce qu'on vous ait répondu ; et, lorsque Dodun sera arrivé aux avant­ postes, l’échange se fera en règle, selon les instructions données à l'officier d'état-major qui en est chargé. Vous ferez partir immédiatement Dodun pour venir en toute diligence me rendre compte de ce qu'il peut savoir. J'ai ordonné que de Neustadt on m'envoyât les courriers qui vous sont adressés. J'ai ouvert plusieurs paquets pour savoir ce qu'il y avait de nouveau en Italie.

Je vous ai mandé que j'avais envoyé Caffarelli en Italie pour commander les troupes et, en cas d'événements imprévus, prendre les mesures nécessaires. J'ai écrit à Graz et à Marmont, je n'en ai point de nouvelles.


Schönbrunn, 18 juin 1809, midi.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö

Mon Fils, le chef d'escadron Devaux arrive aujourd'hui 18 à midi; il m'apporte votre lettre du 16 à dix heures du soir. Il m'assure qu'il n'est parti que le 17 au matin. Pourquoi le général Charpentier retarde-t-il ainsi vos dépêches ?

Vous aurez vu par mes dernières lettres que mon intention était que vous prissiez Raab, et que vous établissiez votre communication d'une manière permanente avec le duc d'Auerstaedt. Déjà quelques mortiers et obusiers vous ont été envoyés. La prise de Raab est importante. Tous les renseignements font connaître qu'il n'y a pas plus de 1,000 à 1,200 hommes dans cette ville; ainsi elle ne peut pas être défendue. Voici les rapports du chef d'escadron Devaux. Il a été pour passer à Gyirmoth, et il n'y avait pas de pont. Si le général Charpentier l'eût bien dirigé, il l'eût dirigé sur les faubourgs de Raab, où il eût passé au pont que fait construire le général Lasalle. N'ayant pas trouvé de pont à Gyirmoth, il est descendu à Teth; il a passe par Bodonhely et par les villages de Pordany et de Pasztori, où il a rencontré un escadron du 3e de chasseurs, qui lui a fait connaître qu'il ne pouvait pas passer à Kapuvár. Cet escadron observait 3 ou 400 insurgés, qui, à ce qu'il paraît, étaient coupés. Il a donc passé par Csorna, Szent-Janos, est descendu à Eszterhaz et de là a été à OEdenhurg. Marulaz n'avait sans doute pas encore reçu votre ordre. Je suppose que, lorsqu'il l'aura reçu, il se sera mis à la poursuite de cette colonne et vous en aura débarrassé, au moins sur la route directe qui conduit à OEdenburg. Les deux archiducs ayant passé Komorn, laissez des troupes pour conserver ce point, laissez des troupes sur votre droite pour corriger MM. les insurgés, et poussez vivement le siége de Raab. Faites un grand nombre de ponts sur cette petite rivière, de manière à avoir votre double communication d'OEdenburg à Raab, d'OEdenburg à Neunkirchen et de là en Italie, de Raab à Bruck et de Bruck à Vienne. Jetez à terre le pont de l'ennemi à Komorn. Chargez Lauriston de commander ce siége. Quant à Bude, il n'y a rien à faire : c'est une place forte; et Pest est de l'autre côté du Danube; il ne doit pas en être question. Ayez soin de chercher une bonne position pour couvrir le siége de Raab, et de vous éclairer très au loin. Je vous ai dit plusieurs fois, et je vous le répète, de diriger sur Bruck vos blessés, vos embarras, vos caissons vides, vos prisonniers, etc.

Nous n'avons point ici l'usage des parlementaires, il ne faut point en recevoir : cela n'est bon à rien dans votre position ; les lettres doivent être remises aux avant-postes de cavalerie. Ainsi, pour l'échange du sieur Dodun, il faut qu'aucun Autrichien ne dépasse les vedettes du général Montbrun. Si un trompette autrichien se pré­sente, un officier du général Montbrun doit aller à sa rencontre; mais je veux qu'aucun officier ni soldat français ne cause avec eux, honnis le général Montbrun ou l'officier qu'il désignera, et cela doit se faire hors la ligne de mes avant-postes. De même, si l'on a quelque chose à communiquer aux Autrichiens, il faut le faire remettre à leurs avant-postes.


P. S. J'écris au duc d'Auerstaedt de renforcer le bataillon hessois du général Lasalle par un ou deux bataillons du général Gudin, en attendant que vous ayez pu faire investir la place de tous côtés; mais en général je désire que le général Lauriston soit chargé de l'entier investissement; c'est le moyen d'avoir de l'ensemble et de l'ordre. Je laisserai la division Gudin en position de vous soutenir, jusqu'à ce que je sache si le pont de Komorn est détruit ou non et quel est le parti définitif que prend l'ennemi; mais je n'en désire pas moins que la division Gudin tout entière soit prête à se porter sur Vienne, sans qu'aucun détachement soit retenu. Il doit être facile d'avoir des nouvelles de la rive gauche, en se servant de barques et en enlevant quelques bourgmestres ou patrouilles ennemies.


Schönbrunn, 18 juin 1809, deux heures après midi.

Au maréchal Davout, duc d’Auerstaedt, commandant le 3e corps de l’armée d’Allemagne, à Kitsee

Mou Cousin, j'ai reçu votre lettre du 18 à quatre heures du matin.

L'intendant général vous envoie des commissaires et des employés pour que vous procuriez 2,000 bœufs el 2,000 quintaux de farine, indépendamment des 1,000 sacs de farine et des 1,000 sacs de blé que vous avez pris et que vous avez dirigés sur Vienne. Le vice-roi n'a ni pièces de 8 ni pièces de 4; tout ce qu'il a est du calibre de 3 et de 6, et les obusiers, de 24. La chose la plus importante, c'est d'établir des ponts sur la Raab, un dans l'île où est le général Piré, un près du faubourg de Raab, et cependant hors de la portée du canon de la place, et un autre plus loin. La ligne d'opération du vice­ roi doit passer près de Raab et se diriger sur Bruck. Donnez ordre qu'on établisse des hôpitaux dans cette place. Vous-même évacuez tous vos blessés et tous vos embarras, afin de pouvoir le plus promptement possible vous reporter sur Vienne, si les circonstances l'exigent. Une fois les ponts établis sur la Raab, il est nécessaire qu'on fasse le siége de la ville. De votre côté vous y emploierez les pièces de 12 et les obusiers que vous avez. Le vice-roi emploiera de son côté ce qu'il aura, et son armée prendra une bonne position près de Raab pour protéger le siège de la place. Mon intention est que le vice-roi resserre la place des deux côtés avec ses troupes; mais, pour qu'il n'y ait aucune lacune, il est convenable que vous fassiez soutenir le bataillon hessois par deux bataillons d'infanterie; cela ménagera la cavalerie du général Lasalle, qui est nécessaire sur la droite. Le général Piré a trop de deux régiments dans l'île, un suffît; l'autre pourrait repasser pour se réunir à la cavalerie du général Lasalle, qui alors disposerait de toute la brigade Bruyère pour l'envoyer sur la droite soutenir le général Marulaz, couper et prendre les partis d'insurgés qu'il peut y avoir de ce côté. Il paraît qu'un corps d'infanterie et de cavalerie de l'insurrection, probablement celui destiné à garder le camp retranché, aurait été pour tourner la gauche du vice-roi, et que, n'ayant pas pu rentrer ensuite dans la place, il s'est retiré sur Kapuvar, Szany et Papa. Il est bien nécessaire que la route de Raab par Szill, Kapuvar et OEdenburg soit protégée, et même qu'on tombe dessus ces insurgés du côte de Papa el qu'on tâche de les prendre. Le vice-roi a donné au général Marulaz, qui était à Téth, ordre de faire un mouvement pour cet objet; mais la brigade du général Bruyère sera très-utile pour appuyer ce mouvement.

Faîtes mettre une compagnie d'infanterie à Bruck, afin d'être bien sûr de ce poste.

Metternich part aujourd'hui à midi et se rend à Bruck; il couchera demain 19 à Altenburg, et attendra là des nouvelles du vice-roi et de l'arrivée du sieur Dodun aux avant-postes autrichiens.

Faîtes-moi connaître ce que c'est que le château de Kitsee. Combien faudrait-il d'hommes pour sa défense? Combien de jours pourrait-il tenir ?

En résumé, donnez ordre au général Lasalle de porter toute son attention à purger la droite, à jeter des ponts pour communiquer avec le vice-roi et à réunir tous les matériaux pour le siége.

J’approuve que le général Gudin reste là en réserve, et fournisse les renseignements nécessaires pour cerner la ville, en attendant que le vice-roi puisse y pourvoir.


Schönbrunn, 18 juin 1809, trois heures après midi.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö

Mon Fils, les bruits de Vienne sont que la consternation est à Bude et que tout déménage pour passer sur la rive gauche. Le prince de Teschen, qui était en Hongrie, s’est retiré du côté de la Silésie autrichienne. Le pont de Komorn est abattu, comme je l'espère, car, s’il n’a pas d’estacade, il est impossible qu'il résiste aux barques que vous y lancerez et surtout aux moulins, alors l'ennemi ne peut plus rien entreprendre sur vous. Vous pouvez laisser un corps d'observation pour observer Komorn et le tâter, en inondant la plaine de partis et de proclamations, en cantonnant vos troupes entre Komorn et Raab, en donnant tous vos soins à pousser vivement le siège de Raab, et ayant soin de faire cela insensiblement, sans que cela puisse paraître être un mouvement rétrograde. Vous aurez soin alors de chasser les partis d'infanterie ennemie qui seraient sur votre droite, par la voie des corps d'observation.


Schönbrunn, 18 juin 1809

Au comte Fouché, ministre de la police générale, à Paris

Je vous envoie un nouveau bulletin que l’on adresse au roi de Hollande. Tâchez d’en découvrir l’auteur et faîtes-le arrêter. C’est un homme animé du plus mauvais esprit et qui travaille à éloigner ce prince de la ligne de ses devoirs.

(Lecestre)


Schönbrunn, 19 juin 1809, neuf heures du matin

Mon Cousin, je reçois votre lettre. Vous ne me parlez plus des 2,000 quintaux de farine et de blé qu'il nous importe fort d'avoir. Veillez à ce que tous les caissons qui ont été envoyés au vice-roi reviennent promptement; sans quoi le parc de l'armée serait bientôt désorganisé. Ecrivez au général Lasalle de ne pas laisser les caissons passer la rivière; ceux du vice-roi peuvent venir à la rivière prendre les munitions.

Les ponts sont bien nécessaires.

Moyennant les trois pièces de 12 que vous avez fournies et les quatre de l'armée d'Italie, Lauriston doit en avoir sept. Je viens d'ordonner qu'on envoie d'ici quatre pièces de 18 et deux obusiers prussiens. J'ai ordonné que cela partît pour Ebersdorf, où cela sera relayé par les chevaux de l'artillerie du général Oudinot, qui de là iront à Hainburg, où ils seront relayés par vos chevaux; et que cela continue ainsi de relais en relais jusqu'à Raab pour arriver en deux on trois jours. Commandez ces relais. Tout porte à penser que, si on fait vite, Raab ne se défendra pas longtemps, et que, si vous placez vos relais, le secours de ces bouches à feu peut arriver demain ou après.


Schönbrunn, 19 juin 1809, dix heures du matin

Au général comte Lauriston, commandant les troupes détachées du 4e corps, au faubourg de Raab

Monsieur le Général Lauriston, je reçois votre lettre. Je vois que vous avez déjà trois pièces de 12; l'approvisionnement doit vous être arrivé. Demandez au vice-roi sept ou huit obusiers. Il me semble que le général Macdonald avait aussi deux pièces de 12. Cela augmenterait donc vos pièces. Je viens d'ordonner qu'on envoyât d'ici quatre pièces de 18 et deux obusiers prussiens. Cela marchera conti­nuellement, parce que cela prendra les relais de l'artillerie du duc d'Auerstaedt.

Il est bien important d'avoir la ville, mais il est encore plus important d'avoir deux ponts, un dans l'île du côté où est le général Piré et l'autre près du faubourg, mais hors de la portée du canon de la place.

Renvoyez sur-le-champ à Vienne vos deux obusiers hors de ser­vice; au parc on leur remettra le grain. Renvoyez également à Vienne vos caissons vides; on les remplira. Ecrivez au général Sor­bier pour que tous les caissons vides qu'il peut avoir soient aussi dirigés sur Vienne, où ils seront remplis. Faites faire des gabions et des saucissons. Je suppose que le général de l'artillerie de l'armée d'Italie vous aura fourni la valeur du personnel de deux compagnies et quelques officiers.

Je désire que vous m'écriviez deux fois par jour.

Je n'ai pas encore vu un seul prisonnier fait depuis le départ du prince Eugène.


Schönbrunn, 19 juin 1809, dix heures du matin.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö

Mon Fils, le projet que vous me présentez de passer sur la rive gauche du Danube vis-à-vis la position où vous êtes est un projet impraticable. Je n'entrerais dans aucun détail, si je n'étais persuadé que vous lisez mes lettres avec attention et que vous profitez de tout cela pour votre instruction. Il y a de l'endroit où vous êtes à Vienne six marches de troupes. Si j'avais un pont dans cette position où vous vous trouvez, je ne pourrais pas y passer le Danube; car, pendant que je passerais, le prince Charles, avec la grande armée autrichienne, passerait le fleuve derrière moi, à Vienne. En deux jours il aurait fait un pont. Or Raab ne vaut pas Vienne; mon centre et ma ligne de communication seraient bouleversés, et je me trouverais dans une fâcheuse position. Si je voulais passer le Danube à une si grande distance de Vienne, qui m'empêcherait de le passer à Linz, où j'ai un superbe pont et où je me trouverais dans une position bien différente, car je couvrirais mes derrières et je n'aurais rien à craindre devant moi, puisque les rivières de la Traun et de l'Enns couvriraient Linz ? Ainsi je ne voudrais pas passer dans la position que vous m'indiquez, quand même j'y aurais un pont de  pierre. Actuellement, comment songer à passer en avant de Raab, n'ayant rien sur notre droite qui nous couvre de Bude et de toute la Hongrie, et qui garantisse ma ligne de communication de l'endroit où vous êtes avec Vienne? Car vous n'avez de ce côté aucune position. Mais, en supposant que je passe sur la rive gauche, où mar­cher ensuite ? Contre la grande armée autrichienne b? Je ne la trouverai plus; elle sera sur la rive droite, se sera rendue maîtresse de Vienne, et, d'accord avec les Hongrois de Bude, viendra attaquer ma tête de pont de la rive droite; et d'ailleurs il me faudrait un autre corps pour tenir en observation du côté de Komorn, ce qui serait un immense et terrible inconvénient. Le projet que vous présentez est donc fondé sur un faux raisonnement, car passer le Danube n'est rien. J'ai un pont à Passau, j'en ai un à Linz. Si on voulait jeter un pont sur la rive gauche de votre côté, il faudrait faire celte opération au-dessus de Raab, afin d'être protégé par cette ville qu'on supposerait occupée par nous. Jusqu'ici j'ai supposé que j'avais un pont de pierre dans la position que vous m'indiquez, mais je ne pourrais y avoir qu'un pont de bateaux, qui serait bientôt détruit par l'ennemi, comme l'ont été ceux de Vienne; il faudrait donc y établir une estacade. J'en ai une enfin; mais voilà quinze jours qu'on y travaille. Vous croyez que le Danube vis-à-vis la position où vous êtes n'est pas large: Vous vous trompez; il doit avoir deux cent soixante toises au moins, et n'a qu'un seul courant, par conséquent très­ rapide. A la position d'Ebersdorf, j'ai aujourd'hui un pont sur pilotis, où trois voitures de front peuvent passer, et qui est aussi solide qu'un pont de pierre; j'ai donc des ponts, où toute mon armée peut déboucher sur trois colonnes en huit heures et manœuvrer sur les deux rives. Enfin j'ai deux superbes têtes de pont sur l'une et l'autre rive, qui me permettent également ces manœuvres.

Il faut tâcher d'avoir quelques bateaux, pour enlever sur la rive gauche quelques postes ennemis et quelques bourgmestres, qui vous donneront des nouvelles. Je crois cela très à propos. Votre seul but désormais doit être : 1° de faire croire que vous allez à Bude et que vous n'attendez que votre artillerie de siége pour vous y porter; 2° d'inonder la Hongrie des proclamations aux Hongrois et des autres écrits publiés à Vienne; 3° de prendre Raab ; 4° de bien assurer, en attendant la reddition de cette ville, votre retraite derrière la rivière de Raab, en cas de bataille; 5° de vous défaire de tous vos embarras et d'évacuer tous vos blessés sur Vienne; 6° de rappeler toutes les garnisons, commandants et hôpitaux que vous avez sur diffé­rentes lignes, pour ne garder que ceux de la ligne de Raab à OEdenburg par Kapuvár, et ceux de la ligne de Raab à Bruck. Enfin ne conservez aucun embarras, car, aussitôt que Raab sera pris, et même sans attendre cette circonstance, je puis vous ordonner de venir à grandes journées sur Ebersdorf, et vous sentez que pour cela il faut que vous soyez allégé de tous vos embarras.


Schönbrunn, 19 juin 1809.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö

Mon Fils, comme vous ne répondez pas à tous les articles de mes lettres, je prends le parti de mettre les titres à la marge, afin que vous m'y répondiez article par article.

Prisonniers. On n'a pas encore vu à OEdenburg un seul de vos prisonniers. Cependant les 400 que vous avez faits du côté de Körmönd devraient y être arrivés depuis longtemps. L'état-major, ici, n'a pas encore le nom des régiments auxquels vos prisonniers appartiennent. Votre chef d'état-major ne fait rien; j'espère que le nouveau fera mieux. Je crains qu'on n'ait dirigé ces prisonniers droit sur Graz; si cela était ainsi, non-seulement ces prisonniers seront délivrés, mais même leur escorte sera faite prisonnière. En général, quand on fait des prisonniers, on envoie les principaux officiers, en poste et successivement, au quartier général, pour avoir des nouvelles, et on ne les fait point marcher avec les troupes. S'il arrive qu'ils soient délivrés, les corps se trouvent en un moment réorganisés. Le général que vous avez fait prisonnier aurait dû être au quartier général vingt-quatre heures après la bataille.

Ligne d'opération. Votre ligne d'opération n'est point raisonnée; vous êtes parti d'OEdenburg, et vous avez manœuvré selon les circonstances pour arriver à l'ennemi. Votre première ligne est une ligne qui doit être effacée. Donnez ordre que les garnisons et les comman­dants de place qui se trouvent de Raab à Graz, d'OEdenburg à Körmönd, de Papa à Graz, rejoignent le quartier général, et qu'il n'y reste pas un seul Français. Ce sera, à la longue, des hommes qui seront perdus. Organisez la ligne de Raab à OEdenburg, en se rapprochant le plus possible du Danube; je crois que la route par Kapuvár est celle qui en est le plus près. Organisez également votre ligne de Raab à Bruck, et de Bruck sur Vienne; pour celle-là, il faut être bien sûr de vos ponts sur la Raab et les faire promptement terminer. Envoyez des ingénieurs géographes en faire le tracé, relever la population, et faire une reconnaissance en règle.

Blessés. On ne connaît pas la direction que vous avez donnée à vos blessés. Si tous ces gens-là ont passé par la ligne par laquelle vous êtes venu, les trois quarts sont perdus. Il faut donc avoir soin de les évacuer par votre nouvelle ligne. Il faut que votre chef d'état- major n'ait jamais fait la guerre.

La ligne d'opération ne peut jamais être celle par où on a marché, puisqu'on a marché selon les événements. C'est là le premier soin d'un général. Je réitère qu'on ne vous envoie de Graz ni d'ailleurs aucun homme isolé, el qu'on réunisse tout en fortes colonnes. Faute de ces précautions, on fait en détail d'immenses pertes, et les armées se fondent.

Parc d'artillerie. Vous avez des convois d'artillerie à Neustadt.

S'ils ne se sont pas arrêtes à OEdenburg, et de là ne sont pas passés par la bonne route, ils seront tombés au pouvoir de l'ennemi. Vous ne m'avez pas fait connaître par où les caissons vides se sont dirigés. Je vous ai envoyé cent caissons de munitions; comme ces caissons appartiennent aux corps d'armée, je suppose que vos caissons seront venus à la rencontre de ceux-ci sur les bords de la Raab et auront chargé les munitions que portent ces caissons, qui seront revenus sur leurs pas. Faites partir tous vos caissons vides pour Vienne; envoyez-m'en la note, et j'enverrai à leur rencontre pour leur épar­gner la moitié du chemin. Veillez à ce que le général Sorbier ne garde rien de ce matériel; il doit prendre les munitions et voilà tout. Je trouverais très-mauvais qu'on gardât un caisson, un cheval ou un homme.

Siége de Raab. Vous devez avoir quatre pièces de 12; je vous ai envoyé des munitions; le duc d'Auerstaedt vous en a envoyé trois; cela fait sept. Le duc d'Auerstaedt a envoyé au général Lauriston deux mortiers et six obusiers ; envoyez-lui des officiers et des canonniers de votre corps d'armée. Je lui envoie quatre pièces de 18 et deux obusiers prussiens, afin de réduire promptement cette place.


Schönbrunn, 19 juin 1809, midi.

Au général Marmont, duc de Raguse, commandant l’armée de Dalmatie, à Cilli

Je vous ai envoyé plusieurs fois, Général, l'ordre de marcher sur Graz, et, à la distance où vous êtes, vous n'auriez pas besoin de cet ordre pour agir. L'Empereur trouve que vous avez fait une faute en laissant intercepter la communication avec Graz; car, le 18, les avant-postes du général Broussier ont été attaqués, et nous ignorons ce qui se sera passé. Toutefois, Général, l'intention de l'Empereur est que vous marchiez sans délai sur Graz et que vous culbutiez les corps de Gyulai et de Chasteler, qui y sont. Si le général Broussier est obligé d'évacuer Graz, son instruction lui prescrit de se retirer sur Bruck. Sa Majesté est étonnée que vous restiez tranquille, que je ne reçoive pas chaque jour un officier de votre armée avec des nouvelles, quand les plus grandes choses vont se décider, et que vous avez sous vos ordres le meilleur corps d'armée. Vous devez sentir, Général, qu'à la distance où vous êtes, et avec votre grade, ce n'est pas un ordre littéral qui doit vous faire mouvoir, mais la masse des événements.


Schönbrunn, 19 juin 1809, deux heures après midi.

A Eugène Napoléon, vice-roi d’Italie, à Gönyö

Mon Fils, ne donnez plus désormais aucun ordre ni en Carinthie ni en Styrie, hormis pour les détails relatifs à vos approvisionnements. Le général Broussier vient d'être attaqué. Je ne sais en vérité ce que fait le général Marmont. Le général Broussier avait ordre de faire retraite de votre côté; je lui envoie l'ordre, s'il était forcé, de se retirer sur Bruck. Tout cela vient de ce que Broussier, Rusca et Marmont ne rendent pas compte à l'état-major général. Je réitère l'ordre de ne rien laisser passer en Hongrie de Graz, puisque votre route doit être de Graz sur Bruck, Neunkirchen et OEdenburg. Réitérez cet ordre, organisez votre ligne comme je vous l'ai ordonné dans mes dépêches antérieures.


Schönbrunn, 19 juin 1809

Au général comte Miollis, gouverneur général, président de la Consulte, à Rome

Je vous ai confié le soin de maintenir la tranquillité dans mes États de Rome. Vous ne devez souffrir aucun obstacle. Vous devez traduire devant une commission militaire tout individu qui se porterait à un acte contraire à la sûreté de l’armée ; vous devez faire arrêter, même dans la maison du Pape, tous ceux qui trameraient contre la tranquillité publique et la sûreté de mes soldats. Un prêtre abuse de son caractère et mérite moins d'indulgence qu'un autre lorsqu’il prêche la guerre et la désobéissance à la puissance temporelle, et lorsqu'il sacrifie le spirituel aux intérêts de ce monde, que l'Évangile dit n'être pas le sien.


Schönbrunn, 19 juin 1809.

A Joachim Napoléon, roi des Deux-Siciles, à Naples

Je vous expédie votre aide de camp. Il vous portera la nouvelle de la bataille que le prince Eugène vient de gagner sur l'archiduc Jean et l'archiduc palatin réunis, le jour anniversaire de la bataille de Marengo.

Je vous ai écrit par Caffarelli, qui est parti le 17 d'ici; à son arrivée en Italie, il vous aura expédié mes dépêches par un courrier.

Je vous ai fait connaître que mon intention était que les affaires de Rome fussent conduites vivement, et qu'on ne ménageât aucune espèce de résistance. Aucun asile ne doit être respecté, si on ne se soumet pas à mon décret ; et, sous quelque prétexte que ce soit, on ne doit souffrir aucune résistance. Si le Pape, contre l'esprit de son état et de l’Évangile, prêche la révolte et veut se servir de l’immunité de sa maison pour faire imprimer des circulaires, on doit l’arrêter. Le temps de ces scènes est passé. Philippe le Bel fit arrêter Boniface, et Charles-Quint tint longtemps en prison Clément VII; et ceux-là avaient fait encore moins. Un prêtre qui prêche aux puis­sances temporelles la discorde et la guerre, au lieu de la paix, abuse de son caractère.


Schönbrunn, 19 juin 1809

 

Au contre-amiral Decrès, ministre de la marine, à Paris

 

Monsieur Decrès, comme il faut tenir au complet le bataillon de la flottille qui est ici, faites partir une compagnie de marche de 100 hommes, pris dans les différents ports, mais tous vrais marins, car je ne dois pas vous dissimuler que ce bataillon ne fait pas grand honneur à la marine; cependant les officiers sont bons, et le bataillon a été utile: mais sur 1,000 de ces hommes, il n'y en a pas la moitié qui vaille nos pontonniers. Envoyez-nous donc de bons marins. Envoyez-nous également 100 hommes tirés des ouvriers de la marine, pour compléter le travail­ des ouvriers. Prenez-les où vous voudrez, et envoyez-nous de bons ouvriers et surtout des charpentiers calfats. Ce bataillon rendrait de grands services; mais il n'y a pas assez de charpentiers calfats. Voyez aussi où se trouve ma compagnie des marins de la garde. S'il y avait de mes anciens marins de la garde de plus que n'en comporte la formation de la compagnie, faites­ les néanmoins partir, et concertez-vous avec le ministre de la guerre pour qu'ils rejoignent en poste. J'aime mieux 100 hommes comme ceux­ là que tous vos bataillons de marine.

 

(Decrès)


Schönbrunn, 19 juin 1809

 

A l’Impératrice, à Plombières

 

Je t’expédie un page pour t’annoncer que, le 14, anniversaire de Marengo, Eugène a gagné une bataille contre l’archiduc Jean et l’archiduc Palatin, à Raab, en Hongrie ; qu’il  leur a pris 3 mille hommes, plusieurs pièces de canon, quatre drapeaux, et les a poursuivis fort loin sur le chemin de Bude

 

(Joséphine)


Schönbrunn, 19 juin 1809

 

A l’Impératrice, à Plombières

 

Je reçois ta lettre, où tu m’annonces ton départ pour Plombières. Je vois ce voyage avec plaisir, parce que j’espère qu’il te fera du bien.

 

Eugène est en Hongrie, et se porte bien.

 

Ma santé est fort bonne, et l’armée en bon état.

 

Je suis bien aise de savoir le grand duc de Berg avec toi.

 

Adieu, mon amie ; tu connais mes sentiments pourJoséphine ; ils sont invatiables.

 

Tout à toi.

 

(Joséphine)

 

(On peut se demander pourquoi ces deux lettres ne figurent pas dans l’édition Napoléon III....)


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